Speaker #0Bienvenue dans les petites histoires de Michelle, un podcast dans lequel je raconte mon exploration de la cuisine japonaise. Cet art ultime de bien manger que j'ai à cœur de transmettre aujourd'hui est la synthèse entre mes pratiques d'artiste, de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de sous-bord, et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. Nous ferons des visites dans le jardin, source d'émerveillement et d'abondance, et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créée. Belle écoute à vous ! Après la série d'été consacrée à des céramistes dont j'expose les créations dans ma boutique, je vous emmène maintenant faire un tour au jardin. Nous sommes à l'équinoxe, ce moment où la lumière change et où l'automne s'invite doucement. Depuis la mi-août déjà, on sentait venir la saison. Les pieds de courgettes, si vigoureux tout l'été, commencent à fatiguer. Leurs feuilles jaunissent, attaquées par l'oïdium, ce champignon qui court de feuille en feuille en laissant ses traces blanches. Même les concombres... pourtant à l'abri dans la serre, n'y échappent pas. Les premiers à donner l'alerte, ce sont les potimarons. Leur végétation luxuriante s'est repliée peu à peu, découvrant des fruits bien doudus d'un orange éclatant. Certains avaient même grimpé dans les pêchers en espalier, mêlant leur sphère orangée aux pêches veloutées. Puis, tout s'est arrêté d'un coup, le carré s'est retrouvé nu. Mais la terre n'aime pas rester nue longtemps. Aussitôt, j'ai semé un mélange de sarrasin, de phacélie, de trèfle et de moutarde qui bientôt formeront un tapis vivant. Et déjà, les jeunes pousses de souci ressemaient toutes seules Profite de cette lumière nouvelle pour s'affirmer. Plus loin, le carré des poireaux et des carottes déborde d'énergie. Les tiges fines d'aneth, semées entre les rangs de carottes, dressent leurs ombelettes aériennes. Elles parfumeront les pots de concombres lactofermentées préparées après chaque récolte de curcubitacées. Celui des chaux et des céleries, en revanche, a été bien plus éprouvé. Dès le printemps, les puces de terre s'y sont déchaînées, perforant les feuilles. Elles se sont rétablies tant bien que mal durant l'été, après un traitement aux algues marines que j'aurais dû appliquer bien plus tôt. Les chaux rouges, moins percés par les morsures, n'ont pas connu un meilleur sort pour autant. Les pluies de juillet n'ont rien arrangé. Mes chaux rouges, si précieux pour l'équilibre visuel du carré, ont pourri les uns après les autres. Ce qui pouvait l'être a été transformé en tsukémono, mais leur présence me manque. J'aurais dû garder leurs racines, leurs feuilles basses, mais écœurées par l'odeur, j'ai tout arraché trop vite. Et comme si cela ne suffisait pas, les choux de Bruxelles ont vu surgir des colonies de larves voraces. Un visiteur m'a appris qu'il s'agissait sans doute de coccinelles chinoises lâchées dans les champs voisins. Quand les cultures sont récoltées, elles se replient sur nos jardins. Les solutions biologiques ont leur vertu, mais aussi leur revers. Yin et Yang, toujours. Heureusement, le céleri a mieux résisté que l'an dernier. Ces belles branches épaisses attendent de rejoindre le kimchi que je préparerai quand les daikon et les choux chinois seront prêts. Semés en juillet après la récolte des pommes de terre, ils ont eu une croissance rapide. Dès la levée des semis, j'ai pensé à les traiter pour leur éviter la même aventure malheureuse que leurs cousins. Et cette fois, j'ai eu de l'aide. Mon petit-fils Arthur, en vacances chez moi, a été chargé du désherbage. Sa mission était simple. Arracher tout ce qui poussait rouge entre les rangs. Les amarantes, issues du compost, levées partout. Jolis panaches pourpres ailleurs. Mais ici, elles risquaient d'étouffer mes semis. J'aime aussi l'organisation du carré des aubergines et des poivrons. Quatre aubergines au centre, autour d'une petite pyramide métallique. Quatre poivrons et des touffes de basilic en diagonale. Des betteraves rouges longent les plantes méridionales, formant un triangle dont les blettes ponctuent l'intérieur. Sur le papier, c'est un dessin harmonieux. Dans la réalité, le démarrage a été rude. Les basiliques ont été rasés par les limaces, les poivrons grignotés, les aubergines ont roulé leurs feuilles sans raison apparente. Quant aux choux noirs de Toscane, que j'installe toujours aux angles, ils refusent de pousser cette année. Déjà dans la pépinière, ils disparaissaient. Les rares survivants n'ont pas tenu une fois en pleine terre. Dommage ! Avec leurs grandes feuilles gaufrées, d'un vert bleuté si élégant, ils forment un panache qui donne habituellement une allure magnifique au carré. Gustativement, c'est moyen, sauf si la plante survit à l'hiver. Car au printemps, les jets floraux, blanchis et assaisonnés d'une simple vinaigrette, deviennent une délicatesse pleine de vitalité. Mais pour 2026, il faudra s'en passer. Dans le jardin, rien n'est acquis. Tout change. Tout se transforme, tout le temps. Aucune année ne ressemble à l'autre. Et c'est sûrement ça, sa plus belle leçon. Apprendre à savourer ce qui est, juste là, sous nos yeux, même si ça ne dure pas. Le potager, ce n'est pas seulement des récoltes, c'est un miroir du vivant, où abondance et fragilité Merci. avancent toujours ensemble, en équilibre. Aujourd'hui, le 22 septembre, jour où j'enregistre ce podcast, la bascule dans l'automne est définitivement actée. Hier déjà, lors des journées du patrimoine, dernier jour d'ouverture du jardin au public, la pluie s'est mise à tomber, annonçant la fin des festivités de l'été. La température est tombée à 16 degrés alors que les jours précédents, je travaillais encore entre mes carrés dans une belle ambiance estivale, sous un ciel bleu immaculé et un air sec. Je viens de démarrer une flambée dans le poêle pour compenser cette chute brutale. C'est ça l'Alsace, nous vivons souvent des amplitudes assez conséquentes dans la même journée. Nous passons d'une saison à l'autre, presque sans transition. Le corps met quelques jours à s'adapter. Au printemps, une chaleur soudaine nous cloue au sol. Et en automne, alors que nous étions encore en tenue légère, nous sortons vite nos petites laines pour éviter de grelotter. Finalement, le jardin, comme la météo, m'invite à la même chose. Accueillir ce qui vient sans résistance et savourer l'instant tel qu'il est, même s'il ne dure pas. Un nouvel épisode des petites histoires de Michel vous attend tous les mardis. Pensez à vous abonner à ma newsletter pour continuer de voyager au Japon avec moi.