Speaker #0Bienvenue dans les petites histoires de Michelle, un podcast dans lequel je raconte mon exploration de la cuisine japonaise. Cet art ultime de bien manger que j'ai à cœur de transmettre aujourd'hui est la synthèse entre mes pratiques d'artiste, de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de tous bords et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, des recettes de la cuisine. les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. Nous ferons des visites dans le jardin, source d'émerveillement et d'abondance, et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créée. Belle écoute à vous ! Au Japon que je visite en hiver, il fait froid. Les maisons ne sont pas isolées, les portes sont ouvertes même quand il neige, le chauffage est primitif. Alors, de quoi rêve-t-on lorsqu'on a froid ? On rêve d'une source de chaleur qui vous enveloppe et vous réchauffe jusqu'à l'os. Pour les japonais, le froid n'est pas un problème. Ils ont l'habitude de s'y soumettre. C'est même une vertu. À force de s'exposer au froid depuis le plus jeune âge, ils se renforcent s'endurcissent ils se contentent des kotatsu des tables basses chauffantes recouvertes d'une couverture où ils enfouissent le bas du corps pour des gens de passage comme moi ils installent des radiateurs soufflants bruyants puants dans les temps où j'ai séjourné je devais choisir entre me geler sans radiateur ou étouffer avec l'air sec et polluée, propulsée par le chauffage, en plus d'être assourdie par le bruit de la mécanique de ces systèmes archaïques. Au murioko-in, au fudo-in, ma chambre était fermée par des shoji, ces cloisons coulissantes en papier de riz donnant sur l'engawa une cursive couverte, certes, mais ouverte sur l'extérieur. Dehors, à deux pas de ma chambre, le bassin du jardin était gelé. Dans d'autres hébergements, c'était la plupart du temps un climatiseur réversible qui tenait lieu de chauffage avec tous les inconvénients que cela comporte. Le bruit, l'atmosphère sèche, le courant d'air, toutes choses auxquelles je suis particulièrement vulnérable. Les poumons n'aiment pas le sec, le foie n'aime pas le vent. Alors, pour une petite brindille comme moi, comment survivre quand il fait froid ? Kazuo-san, mon hôte à Kyoto, faisait de son mieux pour m'apporter un minimum de confort, à grand renfort de couverture et de petits radiateurs d'appoint, au risque de surcharger le système électrique. Concernant la salle de bain de la maison de Kyoto, je vous fais un rapide état des lieux. Les commodités se trouvent à l'extérieur, dans une courette semi-couverte avec un auvent en panneau de polycarbonate qui protège partiellement de la pluie, mais c'est tout. Un aménagement de pierre et de pas japonais, complété par une plante en pot, tente d'évoquer... un jardin. Le lavabo, un long bac carrelé de mosaïque, est appuyé contre le mur. La douche, ouverte sur le dessus, est chauffée par un infrarouge qui donne une illusion de confort. Kazuo-san m'explique que si l'on veut toucher des subventions pour la restauration d'une maison traditionnelle dans ce quartier, la salle de bain doit... obligatoirement se trouver à l'extérieur. Ça fait partie du cahier des charges. J'ai renoncé à me servir de la douche. Heureusement, les toilettes ont un siège chauffé et de multiples jets qui permettent de faire la toilette du bas. Pour ce qui est des parties odorantes du haut, ce sont des lingettes parfumées qui sont appelées à la rescousse. Mais sur le long terme, c'est un peu sommaire. Je savais qu'au Japon, il y a des onsen. des bains collectifs alimentés par des sources chaudes où l'on s'immerge dans l'eau au milieu du paysage. J'ai vu la première photo d'un de ces endroits en même temps que je goûtais pour la première fois la saveur du thé matcha. Les deux sont étroitement associés dans mon parcours de découverte du Japon à une époque où ce pays lointain me fascinait déjà. mais où je n'imaginais pas que je pourrais m'y rendre un jour. Dans les onsen, on se plonge dans des eaux volcaniques chaudes, chargées en minéraux avec des vertus thérapeutiques. On y plonge aussi des œufs pour les cuire. Peut-être avez-vous entendu parler des œufs onsen, que les cuisiniers français appellent œufs parfaits. Après une heure de cuisson, Le blanc figé devient laiteux avec une texture crémeuse et le jaune est épais, onctueux, moelleux, un vrai bonbon. Les onsen, véritable attraction touristique très populaire, essentiellement en hiver, se distinguent des sento, les bains publics en ville. Ce sont eux qui m'intéressent. parce qu'ils émaillent mon quotidien au Japon. L'eau vient du réseau. Elle n'apporte pas les mêmes bénéfices que les eaux volcaniques, mais a le mérite de réchauffer en profondeur. Aujourd'hui, la plupart des maisons ont une salle de bain, ce qui n'a pas toujours été le cas, d'où leur importance. J'ai été initiée au sento par Kazuo-san, mon hôte de Kyoto. Le sento du quartier facile à repérer grâce à son oreine, se trouvait à une minute de la maison. Qui dit mieux ? J'ai pris un abonnement. J'y allais tous les soirs. Kazosan m'a tout expliqué. Pour que je ne fasse pas de bévue, il y a des règles strictes qu'il faut connaître. Il m'a donné un petit chiffon blanc en coton tissé, un sarrachi, un peu comme un linge de bébé. mes rectangulaires. Ce petit linge sert à se laver et à se sécher. Ah bon ? Je le mouille et je me lave avec ça ? Et comment je m'essuie ? Là, il me montre qu'il faut l'essorer et se sécher avec le même chiffon. Je suis dubitative. Je pars au cento avec mon sarrachi pas... totalement rassurée. Je tourne dans la rue en face de la maison et je repère tout de suite