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Les invisibles

# 32 Sonia, le trouble anxieux généralisé et le trouble bipolaire

# 32 Sonia, le trouble anxieux généralisé et le trouble bipolaire

1h04 |27/05/2024|

990

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# 32 Sonia, le trouble anxieux généralisé et le trouble bipolaire

# 32 Sonia, le trouble anxieux généralisé et le trouble bipolaire

1h04 |27/05/2024|

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Description

Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé•e en psychiatrie
C’est exactement ce qui s’est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu’elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2.

Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé (TAG) depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des « peurs d’adultes » comme elle le décrit et ni l’adolescence ni l’âge adulte n’ont eu le mérite de les estomper.

Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises, notamment lorsqu’elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-meme et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d’un épisode maniaque ou d’une crise d’angoisse afin d‘éviter un passage à l’acte.

Sa connaissance de ses propres troubles l’ont amené à s’engager aux travers des réseaux sociaux et auprès  de l’association Suisse @stopsuicide parce que « aider les gens ça m’aide aussi » confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu’on a mangé la veille.

Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l’anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter Elle s’immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie.

Mais pour une anxieuse qui angoisse à l’idée de vivre sans anxiété elle a quand même appris à l’accepter et rien que pour ça son témoignage peut vraiment t’inspirer !


143 : @lamaintendue (CH)
147 : @projuventute (CH)
3114 : numéro national de prévention au suicide (FR)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé en psychiatrie. C'est exactement ce qui s'est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu'elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale, juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2. Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out. Mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des peurs d'adulte comme elle le décrit. Et ni l'adolescence ni l'âge adulte n'ont eu le mérite de les estomper. Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises. Notamment lorsqu'elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-même et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d'un épisode maniaque ou d'une crise d'angoisse afin d'éviter un passage à l'acte. Sa connaissance de ses propres troubles l'ont amené à s'engager au travers des réseaux sociaux et auprès de l'association suisse Stop Suicide. Parce que aider les gens, ça m'aide aussi, confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu'on a mangé la veille. Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l'anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter. Elle s'immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie. Mais pour une anxieuse qui angoisse à l'idée de vivre sans anxiété, elle a quand même appris à l'accepter. Rien que pour ça, son témoignage peut vraiment t'inspirer.

  • Speaker #2

    Hello Sonia !

  • Speaker #3

    Hello Tamara !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, merci. Et toi, ça va ?

  • Speaker #2

    Ça va juste bien. Il n'y a rien d'autre à dire. T'as météo du jour. Qu'est-ce qui se passe pour toi en ce moment ?

  • Speaker #3

    Je viens d'une journée de travail assez fatigante, mais sinon ça va. Je suis contente, il fait beau, donc que du positif.

  • Speaker #2

    Trop cool ! Toi, tu viens de Fribourg,

  • Speaker #3

    hein ? Exactement, je viens de Fribourg.

  • Speaker #2

    Jusqu'à Genève pour témoigner.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #2

    Je suis hyper chanceuse, du coup. Moi ça va, écoute, depuis deux jours il y a une légère amélioration dans mes troubles cognitifs et les différents symptômes. Par contre c'est une journée, je sais pas, tu sais c'est un peu ces moments d'effervescence, début juin, il y a plein d'appels à la fois, administratifs à gérer, enfin bref. Et puis du coup, vu que j'ai pris beaucoup de retard aussi ces derniers temps parce que j'avais beaucoup de symptômes forts dans ce que je faisais, Eh ben, j'ai un peu l'impression que je suis submergée et que je dois tout gérer depuis hier. Donc, c'est un peu intense,

  • Speaker #3

    disons. Ouais, ça, je comprends. Je comprends tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc, voilà. Donc, toi, Sonia, tu navigues avec deux troubles psy qui ont été diagnostiqués, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #3

    Tout à fait.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ces troubles psy ?

  • Speaker #3

    Alors, je souffre d'un trouble anxieux et d'un trouble bipolaire.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #2

    Et ils sont arrivés dans ta vie de manière... Progressif, par fracas ou en même temps ?

  • Speaker #3

    Alors je dirais que l'anxiété c'était progressif. J'ai toujours été une enfant hyper anxieuse, vraiment, à l'extrême. J'avais peur d'aller à l'école, j'avais peur des autres, j'avais peur de tout en fait. J'étais vraiment très peureuse, je m'inquiétais pour tout et rien. Je m'inquiétais pour des soucis d'adulte, tu sais. Je pensais à des choses que genre tu penses pas quand t'es enfant. Je m'inquiétais de la météo, s'il allait faire beau demain, s'il fait pas beau je m'habille comment. Tu vois ce genre de trucs, très très pénibles. Puis ça s'est empiré à l'adolescence avec beaucoup de crises d'angoisse. Il faut savoir que moi, c'était beaucoup physiquement mon anxiété, et c'est toujours le cas d'ailleurs. C'est-à-dire que ça va se manifester par des vertiges, des nausées, je vais transpirer, je vais me sentir super mal. Bref, le cœur qui bat aussi. Bref, c'est vraiment des symptômes physiques vraiment très très embêtants. Et en fait, le gros problème, c'est que ces symptômes physiques sont tellement chiants qu'en fait, t'en as peur. Et plus t'en as peur, plus ça vient. En fait, c'est des symptômes physiques de l'angoisse. C'est des crises d'angoisse. C'est rien de grave en soi. Mais quand t'es en pleine rue et que tu commences à avoir la nausée et qu'il y a plein de monde autour de toi, c'est vraiment angoissant comme situation. tu dis putain je me sens pas bien, je vais tomber dans les pommes, je vais faire un malaise en pleine rue, alors qu'en fait non tu vas pas tomber dans les pommes, c'est juste l'angoisse. Et ça, ça a rythmé beaucoup mon adolescence, ce qui fait que j'arrivais à un stade où j'avais peur d'aller à l'école, parce que j'avais peur de ça, et je me souviens que je me mettais toujours près des portes, parce qu'au cas où il fallait que je m'échappe, et je m'échappais très souvent. Donc pour moi c'était assez agréable d'être près de la porte, mais c'était pas du tout agréable de devoir toujours sortir de classe, et de me retrouver couchée par terre dans le couloir. finalement tout le monde s'inquiétait parce qu'il pensait que j'avais quelque chose de grave maintenant en fait c'était juste entre guillemets juste l'anxiété qui était là ça commençait comme ça après ça s'est manifesté différemment en grandissant à l'âge adulte à l'âge adulte il y avait toujours ces crises d'anxiété mais c'était plus de l'anxiété généralisée donc ça veut dire les inquiétudes permanentes, constantes sur absolument tous les sujets de ta vie c'est à dire que dès que je me lève le matin je vais penser à un truc qui va m'arriver dans la journée à mon train s'il a du retard je suis dans la merde C'est vraiment ça, toute la journée. Et je vais m'inquiéter pour tout, pour des performances, je vais avoir peur que les gens me regardent. C'est vraiment tout, en fait. C'est vraiment de l'anxiété globale qui me pourrit la vie. Je m'inquiète pour tout, vraiment, strictement pour tout. Même pour des petits trucs. Même pour des petits trucs à la con. c'est une source d'angoisse. Donc ça, c'est pour la partie anxiété. Pour la partie bipolarité, c'est venu, j'ai l'impression, un peu d'un coup. Genre, j'ai toujours été une personne très extrême dans mes émotions, dans mes humeurs, mais c'était vivable encore. Enfin, c'était difficile à vivre, mais ça ne m'handicapait pas au quotidien, ça ne m'empêchait pas d'étudier, ça ne m'empêchait pas de travailler. Au début, ça allait. Et le truc, c'est que j'ai fait des études supérieures et ça s'est vraiment empiré pendant mes études supérieures. Mais genre, du jour au lendemain, Je pense qu'en fait j'ai fait un burn-out à ce moment-là, je m'en suis pas rendu compte, et ce burn-out, il a débouché vers la bipolarité. C'est à partir de là vraiment que j'ai eu des symptômes de manie et de dépression, qui s'entrecoupaient par des phases plus stables, mais qui s'enchaînaient assez facilement on va dire.

  • Speaker #2

    Quand tu parles de manie, c'est vrai que la dépression, j'ai l'impression que la plupart des personnes savent à peu près de quoi on parle. De manie, est-ce que tu pourrais être un peu plus explicite ?

  • Speaker #3

    Oui, alors il y a deux types de manie, ça correspond à deux types de bipolarité. Il y a la manie pure, pour le type 1 de la bipolarité, et l'hypomanie, qui est là plutôt pour le type 2 de la bipolarité. La différence est très simple, manie symptôme pur, donc quelque chose de très extrême, hypomanie, hypo égale moins fort, donc c'est des symptômes de manie mais atténués. Typiquement une personne en phase de manie, elle peut par exemple enchaîner une semaine complète sans dormir, une personne en hypomanie, elle va peut-être faire des nuits de 3-4 heures et elle ne sera pas fatiguée, elle sera en pleine forme. Les symptômes sont les mêmes en soi, c'est juste une question d'intensité en fait. des symptômes, mais globalement, qu'est-ce que c'est une phase de manie slash hypomanie ? C'est une période durant laquelle la personne a énormément d'énergie. beaucoup d'énergie, elle est très logohérique, c'est-à-dire qu'elle va parler beaucoup et très vite souvent, elle aura beaucoup de projets, elle aura tendance à travailler énormément. Alors les symptômes sont propres à chacun, mais moi typiquement j'avais tendance à travailler beaucoup, et des fois la nuit, parce que j'avais tellement de projets, tellement d'idées en tête, qu'il fallait que je fasse tout de suite, c'est vraiment une impatience extrême, tout de suite, tout de suite, tout de suite, une irritabilité aussi, parce que forcément c'est logique, plus t'as d'énergie, plus t'es irritable. Et puis plus tu t'en prends à tes proches, et puis ça peut déboucher vers des disputes, c'est pas le côté positif, mais la personne bipolaire, quand elle vit un épisode de manie ou d'hypomanie, elle va se sentir très bien. Pour elle, ça va au début sembler être normal. Au début, moi, ça me semblait être normal. C'est juste plutôt mes proches qui m'ont tiré un peu la sonnette d'alarme en mode c'est bizarre là, comme ça me tombe Parce que je faisais des trucs vraiment bizarres. Je prenais des risques. Je ne suis pas quelqu'un qui prend des risques. Genre, je voulais rouler très vite en voiture, alors que j'ai assez peur de la voiture. Quand je dois conduire d'un point A à un point B, je suis toujours là hum, ouais, s'il m'arrive un truc et tout parce que je suis très anxieuse, comme je l'ai dit au début. Mais là, ouais, j'avais vraiment des symptômes comme ça. Puis ça a commencé un peu comme ça, puis après avec les années, ça s'est amplifié aussi. Malheureusement, parce que je n'ai pas consulté tout de suite.

  • Speaker #2

    Tu disais que quand tu as beaucoup d'énergie, tu es logiquement plus irritable. Moi, personnellement, je ne comprends pas cette cause à effet. Est-ce que tu peux nous l'expliquer ?

  • Speaker #3

    Dans mon cas, je dirais que plus j'ai d'énergie, ce n'est pas que je vais être plus irritable. Ça veut dire plutôt que les personnes de mon entourage vont être vraiment saoulées de mon comportement. elles vont me le faire remarquer, et à ce moment-là, je vais m'énerver. C'est plus dans ce sens-là. Parce que, voilà, sur le moment, je me sens tellement bien que je me dis, mais arrête de m'emmerder, je vais bien. Je vais bien. Enfin, voilà, c'est plus dans ce sens-là, l'irritabilité qui peut venir. Et puis comme je suis quelqu'un de tempérament assez, je dirais, impulsif, quand je suis dans des phases de manie ou d'hypomanie, ça va être trois fois pire. Ça veut dire que je pourrais me mettre en colère grave contre mes proches.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi ce que tu disais par rapport au fait que quand tu es dans ces phases-là, tu n'as pas l'impression d'être mal quelque part. Moi, j'ai une proche qui a mis vraiment des années et des années avant d'avoir le diagnostic du trouble bipolaire parce que cette personne, elle consultait seulement quand elle était dans les phases de dépression. Parce que dans les phases de manie, elle se disait que tout allait bien en fait, donc elle ne consultait pas à ce moment-là. Et j'avais vu une étude, alors je ne sais plus maintenant, je ne l'ai pas sous les yeux si c'était... environ, en moyenne, 7 à 9 ans avant de diagnostiquer une personne d'un trouble bipolaire parce que justement aussi, elle va consulter dans des moments où elle est très down. Mais dans ces moments-là, on ne voit pas forcément les phases de manie qui sont ensuite, soit qui précèdent, soit qui viennent par la suite. Et donc, on diagnostique plutôt une dépression en réalité. Est-ce que c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, sauf que la moyenne, c'est plutôt 10 ans. 10 ans de retard diagnostique, du coup, pour la bipolarité. En fait, ce qui est souvent déterminant, alors... Le problème, c'est plutôt dans le type 2 de la bipolarité, lorsqu'il y a des épisodes d'hypomanie. Parce que comme dit, les symptômes sont moins intenses et donc moins visibles. Les phases de manie standard en général elles sont vraiment visibles parce que la personne elle aura vraiment des comportements comme je donne un exemple courir tout nu dans la rue ça c'est hyper alertant comme symptôme et en général un proche il va appeler la police et puis à ce moment là la personne sera prise en charge ou elle aura des hallucinations ou elle va se mettre à acheter une voiture sur un coup de tête alors qu'elle n'a pas forcément les moyens voilà ça c'est la manie, la manie c'est facilement identifiable même par la personne en elle-même qui sent certainement qu'elle a un comportement pas normal. L'hypomanie, par contre, on ne peut pas le savoir si on ne connaît pas la bipolarité. Et très souvent... Ce qui va être déterminant pour le diagnostic, c'est la prise d'antidépresseur. C'est-à-dire que si tu donnes un antidépresseur à une personne bipolaire, tu as deux choix, deux alternatives. Ou plus, mais je ne connais que deux. La première, soit elle risque de faire un virage maniaque ou hypomaniaque. Donc ça veut dire, tu es en phase de dépression, tu donnes un antidépresseur, au bout de trois jours il fait effet, tu montes en flèche, tu fais une phase E. alors qu'un antidépresseur, normalement, il met 2-3 semaines, voire un mois à faire effet. Voilà, ça peut donner cet effet. Ou alors, ça peut empirer ta bipolarité, donc empirer tes phases de dépression, majorer le risque suicidaire, ou accélérer les cycles. Donc ça veut dire, tu peux avoir des phases qui s'enchaînent très très rapidement, une dépression qui est complètement empirée avec un risque suicidaire majoré, ou une personne qui fera des épisodes, des virages hypomaniaques ou maniaques. C'est vraiment, les antidépresseurs c'est ça qui va déterminer très souvent, dans la plupart des cas, si une personne elle est vraiment bipolaire ou pas.

  • Speaker #0

    Quand tu dis que ça peut accélérer les cycles, c'est-à-dire que vraiment tu peux passer d'une phase dépressive à maniaque, dépressive à maniaque, comme ça, ça s'enchaîne sur des jours, des heures, c'est comment ?

  • Speaker #1

    Ça dépend de chaque personne. Il y a les bipolarités à cycle court et les bipolarités à cycle long. À cycle court, ça veut dire que dans une année, la personne aura plus de quatre cycles. Donc phase maniaque ou dépression ou phase mixte. Les phases mixtes, c'est aussi un autre phénomène. Et puis les phases, donc les cycles longs, ça veut dire qu'elle en a moins que 4. Donc qu'elle en a peut-être 2 par année. Ça dépend de chaque type de bipolarité, mais aujourd'hui les cycles courts, il y a même des personnes qui ont des phases qui s'enchaînent chaque jour, voire chaque heure. Ça c'est un autre type de bipolarité qui s'appelle la cyclotimie. avec des cycles extrêmement rapides. C'est aussi un type de bipolarité, mais on en parle un peu moins. Et moi, je ne suis pas concernée par ce type. Moi, j'ai vraiment plutôt la phase de dépression, hypomanie et stabilité. J'ai vraiment les trois phases. Je n'ai pas forcément des cycles rapides, mais je me souviens que lorsque j'étais sous antidépresseur, j'avais vraiment des phases tout le temps, sans phase de répit. Genre chaque semaine, une nouvelle phase. C'est très rapide quand même.

  • Speaker #0

    Pour la cyclotimie, personnellement, j'ai lu un livre incroyable qui est une BD qui s'appelle Goupiloufa. Je ne sais pas si tu la connais.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    Tu l'adores. On l'a lu avec ma meilleure amie et puis mon amoureux, les trois ensemble dans le canapé. Et on a trouvé ça incroyable. Et on s'est quelque part des fois identifiés sans qu'on soit là-dedans à certaines phases en fait. Ou des moments dans une journée où tu peux être très de bonne humeur, mettre la musique à fond, machin. Puis après, down parce que tu as eu une mauvaise nouvelle et tout ça. Alors évidemment, ce n'est pas la même chose. C'est la même chose quand on n'est pas touché par cette maladie, c'est des choses qui arrivent de temps en temps, alors que ça peut être très difficile dans un quotidien. Mais en tout cas, cette BD, elle est hyper bien représentative, j'ai l'impression, de ce trouble-là.

  • Speaker #1

    Je l'ai lue quand j'ai eu mon diagnostic et que j'avais un peu de peine à comprendre le fonctionnement de la maladie. J'ai fait énormément de recherches et aujourd'hui je suis assez instruite sur le sujet du coup. Et cette BD, j'ai tout compris quoi. Elle expliquait vraiment les trois types de bipolarité. Donc le type 1, elle identifie à un loup. Donc un loup qui est très sauvage et puis qui fait vraiment peur. Le type 2 a un chien. Un chien, c'est quand même plus gentil qu'un loup, mais voilà, ça peut quand même être un peu plus sauvage. Et puis la cyclotimie comme un renard. Donc ça veut dire plus gentil. Ça ne veut pas dire que c'est moins grave. Ça ne veut pas dire que le type 1, c'est hyper grave et que la cyclotimie, ce n'est pas grave du tout. Simplement qu'en fait, c'est les symptômes qui sont plus atténués. Mais le handicap... Il est le même pour tous. Et puis l'handicap, c'est surtout propre à chacun.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur les crises d'angoisse dont tu parlais, sur le fait que ça se manifestait de manière très physique. C'est intéressant parce qu'on est dans une époque où on nous dit de plus en plus qu'on ressent ça justement à travers le corps avant de le ressentir à travers le mental. Alors qu'on a souvent, enfin on a pendant une longue période cru que c'était plutôt l'inverse. qu'en fait, on avait certaines idées qui allaient avoir un impact sur le physique et on le voit de plus en plus, même la science, elle est en train de justement un petit peu retourner sa veste avec ça et de se dire non, non, non, c'est parce qu'il y a des capteurs physiques, des signes physiques qui vont aussi émettre des pensées qui vont être différentes. Et du coup, maintenant, il y a aussi de plus en plus de manières, d'outils pour agir sur l'anxiété qui vont être de passer plus par le corps plutôt que, soi-disant... contrôler les pensées comme on a souvent cru. Et je trouve intéressant parce que toi, tu le nommes vraiment comme quoi ça passe vraiment à la base par des sensations comme la transpiration, les vertiges, les nausées, tout ça, avant que ça se transforme en une pensée, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a deux types d'anxiété. Il y a l'anxiété paroxystique et il y a l'anxiété rampante. L'anxiété paroxystique, c'est la crise d'angoisse où il y aura vraiment plus de symptômes physiques. Et l'anxiété rampante, on la retrouve notamment dans l'anxiété généralisée. Avec les ruminations, les inquiétudes permanentes, constantes. Moi j'ai les deux types d'anxiété, mais c'est clair que l'anxiété paroxystique, avant toute chose une crise d'angoisse, c'est physique. C'est les symptômes physiques qui sont créés par le mental, certes, mais avant tout par le physique. Et on passe toujours... par d'abord calmer les symptômes physiques et après ça calme automatiquement plus le mental. C'est vrai que si tu es dans une crise d'angoisse et que tu commences à respirer correctement, tu te dis ok je m'allonge un moment, il ne peut rien m'arriver. C'est important de se dire il ne peut rien m'arriver parce qu'on est tout le temps en train de se dire il va m'arriver quelque chose de grave, je vais faire un malaise et tout. Ok je me couche, je ne vais pas faire un malaise, ça va aller très bien, je respire un bon coup et puis après ça va mieux. Et après ça va mieux, t'es toujours anxieux parce que ça toujours se font anxieux de refaire une crise, t'as toujours peur d'en refaire mais ça va mieux dès que tu calmes le physique. Moi c'est ce que j'ai appris aussi avec le temps.

  • Speaker #0

    C'est de calmer le corps ouais.

  • Speaker #1

    Ça marche bien ouais.

  • Speaker #0

    Ouais en tout cas justement on disait aussi, j'ai appris qu'il y a des personnes qui pouvaient avoir des crises d'angoisse parce que justement tout d'un coup sensoriellement, par exemple elle rentre dans une pièce et puis il y a une odeur. qu'elles reconnaissent, mais elles n'ont même pas le temps d'assimiler ça. Une odeur, une sensation d'humidité, quelque chose qui les ramène, par exemple, dans un ancien trauma ou quelque chose comme ça. Puis ça va créer une crise d'angoisse, alors que les pensées, jusqu'à là, étaient plutôt tranquilles. Mais tout d'un coup, physiquement, il y a des capteurs qui ont senti quelque chose avant que ça vienne au niveau mental.

  • Speaker #1

    Oui, la crise d'angoisse, c'est extrêmement brutal comme sensation. Ce n'est pas comme l'anxiété généralisée, où tu sais que toute la journée, tu es anxieux. et que t'es un peu sur le qui-vive et que tu te sens pas très bien, t'as un peu des inconforts intestinaux, t'as des nausées et tout, mais tu sais pas si t'es anxieux toute la journée. Mais alors les crises d'angoisse, c'est genre, bam ! C'est dingue ou c'est vraiment brutal. Et c'est ça vraiment le plus surprenant dans les crises en gosse, c'est que t'as l'impression vraiment sur le moment que tu ne contrôles mais plus rien. Et c'est clair que si tu laisses la crise comme ça, sans rien faire, tu ne contrôleras plus rien et ce sera même pire. Et c'est là tout le défi, c'est de trouver des astuces pour vraiment les calmer. Moi aujourd'hui j'en ai toujours, mais j'arrive vraiment à calmer plus l'intensité. C'est-à-dire qu'avant, Quand j'en faisais, j'étais à une échelle de peut-être 9 sur 10. Maintenant, ça va être du 6 sur 10 parce que je vais plus les maîtriser. Je vais me coucher. Des fois, le fait de dormir, ça aide. C'est con, mais ça aide. Des fois, le fait de marcher, ça aide. Moi, je vais souvent prendre des marches. Je respire quand il fait froid surtout. parce que l'air froid ça bouffe et l'air frais ça te calme il y a beaucoup de choses qui me calment quand je fais des crises d'angoisse du coup aujourd'hui j'en fais quand même relativement moins mais j'ai toujours cette anxiété rampante donc liée à mon trouble d'anxiété généralisé parce que dans les troubles anxieux t'as plusieurs troubles moi je suis concernée par le trouble panique et le trouble anxieux généralisé le trouble panique c'est les crises d'angoisse et avoir peur d'en refaire c'est un cercle vicieux horrible et l'anxiété généralisée comme je l'ai expliqué c'est les inquiétudes On sent permanente liée aussi à des symptômes physiques, mais qui sont là permanents. Alors que la crise d'angoisse, ça a des symptômes physiques brutaux d'un coup. Après 30 minutes, t'en as plus, ça va mieux. Tandis que quand t'es vraiment tout le temps angoissée, que c'est de manière généralisée, toute la journée, tu vas être un peu bizarre. Genre moi, j'ai tout le temps des nausées. Alors ça dépend, il y a des intensités, mais en général, j'ai tout le temps, 80% de ma journée, j'ai de la peine à manger parce que je me sens un peu nouée dans la gorge. Donc c'est pas très agréable.

  • Speaker #0

    Tu disais dormir c'est un de tes outils et tu disais c'est con, moi je pense vraiment pas, c'est physiologique, on en a besoin. Quand on voit par exemple les nouveaux parents quand ils sont pendant la première année, ils sont privés de sommeil avec leur enfant, comme ils peuvent devenir tout d'un coup très colériques, irritables, enfin ils n'arrivent plus à fonctionner normalement. Donc dormir ça semble assez logique. Tu demais aussi le fait de marcher. De nouveau, là, en fait, tu passes par des outils du corps.

  • Speaker #1

    Du corps, toujours. Quand c'est une crise d'angoisse, je ne peux pas faire calmer par le mental. Quand c'est de l'anxiété rampante, généralisée, tu peux essayer de faire deux, trois techniques de mentalisation avec l'analyse fonctionnelle, où tu notes une situation qui a généré un comportement, qui a généré une émotion, qui a généré une conséquence. Tu analyses et tu dis, ok, ça a généré ça. C'est pas si grave. Ou tu projectes des scénarios. Par exemple, demain matin je me lève, et qu'est-ce qui se passe si mon train a du retard ? Et qu'est-ce qui se passe réellement ? Tu mets sur écrit, j'arrive en retard au travail, et puis je vais me faire engueuler par mon supérieur. C'est le scénario anxiogène. Toi, tu dois trouver des scénarios alternatifs, donc non anxiogènes qui viennent casser les scénarios anxiogènes. Je vais arriver en retard. Au pire des cas, j'écris à mon supérieur que j'ai des problèmes de train. Je lui montre la preuve du truc des CFF, parce que les CFF sont toujours en retard en plus. C'est vrai en plus. Et puis il ne va rien se passer parce qu'il ne va rien me dire. Tu vois, j'ai les deux scénarios. C'est deux scénarios qui sont... Le problème est le même, le train du retard, mais la finalité c'est deux choses différentes. Et en faisant de plus en plus des scénarios alternatifs, tu arrives à plus en plus calmer tes pensées. Donc tu passes par l'esprit. Mais pour tout ce qui est crise d'angoisse, tu passes forcément... toujours par le physique.

  • Speaker #0

    Mais j'aime bien l'idée du scénario alternatif parce que je disais que 90% ou même plus, 95% des scénarios anxiogènes qu'on a ne vont jamais se réaliser. Et du coup, il faut trouver ces 95% de scénarios alternatifs, en fait, vu que peut-être il y a 5 ou 10% de possibilités que ça arrive. Ce dans quoi tu as peur, en fait, et là où le cœur s'emballe. Mais en fait, il y a toute une pléthore de scénarios alternatifs qui peuvent être imaginés. Et c'est chouette parce qu'on peut en voir même plus qu'un. J'imagine 3, 4, 5. Quelles sont les possibilités si j'arrive en retard parce que le train est du retard et puis que du coup, je suis en retard au travail ?

  • Speaker #1

    C'est ça. Et plus tu le fais, plus tu arrives à l'intégrer et puis du coup, moins tu arrives à angoisser. A titre personnel, c'est pas ce qui m'aide le plus. Mais bon, aujourd'hui, j'essaye vraiment de... Plutôt que de le soigner, j'essaye d'apprendre à vivre avec. Je me suis fait un peu une raison, je me dis bon écoute c'est compliqué, t'as essayé quand même des thérapies, c'est pas trop concluant, donc tu vas apprendre à vivre avec. Je crois que je me sens mieux depuis que j'intègre le fait que je dois apprendre à vivre avec.

  • Speaker #0

    Que c'est ok en fait, que tu luttes.

  • Speaker #1

    Que c'est ok, que je lutte mais que j'accepte de lutter. Tu vois à un moment donné je cherche des solutions. Dans la vie t'as deux choix en fait, enfin t'as deux possibilités, soit tu vas chercher des alternatives et des solutions. Et puis si t'as épuisé, bah tu passes par l'acceptation. Et aujourd'hui, je dis pas que j'ai tout essayé, je dis pas que j'ai épuisé mes ressources, mais j'ai plutôt envie de passer par l'acceptation. Ça me permettra, je pense, d'être plus en accord avec moi-même.

  • Speaker #0

    Pour revenir au corps, je crois que toi tu fais aussi beaucoup de sport, non ? Est-ce que c'est quelque chose qui te canalise, qui t'aide ? Comment tu vois le sport et tu l'intègres dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Le sport c'est vraiment ma passion, j'adore, c'est super. Ça m'aide beaucoup pour l'anxiété, c'est-à-dire que moi ce qui m'aide vraiment le plus c'est la course. J'adore la course, je me suis mise à la course, c'est assez récent. C'est vraiment ce qui m'aide à être dans l'instant présent. J'ai énormément de mal à être dans l'instant présent avec toutes les angoisses que j'ai, je pense à plein de trucs. Mais quand je cours... Je cours et je pense à rien. Je me concentre sur le pas, mes pas, le bruit. Tu sais, quand tu cours dans la forêt, les cailloux, le bruit des cailloux, le bruit de la nature, le bruit, tout ce qui m'entoure. Vraiment, je ne prends pas toujours mes écouteurs. Et puis vraiment, ça me permet d'être centrée à l'instant présent et je n'ai plus d'angoisse. Après, par contre, c'est vrai que le sport, je n'essaie pas trop en faire non plus parce qu'après, ça me met une pression aussi supplémentaire, la pression des performances. Donc, j'essaie de trouver quand même un juste milieu. Mais en effet, le sport, c'est... Moi c'est la base et ça me permet aussi de dormir mieux donc...

  • Speaker #0

    C'est tout bénef.

  • Speaker #1

    Ouais, clairement, ouais.

  • Speaker #0

    Tu me disais lors de notre premier entretien téléphonique, j'arrive pas à sortir de l'angoisse, de la bipolarité, oui, mais pas de l'angoisse. Est-ce que tu serais d'accord d'expliquer cette phrase ?

  • Speaker #1

    Dans le sens où, pour la bipolarité, j'ai réussi à trouver un traitement qui m'aide plus ou moins. Depuis là, septembre, octobre, je vais mieux. On a adapté mes posologies. Du coup, j'ai deux stabilisateurs d'humeur et j'ai l'impression que ça fonctionne bien, que je tombe plus dans la dépression et que je tombe plus non plus dans le côté... opposé de la manie de l'hypomanie. Par contre, pour l'angoisse, j'ai pas l'impression qu'il y a vraiment de traitement. Alors oui, il y a les antidépresseurs, mais moi, en tant que bipolaire, je suis assez limitée en termes d'antidépresseurs parce que ça n'a pas trop fonctionné chez moi. Et puis les anxiolytiques, j'essaye d'éviter d'en prendre parce que ça crée clairement de la dépendance et de l'accoutumance. Et du coup, du fait qu'il n'y ait pas vraiment de traitement qui calme mon angoisse à moi, j'ai vraiment l'impression que... Je vais vivre avec ça toute ma vie en fait, que c'est quelque chose que je dois, comme dit, accepter. Je le vois comme une fatalité mais je ne le vois pas négativement. J'essaie de le prendre positivement. En mode écoute, c'est comme ça, c'est comme si tu as une maladie chronique, des problèmes de dos, et puis que certes tu peux prendre des médicaments qui t'aident à calmer la douleur, mais la douleur elle est toujours là. Je me dis que je dois faire pareil avec l'anxiété finalement. Je dois l'accepter et pas chercher à le soigner. Mais je sais qu'on peut guérir d'un trouble anxieux. C'est juste que moi, j'ai attendu aussi peut-être 10 ans. Donc 10 ans, c'est beaucoup. Et je n'ai jamais été traitée depuis l'enfance pour un trouble anxieux, ce qui est vraiment embêtant. Il faudrait être traitée dès le début pour que... Moi, je donne toujours l'exemple du train. Si tu veux essayer de calmer un train qui commence de partir de la gare, c'est super... Ce n'est pas super facile, mais c'est beaucoup plus facile. Alors que s'il est genre en plein... Comment dire ? Bah s'il est en... Putain, comment on dit ?

  • Speaker #0

    Il est en pleine route, quoi.

  • Speaker #1

    Mais si le train, il est vraiment en pleine route depuis des heures et des heures, c'est difficile à le calmer. Il faut se calmer progressivement, puis des fois, t'arrives pas à le calmer tout de suite. C'est impossible. Ou sinon, tu fais des montres d'égal. Et c'est un peu comme ça que l'anxiété, j'ai l'impression. Tu vas le prêter dès le début.

  • Speaker #0

    J'avais fait pour l'anecdote des travaux d'intérêt généraux pour les TPG parce que j'avais été amendée jusqu'à hauteur de 500 francs. Je n'avais pas d'argent pour les payer à l'époque donc j'avais fait des travaux d'intérêt généraux. Et j'avais eu une journée où ils m'avaient raconté des tonnes de choses sur les tramways comme si ça me passionnait. Et en fait ils nous avaient expliqué qu'un tram quand il est justement élancé dans sa route, sur ses rails, il met 11 secondes à s'arrêter pour être complètement à l'arrêt.

  • Speaker #1

    En seconde.

  • Speaker #0

    C'est énorme. C'est énorme. Et donc, c'est hyper intéressant ta métaphore, parce qu'en effet, c'est presque un peu tard des fois, selon la situation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est jamais trop tard. Mais moi, j'ai envie d'aujourd'hui de me concentrer sur ma stabilité au niveau de la bipolarité, parce que je sais que c'est ça qui va faire le plus de dégâts au niveau de la crise suicidaire, notamment. Donc, j'essaie de mettre plus les ressources de ce côté-là. Et l'anxiété, j'essaie de me dire, de toute façon, tu as toujours été comme ça. Donc, typiquement... Voir ma vie sans anxiété, ça me fait même peur en fait. Je n'arrive pas à m'imaginer moi, Sonia, sans angoisse.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce ne serait pas anxiogène ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que ça me fait peur. C'est toujours ce que je dis des fois dans d'autres interviews, c'est que finalement, je n'aime pas mon anxiété, mais finalement, j'ai peur de guérir de l'anxiété. J'ai peur de plus être moi-même en fait. J'ai l'impression que ça fait un peu partie de moi, le fait de m'inquiéter pour tout et rien, de tout vouloir contrôler, de ne pas laisser de place à l'imprévu. Je me demande que ça ferait une Sonia genre décontractée. Je ne sais pas si je m'identifierais à travers cette personne, parce que finalement ça a aussi des côtés positifs l'anxiété. Ça me rend des fois quand même plus vigilante. Donc ça me permet de prévenir les... les imprévus. Donc, ouais, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    Tu évoquais le traitement pour la bipolarité, donc deux stabilisateurs d'humeur. La question que j'ai, c'est que est-ce que la vie n'est pas un peu plus, dans ton ressenti, ennuyante, un peu plus grise depuis que tu es sous stabilisateur d'humeur ? Parce qu'on sait qu'aussi dans la bipolarité, les phases maniaques, c'est des moments où l'ennui, il n'existe pas. C'est à fond, à 100%. Même à 200% ? Est-ce que tu trouves la vie un peu moins intéressante depuis que tu es plus stabilisée au niveau des humeurs ?

  • Speaker #1

    Alors oui, parce qu'il n'y a plus les phases de manie. Les phases de manie, c'était vraiment des moments durant lesquels je me sentais vraiment pousser des ailes. Et moi, je suis quelqu'un, je n'ai pas vraiment confiance en moi. Et quand je pousse des ailes, c'est agréable, tu vois, comme sensation. C'est extrême peut-être, oui, mais c'est agréable. Tout ce que je faisais était agréable. Je vivais à 200 à l'heure. J'avais l'impression d'être une version accélérée de moi-même. J'aimais ça, du coup. Et le fait qu'on me les supprime... C'est vrai que ça a rendu ma vie ennuyante au début. Au début, parce que maintenant, je l'accepte et je préfère ma vie comme ça, parce que je me dis, c'est soit tu prends pas de traitement et t'as des phases comme ça et tu vis ta best life, mais tu enchaînes aussi des épisodes de dépression où tu finis hospitalisé. ou soit tu prends un stabilisateur d'humeur t'es peut-être un peu moins fun mais au moins t'es plus dépressive et donc j'ai préféré la deuxième option parce que la dépression c'est l'enfer chez moi la dépression c'est comme dit j'ai un type de bipolarité où la dépression elle est prédominante et donc c'est un risque suicidaire aussi beaucoup plus majoré donc pour moi c'est très important que je limite les risques de dépression t'as déjà eu des envies suicidaires ? j'ai déjà eu des envies suicidaires, plein de fois

  • Speaker #0

    Ouais, ça s'est calmé aussi justement avec les stabilisateurs d'humeur ?

  • Speaker #1

    Ça s'est calmé en octobre, en fait. Ça faisait trois ans que je cherchais un traitement pour la bipolarité. Mais à chaque fois, ça jouait pas, la posologie, elle jouait pas, le traitement, il jouait pas, trop d'effets secondaires. Bref, c'était compliqué. Et là, depuis octobre, on a augmenté la posologie d'un stabilisateur d'humeur. Puis ça a fait toute la différence, vraiment. On a augmenté juste de 100 mg. Bon, 100 mg, c'est pas mal, tu vas me dire, mais on a augmenté de 100 mg. Puis là, du coup, j'ai vraiment l'impression d'être vraiment stable et j'arrive quand même à avoir des moments de bonheur dans ma vie. C'est pas des moments de manie, mais typiquement, j'arrive pas... Si je dors 3 heures, je suis épuisée, quoi. Je suis plus dans des phases de manie, mais j'arrive quand même à être heureuse. Je suis partie en Thaïlande début janvier. Pourtant, c'était vachement compliqué parce que j'avais beaucoup d'angoisse là-bas. C'était très dur, j'avais beaucoup de symptômes physiques. J'ai eu du mal à profiter, mais c'est super vacant. J'ai ressenti vraiment du bonheur. J'avais le sourire au lèvre. Non, j'arrive à quand même être heureuse.

