undefined cover
undefined cover
[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans ! cover
[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans ! cover
Les Podcasts du Droit et du Chiffre Lefebvre Dalloz

[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans !

[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans !

24min |03/12/2025
Play
undefined cover
undefined cover
[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans ! cover
[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans ! cover
Les Podcasts du Droit et du Chiffre Lefebvre Dalloz

[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans !

[Hors-série] Le code de l’environnement fête ses 25 ans !

24min |03/12/2025
Play

Description

En 2025, nous fêtons un double anniversaire : les 25 ans de la codification officielle du droit de l’environnement et les 45 ans de notre code éditeur de l’environnement, paru dès 1980 !

 

À l'occasion de ces anniversaires, la rédaction de Lefebvre Dalloz a le plaisir de recevoir Mme. Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du code Dalloz de l'environnement.

 

Dans cet épisode spécial, nous revenons ensemble sur la naissance de ces codes, leurs évolutions au fil des années et pour l’avenir.

 

Un podcast présenté par Domitille Bordeaux, rédactrice Lefebvre Dalloz, et réalisé par Jérémy Martin, journaliste Lefebvre Dalloz.

 

Musique : Alex MakeMusic - Good Vibe


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Domitille Bordeaux

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans cet épisode hors série du podcast Code Vert. Aujourd'hui, nous vous proposons un épisode un peu spécial en l'honneur du 25e anniversaire du Code de l'environnement. A l'occasion de cet anniversaire, nous revenons sur la naissance du Code, les évolutions qu'il a connues au fil des années. Elles ne sont pas anodines puisqu'elles sont en réalité symptomatiques de tendances plus larges du droit de l'environnement. Puis, nous nous tournons vers l'avenir pour réfléchir aux évolutions nécessaires du Code. Je suis Domitille Bordeaux, rédactrice en droit de l'environnement au sein de Lefebvre d'Aloz, et pour aborder ces sujets, j'ai l'honneur d'accueillir Mme Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du Code d'Aloz de l'environnement. Bonjour Mme Makowiak, bonjour M. Jolivet. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui sur ce podcast. Avant tout, pourriez-vous s'il vous plaît vous présenter brièvement ?

  • Jessica Makowiak

    Bonjour, Jessica Makowiak, je suis professeure des universités. et par ailleurs directrice d'un centre de recherche spécialisé en environnement qui s'appelle le CRIDO à Limoges, un centre de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme.

  • Simon Jolivet

    Bonjour, je suis Simon Jolivet, je suis maître de conférence habilité à diriger des recherches en droit public à l'université de Poitiers et je suis par ailleurs président d'une société savante, la Société Française pour le droit de l'environnement.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup. Comme on l'a déjà dit, on fête le 25e anniversaire de la codification officielle du droit de l'environnement, qui a eu lieu en 2000. Mais dès 1980, donc 20 ans avant la codification officielle, les éditions d'Allos avaient déjà publié un code éditeur de l'environnement. Donc chez le FEF d'Allos, c'est finalement aussi un autre anniversaire que nous célébrons, celui des 45 ans de notre code éditeur. Madame Makowiak, pourriez-vous dans un premier temps revenir pour nous sur la naissance de ce code précurseur ?

  • Jessica Makowiak

    Oui, tout à fait. Je me propose de vous faire l'historique de ce premier petit code d'Allos de l'environnement, qui est en fait le résultat de la rencontre entre un universitaire, le professeur Jean Lamarck, et un éditeur, les éditions d'Allos. Le professeur Jean Lamarck est l'auteur d'un ouvrage, dès 1973, qui embrassait le droit de l'environnement. Cet ouvrage s'intitule « Droits de la protection de la nature et de l'environnement » . Et le professeur Jean Lamarck souhaite, à l'époque... organiser le rassemblement de la matière dans la collection dite des petits codes d'Hallose. Le petit code compte alors 870 pages, ce qui évidemment est incomparable avec le volume actuel du code que l'on connaît. Ce qu'il faut évidemment préciser, c'est qu'il ne s'agit pas d'une véritable codification, mais d'un effort de rassemblement de l'existant. Toutefois, le périmètre choisi par le professeur Lamarck se veut déjà transversal et cohérent. Le petit code est structuré autour de plusieurs thèmes majeurs, l'administration de l'environnement en guise d'introduction, la protection de la nature, la lutte contre les nuisances. Cette structure résulte donc déjà d'une réflexion qui ne manquera pas d'inspirer par la suite les auteurs de la codification. Certains choix opérés par Jean Lamarck étaient d'ailleurs précurseurs quant au périmètre retenu, et auraient pu être utilement retenus par le codificateur 20 ans plus tard. L'auteur avait intégré, par exemple, des dispositions relatives aux arbres et à la forêt, aux animaux, je dis bien aux animaux et non pas simplement à la faune et à la flore, aux espaces ruraux ou encore au littoral et à la montagne. D'un point de vue plus politique, il s'agit aussi en 1980, et je pense qu'il est utile de le préciser, d'une réponse à l'inertie de l'administration, puisque le premier projet de codification, lancé par le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Luc Hanouet, en 1976, n'avait toujours pas été suivi des faits. Ce petit code, on peut le souligner, rencontre beaucoup de succès dans les années 80 et devient, pour reprendre les termes et l'expression de Chantal Cance, qui a été la première à annoter et commenter le futur code d'allose de l'environnement, il devient donc une véritable bible pour tous les acteurs concernés, c'est-à-dire les avocats, les praticiens. du droit de l'environnement. On soulignera enfin que c'est un code déjà didactique, puisqu'on y trouve une table chronologique des textes, une table alphabétique, et sur le contenu, outre les textes législatifs et réglementaires, des notes de jurisprudence et des notices bibliographiques.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup pour ces précisions. Si on fait maintenant un petit saut dans le temps, 20 ans plus tard, le droit de l'environnement va être officiellement codifié. Alors quelles ont été les grandes étapes de cette codification, les grands débats ?

  • Jessica Makowiak

    L'idée d'un code de l'environnement, vous l'avez souligné, elle est en effet très ancienne. Je l'ai dit tout à l'heure, elle a été lancée par Jean Le Canuet dès 1976. Finalement, l'idée sera reprise et mise en œuvre en 1989 seulement par le ministre Brice Lalonde, ministre de l'Environnement de l'époque. La même année d'ailleurs, le gouvernement décide de codifier systématiquement le droit et il crée à cet effet la Commission supérieure de codification dont l'environnement profitera. entre 1989 et 1991, sous la direction du professeur Michel Prieur. Une étude scientifique est réalisée par la SFDE dont Simon Jolivet a parlé tout à l'heure. Cette étude est réalisée pour le ministère de l'Environnement et elle porte sur la faisabilité d'un code de l'environnement. Le rapport prône une codification réformatrice et il conclut, je cite le rapport, à la nécessité juridique et sociale d'un code apte à consacrer solennellement l'environnement comme priorité politique majeure. à la condition toutefois que la codification soit élaborée par le Parlement et qu'elle intègre des principes généraux et le droit pénal de l'environnement. Fin de citation. L'année suivante, en 1992, on assiste à la mise en place du dispositif institutionnel, cette fois par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, et créer la commission d'expertise, présidée par un autre grand professeur, qui est le professeur Gilles Martin. et cette commission d'expertise. va formuler ses propositions en s'inspirant des travaux du rapport Prieur. Le contexte politique est extrêmement mouvant, puisque trois ministres de l'Environnement succéderont à Ségolène Royal avant l'adoption du Code en 2000.