le Noren, un rideau à trois pans, imprimé d'une vague et de la lettre Yu qui signifie « au chaud » . À l'entrée, comme dans toutes les maisons japonaises, je dépose mes chaussures et me dirige vers le rideau rouge, le côté des femmes. Bleu, c'est pour les garçons. J'entre dans une première salle, celle où l'on se déshabille avec des paniers, des casiers pour les vêtements, une balance, des sèches-cheveux, un banc, au milieu de l'espace et des toilettes dans un coin. Pour utiliser les toilettes, il faut chausser les tongs qui se trouvent devant la porte et les disposer dans le bon sens à la sortie. Il fait froid ! La salle où l'on se déshabille n'est pas chauffée. À travers la porte vitrée qui mène au bassin, on distingue à peine les installations tant la vapeur d'eau embrume l'espace. C'est la promesse d'un changement de température à venir. Allez, courage ! Se déshabiller est juste un mauvais moment à passer. Le bonheur est de l'autre côté de la porte. Je marque un temps d'arrêt dans ce nouvel espace pour prendre mes repères. observer comment font les autres pour adapter les bons comportements prendre une cuvette et un petit tabouret en plastique empilé dans un coin s'asseoir face à l'un des miroirs fixés sur le muret carrelé haut comme un comptoir de bar qui traverse une partie de la salle j'observe les autres femmes pour faire comme elles les autres femmes m'observe furtivement pour voir si je fais les choses comme il convient. Sous cette surveillance discrète, je commence ma toilette. Une douchette est fixée à hauteur de main à côté du miroir. Shampoing et savon liquide sont posés sur un petit muret qui longe le muret principal et tient lieu d'étagère. Les jeux d'eau commencent. Une femme déverse sa cuvette sur sa tête, je fais pareil. Et comment je me lave les fesses ? Sûrement pas en me mettant debout. En fait, c'est tout simple. Il faut soulever une fesse du tabouret et passer le chiffon en dessous et refaire la même chose de l'autre côté. Et je continue d'imiter en me lavant soigneusement entre les orteils. Quand il me semble que j'ai suffisamment fait de mousse et démontré que je suis ultra propre, je me rince abondamment et suis prête à entrer dans l'un des bassins après avoir rangé tabouret et cuvette. Et mon petit chiffon, comme il se doit, je le pose sur ma tête, il n'est pas question qu'il entre dans l'eau. Je suis surprise par la température du bain, l'eau est vraiment très chaude. je mets du temps à m'y installer une fois adapté c'est le bonheur total enfin chaud jusqu'aux os je peux m'abandonner au milieu des autres à part le son du ruissellement de l'eau aucun autre bruit chacune est dans sa bulle et savoure ce temps de détente et de bien-être mes yeux errent sur une grande fresque très colorée qui représente le mont Fuji. Le mur de séparation avec le bain des hommes ne monte pas jusqu'au plafond. Il paraît que ça permettait, en d'autres temps, de se passer le savon entre les membres de la famille. Avant l'arrivée des Américains, les sento étaient mixtes, ce qui était naturel pour les Japonais. Les Américains, eux, ont jugé cela inconvenant. Après avoir longuement mariné dans l'eau chaude, une immersion dans un bassin glacé permet de choquer l'organisme avant de se plonger dans un autre bassin, à l'eau laiteuse ou alors dans celui où s'actionne un jet de massage puissant. Il y a même un angle du grand bassin, séparé par une cloison maçonnée, où l'on peut se soumettre à des courants électriques stimulants. J'explore un recoin de l'espace, retranché derrière un muret en pierre naturelle, surmonté d'une paroi vitrée. Je me plonge dans le bassin arrondi qui se l'ouvre contre la pierre. D'autres femmes déjà installées papotent. Apparemment, dans cet espace retranché, on peut libérer le son de sa voix. Malgré mon stock limité de mots japonais, Je tends l'oreille dans l'espoir de capter quelques bribes, au moins les expressions qui ponctuent habituellement les conversations japonaises. « So-so ! » « So-desu-ne ! » Une des femmes m'adresse la parole. Entre mon japonais balbutiant et son anglais approximatif, nous échangeons quelques banalités. D'où je viens, mes projets au Japon, ce que j'apprécie de leur pays. mon furan sujindes je suis française a été le sésame ouvre-toi peu importe le contenu de la conversation ou d'autres voix se sont mêlées je me suis sentie accueillie intégrée dans la vie sociale du quartier je venais de faire mes premiers pas dans cet espace de sociabilité du japon une autre plongée dans l'eau glacée Et je suis prête à explorer le bain extérieur, le Rottenbüro, un aménagement à ciel ouvert. protégée des regards par une épaisse clôture en bambou. Un arrangement de pierres, un arbuste tordu vers la lumière, une lanterne et un jet qui surgit d'un rocher recréent une ambiance de nature. La neige éparsse se meurt en vol avant d'avoir atterri sur la roche noire. Les bruits de la ville, incongrus dans ce décor bucolique, semblent tout de même être des bruits de la nature. tamisé par un voile invisible. Ce Santo, avec son bar, était ouvert jusqu'à 4 heures du matin. De quoi passer de nombreuses heures au chaud. Moi qui n'ai pas de télé chez moi, j'ai regardé la télé japonaise, assez perplexe devant les émissions grotesques qui se succédaient sur l'écran, très loin du raffinement que je prêtais aux japonais. Après cette délicieuse expérience, à chaque fois que je posais ma valise dans un endroit, une de mes premières questions était « Où est le cento ? » Un nouvel épisode des Petites Histoires de Michelle vous attend tous les mardis. Pensez à vous abonner à ma newsletter pour continuer de voyager au Japon avec moi.