  • Speaker #0

    Je crois savoir que tu t'es engagée auprès de Stop Suicide, une association qui, depuis 2000, a pour mission de prévenir le suicide des jeunes en Suisse romande. Est-ce que c'est justement parce que tu as déjà eu des passages avec des envies suicidaires que tu as eu envie de t'engager auprès de cette association ? Ou ça vient d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ça vient... Oui, ça vient de ça. En fait, je suis tombée sur le profil de l'association, ça faisait déjà un moment, 2021. Puis je me suis dit, waouh, c'est beau ce qu'ils font les bénévoles et tout. Je m'étais inscrite en tant que bénévole. J'ai fait la formation de base, j'ai même fait la formation de bénévole formateur. Mais je n'étais pas plus investie que ça, parce que moi-même, j'étais encore dans la dépression. Je pense qu'à ce moment-là, c'était un peu pour noyer ma dépression que je le faisais. Mais après, par contre, quand je suis sortie de ma troisième hospitalisation, donc en août 2022, J'ai eu une phase un peu compliquée pour me relever, mais en octobre, je crois, j'ai vraiment décidé de m'investir à fond. Et au début, je me suis dit, ouais, Sonia, fais attention, parce qu'être dans les problèmes des gens, ça ne va peut-être pas t'aider. Et en fait, non, pas du tout. Le fait d'être dans cette association, ça m'aide avant tout moi-même. Dans le sens où moi-même, maintenant, j'ai les ressources. Et le fait que j'incite tout le temps les gens à appeler à l'aide, à la sauce, on ne fait que ça. Et sur mes réseaux sociaux je fais pareil, je dis tout le temps qu'il faut appeler à l'aide, moi-même j'appelle à l'aide maintenant. J'ai une fiche que j'ai tout le temps sur moi, qui s'appelle un plan de prévention. C'est pas que utilisé pour la crise suicidaire, mais typiquement en cas de crise d'angoisse, qui j'appelle, à quel moment, ok si c'est une crise qui n'est pas trop urgente, je peux appeler un proche. Si vraiment je suis au bout du bout, j'appelle le 147, ou j'envoie un message à ma psy, puis elle m'appelle en général assez rapidement. ou si vraiment je suis dans la crise suicidaire ou j'ai des idées noires j'appelle directement les urgences j'ai un protocole où je me dis mais tu peux pas ne pas demander de l'aide en fait face à ça et l'association ça a été un tremplin énorme pour moi moi je dirais que c'est ça qui m'a sauvée en fait je dis clairement ça m'a sauvée la vie je pense je pense si je n'avais pas rencontré si je n'avais pas rencontré l'association je ne sais pas si je serais toujours là parce que j'étais très suicidaire à l'époque avant de m'investir à fond et je voyais pas le sens de la vie j'avais l'impression que la vie ça servait à rien je disais toujours à mes proches moi je veux mourir très jeune c'est moi je m'en fous de vivre je vis mais je survis c'est vrai j'ai l'impression de survivre encore avec mes angoisses mais aujourd'hui j'arrive à me dire mais attends tu dois profiter de ta vie puis tu dois tu dois vivre la vie est belle même si elle est dure pour toi même si tu as trop d'angoisse tu dois tu dois être bien tu dois tu dois montrer à tes proches que que tu vas bien, tu dois être là pour tes proches, et puis faire de ton mieux, ça a été salvateur pour moi.

  • Speaker #0

    Et en quoi la vie, elle est belle aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    La vie, elle est belle aujourd'hui parce que finalement, j'ai une page Instagram où je fais de la prévention. Je parle de mon combat avec la bipolarité, de l'anxiété, mais aussi de la thématique du suicide. J'ai une page TikTok que j'alimente aussi très très régulièrement, plusieurs vidéos par semaine. Et en fait, la vie est trop belle parce que j'aide plein de gens et ils me disent que ça les aide. Et moi, le fait d'aider les gens, ça m'aide aussi. Parce qu'avant tout, les conseils que je donne aux gens, je les applique pour moi. Moi, je trouve que la vie est tellement belle quand tu aides les gens, quand tu sais que tu fais du bien autour de toi. Je fais une publication, peut-être il y a 55 000 personnes sur TikTok qui vont la voir. 55 000 vues, ça ne représente pas grand-chose. Mais quand tu vois les interactions, les commentaires et le nombre de partages, tu te dis Oh ! La vidéo, elle a plu ! C'est génial et ça me donne le sourire. Je me dis en fait, les gens, ils parlent du suicide. Ils transmettent les informations pour que le tabou soit de moins en moins entretenu. C'est ça la vie en fait. Profiter de ses proches, profiter de chaque chose. Moi, je profite vraiment de chaque chose qui m'entoure. Le soleil par exemple. je me mets dehors sur ma terrasse, je fais rien, je me mets comme si je bronzais au soleil, et je me dis, waouh, la vie est belle quand même, enfin ok, j'en ai marre, j'angoisse, c'est dur, des fois ça m'arrive de me mettre dans des états de détresse très intenses, des fois j'ai envie de retomber dans l'addiction des branches de diazépine, je le fais même pas, parce que voilà, je veux plus rentrer là-dedans, je veux plus être dans une conduite autodestructrice, et je trouve que quand t'es bienveillant envers toi-même, bienveillant envers ton corps, Tu vois les choses un peu différemment, je trouve. Que si tu t'auto-détruis... Avant, je m'auto-détruisais tout le temps. Je me dévalorisais, je m'auto-sabotais. Je faisais du sport à outrance. Mais c'est pas par passion. Le sport à outrance, c'était pour me détruire. Pour faire du mal à mon corps. Je m'en rendais pas compte, mais à l'époque, c'était vraiment de l'auto-sabotage. Où je prenais des médicaments, des anxiolytiques. Où je pouvais peut-être faire des restrictions au niveau alimentaire. Pour me punir. J'avais beaucoup de soucis de me punir. J'ai vécu avec ça pendant longtemps. Mais depuis que je fais ça, je suis vraiment dans une démarche de mieuxveillance envers moi-même. Quand je fais des crises d'angoisse et que je suis toute seule, je mets ma main contre mon épaule, en fait, comme ça, et puis je la caresse comme si j'avais quelqu'un à côté de moi. Ça me donne une présence. Ma présence, en fait, c'est moi-même. Et je me dis, allez, t'es forte, t'es pas toute seule, je suis là, tu vas y arriver. C'est un peu con, les gens vont me dire que c'est un peu stupide, mais en fait, non, ça a tellement de sens. Ça veut dire que je prends soin de moi, que je m'accepte et que je ne m'autosabote plus. Et ça, comme je dis, ça a changé ma vie.

  • Speaker #0

    Tu parlais du plan de prévention suicide. Alors je t'avoue qu'avant de te rencontrer, je n'avais jamais entendu parler de ça. C'est vraiment quelque chose, c'est un document qui est hyper individualisé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est individualisé. En général, il faudrait que les personnes le fassent avec leur thérapeute. Moi, je l'ai mis en place toute seule parce que j'avais les clés grâce à l'association. Mais en général, c'est quelque chose que tu mets en place avec ton thérapeute. Ça peut être sous plusieurs... plusieurs formes différentes typiquement. Dans le mien, ça contient mes signes avant-coureurs. Donc le mien, il est pour la dépression.

  • Speaker #0

    Donc toi, c'est quoi ? C'est un fichier Word basique ? Donc là, tu étais en train de me montrer parce que les auditeurs ne voyaient pas. C'est sur ton téléphone ? Qu'est-ce que tu as fait ? C'est un fichier ?

  • Speaker #1

    Alors, je l'ai fait via un logiciel de design qui s'appelle Canva.

  • Speaker #0

    Ah ok d'accord, tout le monde n'est pas obligé d'utiliser Canva.

  • Speaker #1

    Je vais faire ça sur une page Word, moi j'aime bien juste faire des designs parce que je suis très visuelle et je suis très créative.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le design est très joli.

  • Speaker #1

    Voilà, moi j'aime bien, ça m'aide à le regarder d'une manière positive, mais typiquement celui que j'ai fait là c'est plutôt pour la dépression et la crise suicidaire, donc médecine avant-coureur, donc les comportements qui indiquent que je suis dans la crise suicidaire, comme l'isolement, les comportements dangereux, les changements d'humeur, la perte de motivation, les messages verbaux, Voilà, si je vais beaucoup...

  • Speaker #0

    Les messages verbaux.

  • Speaker #1

    Les messages verbaux dans le sens où des fois j'aurais tendance à dire Ah, j'en ai marre, la vie est dure. Ah, j'aimerais ne plus être là. Tu vois, c'est ça, des messages verbaux que je me dis moi-même des fois quand j'en ai vraiment marre, quand je suis vraiment très très triste. Donc ça, je les note, je les identifie. Mes stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui me fait du bien, faire du sport, prendre une marche, donc pour calmer en général une crise. Les personnes de mon entourage à contacter, donc les personnes ressources, ça c'est mes proches. Je prends un membre de ma famille, mon copain et j'essaie de prendre un ami aussi. J'essaie de varier les personnes ressources. Les professionnels à contacter, le psychiatre, la psychologue et pourquoi pas le médecin généraliste, ne sait-on jamais. Les mesures à prendre en cas de crise suicidaire, donc me rendre aux urgences, me débarrasser des moyens du suicide, appeler un proche, aller chez mes parents pendant plusieurs jours parce que je sais que ma maman est toujours à la maison, donc si je vais chez elle, elle sera tout le temps là pour moi, donc un risque suicidaire qui sera moins important. Et les numéros d'urgence, donc le 143, le 147, les urgences psychiatriques et puis le 144. Voilà, ça c'est vraiment si je suis vraiment dans la crise. Après, pour les crises d'angoisse, j'utilise aussi cette base de plan. Mais là, j'essaie plutôt de regarder en fonction de l'intensité de la crise d'angoisse, si c'est une petite crise. Ok, je contacte un proche, je demande à mon chéri de venir, je lui fais un câlin. Et puis ça me rassure et puis ça ne m'aide pas forcément à me calmer, mais ça me rassure. Si vraiment l'angoisse est trop forte et puis que j'en peux plus physiquement. Là, je peux aussi contacter ma psy, puis en général, elle m'appelle, j'ai son numéro privé. Ou si vraiment je suis dans une crise très très forte, j'appelle le 147 très souvent. J'aime bien les appeler parce que des fois, j'appelle, je ne dis pas mon nom, je dis bonjour, je suis en détresse, je n'en peux plus. Puis après, la personne, elle me pose des questions. Mais qu'est-ce qui se passe ? Je fais une angoisse, j'en ai marre, j'ai mal au ventre, j'ai mal partout, je suis pas bien, je vais tomber dans les pommes, j'arrive plus à respirer. Puis la personne, après, elle me pose des questions, elle m'aide à respirer, puis ça me calme, je suis pas seule, en fait.

  • Speaker #0

    Le 147, tu peux dire aux auditeurs et auditrices quel numéro c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, le 147, c'est le numéro, en fait, pour les jeunes, en fait, d'aide pour les jeunes. C'est pas que pour la crise suicidaire. Tu peux appeler aussi si t'as des problèmes d'orientation, par exemple, un peu pour tout, du harcèlement. même si il y a des questions sur la sexualité, ça va aussi répondre. Et puis le 147, c'est pour les 15-29 ans, donc les jeunes, et puis le 143, c'est pour les adultes. Mais si tu appelles le 147 et que tu as par exemple 30 ans... Voilà, ils vont se rediriger vers le 143.

  • Speaker #0

    Ok. Bon, tout ça, c'est en Suisse, il faut le préciser.

  • Speaker #1

    Oui, je précise, c'est en Suisse. Et pour la France, on a le 3114, donc la ligne pour le suicide. Je ne connais pas les autres ressources en France, mais je pense qu'on pourra les mettre dans les commentaires.

  • Speaker #0

    Oui, parfait. Et donc, ce plan de prévention, quelque part, c'est quelque chose que j'imagine que tu partages avec ton entourage. Tu ne l'as pas toute seule, parce qu'eux aussi vont être peut-être alertes un peu de certains signaux.

  • Speaker #1

    En principe, le plan de prévention, tu le partages avec les personnes de ton entourage. Comme ça, les personnes, elles ont ce plan aussi, une copie pour elles. Elles ont les signes avant-coureurs qu'elles peuvent identifier chez moi. Et puis, après les stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui fait du bien à la personne, les contacts, elles savent qu'en fait, elles peuvent être contactées à tout moment. elles savent et ça les surprend pas et pareil pour les professionnels de santé si tu fais un plan comme ça je pense que c'est important de le faire déjà avec un psy après ça dépend il y a des personnes qui le font d'une autre manière que moi mais en tout cas moi j'ai vraiment mis ça de manière assez protocolaire pour que ça puisse vraiment m'aider à demander de l'aide et il y a des gens qui m'ont déjà dit parce que je l'ai partagé sur les réseaux ça sert à rien ton plan de prévention si une personne elle veut mourir elle passe à l'acte ok bon voilà faut pas écouter toujours les commentaires des gens moi je je trouve que la prévention, tu dois la faire avant la crise suicidaire. C'est clair que si tu es pendant la crise suicidaire, ça ne sert à rien de faire un plan de prévention. Il faut le faire à part, dès que tu vas bien. Et puis, plus tu fais de prévention, plus tu sais comment tu vas gérer la crise suicidaire. Donc, voilà, moi, je trouve que ça a une utilité quand même relativement importante.

  • Speaker #0

    Carrément. Et moi, ça me touche aussi en ayant une maladie chronique physique, en fait. Parce qu'il y a toujours un moment donné où, quand les symptômes sont trop violents, trop de jours, ça va... Forcément, avoir un impact sur ma santé mentale, c'est quasi la condition sine qua non. Et en fait, au bout d'un moment, justement, dans ce truc de la santé mentale, de pouvoir me dire, ok, je ne sais pas, par exemple, après dix jours de symptômes hyper violents, c'est le moment où je commence à avoir des idées un peu plus ruminatives, peut-être que mon entourage peut être un petit peu plus à l'écoute de ça et un peu plus me demander comment tu vas en ce moment, enfin... Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant, mais pas que forcément pour la question du suicide. Toi aussi, tu l'as extrapolé, par exemple, aux angoisses. Mais je me dis, en effet, tout ce qui touche à la santé mentale, à un moment donné, de sentir que tu peux avoir des outils et que tu as une team au final. Parce que c'est ce que tu montres toi aussi, c'est que tu as une team autour de toi. Tu as ton conjoint, tu as tes proches, tu as des amis, tu as des thérapeutes. Et il y a les lignes aussi d'appel.

  • Speaker #1

    Oui, ça sert exactement. C'est pour montrer en fait que... Les ressources sont disponibles et qu'il n'y a pas que les ressources médicales, mais aussi les ressources de l'entourage. Il y a certes des personnes qui n'ont aucune ressource de l'entourage, et franchement je suis vraiment désolée pour elles, ça doit être vraiment très dur à vivre, mais pour les personnes qui en ont, c'est très important de les mobiliser. Et c'est ça en fait à quoi il sert le plan de prévention, c'est pour voir en fait qu'on sait tous que quand on va pas bien, il faut appeler le 147. Enfin, on sait tous, non on sait pas tous, mais on a souvent la connaissance qu'il y a des ressources d'aide, mais si tu les mets par écrit...

  • Speaker #0

    je trouve que c'est mieux parce que tu t'en rends mieux compte et puis tu te dis, ah mais il n'y a pas que le 147 il y a aussi ma psy, mon psychiatre mon généraliste, il y a ma famille il y a mon chéri, donc si ma famille ne répond pas, je peux appeler mon chéri s'il ne répond pas, j'ai quelques amis c'est important quand même pour moi de se rendre compte qu'on a des ressources parce que des fois on ne les voit pas quand on ne voit pas bien,

  • Speaker #1

    on ne les voit pas et puis quelque part tu te connais aussi mieux et tu arrives mieux à identifier ce que tu vis c'est quelque part un rapport assez mature Face à la maladie, non ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça fait partie de l'acceptation. Moi aujourd'hui, je suis dans une démarche où la bipolarité, j'essaye de l'accepter tant bien que mal, même si des fois j'ai un peu encore tendance à faire du déni. L'anxiété, comme dit, j'essaye d'apprendre à vivre avec, et puis en ce qui concerne la crise suicidaire, je me sens vraiment protégée, grâce à la sauce. Après, je ne suis pas à l'abri d'une récidive, comment je réagirais si j'ai une récidive ? Je ne sais pas, je ne peux pas le savoir, mais en tout cas, je suis armée. Donc, j'ai les armes à ma disposition, c'est à moi de les prendre.

  • Speaker #1

    Tu dis que t'es un peu encore dans une phase de déni avec le trou bipolaire, mais je crois que le diagnostic, il est quand même assez récent, tu disais.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait à peu près deux ans, deux, trois ans. C'est récent, mais en même temps, j'ai eu le temps de me renseigner beaucoup sur la maladie. Et c'est vrai que des fois, j'ai un peu de peine à... à m'identifier à travers certains témoignages et puis je me dis ah ben je suis pas bipolaire alors qu'en fait la bipolarité c'est chaque personne vit sa maladie puis tu peux pas te reconnaître dans totalement dans le témoignage d'une autre personne mais c'est vrai que c'est une maladie complexe puis en plus c'est une maladie à vie donc des fois je fais du déni parce que peut-être je me dis que je vais devoir vivre avec ça toute ma vie puis ça m'embête de prendre un traitement à vie c'est lourd quand même les traitements qu'on nous donne beaucoup d'effets secondaires Donc, ouais, des fois, j'ai tendance à un peu le dénier. Des fois, j'ai envie d'arrêter les traitements, mais ce n'est pas une bonne idée.

  • Speaker #1

    Bon, se renseigner, c'est clair que c'est hyper important. C'est même primordial et essentiel, mais ça reste de l'ordre de l'analyse. Et il y a quand même, quand on accueille un diagnostic, il y a tout ce que ça génère au niveau... plus justement du corps aussi. On met du temps à accueillir un diagnostic. Ce n'est pas juste analyser, de se dire bon ben voilà, je suis identifiée comme telle et puis j'ai bien compris comment fonctionnait la maladie et ce n'est pas que la théorie, la vie. Et donc je pense qu'il y a aussi toute une phase de théorie où on connaît peut-être plein de choses sur les maladies avec lesquelles on vit, mais de là à vraiment accueillir, toi tu dis accepter, d'autres personnes diraient assumer, ça peut prendre énormément de temps pour que... ça, dans nos cellules, se soit ancré.

  • Speaker #0

    Ça fait partie aussi de la psychothérapie, je dirais, parce que la psychothérapie du trouble bipolaire, elle passe avant tout par la psychoéducation. La psychoéducation, ça veut dire apprendre à connaître le trouble, et dès qu'on a appris à connaître le trouble, on apprend à connaître son trouble, donc ses symptômes. Et ensuite, dès qu'on a appris ça, on apprend à la gestion de la maladie. Les gestions des phases, les triggers, les signes avant-coureurs, voilà.

  • Speaker #1

    Trigger, est-ce que tu peux juste le traduire s'il te plaît ?

  • Speaker #0

    Trigger, ça veut dire dans la bipolarité, dans mon cas, je dirais signes avant-coureurs.

  • Speaker #1

    C'est les déclencheurs.

  • Speaker #0

    Les gros déclencheurs. Si typiquement, du jour au lendemain, je n'ai plus du tout envie de faire de sport, c'est bizarre. C'est trigger, tu vois. C'est un signe avant-coureur, mais un gros signe avant-coureur. Quelque chose qui est très, très marquant.

  • Speaker #1

    Pour revenir un tout petit peu à l'entourage, quand on a eu notre premier entretien téléphonique, toi et moi, tu m'as parlé de ton conjoint avec qui tu es depuis dix ans maintenant. Et tu m'avais dit à ce moment-là, il a vu la maladie s'installer, il a vécu les hospitalisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un peu ces impacts qu'ont eu les maladies sur lui et éventuellement votre couple ?

  • Speaker #0

    Lui, il a vu la maladie s'installer parce qu'on s'est connus quand je n'avais pas la maladie. Et ma maladie a commencé pendant mes études supérieures, donc on était ensemble depuis à peu près 5 ans. Lui, il a vu la chose s'empirer, donc lui, il a vu mes phases. Il a identifié la première phase de ma nuit, lui, il l'a vue. Parce qu'il a vu que j'avais vraiment un comportement bizarre, il ne savait pas ce que c'était forcément, mais il savait qu'il y avait quelque chose qui ne jouait pas. On s'est séparés d'ailleurs une ou deux fois à cause de la maladie. Il a vu aussi les épisodes de dépression. Pour lui, ça a été dur parce que je pense que ce qui est le plus dur pour les proches, c'est l'impuissance. qui ne savait vraiment pas quoi faire, et aussi on ne savait pas ce que j'avais. Donc ça peut être une multitude de choses, ça peut être la schizophrénie, ça peut être un trouble de la personnalité. Quand tu ne sais pas, tu te poses des questions, tu te dis, mais qu'est-ce qu'elle a Sonia, qu'est-ce qui lui arrive ? Elle est folle, pourquoi elle se comporte comme ça ? Avec le temps, il a appris à connaître la maladie, lui-même se renseigne sur la maladie, il sait la différence entre le type 1 de la bipolarité, le type 2, le type cyclotimique. Il a quand même pas mal de connaissances, je dois dire qu'il s'est quand même renseigné grâce à moi, parce que je l'ai aussi un peu poussé à connaître la maladie. Puis maintenant qu'il la connaît mieux, des fois c'est même lui qui va me dire Ah, Sonia, ça fait quelques jours que tu dors pas beaucoup, c'est un peu bizarre, fais attention. Par exemple. Voilà, c'est lui qui va des fois remarquer plus les signes avant-coeur des phases hautes. Les phases basses, je les remarque en général moi-même. C'est lui des fois qui... qui va identifier certains signes, il va dire c'est normal ça, ou c'est la maladie, il pose des questions, il s'intéresse. C'est clair que pour lui ça a été difficile, d'un point de vue personnel, d'un point de vue professionnel, ça impacte tout. Quand on approche malade psychiquement, et puis que ta personne elle est en dépression, et puis que tu peux rien faire avec elle, parce qu'elle est complètement déconnectée de la réalité, et puis qu'elle passe chaque été à l'hôpital, moi 2020, 2021, 2022, chaque été je l'ai fait à l'hôpital. Chaque été en trois ans, donc c'est pas mal. Lui, il restait seul à la maison, avec le travail à gérer. Pour lui, c'est pas évident, il venait me voir à l'hôpital. Il avait pas forcément le temps, parce qu'il travaille beaucoup. L'impact, il est énorme sur la famille. Enfin, sur la famille et sur les proches, pour le coup, c'est plutôt lui qui a ramassé. Parce que mes parents, je ne vivais plus avec eux, lorsque ça a vraiment commencé à dégénérer. Mais pour mes parents, c'est dur aussi, parce que quand je suis dans des phases où je vais moins bien, je retourne chez eux vivre, parce que je suis plus en sécurité, du fait que ma maman, elle est tout le temps à la maison. Parce que si je suis chez moi, mon copain il travaille, donc je suis toute seule. C'est dur pour elle aussi parce qu'elle me voit mal et puis elle a peur de me laisser toute seule. C'est vrai, c'est dur. Pour les proches, c'est très très dur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez grandi dans votre couple avec ça ?

  • Speaker #0

    Ça c'est une bonne question. Je dirais que c'est quelqu'un qui est très patient. C'est quelqu'un qui est très patient et qui est très intelligent aussi. Donc ça veut dire qu'il va chercher à comprendre les choses. Il va lui-même se renseigner, il va lui-même dire, typiquement il n'y a pas très longtemps il m'a dit Ah tu devrais essayer ces médicaments-là à base de plantes pour l'anxiété, tu devrais essayer cette thérapie-là pour l'anxiété. Il se renseigne beaucoup, il lit beaucoup de choses sur la maladie, il me suit aussi sur ma page, donc il regarde mes contenus. Je dirais que ça a évolué dans ce sens où lui maintenant, il a des connaissances et il est armé pour m'aider. Enfin, pour m'aider. Qui ne peut pas vraiment m'aider, mais pour me soutenir plutôt.

  • Speaker #1

    Donc, c'est plutôt une jolie relation qui perdure après dix ans. Et bien que la maladie soit arrivée au final, enfin, le trouble anxieux était déjà là, mais le trouble bipolaire soit arrivé par la suite.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très, très belle relation. J'ai eu beaucoup de chance. Et je pense que je suis très reconnaissante.

  • Speaker #1

    Est-ce que dans ce contexte-là, vous avez le projet de fonder une famille ?

  • Speaker #0

    Difficile à répondre. Avec la bipolarité, c'est compliqué parce qu'il faut arrêter tous les stabilisateurs d'humeur. Et une femme enceinte qui souffre de bipolarité, elle a un risque très, très élevé de dépression postpartum.

  • Speaker #1

    C'est quasi 90% ?

  • Speaker #0

    C'est 90%. C'est juste aberrant. C'est juste énorme. Mais la plupart des gens que je connais bipolaires ont fait une dépression postpartum. La plupart. La plupart, ça veut dire qu'il y en a aussi qui n'en ont pas fait. Moi ça me fait vraiment peur parce que arrêter les traitements, t'as déjà les effets secondaires de l'arrêt, t'as les effets secondaires de la grossesse, l'accouchement. Après on sait tous que le postpartum, même pour une personne qui n'a pas de maladie psy, est toujours compliqué, ça change complètement ta vie. Et les changements de situation dans la bipolarité c'est hyper important. C'est-à-dire qu'un changement, un gros changement, même un petit changement, ça va impacter puis ça peut créer une récidive en fait. C'est-à-dire que si moi demain je change de travail, je risque une rechute, plus qu'une personne qui n'a pas de bipolarité, même sous traitement. Alors un enfant ce serait, c'est à double tranchant. Soit ça peut aider une mère... à se relever par rapport à la maladie. Je connais quelques personnes que ça a été le cas, ça les a énormément aidées, qu'elles se sentent beaucoup mieux depuis qu'elles ont des enfants. Ou alors ça peut être l'inverse. Et moi j'ai très peur de me retrouver dans le côté inverse.

  • Speaker #1

    Donc tu as l'impression quand même que le fait de vivre avec un trouble bipolaire, ça met entre parenthèses ce souhait, ou quoi qu'il en soit, tu n'aurais pas forcément eu envie d'avoir des enfants ?

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est plutôt le trouble bipolaire qui met la barrière par rapport à ça, pour l'instant.

  • Speaker #1

    Et ton conjoint, il en dit quoi ?

  • Speaker #0

    Lui, il veut des enfants. Lui, il veut des enfants et il pense que je pourrais le gérer très très bien. Mais c'est compliqué. J'ai des membres de ma famille qui souffrent de cette maladie. Et les grossesses, ça a vraiment été la pire chose. Donc moi, ça m'effraie quand même. Donc voilà.

  • Speaker #1

    Il y a un domaine qu'on n'a pas du tout évoqué, c'est le domaine professionnel. Est-ce que tu travailles ?

  • Speaker #0

    Oui, on me pose beaucoup la question. Oui, je travaille, je travaille même à 100%, je le dis très très ouvertement. Ce n'est pas parce que je travaille que je souffre moins, ça n'a rien à voir, c'est juste que j'ai des conditions de travail quand même bien avantageuses, dans le sens où mon employeur est au courant de ma maladie. Ce qui fait que... Certes, ce n'est pas évident pour moi, ça n'a pas été évident pour moi de le dire au travail, mais au moins il le sait et il m'a toujours soutenue. Pendant mes hospitalisations, il était là, il m'a soutenue, il m'écrivait. En fait, ça fait dix ans presque que je travaille dans la même boîte et quand j'ai commencé, je n'avais pas la maladie. Du coup, j'ai commencé, j'ai pu développer des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées. Et étant donné que j'ai développé des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées dès le début, dès que je suis tombée malade, ils n'ont pas tenu compte de ça parce qu'ils se sont dit Ok Sonia elle a ça mais elle est quand même compétente. Et c'est clair que chaque année j'ai quand même plusieurs arrêts maladie, donc depuis le début de l'année je n'en ai pas encore eu, je suis vraiment très très heureuse parce que je vais mieux, je suis stabilisée. Mais ils acceptent, ils acceptent et puis voilà, ils gardent contact avec moi. Et puis en général j'essaye d'éviter d'être toujours en arrêt à 100%, j'essaye d'être 50%. Ça m'aide quand même à... J'aime pas être à la maison, rien faire, ça m'angoisse. Et ça me permet de me reposer à 50%, j'ai l'après-midi pour me reposer, et puis comme ça mon employé voit que je suis vraiment motivée, dans tous les cas. Et ça se passe très très bien.

  • Speaker #1

    En tout cas, ça a été super courageux de l'évoquer avec ton employeur. Qu'est-ce qui t'a permis d'oser le faire ?

  • Speaker #0

    En fait, c'était à l'époque quand je venais de recevoir le diagnostic. Franchement, d'un côté, ça me rassurait, mais d'un autre côté, ça me faisait peur. Et je me suis dit, écoute Sonia, là, t'es en phase dépressive, tu vas pas très bien. Autant le dire maintenant plutôt qu'il l'apprenne par la suite. Parce que moi au début je voulais dire je suis en arrêt parce que j'ai mal au ventre ou je sais pas quoi. Enfin je voulais inventer une excuse. Mais j'ai pas... Enfin inventer un mensonge je trouve que c'est un côté très très malsain dans le monde professionnel. Alors j'ai préféré jouer carte sur table. Puis je lui ai dit voilà j'ai eu un arrêt maladie. J'ai pas été malade. J'avais inventé... Je crois que j'avais inventé une excuse. J'avais dit que j'avais fait une intoxication alimentaire qui a duré un mois. Voilà, peut-être que c'est possible, mais bref. Et je lui ai dit, voilà, je préfère te le dire comme ça, tu le sais par moi. En fait, non, je n'ai pas eu d'actification alimentaire, je suis hospitalisée en psychiatrie parce que je suis bipolaire. Je lui ai dit. Et il était surpris, mais pas trop, parce qu'il m'a dit qu'il remarquait des comportements qu'il avait remarqués. quelques comportements étranges de ma part. Ça fait pas de moi une mauvaise employée, mais il a dit qu'il avait remarqué quand même deux, trois choses. Donc, il était plutôt content que je lui en parle. Et je suis vraiment contente parce que maintenant que je vais mieux, il me l'a même dit. Il m'a dit, tu vas mieux, ça fait plaisir. J'ai dit, oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Tu disais que tu travaillais à 100%. Est-ce que pour toi, c'est juste de travailler à ce taux-là avec tout ce que tu vis à côté ?

  • Speaker #0

    C'est dur. C'est dur et je pense qu'à terme, moyen terme peut-être, je vais baisser mon taux d'occupation. Parce que c'est vraiment... c'est intense. Après j'ai la possibilité de faire du télétravail, donc ça me permet disons d'avoir quand même une flexibilité au niveau des horaires. Et moi dans ma journée je peux entrecouper mes horaires. C'est-à-dire que si tout à coup j'ai plus envie de travailler l'après-midi, je peux retravailler le soir ou le lendemain plus longtemps. En fait j'ai des horaires complètement libres. Et certes, j'ai un travail exigeant parce que je suis dans le domaine des assurances et puis les personnes qui travaillent dans les assurances savent à quel point c'est un domaine stressant. Mais j'ai une flexibilité qui est énorme. Je peux travailler où je veux, quand je veux, tant que je fais mon boulot. Et ça, c'est ce que j'apprécie en fait. Ça me permet, si je ne me sens pas bien, ça m'arrive souvent, si je ne me sens pas bien, ok, là il est 14h, j'en peux plus, j'angoisse trop, je vais me coucher. Je reprends à 17h, je travaille jusqu'à 20h, puis ma journée est terminée. En fait, je pense que c'est cette flexibilité de mon employeur qui m'aide vraiment. à tenir le coup. Parce que mon employeur, il est au courant de ça et il est compréhensif. Parce qu'il sait aussi que je fais du bon travail. Je pense qu'après, ça doit être une relation mutuelle de confiance.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est beau de voir que certains aménagements peuvent soulager aussi les symptômes, quelque part.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, dans beaucoup de grandes entreprises, il y a un système de gestion de la santé qui est mis en place pour générer le bien-être au travail, limiter les risques d'absentéisme. C'est fait de plus en plus dans les grandes entreprises. Et ça, c'est vraiment une très, très grande évolution du monde du travail.

  • Speaker #1

    Et puis, tu me disais que tu avais peut-être envie d'avoir aussi un job autre que celui-là. Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? On l'a évoqué hors antenne tout à l'heure.

  • Speaker #0

    À terme, j'aimerais bien me lancer dans l'influence, en fait, mais dans le domaine de la santé mentale. Plutôt, par exemple, avoir des partenariats avec, je ne sais pas, des... des pharmacies, pas pour des médicaments sur ordonnance, mais pour tout ce qui est des médicaments à base de plantes que moi, je teste pour mon anxiété, que je montre auprès de ma communauté est-ce que ça a marché, est-ce que ça n'a pas marché. Des choses comme ça ou des thérapies que j'essaye et que je suggère ensuite auprès de ma communauté. Ça, c'est quelque chose qui m'intéresserait. À terme, j'aimerais beaucoup.

  • Speaker #1

    Sonia Influenceuse, peut-être bientôt sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien.

  • Speaker #1

    Moi j'arrive gentiment à la fin de mes questions, Sonia. Donc avant de te poser les deux dernières questions de fin, c'est est-ce que tu avais envie déjà de rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    J'ai rien à rajouter simplement à toutes les personnes qui souffrent de bipolarité. C'est très dur d'accepter cette maladie. Les symptômes sont très durs, les phases sont très dures. Mais je vous promets qu'on peut se stabiliser. Moi, dans mon cas, je me suis aujourd'hui stabilisée. Ça fait presque neuf mois que je suis stable, que je vais vraiment mieux au niveau de la bipolarité. Je suis un exemple. Et pourtant, j'en ai bavé. Pendant trois ans, je n'avais pas de stabilité. Et après trois ans, je vois le bout du tunnel. Et je pense que vous aussi, vous pourrez voir le bout du tunnel. Si vous m'écoutez, je vous le souhaite très sincèrement. Et simplement, des fois, c'est le traitement qui n'est pas adapté. Des fois, il faut augmenter le dosage. Des fois, il faut le diminuer. Des fois, il faut changer de molécule. C'est long, mais on y arrive.

  • Speaker #1

    Et plus précisément, quel message tu souhaiterais faire passer aux personnes qui vivent avec une maladie invisible, qui serait un trouble psy ?

  • Speaker #0

    Ouais, alors moi je dirais que l'accepter, c'est la clé en fait de la rémission. Je parle pas de guérison, parce que dans la maladie mentale, c'est dur de parler de guérison, mais on parle de rémission. Et dès le moment où tu apprends à toi de connaître et à accepter, entre guillemets, ce qui t'arrive, Tu vas voir la chose différemment et donc tu vas envisager plus facilement ton rétablissement.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est quoi les clés de l'acceptation ?

  • Speaker #0

    C'est un travail sur soi-même à faire. En psychothérapie, un travail d'estime de soi aussi, un travail d'acceptation de soi, un travail de gestion des émotions, de gestion de la maladie. Dès que tu commences à gérer ta maladie, tu te sens mettre à bord en fait. Et puis du coup, tu l'acceptes beaucoup mieux aussi. Mais ça, ça ne peut se faire qu'avec un professionnel de santé.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu aimerais partager à l'entourage des personnes qui vivent avec un trouble psy et par défaut une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Oui, alors vous n'avez pas besoin de jouer le rôle du psychologue avec ces personnes en posant des questions, en voulant absolument chercher la clé pour aider la personne. Juste un soutien suffit. Un soutien physique, un soutien moral. Écrivez à la personne régulièrement des actions très simples. Est-ce que tu veux venir marcher avec moi ? Est-ce que tu veux qu'on aille manger ensemble ? Est-ce que tu veux un câlin ? Je demande ça à mon copain en ce moment. Est-ce que tu peux me faire un câlin ? Voilà, c'est des petites actions comme ça. Soutenir la personne, lui poser des questions, lui faire une surprise, venir chez elle à l'improviste. Tiens, je t'ai fait un gâteau, j'ai pensé à toi. Voilà, c'est des choses très simples. Finalement, c'est beaucoup plus efficace que jouer le rôle du psychologue.

  • Speaker #1

    Ça résonne beaucoup ce que tu dis. J'avais une discussion avec ma meilleure amie qui me disait, parce qu'elle voyait que j'étais très mal, elle me disait, même après trois ans, je me sens toujours impuissante et j'ai envie de t'aider. Et je me dis, mais quelle solution je pourrais mettre en place pour toi ? Et moi, je sais très bien qu'elle ne peut rien faire en termes de solution pour les symptômes. Mais comme tu dis, de simplement... offrir de la présence, de pouvoir appeler la personne, de pouvoir aller marcher avec. Elle ne va pas nous guérir, la personne, et elle ne va pas être notre psy, comme tu dis, mais de proposer juste d'être là, en fait, d'être à l'écoute. Et si le trouble anxieux généralisé était un super pouvoir, lequel serait-il, Sonia ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder.

  • Speaker #1

    Carrément ? C'est clair ?

  • Speaker #0

    Non, clairement, oui, oui, parce qu'aujourd'hui, ça m'embête un petit peu, mais après, comme dit... J'essaye d'apprendre à vivre avec et d'accepter, donc c'est un chemin que je commence à mettre en place maintenant. On verra par la suite.

  • Speaker #1

    Et pour le trou bipolaire ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder aussi.

  • Speaker #1

    C'est des emmerdeurs, quoi.

  • Speaker #0

    Ben oui, c'est des emmerdeurs. Ils n'ont pas ruiné ma vie, mais ils ont quand même changé beaucoup de choses dans ma vie. Donc non, j'aurais souhaité qu'ils ne soient pas là, disons. J'essaie de l'accepter, mais si ça aurait pu ne pas m'arriver, j'aurais été encore plus heureuse.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu disais, si tu ne vivais pas avec ton trouble anxieux, ça te ferait bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, encore la bipolarité, je peux m'imaginer sans, vivre sans, parce que j'ai vécu sans déjà, mais l'anxiété, je n'arrive pas à m'imaginer. Une Sonia pas anxieuse, mais peut-être une Sonia moins anxieuse.

  • Speaker #1

    C'est peut-être son super pouvoir, c'est qu'elle te colle à la peau.

  • Speaker #0

    C'est qu'elle me colle, oui. Beaucoup trop, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Je te remercie pour ton témoignage, Sonia.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, surtout.

  • Speaker #1

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Description

Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé•e en psychiatrie
C’est exactement ce qui s’est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu’elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2.

Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé (TAG) depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des « peurs d’adultes » comme elle le décrit et ni l’adolescence ni l’âge adulte n’ont eu le mérite de les estomper.

Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises, notamment lorsqu’elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-meme et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d’un épisode maniaque ou d’une crise d’angoisse afin d‘éviter un passage à l’acte.

Sa connaissance de ses propres troubles l’ont amené à s’engager aux travers des réseaux sociaux et auprès  de l’association Suisse @stopsuicide parce que « aider les gens ça m’aide aussi » confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu’on a mangé la veille.

Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l’anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter Elle s’immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie.

Mais pour une anxieuse qui angoisse à l’idée de vivre sans anxiété elle a quand même appris à l’accepter et rien que pour ça son témoignage peut vraiment t’inspirer !


143 : @lamaintendue (CH)
147 : @projuventute (CH)
3114 : numéro national de prévention au suicide (FR)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé en psychiatrie. C'est exactement ce qui s'est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu'elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale, juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2. Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out. Mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des peurs d'adulte comme elle le décrit. Et ni l'adolescence ni l'âge adulte n'ont eu le mérite de les estomper. Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises. Notamment lorsqu'elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-même et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d'un épisode maniaque ou d'une crise d'angoisse afin d'éviter un passage à l'acte. Sa connaissance de ses propres troubles l'ont amené à s'engager au travers des réseaux sociaux et auprès de l'association suisse Stop Suicide. Parce que aider les gens, ça m'aide aussi, confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu'on a mangé la veille. Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l'anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter. Elle s'immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie. Mais pour une anxieuse qui angoisse à l'idée de vivre sans anxiété, elle a quand même appris à l'accepter. Rien que pour ça, son témoignage peut vraiment t'inspirer.

  • Speaker #2

    Hello Sonia !

  • Speaker #3

    Hello Tamara !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, merci. Et toi, ça va ?

  • Speaker #2

    Ça va juste bien. Il n'y a rien d'autre à dire. T'as météo du jour. Qu'est-ce qui se passe pour toi en ce moment ?

  • Speaker #3

    Je viens d'une journée de travail assez fatigante, mais sinon ça va. Je suis contente, il fait beau, donc que du positif.

  • Speaker #2

    Trop cool ! Toi, tu viens de Fribourg,

  • Speaker #3

    hein ? Exactement, je viens de Fribourg.

  • Speaker #2

    Jusqu'à Genève pour témoigner.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #2

    Je suis hyper chanceuse, du coup. Moi ça va, écoute, depuis deux jours il y a une légère amélioration dans mes troubles cognitifs et les différents symptômes. Par contre c'est une journée, je sais pas, tu sais c'est un peu ces moments d'effervescence, début juin, il y a plein d'appels à la fois, administratifs à gérer, enfin bref. Et puis du coup, vu que j'ai pris beaucoup de retard aussi ces derniers temps parce que j'avais beaucoup de symptômes forts dans ce que je faisais, Eh ben, j'ai un peu l'impression que je suis submergée et que je dois tout gérer depuis hier. Donc, c'est un peu intense,

  • Speaker #3

    disons. Ouais, ça, je comprends. Je comprends tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc, voilà. Donc, toi, Sonia, tu navigues avec deux troubles psy qui ont été diagnostiqués, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #3

    Tout à fait.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ces troubles psy ?

  • Speaker #3

    Alors, je souffre d'un trouble anxieux et d'un trouble bipolaire.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #2

    Et ils sont arrivés dans ta vie de manière... Progressif, par fracas ou en même temps ?

  • Speaker #3

    Alors je dirais que l'anxiété c'était progressif. J'ai toujours été une enfant hyper anxieuse, vraiment, à l'extrême. J'avais peur d'aller à l'école, j'avais peur des autres, j'avais peur de tout en fait. J'étais vraiment très peureuse, je m'inquiétais pour tout et rien. Je m'inquiétais pour des soucis d'adulte, tu sais. Je pensais à des choses que genre tu penses pas quand t'es enfant. Je m'inquiétais de la météo, s'il allait faire beau demain, s'il fait pas beau je m'habille comment. Tu vois ce genre de trucs, très très pénibles. Puis ça s'est empiré à l'adolescence avec beaucoup de crises d'angoisse. Il faut savoir que moi, c'était beaucoup physiquement mon anxiété, et c'est toujours le cas d'ailleurs. C'est-à-dire que ça va se manifester par des vertiges, des nausées, je vais transpirer, je vais me sentir super mal. Bref, le cœur qui bat aussi. Bref, c'est vraiment des symptômes physiques vraiment très très embêtants. Et en fait, le gros problème, c'est que ces symptômes physiques sont tellement chiants qu'en fait, t'en as peur. Et plus t'en as peur, plus ça vient. En fait, c'est des symptômes physiques de l'angoisse. C'est des crises d'angoisse. C'est rien de grave en soi. Mais quand t'es en pleine rue et que tu commences à avoir la nausée et qu'il y a plein de monde autour de toi, c'est vraiment angoissant comme situation. tu dis putain je me sens pas bien, je vais tomber dans les pommes, je vais faire un malaise en pleine rue, alors qu'en fait non tu vas pas tomber dans les pommes, c'est juste l'angoisse. Et ça, ça a rythmé beaucoup mon adolescence, ce qui fait que j'arrivais à un stade où j'avais peur d'aller à l'école, parce que j'avais peur de ça, et je me souviens que je me mettais toujours près des portes, parce qu'au cas où il fallait que je m'échappe, et je m'échappais très souvent. Donc pour moi c'était assez agréable d'être près de la porte, mais c'était pas du tout agréable de devoir toujours sortir de classe, et de me retrouver couchée par terre dans le couloir. finalement tout le monde s'inquiétait parce qu'il pensait que j'avais quelque chose de grave maintenant en fait c'était juste entre guillemets juste l'anxiété qui était là ça commençait comme ça après ça s'est manifesté différemment en grandissant à l'âge adulte à l'âge adulte il y avait toujours ces crises d'anxiété mais c'était plus de l'anxiété généralisée donc ça veut dire les inquiétudes permanentes, constantes sur absolument tous les sujets de ta vie c'est à dire que dès que je me lève le matin je vais penser à un truc qui va m'arriver dans la journée à mon train s'il a du retard je suis dans la merde C'est vraiment ça, toute la journée. Et je vais m'inquiéter pour tout, pour des performances, je vais avoir peur que les gens me regardent. C'est vraiment tout, en fait. C'est vraiment de l'anxiété globale qui me pourrit la vie. Je m'inquiète pour tout, vraiment, strictement pour tout. Même pour des petits trucs. Même pour des petits trucs à la con. c'est une source d'angoisse. Donc ça, c'est pour la partie anxiété. Pour la partie bipolarité, c'est venu, j'ai l'impression, un peu d'un coup. Genre, j'ai toujours été une personne très extrême dans mes émotions, dans mes humeurs, mais c'était vivable encore. Enfin, c'était difficile à vivre, mais ça ne m'handicapait pas au quotidien, ça ne m'empêchait pas d'étudier, ça ne m'empêchait pas de travailler. Au début, ça allait. Et le truc, c'est que j'ai fait des études supérieures et ça s'est vraiment empiré pendant mes études supérieures. Mais genre, du jour au lendemain, Je pense qu'en fait j'ai fait un burn-out à ce moment-là, je m'en suis pas rendu compte, et ce burn-out, il a débouché vers la bipolarité. C'est à partir de là vraiment que j'ai eu des symptômes de manie et de dépression, qui s'entrecoupaient par des phases plus stables, mais qui s'enchaînaient assez facilement on va dire.

  • Speaker #2

    Quand tu parles de manie, c'est vrai que la dépression, j'ai l'impression que la plupart des personnes savent à peu près de quoi on parle. De manie, est-ce que tu pourrais être un peu plus explicite ?

  • Speaker #3

    Oui, alors il y a deux types de manie, ça correspond à deux types de bipolarité. Il y a la manie pure, pour le type 1 de la bipolarité, et l'hypomanie, qui est là plutôt pour le type 2 de la bipolarité. La différence est très simple, manie symptôme pur, donc quelque chose de très extrême, hypomanie, hypo égale moins fort, donc c'est des symptômes de manie mais atténués. Typiquement une personne en phase de manie, elle peut par exemple enchaîner une semaine complète sans dormir, une personne en hypomanie, elle va peut-être faire des nuits de 3-4 heures et elle ne sera pas fatiguée, elle sera en pleine forme. Les symptômes sont les mêmes en soi, c'est juste une question d'intensité en fait. des symptômes, mais globalement, qu'est-ce que c'est une phase de manie slash hypomanie ? C'est une période durant laquelle la personne a énormément d'énergie. beaucoup d'énergie, elle est très logohérique, c'est-à-dire qu'elle va parler beaucoup et très vite souvent, elle aura beaucoup de projets, elle aura tendance à travailler énormément. Alors les symptômes sont propres à chacun, mais moi typiquement j'avais tendance à travailler beaucoup, et des fois la nuit, parce que j'avais tellement de projets, tellement d'idées en tête, qu'il fallait que je fasse tout de suite, c'est vraiment une impatience extrême, tout de suite, tout de suite, tout de suite, une irritabilité aussi, parce que forcément c'est logique, plus t'as d'énergie, plus t'es irritable. Et puis plus tu t'en prends à tes proches, et puis ça peut déboucher vers des disputes, c'est pas le côté positif, mais la personne bipolaire, quand elle vit un épisode de manie ou d'hypomanie, elle va se sentir très bien. Pour elle, ça va au début sembler être normal. Au début, moi, ça me semblait être normal. C'est juste plutôt mes proches qui m'ont tiré un peu la sonnette d'alarme en mode c'est bizarre là, comme ça me tombe Parce que je faisais des trucs vraiment bizarres. Je prenais des risques. Je ne suis pas quelqu'un qui prend des risques. Genre, je voulais rouler très vite en voiture, alors que j'ai assez peur de la voiture. Quand je dois conduire d'un point A à un point B, je suis toujours là hum, ouais, s'il m'arrive un truc et tout parce que je suis très anxieuse, comme je l'ai dit au début. Mais là, ouais, j'avais vraiment des symptômes comme ça. Puis ça a commencé un peu comme ça, puis après avec les années, ça s'est amplifié aussi. Malheureusement, parce que je n'ai pas consulté tout de suite.

  • Speaker #2

    Tu disais que quand tu as beaucoup d'énergie, tu es logiquement plus irritable. Moi, personnellement, je ne comprends pas cette cause à effet. Est-ce que tu peux nous l'expliquer ?

  • Speaker #3

    Dans mon cas, je dirais que plus j'ai d'énergie, ce n'est pas que je vais être plus irritable. Ça veut dire plutôt que les personnes de mon entourage vont être vraiment saoulées de mon comportement. elles vont me le faire remarquer, et à ce moment-là, je vais m'énerver. C'est plus dans ce sens-là. Parce que, voilà, sur le moment, je me sens tellement bien que je me dis, mais arrête de m'emmerder, je vais bien. Je vais bien. Enfin, voilà, c'est plus dans ce sens-là, l'irritabilité qui peut venir. Et puis comme je suis quelqu'un de tempérament assez, je dirais, impulsif, quand je suis dans des phases de manie ou d'hypomanie, ça va être trois fois pire. Ça veut dire que je pourrais me mettre en colère grave contre mes proches.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi ce que tu disais par rapport au fait que quand tu es dans ces phases-là, tu n'as pas l'impression d'être mal quelque part. Moi, j'ai une proche qui a mis vraiment des années et des années avant d'avoir le diagnostic du trouble bipolaire parce que cette personne, elle consultait seulement quand elle était dans les phases de dépression. Parce que dans les phases de manie, elle se disait que tout allait bien en fait, donc elle ne consultait pas à ce moment-là. Et j'avais vu une étude, alors je ne sais plus maintenant, je ne l'ai pas sous les yeux si c'était... environ, en moyenne, 7 à 9 ans avant de diagnostiquer une personne d'un trouble bipolaire parce que justement aussi, elle va consulter dans des moments où elle est très down. Mais dans ces moments-là, on ne voit pas forcément les phases de manie qui sont ensuite, soit qui précèdent, soit qui viennent par la suite. Et donc, on diagnostique plutôt une dépression en réalité. Est-ce que c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, sauf que la moyenne, c'est plutôt 10 ans. 10 ans de retard diagnostique, du coup, pour la bipolarité. En fait, ce qui est souvent déterminant, alors... Le problème, c'est plutôt dans le type 2 de la bipolarité, lorsqu'il y a des épisodes d'hypomanie. Parce que comme dit, les symptômes sont moins intenses et donc moins visibles. Les phases de manie standard en général elles sont vraiment visibles parce que la personne elle aura vraiment des comportements comme je donne un exemple courir tout nu dans la rue ça c'est hyper alertant comme symptôme et en général un proche il va appeler la police et puis à ce moment là la personne sera prise en charge ou elle aura des hallucinations ou elle va se mettre à acheter une voiture sur un coup de tête alors qu'elle n'a pas forcément les moyens voilà ça c'est la manie, la manie c'est facilement identifiable même par la personne en elle-même qui sent certainement qu'elle a un comportement pas normal. L'hypomanie, par contre, on ne peut pas le savoir si on ne connaît pas la bipolarité. Et très souvent... Ce qui va être déterminant pour le diagnostic, c'est la prise d'antidépresseur. C'est-à-dire que si tu donnes un antidépresseur à une personne bipolaire, tu as deux choix, deux alternatives. Ou plus, mais je ne connais que deux. La première, soit elle risque de faire un virage maniaque ou hypomaniaque. Donc ça veut dire, tu es en phase de dépression, tu donnes un antidépresseur, au bout de trois jours il fait effet, tu montes en flèche, tu fais une phase E. alors qu'un antidépresseur, normalement, il met 2-3 semaines, voire un mois à faire effet. Voilà, ça peut donner cet effet. Ou alors, ça peut empirer ta bipolarité, donc empirer tes phases de dépression, majorer le risque suicidaire, ou accélérer les cycles. Donc ça veut dire, tu peux avoir des phases qui s'enchaînent très très rapidement, une dépression qui est complètement empirée avec un risque suicidaire majoré, ou une personne qui fera des épisodes, des virages hypomaniaques ou maniaques. C'est vraiment, les antidépresseurs c'est ça qui va déterminer très souvent, dans la plupart des cas, si une personne elle est vraiment bipolaire ou pas.

  • Speaker #0

    Quand tu dis que ça peut accélérer les cycles, c'est-à-dire que vraiment tu peux passer d'une phase dépressive à maniaque, dépressive à maniaque, comme ça, ça s'enchaîne sur des jours, des heures, c'est comment ?

  • Speaker #1

    Ça dépend de chaque personne. Il y a les bipolarités à cycle court et les bipolarités à cycle long. À cycle court, ça veut dire que dans une année, la personne aura plus de quatre cycles. Donc phase maniaque ou dépression ou phase mixte. Les phases mixtes, c'est aussi un autre phénomène. Et puis les phases, donc les cycles longs, ça veut dire qu'elle en a moins que 4. Donc qu'elle en a peut-être 2 par année. Ça dépend de chaque type de bipolarité, mais aujourd'hui les cycles courts, il y a même des personnes qui ont des phases qui s'enchaînent chaque jour, voire chaque heure. Ça c'est un autre type de bipolarité qui s'appelle la cyclotimie. avec des cycles extrêmement rapides. C'est aussi un type de bipolarité, mais on en parle un peu moins. Et moi, je ne suis pas concernée par ce type. Moi, j'ai vraiment plutôt la phase de dépression, hypomanie et stabilité. J'ai vraiment les trois phases. Je n'ai pas forcément des cycles rapides, mais je me souviens que lorsque j'étais sous antidépresseur, j'avais vraiment des phases tout le temps, sans phase de répit. Genre chaque semaine, une nouvelle phase. C'est très rapide quand même.

  • Speaker #0

    Pour la cyclotimie, personnellement, j'ai lu un livre incroyable qui est une BD qui s'appelle Goupiloufa. Je ne sais pas si tu la connais.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    Tu l'adores. On l'a lu avec ma meilleure amie et puis mon amoureux, les trois ensemble dans le canapé. Et on a trouvé ça incroyable. Et on s'est quelque part des fois identifiés sans qu'on soit là-dedans à certaines phases en fait. Ou des moments dans une journée où tu peux être très de bonne humeur, mettre la musique à fond, machin. Puis après, down parce que tu as eu une mauvaise nouvelle et tout ça. Alors évidemment, ce n'est pas la même chose. C'est la même chose quand on n'est pas touché par cette maladie, c'est des choses qui arrivent de temps en temps, alors que ça peut être très difficile dans un quotidien. Mais en tout cas, cette BD, elle est hyper bien représentative, j'ai l'impression, de ce trouble-là.

  • Speaker #1

    Je l'ai lue quand j'ai eu mon diagnostic et que j'avais un peu de peine à comprendre le fonctionnement de la maladie. J'ai fait énormément de recherches et aujourd'hui je suis assez instruite sur le sujet du coup. Et cette BD, j'ai tout compris quoi. Elle expliquait vraiment les trois types de bipolarité. Donc le type 1, elle identifie à un loup. Donc un loup qui est très sauvage et puis qui fait vraiment peur. Le type 2 a un chien. Un chien, c'est quand même plus gentil qu'un loup, mais voilà, ça peut quand même être un peu plus sauvage. Et puis la cyclotimie comme un renard. Donc ça veut dire plus gentil. Ça ne veut pas dire que c'est moins grave. Ça ne veut pas dire que le type 1, c'est hyper grave et que la cyclotimie, ce n'est pas grave du tout. Simplement qu'en fait, c'est les symptômes qui sont plus atténués. Mais le handicap... Il est le même pour tous. Et puis l'handicap, c'est surtout propre à chacun.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur les crises d'angoisse dont tu parlais, sur le fait que ça se manifestait de manière très physique. C'est intéressant parce qu'on est dans une époque où on nous dit de plus en plus qu'on ressent ça justement à travers le corps avant de le ressentir à travers le mental. Alors qu'on a souvent, enfin on a pendant une longue période cru que c'était plutôt l'inverse. qu'en fait, on avait certaines idées qui allaient avoir un impact sur le physique et on le voit de plus en plus, même la science, elle est en train de justement un petit peu retourner sa veste avec ça et de se dire non, non, non, c'est parce qu'il y a des capteurs physiques, des signes physiques qui vont aussi émettre des pensées qui vont être différentes. Et du coup, maintenant, il y a aussi de plus en plus de manières, d'outils pour agir sur l'anxiété qui vont être de passer plus par le corps plutôt que, soi-disant... contrôler les pensées comme on a souvent cru. Et je trouve intéressant parce que toi, tu le nommes vraiment comme quoi ça passe vraiment à la base par des sensations comme la transpiration, les vertiges, les nausées, tout ça, avant que ça se transforme en une pensée, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a deux types d'anxiété. Il y a l'anxiété paroxystique et il y a l'anxiété rampante. L'anxiété paroxystique, c'est la crise d'angoisse où il y aura vraiment plus de symptômes physiques. Et l'anxiété rampante, on la retrouve notamment dans l'anxiété généralisée. Avec les ruminations, les inquiétudes permanentes, constantes. Moi j'ai les deux types d'anxiété, mais c'est clair que l'anxiété paroxystique, avant toute chose une crise d'angoisse, c'est physique. C'est les symptômes physiques qui sont créés par le mental, certes, mais avant tout par le physique. Et on passe toujours... par d'abord calmer les symptômes physiques et après ça calme automatiquement plus le mental. C'est vrai que si tu es dans une crise d'angoisse et que tu commences à respirer correctement, tu te dis ok je m'allonge un moment, il ne peut rien m'arriver. C'est important de se dire il ne peut rien m'arriver parce qu'on est tout le temps en train de se dire il va m'arriver quelque chose de grave, je vais faire un malaise et tout. Ok je me couche, je ne vais pas faire un malaise, ça va aller très bien, je respire un bon coup et puis après ça va mieux. Et après ça va mieux, t'es toujours anxieux parce que ça toujours se font anxieux de refaire une crise, t'as toujours peur d'en refaire mais ça va mieux dès que tu calmes le physique. Moi c'est ce que j'ai appris aussi avec le temps.

  • Speaker #0

    C'est de calmer le corps ouais.

  • Speaker #1

    Ça marche bien ouais.

  • Speaker #0

    Ouais en tout cas justement on disait aussi, j'ai appris qu'il y a des personnes qui pouvaient avoir des crises d'angoisse parce que justement tout d'un coup sensoriellement, par exemple elle rentre dans une pièce et puis il y a une odeur. qu'elles reconnaissent, mais elles n'ont même pas le temps d'assimiler ça. Une odeur, une sensation d'humidité, quelque chose qui les ramène, par exemple, dans un ancien trauma ou quelque chose comme ça. Puis ça va créer une crise d'angoisse, alors que les pensées, jusqu'à là, étaient plutôt tranquilles. Mais tout d'un coup, physiquement, il y a des capteurs qui ont senti quelque chose avant que ça vienne au niveau mental.

  • Speaker #1

    Oui, la crise d'angoisse, c'est extrêmement brutal comme sensation. Ce n'est pas comme l'anxiété généralisée, où tu sais que toute la journée, tu es anxieux. et que t'es un peu sur le qui-vive et que tu te sens pas très bien, t'as un peu des inconforts intestinaux, t'as des nausées et tout, mais tu sais pas si t'es anxieux toute la journée. Mais alors les crises d'angoisse, c'est genre, bam ! C'est dingue ou c'est vraiment brutal. Et c'est ça vraiment le plus surprenant dans les crises en gosse, c'est que t'as l'impression vraiment sur le moment que tu ne contrôles mais plus rien. Et c'est clair que si tu laisses la crise comme ça, sans rien faire, tu ne contrôleras plus rien et ce sera même pire. Et c'est là tout le défi, c'est de trouver des astuces pour vraiment les calmer. Moi aujourd'hui j'en ai toujours, mais j'arrive vraiment à calmer plus l'intensité. C'est-à-dire qu'avant, Quand j'en faisais, j'étais à une échelle de peut-être 9 sur 10. Maintenant, ça va être du 6 sur 10 parce que je vais plus les maîtriser. Je vais me coucher. Des fois, le fait de dormir, ça aide. C'est con, mais ça aide. Des fois, le fait de marcher, ça aide. Moi, je vais souvent prendre des marches. Je respire quand il fait froid surtout. parce que l'air froid ça bouffe et l'air frais ça te calme il y a beaucoup de choses qui me calment quand je fais des crises d'angoisse du coup aujourd'hui j'en fais quand même relativement moins mais j'ai toujours cette anxiété rampante donc liée à mon trouble d'anxiété généralisé parce que dans les troubles anxieux t'as plusieurs troubles moi je suis concernée par le trouble panique et le trouble anxieux généralisé le trouble panique c'est les crises d'angoisse et avoir peur d'en refaire c'est un cercle vicieux horrible et l'anxiété généralisée comme je l'ai expliqué c'est les inquiétudes On sent permanente liée aussi à des symptômes physiques, mais qui sont là permanents. Alors que la crise d'angoisse, ça a des symptômes physiques brutaux d'un coup. Après 30 minutes, t'en as plus, ça va mieux. Tandis que quand t'es vraiment tout le temps angoissée, que c'est de manière généralisée, toute la journée, tu vas être un peu bizarre. Genre moi, j'ai tout le temps des nausées. Alors ça dépend, il y a des intensités, mais en général, j'ai tout le temps, 80% de ma journée, j'ai de la peine à manger parce que je me sens un peu nouée dans la gorge. Donc c'est pas très agréable.

  • Speaker #0

    Tu disais dormir c'est un de tes outils et tu disais c'est con, moi je pense vraiment pas, c'est physiologique, on en a besoin. Quand on voit par exemple les nouveaux parents quand ils sont pendant la première année, ils sont privés de sommeil avec leur enfant, comme ils peuvent devenir tout d'un coup très colériques, irritables, enfin ils n'arrivent plus à fonctionner normalement. Donc dormir ça semble assez logique. Tu demais aussi le fait de marcher. De nouveau, là, en fait, tu passes par des outils du corps.

  • Speaker #1

    Du corps, toujours. Quand c'est une crise d'angoisse, je ne peux pas faire calmer par le mental. Quand c'est de l'anxiété rampante, généralisée, tu peux essayer de faire deux, trois techniques de mentalisation avec l'analyse fonctionnelle, où tu notes une situation qui a généré un comportement, qui a généré une émotion, qui a généré une conséquence. Tu analyses et tu dis, ok, ça a généré ça. C'est pas si grave. Ou tu projectes des scénarios. Par exemple, demain matin je me lève, et qu'est-ce qui se passe si mon train a du retard ? Et qu'est-ce qui se passe réellement ? Tu mets sur écrit, j'arrive en retard au travail, et puis je vais me faire engueuler par mon supérieur. C'est le scénario anxiogène. Toi, tu dois trouver des scénarios alternatifs, donc non anxiogènes qui viennent casser les scénarios anxiogènes. Je vais arriver en retard. Au pire des cas, j'écris à mon supérieur que j'ai des problèmes de train. Je lui montre la preuve du truc des CFF, parce que les CFF sont toujours en retard en plus. C'est vrai en plus. Et puis il ne va rien se passer parce qu'il ne va rien me dire. Tu vois, j'ai les deux scénarios. C'est deux scénarios qui sont... Le problème est le même, le train du retard, mais la finalité c'est deux choses différentes. Et en faisant de plus en plus des scénarios alternatifs, tu arrives à plus en plus calmer tes pensées. Donc tu passes par l'esprit. Mais pour tout ce qui est crise d'angoisse, tu passes forcément... toujours par le physique.

  • Speaker #0

    Mais j'aime bien l'idée du scénario alternatif parce que je disais que 90% ou même plus, 95% des scénarios anxiogènes qu'on a ne vont jamais se réaliser. Et du coup, il faut trouver ces 95% de scénarios alternatifs, en fait, vu que peut-être il y a 5 ou 10% de possibilités que ça arrive. Ce dans quoi tu as peur, en fait, et là où le cœur s'emballe. Mais en fait, il y a toute une pléthore de scénarios alternatifs qui peuvent être imaginés. Et c'est chouette parce qu'on peut en voir même plus qu'un. J'imagine 3, 4, 5. Quelles sont les possibilités si j'arrive en retard parce que le train est du retard et puis que du coup, je suis en retard au travail ?

  • Speaker #1

    C'est ça. Et plus tu le fais, plus tu arrives à l'intégrer et puis du coup, moins tu arrives à angoisser. A titre personnel, c'est pas ce qui m'aide le plus. Mais bon, aujourd'hui, j'essaye vraiment de... Plutôt que de le soigner, j'essaye d'apprendre à vivre avec. Je me suis fait un peu une raison, je me dis bon écoute c'est compliqué, t'as essayé quand même des thérapies, c'est pas trop concluant, donc tu vas apprendre à vivre avec. Je crois que je me sens mieux depuis que j'intègre le fait que je dois apprendre à vivre avec.

  • Speaker #0

    Que c'est ok en fait, que tu luttes.

  • Speaker #1

    Que c'est ok, que je lutte mais que j'accepte de lutter. Tu vois à un moment donné je cherche des solutions. Dans la vie t'as deux choix en fait, enfin t'as deux possibilités, soit tu vas chercher des alternatives et des solutions. Et puis si t'as épuisé, bah tu passes par l'acceptation. Et aujourd'hui, je dis pas que j'ai tout essayé, je dis pas que j'ai épuisé mes ressources, mais j'ai plutôt envie de passer par l'acceptation. Ça me permettra, je pense, d'être plus en accord avec moi-même.

  • Speaker #0

    Pour revenir au corps, je crois que toi tu fais aussi beaucoup de sport, non ? Est-ce que c'est quelque chose qui te canalise, qui t'aide ? Comment tu vois le sport et tu l'intègres dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Le sport c'est vraiment ma passion, j'adore, c'est super. Ça m'aide beaucoup pour l'anxiété, c'est-à-dire que moi ce qui m'aide vraiment le plus c'est la course. J'adore la course, je me suis mise à la course, c'est assez récent. C'est vraiment ce qui m'aide à être dans l'instant présent. J'ai énormément de mal à être dans l'instant présent avec toutes les angoisses que j'ai, je pense à plein de trucs. Mais quand je cours... Je cours et je pense à rien. Je me concentre sur le pas, mes pas, le bruit. Tu sais, quand tu cours dans la forêt, les cailloux, le bruit des cailloux, le bruit de la nature, le bruit, tout ce qui m'entoure. Vraiment, je ne prends pas toujours mes écouteurs. Et puis vraiment, ça me permet d'être centrée à l'instant présent et je n'ai plus d'angoisse. Après, par contre, c'est vrai que le sport, je n'essaie pas trop en faire non plus parce qu'après, ça me met une pression aussi supplémentaire, la pression des performances. Donc, j'essaie de trouver quand même un juste milieu. Mais en effet, le sport, c'est... Moi c'est la base et ça me permet aussi de dormir mieux donc...

  • Speaker #0

    C'est tout bénef.

  • Speaker #1

    Ouais, clairement, ouais.

  • Speaker #0

    Tu me disais lors de notre premier entretien téléphonique, j'arrive pas à sortir de l'angoisse, de la bipolarité, oui, mais pas de l'angoisse. Est-ce que tu serais d'accord d'expliquer cette phrase ?

  • Speaker #1

    Dans le sens où, pour la bipolarité, j'ai réussi à trouver un traitement qui m'aide plus ou moins. Depuis là, septembre, octobre, je vais mieux. On a adapté mes posologies. Du coup, j'ai deux stabilisateurs d'humeur et j'ai l'impression que ça fonctionne bien, que je tombe plus dans la dépression et que je tombe plus non plus dans le côté... opposé de la manie de l'hypomanie. Par contre, pour l'angoisse, j'ai pas l'impression qu'il y a vraiment de traitement. Alors oui, il y a les antidépresseurs, mais moi, en tant que bipolaire, je suis assez limitée en termes d'antidépresseurs parce que ça n'a pas trop fonctionné chez moi. Et puis les anxiolytiques, j'essaye d'éviter d'en prendre parce que ça crée clairement de la dépendance et de l'accoutumance. Et du coup, du fait qu'il n'y ait pas vraiment de traitement qui calme mon angoisse à moi, j'ai vraiment l'impression que... Je vais vivre avec ça toute ma vie en fait, que c'est quelque chose que je dois, comme dit, accepter. Je le vois comme une fatalité mais je ne le vois pas négativement. J'essaie de le prendre positivement. En mode écoute, c'est comme ça, c'est comme si tu as une maladie chronique, des problèmes de dos, et puis que certes tu peux prendre des médicaments qui t'aident à calmer la douleur, mais la douleur elle est toujours là. Je me dis que je dois faire pareil avec l'anxiété finalement. Je dois l'accepter et pas chercher à le soigner. Mais je sais qu'on peut guérir d'un trouble anxieux. C'est juste que moi, j'ai attendu aussi peut-être 10 ans. Donc 10 ans, c'est beaucoup. Et je n'ai jamais été traitée depuis l'enfance pour un trouble anxieux, ce qui est vraiment embêtant. Il faudrait être traitée dès le début pour que... Moi, je donne toujours l'exemple du train. Si tu veux essayer de calmer un train qui commence de partir de la gare, c'est super... Ce n'est pas super facile, mais c'est beaucoup plus facile. Alors que s'il est genre en plein... Comment dire ? Bah s'il est en... Putain, comment on dit ?

  • Speaker #0

    Il est en pleine route, quoi.

  • Speaker #1

    Mais si le train, il est vraiment en pleine route depuis des heures et des heures, c'est difficile à le calmer. Il faut se calmer progressivement, puis des fois, t'arrives pas à le calmer tout de suite. C'est impossible. Ou sinon, tu fais des montres d'égal. Et c'est un peu comme ça que l'anxiété, j'ai l'impression. Tu vas le prêter dès le début.

  • Speaker #0

    J'avais fait pour l'anecdote des travaux d'intérêt généraux pour les TPG parce que j'avais été amendée jusqu'à hauteur de 500 francs. Je n'avais pas d'argent pour les payer à l'époque donc j'avais fait des travaux d'intérêt généraux. Et j'avais eu une journée où ils m'avaient raconté des tonnes de choses sur les tramways comme si ça me passionnait. Et en fait ils nous avaient expliqué qu'un tram quand il est justement élancé dans sa route, sur ses rails, il met 11 secondes à s'arrêter pour être complètement à l'arrêt.

  • Speaker #1

    En seconde.

  • Speaker #0

    C'est énorme. C'est énorme. Et donc, c'est hyper intéressant ta métaphore, parce qu'en effet, c'est presque un peu tard des fois, selon la situation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est jamais trop tard. Mais moi, j'ai envie d'aujourd'hui de me concentrer sur ma stabilité au niveau de la bipolarité, parce que je sais que c'est ça qui va faire le plus de dégâts au niveau de la crise suicidaire, notamment. Donc, j'essaie de mettre plus les ressources de ce côté-là. Et l'anxiété, j'essaie de me dire, de toute façon, tu as toujours été comme ça. Donc, typiquement... Voir ma vie sans anxiété, ça me fait même peur en fait. Je n'arrive pas à m'imaginer moi, Sonia, sans angoisse.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce ne serait pas anxiogène ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que ça me fait peur. C'est toujours ce que je dis des fois dans d'autres interviews, c'est que finalement, je n'aime pas mon anxiété, mais finalement, j'ai peur de guérir de l'anxiété. J'ai peur de plus être moi-même en fait. J'ai l'impression que ça fait un peu partie de moi, le fait de m'inquiéter pour tout et rien, de tout vouloir contrôler, de ne pas laisser de place à l'imprévu. Je me demande que ça ferait une Sonia genre décontractée. Je ne sais pas si je m'identifierais à travers cette personne, parce que finalement ça a aussi des côtés positifs l'anxiété. Ça me rend des fois quand même plus vigilante. Donc ça me permet de prévenir les... les imprévus. Donc, ouais, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    Tu évoquais le traitement pour la bipolarité, donc deux stabilisateurs d'humeur. La question que j'ai, c'est que est-ce que la vie n'est pas un peu plus, dans ton ressenti, ennuyante, un peu plus grise depuis que tu es sous stabilisateur d'humeur ? Parce qu'on sait qu'aussi dans la bipolarité, les phases maniaques, c'est des moments où l'ennui, il n'existe pas. C'est à fond, à 100%. Même à 200% ? Est-ce que tu trouves la vie un peu moins intéressante depuis que tu es plus stabilisée au niveau des humeurs ?

  • Speaker #1

    Alors oui, parce qu'il n'y a plus les phases de manie. Les phases de manie, c'était vraiment des moments durant lesquels je me sentais vraiment pousser des ailes. Et moi, je suis quelqu'un, je n'ai pas vraiment confiance en moi. Et quand je pousse des ailes, c'est agréable, tu vois, comme sensation. C'est extrême peut-être, oui, mais c'est agréable. Tout ce que je faisais était agréable. Je vivais à 200 à l'heure. J'avais l'impression d'être une version accélérée de moi-même. J'aimais ça, du coup. Et le fait qu'on me les supprime... C'est vrai que ça a rendu ma vie ennuyante au début. Au début, parce que maintenant, je l'accepte et je préfère ma vie comme ça, parce que je me dis, c'est soit tu prends pas de traitement et t'as des phases comme ça et tu vis ta best life, mais tu enchaînes aussi des épisodes de dépression où tu finis hospitalisé. ou soit tu prends un stabilisateur d'humeur t'es peut-être un peu moins fun mais au moins t'es plus dépressive et donc j'ai préféré la deuxième option parce que la dépression c'est l'enfer chez moi la dépression c'est comme dit j'ai un type de bipolarité où la dépression elle est prédominante et donc c'est un risque suicidaire aussi beaucoup plus majoré donc pour moi c'est très important que je limite les risques de dépression t'as déjà eu des envies suicidaires ? j'ai déjà eu des envies suicidaires, plein de fois

  • Speaker #0

    Ouais, ça s'est calmé aussi justement avec les stabilisateurs d'humeur ?

  • Speaker #1

    Ça s'est calmé en octobre, en fait. Ça faisait trois ans que je cherchais un traitement pour la bipolarité. Mais à chaque fois, ça jouait pas, la posologie, elle jouait pas, le traitement, il jouait pas, trop d'effets secondaires. Bref, c'était compliqué. Et là, depuis octobre, on a augmenté la posologie d'un stabilisateur d'humeur. Puis ça a fait toute la différence, vraiment. On a augmenté juste de 100 mg. Bon, 100 mg, c'est pas mal, tu vas me dire, mais on a augmenté de 100 mg. Puis là, du coup, j'ai vraiment l'impression d'être vraiment stable et j'arrive quand même à avoir des moments de bonheur dans ma vie. C'est pas des moments de manie, mais typiquement, j'arrive pas... Si je dors 3 heures, je suis épuisée, quoi. Je suis plus dans des phases de manie, mais j'arrive quand même à être heureuse. Je suis partie en Thaïlande début janvier. Pourtant, c'était vachement compliqué parce que j'avais beaucoup d'angoisse là-bas. C'était très dur, j'avais beaucoup de symptômes physiques. J'ai eu du mal à profiter, mais c'est super vacant. J'ai ressenti vraiment du bonheur. J'avais le sourire au lèvre. Non, j'arrive à quand même être heureuse.