  • Domitille Bordeaux

    Et à ce moment-là, quels sont les grands sujets, les grandes questions qui se posent ?

  • Jessica Makowiak

    À cette époque, les grands débats qui animent la codification portent sur plusieurs points. Ces débats portent non seulement sur la nature du Code, Faut-il une codification innovante, c'est la position défendue par la commission Martin, ou une codification au contraire à droit constant, position défendue par le Conseil d'État ? Et le gouvernement est partagé entre ambition d'une codification novatrice et l'urgence d'adopter un code de l'environnement. Les débats portent également sur le périmètre du code de l'environnement. Ici, on assiste à la défense de ce qu'on pourrait appeler des territoires administratifs, chaque ministère voulant défendre ses compétences et son précaré. Les débats concernent aussi et enfin le contenu du Code de l'environnement, avec un certain nombre de questions, j'en mentionnerai quelques-unes, notamment la question de l'intégration ou non des droits internationaux et européens. Et on peut noter que les rapports de force sont... En tout état de cause, et c'est ça qui est important et qui explique le contenu actuel du Code de l'environnement, ces rapports de force sont clairement défavorables au ministère de l'Environnement, ce qui expliquera certains manques criants en 2000 et au-delà, tels que la forêt, le sous-sol ou encore l'énergie nucléaire.

  • Domitille Bordeaux

    Et à l'issue de ces questionnements, qu'est-ce qui a été proposé dans un premier temps par la commission d'expertise ?

  • Jessica Makowiak

    Le plan proposé par la commission d'expertise, donc commission présidée par Gilles Martin, était très innovant, comprenant en fait trois parties. Donc on avait un code, une structuration très simple, qui avait le mérite de la clarté. Une partie générale consacrée aux principes fondamentaux du droit de l'environnement, une partie consacrée aux milieux et éléments protégés, dont le sol et déjà la notion de maintien de la diversité biologique, qui était noté à l'époque comme une notion à créer. Et enfin, une partie, la troisième partie, consacrée aux activités ayant un impact sur l'environnement. Il s'agit, il faut vraiment le souligner, à l'époque,

  • Simon Jolivet

    d'une nouvelle approche de l'environnement qui n'est plus seulement perçue alors comme une ressource.

  • Jessica Makowiak

    De 1993 à 1995, et c'est vraiment quelque chose d'important, Michel Barnier, qui est alors le nouveau ministre de l'Environnement, va élargir son projet de loi initiale, qui était une loi sur les risques, que l'on connaît, qui est toujours en vigueur, la loi sur les risques naturels et technologiques. Il veut élargir son projet de loi initiale à une réflexion beaucoup plus large sur le droit de l'environnement. Et la loi, finalement adoptée en 1995, sur le renforcement de la protection de l'environnement, marque une étape importante, puisqu'elle consacre les grands principes du droit de l'environnement, la prévention, la précaution, la participation du public. Et donc, elle s'inscrit pleinement dans le projet de codification.

  • Domitille Bordeaux

    En fin de compte, quels sont les choix qui ont été retenus pour la codification en 2000 ?

  • Jessica Makowiak

    En 2000, le choix retenu par le gouvernement est celui d'une codification essentiellement à droit constant pour des raisons, entre autres, de sécurité juridique. La partie générale du plan, l'actuel livre 1, est toutefois validée, celle que proposait la commission Martin, grâce à l'adoption de la loi Barnier, donc elle reprend les grands principes, notamment du droit de l'environnement. La partie 2, en revanche, est éclatée, entre guillemets, en trois nouveaux morceaux, soit un livre 2 sur les milieux physiques, un livre 3 sur les espaces naturels, et un livre 4 sur la faune et la flore. La partie 3, quant à elle, elle est... amputé et devient le livre 5 sur la prévention des risques des pollutions et des nuisances. Et les livres 6 et 7 sont ajoutés pour les territoires extérieurs à la métropole. D'un point de vue juridique, il faut préciser que l'adoption de la partie législative du Code de l'environnement est réalisée par une ordonnance du 18 septembre 2000, qui sera ratifiée par une loi du 2 juillet 2003. La codification ne pourrait être considérée comme complète. qu'avec l'adoption de la partie réglementaire, assez laborieuse puisqu'elle sera opérée en plusieurs étapes entre 2005 et 2007.

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant, on peut peut-être se tourner vers les évolutions du Code de l'environnement sur les dernières décennies. Par exemple, on peut commencer par s'interroger sur l'évolution de son volume. On constate qu'il a augmenté de manière exponentielle. Entre 2003 et 2024, le nombre d'articles est passé de 1 020 à 6962. Je me tourne donc maintenant vers vous, M. Jolivet. Comment pourrait-on expliquer cette augmentation ?

  • Simon Jolivet

    Il y a nécessairement plusieurs causes de cette augmentation, mais la première cause assez évidente d'augmentation du volume du code, et ici je parle à la fois du code officiel et du code éditeur, c'est l'inflation législative et réglementaire. Cette inflation elle-même, elle est pour partie imputable. au législateur, puisque le législateur a pris le réflexe, en matière environnementale, mais dans d'autres matières également, d'adopter un nouveau texte à chaque nouveau problème et de faire de la loi un instrument de communication politique. Pour une autre partie, cette inflation normative, elle résulte de l'exigence de transposition des directives européennes, étant précisé que le nombre de directives européennes européenne, il a fallu transposer. a significativement cru depuis l'an 2000. Mais il y a aussi d'autres causes qui sont en partie liées à cette augmentation du volume du code, et c'est notamment l'augmentation du contentieux de l'environnement, en partie liée au phénomène d'inflation législative et réglementaire, parce que les lois, c'est un constat qui a été dressé déjà depuis plus de 30 ans par le Conseil d'État, les lois sont de plus en plus mal rédigées. elles sont bavardes et elles imaginent sans cesse des nouveaux dispositifs d'exception, de dérogation, qui sont surtout destinés à faiblir le niveau de protection offert par la norme environnementale. Ainsi, le législateur complexifie à l'extrême le droit de l'environnement et il crée de véritables mis à contentieux. Un exemple désymptomatique peut être fourni. en matière d'espèces protégées, avec le développement des dérogations au principe de protection et avec la multiplication des présomptions qui permettent à certains types de projets répondant à certaines caractéristiques d'obtenir plus facilement ces dérogations à la protection des espèces.

