Speaker #1de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de tous bords et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. nous ferons des visites dans le jardin source d'émerveillement et d'abondance et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créé. Belle écoute à vous. C'est un podcast particulier que j'enregistre aujourd'hui. Il vient bouleverser la programmation de mes émissions à l'image du bouleversement que j'ai vécu ce lundi 13 mai 2024. Le week-end précédent était chargé. Le dimanche, j'accueillais un groupe venu pour bruncher et pour jouer au Mahjong. Les joueurs se sont installés à l'extérieur autour de deux tables sous une pergola ombragée pendant que de mon côté, je rangeais ma salle et ma cuisine avec, en ma compagnie, un joueur en surnombre qui attendait son tour pour retourner à la table de jeu. ce soir-là rompu de fatigue je me couche tôt et programme un réveil de bonne heure le lundi matin pour reprendre le chantier laissé en l'état vendredi dernier au cours de la semaine précédente j'avais commencé à couper quelques bambous dans le jardin zen j'en avais repéré qui se courbaient exagérément au-dessus des pontons surélevés en bois qui longent la rivière sèche constituée d'un agencement de rochers et d'un lit de pierre évoquant un cours d'eau miniature en se courbant il s'appuyait sur le magnolia le plaque minier et le colkvitsia les privants de lumière Je les ai sciés à leur base, les ai sortis de la bambouserai, ce qui n'est pas une masse à faire vu sa densité. J'ai coupé toutes les feuilles qui naissent à chaque anneau de la canne principale. Un beau tas s'est accumulé, mais à chaque jour suffit sa peine. J'ai tout laissé en plan pour le week-end, me programmant le lundi pour résorber tous les déchets. Ce lundi donc, le 13 mai 2024, je retourne au fond du jardin pour éliminer les résidus de mon chantier. C'est là que, petit à petit, je prends la mesure de ce qui est en train de se passer. D'autres bambous sont couchés. trois fois plus que la semaine précédente c'est ce qui arrive occasionnellement en hiver lorsqu'ils sont alourdis par la neige certaines années neigeuses ils forment même une espèce d'igloo au-dessus des trois banquettes qui entourent une fontaine surgissant d'un lit de pavé mais là pas de neige pour les alourdir à ce point mon cerveau se met en ébullition Des informations accumulées petit à petit au cours des semaines précédentes sont brassées. Pourquoi les nouvelles pousses de belle taille observées au printemps ont-elles disparu quelques semaines plus tard ? Pourquoi y a-t-il partout des tiges insignifiantes qui prolifèrent ? Pourquoi la couleur du feuillage a-t-elle changé ? ils ont pourtant t tr s largement irrigs par les pluies incessantes de l'hiver et puis d'ailleurs quand ils subissent un manque d'eau les feuilles jaunies s'étombent ce n'est pas le cas actuellement c'est plutôt une couleur gris argenté jamais vue auparavant dont ils se sont parés je m'active pour couper les nouvelles cannes qui menacent à nouveau les plantations d'hôtes un magnifique érable japonais à fines feuilles palmées rouge ardent acheté le dimanche précédent au stand des pépinières thomas à la foire aux plantes de choppenvier tous les ans j'achète un nouvel érable à ce producteur qui les cultive dans les vosges pas question que mon nouveau sujet choisi avec soin implanté au bon endroit soit abîmé c'est en coupant les branches de ces nouveaux bambous sacrifiés que je percute enfin. Je saisis toute l'ampleur de ce qui est en train de se passer. Mon bambou fleurit. Je savais que concernant le bambou, sa floraison est cyclique. Elle n'intervient qu'une fois tous les 60 à 120 ans, suivant les espèces. Sur un bosquet de bambou, cette floraison est si générale qu'elle épuise totalement le bambou jusqu'à la mort. La survie de l'espèce sera donc assurée par les semis des graines ainsi formées, qui tombent au sol, donnant naissance à de nouveaux spécimens qui se multiplieront par rhizome. Une sorte de régénération planétaire de l'espèce. car en effet cette floraison est grégaire et se déclenche chez tous les individus d'une même variété de plantes simultanément quel que soit leur âge ou leur localisation sur la planète je savais tout cela mais ça me paraissait si lointain si improbable que ça m'arrive à moi dans mon jardin de l'escalier force m'est de constater que bien des années se sont égrénées depuis la plantation d'une première touffe que m'avait léguée ma mère qui ne savait que faire de ce cadeau qu'on lui a offert ça tombait bien j'avais le vilain mur en béton du voisin à dissimuler et j'aime le bambou c'est d'ailleurs lui qui a donné la tonalité de cet espace qui s'est construit à son ombre un jardin zen qui termine la visite du jardin de l'escalier c'est à cet endroit que se sont installés en fin de saison les membres de la commission ministérielle qui attribuent et renouvellent le label jardin remarquable que je détiens depuis assis sur les banquettes qui entourent la fontaine il m'interrogeait sur mes projets d'avenir pour le jardin de l'escalier comme je venais de refaire à neuf toutes les constructions en bois qui structurent le jardin pergola claustra bancs ponts circulation surélevée je pouvais me projeter allègrement sur dix ans sans intervention majeure ça c'était il y a six mois aujourd'hui devant ce désastre les pensées se bousculent dans ma tête où vont nicher les étourneaux qui vivent en bande et viennent s'abattre dans le feuillage des bambous inaccessibles aux prédateurs comment vont réagir les plantes d'ombre implantées là et qui maintenant vont subir de plein fouet les ardeurs du soleil comment dissimuler le vilain mur en béton et le pignon de la maison voisine Et mes visiteurs, qui passaient de longs moments à se ressourcer sous le bruisement du feuillage ? La tristesse arrive progressivement après l'agitation des idées qui font bouillir mon cerveau. La tristesse, elle est là depuis un moment. Félina, ma petite chatte, est morte en septembre. suite à son départ et en lien avec celui-ci je me suis retrouvé immobilisé pendant trois semaines par une lombagie qui me paralysait totalement je ne pouvais même plus arroser mes plantations assoiffées un arbre de grande valeur est mort accablé par la chaleur tous mes buis ont dépéri j'ai dû en arracher une vingtaine dont certains très anciens formant de grosses boules entre-temps perlette une de mes poulettes au collier brun clair et au plumage moucheté de gris argenté a disparu nouveau deuil à faire deux poussins à peine nés sont morts aussi un petit tout noir a été écrasé sous les pattes de sa mère j'en ai retrouvé un autre tout jaune dépecé par un prédateur beaucoup de bouleversements se sont succédés ainsi en un court laps de temps et moi qui me croyais protégée dans mon oasis hors du temps là j'atterris dans le réel un réel qui me met en phase avec le vécu de plein de personnes dans mon environnement un salon de coiffure qui ferme brutalement des locataires qui ne payent plus mais qu'on doit garder malgré tout sans pouvoir agir une belle-sœur qui meurt d'un cancer fulgurant des amis dont la carrière professionnelle a été suspendue dans ma situation pas de malveillance pas de malversation pas d'ennemi à incriminer comme on dit en japonais on n'y peut rien c'est la nature c'est ainsi aujourd'hui j'encaisse demain peut-être je pourrai pleurer toutes mes pertes au lieu de me raidir dans l'action et ensuite pourra venir le temps du détachement Je vous invite à me suivre chaque mardi pour un nouveau podcast. Des sujets plus légers sont programmés pour les prochaines semaines. J'espère que vous serez présents quand viendra le temps de la reconstruction du nouveau sur les ruines de l'Ancien, dont je vous partagerai les étapes.