  • Speaker #0

    Je crois savoir que tu t'es engagée auprès de Stop Suicide, une association qui, depuis 2000, a pour mission de prévenir le suicide des jeunes en Suisse romande. Est-ce que c'est justement parce que tu as déjà eu des passages avec des envies suicidaires que tu as eu envie de t'engager auprès de cette association ? Ou ça vient d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ça vient... Oui, ça vient de ça. En fait, je suis tombée sur le profil de l'association, ça faisait déjà un moment, 2021. Puis je me suis dit, waouh, c'est beau ce qu'ils font les bénévoles et tout. Je m'étais inscrite en tant que bénévole. J'ai fait la formation de base, j'ai même fait la formation de bénévole formateur. Mais je n'étais pas plus investie que ça, parce que moi-même, j'étais encore dans la dépression. Je pense qu'à ce moment-là, c'était un peu pour noyer ma dépression que je le faisais. Mais après, par contre, quand je suis sortie de ma troisième hospitalisation, donc en août 2022, J'ai eu une phase un peu compliquée pour me relever, mais en octobre, je crois, j'ai vraiment décidé de m'investir à fond. Et au début, je me suis dit, ouais, Sonia, fais attention, parce qu'être dans les problèmes des gens, ça ne va peut-être pas t'aider. Et en fait, non, pas du tout. Le fait d'être dans cette association, ça m'aide avant tout moi-même. Dans le sens où moi-même, maintenant, j'ai les ressources. Et le fait que j'incite tout le temps les gens à appeler à l'aide, à la sauce, on ne fait que ça. Et sur mes réseaux sociaux je fais pareil, je dis tout le temps qu'il faut appeler à l'aide, moi-même j'appelle à l'aide maintenant. J'ai une fiche que j'ai tout le temps sur moi, qui s'appelle un plan de prévention. C'est pas que utilisé pour la crise suicidaire, mais typiquement en cas de crise d'angoisse, qui j'appelle, à quel moment, ok si c'est une crise qui n'est pas trop urgente, je peux appeler un proche. Si vraiment je suis au bout du bout, j'appelle le 147, ou j'envoie un message à ma psy, puis elle m'appelle en général assez rapidement. ou si vraiment je suis dans la crise suicidaire ou j'ai des idées noires j'appelle directement les urgences j'ai un protocole où je me dis mais tu peux pas ne pas demander de l'aide en fait face à ça et l'association ça a été un tremplin énorme pour moi moi je dirais que c'est ça qui m'a sauvée en fait je dis clairement ça m'a sauvée la vie je pense je pense si je n'avais pas rencontré si je n'avais pas rencontré l'association je ne sais pas si je serais toujours là parce que j'étais très suicidaire à l'époque avant de m'investir à fond et je voyais pas le sens de la vie j'avais l'impression que la vie ça servait à rien je disais toujours à mes proches moi je veux mourir très jeune c'est moi je m'en fous de vivre je vis mais je survis c'est vrai j'ai l'impression de survivre encore avec mes angoisses mais aujourd'hui j'arrive à me dire mais attends tu dois profiter de ta vie puis tu dois tu dois vivre la vie est belle même si elle est dure pour toi même si tu as trop d'angoisse tu dois tu dois être bien tu dois tu dois montrer à tes proches que que tu vas bien, tu dois être là pour tes proches, et puis faire de ton mieux, ça a été salvateur pour moi.

  • Speaker #0

    Et en quoi la vie, elle est belle aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    La vie, elle est belle aujourd'hui parce que finalement, j'ai une page Instagram où je fais de la prévention. Je parle de mon combat avec la bipolarité, de l'anxiété, mais aussi de la thématique du suicide. J'ai une page TikTok que j'alimente aussi très très régulièrement, plusieurs vidéos par semaine. Et en fait, la vie est trop belle parce que j'aide plein de gens et ils me disent que ça les aide. Et moi, le fait d'aider les gens, ça m'aide aussi. Parce qu'avant tout, les conseils que je donne aux gens, je les applique pour moi. Moi, je trouve que la vie est tellement belle quand tu aides les gens, quand tu sais que tu fais du bien autour de toi. Je fais une publication, peut-être il y a 55 000 personnes sur TikTok qui vont la voir. 55 000 vues, ça ne représente pas grand-chose. Mais quand tu vois les interactions, les commentaires et le nombre de partages, tu te dis Oh ! La vidéo, elle a plu ! C'est génial et ça me donne le sourire. Je me dis en fait, les gens, ils parlent du suicide. Ils transmettent les informations pour que le tabou soit de moins en moins entretenu. C'est ça la vie en fait. Profiter de ses proches, profiter de chaque chose. Moi, je profite vraiment de chaque chose qui m'entoure. Le soleil par exemple. je me mets dehors sur ma terrasse, je fais rien, je me mets comme si je bronzais au soleil, et je me dis, waouh, la vie est belle quand même, enfin ok, j'en ai marre, j'angoisse, c'est dur, des fois ça m'arrive de me mettre dans des états de détresse très intenses, des fois j'ai envie de retomber dans l'addiction des branches de diazépine, je le fais même pas, parce que voilà, je veux plus rentrer là-dedans, je veux plus être dans une conduite autodestructrice, et je trouve que quand t'es bienveillant envers toi-même, bienveillant envers ton corps, Tu vois les choses un peu différemment, je trouve. Que si tu t'auto-détruis... Avant, je m'auto-détruisais tout le temps. Je me dévalorisais, je m'auto-sabotais. Je faisais du sport à outrance. Mais c'est pas par passion. Le sport à outrance, c'était pour me détruire. Pour faire du mal à mon corps. Je m'en rendais pas compte, mais à l'époque, c'était vraiment de l'auto-sabotage. Où je prenais des médicaments, des anxiolytiques. Où je pouvais peut-être faire des restrictions au niveau alimentaire. Pour me punir. J'avais beaucoup de soucis de me punir. J'ai vécu avec ça pendant longtemps. Mais depuis que je fais ça, je suis vraiment dans une démarche de mieuxveillance envers moi-même. Quand je fais des crises d'angoisse et que je suis toute seule, je mets ma main contre mon épaule, en fait, comme ça, et puis je la caresse comme si j'avais quelqu'un à côté de moi. Ça me donne une présence. Ma présence, en fait, c'est moi-même. Et je me dis, allez, t'es forte, t'es pas toute seule, je suis là, tu vas y arriver. C'est un peu con, les gens vont me dire que c'est un peu stupide, mais en fait, non, ça a tellement de sens. Ça veut dire que je prends soin de moi, que je m'accepte et que je ne m'autosabote plus. Et ça, comme je dis, ça a changé ma vie.

  • Speaker #0

    Tu parlais du plan de prévention suicide. Alors je t'avoue qu'avant de te rencontrer, je n'avais jamais entendu parler de ça. C'est vraiment quelque chose, c'est un document qui est hyper individualisé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est individualisé. En général, il faudrait que les personnes le fassent avec leur thérapeute. Moi, je l'ai mis en place toute seule parce que j'avais les clés grâce à l'association. Mais en général, c'est quelque chose que tu mets en place avec ton thérapeute. Ça peut être sous plusieurs... plusieurs formes différentes typiquement. Dans le mien, ça contient mes signes avant-coureurs. Donc le mien, il est pour la dépression.

  • Speaker #0

    Donc toi, c'est quoi ? C'est un fichier Word basique ? Donc là, tu étais en train de me montrer parce que les auditeurs ne voyaient pas. C'est sur ton téléphone ? Qu'est-ce que tu as fait ? C'est un fichier ?

  • Speaker #1

    Alors, je l'ai fait via un logiciel de design qui s'appelle Canva.

  • Speaker #0

    Ah ok d'accord, tout le monde n'est pas obligé d'utiliser Canva.

  • Speaker #1

    Je vais faire ça sur une page Word, moi j'aime bien juste faire des designs parce que je suis très visuelle et je suis très créative.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le design est très joli.

  • Speaker #1

    Voilà, moi j'aime bien, ça m'aide à le regarder d'une manière positive, mais typiquement celui que j'ai fait là c'est plutôt pour la dépression et la crise suicidaire, donc médecine avant-coureur, donc les comportements qui indiquent que je suis dans la crise suicidaire, comme l'isolement, les comportements dangereux, les changements d'humeur, la perte de motivation, les messages verbaux, Voilà, si je vais beaucoup...

  • Speaker #0

    Les messages verbaux.

  • Speaker #1

    Les messages verbaux dans le sens où des fois j'aurais tendance à dire Ah, j'en ai marre, la vie est dure. Ah, j'aimerais ne plus être là. Tu vois, c'est ça, des messages verbaux que je me dis moi-même des fois quand j'en ai vraiment marre, quand je suis vraiment très très triste. Donc ça, je les note, je les identifie. Mes stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui me fait du bien, faire du sport, prendre une marche, donc pour calmer en général une crise. Les personnes de mon entourage à contacter, donc les personnes ressources, ça c'est mes proches. Je prends un membre de ma famille, mon copain et j'essaie de prendre un ami aussi. J'essaie de varier les personnes ressources. Les professionnels à contacter, le psychiatre, la psychologue et pourquoi pas le médecin généraliste, ne sait-on jamais. Les mesures à prendre en cas de crise suicidaire, donc me rendre aux urgences, me débarrasser des moyens du suicide, appeler un proche, aller chez mes parents pendant plusieurs jours parce que je sais que ma maman est toujours à la maison, donc si je vais chez elle, elle sera tout le temps là pour moi, donc un risque suicidaire qui sera moins important. Et les numéros d'urgence, donc le 143, le 147, les urgences psychiatriques et puis le 144. Voilà, ça c'est vraiment si je suis vraiment dans la crise. Après, pour les crises d'angoisse, j'utilise aussi cette base de plan. Mais là, j'essaie plutôt de regarder en fonction de l'intensité de la crise d'angoisse, si c'est une petite crise. Ok, je contacte un proche, je demande à mon chéri de venir, je lui fais un câlin. Et puis ça me rassure et puis ça ne m'aide pas forcément à me calmer, mais ça me rassure. Si vraiment l'angoisse est trop forte et puis que j'en peux plus physiquement. Là, je peux aussi contacter ma psy, puis en général, elle m'appelle, j'ai son numéro privé. Ou si vraiment je suis dans une crise très très forte, j'appelle le 147 très souvent. J'aime bien les appeler parce que des fois, j'appelle, je ne dis pas mon nom, je dis bonjour, je suis en détresse, je n'en peux plus. Puis après, la personne, elle me pose des questions. Mais qu'est-ce qui se passe ? Je fais une angoisse, j'en ai marre, j'ai mal au ventre, j'ai mal partout, je suis pas bien, je vais tomber dans les pommes, j'arrive plus à respirer. Puis la personne, après, elle me pose des questions, elle m'aide à respirer, puis ça me calme, je suis pas seule, en fait.

  • Speaker #0

    Le 147, tu peux dire aux auditeurs et auditrices quel numéro c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, le 147, c'est le numéro, en fait, pour les jeunes, en fait, d'aide pour les jeunes. C'est pas que pour la crise suicidaire. Tu peux appeler aussi si t'as des problèmes d'orientation, par exemple, un peu pour tout, du harcèlement. même si il y a des questions sur la sexualité, ça va aussi répondre. Et puis le 147, c'est pour les 15-29 ans, donc les jeunes, et puis le 143, c'est pour les adultes. Mais si tu appelles le 147 et que tu as par exemple 30 ans... Voilà, ils vont se rediriger vers le 143.

  • Speaker #0

    Ok. Bon, tout ça, c'est en Suisse, il faut le préciser.

  • Speaker #1

    Oui, je précise, c'est en Suisse. Et pour la France, on a le 3114, donc la ligne pour le suicide. Je ne connais pas les autres ressources en France, mais je pense qu'on pourra les mettre dans les commentaires.

  • Speaker #0

    Oui, parfait. Et donc, ce plan de prévention, quelque part, c'est quelque chose que j'imagine que tu partages avec ton entourage. Tu ne l'as pas toute seule, parce qu'eux aussi vont être peut-être alertes un peu de certains signaux.

  • Speaker #1

    En principe, le plan de prévention, tu le partages avec les personnes de ton entourage. Comme ça, les personnes, elles ont ce plan aussi, une copie pour elles. Elles ont les signes avant-coureurs qu'elles peuvent identifier chez moi. Et puis, après les stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui fait du bien à la personne, les contacts, elles savent qu'en fait, elles peuvent être contactées à tout moment. elles savent et ça les surprend pas et pareil pour les professionnels de santé si tu fais un plan comme ça je pense que c'est important de le faire déjà avec un psy après ça dépend il y a des personnes qui le font d'une autre manière que moi mais en tout cas moi j'ai vraiment mis ça de manière assez protocolaire pour que ça puisse vraiment m'aider à demander de l'aide et il y a des gens qui m'ont déjà dit parce que je l'ai partagé sur les réseaux ça sert à rien ton plan de prévention si une personne elle veut mourir elle passe à l'acte ok bon voilà faut pas écouter toujours les commentaires des gens moi je je trouve que la prévention, tu dois la faire avant la crise suicidaire. C'est clair que si tu es pendant la crise suicidaire, ça ne sert à rien de faire un plan de prévention. Il faut le faire à part, dès que tu vas bien. Et puis, plus tu fais de prévention, plus tu sais comment tu vas gérer la crise suicidaire. Donc, voilà, moi, je trouve que ça a une utilité quand même relativement importante.

  • Speaker #0

    Carrément. Et moi, ça me touche aussi en ayant une maladie chronique physique, en fait. Parce qu'il y a toujours un moment donné où, quand les symptômes sont trop violents, trop de jours, ça va... Forcément, avoir un impact sur ma santé mentale, c'est quasi la condition sine qua non. Et en fait, au bout d'un moment, justement, dans ce truc de la santé mentale, de pouvoir me dire, ok, je ne sais pas, par exemple, après dix jours de symptômes hyper violents, c'est le moment où je commence à avoir des idées un peu plus ruminatives, peut-être que mon entourage peut être un petit peu plus à l'écoute de ça et un peu plus me demander comment tu vas en ce moment, enfin... Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant, mais pas que forcément pour la question du suicide. Toi aussi, tu l'as extrapolé, par exemple, aux angoisses. Mais je me dis, en effet, tout ce qui touche à la santé mentale, à un moment donné, de sentir que tu peux avoir des outils et que tu as une team au final. Parce que c'est ce que tu montres toi aussi, c'est que tu as une team autour de toi. Tu as ton conjoint, tu as tes proches, tu as des amis, tu as des thérapeutes. Et il y a les lignes aussi d'appel.

  • Speaker #1

    Oui, ça sert exactement. C'est pour montrer en fait que... Les ressources sont disponibles et qu'il n'y a pas que les ressources médicales, mais aussi les ressources de l'entourage. Il y a certes des personnes qui n'ont aucune ressource de l'entourage, et franchement je suis vraiment désolée pour elles, ça doit être vraiment très dur à vivre, mais pour les personnes qui en ont, c'est très important de les mobiliser. Et c'est ça en fait à quoi il sert le plan de prévention, c'est pour voir en fait qu'on sait tous que quand on va pas bien, il faut appeler le 147. Enfin, on sait tous, non on sait pas tous, mais on a souvent la connaissance qu'il y a des ressources d'aide, mais si tu les mets par écrit...

  • Speaker #0

    je trouve que c'est mieux parce que tu t'en rends mieux compte et puis tu te dis, ah mais il n'y a pas que le 147 il y a aussi ma psy, mon psychiatre mon généraliste, il y a ma famille il y a mon chéri, donc si ma famille ne répond pas, je peux appeler mon chéri s'il ne répond pas, j'ai quelques amis c'est important quand même pour moi de se rendre compte qu'on a des ressources parce que des fois on ne les voit pas quand on ne voit pas bien,

  • Speaker #1

    on ne les voit pas et puis quelque part tu te connais aussi mieux et tu arrives mieux à identifier ce que tu vis c'est quelque part un rapport assez mature Face à la maladie, non ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça fait partie de l'acceptation. Moi aujourd'hui, je suis dans une démarche où la bipolarité, j'essaye de l'accepter tant bien que mal, même si des fois j'ai un peu encore tendance à faire du déni. L'anxiété, comme dit, j'essaye d'apprendre à vivre avec, et puis en ce qui concerne la crise suicidaire, je me sens vraiment protégée, grâce à la sauce. Après, je ne suis pas à l'abri d'une récidive, comment je réagirais si j'ai une récidive ? Je ne sais pas, je ne peux pas le savoir, mais en tout cas, je suis armée. Donc, j'ai les armes à ma disposition, c'est à moi de les prendre.

  • Speaker #1

    Tu dis que t'es un peu encore dans une phase de déni avec le trou bipolaire, mais je crois que le diagnostic, il est quand même assez récent, tu disais.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait à peu près deux ans, deux, trois ans. C'est récent, mais en même temps, j'ai eu le temps de me renseigner beaucoup sur la maladie. Et c'est vrai que des fois, j'ai un peu de peine à... à m'identifier à travers certains témoignages et puis je me dis ah ben je suis pas bipolaire alors qu'en fait la bipolarité c'est chaque personne vit sa maladie puis tu peux pas te reconnaître dans totalement dans le témoignage d'une autre personne mais c'est vrai que c'est une maladie complexe puis en plus c'est une maladie à vie donc des fois je fais du déni parce que peut-être je me dis que je vais devoir vivre avec ça toute ma vie puis ça m'embête de prendre un traitement à vie c'est lourd quand même les traitements qu'on nous donne beaucoup d'effets secondaires Donc, ouais, des fois, j'ai tendance à un peu le dénier. Des fois, j'ai envie d'arrêter les traitements, mais ce n'est pas une bonne idée.

  • Speaker #1

    Bon, se renseigner, c'est clair que c'est hyper important. C'est même primordial et essentiel, mais ça reste de l'ordre de l'analyse. Et il y a quand même, quand on accueille un diagnostic, il y a tout ce que ça génère au niveau... plus justement du corps aussi. On met du temps à accueillir un diagnostic. Ce n'est pas juste analyser, de se dire bon ben voilà, je suis identifiée comme telle et puis j'ai bien compris comment fonctionnait la maladie et ce n'est pas que la théorie, la vie. Et donc je pense qu'il y a aussi toute une phase de théorie où on connaît peut-être plein de choses sur les maladies avec lesquelles on vit, mais de là à vraiment accueillir, toi tu dis accepter, d'autres personnes diraient assumer, ça peut prendre énormément de temps pour que... ça, dans nos cellules, se soit ancré.

  • Speaker #0

    Ça fait partie aussi de la psychothérapie, je dirais, parce que la psychothérapie du trouble bipolaire, elle passe avant tout par la psychoéducation. La psychoéducation, ça veut dire apprendre à connaître le trouble, et dès qu'on a appris à connaître le trouble, on apprend à connaître son trouble, donc ses symptômes. Et ensuite, dès qu'on a appris ça, on apprend à la gestion de la maladie. Les gestions des phases, les triggers, les signes avant-coureurs, voilà.

  • Speaker #1

    Trigger, est-ce que tu peux juste le traduire s'il te plaît ?

  • Speaker #0

    Trigger, ça veut dire dans la bipolarité, dans mon cas, je dirais signes avant-coureurs.

  • Speaker #1

    C'est les déclencheurs.

  • Speaker #0

    Les gros déclencheurs. Si typiquement, du jour au lendemain, je n'ai plus du tout envie de faire de sport, c'est bizarre. C'est trigger, tu vois. C'est un signe avant-coureur, mais un gros signe avant-coureur. Quelque chose qui est très, très marquant.

  • Speaker #1

    Pour revenir un tout petit peu à l'entourage, quand on a eu notre premier entretien téléphonique, toi et moi, tu m'as parlé de ton conjoint avec qui tu es depuis dix ans maintenant. Et tu m'avais dit à ce moment-là, il a vu la maladie s'installer, il a vécu les hospitalisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un peu ces impacts qu'ont eu les maladies sur lui et éventuellement votre couple ?

  • Speaker #0

    Lui, il a vu la maladie s'installer parce qu'on s'est connus quand je n'avais pas la maladie. Et ma maladie a commencé pendant mes études supérieures, donc on était ensemble depuis à peu près 5 ans. Lui, il a vu la chose s'empirer, donc lui, il a vu mes phases. Il a identifié la première phase de ma nuit, lui, il l'a vue. Parce qu'il a vu que j'avais vraiment un comportement bizarre, il ne savait pas ce que c'était forcément, mais il savait qu'il y avait quelque chose qui ne jouait pas. On s'est séparés d'ailleurs une ou deux fois à cause de la maladie. Il a vu aussi les épisodes de dépression. Pour lui, ça a été dur parce que je pense que ce qui est le plus dur pour les proches, c'est l'impuissance. qui ne savait vraiment pas quoi faire, et aussi on ne savait pas ce que j'avais. Donc ça peut être une multitude de choses, ça peut être la schizophrénie, ça peut être un trouble de la personnalité. Quand tu ne sais pas, tu te poses des questions, tu te dis, mais qu'est-ce qu'elle a Sonia, qu'est-ce qui lui arrive ? Elle est folle, pourquoi elle se comporte comme ça ? Avec le temps, il a appris à connaître la maladie, lui-même se renseigne sur la maladie, il sait la différence entre le type 1 de la bipolarité, le type 2, le type cyclotimique. Il a quand même pas mal de connaissances, je dois dire qu'il s'est quand même renseigné grâce à moi, parce que je l'ai aussi un peu poussé à connaître la maladie. Puis maintenant qu'il la connaît mieux, des fois c'est même lui qui va me dire Ah, Sonia, ça fait quelques jours que tu dors pas beaucoup, c'est un peu bizarre, fais attention. Par exemple. Voilà, c'est lui qui va des fois remarquer plus les signes avant-coeur des phases hautes. Les phases basses, je les remarque en général moi-même. C'est lui des fois qui... qui va identifier certains signes, il va dire c'est normal ça, ou c'est la maladie, il pose des questions, il s'intéresse. C'est clair que pour lui ça a été difficile, d'un point de vue personnel, d'un point de vue professionnel, ça impacte tout. Quand on approche malade psychiquement, et puis que ta personne elle est en dépression, et puis que tu peux rien faire avec elle, parce qu'elle est complètement déconnectée de la réalité, et puis qu'elle passe chaque été à l'hôpital, moi 2020, 2021, 2022, chaque été je l'ai fait à l'hôpital. Chaque été en trois ans, donc c'est pas mal. Lui, il restait seul à la maison, avec le travail à gérer. Pour lui, c'est pas évident, il venait me voir à l'hôpital. Il avait pas forcément le temps, parce qu'il travaille beaucoup. L'impact, il est énorme sur la famille. Enfin, sur la famille et sur les proches, pour le coup, c'est plutôt lui qui a ramassé. Parce que mes parents, je ne vivais plus avec eux, lorsque ça a vraiment commencé à dégénérer. Mais pour mes parents, c'est dur aussi, parce que quand je suis dans des phases où je vais moins bien, je retourne chez eux vivre, parce que je suis plus en sécurité, du fait que ma maman, elle est tout le temps à la maison. Parce que si je suis chez moi, mon copain il travaille, donc je suis toute seule. C'est dur pour elle aussi parce qu'elle me voit mal et puis elle a peur de me laisser toute seule. C'est vrai, c'est dur. Pour les proches, c'est très très dur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez grandi dans votre couple avec ça ?

  • Speaker #0

    Ça c'est une bonne question. Je dirais que c'est quelqu'un qui est très patient. C'est quelqu'un qui est très patient et qui est très intelligent aussi. Donc ça veut dire qu'il va chercher à comprendre les choses. Il va lui-même se renseigner, il va lui-même dire, typiquement il n'y a pas très longtemps il m'a dit Ah tu devrais essayer ces médicaments-là à base de plantes pour l'anxiété, tu devrais essayer cette thérapie-là pour l'anxiété. Il se renseigne beaucoup, il lit beaucoup de choses sur la maladie, il me suit aussi sur ma page, donc il regarde mes contenus. Je dirais que ça a évolué dans ce sens où lui maintenant, il a des connaissances et il est armé pour m'aider. Enfin, pour m'aider. Qui ne peut pas vraiment m'aider, mais pour me soutenir plutôt.

  • Speaker #1

    Donc, c'est plutôt une jolie relation qui perdure après dix ans. Et bien que la maladie soit arrivée au final, enfin, le trouble anxieux était déjà là, mais le trouble bipolaire soit arrivé par la suite.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très, très belle relation. J'ai eu beaucoup de chance. Et je pense que je suis très reconnaissante.

  • Speaker #1

    Est-ce que dans ce contexte-là, vous avez le projet de fonder une famille ?

  • Speaker #0

    Difficile à répondre. Avec la bipolarité, c'est compliqué parce qu'il faut arrêter tous les stabilisateurs d'humeur. Et une femme enceinte qui souffre de bipolarité, elle a un risque très, très élevé de dépression postpartum.

  • Speaker #1

    C'est quasi 90% ?

  • Speaker #0

    C'est 90%. C'est juste aberrant. C'est juste énorme. Mais la plupart des gens que je connais bipolaires ont fait une dépression postpartum. La plupart. La plupart, ça veut dire qu'il y en a aussi qui n'en ont pas fait. Moi ça me fait vraiment peur parce que arrêter les traitements, t'as déjà les effets secondaires de l'arrêt, t'as les effets secondaires de la grossesse, l'accouchement. Après on sait tous que le postpartum, même pour une personne qui n'a pas de maladie psy, est toujours compliqué, ça change complètement ta vie. Et les changements de situation dans la bipolarité c'est hyper important. C'est-à-dire qu'un changement, un gros changement, même un petit changement, ça va impacter puis ça peut créer une récidive en fait. C'est-à-dire que si moi demain je change de travail, je risque une rechute, plus qu'une personne qui n'a pas de bipolarité, même sous traitement. Alors un enfant ce serait, c'est à double tranchant. Soit ça peut aider une mère... à se relever par rapport à la maladie. Je connais quelques personnes que ça a été le cas, ça les a énormément aidées, qu'elles se sentent beaucoup mieux depuis qu'elles ont des enfants. Ou alors ça peut être l'inverse. Et moi j'ai très peur de me retrouver dans le côté inverse.

  • Speaker #1

    Donc tu as l'impression quand même que le fait de vivre avec un trouble bipolaire, ça met entre parenthèses ce souhait, ou quoi qu'il en soit, tu n'aurais pas forcément eu envie d'avoir des enfants ?

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est plutôt le trouble bipolaire qui met la barrière par rapport à ça, pour l'instant.

  • Speaker #1

    Et ton conjoint, il en dit quoi ?

  • Speaker #0

    Lui, il veut des enfants. Lui, il veut des enfants et il pense que je pourrais le gérer très très bien. Mais c'est compliqué. J'ai des membres de ma famille qui souffrent de cette maladie. Et les grossesses, ça a vraiment été la pire chose. Donc moi, ça m'effraie quand même. Donc voilà.

  • Speaker #1

    Il y a un domaine qu'on n'a pas du tout évoqué, c'est le domaine professionnel. Est-ce que tu travailles ?

  • Speaker #0

    Oui, on me pose beaucoup la question. Oui, je travaille, je travaille même à 100%, je le dis très très ouvertement. Ce n'est pas parce que je travaille que je souffre moins, ça n'a rien à voir, c'est juste que j'ai des conditions de travail quand même bien avantageuses, dans le sens où mon employeur est au courant de ma maladie. Ce qui fait que... Certes, ce n'est pas évident pour moi, ça n'a pas été évident pour moi de le dire au travail, mais au moins il le sait et il m'a toujours soutenue. Pendant mes hospitalisations, il était là, il m'a soutenue, il m'écrivait. En fait, ça fait dix ans presque que je travaille dans la même boîte et quand j'ai commencé, je n'avais pas la maladie. Du coup, j'ai commencé, j'ai pu développer des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées. Et étant donné que j'ai développé des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées dès le début, dès que je suis tombée malade, ils n'ont pas tenu compte de ça parce qu'ils se sont dit Ok Sonia elle a ça mais elle est quand même compétente. Et c'est clair que chaque année j'ai quand même plusieurs arrêts maladie, donc depuis le début de l'année je n'en ai pas encore eu, je suis vraiment très très heureuse parce que je vais mieux, je suis stabilisée. Mais ils acceptent, ils acceptent et puis voilà, ils gardent contact avec moi. Et puis en général j'essaye d'éviter d'être toujours en arrêt à 100%, j'essaye d'être 50%. Ça m'aide quand même à... J'aime pas être à la maison, rien faire, ça m'angoisse. Et ça me permet de me reposer à 50%, j'ai l'après-midi pour me reposer, et puis comme ça mon employé voit que je suis vraiment motivée, dans tous les cas. Et ça se passe très très bien.

  • Speaker #1

    En tout cas, ça a été super courageux de l'évoquer avec ton employeur. Qu'est-ce qui t'a permis d'oser le faire ?

  • Speaker #0

    En fait, c'était à l'époque quand je venais de recevoir le diagnostic. Franchement, d'un côté, ça me rassurait, mais d'un autre côté, ça me faisait peur. Et je me suis dit, écoute Sonia, là, t'es en phase dépressive, tu vas pas très bien. Autant le dire maintenant plutôt qu'il l'apprenne par la suite. Parce que moi au début je voulais dire je suis en arrêt parce que j'ai mal au ventre ou je sais pas quoi. Enfin je voulais inventer une excuse. Mais j'ai pas... Enfin inventer un mensonge je trouve que c'est un côté très très malsain dans le monde professionnel. Alors j'ai préféré jouer carte sur table. Puis je lui ai dit voilà j'ai eu un arrêt maladie. J'ai pas été malade. J'avais inventé... Je crois que j'avais inventé une excuse. J'avais dit que j'avais fait une intoxication alimentaire qui a duré un mois. Voilà, peut-être que c'est possible, mais bref. Et je lui ai dit, voilà, je préfère te le dire comme ça, tu le sais par moi. En fait, non, je n'ai pas eu d'actification alimentaire, je suis hospitalisée en psychiatrie parce que je suis bipolaire. Je lui ai dit. Et il était surpris, mais pas trop, parce qu'il m'a dit qu'il remarquait des comportements qu'il avait remarqués. quelques comportements étranges de ma part. Ça fait pas de moi une mauvaise employée, mais il a dit qu'il avait remarqué quand même deux, trois choses. Donc, il était plutôt content que je lui en parle. Et je suis vraiment contente parce que maintenant que je vais mieux, il me l'a même dit. Il m'a dit, tu vas mieux, ça fait plaisir. J'ai dit, oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Tu disais que tu travaillais à 100%. Est-ce que pour toi, c'est juste de travailler à ce taux-là avec tout ce que tu vis à côté ?

  • Speaker #0

    C'est dur. C'est dur et je pense qu'à terme, moyen terme peut-être, je vais baisser mon taux d'occupation. Parce que c'est vraiment... c'est intense. Après j'ai la possibilité de faire du télétravail, donc ça me permet disons d'avoir quand même une flexibilité au niveau des horaires. Et moi dans ma journée je peux entrecouper mes horaires. C'est-à-dire que si tout à coup j'ai plus envie de travailler l'après-midi, je peux retravailler le soir ou le lendemain plus longtemps. En fait j'ai des horaires complètement libres. Et certes, j'ai un travail exigeant parce que je suis dans le domaine des assurances et puis les personnes qui travaillent dans les assurances savent à quel point c'est un domaine stressant. Mais j'ai une flexibilité qui est énorme. Je peux travailler où je veux, quand je veux, tant que je fais mon boulot. Et ça, c'est ce que j'apprécie en fait. Ça me permet, si je ne me sens pas bien, ça m'arrive souvent, si je ne me sens pas bien, ok, là il est 14h, j'en peux plus, j'angoisse trop, je vais me coucher. Je reprends à 17h, je travaille jusqu'à 20h, puis ma journée est terminée. En fait, je pense que c'est cette flexibilité de mon employeur qui m'aide vraiment. à tenir le coup. Parce que mon employeur, il est au courant de ça et il est compréhensif. Parce qu'il sait aussi que je fais du bon travail. Je pense qu'après, ça doit être une relation mutuelle de confiance.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est beau de voir que certains aménagements peuvent soulager aussi les symptômes, quelque part.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, dans beaucoup de grandes entreprises, il y a un système de gestion de la santé qui est mis en place pour générer le bien-être au travail, limiter les risques d'absentéisme. C'est fait de plus en plus dans les grandes entreprises. Et ça, c'est vraiment une très, très grande évolution du monde du travail.

  • Speaker #1

    Et puis, tu me disais que tu avais peut-être envie d'avoir aussi un job autre que celui-là. Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? On l'a évoqué hors antenne tout à l'heure.

  • Speaker #0

    À terme, j'aimerais bien me lancer dans l'influence, en fait, mais dans le domaine de la santé mentale. Plutôt, par exemple, avoir des partenariats avec, je ne sais pas, des... des pharmacies, pas pour des médicaments sur ordonnance, mais pour tout ce qui est des médicaments à base de plantes que moi, je teste pour mon anxiété, que je montre auprès de ma communauté est-ce que ça a marché, est-ce que ça n'a pas marché. Des choses comme ça ou des thérapies que j'essaye et que je suggère ensuite auprès de ma communauté. Ça, c'est quelque chose qui m'intéresserait. À terme, j'aimerais beaucoup.

  • Speaker #1

    Sonia Influenceuse, peut-être bientôt sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien.

  • Speaker #1

    Moi j'arrive gentiment à la fin de mes questions, Sonia. Donc avant de te poser les deux dernières questions de fin, c'est est-ce que tu avais envie déjà de rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    J'ai rien à rajouter simplement à toutes les personnes qui souffrent de bipolarité. C'est très dur d'accepter cette maladie. Les symptômes sont très durs, les phases sont très dures. Mais je vous promets qu'on peut se stabiliser. Moi, dans mon cas, je me suis aujourd'hui stabilisée. Ça fait presque neuf mois que je suis stable, que je vais vraiment mieux au niveau de la bipolarité. Je suis un exemple. Et pourtant, j'en ai bavé. Pendant trois ans, je n'avais pas de stabilité. Et après trois ans, je vois le bout du tunnel. Et je pense que vous aussi, vous pourrez voir le bout du tunnel. Si vous m'écoutez, je vous le souhaite très sincèrement. Et simplement, des fois, c'est le traitement qui n'est pas adapté. Des fois, il faut augmenter le dosage. Des fois, il faut le diminuer. Des fois, il faut changer de molécule. C'est long, mais on y arrive.

  • Speaker #1

    Et plus précisément, quel message tu souhaiterais faire passer aux personnes qui vivent avec une maladie invisible, qui serait un trouble psy ?

  • Speaker #0

    Ouais, alors moi je dirais que l'accepter, c'est la clé en fait de la rémission. Je parle pas de guérison, parce que dans la maladie mentale, c'est dur de parler de guérison, mais on parle de rémission. Et dès le moment où tu apprends à toi de connaître et à accepter, entre guillemets, ce qui t'arrive, Tu vas voir la chose différemment et donc tu vas envisager plus facilement ton rétablissement.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est quoi les clés de l'acceptation ?

  • Speaker #0

    C'est un travail sur soi-même à faire. En psychothérapie, un travail d'estime de soi aussi, un travail d'acceptation de soi, un travail de gestion des émotions, de gestion de la maladie. Dès que tu commences à gérer ta maladie, tu te sens mettre à bord en fait. Et puis du coup, tu l'acceptes beaucoup mieux aussi. Mais ça, ça ne peut se faire qu'avec un professionnel de santé.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu aimerais partager à l'entourage des personnes qui vivent avec un trouble psy et par défaut une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Oui, alors vous n'avez pas besoin de jouer le rôle du psychologue avec ces personnes en posant des questions, en voulant absolument chercher la clé pour aider la personne. Juste un soutien suffit. Un soutien physique, un soutien moral. Écrivez à la personne régulièrement des actions très simples. Est-ce que tu veux venir marcher avec moi ? Est-ce que tu veux qu'on aille manger ensemble ? Est-ce que tu veux un câlin ? Je demande ça à mon copain en ce moment. Est-ce que tu peux me faire un câlin ? Voilà, c'est des petites actions comme ça. Soutenir la personne, lui poser des questions, lui faire une surprise, venir chez elle à l'improviste. Tiens, je t'ai fait un gâteau, j'ai pensé à toi. Voilà, c'est des choses très simples. Finalement, c'est beaucoup plus efficace que jouer le rôle du psychologue.

  • Speaker #1

    Ça résonne beaucoup ce que tu dis. J'avais une discussion avec ma meilleure amie qui me disait, parce qu'elle voyait que j'étais très mal, elle me disait, même après trois ans, je me sens toujours impuissante et j'ai envie de t'aider. Et je me dis, mais quelle solution je pourrais mettre en place pour toi ? Et moi, je sais très bien qu'elle ne peut rien faire en termes de solution pour les symptômes. Mais comme tu dis, de simplement... offrir de la présence, de pouvoir appeler la personne, de pouvoir aller marcher avec. Elle ne va pas nous guérir, la personne, et elle ne va pas être notre psy, comme tu dis, mais de proposer juste d'être là, en fait, d'être à l'écoute. Et si le trouble anxieux généralisé était un super pouvoir, lequel serait-il, Sonia ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder.

  • Speaker #1

    Carrément ? C'est clair ?

  • Speaker #0

    Non, clairement, oui, oui, parce qu'aujourd'hui, ça m'embête un petit peu, mais après, comme dit... J'essaye d'apprendre à vivre avec et d'accepter, donc c'est un chemin que je commence à mettre en place maintenant. On verra par la suite.

  • Speaker #1

    Et pour le trou bipolaire ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder aussi.

  • Speaker #1

    C'est des emmerdeurs, quoi.

  • Speaker #0

    Ben oui, c'est des emmerdeurs. Ils n'ont pas ruiné ma vie, mais ils ont quand même changé beaucoup de choses dans ma vie. Donc non, j'aurais souhaité qu'ils ne soient pas là, disons. J'essaie de l'accepter, mais si ça aurait pu ne pas m'arriver, j'aurais été encore plus heureuse.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu disais, si tu ne vivais pas avec ton trouble anxieux, ça te ferait bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, encore la bipolarité, je peux m'imaginer sans, vivre sans, parce que j'ai vécu sans déjà, mais l'anxiété, je n'arrive pas à m'imaginer. Une Sonia pas anxieuse, mais peut-être une Sonia moins anxieuse.

  • Speaker #1

    C'est peut-être son super pouvoir, c'est qu'elle te colle à la peau.

  • Speaker #0

    C'est qu'elle me colle, oui. Beaucoup trop, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Je te remercie pour ton témoignage, Sonia.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, surtout.

  • Speaker #1

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Description

Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé•e en psychiatrie
C’est exactement ce qui s’est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu’elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2.

Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé (TAG) depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des « peurs d’adultes » comme elle le décrit et ni l’adolescence ni l’âge adulte n’ont eu le mérite de les estomper.

Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises, notamment lorsqu’elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-meme et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d’un épisode maniaque ou d’une crise d’angoisse afin d‘éviter un passage à l’acte.

Sa connaissance de ses propres troubles l’ont amené à s’engager aux travers des réseaux sociaux et auprès  de l’association Suisse @stopsuicide parce que « aider les gens ça m’aide aussi » confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu’on a mangé la veille.

Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l’anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter Elle s’immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie.

Mais pour une anxieuse qui angoisse à l’idée de vivre sans anxiété elle a quand même appris à l’accepter et rien que pour ça son témoignage peut vraiment t’inspirer !


143 : @lamaintendue (CH)
147 : @projuventute (CH)
3114 : numéro national de prévention au suicide (FR)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé en psychiatrie. C'est exactement ce qui s'est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu'elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale, juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2. Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out. Mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des peurs d'adulte comme elle le décrit. Et ni l'adolescence ni l'âge adulte n'ont eu le mérite de les estomper. Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises. Notamment lorsqu'elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-même et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d'un épisode maniaque ou d'une crise d'angoisse afin d'éviter un passage à l'acte. Sa connaissance de ses propres troubles l'ont amené à s'engager au travers des réseaux sociaux et auprès de l'association suisse Stop Suicide. Parce que aider les gens, ça m'aide aussi, confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu'on a mangé la veille. Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l'anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter. Elle s'immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie. Mais pour une anxieuse qui angoisse à l'idée de vivre sans anxiété, elle a quand même appris à l'accepter. Rien que pour ça, son témoignage peut vraiment t'inspirer.

  • Speaker #2

    Hello Sonia !

  • Speaker #3

    Hello Tamara !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, merci. Et toi, ça va ?

  • Speaker #2

    Ça va juste bien. Il n'y a rien d'autre à dire. T'as météo du jour. Qu'est-ce qui se passe pour toi en ce moment ?

  • Speaker #3

    Je viens d'une journée de travail assez fatigante, mais sinon ça va. Je suis contente, il fait beau, donc que du positif.

  • Speaker #2

    Trop cool ! Toi, tu viens de Fribourg,

  • Speaker #3

    hein ? Exactement, je viens de Fribourg.

  • Speaker #2

    Jusqu'à Genève pour témoigner.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #2

    Je suis hyper chanceuse, du coup. Moi ça va, écoute, depuis deux jours il y a une légère amélioration dans mes troubles cognitifs et les différents symptômes. Par contre c'est une journée, je sais pas, tu sais c'est un peu ces moments d'effervescence, début juin, il y a plein d'appels à la fois, administratifs à gérer, enfin bref. Et puis du coup, vu que j'ai pris beaucoup de retard aussi ces derniers temps parce que j'avais beaucoup de symptômes forts dans ce que je faisais, Eh ben, j'ai un peu l'impression que je suis submergée et que je dois tout gérer depuis hier. Donc, c'est un peu intense,

  • Speaker #3

    disons. Ouais, ça, je comprends. Je comprends tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc, voilà. Donc, toi, Sonia, tu navigues avec deux troubles psy qui ont été diagnostiqués, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #3

    Tout à fait.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ces troubles psy ?

  • Speaker #3

    Alors, je souffre d'un trouble anxieux et d'un trouble bipolaire.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #2

    Et ils sont arrivés dans ta vie de manière... Progressif, par fracas ou en même temps ?

  • Speaker #3

    Alors je dirais que l'anxiété c'était progressif. J'ai toujours été une enfant hyper anxieuse, vraiment, à l'extrême. J'avais peur d'aller à l'école, j'avais peur des autres, j'avais peur de tout en fait. J'étais vraiment très peureuse, je m'inquiétais pour tout et rien. Je m'inquiétais pour des soucis d'adulte, tu sais. Je pensais à des choses que genre tu penses pas quand t'es enfant. Je m'inquiétais de la météo, s'il allait faire beau demain, s'il fait pas beau je m'habille comment. Tu vois ce genre de trucs, très très pénibles. Puis ça s'est empiré à l'adolescence avec beaucoup de crises d'angoisse. Il faut savoir que moi, c'était beaucoup physiquement mon anxiété, et c'est toujours le cas d'ailleurs. C'est-à-dire que ça va se manifester par des vertiges, des nausées, je vais transpirer, je vais me sentir super mal. Bref, le cœur qui bat aussi. Bref, c'est vraiment des symptômes physiques vraiment très très embêtants. Et en fait, le gros problème, c'est que ces symptômes physiques sont tellement chiants qu'en fait, t'en as peur. Et plus t'en as peur, plus ça vient. En fait, c'est des symptômes physiques de l'angoisse. C'est des crises d'angoisse. C'est rien de grave en soi. Mais quand t'es en pleine rue et que tu commences à avoir la nausée et qu'il y a plein de monde autour de toi, c'est vraiment angoissant comme situation. tu dis putain je me sens pas bien, je vais tomber dans les pommes, je vais faire un malaise en pleine rue, alors qu'en fait non tu vas pas tomber dans les pommes, c'est juste l'angoisse. Et ça, ça a rythmé beaucoup mon adolescence, ce qui fait que j'arrivais à un stade où j'avais peur d'aller à l'école, parce que j'avais peur de ça, et je me souviens que je me mettais toujours près des portes, parce qu'au cas où il fallait que je m'échappe, et je m'échappais très souvent. Donc pour moi c'était assez agréable d'être près de la porte, mais c'était pas du tout agréable de devoir toujours sortir de classe, et de me retrouver couchée par terre dans le couloir. finalement tout le monde s'inquiétait parce qu'il pensait que j'avais quelque chose de grave maintenant en fait c'était juste entre guillemets juste l'anxiété qui était là ça commençait comme ça après ça s'est manifesté différemment en grandissant à l'âge adulte à l'âge adulte il y avait toujours ces crises d'anxiété mais c'était plus de l'anxiété généralisée donc ça veut dire les inquiétudes permanentes, constantes sur absolument tous les sujets de ta vie c'est à dire que dès que je me lève le matin je vais penser à un truc qui va m'arriver dans la journée à mon train s'il a du retard je suis dans la merde C'est vraiment ça, toute la journée. Et je vais m'inquiéter pour tout, pour des performances, je vais avoir peur que les gens me regardent. C'est vraiment tout, en fait. C'est vraiment de l'anxiété globale qui me pourrit la vie. Je m'inquiète pour tout, vraiment, strictement pour tout. Même pour des petits trucs. Même pour des petits trucs à la con. c'est une source d'angoisse. Donc ça, c'est pour la partie anxiété. Pour la partie bipolarité, c'est venu, j'ai l'impression, un peu d'un coup. Genre, j'ai toujours été une personne très extrême dans mes émotions, dans mes humeurs, mais c'était vivable encore. Enfin, c'était difficile à vivre, mais ça ne m'handicapait pas au quotidien, ça ne m'empêchait pas d'étudier, ça ne m'empêchait pas de travailler. Au début, ça allait. Et le truc, c'est que j'ai fait des études supérieures et ça s'est vraiment empiré pendant mes études supérieures. Mais genre, du jour au lendemain, Je pense qu'en fait j'ai fait un burn-out à ce moment-là, je m'en suis pas rendu compte, et ce burn-out, il a débouché vers la bipolarité. C'est à partir de là vraiment que j'ai eu des symptômes de manie et de dépression, qui s'entrecoupaient par des phases plus stables, mais qui s'enchaînaient assez facilement on va dire.

  • Speaker #2

    Quand tu parles de manie, c'est vrai que la dépression, j'ai l'impression que la plupart des personnes savent à peu près de quoi on parle. De manie, est-ce que tu pourrais être un peu plus explicite ?

  • Speaker #3

    Oui, alors il y a deux types de manie, ça correspond à deux types de bipolarité. Il y a la manie pure, pour le type 1 de la bipolarité, et l'hypomanie, qui est là plutôt pour le type 2 de la bipolarité. La différence est très simple, manie symptôme pur, donc quelque chose de très extrême, hypomanie, hypo égale moins fort, donc c'est des symptômes de manie mais atténués. Typiquement une personne en phase de manie, elle peut par exemple enchaîner une semaine complète sans dormir, une personne en hypomanie, elle va peut-être faire des nuits de 3-4 heures et elle ne sera pas fatiguée, elle sera en pleine forme. Les symptômes sont les mêmes en soi, c'est juste une question d'intensité en fait. des symptômes, mais globalement, qu'est-ce que c'est une phase de manie slash hypomanie ? C'est une période durant laquelle la personne a énormément d'énergie. beaucoup d'énergie, elle est très logohérique, c'est-à-dire qu'elle va parler beaucoup et très vite souvent, elle aura beaucoup de projets, elle aura tendance à travailler énormément. Alors les symptômes sont propres à chacun, mais moi typiquement j'avais tendance à travailler beaucoup, et des fois la nuit, parce que j'avais tellement de projets, tellement d'idées en tête, qu'il fallait que je fasse tout de suite, c'est vraiment une impatience extrême, tout de suite, tout de suite, tout de suite, une irritabilité aussi, parce que forcément c'est logique, plus t'as d'énergie, plus t'es irritable. Et puis plus tu t'en prends à tes proches, et puis ça peut déboucher vers des disputes, c'est pas le côté positif, mais la personne bipolaire, quand elle vit un épisode de manie ou d'hypomanie, elle va se sentir très bien. Pour elle, ça va au début sembler être normal. Au début, moi, ça me semblait être normal. C'est juste plutôt mes proches qui m'ont tiré un peu la sonnette d'alarme en mode c'est bizarre là, comme ça me tombe Parce que je faisais des trucs vraiment bizarres. Je prenais des risques. Je ne suis pas quelqu'un qui prend des risques. Genre, je voulais rouler très vite en voiture, alors que j'ai assez peur de la voiture. Quand je dois conduire d'un point A à un point B, je suis toujours là hum, ouais, s'il m'arrive un truc et tout parce que je suis très anxieuse, comme je l'ai dit au début. Mais là, ouais, j'avais vraiment des symptômes comme ça. Puis ça a commencé un peu comme ça, puis après avec les années, ça s'est amplifié aussi. Malheureusement, parce que je n'ai pas consulté tout de suite.

  • Speaker #2

    Tu disais que quand tu as beaucoup d'énergie, tu es logiquement plus irritable. Moi, personnellement, je ne comprends pas cette cause à effet. Est-ce que tu peux nous l'expliquer ?

  • Speaker #3

    Dans mon cas, je dirais que plus j'ai d'énergie, ce n'est pas que je vais être plus irritable. Ça veut dire plutôt que les personnes de mon entourage vont être vraiment saoulées de mon comportement. elles vont me le faire remarquer, et à ce moment-là, je vais m'énerver. C'est plus dans ce sens-là. Parce que, voilà, sur le moment, je me sens tellement bien que je me dis, mais arrête de m'emmerder, je vais bien. Je vais bien. Enfin, voilà, c'est plus dans ce sens-là, l'irritabilité qui peut venir. Et puis comme je suis quelqu'un de tempérament assez, je dirais, impulsif, quand je suis dans des phases de manie ou d'hypomanie, ça va être trois fois pire. Ça veut dire que je pourrais me mettre en colère grave contre mes proches.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi ce que tu disais par rapport au fait que quand tu es dans ces phases-là, tu n'as pas l'impression d'être mal quelque part. Moi, j'ai une proche qui a mis vraiment des années et des années avant d'avoir le diagnostic du trouble bipolaire parce que cette personne, elle consultait seulement quand elle était dans les phases de dépression. Parce que dans les phases de manie, elle se disait que tout allait bien en fait, donc elle ne consultait pas à ce moment-là. Et j'avais vu une étude, alors je ne sais plus maintenant, je ne l'ai pas sous les yeux si c'était... environ, en moyenne, 7 à 9 ans avant de diagnostiquer une personne d'un trouble bipolaire parce que justement aussi, elle va consulter dans des moments où elle est très down. Mais dans ces moments-là, on ne voit pas forcément les phases de manie qui sont ensuite, soit qui précèdent, soit qui viennent par la suite. Et donc, on diagnostique plutôt une dépression en réalité. Est-ce que c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, sauf que la moyenne, c'est plutôt 10 ans. 10 ans de retard diagnostique, du coup, pour la bipolarité. En fait, ce qui est souvent déterminant, alors... Le problème, c'est plutôt dans le type 2 de la bipolarité, lorsqu'il y a des épisodes d'hypomanie. Parce que comme dit, les symptômes sont moins intenses et donc moins visibles. Les phases de manie standard en général elles sont vraiment visibles parce que la personne elle aura vraiment des comportements comme je donne un exemple courir tout nu dans la rue ça c'est hyper alertant comme symptôme et en général un proche il va appeler la police et puis à ce moment là la personne sera prise en charge ou elle aura des hallucinations ou elle va se mettre à acheter une voiture sur un coup de tête alors qu'elle n'a pas forcément les moyens voilà ça c'est la manie, la manie c'est facilement identifiable même par la personne en elle-même qui sent certainement qu'elle a un comportement pas normal. L'hypomanie, par contre, on ne peut pas le savoir si on ne connaît pas la bipolarité. Et très souvent... Ce qui va être déterminant pour le diagnostic, c'est la prise d'antidépresseur. C'est-à-dire que si tu donnes un antidépresseur à une personne bipolaire, tu as deux choix, deux alternatives. Ou plus, mais je ne connais que deux. La première, soit elle risque de faire un virage maniaque ou hypomaniaque. Donc ça veut dire, tu es en phase de dépression, tu donnes un antidépresseur, au bout de trois jours il fait effet, tu montes en flèche, tu fais une phase E. alors qu'un antidépresseur, normalement, il met 2-3 semaines, voire un mois à faire effet. Voilà, ça peut donner cet effet. Ou alors, ça peut empirer ta bipolarité, donc empirer tes phases de dépression, majorer le risque suicidaire, ou accélérer les cycles. Donc ça veut dire, tu peux avoir des phases qui s'enchaînent très très rapidement, une dépression qui est complètement empirée avec un risque suicidaire majoré, ou une personne qui fera des épisodes, des virages hypomaniaques ou maniaques. C'est vraiment, les antidépresseurs c'est ça qui va déterminer très souvent, dans la plupart des cas, si une personne elle est vraiment bipolaire ou pas.

  • Speaker #0

    Quand tu dis que ça peut accélérer les cycles, c'est-à-dire que vraiment tu peux passer d'une phase dépressive à maniaque, dépressive à maniaque, comme ça, ça s'enchaîne sur des jours, des heures, c'est comment ?

  • Speaker #1

    Ça dépend de chaque personne. Il y a les bipolarités à cycle court et les bipolarités à cycle long. À cycle court, ça veut dire que dans une année, la personne aura plus de quatre cycles. Donc phase maniaque ou dépression ou phase mixte. Les phases mixtes, c'est aussi un autre phénomène. Et puis les phases, donc les cycles longs, ça veut dire qu'elle en a moins que 4. Donc qu'elle en a peut-être 2 par année. Ça dépend de chaque type de bipolarité, mais aujourd'hui les cycles courts, il y a même des personnes qui ont des phases qui s'enchaînent chaque jour, voire chaque heure. Ça c'est un autre type de bipolarité qui s'appelle la cyclotimie. avec des cycles extrêmement rapides. C'est aussi un type de bipolarité, mais on en parle un peu moins. Et moi, je ne suis pas concernée par ce type. Moi, j'ai vraiment plutôt la phase de dépression, hypomanie et stabilité. J'ai vraiment les trois phases. Je n'ai pas forcément des cycles rapides, mais je me souviens que lorsque j'étais sous antidépresseur, j'avais vraiment des phases tout le temps, sans phase de répit. Genre chaque semaine, une nouvelle phase. C'est très rapide quand même.

  • Speaker #0

    Pour la cyclotimie, personnellement, j'ai lu un livre incroyable qui est une BD qui s'appelle Goupiloufa. Je ne sais pas si tu la connais.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    Tu l'adores. On l'a lu avec ma meilleure amie et puis mon amoureux, les trois ensemble dans le canapé. Et on a trouvé ça incroyable. Et on s'est quelque part des fois identifiés sans qu'on soit là-dedans à certaines phases en fait. Ou des moments dans une journée où tu peux être très de bonne humeur, mettre la musique à fond, machin. Puis après, down parce que tu as eu une mauvaise nouvelle et tout ça. Alors évidemment, ce n'est pas la même chose. C'est la même chose quand on n'est pas touché par cette maladie, c'est des choses qui arrivent de temps en temps, alors que ça peut être très difficile dans un quotidien. Mais en tout cas, cette BD, elle est hyper bien représentative, j'ai l'impression, de ce trouble-là.

  • Speaker #1

    Je l'ai lue quand j'ai eu mon diagnostic et que j'avais un peu de peine à comprendre le fonctionnement de la maladie. J'ai fait énormément de recherches et aujourd'hui je suis assez instruite sur le sujet du coup. Et cette BD, j'ai tout compris quoi. Elle expliquait vraiment les trois types de bipolarité. Donc le type 1, elle identifie à un loup. Donc un loup qui est très sauvage et puis qui fait vraiment peur. Le type 2 a un chien. Un chien, c'est quand même plus gentil qu'un loup, mais voilà, ça peut quand même être un peu plus sauvage. Et puis la cyclotimie comme un renard. Donc ça veut dire plus gentil. Ça ne veut pas dire que c'est moins grave. Ça ne veut pas dire que le type 1, c'est hyper grave et que la cyclotimie, ce n'est pas grave du tout. Simplement qu'en fait, c'est les symptômes qui sont plus atténués. Mais le handicap... Il est le même pour tous. Et puis l'handicap, c'est surtout propre à chacun.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur les crises d'angoisse dont tu parlais, sur le fait que ça se manifestait de manière très physique. C'est intéressant parce qu'on est dans une époque où on nous dit de plus en plus qu'on ressent ça justement à travers le corps avant de le ressentir à travers le mental. Alors qu'on a souvent, enfin on a pendant une longue période cru que c'était plutôt l'inverse. qu'en fait, on avait certaines idées qui allaient avoir un impact sur le physique et on le voit de plus en plus, même la science, elle est en train de justement un petit peu retourner sa veste avec ça et de se dire non, non, non, c'est parce qu'il y a des capteurs physiques, des signes physiques qui vont aussi émettre des pensées qui vont être différentes. Et du coup, maintenant, il y a aussi de plus en plus de manières, d'outils pour agir sur l'anxiété qui vont être de passer plus par le corps plutôt que, soi-disant... contrôler les pensées comme on a souvent cru. Et je trouve intéressant parce que toi, tu le nommes vraiment comme quoi ça passe vraiment à la base par des sensations comme la transpiration, les vertiges, les nausées, tout ça, avant que ça se transforme en une pensée, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a deux types d'anxiété. Il y a l'anxiété paroxystique et il y a l'anxiété rampante. L'anxiété paroxystique, c'est la crise d'angoisse où il y aura vraiment plus de symptômes physiques. Et l'anxiété rampante, on la retrouve notamment dans l'anxiété généralisée. Avec les ruminations, les inquiétudes permanentes, constantes. Moi j'ai les deux types d'anxiété, mais c'est clair que l'anxiété paroxystique, avant toute chose une crise d'angoisse, c'est physique. C'est les symptômes physiques qui sont créés par le mental, certes, mais avant tout par le physique. Et on passe toujours... par d'abord calmer les symptômes physiques et après ça calme automatiquement plus le mental. C'est vrai que si tu es dans une crise d'angoisse et que tu commences à respirer correctement, tu te dis ok je m'allonge un moment, il ne peut rien m'arriver. C'est important de se dire il ne peut rien m'arriver parce qu'on est tout le temps en train de se dire il va m'arriver quelque chose de grave, je vais faire un malaise et tout. Ok je me couche, je ne vais pas faire un malaise, ça va aller très bien, je respire un bon coup et puis après ça va mieux. Et après ça va mieux, t'es toujours anxieux parce que ça toujours se font anxieux de refaire une crise, t'as toujours peur d'en refaire mais ça va mieux dès que tu calmes le physique. Moi c'est ce que j'ai appris aussi avec le temps.

  • Speaker #0

    C'est de calmer le corps ouais.

  • Speaker #1

    Ça marche bien ouais.

  • Speaker #0

    Ouais en tout cas justement on disait aussi, j'ai appris qu'il y a des personnes qui pouvaient avoir des crises d'angoisse parce que justement tout d'un coup sensoriellement, par exemple elle rentre dans une pièce et puis il y a une odeur. qu'elles reconnaissent, mais elles n'ont même pas le temps d'assimiler ça. Une odeur, une sensation d'humidité, quelque chose qui les ramène, par exemple, dans un ancien trauma ou quelque chose comme ça. Puis ça va créer une crise d'angoisse, alors que les pensées, jusqu'à là, étaient plutôt tranquilles. Mais tout d'un coup, physiquement, il y a des capteurs qui ont senti quelque chose avant que ça vienne au niveau mental.

  • Speaker #1

    Oui, la crise d'angoisse, c'est extrêmement brutal comme sensation. Ce n'est pas comme l'anxiété généralisée, où tu sais que toute la journée, tu es anxieux. et que t'es un peu sur le qui-vive et que tu te sens pas très bien, t'as un peu des inconforts intestinaux, t'as des nausées et tout, mais tu sais pas si t'es anxieux toute la journée. Mais alors les crises d'angoisse, c'est genre, bam ! C'est dingue ou c'est vraiment brutal. Et c'est ça vraiment le plus surprenant dans les crises en gosse, c'est que t'as l'impression vraiment sur le moment que tu ne contrôles mais plus rien. Et c'est clair que si tu laisses la crise comme ça, sans rien faire, tu ne contrôleras plus rien et ce sera même pire. Et c'est là tout le défi, c'est de trouver des astuces pour vraiment les calmer. Moi aujourd'hui j'en ai toujours, mais j'arrive vraiment à calmer plus l'intensité. C'est-à-dire qu'avant, Quand j'en faisais, j'étais à une échelle de peut-être 9 sur 10. Maintenant, ça va être du 6 sur 10 parce que je vais plus les maîtriser. Je vais me coucher. Des fois, le fait de dormir, ça aide. C'est con, mais ça aide. Des fois, le fait de marcher, ça aide. Moi, je vais souvent prendre des marches. Je respire quand il fait froid surtout. parce que l'air froid ça bouffe et l'air frais ça te calme il y a beaucoup de choses qui me calment quand je fais des crises d'angoisse du coup aujourd'hui j'en fais quand même relativement moins mais j'ai toujours cette anxiété rampante donc liée à mon trouble d'anxiété généralisé parce que dans les troubles anxieux t'as plusieurs troubles moi je suis concernée par le trouble panique et le trouble anxieux généralisé le trouble panique c'est les crises d'angoisse et avoir peur d'en refaire c'est un cercle vicieux horrible et l'anxiété généralisée comme je l'ai expliqué c'est les inquiétudes On sent permanente liée aussi à des symptômes physiques, mais qui sont là permanents. Alors que la crise d'angoisse, ça a des symptômes physiques brutaux d'un coup. Après 30 minutes, t'en as plus, ça va mieux. Tandis que quand t'es vraiment tout le temps angoissée, que c'est de manière généralisée, toute la journée, tu vas être un peu bizarre. Genre moi, j'ai tout le temps des nausées. Alors ça dépend, il y a des intensités, mais en général, j'ai tout le temps, 80% de ma journée, j'ai de la peine à manger parce que je me sens un peu nouée dans la gorge. Donc c'est pas très agréable.

  • Speaker #0

    Tu disais dormir c'est un de tes outils et tu disais c'est con, moi je pense vraiment pas, c'est physiologique, on en a besoin. Quand on voit par exemple les nouveaux parents quand ils sont pendant la première année, ils sont privés de sommeil avec leur enfant, comme ils peuvent devenir tout d'un coup très colériques, irritables, enfin ils n'arrivent plus à fonctionner normalement. Donc dormir ça semble assez logique. Tu demais aussi le fait de marcher. De nouveau, là, en fait, tu passes par des outils du corps.

  • Speaker #1

    Du corps, toujours. Quand c'est une crise d'angoisse, je ne peux pas faire calmer par le mental. Quand c'est de l'anxiété rampante, généralisée, tu peux essayer de faire deux, trois techniques de mentalisation avec l'analyse fonctionnelle, où tu notes une situation qui a généré un comportement, qui a généré une émotion, qui a généré une conséquence. Tu analyses et tu dis, ok, ça a généré ça. C'est pas si grave. Ou tu projectes des scénarios. Par exemple, demain matin je me lève, et qu'est-ce qui se passe si mon train a du retard ? Et qu'est-ce qui se passe réellement ? Tu mets sur écrit, j'arrive en retard au travail, et puis je vais me faire engueuler par mon supérieur. C'est le scénario anxiogène. Toi, tu dois trouver des scénarios alternatifs, donc non anxiogènes qui viennent casser les scénarios anxiogènes. Je vais arriver en retard. Au pire des cas, j'écris à mon supérieur que j'ai des problèmes de train. Je lui montre la preuve du truc des CFF, parce que les CFF sont toujours en retard en plus. C'est vrai en plus. Et puis il ne va rien se passer parce qu'il ne va rien me dire. Tu vois, j'ai les deux scénarios. C'est deux scénarios qui sont... Le problème est le même, le train du retard, mais la finalité c'est deux choses différentes. Et en faisant de plus en plus des scénarios alternatifs, tu arrives à plus en plus calmer tes pensées. Donc tu passes par l'esprit. Mais pour tout ce qui est crise d'angoisse, tu passes forcément... toujours par le physique.

  • Speaker #0

    Mais j'aime bien l'idée du scénario alternatif parce que je disais que 90% ou même plus, 95% des scénarios anxiogènes qu'on a ne vont jamais se réaliser. Et du coup, il faut trouver ces 95% de scénarios alternatifs, en fait, vu que peut-être il y a 5 ou 10% de possibilités que ça arrive. Ce dans quoi tu as peur, en fait, et là où le cœur s'emballe. Mais en fait, il y a toute une pléthore de scénarios alternatifs qui peuvent être imaginés. Et c'est chouette parce qu'on peut en voir même plus qu'un. J'imagine 3, 4, 5. Quelles sont les possibilités si j'arrive en retard parce que le train est du retard et puis que du coup, je suis en retard au travail ?

  • Speaker #1

    C'est ça. Et plus tu le fais, plus tu arrives à l'intégrer et puis du coup, moins tu arrives à angoisser. A titre personnel, c'est pas ce qui m'aide le plus. Mais bon, aujourd'hui, j'essaye vraiment de... Plutôt que de le soigner, j'essaye d'apprendre à vivre avec. Je me suis fait un peu une raison, je me dis bon écoute c'est compliqué, t'as essayé quand même des thérapies, c'est pas trop concluant, donc tu vas apprendre à vivre avec. Je crois que je me sens mieux depuis que j'intègre le fait que je dois apprendre à vivre avec.

  • Speaker #0

    Que c'est ok en fait, que tu luttes.

  • Speaker #1

    Que c'est ok, que je lutte mais que j'accepte de lutter. Tu vois à un moment donné je cherche des solutions. Dans la vie t'as deux choix en fait, enfin t'as deux possibilités, soit tu vas chercher des alternatives et des solutions. Et puis si t'as épuisé, bah tu passes par l'acceptation. Et aujourd'hui, je dis pas que j'ai tout essayé, je dis pas que j'ai épuisé mes ressources, mais j'ai plutôt envie de passer par l'acceptation. Ça me permettra, je pense, d'être plus en accord avec moi-même.

  • Speaker #0

    Pour revenir au corps, je crois que toi tu fais aussi beaucoup de sport, non ? Est-ce que c'est quelque chose qui te canalise, qui t'aide ? Comment tu vois le sport et tu l'intègres dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Le sport c'est vraiment ma passion, j'adore, c'est super. Ça m'aide beaucoup pour l'anxiété, c'est-à-dire que moi ce qui m'aide vraiment le plus c'est la course. J'adore la course, je me suis mise à la course, c'est assez récent. C'est vraiment ce qui m'aide à être dans l'instant présent. J'ai énormément de mal à être dans l'instant présent avec toutes les angoisses que j'ai, je pense à plein de trucs. Mais quand je cours... Je cours et je pense à rien. Je me concentre sur le pas, mes pas, le bruit. Tu sais, quand tu cours dans la forêt, les cailloux, le bruit des cailloux, le bruit de la nature, le bruit, tout ce qui m'entoure. Vraiment, je ne prends pas toujours mes écouteurs. Et puis vraiment, ça me permet d'être centrée à l'instant présent et je n'ai plus d'angoisse. Après, par contre, c'est vrai que le sport, je n'essaie pas trop en faire non plus parce qu'après, ça me met une pression aussi supplémentaire, la pression des performances. Donc, j'essaie de trouver quand même un juste milieu. Mais en effet, le sport, c'est... Moi c'est la base et ça me permet aussi de dormir mieux donc...

  • Speaker #0

    C'est tout bénef.

  • Speaker #1

    Ouais, clairement, ouais.

  • Speaker #0

    Tu me disais lors de notre premier entretien téléphonique, j'arrive pas à sortir de l'angoisse, de la bipolarité, oui, mais pas de l'angoisse. Est-ce que tu serais d'accord d'expliquer cette phrase ?

  • Speaker #1

    Dans le sens où, pour la bipolarité, j'ai réussi à trouver un traitement qui m'aide plus ou moins. Depuis là, septembre, octobre, je vais mieux. On a adapté mes posologies. Du coup, j'ai deux stabilisateurs d'humeur et j'ai l'impression que ça fonctionne bien, que je tombe plus dans la dépression et que je tombe plus non plus dans le côté... opposé de la manie de l'hypomanie. Par contre, pour l'angoisse, j'ai pas l'impression qu'il y a vraiment de traitement. Alors oui, il y a les antidépresseurs, mais moi, en tant que bipolaire, je suis assez limitée en termes d'antidépresseurs parce que ça n'a pas trop fonctionné chez moi. Et puis les anxiolytiques, j'essaye d'éviter d'en prendre parce que ça crée clairement de la dépendance et de l'accoutumance. Et du coup, du fait qu'il n'y ait pas vraiment de traitement qui calme mon angoisse à moi, j'ai vraiment l'impression que... Je vais vivre avec ça toute ma vie en fait, que c'est quelque chose que je dois, comme dit, accepter. Je le vois comme une fatalité mais je ne le vois pas négativement. J'essaie de le prendre positivement. En mode écoute, c'est comme ça, c'est comme si tu as une maladie chronique, des problèmes de dos, et puis que certes tu peux prendre des médicaments qui t'aident à calmer la douleur, mais la douleur elle est toujours là. Je me dis que je dois faire pareil avec l'anxiété finalement. Je dois l'accepter et pas chercher à le soigner. Mais je sais qu'on peut guérir d'un trouble anxieux. C'est juste que moi, j'ai attendu aussi peut-être 10 ans. Donc 10 ans, c'est beaucoup. Et je n'ai jamais été traitée depuis l'enfance pour un trouble anxieux, ce qui est vraiment embêtant. Il faudrait être traitée dès le début pour que... Moi, je donne toujours l'exemple du train. Si tu veux essayer de calmer un train qui commence de partir de la gare, c'est super... Ce n'est pas super facile, mais c'est beaucoup plus facile. Alors que s'il est genre en plein... Comment dire ? Bah s'il est en... Putain, comment on dit ?

  • Speaker #0

    Il est en pleine route, quoi.

  • Speaker #1

    Mais si le train, il est vraiment en pleine route depuis des heures et des heures, c'est difficile à le calmer. Il faut se calmer progressivement, puis des fois, t'arrives pas à le calmer tout de suite. C'est impossible. Ou sinon, tu fais des montres d'égal. Et c'est un peu comme ça que l'anxiété, j'ai l'impression. Tu vas le prêter dès le début.

  • Speaker #0

    J'avais fait pour l'anecdote des travaux d'intérêt généraux pour les TPG parce que j'avais été amendée jusqu'à hauteur de 500 francs. Je n'avais pas d'argent pour les payer à l'époque donc j'avais fait des travaux d'intérêt généraux. Et j'avais eu une journée où ils m'avaient raconté des tonnes de choses sur les tramways comme si ça me passionnait. Et en fait ils nous avaient expliqué qu'un tram quand il est justement élancé dans sa route, sur ses rails, il met 11 secondes à s'arrêter pour être complètement à l'arrêt.

  • Speaker #1

    En seconde.

  • Speaker #0

    C'est énorme. C'est énorme. Et donc, c'est hyper intéressant ta métaphore, parce qu'en effet, c'est presque un peu tard des fois, selon la situation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est jamais trop tard. Mais moi, j'ai envie d'aujourd'hui de me concentrer sur ma stabilité au niveau de la bipolarité, parce que je sais que c'est ça qui va faire le plus de dégâts au niveau de la crise suicidaire, notamment. Donc, j'essaie de mettre plus les ressources de ce côté-là. Et l'anxiété, j'essaie de me dire, de toute façon, tu as toujours été comme ça. Donc, typiquement... Voir ma vie sans anxiété, ça me fait même peur en fait. Je n'arrive pas à m'imaginer moi, Sonia, sans angoisse.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce ne serait pas anxiogène ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que ça me fait peur. C'est toujours ce que je dis des fois dans d'autres interviews, c'est que finalement, je n'aime pas mon anxiété, mais finalement, j'ai peur de guérir de l'anxiété. J'ai peur de plus être moi-même en fait. J'ai l'impression que ça fait un peu partie de moi, le fait de m'inquiéter pour tout et rien, de tout vouloir contrôler, de ne pas laisser de place à l'imprévu. Je me demande que ça ferait une Sonia genre décontractée. Je ne sais pas si je m'identifierais à travers cette personne, parce que finalement ça a aussi des côtés positifs l'anxiété. Ça me rend des fois quand même plus vigilante. Donc ça me permet de prévenir les... les imprévus. Donc, ouais, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    Tu évoquais le traitement pour la bipolarité, donc deux stabilisateurs d'humeur. La question que j'ai, c'est que est-ce que la vie n'est pas un peu plus, dans ton ressenti, ennuyante, un peu plus grise depuis que tu es sous stabilisateur d'humeur ? Parce qu'on sait qu'aussi dans la bipolarité, les phases maniaques, c'est des moments où l'ennui, il n'existe pas. C'est à fond, à 100%. Même à 200% ? Est-ce que tu trouves la vie un peu moins intéressante depuis que tu es plus stabilisée au niveau des humeurs ?

  • Speaker #1

    Alors oui, parce qu'il n'y a plus les phases de manie. Les phases de manie, c'était vraiment des moments durant lesquels je me sentais vraiment pousser des ailes. Et moi, je suis quelqu'un, je n'ai pas vraiment confiance en moi. Et quand je pousse des ailes, c'est agréable, tu vois, comme sensation. C'est extrême peut-être, oui, mais c'est agréable. Tout ce que je faisais était agréable. Je vivais à 200 à l'heure. J'avais l'impression d'être une version accélérée de moi-même. J'aimais ça, du coup. Et le fait qu'on me les supprime... C'est vrai que ça a rendu ma vie ennuyante au début. Au début, parce que maintenant, je l'accepte et je préfère ma vie comme ça, parce que je me dis, c'est soit tu prends pas de traitement et t'as des phases comme ça et tu vis ta best life, mais tu enchaînes aussi des épisodes de dépression où tu finis hospitalisé. ou soit tu prends un stabilisateur d'humeur t'es peut-être un peu moins fun mais au moins t'es plus dépressive et donc j'ai préféré la deuxième option parce que la dépression c'est l'enfer chez moi la dépression c'est comme dit j'ai un type de bipolarité où la dépression elle est prédominante et donc c'est un risque suicidaire aussi beaucoup plus majoré donc pour moi c'est très important que je limite les risques de dépression t'as déjà eu des envies suicidaires ? j'ai déjà eu des envies suicidaires, plein de fois

  • Speaker #0

    Ouais, ça s'est calmé aussi justement avec les stabilisateurs d'humeur ?

  • Speaker #1

    Ça s'est calmé en octobre, en fait. Ça faisait trois ans que je cherchais un traitement pour la bipolarité. Mais à chaque fois, ça jouait pas, la posologie, elle jouait pas, le traitement, il jouait pas, trop d'effets secondaires. Bref, c'était compliqué. Et là, depuis octobre, on a augmenté la posologie d'un stabilisateur d'humeur. Puis ça a fait toute la différence, vraiment. On a augmenté juste de 100 mg. Bon, 100 mg, c'est pas mal, tu vas me dire, mais on a augmenté de 100 mg. Puis là, du coup, j'ai vraiment l'impression d'être vraiment stable et j'arrive quand même à avoir des moments de bonheur dans ma vie. C'est pas des moments de manie, mais typiquement, j'arrive pas... Si je dors 3 heures, je suis épuisée, quoi. Je suis plus dans des phases de manie, mais j'arrive quand même à être heureuse. Je suis partie en Thaïlande début janvier. Pourtant, c'était vachement compliqué parce que j'avais beaucoup d'angoisse là-bas. C'était très dur, j'avais beaucoup de symptômes physiques. J'ai eu du mal à profiter, mais c'est super vacant. J'ai ressenti vraiment du bonheur. J'avais le sourire au lèvre. Non, j'arrive à quand même être heureuse.