  • Domitille Bordeaux

    Au-delà de l'évolution du volume du code, on peut aussi s'interroger sur l'évolution de son périmètre. Quel est aujourd'hui le périmètre couvert par le code de l'environnement et qu'est-ce qu'on peut en dire ?

  • Simon Jolivet

    À titre liminaire, pour répondre à cette question, je voudrais préciser ce que l'on peut entendre par périmètre d'un code. Le périmètre d'un code, c'est à mon sens à la fois le contenu de ce code, la matière qu'il rassemble, son champ, et c'est aussi plus largement le plan que ce code a adopté. Sur le premier aspect, l'aspect contenu du code, il faut souligner que le code de l'environnement, pas plus qu'en 2025, ne réunit tout. le droit de l'environnement. Parmi les absents marquants, je le répète à la suite de Jessica Nakoyak, il faut citer la forêt. Et c'est d'ailleurs une véritable étrangeté qui a pu faire écrire au professeur Michel Prieur au moment de l'adoption du code officiel, je le cite, « Un code de l'environnement sans la forêt est un peu comme un code de l'urbanisme qui n'inclurait pas la ville. » Je ferme les guillemets. Par ailleurs, on peut également noter que certains objets juridiques Merci. à dimension environnementale ont été éparpillées entre plusieurs codes. Une partie figure dans le code de l'environnement, mais d'autres figurent dans d'autres codes. C'est le cas du littoral ou encore de la montagne, qui sont écartelés en quelque sorte entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme. C'est aussi le cas du bruit, dont on retrouve des dispositions législatives et réglementaires codifiées au code de l'environnement, mais aussi au code de la santé publique. C'est encore le cas aussi... des risques naturels avec une multiplicité de codes concernés. On a pu compter jusqu'à 8 codes concernés par le droit des risques naturels. Pourquoi cet éparpillement ? Au-delà de la difficulté, je dirais scientifique, à définir les frontières du droit de l'environnement, l'une des principales raisons à cet état de fait réside dans ce qu'on pourrait appeler les guerres d'influence au sein de l'administration française. C'est-à-dire que chaque ministère souhaite disposer de son code qui correspondrait plus ou moins aux attributions du ministre concerné. J'en viens au second aspect du périmètre du code, c'est-à-dire l'aspect qui concerne le plan du code. C'est un aspect qui me paraît tout aussi fondamental, car le plan d'un code permet de véhiculer la représentation que le législateur se fait d'un droit. Elle permet l'élaboration du plan du code, d'exprimer les valeurs sociales qui sous-tendent le code. et le droit de l'environnement. En l'occurrence, le choix qui a été fait, c'est le choix d'une organisation en sept livres qui sont eux-mêmes divisés en titres et en chapitres. Cette organisation, elle mérite de la souplesse, mais elle peut avoir pour inconvénient de morceler à l'excès la matière.

  • Domitille Bordeaux

    Dans quelle mesure le périmètre du Code a-t-il évolué depuis sa première édition ?

  • Simon Jolivet

    Le périmètre du Code a évolué Merci. de façon relativement significative depuis l'an 2000. Et les évolutions de ce périmètre du code, elles sont essentiellement dues à la nécessité d'intégrer au fur et à mesure du temps de nouveaux textes qui ont eu pour vocation de répondre à de nouveaux problèmes environnementaux ou bien qui ont souhaité élargir la réponse à des problèmes environnementaux qui étaient apportés jusqu'alors. Je ne pourrais pas être exclusif ici, mais il me semble qu'un des moteurs essentiels de cette évolution a été la nécessité de faire de la place à la transposition des directives européennes intervenues dans le périmètre du Code, étant précisé que le Code n'a pas été initialement pensé pour ces directives. Cela a pu entraîner la modification de certains intitulés du plan du code afin, soit de prendre en compte l'extension d'une problématique, soit de prendre en compte les évolutions dans la conception de telle ou telle partie du droit de l'environnement. Je peux vous citer ici deux exemples qui me paraissent significatifs. Le livre 4, qui au départ s'intitulait « Faune et flore » , a été élargi au patrimoine naturel dans son ensemble. De la même manière, le chapitre du Code sur l'étude d'impact est devenu « Évaluation environnementale » .

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant qu'on est revenu sur l'origine du code et sur ses évolutions au fil des années, on peut peut-être, pour conclure, se tourner vers l'avenir. Quelles seraient pour vous aujourd'hui les grandes évolutions nécessaires pour le code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    Pour répondre à cette question, il me semble important de lier le futur du code de l'environnement avec le futur du droit de l'environnement dans son ensemble. Le droit de l'environnement subit depuis plus d'une décennie, disons une quinzaine d'années, Mie avec une accélération sensible ces dernières années, une régression. Une régression sans précédent dans sa jeune histoire à la faveur de ce que l'on appelle le plus en plus souvent le retour de bâton anti-écologique. À cette rétraction du droit de l'environnement correspond simultanément une hypertrophie du code de l'environnement. A priori, les phénomènes peuvent apparaître paradoxaux. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent. Parce que... La plupart des réformes régressives auxquelles on assiste passent par une particularisation toujours plus poussée des situations grâce à la technique des dérogations et des autres exceptions. J'ai cité tout à l'heure le cas de la protection des espèces. Or, au fur et à mesure que le législateur rogne sur le droit commun de l'environnement, il alourdit des articles du Code qui sont rendus de plus en plus complexes et donc moins accessibles aux citoyens. Ce qui est d'ailleurs tout à fait ironique parce que le législateur prétend en général poursuivre une simplification du droit. C'est la raison pour laquelle, pour améliorer la lisibilité du code de l'environnement, et il me semble assez évident que celui-ci en aurait bien besoin, la première évolution souhaitable serait de stopper ce processus de régression du droit de l'environnement qui aujourd'hui apparaît sans fin. Ça veut dire aussi stopper l'instabilité. législative chronique dont il est affecté. Pour vous donner un exemple, toujours à propos de la protection des espèces, les dispositions du Code de l'environnement qui concernent les espèces protégées ont déjà été modifiées trois fois en 2025, dans un sens assez uniformément régressif, et l'année n'est pas encore finie. C'est une condition qui apparaît comme un prérequis avant de pouvoir réfléchir à des évolutions plus positives du Code.

