Speaker #0Bienvenue dans les petites histoires de Michel, un podcast dans lequel je raconte mon exploration de la cuisine japonaise. Cette art ultime de bien manger que j'ai à cœur de transmettre aujourd'hui est la synthèse entre mes pratiques d'artiste, de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de tous bords et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. Nous ferons des visites dans le jardin, source d'émerveillement et d'abondance, et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créée. Belle écoute à vous ! Avant l'été, j'avais consacré 5 épisodes des petites histoires de Michel au thé vert en poudre, le matcha. Cette fois-ci, je vais vous parler de mon matcha à moi, mon matcha alzaco japonais. En été, il m'arrive de confectionner des madeleines au thé vert matcha pour mes cafés gourmands. Délicieuses petites madeleines d'un verre léger qui viennent faire la ronde avec d'autres madeleines à la bergamote et au géranium odorant. Ces trois parfums sont des madeleines de mes voyages. J'ai toujours aimé le parfum de la bergamote, mais je ne savais pas qu'il provenait d'un agrume, ce que j'ai découvert dans un verger en Crète. J'ai adopté un bergamotier dès mon retour Il a été le premier arbre de ma collection d'agrumes. Je lui ai acheté des copains pour qu'il se sente moins seul et par la suite, la collection s'est étoffée, notamment avec de nombreuses variétés japonaises. Pour moi, râper le zeste d'une bergamote, c'est décollage immédiat vers les îles grecques. Le parfum du géranium odorant vient aussi de là-bas où ils dominent dans des locumes couleur rose. J'ai trouvé des plants de géranium qui diffusent ce parfum. Ils s'épanouissent chez moi. Mais ce sont ces essences distillées qui conviennent pour parfumer les pâtisseries. Maintenant, une idée me titille, celle de faire mon propre matcha, ma poudre de thé vert alsacienne. Et devinez avec quoi ? avec de jeunes feuilles cueillies sur un tilleul de mon jardin qui est venu combler un vide après la chute d'un sapin lors de la tempête de 1999. J'ai donc commencé mon expérience au printemps en récoltant les jeunes feuilles tendres avant la formation des fleurs, comme la première cueillette de thé de printemps, le shinsha. Après séchage soigneux, il s'agit de broyer les feuilles en poudre fine. Moulinette à trois coups ? Ben non, pas possible d'avoir le même résultat que dans une mule. Les feuilles sont explosées en fines particules, mais rien à voir avec la poudre ultra fine du matcha japonais. C'est évident, il me faut une meule en pierre. J'en ai bien vu une dans un magasin de Kappabachi à Tokyo, là où j'achète mes ustensiles de cuisine japonais. Cher et surtout très lourd. Même pas possible de le transporter dans mes bras jusqu'au bureau de poste pour m'organiser un envoi, au prix certainement prohibitif, si toutefois l'envoi est accepté. je me dis qu'un moulin à céréales pourrait peut-être faire l'affaire je le commande le réceptionne déballe la marchandise Et réalise que, bah non, il est strié pour faire avancer des graines de céréales entre les deux meules, mais mes feuilles de tilleul séchées n'y aient rien de bouge. Bon, me voilà avec un moulin à céréales qu'il faudra bien un jour que j'utilise dans sa vraie fonction, produire de la farine. Pour autant, je ne lâche pas l'affaire. je me dis qu'il va bien y avoir une solution je savais qu'au jardin de gaïa il y avait une meule à matcha rapportée du japon par arlette romère la fondatrice de la maison de thé mais j'ai appris qu'elle ne fonctionnait pas bien et qu'elle servait surtout de déco alors pas la peine de faire le déplacement avec mes quelques grammes de feuilles de tilleul séché un jour Je découvre, sur un site qui vend des épices indiennes, un magnifique mortier en pierre qui a l'allure d'un grand plat rustique au bord très épais. L'objet me plaît, me plaît même beaucoup. Je suis séduite par sa matière brute et par la forme originale du pilon qui fait un angle entre la base large du côté qui broie et la pointe à l'autre bout. une petite voix commence à faire