  • Speaker #0

    Je crois savoir que tu t'es engagée auprès de Stop Suicide, une association qui, depuis 2000, a pour mission de prévenir le suicide des jeunes en Suisse romande. Est-ce que c'est justement parce que tu as déjà eu des passages avec des envies suicidaires que tu as eu envie de t'engager auprès de cette association ? Ou ça vient d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ça vient... Oui, ça vient de ça. En fait, je suis tombée sur le profil de l'association, ça faisait déjà un moment, 2021. Puis je me suis dit, waouh, c'est beau ce qu'ils font les bénévoles et tout. Je m'étais inscrite en tant que bénévole. J'ai fait la formation de base, j'ai même fait la formation de bénévole formateur. Mais je n'étais pas plus investie que ça, parce que moi-même, j'étais encore dans la dépression. Je pense qu'à ce moment-là, c'était un peu pour noyer ma dépression que je le faisais. Mais après, par contre, quand je suis sortie de ma troisième hospitalisation, donc en août 2022, J'ai eu une phase un peu compliquée pour me relever, mais en octobre, je crois, j'ai vraiment décidé de m'investir à fond. Et au début, je me suis dit, ouais, Sonia, fais attention, parce qu'être dans les problèmes des gens, ça ne va peut-être pas t'aider. Et en fait, non, pas du tout. Le fait d'être dans cette association, ça m'aide avant tout moi-même. Dans le sens où moi-même, maintenant, j'ai les ressources. Et le fait que j'incite tout le temps les gens à appeler à l'aide, à la sauce, on ne fait que ça. Et sur mes réseaux sociaux je fais pareil, je dis tout le temps qu'il faut appeler à l'aide, moi-même j'appelle à l'aide maintenant. J'ai une fiche que j'ai tout le temps sur moi, qui s'appelle un plan de prévention. C'est pas que utilisé pour la crise suicidaire, mais typiquement en cas de crise d'angoisse, qui j'appelle, à quel moment, ok si c'est une crise qui n'est pas trop urgente, je peux appeler un proche. Si vraiment je suis au bout du bout, j'appelle le 147, ou j'envoie un message à ma psy, puis elle m'appelle en général assez rapidement. ou si vraiment je suis dans la crise suicidaire ou j'ai des idées noires j'appelle directement les urgences j'ai un protocole où je me dis mais tu peux pas ne pas demander de l'aide en fait face à ça et l'association ça a été un tremplin énorme pour moi moi je dirais que c'est ça qui m'a sauvée en fait je dis clairement ça m'a sauvée la vie je pense je pense si je n'avais pas rencontré si je n'avais pas rencontré l'association je ne sais pas si je serais toujours là parce que j'étais très suicidaire à l'époque avant de m'investir à fond et je voyais pas le sens de la vie j'avais l'impression que la vie ça servait à rien je disais toujours à mes proches moi je veux mourir très jeune c'est moi je m'en fous de vivre je vis mais je survis c'est vrai j'ai l'impression de survivre encore avec mes angoisses mais aujourd'hui j'arrive à me dire mais attends tu dois profiter de ta vie puis tu dois tu dois vivre la vie est belle même si elle est dure pour toi même si tu as trop d'angoisse tu dois tu dois être bien tu dois tu dois montrer à tes proches que que tu vas bien, tu dois être là pour tes proches, et puis faire de ton mieux, ça a été salvateur pour moi.

  • Speaker #0

    Et en quoi la vie, elle est belle aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    La vie, elle est belle aujourd'hui parce que finalement, j'ai une page Instagram où je fais de la prévention. Je parle de mon combat avec la bipolarité, de l'anxiété, mais aussi de la thématique du suicide. J'ai une page TikTok que j'alimente aussi très très régulièrement, plusieurs vidéos par semaine. Et en fait, la vie est trop belle parce que j'aide plein de gens et ils me disent que ça les aide. Et moi, le fait d'aider les gens, ça m'aide aussi. Parce qu'avant tout, les conseils que je donne aux gens, je les applique pour moi. Moi, je trouve que la vie est tellement belle quand tu aides les gens, quand tu sais que tu fais du bien autour de toi. Je fais une publication, peut-être il y a 55 000 personnes sur TikTok qui vont la voir. 55 000 vues, ça ne représente pas grand-chose. Mais quand tu vois les interactions, les commentaires et le nombre de partages, tu te dis Oh ! La vidéo, elle a plu ! C'est génial et ça me donne le sourire. Je me dis en fait, les gens, ils parlent du suicide. Ils transmettent les informations pour que le tabou soit de moins en moins entretenu. C'est ça la vie en fait. Profiter de ses proches, profiter de chaque chose. Moi, je profite vraiment de chaque chose qui m'entoure. Le soleil par exemple. je me mets dehors sur ma terrasse, je fais rien, je me mets comme si je bronzais au soleil, et je me dis, waouh, la vie est belle quand même, enfin ok, j'en ai marre, j'angoisse, c'est dur, des fois ça m'arrive de me mettre dans des états de détresse très intenses, des fois j'ai envie de retomber dans l'addiction des branches de diazépine, je le fais même pas, parce que voilà, je veux plus rentrer là-dedans, je veux plus être dans une conduite autodestructrice, et je trouve que quand t'es bienveillant envers toi-même, bienveillant envers ton corps, Tu vois les choses un peu différemment, je trouve. Que si tu t'auto-détruis... Avant, je m'auto-détruisais tout le temps. Je me dévalorisais, je m'auto-sabotais. Je faisais du sport à outrance. Mais c'est pas par passion. Le sport à outrance, c'était pour me détruire. Pour faire du mal à mon corps. Je m'en rendais pas compte, mais à l'époque, c'était vraiment de l'auto-sabotage. Où je prenais des médicaments, des anxiolytiques. Où je pouvais peut-être faire des restrictions au niveau alimentaire. Pour me punir. J'avais beaucoup de soucis de me punir. J'ai vécu avec ça pendant longtemps. Mais depuis que je fais ça, je suis vraiment dans une démarche de mieuxveillance envers moi-même. Quand je fais des crises d'angoisse et que je suis toute seule, je mets ma main contre mon épaule, en fait, comme ça, et puis je la caresse comme si j'avais quelqu'un à côté de moi. Ça me donne une présence. Ma présence, en fait, c'est moi-même. Et je me dis, allez, t'es forte, t'es pas toute seule, je suis là, tu vas y arriver. C'est un peu con, les gens vont me dire que c'est un peu stupide, mais en fait, non, ça a tellement de sens. Ça veut dire que je prends soin de moi, que je m'accepte et que je ne m'autosabote plus. Et ça, comme je dis, ça a changé ma vie.

  • Speaker #0

    Tu parlais du plan de prévention suicide. Alors je t'avoue qu'avant de te rencontrer, je n'avais jamais entendu parler de ça. C'est vraiment quelque chose, c'est un document qui est hyper individualisé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est individualisé. En général, il faudrait que les personnes le fassent avec leur thérapeute. Moi, je l'ai mis en place toute seule parce que j'avais les clés grâce à l'association. Mais en général, c'est quelque chose que tu mets en place avec ton thérapeute. Ça peut être sous plusieurs... plusieurs formes différentes typiquement. Dans le mien, ça contient mes signes avant-coureurs. Donc le mien, il est pour la dépression.

  • Speaker #0

    Donc toi, c'est quoi ? C'est un fichier Word basique ? Donc là, tu étais en train de me montrer parce que les auditeurs ne voyaient pas. C'est sur ton téléphone ? Qu'est-ce que tu as fait ? C'est un fichier ?

  • Speaker #1

    Alors, je l'ai fait via un logiciel de design qui s'appelle Canva.

  • Speaker #0

    Ah ok d'accord, tout le monde n'est pas obligé d'utiliser Canva.

  • Speaker #1

    Je vais faire ça sur une page Word, moi j'aime bien juste faire des designs parce que je suis très visuelle et je suis très créative.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le design est très joli.

  • Speaker #1

    Voilà, moi j'aime bien, ça m'aide à le regarder d'une manière positive, mais typiquement celui que j'ai fait là c'est plutôt pour la dépression et la crise suicidaire, donc médecine avant-coureur, donc les comportements qui indiquent que je suis dans la crise suicidaire, comme l'isolement, les comportements dangereux, les changements d'humeur, la perte de motivation, les messages verbaux, Voilà, si je vais beaucoup...

  • Speaker #0

    Les messages verbaux.

  • Speaker #1

    Les messages verbaux dans le sens où des fois j'aurais tendance à dire Ah, j'en ai marre, la vie est dure. Ah, j'aimerais ne plus être là. Tu vois, c'est ça, des messages verbaux que je me dis moi-même des fois quand j'en ai vraiment marre, quand je suis vraiment très très triste. Donc ça, je les note, je les identifie. Mes stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui me fait du bien, faire du sport, prendre une marche, donc pour calmer en général une crise. Les personnes de mon entourage à contacter, donc les personnes ressources, ça c'est mes proches. Je prends un membre de ma famille, mon copain et j'essaie de prendre un ami aussi. J'essaie de varier les personnes ressources. Les professionnels à contacter, le psychiatre, la psychologue et pourquoi pas le médecin généraliste, ne sait-on jamais. Les mesures à prendre en cas de crise suicidaire, donc me rendre aux urgences, me débarrasser des moyens du suicide, appeler un proche, aller chez mes parents pendant plusieurs jours parce que je sais que ma maman est toujours à la maison, donc si je vais chez elle, elle sera tout le temps là pour moi, donc un risque suicidaire qui sera moins important. Et les numéros d'urgence, donc le 143, le 147, les urgences psychiatriques et puis le 144. Voilà, ça c'est vraiment si je suis vraiment dans la crise. Après, pour les crises d'angoisse, j'utilise aussi cette base de plan. Mais là, j'essaie plutôt de regarder en fonction de l'intensité de la crise d'angoisse, si c'est une petite crise. Ok, je contacte un proche, je demande à mon chéri de venir, je lui fais un câlin. Et puis ça me rassure et puis ça ne m'aide pas forcément à me calmer, mais ça me rassure. Si vraiment l'angoisse est trop forte et puis que j'en peux plus physiquement. Là, je peux aussi contacter ma psy, puis en général, elle m'appelle, j'ai son numéro privé. Ou si vraiment je suis dans une crise très très forte, j'appelle le 147 très souvent. J'aime bien les appeler parce que des fois, j'appelle, je ne dis pas mon nom, je dis bonjour, je suis en détresse, je n'en peux plus. Puis après, la personne, elle me pose des questions. Mais qu'est-ce qui se passe ? Je fais une angoisse, j'en ai marre, j'ai mal au ventre, j'ai mal partout, je suis pas bien, je vais tomber dans les pommes, j'arrive plus à respirer. Puis la personne, après, elle me pose des questions, elle m'aide à respirer, puis ça me calme, je suis pas seule, en fait.

  • Speaker #0

    Le 147, tu peux dire aux auditeurs et auditrices quel numéro c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, le 147, c'est le numéro, en fait, pour les jeunes, en fait, d'aide pour les jeunes. C'est pas que pour la crise suicidaire. Tu peux appeler aussi si t'as des problèmes d'orientation, par exemple, un peu pour tout, du harcèlement. même si il y a des questions sur la sexualité, ça va aussi répondre. Et puis le 147, c'est pour les 15-29 ans, donc les jeunes, et puis le 143, c'est pour les adultes. Mais si tu appelles le 147 et que tu as par exemple 30 ans... Voilà, ils vont se rediriger vers le 143.

  • Speaker #0

    Ok. Bon, tout ça, c'est en Suisse, il faut le préciser.

  • Speaker #1

    Oui, je précise, c'est en Suisse. Et pour la France, on a le 3114, donc la ligne pour le suicide. Je ne connais pas les autres ressources en France, mais je pense qu'on pourra les mettre dans les commentaires.

  • Speaker #0

    Oui, parfait. Et donc, ce plan de prévention, quelque part, c'est quelque chose que j'imagine que tu partages avec ton entourage. Tu ne l'as pas toute seule, parce qu'eux aussi vont être peut-être alertes un peu de certains signaux.

  • Speaker #1

    En principe, le plan de prévention, tu le partages avec les personnes de ton entourage. Comme ça, les personnes, elles ont ce plan aussi, une copie pour elles. Elles ont les signes avant-coureurs qu'elles peuvent identifier chez moi. Et puis, après les stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui fait du bien à la personne, les contacts, elles savent qu'en fait, elles peuvent être contactées à tout moment. elles savent et ça les surprend pas et pareil pour les professionnels de santé si tu fais un plan comme ça je pense que c'est important de le faire déjà avec un psy après ça dépend il y a des personnes qui le font d'une autre manière que moi mais en tout cas moi j'ai vraiment mis ça de manière assez protocolaire pour que ça puisse vraiment m'aider à demander de l'aide et il y a des gens qui m'ont déjà dit parce que je l'ai partagé sur les réseaux ça sert à rien ton plan de prévention si une personne elle veut mourir elle passe à l'acte ok bon voilà faut pas écouter toujours les commentaires des gens moi je je trouve que la prévention, tu dois la faire avant la crise suicidaire. C'est clair que si tu es pendant la crise suicidaire, ça ne sert à rien de faire un plan de prévention. Il faut le faire à part, dès que tu vas bien. Et puis, plus tu fais de prévention, plus tu sais comment tu vas gérer la crise suicidaire. Donc, voilà, moi, je trouve que ça a une utilité quand même relativement importante.

  • Speaker #0

    Carrément. Et moi, ça me touche aussi en ayant une maladie chronique physique, en fait. Parce qu'il y a toujours un moment donné où, quand les symptômes sont trop violents, trop de jours, ça va... Forcément, avoir un impact sur ma santé mentale, c'est quasi la condition sine qua non. Et en fait, au bout d'un moment, justement, dans ce truc de la santé mentale, de pouvoir me dire, ok, je ne sais pas, par exemple, après dix jours de symptômes hyper violents, c'est le moment où je commence à avoir des idées un peu plus ruminatives, peut-être que mon entourage peut être un petit peu plus à l'écoute de ça et un peu plus me demander comment tu vas en ce moment, enfin... Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant, mais pas que forcément pour la question du suicide. Toi aussi, tu l'as extrapolé, par exemple, aux angoisses. Mais je me dis, en effet, tout ce qui touche à la santé mentale, à un moment donné, de sentir que tu peux avoir des outils et que tu as une team au final. Parce que c'est ce que tu montres toi aussi, c'est que tu as une team autour de toi. Tu as ton conjoint, tu as tes proches, tu as des amis, tu as des thérapeutes. Et il y a les lignes aussi d'appel.

  • Speaker #1

    Oui, ça sert exactement. C'est pour montrer en fait que... Les ressources sont disponibles et qu'il n'y a pas que les ressources médicales, mais aussi les ressources de l'entourage. Il y a certes des personnes qui n'ont aucune ressource de l'entourage, et franchement je suis vraiment désolée pour elles, ça doit être vraiment très dur à vivre, mais pour les personnes qui en ont, c'est très important de les mobiliser. Et c'est ça en fait à quoi il sert le plan de prévention, c'est pour voir en fait qu'on sait tous que quand on va pas bien, il faut appeler le 147. Enfin, on sait tous, non on sait pas tous, mais on a souvent la connaissance qu'il y a des ressources d'aide, mais si tu les mets par écrit...

  • Speaker #0

    je trouve que c'est mieux parce que tu t'en rends mieux compte et puis tu te dis, ah mais il n'y a pas que le 147 il y a aussi ma psy, mon psychiatre mon généraliste, il y a ma famille il y a mon chéri, donc si ma famille ne répond pas, je peux appeler mon chéri s'il ne répond pas, j'ai quelques amis c'est important quand même pour moi de se rendre compte qu'on a des ressources parce que des fois on ne les voit pas quand on ne voit pas bien,

  • Speaker #1

    on ne les voit pas et puis quelque part tu te connais aussi mieux et tu arrives mieux à identifier ce que tu vis c'est quelque part un rapport assez mature Face à la maladie, non ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça fait partie de l'acceptation. Moi aujourd'hui, je suis dans une démarche où la bipolarité, j'essaye de l'accepter tant bien que mal, même si des fois j'ai un peu encore tendance à faire du déni. L'anxiété, comme dit, j'essaye d'apprendre à vivre avec, et puis en ce qui concerne la crise suicidaire, je me sens vraiment protégée, grâce à la sauce. Après, je ne suis pas à l'abri d'une récidive, comment je réagirais si j'ai une récidive ? Je ne sais pas, je ne peux pas le savoir, mais en tout cas, je suis armée. Donc, j'ai les armes à ma disposition, c'est à moi de les prendre.

  • Speaker #1

    Tu dis que t'es un peu encore dans une phase de déni avec le trou bipolaire, mais je crois que le diagnostic, il est quand même assez récent, tu disais.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait à peu près deux ans, deux, trois ans. C'est récent, mais en même temps, j'ai eu le temps de me renseigner beaucoup sur la maladie. Et c'est vrai que des fois, j'ai un peu de peine à... à m'identifier à travers certains témoignages et puis je me dis ah ben je suis pas bipolaire alors qu'en fait la bipolarité c'est chaque personne vit sa maladie puis tu peux pas te reconnaître dans totalement dans le témoignage d'une autre personne mais c'est vrai que c'est une maladie complexe puis en plus c'est une maladie à vie donc des fois je fais du déni parce que peut-être je me dis que je vais devoir vivre avec ça toute ma vie puis ça m'embête de prendre un traitement à vie c'est lourd quand même les traitements qu'on nous donne beaucoup d'effets secondaires Donc, ouais, des fois, j'ai tendance à un peu le dénier. Des fois, j'ai envie d'arrêter les traitements, mais ce n'est pas une bonne idée.

  • Speaker #1

    Bon, se renseigner, c'est clair que c'est hyper important. C'est même primordial et essentiel, mais ça reste de l'ordre de l'analyse. Et il y a quand même, quand on accueille un diagnostic, il y a tout ce que ça génère au niveau... plus justement du corps aussi. On met du temps à accueillir un diagnostic. Ce n'est pas juste analyser, de se dire bon ben voilà, je suis identifiée comme telle et puis j'ai bien compris comment fonctionnait la maladie et ce n'est pas que la théorie, la vie. Et donc je pense qu'il y a aussi toute une phase de théorie où on connaît peut-être plein de choses sur les maladies avec lesquelles on vit, mais de là à vraiment accueillir, toi tu dis accepter, d'autres personnes diraient assumer, ça peut prendre énormément de temps pour que... ça, dans nos cellules, se soit ancré.

  • Speaker #0

    Ça fait partie aussi de la psychothérapie, je dirais, parce que la psychothérapie du trouble bipolaire, elle passe avant tout par la psychoéducation. La psychoéducation, ça veut dire apprendre à connaître le trouble, et dès qu'on a appris à connaître le trouble, on apprend à connaître son trouble, donc ses symptômes. Et ensuite, dès qu'on a appris ça, on apprend à la gestion de la maladie. Les gestions des phases, les triggers, les signes avant-coureurs, voilà.

  • Speaker #1

    Trigger, est-ce que tu peux juste le traduire s'il te plaît ?

  • Speaker #0

    Trigger, ça veut dire dans la bipolarité, dans mon cas, je dirais signes avant-coureurs.

  • Speaker #1

    C'est les déclencheurs.

  • Speaker #0

    Les gros déclencheurs. Si typiquement, du jour au lendemain, je n'ai plus du tout envie de faire de sport, c'est bizarre. C'est trigger, tu vois. C'est un signe avant-coureur, mais un gros signe avant-coureur. Quelque chose qui est très, très marquant.

  • Speaker #1

    Pour revenir un tout petit peu à l'entourage, quand on a eu notre premier entretien téléphonique, toi et moi, tu m'as parlé de ton conjoint avec qui tu es depuis dix ans maintenant. Et tu m'avais dit à ce moment-là, il a vu la maladie s'installer, il a vécu les hospitalisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un peu ces impacts qu'ont eu les maladies sur lui et éventuellement votre couple ?

  • Speaker #0

    Lui, il a vu la maladie s'installer parce qu'on s'est connus quand je n'avais pas la maladie. Et ma maladie a commencé pendant mes études supérieures, donc on était ensemble depuis à peu près 5 ans. Lui, il a vu la chose s'empirer, donc lui, il a vu mes phases. Il a identifié la première phase de ma nuit, lui, il l'a vue. Parce qu'il a vu que j'avais vraiment un comportement bizarre, il ne savait pas ce que c'était forcément, mais il savait qu'il y avait quelque chose qui ne jouait pas. On s'est séparés d'ailleurs une ou deux fois à cause de la maladie. Il a vu aussi les épisodes de dépression. Pour lui, ça a été dur parce que je pense que ce qui est le plus dur pour les proches, c'est l'impuissance. qui ne savait vraiment pas quoi faire, et aussi on ne savait pas ce que j'avais. Donc ça peut être une multitude de choses, ça peut être la schizophrénie, ça peut être un trouble de la personnalité. Quand tu ne sais pas, tu te poses des questions, tu te dis, mais qu'est-ce qu'elle a Sonia, qu'est-ce qui lui arrive ? Elle est folle, pourquoi elle se comporte comme ça ? Avec le temps, il a appris à connaître la maladie, lui-même se renseigne sur la maladie, il sait la différence entre le type 1 de la bipolarité, le type 2, le type cyclotimique. Il a quand même pas mal de connaissances, je dois dire qu'il s'est quand même renseigné grâce à moi, parce que je l'ai aussi un peu poussé à connaître la maladie. Puis maintenant qu'il la connaît mieux, des fois c'est même lui qui va me dire Ah, Sonia, ça fait quelques jours que tu dors pas beaucoup, c'est un peu bizarre, fais attention. Par exemple. Voilà, c'est lui qui va des fois remarquer plus les signes avant-coeur des phases hautes. Les phases basses, je les remarque en général moi-même. C'est lui des fois qui... qui va identifier certains signes, il va dire c'est normal ça, ou c'est la maladie, il pose des questions, il s'intéresse. C'est clair que pour lui ça a été difficile, d'un point de vue personnel, d'un point de vue professionnel, ça impacte tout. Quand on approche malade psychiquement, et puis que ta personne elle est en dépression, et puis que tu peux rien faire avec elle, parce qu'elle est complètement déconnectée de la réalité, et puis qu'elle passe chaque été à l'hôpital, moi 2020, 2021, 2022, chaque été je l'ai fait à l'hôpital. Chaque été en trois ans, donc c'est pas mal. Lui, il restait seul à la maison, avec le travail à gérer. Pour lui, c'est pas évident, il venait me voir à l'hôpital. Il avait pas forcément le temps, parce qu'il travaille beaucoup. L'impact, il est énorme sur la famille. Enfin, sur la famille et sur les proches, pour le coup, c'est plutôt lui qui a ramassé. Parce que mes parents, je ne vivais plus avec eux, lorsque ça a vraiment commencé à dégénérer. Mais pour mes parents, c'est dur aussi, parce que quand je suis dans des phases où je vais moins bien, je retourne chez eux vivre, parce que je suis plus en sécurité, du fait que ma maman, elle est tout le temps à la maison. Parce que si je suis chez moi, mon copain il travaille, donc je suis toute seule. C'est dur pour elle aussi parce qu'elle me voit mal et puis elle a peur de me laisser toute seule. C'est vrai, c'est dur. Pour les proches, c'est très très dur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez grandi dans votre couple avec ça ?

  • Speaker #0

    Ça c'est une bonne question. Je dirais que c'est quelqu'un qui est très patient. C'est quelqu'un qui est très patient et qui est très intelligent aussi. Donc ça veut dire qu'il va chercher à comprendre les choses. Il va lui-même se renseigner, il va lui-même dire, typiquement il n'y a pas très longtemps il m'a dit Ah tu devrais essayer ces médicaments-là à base de plantes pour l'anxiété, tu devrais essayer cette thérapie-là pour l'anxiété. Il se renseigne beaucoup, il lit beaucoup de choses sur la maladie, il me suit aussi sur ma page, donc il regarde mes contenus. Je dirais que ça a évolué dans ce sens où lui maintenant, il a des connaissances et il est armé pour m'aider. Enfin, pour m'aider. Qui ne peut pas vraiment m'aider, mais pour me soutenir plutôt.

  • Speaker #1

    Donc, c'est plutôt une jolie relation qui perdure après dix ans. Et bien que la maladie soit arrivée au final, enfin, le trouble anxieux était déjà là, mais le trouble bipolaire soit arrivé par la suite.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très, très belle relation. J'ai eu beaucoup de chance. Et je pense que je suis très reconnaissante.

  • Speaker #1

    Est-ce que dans ce contexte-là, vous avez le projet de fonder une famille ?

  • Speaker #0

    Difficile à répondre. Avec la bipolarité, c'est compliqué parce qu'il faut arrêter tous les stabilisateurs d'humeur. Et une femme enceinte qui souffre de bipolarité, elle a un risque très, très élevé de dépression postpartum.

  • Speaker #1

    C'est quasi 90% ?

  • Speaker #0

    C'est 90%. C'est juste aberrant. C'est juste énorme. Mais la plupart des gens que je connais bipolaires ont fait une dépression postpartum. La plupart. La plupart, ça veut dire qu'il y en a aussi qui n'en ont pas fait. Moi ça me fait vraiment peur parce que arrêter les traitements, t'as déjà les effets secondaires de l'arrêt, t'as les effets secondaires de la grossesse, l'accouchement. Après on sait tous que le postpartum, même pour une personne qui n'a pas de maladie psy, est toujours compliqué, ça change complètement ta vie. Et les changements de situation dans la bipolarité c'est hyper important. C'est-à-dire qu'un changement, un gros changement, même un petit changement, ça va impacter puis ça peut créer une récidive en fait. C'est-à-dire que si moi demain je change de travail, je risque une rechute, plus qu'une personne qui n'a pas de bipolarité, même sous traitement. Alors un enfant ce serait, c'est à double tranchant. Soit ça peut aider une mère... à se relever par rapport à la maladie. Je connais quelques personnes que ça a été le cas, ça les a énormément aidées, qu'elles se sentent beaucoup mieux depuis qu'elles ont des enfants. Ou alors ça peut être l'inverse. Et moi j'ai très peur de me retrouver dans le côté inverse.

  • Speaker #1

    Donc tu as l'impression quand même que le fait de vivre avec un trouble bipolaire, ça met entre parenthèses ce souhait, ou quoi qu'il en soit, tu n'aurais pas forcément eu envie d'avoir des enfants ?

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est plutôt le trouble bipolaire qui met la barrière par rapport à ça, pour l'instant.

  • Speaker #1

    Et ton conjoint, il en dit quoi ?

  • Speaker #0

    Lui, il veut des enfants. Lui, il veut des enfants et il pense que je pourrais le gérer très très bien. Mais c'est compliqué. J'ai des membres de ma famille qui souffrent de cette maladie. Et les grossesses, ça a vraiment été la pire chose. Donc moi, ça m'effraie quand même. Donc voilà.

  • Speaker #1

    Il y a un domaine qu'on n'a pas du tout évoqué, c'est le domaine professionnel. Est-ce que tu travailles ?

  • Speaker #0

    Oui, on me pose beaucoup la question. Oui, je travaille, je travaille même à 100%, je le dis très très ouvertement. Ce n'est pas parce que je travaille que je souffre moins, ça n'a rien à voir, c'est juste que j'ai des conditions de travail quand même bien avantageuses, dans le sens où mon employeur est au courant de ma maladie. Ce qui fait que... Certes, ce n'est pas évident pour moi, ça n'a pas été évident pour moi de le dire au travail, mais au moins il le sait et il m'a toujours soutenue. Pendant mes hospitalisations, il était là, il m'a soutenue, il m'écrivait. En fait, ça fait dix ans presque que je travaille dans la même boîte et quand j'ai commencé, je n'avais pas la maladie. Du coup, j'ai commencé, j'ai pu développer des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées. Et étant donné que j'ai développé des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées dès le début, dès que je suis tombée malade, ils n'ont pas tenu compte de ça parce qu'ils se sont dit Ok Sonia elle a ça mais elle est quand même compétente. Et c'est clair que chaque année j'ai quand même plusieurs arrêts maladie, donc depuis le début de l'année je n'en ai pas encore eu, je suis vraiment très très heureuse parce que je vais mieux, je suis stabilisée. Mais ils acceptent, ils acceptent et puis voilà, ils gardent contact avec moi. Et puis en général j'essaye d'éviter d'être toujours en arrêt à 100%, j'essaye d'être 50%. Ça m'aide quand même à... J'aime pas être à la maison, rien faire, ça m'angoisse. Et ça me permet de me reposer à 50%, j'ai l'après-midi pour me reposer, et puis comme ça mon employé voit que je suis vraiment motivée, dans tous les cas. Et ça se passe très très bien.

  • Speaker #1

    En tout cas, ça a été super courageux de l'évoquer avec ton employeur. Qu'est-ce qui t'a permis d'oser le faire ?

  • Speaker #0

    En fait, c'était à l'époque quand je venais de recevoir le diagnostic. Franchement, d'un côté, ça me rassurait, mais d'un autre côté, ça me faisait peur. Et je me suis dit, écoute Sonia, là, t'es en phase dépressive, tu vas pas très bien. Autant le dire maintenant plutôt qu'il l'apprenne par la suite. Parce que moi au début je voulais dire je suis en arrêt parce que j'ai mal au ventre ou je sais pas quoi. Enfin je voulais inventer une excuse. Mais j'ai pas... Enfin inventer un mensonge je trouve que c'est un côté très très malsain dans le monde professionnel. Alors j'ai préféré jouer carte sur table. Puis je lui ai dit voilà j'ai eu un arrêt maladie. J'ai pas été malade. J'avais inventé... Je crois que j'avais inventé une excuse. J'avais dit que j'avais fait une intoxication alimentaire qui a duré un mois. Voilà, peut-être que c'est possible, mais bref. Et je lui ai dit, voilà, je préfère te le dire comme ça, tu le sais par moi. En fait, non, je n'ai pas eu d'actification alimentaire, je suis hospitalisée en psychiatrie parce que je suis bipolaire. Je lui ai dit. Et il était surpris, mais pas trop, parce qu'il m'a dit qu'il remarquait des comportements qu'il avait remarqués. quelques comportements étranges de ma part. Ça fait pas de moi une mauvaise employée, mais il a dit qu'il avait remarqué quand même deux, trois choses. Donc, il était plutôt content que je lui en parle. Et je suis vraiment contente parce que maintenant que je vais mieux, il me l'a même dit. Il m'a dit, tu vas mieux, ça fait plaisir. J'ai dit, oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Tu disais que tu travaillais à 100%. Est-ce que pour toi, c'est juste de travailler à ce taux-là avec tout ce que tu vis à côté ?

  • Speaker #0

    C'est dur. C'est dur et je pense qu'à terme, moyen terme peut-être, je vais baisser mon taux d'occupation. Parce que c'est vraiment... c'est intense. Après j'ai la possibilité de faire du télétravail, donc ça me permet disons d'avoir quand même une flexibilité au niveau des horaires. Et moi dans ma journée je peux entrecouper mes horaires. C'est-à-dire que si tout à coup j'ai plus envie de travailler l'après-midi, je peux retravailler le soir ou le lendemain plus longtemps. En fait j'ai des horaires complètement libres. Et certes, j'ai un travail exigeant parce que je suis dans le domaine des assurances et puis les personnes qui travaillent dans les assurances savent à quel point c'est un domaine stressant. Mais j'ai une flexibilité qui est énorme. Je peux travailler où je veux, quand je veux, tant que je fais mon boulot. Et ça, c'est ce que j'apprécie en fait. Ça me permet, si je ne me sens pas bien, ça m'arrive souvent, si je ne me sens pas bien, ok, là il est 14h, j'en peux plus, j'angoisse trop, je vais me coucher. Je reprends à 17h, je travaille jusqu'à 20h, puis ma journée est terminée. En fait, je pense que c'est cette flexibilité de mon employeur qui m'aide vraiment. à tenir le coup. Parce que mon employeur, il est au courant de ça et il est compréhensif. Parce qu'il sait aussi que je fais du bon travail. Je pense qu'après, ça doit être une relation mutuelle de confiance.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est beau de voir que certains aménagements peuvent soulager aussi les symptômes, quelque part.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, dans beaucoup de grandes entreprises, il y a un système de gestion de la santé qui est mis en place pour générer le bien-être au travail, limiter les risques d'absentéisme. C'est fait de plus en plus dans les grandes entreprises. Et ça, c'est vraiment une très, très grande évolution du monde du travail.

  • Speaker #1

    Et puis, tu me disais que tu avais peut-être envie d'avoir aussi un job autre que celui-là. Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? On l'a évoqué hors antenne tout à l'heure.

  • Speaker #0

    À terme, j'aimerais bien me lancer dans l'influence, en fait, mais dans le domaine de la santé mentale. Plutôt, par exemple, avoir des partenariats avec, je ne sais pas, des... des pharmacies, pas pour des médicaments sur ordonnance, mais pour tout ce qui est des médicaments à base de plantes que moi, je teste pour mon anxiété, que je montre auprès de ma communauté est-ce que ça a marché, est-ce que ça n'a pas marché. Des choses comme ça ou des thérapies que j'essaye et que je suggère ensuite auprès de ma communauté. Ça, c'est quelque chose qui m'intéresserait. À terme, j'aimerais beaucoup.

  • Speaker #1

    Sonia Influenceuse, peut-être bientôt sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien.

  • Speaker #1

    Moi j'arrive gentiment à la fin de mes questions, Sonia. Donc avant de te poser les deux dernières questions de fin, c'est est-ce que tu avais envie déjà de rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    J'ai rien à rajouter simplement à toutes les personnes qui souffrent de bipolarité. C'est très dur d'accepter cette maladie. Les symptômes sont très durs, les phases sont très dures. Mais je vous promets qu'on peut se stabiliser. Moi, dans mon cas, je me suis aujourd'hui stabilisée. Ça fait presque neuf mois que je suis stable, que je vais vraiment mieux au niveau de la bipolarité. Je suis un exemple. Et pourtant, j'en ai bavé. Pendant trois ans, je n'avais pas de stabilité. Et après trois ans, je vois le bout du tunnel. Et je pense que vous aussi, vous pourrez voir le bout du tunnel. Si vous m'écoutez, je vous le souhaite très sincèrement. Et simplement, des fois, c'est le traitement qui n'est pas adapté. Des fois, il faut augmenter le dosage. Des fois, il faut le diminuer. Des fois, il faut changer de molécule. C'est long, mais on y arrive.

  • Speaker #1

    Et plus précisément, quel message tu souhaiterais faire passer aux personnes qui vivent avec une maladie invisible, qui serait un trouble psy ?

  • Speaker #0

    Ouais, alors moi je dirais que l'accepter, c'est la clé en fait de la rémission. Je parle pas de guérison, parce que dans la maladie mentale, c'est dur de parler de guérison, mais on parle de rémission. Et dès le moment où tu apprends à toi de connaître et à accepter, entre guillemets, ce qui t'arrive, Tu vas voir la chose différemment et donc tu vas envisager plus facilement ton rétablissement.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est quoi les clés de l'acceptation ?

  • Speaker #0

    C'est un travail sur soi-même à faire. En psychothérapie, un travail d'estime de soi aussi, un travail d'acceptation de soi, un travail de gestion des émotions, de gestion de la maladie. Dès que tu commences à gérer ta maladie, tu te sens mettre à bord en fait. Et puis du coup, tu l'acceptes beaucoup mieux aussi. Mais ça, ça ne peut se faire qu'avec un professionnel de santé.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu aimerais partager à l'entourage des personnes qui vivent avec un trouble psy et par défaut une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Oui, alors vous n'avez pas besoin de jouer le rôle du psychologue avec ces personnes en posant des questions, en voulant absolument chercher la clé pour aider la personne. Juste un soutien suffit. Un soutien physique, un soutien moral. Écrivez à la personne régulièrement des actions très simples. Est-ce que tu veux venir marcher avec moi ? Est-ce que tu veux qu'on aille manger ensemble ? Est-ce que tu veux un câlin ? Je demande ça à mon copain en ce moment. Est-ce que tu peux me faire un câlin ? Voilà, c'est des petites actions comme ça. Soutenir la personne, lui poser des questions, lui faire une surprise, venir chez elle à l'improviste. Tiens, je t'ai fait un gâteau, j'ai pensé à toi. Voilà, c'est des choses très simples. Finalement, c'est beaucoup plus efficace que jouer le rôle du psychologue.

  • Speaker #1

    Ça résonne beaucoup ce que tu dis. J'avais une discussion avec ma meilleure amie qui me disait, parce qu'elle voyait que j'étais très mal, elle me disait, même après trois ans, je me sens toujours impuissante et j'ai envie de t'aider. Et je me dis, mais quelle solution je pourrais mettre en place pour toi ? Et moi, je sais très bien qu'elle ne peut rien faire en termes de solution pour les symptômes. Mais comme tu dis, de simplement... offrir de la présence, de pouvoir appeler la personne, de pouvoir aller marcher avec. Elle ne va pas nous guérir, la personne, et elle ne va pas être notre psy, comme tu dis, mais de proposer juste d'être là, en fait, d'être à l'écoute. Et si le trouble anxieux généralisé était un super pouvoir, lequel serait-il, Sonia ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder.

  • Speaker #1

    Carrément ? C'est clair ?

  • Speaker #0

    Non, clairement, oui, oui, parce qu'aujourd'hui, ça m'embête un petit peu, mais après, comme dit... J'essaye d'apprendre à vivre avec et d'accepter, donc c'est un chemin que je commence à mettre en place maintenant. On verra par la suite.

  • Speaker #1

    Et pour le trou bipolaire ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder aussi.

  • Speaker #1

    C'est des emmerdeurs, quoi.

  • Speaker #0

    Ben oui, c'est des emmerdeurs. Ils n'ont pas ruiné ma vie, mais ils ont quand même changé beaucoup de choses dans ma vie. Donc non, j'aurais souhaité qu'ils ne soient pas là, disons. J'essaie de l'accepter, mais si ça aurait pu ne pas m'arriver, j'aurais été encore plus heureuse.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu disais, si tu ne vivais pas avec ton trouble anxieux, ça te ferait bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, encore la bipolarité, je peux m'imaginer sans, vivre sans, parce que j'ai vécu sans déjà, mais l'anxiété, je n'arrive pas à m'imaginer. Une Sonia pas anxieuse, mais peut-être une Sonia moins anxieuse.

  • Speaker #1

    C'est peut-être son super pouvoir, c'est qu'elle te colle à la peau.

  • Speaker #0

    C'est qu'elle me colle, oui. Beaucoup trop, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Je te remercie pour ton témoignage, Sonia.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, surtout.

  • Speaker #1

    Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. rencontrez mes invités et découvrez tous les engagements de la communauté Les Invisibles sur le compte Instagram Les Invisibles Podcast ensemble, continuons à visibiliser l'invisible

Description

Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé•e en psychiatrie
C’est exactement ce qui s’est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu’elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2.

Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé (TAG) depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des « peurs d’adultes » comme elle le décrit et ni l’adolescence ni l’âge adulte n’ont eu le mérite de les estomper.

Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises, notamment lorsqu’elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-meme et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d’un épisode maniaque ou d’une crise d’angoisse afin d‘éviter un passage à l’acte.

Sa connaissance de ses propres troubles l’ont amené à s’engager aux travers des réseaux sociaux et auprès  de l’association Suisse @stopsuicide parce que « aider les gens ça m’aide aussi » confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu’on a mangé la veille.

Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l’anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter Elle s’immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie.

Mais pour une anxieuse qui angoisse à l’idée de vivre sans anxiété elle a quand même appris à l’accepter et rien que pour ça son témoignage peut vraiment t’inspirer !