  • Domitille Bordeaux

    Et justement, que pourriez-vous nous dire de ces évolutions plus positives que l'on pourrait envisager pour le Code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    C'est un vaste sujet, mais parmi ces évolutions plus positives, on peut mentionner au moins deux éléments. Il pourrait y avoir une première réflexion pour améliorer les liens entre le Code de l'environnement et les codes voisins. car le Code de l'environnement entretient de nombreux liens avec... Le code de l'urbanisme, le code rural, le code forestier ou encore le code de la santé publique. Et cette liste n'est pas exhaustive. L'idée ici, ce serait de faire en sorte que le principe d'indépendance des législations ne soit plus un obstacle à l'intégration des enjeux environnementaux dans les autres codes et faire en sorte aussi que l'approche globale des politiques publiques liées à la transition écologiques puissent se développer et se renforcer. Il y aurait aussi une réflexion à mener sur les voies d'une meilleure intégration du droit international et surtout du droit européen dans le Code de l'environnement. L'influence du droit européen sur le droit de l'environnement national n'est plus un mystère. 80% du droit national de l'environnement résulterait en fait de transposition du droit européen de l'environnement. Or, ce phénomène d'influence extrêmement forte du droit européen contraste avec la méconnaissance dont il continue à faire l'objet de la part des usagers du droit. Ni les règlements européens, qui sont pourtant directement applicables en droit français, ni les directives européennes, quand bien même ces dernières ne seraient pas transposées par le législateur français dans les délais impartis, Ou bien seraient-elles mal transposées, ce qui n'est absolument pas un cas d'école, ni les règlements européens, donc ni les directives qui entreraient dans le périmètre du code, ne sont en tant que telles codifiées dans le code de l'environnement. Du moins, ici, je veux parler du code officiel, car l'un des intérêts, l'un des mérites du code d'Allos de l'environnement, c'est précisément de reprendre un certain nombre de textes européens. importants en droit de l'environnement avant la partie correspondante du droit national codifié. Et grâce à cette insertion, nous pourrons, avec Jessica Makoviaque, agrémenter ces textes européens de jurisprudence, de commentaires et de bibliographie qui nous apparaissent pertinents.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup, M. Jolivet. Merci beaucoup, Mme Makoviaque, pour toutes ces précisions. C'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup pour votre attention. Cet épisode a été réalisé par Jérémy Martin. Vous pouvez le retrouver sur votre plateforme d'écoute habituelle, sur la chaîne des podcasts du Droit et du Chiffre et sur notre site d'actualité, La Quotidienne. À très bientôt !

Description

En 2025, nous fêtons un double anniversaire : les 25 ans de la codification officielle du droit de l’environnement et les 45 ans de notre code éditeur de l’environnement, paru dès 1980 !

 

À l'occasion de ces anniversaires, la rédaction de Lefebvre Dalloz a le plaisir de recevoir Mme. Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du code Dalloz de l'environnement.

 

Dans cet épisode spécial, nous revenons ensemble sur la naissance de ces codes, leurs évolutions au fil des années et pour l’avenir.

 

Un podcast présenté par Domitille Bordeaux, rédactrice Lefebvre Dalloz, et réalisé par Jérémy Martin, journaliste Lefebvre Dalloz.

 

Musique : Alex MakeMusic - Good Vibe


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Domitille Bordeaux

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans cet épisode hors série du podcast Code Vert. Aujourd'hui, nous vous proposons un épisode un peu spécial en l'honneur du 25e anniversaire du Code de l'environnement. A l'occasion de cet anniversaire, nous revenons sur la naissance du Code, les évolutions qu'il a connues au fil des années. Elles ne sont pas anodines puisqu'elles sont en réalité symptomatiques de tendances plus larges du droit de l'environnement. Puis, nous nous tournons vers l'avenir pour réfléchir aux évolutions nécessaires du Code. Je suis Domitille Bordeaux, rédactrice en droit de l'environnement au sein de Lefebvre d'Aloz, et pour aborder ces sujets, j'ai l'honneur d'accueillir Mme Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du Code d'Aloz de l'environnement. Bonjour Mme Makowiak, bonjour M. Jolivet. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui sur ce podcast. Avant tout, pourriez-vous s'il vous plaît vous présenter brièvement ?

  • Jessica Makowiak

    Bonjour, Jessica Makowiak, je suis professeure des universités. et par ailleurs directrice d'un centre de recherche spécialisé en environnement qui s'appelle le CRIDO à Limoges, un centre de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme.

  • Simon Jolivet

    Bonjour, je suis Simon Jolivet, je suis maître de conférence habilité à diriger des recherches en droit public à l'université de Poitiers et je suis par ailleurs président d'une société savante, la Société Française pour le droit de l'environnement.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup. Comme on l'a déjà dit, on fête le 25e anniversaire de la codification officielle du droit de l'environnement, qui a eu lieu en 2000. Mais dès 1980, donc 20 ans avant la codification officielle, les éditions d'Allos avaient déjà publié un code éditeur de l'environnement. Donc chez le FEF d'Allos, c'est finalement aussi un autre anniversaire que nous célébrons, celui des 45 ans de notre code éditeur. Madame Makowiak, pourriez-vous dans un premier temps revenir pour nous sur la naissance de ce code précurseur ?

  • Jessica Makowiak

    Oui, tout à fait. Je me propose de vous faire l'historique de ce premier petit code d'Allos de l'environnement, qui est en fait le résultat de la rencontre entre un universitaire, le professeur Jean Lamarck, et un éditeur, les éditions d'Allos. Le professeur Jean Lamarck est l'auteur d'un ouvrage, dès 1973, qui embrassait le droit de l'environnement. Cet ouvrage s'intitule « Droits de la protection de la nature et de l'environnement » . Et le professeur Jean Lamarck souhaite, à l'époque... organiser le rassemblement de la matière dans la collection dite des petits codes d'Hallose. Le petit code compte alors 870 pages, ce qui évidemment est incomparable avec le volume actuel du code que l'on connaît. Ce qu'il faut évidemment préciser, c'est qu'il ne s'agit pas d'une véritable codification, mais d'un effort de rassemblement de l'existant. Toutefois, le périmètre choisi par le professeur Lamarck se veut déjà transversal et cohérent. Le petit code est structuré autour de plusieurs thèmes majeurs, l'administration de l'environnement en guise d'introduction, la protection de la nature, la lutte contre les nuisances. Cette structure résulte donc déjà d'une réflexion qui ne manquera pas d'inspirer par la suite les auteurs de la codification. Certains choix opérés par Jean Lamarck étaient d'ailleurs précurseurs quant au périmètre retenu, et auraient pu être utilement retenus par le codificateur 20 ans plus tard. L'auteur avait intégré, par exemple, des dispositions relatives aux arbres et à la forêt, aux animaux, je dis bien aux animaux et non pas simplement à la faune et à la flore, aux espaces ruraux ou encore au littoral et à la montagne. D'un point de vue plus politique, il s'agit aussi en 1980, et je pense qu'il est utile de le préciser, d'une réponse à l'inertie de l'administration, puisque le premier projet de codification, lancé par le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Luc Hanouet, en 1976, n'avait toujours pas été suivi des faits. Ce petit code, on peut le souligner, rencontre beaucoup de succès dans les années 80 et devient, pour reprendre les termes et l'expression de Chantal Cance, qui a été la première à annoter et commenter le futur code d'allose de l'environnement, il devient donc une véritable bible pour tous les acteurs concernés, c'est-à-dire les avocats, les praticiens. du droit de l'environnement. On soulignera enfin que c'est un code déjà didactique, puisqu'on y trouve une table chronologique des textes, une table alphabétique, et sur le contenu, outre les textes législatifs et réglementaires, des notes de jurisprudence et des notices bibliographiques.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup pour ces précisions. Si on fait maintenant un petit saut dans le temps, 20 ans plus tard, le droit de l'environnement va être officiellement codifié. Alors quelles ont été les grandes étapes de cette codification, les grands débats ?