son travail de sape. Tu as assez d'objets, ça suffit. Fais avec ce que tu as déjà. Et je l'écoute. Oui, parce que souvent elle a raison. Mais pas toujours. D'ailleurs, cet objet auquel j'ai renoncé continue à m'obséder jusqu'au jour où je retourne sur le site pour finalement le commander. Et devinez quoi ? il n'est plus disponible régulièrement je vais jeter un oeil sur la page mais l'objet convoité est toujours absent patiemment je visite régulièrement le site avec à chaque fois la même déception plutôt que d'attendre passivement que peut-être un jour mon mortier réapparaisse je finis par décider de passer à l'action En envoyant un mail où je demande à être averti quand l'objet de mon obsession sera à nouveau disponible. Et je me remets à attendre. Mais plus de la même manière. Comme si je connaissais déjà l'issue positive. Issue qui n'a pas tardé à arriver. Évidemment, je ne perds pas une seule seconde pour passer à l'acte et cliquer sur Acheter L'objet de mes désirs arrive enfin, bien lourd, stable, rugueux à souhait, avec son pilon bien conçu pour boyer toutes sortes de choses avec un geste de rotation lent sur la surface poreuse de la pierre. Pierre contre pierre, pierre volcanique certainement. Mes essais commencent. J'élimine avec des ciseaux les nervures trop dures. et j'écrase mes feuilles de tilleul entre mes paumes je les effrite et je commence à tourner le pilon lentement pour ne pas échauffer les particules végétales c'est long et fastidieux mais ma grand'mère japonaise l'aurait fait alors pourquoi pas moi avec patience je tourne mon pilon ramène vers le centre ceux qui inévitablement s'échappe vers les bords et recommence à tourner toujours dans le même sens je finis par obtenir le résultat visé une fine poudre verte un verre pâle qui ressemble plutôt à un matcha de mauvaise qualité mais dont le goût est subtil si subtil qu'il faut que j'en utilise beaucoup dans ma préparation en réduisant d'autant la quantité de farine. Je récupère toute la poudre avec un gros pinceau pour ne pas en perdre un gramme après autant d'efforts. Comme pour le matcha japonais, je la conserve dans une petite boîte en métal à l'abri de l'oxygène et de la lumière. Mes madeleines alsaco-japonaises sont réussies. Un produit de luxe après... tant d'énergie mise à leur confection. Autant dire que peu de personnes auront le plaisir de les déguster. Des privilégiés, arrivés au bon moment, tout simplement. Et mon pilon multi-usage me permettra aussi de préparer des épices à frotter pour enduire les grosses pièces de viande qui seront mises à rôtir pour une cuisson longue et douce dans mon kamado. Je broie aussi l'estragon séché avant de l'introduire dans une mayonnaise ou toute autre préparation. L'estragon réduit en poudre apporte une dimension supplémentaire où sa saveur anisée si subtile est bien mise en valeur. Quand mes petits-enfants assistent à la pulvérisation, ils sont ravis de donner quelques tours de pilon et d'entrer dans la magie des transformations qui s'opèrent en cuisine. Quel bonheur de transmettre ces gestes ! Même s'ils n'en saisissent pas l'importance aujourd'hui. Un jour, peut-être, ils se souviendront de cette grand-mère vaguement japonaise qui leur livrait ses secrets. Au moment d'enregistrer ce podcast, une de mes hôtes belges, Marie-Noël, me prête un joli petit ouvrage sur la piste des herbes sauvages. J'y découvre un paragraphe qui parle des usages des feuilles de tilleul. J'apprends qu'elles sont très riches en protéines et que dans les pays nordiques, on en fait une farine toute verte qui sert de base pour des mouillis, des crèmes ou des galettes. Et moi qui croyais avoir inventé la poudre. Au moins, je sais maintenant que mes madeleines, en plus d'être bonnes, ont des propriétés intéressantes et que, finalement, on n'invente rien, mais qu'on capte intuitivement des informations existantes, petites leçons d'humilité au passage. Un nouvel épisode des Petites Histoires de Michel vous attend tous les mardis. Pensez à vous abonner à ma newsletter pour continuer de voyager au Japon avec moi.