143 : @lamaintendue (CH)
147 : @projuventute (CH)
3114 : numéro national de prévention au suicide (FR)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Imagine un employeur qui te demande comment tu vas alors que tu es hospitalisé en psychiatrie. C'est exactement ce qui s'est passé pour Sonia. Pourquoi ? Parce qu'elle a eu le courage de lui parler de sa santé mentale, juste après avoir été diagnostiquée bipolaire de type 2. Ce diagnostic récent fait suite à un burn-out. Mais Sonia vit aussi avec le trouble anxieux généralisé depuis son enfance. Petite, elle était déjà accompagnée des peurs d'adulte comme elle le décrit. Et ni l'adolescence ni l'âge adulte n'ont eu le mérite de les estomper. Le courage, Sonia en a fait preuve à maintes reprises. Notamment lorsqu'elle a élaboré un plan de prévention suicide pour elle-même et son entourage. Un plan qui vise à identifier les signes d'un épisode maniaque ou d'une crise d'angoisse afin d'éviter un passage à l'acte. Sa connaissance de ses propres troubles l'ont amené à s'engager au travers des réseaux sociaux et auprès de l'association suisse Stop Suicide. Parce que aider les gens, ça m'aide aussi, confie-t-elle dans cette interview où on parle de santé mentale avec autant de naturel que de ce qu'on a mangé la veille. Bien que stabilisée pour le trouble bipolaire, l'anxiété généralisée se montre quant à elle plus difficile à dompter. Elle s'immisce dans les petites comme dans les grandes choses de la vie. Mais pour une anxieuse qui angoisse à l'idée de vivre sans anxiété, elle a quand même appris à l'accepter. Rien que pour ça, son témoignage peut vraiment t'inspirer.

  • Speaker #2

    Hello Sonia !

  • Speaker #3

    Hello Tamara !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, merci. Et toi, ça va ?

  • Speaker #2

    Ça va juste bien. Il n'y a rien d'autre à dire. T'as météo du jour. Qu'est-ce qui se passe pour toi en ce moment ?

  • Speaker #3

    Je viens d'une journée de travail assez fatigante, mais sinon ça va. Je suis contente, il fait beau, donc que du positif.

  • Speaker #2

    Trop cool ! Toi, tu viens de Fribourg,

  • Speaker #3

    hein ? Exactement, je viens de Fribourg.

  • Speaker #2

    Jusqu'à Genève pour témoigner.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #2

    Je suis hyper chanceuse, du coup. Moi ça va, écoute, depuis deux jours il y a une légère amélioration dans mes troubles cognitifs et les différents symptômes. Par contre c'est une journée, je sais pas, tu sais c'est un peu ces moments d'effervescence, début juin, il y a plein d'appels à la fois, administratifs à gérer, enfin bref. Et puis du coup, vu que j'ai pris beaucoup de retard aussi ces derniers temps parce que j'avais beaucoup de symptômes forts dans ce que je faisais, Eh ben, j'ai un peu l'impression que je suis submergée et que je dois tout gérer depuis hier. Donc, c'est un peu intense,

  • Speaker #3

    disons. Ouais, ça, je comprends. Je comprends tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc, voilà. Donc, toi, Sonia, tu navigues avec deux troubles psy qui ont été diagnostiqués, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #3

    Tout à fait.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ces troubles psy ?

  • Speaker #3

    Alors, je souffre d'un trouble anxieux et d'un trouble bipolaire.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #2

    Et ils sont arrivés dans ta vie de manière... Progressif, par fracas ou en même temps ?

  • Speaker #3

    Alors je dirais que l'anxiété c'était progressif. J'ai toujours été une enfant hyper anxieuse, vraiment, à l'extrême. J'avais peur d'aller à l'école, j'avais peur des autres, j'avais peur de tout en fait. J'étais vraiment très peureuse, je m'inquiétais pour tout et rien. Je m'inquiétais pour des soucis d'adulte, tu sais. Je pensais à des choses que genre tu penses pas quand t'es enfant. Je m'inquiétais de la météo, s'il allait faire beau demain, s'il fait pas beau je m'habille comment. Tu vois ce genre de trucs, très très pénibles. Puis ça s'est empiré à l'adolescence avec beaucoup de crises d'angoisse. Il faut savoir que moi, c'était beaucoup physiquement mon anxiété, et c'est toujours le cas d'ailleurs. C'est-à-dire que ça va se manifester par des vertiges, des nausées, je vais transpirer, je vais me sentir super mal. Bref, le cœur qui bat aussi. Bref, c'est vraiment des symptômes physiques vraiment très très embêtants. Et en fait, le gros problème, c'est que ces symptômes physiques sont tellement chiants qu'en fait, t'en as peur. Et plus t'en as peur, plus ça vient. En fait, c'est des symptômes physiques de l'angoisse. C'est des crises d'angoisse. C'est rien de grave en soi. Mais quand t'es en pleine rue et que tu commences à avoir la nausée et qu'il y a plein de monde autour de toi, c'est vraiment angoissant comme situation. tu dis putain je me sens pas bien, je vais tomber dans les pommes, je vais faire un malaise en pleine rue, alors qu'en fait non tu vas pas tomber dans les pommes, c'est juste l'angoisse. Et ça, ça a rythmé beaucoup mon adolescence, ce qui fait que j'arrivais à un stade où j'avais peur d'aller à l'école, parce que j'avais peur de ça, et je me souviens que je me mettais toujours près des portes, parce qu'au cas où il fallait que je m'échappe, et je m'échappais très souvent. Donc pour moi c'était assez agréable d'être près de la porte, mais c'était pas du tout agréable de devoir toujours sortir de classe, et de me retrouver couchée par terre dans le couloir. finalement tout le monde s'inquiétait parce qu'il pensait que j'avais quelque chose de grave maintenant en fait c'était juste entre guillemets juste l'anxiété qui était là ça commençait comme ça après ça s'est manifesté différemment en grandissant à l'âge adulte à l'âge adulte il y avait toujours ces crises d'anxiété mais c'était plus de l'anxiété généralisée donc ça veut dire les inquiétudes permanentes, constantes sur absolument tous les sujets de ta vie c'est à dire que dès que je me lève le matin je vais penser à un truc qui va m'arriver dans la journée à mon train s'il a du retard je suis dans la merde C'est vraiment ça, toute la journée. Et je vais m'inquiéter pour tout, pour des performances, je vais avoir peur que les gens me regardent. C'est vraiment tout, en fait. C'est vraiment de l'anxiété globale qui me pourrit la vie. Je m'inquiète pour tout, vraiment, strictement pour tout. Même pour des petits trucs. Même pour des petits trucs à la con. c'est une source d'angoisse. Donc ça, c'est pour la partie anxiété. Pour la partie bipolarité, c'est venu, j'ai l'impression, un peu d'un coup. Genre, j'ai toujours été une personne très extrême dans mes émotions, dans mes humeurs, mais c'était vivable encore. Enfin, c'était difficile à vivre, mais ça ne m'handicapait pas au quotidien, ça ne m'empêchait pas d'étudier, ça ne m'empêchait pas de travailler. Au début, ça allait. Et le truc, c'est que j'ai fait des études supérieures et ça s'est vraiment empiré pendant mes études supérieures. Mais genre, du jour au lendemain, Je pense qu'en fait j'ai fait un burn-out à ce moment-là, je m'en suis pas rendu compte, et ce burn-out, il a débouché vers la bipolarité. C'est à partir de là vraiment que j'ai eu des symptômes de manie et de dépression, qui s'entrecoupaient par des phases plus stables, mais qui s'enchaînaient assez facilement on va dire.

  • Speaker #2

    Quand tu parles de manie, c'est vrai que la dépression, j'ai l'impression que la plupart des personnes savent à peu près de quoi on parle. De manie, est-ce que tu pourrais être un peu plus explicite ?

  • Speaker #3

    Oui, alors il y a deux types de manie, ça correspond à deux types de bipolarité. Il y a la manie pure, pour le type 1 de la bipolarité, et l'hypomanie, qui est là plutôt pour le type 2 de la bipolarité. La différence est très simple, manie symptôme pur, donc quelque chose de très extrême, hypomanie, hypo égale moins fort, donc c'est des symptômes de manie mais atténués. Typiquement une personne en phase de manie, elle peut par exemple enchaîner une semaine complète sans dormir, une personne en hypomanie, elle va peut-être faire des nuits de 3-4 heures et elle ne sera pas fatiguée, elle sera en pleine forme. Les symptômes sont les mêmes en soi, c'est juste une question d'intensité en fait. des symptômes, mais globalement, qu'est-ce que c'est une phase de manie slash hypomanie ? C'est une période durant laquelle la personne a énormément d'énergie. beaucoup d'énergie, elle est très logohérique, c'est-à-dire qu'elle va parler beaucoup et très vite souvent, elle aura beaucoup de projets, elle aura tendance à travailler énormément. Alors les symptômes sont propres à chacun, mais moi typiquement j'avais tendance à travailler beaucoup, et des fois la nuit, parce que j'avais tellement de projets, tellement d'idées en tête, qu'il fallait que je fasse tout de suite, c'est vraiment une impatience extrême, tout de suite, tout de suite, tout de suite, une irritabilité aussi, parce que forcément c'est logique, plus t'as d'énergie, plus t'es irritable. Et puis plus tu t'en prends à tes proches, et puis ça peut déboucher vers des disputes, c'est pas le côté positif, mais la personne bipolaire, quand elle vit un épisode de manie ou d'hypomanie, elle va se sentir très bien. Pour elle, ça va au début sembler être normal. Au début, moi, ça me semblait être normal. C'est juste plutôt mes proches qui m'ont tiré un peu la sonnette d'alarme en mode c'est bizarre là, comme ça me tombe Parce que je faisais des trucs vraiment bizarres. Je prenais des risques. Je ne suis pas quelqu'un qui prend des risques. Genre, je voulais rouler très vite en voiture, alors que j'ai assez peur de la voiture. Quand je dois conduire d'un point A à un point B, je suis toujours là hum, ouais, s'il m'arrive un truc et tout parce que je suis très anxieuse, comme je l'ai dit au début. Mais là, ouais, j'avais vraiment des symptômes comme ça. Puis ça a commencé un peu comme ça, puis après avec les années, ça s'est amplifié aussi. Malheureusement, parce que je n'ai pas consulté tout de suite.

  • Speaker #2

    Tu disais que quand tu as beaucoup d'énergie, tu es logiquement plus irritable. Moi, personnellement, je ne comprends pas cette cause à effet. Est-ce que tu peux nous l'expliquer ?

  • Speaker #3

    Dans mon cas, je dirais que plus j'ai d'énergie, ce n'est pas que je vais être plus irritable. Ça veut dire plutôt que les personnes de mon entourage vont être vraiment saoulées de mon comportement. elles vont me le faire remarquer, et à ce moment-là, je vais m'énerver. C'est plus dans ce sens-là. Parce que, voilà, sur le moment, je me sens tellement bien que je me dis, mais arrête de m'emmerder, je vais bien. Je vais bien. Enfin, voilà, c'est plus dans ce sens-là, l'irritabilité qui peut venir. Et puis comme je suis quelqu'un de tempérament assez, je dirais, impulsif, quand je suis dans des phases de manie ou d'hypomanie, ça va être trois fois pire. Ça veut dire que je pourrais me mettre en colère grave contre mes proches.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi ce que tu disais par rapport au fait que quand tu es dans ces phases-là, tu n'as pas l'impression d'être mal quelque part. Moi, j'ai une proche qui a mis vraiment des années et des années avant d'avoir le diagnostic du trouble bipolaire parce que cette personne, elle consultait seulement quand elle était dans les phases de dépression. Parce que dans les phases de manie, elle se disait que tout allait bien en fait, donc elle ne consultait pas à ce moment-là. Et j'avais vu une étude, alors je ne sais plus maintenant, je ne l'ai pas sous les yeux si c'était... environ, en moyenne, 7 à 9 ans avant de diagnostiquer une personne d'un trouble bipolaire parce que justement aussi, elle va consulter dans des moments où elle est très down. Mais dans ces moments-là, on ne voit pas forcément les phases de manie qui sont ensuite, soit qui précèdent, soit qui viennent par la suite. Et donc, on diagnostique plutôt une dépression en réalité. Est-ce que c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça, sauf que la moyenne, c'est plutôt 10 ans. 10 ans de retard diagnostique, du coup, pour la bipolarité. En fait, ce qui est souvent déterminant, alors... Le problème, c'est plutôt dans le type 2 de la bipolarité, lorsqu'il y a des épisodes d'hypomanie. Parce que comme dit, les symptômes sont moins intenses et donc moins visibles. Les phases de manie standard en général elles sont vraiment visibles parce que la personne elle aura vraiment des comportements comme je donne un exemple courir tout nu dans la rue ça c'est hyper alertant comme symptôme et en général un proche il va appeler la police et puis à ce moment là la personne sera prise en charge ou elle aura des hallucinations ou elle va se mettre à acheter une voiture sur un coup de tête alors qu'elle n'a pas forcément les moyens voilà ça c'est la manie, la manie c'est facilement identifiable même par la personne en elle-même qui sent certainement qu'elle a un comportement pas normal. L'hypomanie, par contre, on ne peut pas le savoir si on ne connaît pas la bipolarité. Et très souvent... Ce qui va être déterminant pour le diagnostic, c'est la prise d'antidépresseur. C'est-à-dire que si tu donnes un antidépresseur à une personne bipolaire, tu as deux choix, deux alternatives. Ou plus, mais je ne connais que deux. La première, soit elle risque de faire un virage maniaque ou hypomaniaque. Donc ça veut dire, tu es en phase de dépression, tu donnes un antidépresseur, au bout de trois jours il fait effet, tu montes en flèche, tu fais une phase E. alors qu'un antidépresseur, normalement, il met 2-3 semaines, voire un mois à faire effet. Voilà, ça peut donner cet effet. Ou alors, ça peut empirer ta bipolarité, donc empirer tes phases de dépression, majorer le risque suicidaire, ou accélérer les cycles. Donc ça veut dire, tu peux avoir des phases qui s'enchaînent très très rapidement, une dépression qui est complètement empirée avec un risque suicidaire majoré, ou une personne qui fera des épisodes, des virages hypomaniaques ou maniaques. C'est vraiment, les antidépresseurs c'est ça qui va déterminer très souvent, dans la plupart des cas, si une personne elle est vraiment bipolaire ou pas.

  • Speaker #0

    Quand tu dis que ça peut accélérer les cycles, c'est-à-dire que vraiment tu peux passer d'une phase dépressive à maniaque, dépressive à maniaque, comme ça, ça s'enchaîne sur des jours, des heures, c'est comment ?

  • Speaker #1

    Ça dépend de chaque personne. Il y a les bipolarités à cycle court et les bipolarités à cycle long. À cycle court, ça veut dire que dans une année, la personne aura plus de quatre cycles. Donc phase maniaque ou dépression ou phase mixte. Les phases mixtes, c'est aussi un autre phénomène. Et puis les phases, donc les cycles longs, ça veut dire qu'elle en a moins que 4. Donc qu'elle en a peut-être 2 par année. Ça dépend de chaque type de bipolarité, mais aujourd'hui les cycles courts, il y a même des personnes qui ont des phases qui s'enchaînent chaque jour, voire chaque heure. Ça c'est un autre type de bipolarité qui s'appelle la cyclotimie. avec des cycles extrêmement rapides. C'est aussi un type de bipolarité, mais on en parle un peu moins. Et moi, je ne suis pas concernée par ce type. Moi, j'ai vraiment plutôt la phase de dépression, hypomanie et stabilité. J'ai vraiment les trois phases. Je n'ai pas forcément des cycles rapides, mais je me souviens que lorsque j'étais sous antidépresseur, j'avais vraiment des phases tout le temps, sans phase de répit. Genre chaque semaine, une nouvelle phase. C'est très rapide quand même.

  • Speaker #0

    Pour la cyclotimie, personnellement, j'ai lu un livre incroyable qui est une BD qui s'appelle Goupiloufa. Je ne sais pas si tu la connais.

  • Speaker #1

    J'adore.

  • Speaker #0

    Tu l'adores. On l'a lu avec ma meilleure amie et puis mon amoureux, les trois ensemble dans le canapé. Et on a trouvé ça incroyable. Et on s'est quelque part des fois identifiés sans qu'on soit là-dedans à certaines phases en fait. Ou des moments dans une journée où tu peux être très de bonne humeur, mettre la musique à fond, machin. Puis après, down parce que tu as eu une mauvaise nouvelle et tout ça. Alors évidemment, ce n'est pas la même chose. C'est la même chose quand on n'est pas touché par cette maladie, c'est des choses qui arrivent de temps en temps, alors que ça peut être très difficile dans un quotidien. Mais en tout cas, cette BD, elle est hyper bien représentative, j'ai l'impression, de ce trouble-là.

  • Speaker #1

    Je l'ai lue quand j'ai eu mon diagnostic et que j'avais un peu de peine à comprendre le fonctionnement de la maladie. J'ai fait énormément de recherches et aujourd'hui je suis assez instruite sur le sujet du coup. Et cette BD, j'ai tout compris quoi. Elle expliquait vraiment les trois types de bipolarité. Donc le type 1, elle identifie à un loup. Donc un loup qui est très sauvage et puis qui fait vraiment peur. Le type 2 a un chien. Un chien, c'est quand même plus gentil qu'un loup, mais voilà, ça peut quand même être un peu plus sauvage. Et puis la cyclotimie comme un renard. Donc ça veut dire plus gentil. Ça ne veut pas dire que c'est moins grave. Ça ne veut pas dire que le type 1, c'est hyper grave et que la cyclotimie, ce n'est pas grave du tout. Simplement qu'en fait, c'est les symptômes qui sont plus atténués. Mais le handicap... Il est le même pour tous. Et puis l'handicap, c'est surtout propre à chacun.

  • Speaker #0

    J'aimerais revenir sur les crises d'angoisse dont tu parlais, sur le fait que ça se manifestait de manière très physique. C'est intéressant parce qu'on est dans une époque où on nous dit de plus en plus qu'on ressent ça justement à travers le corps avant de le ressentir à travers le mental. Alors qu'on a souvent, enfin on a pendant une longue période cru que c'était plutôt l'inverse. qu'en fait, on avait certaines idées qui allaient avoir un impact sur le physique et on le voit de plus en plus, même la science, elle est en train de justement un petit peu retourner sa veste avec ça et de se dire non, non, non, c'est parce qu'il y a des capteurs physiques, des signes physiques qui vont aussi émettre des pensées qui vont être différentes. Et du coup, maintenant, il y a aussi de plus en plus de manières, d'outils pour agir sur l'anxiété qui vont être de passer plus par le corps plutôt que, soi-disant... contrôler les pensées comme on a souvent cru. Et je trouve intéressant parce que toi, tu le nommes vraiment comme quoi ça passe vraiment à la base par des sensations comme la transpiration, les vertiges, les nausées, tout ça, avant que ça se transforme en une pensée, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a deux types d'anxiété. Il y a l'anxiété paroxystique et il y a l'anxiété rampante. L'anxiété paroxystique, c'est la crise d'angoisse où il y aura vraiment plus de symptômes physiques. Et l'anxiété rampante, on la retrouve notamment dans l'anxiété généralisée. Avec les ruminations, les inquiétudes permanentes, constantes. Moi j'ai les deux types d'anxiété, mais c'est clair que l'anxiété paroxystique, avant toute chose une crise d'angoisse, c'est physique. C'est les symptômes physiques qui sont créés par le mental, certes, mais avant tout par le physique. Et on passe toujours... par d'abord calmer les symptômes physiques et après ça calme automatiquement plus le mental. C'est vrai que si tu es dans une crise d'angoisse et que tu commences à respirer correctement, tu te dis ok je m'allonge un moment, il ne peut rien m'arriver. C'est important de se dire il ne peut rien m'arriver parce qu'on est tout le temps en train de se dire il va m'arriver quelque chose de grave, je vais faire un malaise et tout. Ok je me couche, je ne vais pas faire un malaise, ça va aller très bien, je respire un bon coup et puis après ça va mieux. Et après ça va mieux, t'es toujours anxieux parce que ça toujours se font anxieux de refaire une crise, t'as toujours peur d'en refaire mais ça va mieux dès que tu calmes le physique. Moi c'est ce que j'ai appris aussi avec le temps.

  • Speaker #0

    C'est de calmer le corps ouais.

  • Speaker #1

    Ça marche bien ouais.

  • Speaker #0

    Ouais en tout cas justement on disait aussi, j'ai appris qu'il y a des personnes qui pouvaient avoir des crises d'angoisse parce que justement tout d'un coup sensoriellement, par exemple elle rentre dans une pièce et puis il y a une odeur. qu'elles reconnaissent, mais elles n'ont même pas le temps d'assimiler ça. Une odeur, une sensation d'humidité, quelque chose qui les ramène, par exemple, dans un ancien trauma ou quelque chose comme ça. Puis ça va créer une crise d'angoisse, alors que les pensées, jusqu'à là, étaient plutôt tranquilles. Mais tout d'un coup, physiquement, il y a des capteurs qui ont senti quelque chose avant que ça vienne au niveau mental.

  • Speaker #1

    Oui, la crise d'angoisse, c'est extrêmement brutal comme sensation. Ce n'est pas comme l'anxiété généralisée, où tu sais que toute la journée, tu es anxieux. et que t'es un peu sur le qui-vive et que tu te sens pas très bien, t'as un peu des inconforts intestinaux, t'as des nausées et tout, mais tu sais pas si t'es anxieux toute la journée. Mais alors les crises d'angoisse, c'est genre, bam ! C'est dingue ou c'est vraiment brutal. Et c'est ça vraiment le plus surprenant dans les crises en gosse, c'est que t'as l'impression vraiment sur le moment que tu ne contrôles mais plus rien. Et c'est clair que si tu laisses la crise comme ça, sans rien faire, tu ne contrôleras plus rien et ce sera même pire. Et c'est là tout le défi, c'est de trouver des astuces pour vraiment les calmer. Moi aujourd'hui j'en ai toujours, mais j'arrive vraiment à calmer plus l'intensité. C'est-à-dire qu'avant, Quand j'en faisais, j'étais à une échelle de peut-être 9 sur 10. Maintenant, ça va être du 6 sur 10 parce que je vais plus les maîtriser. Je vais me coucher. Des fois, le fait de dormir, ça aide. C'est con, mais ça aide. Des fois, le fait de marcher, ça aide. Moi, je vais souvent prendre des marches. Je respire quand il fait froid surtout. parce que l'air froid ça bouffe et l'air frais ça te calme il y a beaucoup de choses qui me calment quand je fais des crises d'angoisse du coup aujourd'hui j'en fais quand même relativement moins mais j'ai toujours cette anxiété rampante donc liée à mon trouble d'anxiété généralisé parce que dans les troubles anxieux t'as plusieurs troubles moi je suis concernée par le trouble panique et le trouble anxieux généralisé le trouble panique c'est les crises d'angoisse et avoir peur d'en refaire c'est un cercle vicieux horrible et l'anxiété généralisée comme je l'ai expliqué c'est les inquiétudes On sent permanente liée aussi à des symptômes physiques, mais qui sont là permanents. Alors que la crise d'angoisse, ça a des symptômes physiques brutaux d'un coup. Après 30 minutes, t'en as plus, ça va mieux. Tandis que quand t'es vraiment tout le temps angoissée, que c'est de manière généralisée, toute la journée, tu vas être un peu bizarre. Genre moi, j'ai tout le temps des nausées. Alors ça dépend, il y a des intensités, mais en général, j'ai tout le temps, 80% de ma journée, j'ai de la peine à manger parce que je me sens un peu nouée dans la gorge. Donc c'est pas très agréable.

  • Speaker #0

    Tu disais dormir c'est un de tes outils et tu disais c'est con, moi je pense vraiment pas, c'est physiologique, on en a besoin. Quand on voit par exemple les nouveaux parents quand ils sont pendant la première année, ils sont privés de sommeil avec leur enfant, comme ils peuvent devenir tout d'un coup très colériques, irritables, enfin ils n'arrivent plus à fonctionner normalement. Donc dormir ça semble assez logique. Tu demais aussi le fait de marcher. De nouveau, là, en fait, tu passes par des outils du corps.

  • Speaker #1

    Du corps, toujours. Quand c'est une crise d'angoisse, je ne peux pas faire calmer par le mental. Quand c'est de l'anxiété rampante, généralisée, tu peux essayer de faire deux, trois techniques de mentalisation avec l'analyse fonctionnelle, où tu notes une situation qui a généré un comportement, qui a généré une émotion, qui a généré une conséquence. Tu analyses et tu dis, ok, ça a généré ça. C'est pas si grave. Ou tu projectes des scénarios. Par exemple, demain matin je me lève, et qu'est-ce qui se passe si mon train a du retard ? Et qu'est-ce qui se passe réellement ? Tu mets sur écrit, j'arrive en retard au travail, et puis je vais me faire engueuler par mon supérieur. C'est le scénario anxiogène. Toi, tu dois trouver des scénarios alternatifs, donc non anxiogènes qui viennent casser les scénarios anxiogènes. Je vais arriver en retard. Au pire des cas, j'écris à mon supérieur que j'ai des problèmes de train. Je lui montre la preuve du truc des CFF, parce que les CFF sont toujours en retard en plus. C'est vrai en plus. Et puis il ne va rien se passer parce qu'il ne va rien me dire. Tu vois, j'ai les deux scénarios. C'est deux scénarios qui sont... Le problème est le même, le train du retard, mais la finalité c'est deux choses différentes. Et en faisant de plus en plus des scénarios alternatifs, tu arrives à plus en plus calmer tes pensées. Donc tu passes par l'esprit. Mais pour tout ce qui est crise d'angoisse, tu passes forcément... toujours par le physique.

  • Speaker #0

    Mais j'aime bien l'idée du scénario alternatif parce que je disais que 90% ou même plus, 95% des scénarios anxiogènes qu'on a ne vont jamais se réaliser. Et du coup, il faut trouver ces 95% de scénarios alternatifs, en fait, vu que peut-être il y a 5 ou 10% de possibilités que ça arrive. Ce dans quoi tu as peur, en fait, et là où le cœur s'emballe. Mais en fait, il y a toute une pléthore de scénarios alternatifs qui peuvent être imaginés. Et c'est chouette parce qu'on peut en voir même plus qu'un. J'imagine 3, 4, 5. Quelles sont les possibilités si j'arrive en retard parce que le train est du retard et puis que du coup, je suis en retard au travail ?

  • Speaker #1

    C'est ça. Et plus tu le fais, plus tu arrives à l'intégrer et puis du coup, moins tu arrives à angoisser. A titre personnel, c'est pas ce qui m'aide le plus. Mais bon, aujourd'hui, j'essaye vraiment de... Plutôt que de le soigner, j'essaye d'apprendre à vivre avec. Je me suis fait un peu une raison, je me dis bon écoute c'est compliqué, t'as essayé quand même des thérapies, c'est pas trop concluant, donc tu vas apprendre à vivre avec. Je crois que je me sens mieux depuis que j'intègre le fait que je dois apprendre à vivre avec.

  • Speaker #0

    Que c'est ok en fait, que tu luttes.

  • Speaker #1

    Que c'est ok, que je lutte mais que j'accepte de lutter. Tu vois à un moment donné je cherche des solutions. Dans la vie t'as deux choix en fait, enfin t'as deux possibilités, soit tu vas chercher des alternatives et des solutions. Et puis si t'as épuisé, bah tu passes par l'acceptation. Et aujourd'hui, je dis pas que j'ai tout essayé, je dis pas que j'ai épuisé mes ressources, mais j'ai plutôt envie de passer par l'acceptation. Ça me permettra, je pense, d'être plus en accord avec moi-même.

  • Speaker #0

    Pour revenir au corps, je crois que toi tu fais aussi beaucoup de sport, non ? Est-ce que c'est quelque chose qui te canalise, qui t'aide ? Comment tu vois le sport et tu l'intègres dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Le sport c'est vraiment ma passion, j'adore, c'est super. Ça m'aide beaucoup pour l'anxiété, c'est-à-dire que moi ce qui m'aide vraiment le plus c'est la course. J'adore la course, je me suis mise à la course, c'est assez récent. C'est vraiment ce qui m'aide à être dans l'instant présent. J'ai énormément de mal à être dans l'instant présent avec toutes les angoisses que j'ai, je pense à plein de trucs. Mais quand je cours... Je cours et je pense à rien. Je me concentre sur le pas, mes pas, le bruit. Tu sais, quand tu cours dans la forêt, les cailloux, le bruit des cailloux, le bruit de la nature, le bruit, tout ce qui m'entoure. Vraiment, je ne prends pas toujours mes écouteurs. Et puis vraiment, ça me permet d'être centrée à l'instant présent et je n'ai plus d'angoisse. Après, par contre, c'est vrai que le sport, je n'essaie pas trop en faire non plus parce qu'après, ça me met une pression aussi supplémentaire, la pression des performances. Donc, j'essaie de trouver quand même un juste milieu. Mais en effet, le sport, c'est... Moi c'est la base et ça me permet aussi de dormir mieux donc...

  • Speaker #0

    C'est tout bénef.

  • Speaker #1

    Ouais, clairement, ouais.

  • Speaker #0

    Tu me disais lors de notre premier entretien téléphonique, j'arrive pas à sortir de l'angoisse, de la bipolarité, oui, mais pas de l'angoisse. Est-ce que tu serais d'accord d'expliquer cette phrase ?

  • Speaker #1

    Dans le sens où, pour la bipolarité, j'ai réussi à trouver un traitement qui m'aide plus ou moins. Depuis là, septembre, octobre, je vais mieux. On a adapté mes posologies. Du coup, j'ai deux stabilisateurs d'humeur et j'ai l'impression que ça fonctionne bien, que je tombe plus dans la dépression et que je tombe plus non plus dans le côté... opposé de la manie de l'hypomanie. Par contre, pour l'angoisse, j'ai pas l'impression qu'il y a vraiment de traitement. Alors oui, il y a les antidépresseurs, mais moi, en tant que bipolaire, je suis assez limitée en termes d'antidépresseurs parce que ça n'a pas trop fonctionné chez moi. Et puis les anxiolytiques, j'essaye d'éviter d'en prendre parce que ça crée clairement de la dépendance et de l'accoutumance. Et du coup, du fait qu'il n'y ait pas vraiment de traitement qui calme mon angoisse à moi, j'ai vraiment l'impression que... Je vais vivre avec ça toute ma vie en fait, que c'est quelque chose que je dois, comme dit, accepter. Je le vois comme une fatalité mais je ne le vois pas négativement. J'essaie de le prendre positivement. En mode écoute, c'est comme ça, c'est comme si tu as une maladie chronique, des problèmes de dos, et puis que certes tu peux prendre des médicaments qui t'aident à calmer la douleur, mais la douleur elle est toujours là. Je me dis que je dois faire pareil avec l'anxiété finalement. Je dois l'accepter et pas chercher à le soigner. Mais je sais qu'on peut guérir d'un trouble anxieux. C'est juste que moi, j'ai attendu aussi peut-être 10 ans. Donc 10 ans, c'est beaucoup. Et je n'ai jamais été traitée depuis l'enfance pour un trouble anxieux, ce qui est vraiment embêtant. Il faudrait être traitée dès le début pour que... Moi, je donne toujours l'exemple du train. Si tu veux essayer de calmer un train qui commence de partir de la gare, c'est super... Ce n'est pas super facile, mais c'est beaucoup plus facile. Alors que s'il est genre en plein... Comment dire ? Bah s'il est en... Putain, comment on dit ?

  • Speaker #0

    Il est en pleine route, quoi.

  • Speaker #1

    Mais si le train, il est vraiment en pleine route depuis des heures et des heures, c'est difficile à le calmer. Il faut se calmer progressivement, puis des fois, t'arrives pas à le calmer tout de suite. C'est impossible. Ou sinon, tu fais des montres d'égal. Et c'est un peu comme ça que l'anxiété, j'ai l'impression. Tu vas le prêter dès le début.

  • Speaker #0

    J'avais fait pour l'anecdote des travaux d'intérêt généraux pour les TPG parce que j'avais été amendée jusqu'à hauteur de 500 francs. Je n'avais pas d'argent pour les payer à l'époque donc j'avais fait des travaux d'intérêt généraux. Et j'avais eu une journée où ils m'avaient raconté des tonnes de choses sur les tramways comme si ça me passionnait. Et en fait ils nous avaient expliqué qu'un tram quand il est justement élancé dans sa route, sur ses rails, il met 11 secondes à s'arrêter pour être complètement à l'arrêt.

  • Speaker #1

    En seconde.

  • Speaker #0

    C'est énorme. C'est énorme. Et donc, c'est hyper intéressant ta métaphore, parce qu'en effet, c'est presque un peu tard des fois, selon la situation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est jamais trop tard. Mais moi, j'ai envie d'aujourd'hui de me concentrer sur ma stabilité au niveau de la bipolarité, parce que je sais que c'est ça qui va faire le plus de dégâts au niveau de la crise suicidaire, notamment. Donc, j'essaie de mettre plus les ressources de ce côté-là. Et l'anxiété, j'essaie de me dire, de toute façon, tu as toujours été comme ça. Donc, typiquement... Voir ma vie sans anxiété, ça me fait même peur en fait. Je n'arrive pas à m'imaginer moi, Sonia, sans angoisse.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce ne serait pas anxiogène ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que ça me fait peur. C'est toujours ce que je dis des fois dans d'autres interviews, c'est que finalement, je n'aime pas mon anxiété, mais finalement, j'ai peur de guérir de l'anxiété. J'ai peur de plus être moi-même en fait. J'ai l'impression que ça fait un peu partie de moi, le fait de m'inquiéter pour tout et rien, de tout vouloir contrôler, de ne pas laisser de place à l'imprévu. Je me demande que ça ferait une Sonia genre décontractée. Je ne sais pas si je m'identifierais à travers cette personne, parce que finalement ça a aussi des côtés positifs l'anxiété. Ça me rend des fois quand même plus vigilante. Donc ça me permet de prévenir les... les imprévus. Donc, ouais, c'est bizarre.

  • Speaker #0

    Tu évoquais le traitement pour la bipolarité, donc deux stabilisateurs d'humeur. La question que j'ai, c'est que est-ce que la vie n'est pas un peu plus, dans ton ressenti, ennuyante, un peu plus grise depuis que tu es sous stabilisateur d'humeur ? Parce qu'on sait qu'aussi dans la bipolarité, les phases maniaques, c'est des moments où l'ennui, il n'existe pas. C'est à fond, à 100%. Même à 200% ? Est-ce que tu trouves la vie un peu moins intéressante depuis que tu es plus stabilisée au niveau des humeurs ?

  • Speaker #1

    Alors oui, parce qu'il n'y a plus les phases de manie. Les phases de manie, c'était vraiment des moments durant lesquels je me sentais vraiment pousser des ailes. Et moi, je suis quelqu'un, je n'ai pas vraiment confiance en moi. Et quand je pousse des ailes, c'est agréable, tu vois, comme sensation. C'est extrême peut-être, oui, mais c'est agréable. Tout ce que je faisais était agréable. Je vivais à 200 à l'heure. J'avais l'impression d'être une version accélérée de moi-même. J'aimais ça, du coup. Et le fait qu'on me les supprime... C'est vrai que ça a rendu ma vie ennuyante au début. Au début, parce que maintenant, je l'accepte et je préfère ma vie comme ça, parce que je me dis, c'est soit tu prends pas de traitement et t'as des phases comme ça et tu vis ta best life, mais tu enchaînes aussi des épisodes de dépression où tu finis hospitalisé. ou soit tu prends un stabilisateur d'humeur t'es peut-être un peu moins fun mais au moins t'es plus dépressive et donc j'ai préféré la deuxième option parce que la dépression c'est l'enfer chez moi la dépression c'est comme dit j'ai un type de bipolarité où la dépression elle est prédominante et donc c'est un risque suicidaire aussi beaucoup plus majoré donc pour moi c'est très important que je limite les risques de dépression t'as déjà eu des envies suicidaires ? j'ai déjà eu des envies suicidaires, plein de fois

  • Speaker #0

    Ouais, ça s'est calmé aussi justement avec les stabilisateurs d'humeur ?

  • Speaker #1

    Ça s'est calmé en octobre, en fait. Ça faisait trois ans que je cherchais un traitement pour la bipolarité. Mais à chaque fois, ça jouait pas, la posologie, elle jouait pas, le traitement, il jouait pas, trop d'effets secondaires. Bref, c'était compliqué. Et là, depuis octobre, on a augmenté la posologie d'un stabilisateur d'humeur. Puis ça a fait toute la différence, vraiment. On a augmenté juste de 100 mg. Bon, 100 mg, c'est pas mal, tu vas me dire, mais on a augmenté de 100 mg. Puis là, du coup, j'ai vraiment l'impression d'être vraiment stable et j'arrive quand même à avoir des moments de bonheur dans ma vie. C'est pas des moments de manie, mais typiquement, j'arrive pas... Si je dors 3 heures, je suis épuisée, quoi. Je suis plus dans des phases de manie, mais j'arrive quand même à être heureuse. Je suis partie en Thaïlande début janvier. Pourtant, c'était vachement compliqué parce que j'avais beaucoup d'angoisse là-bas. C'était très dur, j'avais beaucoup de symptômes physiques. J'ai eu du mal à profiter, mais c'est super vacant. J'ai ressenti vraiment du bonheur. J'avais le sourire au lèvre. Non, j'arrive à quand même être heureuse.