  • Jessica Makowiak

    L'idée d'un code de l'environnement, vous l'avez souligné, elle est en effet très ancienne. Je l'ai dit tout à l'heure, elle a été lancée par Jean Le Canuet dès 1976. Finalement, l'idée sera reprise et mise en œuvre en 1989 seulement par le ministre Brice Lalonde, ministre de l'Environnement de l'époque. La même année d'ailleurs, le gouvernement décide de codifier systématiquement le droit et il crée à cet effet la Commission supérieure de codification dont l'environnement profitera. entre 1989 et 1991, sous la direction du professeur Michel Prieur. Une étude scientifique est réalisée par la SFDE dont Simon Jolivet a parlé tout à l'heure. Cette étude est réalisée pour le ministère de l'Environnement et elle porte sur la faisabilité d'un code de l'environnement. Le rapport prône une codification réformatrice et il conclut, je cite le rapport, à la nécessité juridique et sociale d'un code apte à consacrer solennellement l'environnement comme priorité politique majeure. à la condition toutefois que la codification soit élaborée par le Parlement et qu'elle intègre des principes généraux et le droit pénal de l'environnement. Fin de citation. L'année suivante, en 1992, on assiste à la mise en place du dispositif institutionnel, cette fois par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, et créer la commission d'expertise, présidée par un autre grand professeur, qui est le professeur Gilles Martin. et cette commission d'expertise. va formuler ses propositions en s'inspirant des travaux du rapport Prieur. Le contexte politique est extrêmement mouvant, puisque trois ministres de l'Environnement succéderont à Ségolène Royal avant l'adoption du Code en 2000.

  • Domitille Bordeaux

    Et à ce moment-là, quels sont les grands sujets, les grandes questions qui se posent ?

  • Jessica Makowiak

    À cette époque, les grands débats qui animent la codification portent sur plusieurs points. Ces débats portent non seulement sur la nature du Code, Faut-il une codification innovante, c'est la position défendue par la commission Martin, ou une codification au contraire à droit constant, position défendue par le Conseil d'État ? Et le gouvernement est partagé entre ambition d'une codification novatrice et l'urgence d'adopter un code de l'environnement. Les débats portent également sur le périmètre du code de l'environnement. Ici, on assiste à la défense de ce qu'on pourrait appeler des territoires administratifs, chaque ministère voulant défendre ses compétences et son précaré. Les débats concernent aussi et enfin le contenu du Code de l'environnement, avec un certain nombre de questions, j'en mentionnerai quelques-unes, notamment la question de l'intégration ou non des droits internationaux et européens. Et on peut noter que les rapports de force sont... En tout état de cause, et c'est ça qui est important et qui explique le contenu actuel du Code de l'environnement, ces rapports de force sont clairement défavorables au ministère de l'Environnement, ce qui expliquera certains manques criants en 2000 et au-delà, tels que la forêt, le sous-sol ou encore l'énergie nucléaire.

  • Domitille Bordeaux

    Et à l'issue de ces questionnements, qu'est-ce qui a été proposé dans un premier temps par la commission d'expertise ?

  • Jessica Makowiak

    Le plan proposé par la commission d'expertise, donc commission présidée par Gilles Martin, était très innovant, comprenant en fait trois parties. Donc on avait un code, une structuration très simple, qui avait le mérite de la clarté. Une partie générale consacrée aux principes fondamentaux du droit de l'environnement, une partie consacrée aux milieux et éléments protégés, dont le sol et déjà la notion de maintien de la diversité biologique, qui était noté à l'époque comme une notion à créer. Et enfin, une partie, la troisième partie, consacrée aux activités ayant un impact sur l'environnement. Il s'agit, il faut vraiment le souligner, à l'époque,

  • Simon Jolivet

    d'une nouvelle approche de l'environnement qui n'est plus seulement perçue alors comme une ressource.

  • Jessica Makowiak

    De 1993 à 1995, et c'est vraiment quelque chose d'important, Michel Barnier, qui est alors le nouveau ministre de l'Environnement, va élargir son projet de loi initiale, qui était une loi sur les risques, que l'on connaît, qui est toujours en vigueur, la loi sur les risques naturels et technologiques. Il veut élargir son projet de loi initiale à une réflexion beaucoup plus large sur le droit de l'environnement. Et la loi, finalement adoptée en 1995, sur le renforcement de la protection de l'environnement, marque une étape importante, puisqu'elle consacre les grands principes du droit de l'environnement, la prévention, la précaution, la participation du public. Et donc, elle s'inscrit pleinement dans le projet de codification.

  • Domitille Bordeaux

    En fin de compte, quels sont les choix qui ont été retenus pour la codification en 2000 ?

  • Jessica Makowiak

    En 2000, le choix retenu par le gouvernement est celui d'une codification essentiellement à droit constant pour des raisons, entre autres, de sécurité juridique. La partie générale du plan, l'actuel livre 1, est toutefois validée, celle que proposait la commission Martin, grâce à l'adoption de la loi Barnier, donc elle reprend les grands principes, notamment du droit de l'environnement. La partie 2, en revanche, est éclatée, entre guillemets, en trois nouveaux morceaux, soit un livre 2 sur les milieux physiques, un livre 3 sur les espaces naturels, et un livre 4 sur la faune et la flore. La partie 3, quant à elle, elle est... amputé et devient le livre 5 sur la prévention des risques des pollutions et des nuisances. Et les livres 6 et 7 sont ajoutés pour les territoires extérieurs à la métropole. D'un point de vue juridique, il faut préciser que l'adoption de la partie législative du Code de l'environnement est réalisée par une ordonnance du 18 septembre 2000, qui sera ratifiée par une loi du 2 juillet 2003. La codification ne pourrait être considérée comme complète. qu'avec l'adoption de la partie réglementaire, assez laborieuse puisqu'elle sera opérée en plusieurs étapes entre 2005 et 2007.