  • Speaker #0

    Je crois savoir que tu t'es engagée auprès de Stop Suicide, une association qui, depuis 2000, a pour mission de prévenir le suicide des jeunes en Suisse romande. Est-ce que c'est justement parce que tu as déjà eu des passages avec des envies suicidaires que tu as eu envie de t'engager auprès de cette association ? Ou ça vient d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Ça vient... Oui, ça vient de ça. En fait, je suis tombée sur le profil de l'association, ça faisait déjà un moment, 2021. Puis je me suis dit, waouh, c'est beau ce qu'ils font les bénévoles et tout. Je m'étais inscrite en tant que bénévole. J'ai fait la formation de base, j'ai même fait la formation de bénévole formateur. Mais je n'étais pas plus investie que ça, parce que moi-même, j'étais encore dans la dépression. Je pense qu'à ce moment-là, c'était un peu pour noyer ma dépression que je le faisais. Mais après, par contre, quand je suis sortie de ma troisième hospitalisation, donc en août 2022, J'ai eu une phase un peu compliquée pour me relever, mais en octobre, je crois, j'ai vraiment décidé de m'investir à fond. Et au début, je me suis dit, ouais, Sonia, fais attention, parce qu'être dans les problèmes des gens, ça ne va peut-être pas t'aider. Et en fait, non, pas du tout. Le fait d'être dans cette association, ça m'aide avant tout moi-même. Dans le sens où moi-même, maintenant, j'ai les ressources. Et le fait que j'incite tout le temps les gens à appeler à l'aide, à la sauce, on ne fait que ça. Et sur mes réseaux sociaux je fais pareil, je dis tout le temps qu'il faut appeler à l'aide, moi-même j'appelle à l'aide maintenant. J'ai une fiche que j'ai tout le temps sur moi, qui s'appelle un plan de prévention. C'est pas que utilisé pour la crise suicidaire, mais typiquement en cas de crise d'angoisse, qui j'appelle, à quel moment, ok si c'est une crise qui n'est pas trop urgente, je peux appeler un proche. Si vraiment je suis au bout du bout, j'appelle le 147, ou j'envoie un message à ma psy, puis elle m'appelle en général assez rapidement. ou si vraiment je suis dans la crise suicidaire ou j'ai des idées noires j'appelle directement les urgences j'ai un protocole où je me dis mais tu peux pas ne pas demander de l'aide en fait face à ça et l'association ça a été un tremplin énorme pour moi moi je dirais que c'est ça qui m'a sauvée en fait je dis clairement ça m'a sauvée la vie je pense je pense si je n'avais pas rencontré si je n'avais pas rencontré l'association je ne sais pas si je serais toujours là parce que j'étais très suicidaire à l'époque avant de m'investir à fond et je voyais pas le sens de la vie j'avais l'impression que la vie ça servait à rien je disais toujours à mes proches moi je veux mourir très jeune c'est moi je m'en fous de vivre je vis mais je survis c'est vrai j'ai l'impression de survivre encore avec mes angoisses mais aujourd'hui j'arrive à me dire mais attends tu dois profiter de ta vie puis tu dois tu dois vivre la vie est belle même si elle est dure pour toi même si tu as trop d'angoisse tu dois tu dois être bien tu dois tu dois montrer à tes proches que que tu vas bien, tu dois être là pour tes proches, et puis faire de ton mieux, ça a été salvateur pour moi.

  • Speaker #0

    Et en quoi la vie, elle est belle aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    La vie, elle est belle aujourd'hui parce que finalement, j'ai une page Instagram où je fais de la prévention. Je parle de mon combat avec la bipolarité, de l'anxiété, mais aussi de la thématique du suicide. J'ai une page TikTok que j'alimente aussi très très régulièrement, plusieurs vidéos par semaine. Et en fait, la vie est trop belle parce que j'aide plein de gens et ils me disent que ça les aide. Et moi, le fait d'aider les gens, ça m'aide aussi. Parce qu'avant tout, les conseils que je donne aux gens, je les applique pour moi. Moi, je trouve que la vie est tellement belle quand tu aides les gens, quand tu sais que tu fais du bien autour de toi. Je fais une publication, peut-être il y a 55 000 personnes sur TikTok qui vont la voir. 55 000 vues, ça ne représente pas grand-chose. Mais quand tu vois les interactions, les commentaires et le nombre de partages, tu te dis Oh ! La vidéo, elle a plu ! C'est génial et ça me donne le sourire. Je me dis en fait, les gens, ils parlent du suicide. Ils transmettent les informations pour que le tabou soit de moins en moins entretenu. C'est ça la vie en fait. Profiter de ses proches, profiter de chaque chose. Moi, je profite vraiment de chaque chose qui m'entoure. Le soleil par exemple. je me mets dehors sur ma terrasse, je fais rien, je me mets comme si je bronzais au soleil, et je me dis, waouh, la vie est belle quand même, enfin ok, j'en ai marre, j'angoisse, c'est dur, des fois ça m'arrive de me mettre dans des états de détresse très intenses, des fois j'ai envie de retomber dans l'addiction des branches de diazépine, je le fais même pas, parce que voilà, je veux plus rentrer là-dedans, je veux plus être dans une conduite autodestructrice, et je trouve que quand t'es bienveillant envers toi-même, bienveillant envers ton corps, Tu vois les choses un peu différemment, je trouve. Que si tu t'auto-détruis... Avant, je m'auto-détruisais tout le temps. Je me dévalorisais, je m'auto-sabotais. Je faisais du sport à outrance. Mais c'est pas par passion. Le sport à outrance, c'était pour me détruire. Pour faire du mal à mon corps. Je m'en rendais pas compte, mais à l'époque, c'était vraiment de l'auto-sabotage. Où je prenais des médicaments, des anxiolytiques. Où je pouvais peut-être faire des restrictions au niveau alimentaire. Pour me punir. J'avais beaucoup de soucis de me punir. J'ai vécu avec ça pendant longtemps. Mais depuis que je fais ça, je suis vraiment dans une démarche de mieuxveillance envers moi-même. Quand je fais des crises d'angoisse et que je suis toute seule, je mets ma main contre mon épaule, en fait, comme ça, et puis je la caresse comme si j'avais quelqu'un à côté de moi. Ça me donne une présence. Ma présence, en fait, c'est moi-même. Et je me dis, allez, t'es forte, t'es pas toute seule, je suis là, tu vas y arriver. C'est un peu con, les gens vont me dire que c'est un peu stupide, mais en fait, non, ça a tellement de sens. Ça veut dire que je prends soin de moi, que je m'accepte et que je ne m'autosabote plus. Et ça, comme je dis, ça a changé ma vie.

  • Speaker #0

    Tu parlais du plan de prévention suicide. Alors je t'avoue qu'avant de te rencontrer, je n'avais jamais entendu parler de ça. C'est vraiment quelque chose, c'est un document qui est hyper individualisé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est individualisé. En général, il faudrait que les personnes le fassent avec leur thérapeute. Moi, je l'ai mis en place toute seule parce que j'avais les clés grâce à l'association. Mais en général, c'est quelque chose que tu mets en place avec ton thérapeute. Ça peut être sous plusieurs... plusieurs formes différentes typiquement. Dans le mien, ça contient mes signes avant-coureurs. Donc le mien, il est pour la dépression.

  • Speaker #0

    Donc toi, c'est quoi ? C'est un fichier Word basique ? Donc là, tu étais en train de me montrer parce que les auditeurs ne voyaient pas. C'est sur ton téléphone ? Qu'est-ce que tu as fait ? C'est un fichier ?

  • Speaker #1

    Alors, je l'ai fait via un logiciel de design qui s'appelle Canva.

  • Speaker #0

    Ah ok d'accord, tout le monde n'est pas obligé d'utiliser Canva.

  • Speaker #1

    Je vais faire ça sur une page Word, moi j'aime bien juste faire des designs parce que je suis très visuelle et je suis très créative.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le design est très joli.

  • Speaker #1

    Voilà, moi j'aime bien, ça m'aide à le regarder d'une manière positive, mais typiquement celui que j'ai fait là c'est plutôt pour la dépression et la crise suicidaire, donc médecine avant-coureur, donc les comportements qui indiquent que je suis dans la crise suicidaire, comme l'isolement, les comportements dangereux, les changements d'humeur, la perte de motivation, les messages verbaux, Voilà, si je vais beaucoup...

  • Speaker #0

    Les messages verbaux.

  • Speaker #1

    Les messages verbaux dans le sens où des fois j'aurais tendance à dire Ah, j'en ai marre, la vie est dure. Ah, j'aimerais ne plus être là. Tu vois, c'est ça, des messages verbaux que je me dis moi-même des fois quand j'en ai vraiment marre, quand je suis vraiment très très triste. Donc ça, je les note, je les identifie. Mes stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui me fait du bien, faire du sport, prendre une marche, donc pour calmer en général une crise. Les personnes de mon entourage à contacter, donc les personnes ressources, ça c'est mes proches. Je prends un membre de ma famille, mon copain et j'essaie de prendre un ami aussi. J'essaie de varier les personnes ressources. Les professionnels à contacter, le psychiatre, la psychologue et pourquoi pas le médecin généraliste, ne sait-on jamais. Les mesures à prendre en cas de crise suicidaire, donc me rendre aux urgences, me débarrasser des moyens du suicide, appeler un proche, aller chez mes parents pendant plusieurs jours parce que je sais que ma maman est toujours à la maison, donc si je vais chez elle, elle sera tout le temps là pour moi, donc un risque suicidaire qui sera moins important. Et les numéros d'urgence, donc le 143, le 147, les urgences psychiatriques et puis le 144. Voilà, ça c'est vraiment si je suis vraiment dans la crise. Après, pour les crises d'angoisse, j'utilise aussi cette base de plan. Mais là, j'essaie plutôt de regarder en fonction de l'intensité de la crise d'angoisse, si c'est une petite crise. Ok, je contacte un proche, je demande à mon chéri de venir, je lui fais un câlin. Et puis ça me rassure et puis ça ne m'aide pas forcément à me calmer, mais ça me rassure. Si vraiment l'angoisse est trop forte et puis que j'en peux plus physiquement. Là, je peux aussi contacter ma psy, puis en général, elle m'appelle, j'ai son numéro privé. Ou si vraiment je suis dans une crise très très forte, j'appelle le 147 très souvent. J'aime bien les appeler parce que des fois, j'appelle, je ne dis pas mon nom, je dis bonjour, je suis en détresse, je n'en peux plus. Puis après, la personne, elle me pose des questions. Mais qu'est-ce qui se passe ? Je fais une angoisse, j'en ai marre, j'ai mal au ventre, j'ai mal partout, je suis pas bien, je vais tomber dans les pommes, j'arrive plus à respirer. Puis la personne, après, elle me pose des questions, elle m'aide à respirer, puis ça me calme, je suis pas seule, en fait.

  • Speaker #0

    Le 147, tu peux dire aux auditeurs et auditrices quel numéro c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, le 147, c'est le numéro, en fait, pour les jeunes, en fait, d'aide pour les jeunes. C'est pas que pour la crise suicidaire. Tu peux appeler aussi si t'as des problèmes d'orientation, par exemple, un peu pour tout, du harcèlement. même si il y a des questions sur la sexualité, ça va aussi répondre. Et puis le 147, c'est pour les 15-29 ans, donc les jeunes, et puis le 143, c'est pour les adultes. Mais si tu appelles le 147 et que tu as par exemple 30 ans... Voilà, ils vont se rediriger vers le 143.

  • Speaker #0

    Ok. Bon, tout ça, c'est en Suisse, il faut le préciser.

  • Speaker #1

    Oui, je précise, c'est en Suisse. Et pour la France, on a le 3114, donc la ligne pour le suicide. Je ne connais pas les autres ressources en France, mais je pense qu'on pourra les mettre dans les commentaires.

  • Speaker #0

    Oui, parfait. Et donc, ce plan de prévention, quelque part, c'est quelque chose que j'imagine que tu partages avec ton entourage. Tu ne l'as pas toute seule, parce qu'eux aussi vont être peut-être alertes un peu de certains signaux.

  • Speaker #1

    En principe, le plan de prévention, tu le partages avec les personnes de ton entourage. Comme ça, les personnes, elles ont ce plan aussi, une copie pour elles. Elles ont les signes avant-coureurs qu'elles peuvent identifier chez moi. Et puis, après les stratégies d'adaptation, donc qu'est-ce qui fait du bien à la personne, les contacts, elles savent qu'en fait, elles peuvent être contactées à tout moment. elles savent et ça les surprend pas et pareil pour les professionnels de santé si tu fais un plan comme ça je pense que c'est important de le faire déjà avec un psy après ça dépend il y a des personnes qui le font d'une autre manière que moi mais en tout cas moi j'ai vraiment mis ça de manière assez protocolaire pour que ça puisse vraiment m'aider à demander de l'aide et il y a des gens qui m'ont déjà dit parce que je l'ai partagé sur les réseaux ça sert à rien ton plan de prévention si une personne elle veut mourir elle passe à l'acte ok bon voilà faut pas écouter toujours les commentaires des gens moi je je trouve que la prévention, tu dois la faire avant la crise suicidaire. C'est clair que si tu es pendant la crise suicidaire, ça ne sert à rien de faire un plan de prévention. Il faut le faire à part, dès que tu vas bien. Et puis, plus tu fais de prévention, plus tu sais comment tu vas gérer la crise suicidaire. Donc, voilà, moi, je trouve que ça a une utilité quand même relativement importante.

  • Speaker #0

    Carrément. Et moi, ça me touche aussi en ayant une maladie chronique physique, en fait. Parce qu'il y a toujours un moment donné où, quand les symptômes sont trop violents, trop de jours, ça va... Forcément, avoir un impact sur ma santé mentale, c'est quasi la condition sine qua non. Et en fait, au bout d'un moment, justement, dans ce truc de la santé mentale, de pouvoir me dire, ok, je ne sais pas, par exemple, après dix jours de symptômes hyper violents, c'est le moment où je commence à avoir des idées un peu plus ruminatives, peut-être que mon entourage peut être un petit peu plus à l'écoute de ça et un peu plus me demander comment tu vas en ce moment, enfin... Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant, mais pas que forcément pour la question du suicide. Toi aussi, tu l'as extrapolé, par exemple, aux angoisses. Mais je me dis, en effet, tout ce qui touche à la santé mentale, à un moment donné, de sentir que tu peux avoir des outils et que tu as une team au final. Parce que c'est ce que tu montres toi aussi, c'est que tu as une team autour de toi. Tu as ton conjoint, tu as tes proches, tu as des amis, tu as des thérapeutes. Et il y a les lignes aussi d'appel.

  • Speaker #1

    Oui, ça sert exactement. C'est pour montrer en fait que... Les ressources sont disponibles et qu'il n'y a pas que les ressources médicales, mais aussi les ressources de l'entourage. Il y a certes des personnes qui n'ont aucune ressource de l'entourage, et franchement je suis vraiment désolée pour elles, ça doit être vraiment très dur à vivre, mais pour les personnes qui en ont, c'est très important de les mobiliser. Et c'est ça en fait à quoi il sert le plan de prévention, c'est pour voir en fait qu'on sait tous que quand on va pas bien, il faut appeler le 147. Enfin, on sait tous, non on sait pas tous, mais on a souvent la connaissance qu'il y a des ressources d'aide, mais si tu les mets par écrit...

  • Speaker #0

    je trouve que c'est mieux parce que tu t'en rends mieux compte et puis tu te dis, ah mais il n'y a pas que le 147 il y a aussi ma psy, mon psychiatre mon généraliste, il y a ma famille il y a mon chéri, donc si ma famille ne répond pas, je peux appeler mon chéri s'il ne répond pas, j'ai quelques amis c'est important quand même pour moi de se rendre compte qu'on a des ressources parce que des fois on ne les voit pas quand on ne voit pas bien,

  • Speaker #1

    on ne les voit pas et puis quelque part tu te connais aussi mieux et tu arrives mieux à identifier ce que tu vis c'est quelque part un rapport assez mature Face à la maladie, non ?

  • Speaker #0

    Je pense que ça fait partie de l'acceptation. Moi aujourd'hui, je suis dans une démarche où la bipolarité, j'essaye de l'accepter tant bien que mal, même si des fois j'ai un peu encore tendance à faire du déni. L'anxiété, comme dit, j'essaye d'apprendre à vivre avec, et puis en ce qui concerne la crise suicidaire, je me sens vraiment protégée, grâce à la sauce. Après, je ne suis pas à l'abri d'une récidive, comment je réagirais si j'ai une récidive ? Je ne sais pas, je ne peux pas le savoir, mais en tout cas, je suis armée. Donc, j'ai les armes à ma disposition, c'est à moi de les prendre.

  • Speaker #1

    Tu dis que t'es un peu encore dans une phase de déni avec le trou bipolaire, mais je crois que le diagnostic, il est quand même assez récent, tu disais.

  • Speaker #0

    Ouais, ça fait à peu près deux ans, deux, trois ans. C'est récent, mais en même temps, j'ai eu le temps de me renseigner beaucoup sur la maladie. Et c'est vrai que des fois, j'ai un peu de peine à... à m'identifier à travers certains témoignages et puis je me dis ah ben je suis pas bipolaire alors qu'en fait la bipolarité c'est chaque personne vit sa maladie puis tu peux pas te reconnaître dans totalement dans le témoignage d'une autre personne mais c'est vrai que c'est une maladie complexe puis en plus c'est une maladie à vie donc des fois je fais du déni parce que peut-être je me dis que je vais devoir vivre avec ça toute ma vie puis ça m'embête de prendre un traitement à vie c'est lourd quand même les traitements qu'on nous donne beaucoup d'effets secondaires Donc, ouais, des fois, j'ai tendance à un peu le dénier. Des fois, j'ai envie d'arrêter les traitements, mais ce n'est pas une bonne idée.

  • Speaker #1

    Bon, se renseigner, c'est clair que c'est hyper important. C'est même primordial et essentiel, mais ça reste de l'ordre de l'analyse. Et il y a quand même, quand on accueille un diagnostic, il y a tout ce que ça génère au niveau... plus justement du corps aussi. On met du temps à accueillir un diagnostic. Ce n'est pas juste analyser, de se dire bon ben voilà, je suis identifiée comme telle et puis j'ai bien compris comment fonctionnait la maladie et ce n'est pas que la théorie, la vie. Et donc je pense qu'il y a aussi toute une phase de théorie où on connaît peut-être plein de choses sur les maladies avec lesquelles on vit, mais de là à vraiment accueillir, toi tu dis accepter, d'autres personnes diraient assumer, ça peut prendre énormément de temps pour que... ça, dans nos cellules, se soit ancré.

  • Speaker #0

    Ça fait partie aussi de la psychothérapie, je dirais, parce que la psychothérapie du trouble bipolaire, elle passe avant tout par la psychoéducation. La psychoéducation, ça veut dire apprendre à connaître le trouble, et dès qu'on a appris à connaître le trouble, on apprend à connaître son trouble, donc ses symptômes. Et ensuite, dès qu'on a appris ça, on apprend à la gestion de la maladie. Les gestions des phases, les triggers, les signes avant-coureurs, voilà.

  • Speaker #1

    Trigger, est-ce que tu peux juste le traduire s'il te plaît ?

  • Speaker #0

    Trigger, ça veut dire dans la bipolarité, dans mon cas, je dirais signes avant-coureurs.

  • Speaker #1

    C'est les déclencheurs.

  • Speaker #0

    Les gros déclencheurs. Si typiquement, du jour au lendemain, je n'ai plus du tout envie de faire de sport, c'est bizarre. C'est trigger, tu vois. C'est un signe avant-coureur, mais un gros signe avant-coureur. Quelque chose qui est très, très marquant.

  • Speaker #1

    Pour revenir un tout petit peu à l'entourage, quand on a eu notre premier entretien téléphonique, toi et moi, tu m'as parlé de ton conjoint avec qui tu es depuis dix ans maintenant. Et tu m'avais dit à ce moment-là, il a vu la maladie s'installer, il a vécu les hospitalisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un peu ces impacts qu'ont eu les maladies sur lui et éventuellement votre couple ?

  • Speaker #0

    Lui, il a vu la maladie s'installer parce qu'on s'est connus quand je n'avais pas la maladie. Et ma maladie a commencé pendant mes études supérieures, donc on était ensemble depuis à peu près 5 ans. Lui, il a vu la chose s'empirer, donc lui, il a vu mes phases. Il a identifié la première phase de ma nuit, lui, il l'a vue. Parce qu'il a vu que j'avais vraiment un comportement bizarre, il ne savait pas ce que c'était forcément, mais il savait qu'il y avait quelque chose qui ne jouait pas. On s'est séparés d'ailleurs une ou deux fois à cause de la maladie. Il a vu aussi les épisodes de dépression. Pour lui, ça a été dur parce que je pense que ce qui est le plus dur pour les proches, c'est l'impuissance. qui ne savait vraiment pas quoi faire, et aussi on ne savait pas ce que j'avais. Donc ça peut être une multitude de choses, ça peut être la schizophrénie, ça peut être un trouble de la personnalité. Quand tu ne sais pas, tu te poses des questions, tu te dis, mais qu'est-ce qu'elle a Sonia, qu'est-ce qui lui arrive ? Elle est folle, pourquoi elle se comporte comme ça ? Avec le temps, il a appris à connaître la maladie, lui-même se renseigne sur la maladie, il sait la différence entre le type 1 de la bipolarité, le type 2, le type cyclotimique. Il a quand même pas mal de connaissances, je dois dire qu'il s'est quand même renseigné grâce à moi, parce que je l'ai aussi un peu poussé à connaître la maladie. Puis maintenant qu'il la connaît mieux, des fois c'est même lui qui va me dire Ah, Sonia, ça fait quelques jours que tu dors pas beaucoup, c'est un peu bizarre, fais attention. Par exemple. Voilà, c'est lui qui va des fois remarquer plus les signes avant-coeur des phases hautes. Les phases basses, je les remarque en général moi-même. C'est lui des fois qui... qui va identifier certains signes, il va dire c'est normal ça, ou c'est la maladie, il pose des questions, il s'intéresse. C'est clair que pour lui ça a été difficile, d'un point de vue personnel, d'un point de vue professionnel, ça impacte tout. Quand on approche malade psychiquement, et puis que ta personne elle est en dépression, et puis que tu peux rien faire avec elle, parce qu'elle est complètement déconnectée de la réalité, et puis qu'elle passe chaque été à l'hôpital, moi 2020, 2021, 2022, chaque été je l'ai fait à l'hôpital. Chaque été en trois ans, donc c'est pas mal. Lui, il restait seul à la maison, avec le travail à gérer. Pour lui, c'est pas évident, il venait me voir à l'hôpital. Il avait pas forcément le temps, parce qu'il travaille beaucoup. L'impact, il est énorme sur la famille. Enfin, sur la famille et sur les proches, pour le coup, c'est plutôt lui qui a ramassé. Parce que mes parents, je ne vivais plus avec eux, lorsque ça a vraiment commencé à dégénérer. Mais pour mes parents, c'est dur aussi, parce que quand je suis dans des phases où je vais moins bien, je retourne chez eux vivre, parce que je suis plus en sécurité, du fait que ma maman, elle est tout le temps à la maison. Parce que si je suis chez moi, mon copain il travaille, donc je suis toute seule. C'est dur pour elle aussi parce qu'elle me voit mal et puis elle a peur de me laisser toute seule. C'est vrai, c'est dur. Pour les proches, c'est très très dur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez grandi dans votre couple avec ça ?

  • Speaker #0

    Ça c'est une bonne question. Je dirais que c'est quelqu'un qui est très patient. C'est quelqu'un qui est très patient et qui est très intelligent aussi. Donc ça veut dire qu'il va chercher à comprendre les choses. Il va lui-même se renseigner, il va lui-même dire, typiquement il n'y a pas très longtemps il m'a dit Ah tu devrais essayer ces médicaments-là à base de plantes pour l'anxiété, tu devrais essayer cette thérapie-là pour l'anxiété. Il se renseigne beaucoup, il lit beaucoup de choses sur la maladie, il me suit aussi sur ma page, donc il regarde mes contenus. Je dirais que ça a évolué dans ce sens où lui maintenant, il a des connaissances et il est armé pour m'aider. Enfin, pour m'aider. Qui ne peut pas vraiment m'aider, mais pour me soutenir plutôt.

  • Speaker #1

    Donc, c'est plutôt une jolie relation qui perdure après dix ans. Et bien que la maladie soit arrivée au final, enfin, le trouble anxieux était déjà là, mais le trouble bipolaire soit arrivé par la suite.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très, très belle relation. J'ai eu beaucoup de chance. Et je pense que je suis très reconnaissante.

  • Speaker #1

    Est-ce que dans ce contexte-là, vous avez le projet de fonder une famille ?

  • Speaker #0

    Difficile à répondre. Avec la bipolarité, c'est compliqué parce qu'il faut arrêter tous les stabilisateurs d'humeur. Et une femme enceinte qui souffre de bipolarité, elle a un risque très, très élevé de dépression postpartum.

  • Speaker #1

    C'est quasi 90% ?

  • Speaker #0

    C'est 90%. C'est juste aberrant. C'est juste énorme. Mais la plupart des gens que je connais bipolaires ont fait une dépression postpartum. La plupart. La plupart, ça veut dire qu'il y en a aussi qui n'en ont pas fait. Moi ça me fait vraiment peur parce que arrêter les traitements, t'as déjà les effets secondaires de l'arrêt, t'as les effets secondaires de la grossesse, l'accouchement. Après on sait tous que le postpartum, même pour une personne qui n'a pas de maladie psy, est toujours compliqué, ça change complètement ta vie. Et les changements de situation dans la bipolarité c'est hyper important. C'est-à-dire qu'un changement, un gros changement, même un petit changement, ça va impacter puis ça peut créer une récidive en fait. C'est-à-dire que si moi demain je change de travail, je risque une rechute, plus qu'une personne qui n'a pas de bipolarité, même sous traitement. Alors un enfant ce serait, c'est à double tranchant. Soit ça peut aider une mère... à se relever par rapport à la maladie. Je connais quelques personnes que ça a été le cas, ça les a énormément aidées, qu'elles se sentent beaucoup mieux depuis qu'elles ont des enfants. Ou alors ça peut être l'inverse. Et moi j'ai très peur de me retrouver dans le côté inverse.

  • Speaker #1

    Donc tu as l'impression quand même que le fait de vivre avec un trouble bipolaire, ça met entre parenthèses ce souhait, ou quoi qu'il en soit, tu n'aurais pas forcément eu envie d'avoir des enfants ?

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est plutôt le trouble bipolaire qui met la barrière par rapport à ça, pour l'instant.

  • Speaker #1

    Et ton conjoint, il en dit quoi ?

  • Speaker #0

    Lui, il veut des enfants. Lui, il veut des enfants et il pense que je pourrais le gérer très très bien. Mais c'est compliqué. J'ai des membres de ma famille qui souffrent de cette maladie. Et les grossesses, ça a vraiment été la pire chose. Donc moi, ça m'effraie quand même. Donc voilà.

  • Speaker #1

    Il y a un domaine qu'on n'a pas du tout évoqué, c'est le domaine professionnel. Est-ce que tu travailles ?

  • Speaker #0

    Oui, on me pose beaucoup la question. Oui, je travaille, je travaille même à 100%, je le dis très très ouvertement. Ce n'est pas parce que je travaille que je souffre moins, ça n'a rien à voir, c'est juste que j'ai des conditions de travail quand même bien avantageuses, dans le sens où mon employeur est au courant de ma maladie. Ce qui fait que... Certes, ce n'est pas évident pour moi, ça n'a pas été évident pour moi de le dire au travail, mais au moins il le sait et il m'a toujours soutenue. Pendant mes hospitalisations, il était là, il m'a soutenue, il m'écrivait. En fait, ça fait dix ans presque que je travaille dans la même boîte et quand j'ai commencé, je n'avais pas la maladie. Du coup, j'ai commencé, j'ai pu développer des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées. Et étant donné que j'ai développé des bonnes compétences professionnelles qui ont été appréciées dès le début, dès que je suis tombée malade, ils n'ont pas tenu compte de ça parce qu'ils se sont dit Ok Sonia elle a ça mais elle est quand même compétente. Et c'est clair que chaque année j'ai quand même plusieurs arrêts maladie, donc depuis le début de l'année je n'en ai pas encore eu, je suis vraiment très très heureuse parce que je vais mieux, je suis stabilisée. Mais ils acceptent, ils acceptent et puis voilà, ils gardent contact avec moi. Et puis en général j'essaye d'éviter d'être toujours en arrêt à 100%, j'essaye d'être 50%. Ça m'aide quand même à... J'aime pas être à la maison, rien faire, ça m'angoisse. Et ça me permet de me reposer à 50%, j'ai l'après-midi pour me reposer, et puis comme ça mon employé voit que je suis vraiment motivée, dans tous les cas. Et ça se passe très très bien.

  • Speaker #1

    En tout cas, ça a été super courageux de l'évoquer avec ton employeur. Qu'est-ce qui t'a permis d'oser le faire ?

  • Speaker #0

    En fait, c'était à l'époque quand je venais de recevoir le diagnostic. Franchement, d'un côté, ça me rassurait, mais d'un autre côté, ça me faisait peur. Et je me suis dit, écoute Sonia, là, t'es en phase dépressive, tu vas pas très bien. Autant le dire maintenant plutôt qu'il l'apprenne par la suite. Parce que moi au début je voulais dire je suis en arrêt parce que j'ai mal au ventre ou je sais pas quoi. Enfin je voulais inventer une excuse. Mais j'ai pas... Enfin inventer un mensonge je trouve que c'est un côté très très malsain dans le monde professionnel. Alors j'ai préféré jouer carte sur table. Puis je lui ai dit voilà j'ai eu un arrêt maladie. J'ai pas été malade. J'avais inventé... Je crois que j'avais inventé une excuse. J'avais dit que j'avais fait une intoxication alimentaire qui a duré un mois. Voilà, peut-être que c'est possible, mais bref. Et je lui ai dit, voilà, je préfère te le dire comme ça, tu le sais par moi. En fait, non, je n'ai pas eu d'actification alimentaire, je suis hospitalisée en psychiatrie parce que je suis bipolaire. Je lui ai dit. Et il était surpris, mais pas trop, parce qu'il m'a dit qu'il remarquait des comportements qu'il avait remarqués. quelques comportements étranges de ma part. Ça fait pas de moi une mauvaise employée, mais il a dit qu'il avait remarqué quand même deux, trois choses. Donc, il était plutôt content que je lui en parle. Et je suis vraiment contente parce que maintenant que je vais mieux, il me l'a même dit. Il m'a dit, tu vas mieux, ça fait plaisir. J'ai dit, oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Tu disais que tu travaillais à 100%. Est-ce que pour toi, c'est juste de travailler à ce taux-là avec tout ce que tu vis à côté ?

  • Speaker #0

    C'est dur. C'est dur et je pense qu'à terme, moyen terme peut-être, je vais baisser mon taux d'occupation. Parce que c'est vraiment... c'est intense. Après j'ai la possibilité de faire du télétravail, donc ça me permet disons d'avoir quand même une flexibilité au niveau des horaires. Et moi dans ma journée je peux entrecouper mes horaires. C'est-à-dire que si tout à coup j'ai plus envie de travailler l'après-midi, je peux retravailler le soir ou le lendemain plus longtemps. En fait j'ai des horaires complètement libres. Et certes, j'ai un travail exigeant parce que je suis dans le domaine des assurances et puis les personnes qui travaillent dans les assurances savent à quel point c'est un domaine stressant. Mais j'ai une flexibilité qui est énorme. Je peux travailler où je veux, quand je veux, tant que je fais mon boulot. Et ça, c'est ce que j'apprécie en fait. Ça me permet, si je ne me sens pas bien, ça m'arrive souvent, si je ne me sens pas bien, ok, là il est 14h, j'en peux plus, j'angoisse trop, je vais me coucher. Je reprends à 17h, je travaille jusqu'à 20h, puis ma journée est terminée. En fait, je pense que c'est cette flexibilité de mon employeur qui m'aide vraiment. à tenir le coup. Parce que mon employeur, il est au courant de ça et il est compréhensif. Parce qu'il sait aussi que je fais du bon travail. Je pense qu'après, ça doit être une relation mutuelle de confiance.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est beau de voir que certains aménagements peuvent soulager aussi les symptômes, quelque part.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, dans beaucoup de grandes entreprises, il y a un système de gestion de la santé qui est mis en place pour générer le bien-être au travail, limiter les risques d'absentéisme. C'est fait de plus en plus dans les grandes entreprises. Et ça, c'est vraiment une très, très grande évolution du monde du travail.

  • Speaker #1

    Et puis, tu me disais que tu avais peut-être envie d'avoir aussi un job autre que celui-là. Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? On l'a évoqué hors antenne tout à l'heure.

  • Speaker #0

    À terme, j'aimerais bien me lancer dans l'influence, en fait, mais dans le domaine de la santé mentale. Plutôt, par exemple, avoir des partenariats avec, je ne sais pas, des... des pharmacies, pas pour des médicaments sur ordonnance, mais pour tout ce qui est des médicaments à base de plantes que moi, je teste pour mon anxiété, que je montre auprès de ma communauté est-ce que ça a marché, est-ce que ça n'a pas marché. Des choses comme ça ou des thérapies que j'essaye et que je suggère ensuite auprès de ma communauté. Ça, c'est quelque chose qui m'intéresserait. À terme, j'aimerais beaucoup.

  • Speaker #1

    Sonia Influenceuse, peut-être bientôt sur les réseaux sociaux.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien.

  • Speaker #1

    Moi j'arrive gentiment à la fin de mes questions, Sonia. Donc avant de te poser les deux dernières questions de fin, c'est est-ce que tu avais envie déjà de rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    J'ai rien à rajouter simplement à toutes les personnes qui souffrent de bipolarité. C'est très dur d'accepter cette maladie. Les symptômes sont très durs, les phases sont très dures. Mais je vous promets qu'on peut se stabiliser. Moi, dans mon cas, je me suis aujourd'hui stabilisée. Ça fait presque neuf mois que je suis stable, que je vais vraiment mieux au niveau de la bipolarité. Je suis un exemple. Et pourtant, j'en ai bavé. Pendant trois ans, je n'avais pas de stabilité. Et après trois ans, je vois le bout du tunnel. Et je pense que vous aussi, vous pourrez voir le bout du tunnel. Si vous m'écoutez, je vous le souhaite très sincèrement. Et simplement, des fois, c'est le traitement qui n'est pas adapté. Des fois, il faut augmenter le dosage. Des fois, il faut le diminuer. Des fois, il faut changer de molécule. C'est long, mais on y arrive.

  • Speaker #1

    Et plus précisément, quel message tu souhaiterais faire passer aux personnes qui vivent avec une maladie invisible, qui serait un trouble psy ?

  • Speaker #0

    Ouais, alors moi je dirais que l'accepter, c'est la clé en fait de la rémission. Je parle pas de guérison, parce que dans la maladie mentale, c'est dur de parler de guérison, mais on parle de rémission. Et dès le moment où tu apprends à toi de connaître et à accepter, entre guillemets, ce qui t'arrive, Tu vas voir la chose différemment et donc tu vas envisager plus facilement ton rétablissement.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est quoi les clés de l'acceptation ?

  • Speaker #0

    C'est un travail sur soi-même à faire. En psychothérapie, un travail d'estime de soi aussi, un travail d'acceptation de soi, un travail de gestion des émotions, de gestion de la maladie. Dès que tu commences à gérer ta maladie, tu te sens mettre à bord en fait. Et puis du coup, tu l'acceptes beaucoup mieux aussi. Mais ça, ça ne peut se faire qu'avec un professionnel de santé.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu aimerais partager à l'entourage des personnes qui vivent avec un trouble psy et par défaut une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Oui, alors vous n'avez pas besoin de jouer le rôle du psychologue avec ces personnes en posant des questions, en voulant absolument chercher la clé pour aider la personne. Juste un soutien suffit. Un soutien physique, un soutien moral. Écrivez à la personne régulièrement des actions très simples. Est-ce que tu veux venir marcher avec moi ? Est-ce que tu veux qu'on aille manger ensemble ? Est-ce que tu veux un câlin ? Je demande ça à mon copain en ce moment. Est-ce que tu peux me faire un câlin ? Voilà, c'est des petites actions comme ça. Soutenir la personne, lui poser des questions, lui faire une surprise, venir chez elle à l'improviste. Tiens, je t'ai fait un gâteau, j'ai pensé à toi. Voilà, c'est des choses très simples. Finalement, c'est beaucoup plus efficace que jouer le rôle du psychologue.

  • Speaker #1

    Ça résonne beaucoup ce que tu dis. J'avais une discussion avec ma meilleure amie qui me disait, parce qu'elle voyait que j'étais très mal, elle me disait, même après trois ans, je me sens toujours impuissante et j'ai envie de t'aider. Et je me dis, mais quelle solution je pourrais mettre en place pour toi ? Et moi, je sais très bien qu'elle ne peut rien faire en termes de solution pour les symptômes. Mais comme tu dis, de simplement... offrir de la présence, de pouvoir appeler la personne, de pouvoir aller marcher avec. Elle ne va pas nous guérir, la personne, et elle ne va pas être notre psy, comme tu dis, mais de proposer juste d'être là, en fait, d'être à l'écoute. Et si le trouble anxieux généralisé était un super pouvoir, lequel serait-il, Sonia ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder.

  • Speaker #1

    Carrément ? C'est clair ?

  • Speaker #0

    Non, clairement, oui, oui, parce qu'aujourd'hui, ça m'embête un petit peu, mais après, comme dit... J'essaye d'apprendre à vivre avec et d'accepter, donc c'est un chemin que je commence à mettre en place maintenant. On verra par la suite.

  • Speaker #1

    Et pour le trou bipolaire ?

  • Speaker #0

    Le pouvoir de m'emmerder aussi.

  • Speaker #1

    C'est des emmerdeurs, quoi.

  • Speaker #0

    Ben oui, c'est des emmerdeurs. Ils n'ont pas ruiné ma vie, mais ils ont quand même changé beaucoup de choses dans ma vie. Donc non, j'aurais souhaité qu'ils ne soient pas là, disons. J'essaie de l'accepter, mais si ça aurait pu ne pas m'arriver, j'aurais été encore plus heureuse.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu disais, si tu ne vivais pas avec ton trouble anxieux, ça te ferait bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, encore la bipolarité, je peux m'imaginer sans, vivre sans, parce que j'ai vécu sans déjà, mais l'anxiété, je n'arrive pas à m'imaginer. Une Sonia pas anxieuse, mais peut-être une Sonia moins anxieuse.

  • Speaker #1

    C'est peut-être son super pouvoir, c'est qu'elle te colle à la peau.

  • Speaker #0

    C'est qu'elle me colle, oui. Beaucoup trop, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Je te remercie pour ton témoignage, Sonia.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi, surtout.

  • Speaker #1

    Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. rencontrez mes invités et découvrez tous les engagements de la communauté Les Invisibles sur le compte Instagram Les Invisibles Podcast ensemble, continuons à visibiliser l'invisible

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