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant, on peut peut-être se tourner vers les évolutions du Code de l'environnement sur les dernières décennies. Par exemple, on peut commencer par s'interroger sur l'évolution de son volume. On constate qu'il a augmenté de manière exponentielle. Entre 2003 et 2024, le nombre d'articles est passé de 1 020 à 6962. Je me tourne donc maintenant vers vous, M. Jolivet. Comment pourrait-on expliquer cette augmentation ?

  • Simon Jolivet

    Il y a nécessairement plusieurs causes de cette augmentation, mais la première cause assez évidente d'augmentation du volume du code, et ici je parle à la fois du code officiel et du code éditeur, c'est l'inflation législative et réglementaire. Cette inflation elle-même, elle est pour partie imputable. au législateur, puisque le législateur a pris le réflexe, en matière environnementale, mais dans d'autres matières également, d'adopter un nouveau texte à chaque nouveau problème et de faire de la loi un instrument de communication politique. Pour une autre partie, cette inflation normative, elle résulte de l'exigence de transposition des directives européennes, étant précisé que le nombre de directives européennes européenne, il a fallu transposer. a significativement cru depuis l'an 2000. Mais il y a aussi d'autres causes qui sont en partie liées à cette augmentation du volume du code, et c'est notamment l'augmentation du contentieux de l'environnement, en partie liée au phénomène d'inflation législative et réglementaire, parce que les lois, c'est un constat qui a été dressé déjà depuis plus de 30 ans par le Conseil d'État, les lois sont de plus en plus mal rédigées. elles sont bavardes et elles imaginent sans cesse des nouveaux dispositifs d'exception, de dérogation, qui sont surtout destinés à faiblir le niveau de protection offert par la norme environnementale. Ainsi, le législateur complexifie à l'extrême le droit de l'environnement et il crée de véritables mis à contentieux. Un exemple désymptomatique peut être fourni. en matière d'espèces protégées, avec le développement des dérogations au principe de protection et avec la multiplication des présomptions qui permettent à certains types de projets répondant à certaines caractéristiques d'obtenir plus facilement ces dérogations à la protection des espèces.

  • Domitille Bordeaux

    Au-delà de l'évolution du volume du code, on peut aussi s'interroger sur l'évolution de son périmètre. Quel est aujourd'hui le périmètre couvert par le code de l'environnement et qu'est-ce qu'on peut en dire ?

  • Simon Jolivet

    À titre liminaire, pour répondre à cette question, je voudrais préciser ce que l'on peut entendre par périmètre d'un code. Le périmètre d'un code, c'est à mon sens à la fois le contenu de ce code, la matière qu'il rassemble, son champ, et c'est aussi plus largement le plan que ce code a adopté. Sur le premier aspect, l'aspect contenu du code, il faut souligner que le code de l'environnement, pas plus qu'en 2025, ne réunit tout. le droit de l'environnement. Parmi les absents marquants, je le répète à la suite de Jessica Nakoyak, il faut citer la forêt. Et c'est d'ailleurs une véritable étrangeté qui a pu faire écrire au professeur Michel Prieur au moment de l'adoption du code officiel, je le cite, « Un code de l'environnement sans la forêt est un peu comme un code de l'urbanisme qui n'inclurait pas la ville. » Je ferme les guillemets. Par ailleurs, on peut également noter que certains objets juridiques Merci. à dimension environnementale ont été éparpillées entre plusieurs codes. Une partie figure dans le code de l'environnement, mais d'autres figurent dans d'autres codes. C'est le cas du littoral ou encore de la montagne, qui sont écartelés en quelque sorte entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme. C'est aussi le cas du bruit, dont on retrouve des dispositions législatives et réglementaires codifiées au code de l'environnement, mais aussi au code de la santé publique. C'est encore le cas aussi... des risques naturels avec une multiplicité de codes concernés. On a pu compter jusqu'à 8 codes concernés par le droit des risques naturels. Pourquoi cet éparpillement ? Au-delà de la difficulté, je dirais scientifique, à définir les frontières du droit de l'environnement, l'une des principales raisons à cet état de fait réside dans ce qu'on pourrait appeler les guerres d'influence au sein de l'administration française. C'est-à-dire que chaque ministère souhaite disposer de son code qui correspondrait plus ou moins aux attributions du ministre concerné. J'en viens au second aspect du périmètre du code, c'est-à-dire l'aspect qui concerne le plan du code. C'est un aspect qui me paraît tout aussi fondamental, car le plan d'un code permet de véhiculer la représentation que le législateur se fait d'un droit. Elle permet l'élaboration du plan du code, d'exprimer les valeurs sociales qui sous-tendent le code. et le droit de l'environnement. En l'occurrence, le choix qui a été fait, c'est le choix d'une organisation en sept livres qui sont eux-mêmes divisés en titres et en chapitres. Cette organisation, elle mérite de la souplesse, mais elle peut avoir pour inconvénient de morceler à l'excès la matière.

  • Domitille Bordeaux

    Dans quelle mesure le périmètre du Code a-t-il évolué depuis sa première édition ?

  • Simon Jolivet

    Le périmètre du Code a évolué Merci. de façon relativement significative depuis l'an 2000. Et les évolutions de ce périmètre du code, elles sont essentiellement dues à la nécessité d'intégrer au fur et à mesure du temps de nouveaux textes qui ont eu pour vocation de répondre à de nouveaux problèmes environnementaux ou bien qui ont souhaité élargir la réponse à des problèmes environnementaux qui étaient apportés jusqu'alors. Je ne pourrais pas être exclusif ici, mais il me semble qu'un des moteurs essentiels de cette évolution a été la nécessité de faire de la place à la transposition des directives européennes intervenues dans le périmètre du Code, étant précisé que le Code n'a pas été initialement pensé pour ces directives. Cela a pu entraîner la modification de certains intitulés du plan du code afin, soit de prendre en compte l'extension d'une problématique, soit de prendre en compte les évolutions dans la conception de telle ou telle partie du droit de l'environnement. Je peux vous citer ici deux exemples qui me paraissent significatifs. Le livre 4, qui au départ s'intitulait « Faune et flore » , a été élargi au patrimoine naturel dans son ensemble. De la même manière, le chapitre du Code sur l'étude d'impact est devenu « Évaluation environnementale » .

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant qu'on est revenu sur l'origine du code et sur ses évolutions au fil des années, on peut peut-être, pour conclure, se tourner vers l'avenir. Quelles seraient pour vous aujourd'hui les grandes évolutions nécessaires pour le code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    Pour répondre à cette question, il me semble important de lier le futur du code de l'environnement avec le futur du droit de l'environnement dans son ensemble. Le droit de l'environnement subit depuis plus d'une décennie, disons une quinzaine d'années, Mie avec une accélération sensible ces dernières années, une régression. Une régression sans précédent dans sa jeune histoire à la faveur de ce que l'on appelle le plus en plus souvent le retour de bâton anti-écologique. À cette rétraction du droit de l'environnement correspond simultanément une hypertrophie du code de l'environnement. A priori, les phénomènes peuvent apparaître paradoxaux. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent. Parce que... La plupart des réformes régressives auxquelles on assiste passent par une particularisation toujours plus poussée des situations grâce à la technique des dérogations et des autres exceptions. J'ai cité tout à l'heure le cas de la protection des espèces. Or, au fur et à mesure que le législateur rogne sur le droit commun de l'environnement, il alourdit des articles du Code qui sont rendus de plus en plus complexes et donc moins accessibles aux citoyens. Ce qui est d'ailleurs tout à fait ironique parce que le législateur prétend en général poursuivre une simplification du droit. C'est la raison pour laquelle, pour améliorer la lisibilité du code de l'environnement, et il me semble assez évident que celui-ci en aurait bien besoin, la première évolution souhaitable serait de stopper ce processus de régression du droit de l'environnement qui aujourd'hui apparaît sans fin. Ça veut dire aussi stopper l'instabilité. législative chronique dont il est affecté. Pour vous donner un exemple, toujours à propos de la protection des espèces, les dispositions du Code de l'environnement qui concernent les espèces protégées ont déjà été modifiées trois fois en 2025, dans un sens assez uniformément régressif, et l'année n'est pas encore finie. C'est une condition qui apparaît comme un prérequis avant de pouvoir réfléchir à des évolutions plus positives du Code.

  • Domitille Bordeaux

    Et justement, que pourriez-vous nous dire de ces évolutions plus positives que l'on pourrait envisager pour le Code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    C'est un vaste sujet, mais parmi ces évolutions plus positives, on peut mentionner au moins deux éléments. Il pourrait y avoir une première réflexion pour améliorer les liens entre le Code de l'environnement et les codes voisins. car le Code de l'environnement entretient de nombreux liens avec... Le code de l'urbanisme, le code rural, le code forestier ou encore le code de la santé publique. Et cette liste n'est pas exhaustive. L'idée ici, ce serait de faire en sorte que le principe d'indépendance des législations ne soit plus un obstacle à l'intégration des enjeux environnementaux dans les autres codes et faire en sorte aussi que l'approche globale des politiques publiques liées à la transition écologiques puissent se développer et se renforcer. Il y aurait aussi une réflexion à mener sur les voies d'une meilleure intégration du droit international et surtout du droit européen dans le Code de l'environnement. L'influence du droit européen sur le droit de l'environnement national n'est plus un mystère. 80% du droit national de l'environnement résulterait en fait de transposition du droit européen de l'environnement. Or, ce phénomène d'influence extrêmement forte du droit européen contraste avec la méconnaissance dont il continue à faire l'objet de la part des usagers du droit. Ni les règlements européens, qui sont pourtant directement applicables en droit français, ni les directives européennes, quand bien même ces dernières ne seraient pas transposées par le législateur français dans les délais impartis, Ou bien seraient-elles mal transposées, ce qui n'est absolument pas un cas d'école, ni les règlements européens, donc ni les directives qui entreraient dans le périmètre du code, ne sont en tant que telles codifiées dans le code de l'environnement. Du moins, ici, je veux parler du code officiel, car l'un des intérêts, l'un des mérites du code d'Allos de l'environnement, c'est précisément de reprendre un certain nombre de textes européens. importants en droit de l'environnement avant la partie correspondante du droit national codifié. Et grâce à cette insertion, nous pourrons, avec Jessica Makoviaque, agrémenter ces textes européens de jurisprudence, de commentaires et de bibliographie qui nous apparaissent pertinents.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup, M. Jolivet. Merci beaucoup, Mme Makoviaque, pour toutes ces précisions. C'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup pour votre attention. Cet épisode a été réalisé par Jérémy Martin. Vous pouvez le retrouver sur votre plateforme d'écoute habituelle, sur la chaîne des podcasts du Droit et du Chiffre et sur notre site d'actualité, La Quotidienne. À très bientôt !

Share

Embed

You may also like

Description

En 2025, nous fêtons un double anniversaire : les 25 ans de la codification officielle du droit de l’environnement et les 45 ans de notre code éditeur de l’environnement, paru dès 1980 !

 

À l'occasion de ces anniversaires, la rédaction de Lefebvre Dalloz a le plaisir de recevoir Mme. Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du code Dalloz de l'environnement.

 

Dans cet épisode spécial, nous revenons ensemble sur la naissance de ces codes, leurs évolutions au fil des années et pour l’avenir.

 

Un podcast présenté par Domitille Bordeaux, rédactrice Lefebvre Dalloz, et réalisé par Jérémy Martin, journaliste Lefebvre Dalloz.

 

Musique : Alex MakeMusic - Good Vibe


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Domitille Bordeaux

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans cet épisode hors série du podcast Code Vert. Aujourd'hui, nous vous proposons un épisode un peu spécial en l'honneur du 25e anniversaire du Code de l'environnement. A l'occasion de cet anniversaire, nous revenons sur la naissance du Code, les évolutions qu'il a connues au fil des années. Elles ne sont pas anodines puisqu'elles sont en réalité symptomatiques de tendances plus larges du droit de l'environnement. Puis, nous nous tournons vers l'avenir pour réfléchir aux évolutions nécessaires du Code. Je suis Domitille Bordeaux, rédactrice en droit de l'environnement au sein de Lefebvre d'Aloz, et pour aborder ces sujets, j'ai l'honneur d'accueillir Mme Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du Code d'Aloz de l'environnement. Bonjour Mme Makowiak, bonjour M. Jolivet. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui sur ce podcast. Avant tout, pourriez-vous s'il vous plaît vous présenter brièvement ?

  • Jessica Makowiak

    Bonjour, Jessica Makowiak, je suis professeure des universités. et par ailleurs directrice d'un centre de recherche spécialisé en environnement qui s'appelle le CRIDO à Limoges, un centre de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme.

  • Simon Jolivet

    Bonjour, je suis Simon Jolivet, je suis maître de conférence habilité à diriger des recherches en droit public à l'université de Poitiers et je suis par ailleurs président d'une société savante, la Société Française pour le droit de l'environnement.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup. Comme on l'a déjà dit, on fête le 25e anniversaire de la codification officielle du droit de l'environnement, qui a eu lieu en 2000. Mais dès 1980, donc 20 ans avant la codification officielle, les éditions d'Allos avaient déjà publié un code éditeur de l'environnement. Donc chez le FEF d'Allos, c'est finalement aussi un autre anniversaire que nous célébrons, celui des 45 ans de notre code éditeur. Madame Makowiak, pourriez-vous dans un premier temps revenir pour nous sur la naissance de ce code précurseur ?

  • Jessica Makowiak

    Oui, tout à fait. Je me propose de vous faire l'historique de ce premier petit code d'Allos de l'environnement, qui est en fait le résultat de la rencontre entre un universitaire, le professeur Jean Lamarck, et un éditeur, les éditions d'Allos. Le professeur Jean Lamarck est l'auteur d'un ouvrage, dès 1973, qui embrassait le droit de l'environnement. Cet ouvrage s'intitule « Droits de la protection de la nature et de l'environnement » . Et le professeur Jean Lamarck souhaite, à l'époque... organiser le rassemblement de la matière dans la collection dite des petits codes d'Hallose. Le petit code compte alors 870 pages, ce qui évidemment est incomparable avec le volume actuel du code que l'on connaît. Ce qu'il faut évidemment préciser, c'est qu'il ne s'agit pas d'une véritable codification, mais d'un effort de rassemblement de l'existant. Toutefois, le périmètre choisi par le professeur Lamarck se veut déjà transversal et cohérent. Le petit code est structuré autour de plusieurs thèmes majeurs, l'administration de l'environnement en guise d'introduction, la protection de la nature, la lutte contre les nuisances. Cette structure résulte donc déjà d'une réflexion qui ne manquera pas d'inspirer par la suite les auteurs de la codification. Certains choix opérés par Jean Lamarck étaient d'ailleurs précurseurs quant au périmètre retenu, et auraient pu être utilement retenus par le codificateur 20 ans plus tard. L'auteur avait intégré, par exemple, des dispositions relatives aux arbres et à la forêt, aux animaux, je dis bien aux animaux et non pas simplement à la faune et à la flore, aux espaces ruraux ou encore au littoral et à la montagne. D'un point de vue plus politique, il s'agit aussi en 1980, et je pense qu'il est utile de le préciser, d'une réponse à l'inertie de l'administration, puisque le premier projet de codification, lancé par le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Luc Hanouet, en 1976, n'avait toujours pas été suivi des faits. Ce petit code, on peut le souligner, rencontre beaucoup de succès dans les années 80 et devient, pour reprendre les termes et l'expression de Chantal Cance, qui a été la première à annoter et commenter le futur code d'allose de l'environnement, il devient donc une véritable bible pour tous les acteurs concernés, c'est-à-dire les avocats, les praticiens. du droit de l'environnement. On soulignera enfin que c'est un code déjà didactique, puisqu'on y trouve une table chronologique des textes, une table alphabétique, et sur le contenu, outre les textes législatifs et réglementaires, des notes de jurisprudence et des notices bibliographiques.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup pour ces précisions. Si on fait maintenant un petit saut dans le temps, 20 ans plus tard, le droit de l'environnement va être officiellement codifié. Alors quelles ont été les grandes étapes de cette codification, les grands débats ?

  • Jessica Makowiak

    L'idée d'un code de l'environnement, vous l'avez souligné, elle est en effet très ancienne. Je l'ai dit tout à l'heure, elle a été lancée par Jean Le Canuet dès 1976. Finalement, l'idée sera reprise et mise en œuvre en 1989 seulement par le ministre Brice Lalonde, ministre de l'Environnement de l'époque. La même année d'ailleurs, le gouvernement décide de codifier systématiquement le droit et il crée à cet effet la Commission supérieure de codification dont l'environnement profitera. entre 1989 et 1991, sous la direction du professeur Michel Prieur. Une étude scientifique est réalisée par la SFDE dont Simon Jolivet a parlé tout à l'heure. Cette étude est réalisée pour le ministère de l'Environnement et elle porte sur la faisabilité d'un code de l'environnement. Le rapport prône une codification réformatrice et il conclut, je cite le rapport, à la nécessité juridique et sociale d'un code apte à consacrer solennellement l'environnement comme priorité politique majeure. à la condition toutefois que la codification soit élaborée par le Parlement et qu'elle intègre des principes généraux et le droit pénal de l'environnement. Fin de citation. L'année suivante, en 1992, on assiste à la mise en place du dispositif institutionnel, cette fois par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, et créer la commission d'expertise, présidée par un autre grand professeur, qui est le professeur Gilles Martin. et cette commission d'expertise. va formuler ses propositions en s'inspirant des travaux du rapport Prieur. Le contexte politique est extrêmement mouvant, puisque trois ministres de l'Environnement succéderont à Ségolène Royal avant l'adoption du Code en 2000.

  • Domitille Bordeaux

    Et à ce moment-là, quels sont les grands sujets, les grandes questions qui se posent ?

  • Jessica Makowiak

    À cette époque, les grands débats qui animent la codification portent sur plusieurs points. Ces débats portent non seulement sur la nature du Code, Faut-il une codification innovante, c'est la position défendue par la commission Martin, ou une codification au contraire à droit constant, position défendue par le Conseil d'État ? Et le gouvernement est partagé entre ambition d'une codification novatrice et l'urgence d'adopter un code de l'environnement. Les débats portent également sur le périmètre du code de l'environnement. Ici, on assiste à la défense de ce qu'on pourrait appeler des territoires administratifs, chaque ministère voulant défendre ses compétences et son précaré. Les débats concernent aussi et enfin le contenu du Code de l'environnement, avec un certain nombre de questions, j'en mentionnerai quelques-unes, notamment la question de l'intégration ou non des droits internationaux et européens. Et on peut noter que les rapports de force sont... En tout état de cause, et c'est ça qui est important et qui explique le contenu actuel du Code de l'environnement, ces rapports de force sont clairement défavorables au ministère de l'Environnement, ce qui expliquera certains manques criants en 2000 et au-delà, tels que la forêt, le sous-sol ou encore l'énergie nucléaire.

  • Domitille Bordeaux

    Et à l'issue de ces questionnements, qu'est-ce qui a été proposé dans un premier temps par la commission d'expertise ?

  • Jessica Makowiak

    Le plan proposé par la commission d'expertise, donc commission présidée par Gilles Martin, était très innovant, comprenant en fait trois parties. Donc on avait un code, une structuration très simple, qui avait le mérite de la clarté. Une partie générale consacrée aux principes fondamentaux du droit de l'environnement, une partie consacrée aux milieux et éléments protégés, dont le sol et déjà la notion de maintien de la diversité biologique, qui était noté à l'époque comme une notion à créer. Et enfin, une partie, la troisième partie, consacrée aux activités ayant un impact sur l'environnement. Il s'agit, il faut vraiment le souligner, à l'époque,

  • Simon Jolivet

    d'une nouvelle approche de l'environnement qui n'est plus seulement perçue alors comme une ressource.

  • Jessica Makowiak

    De 1993 à 1995, et c'est vraiment quelque chose d'important, Michel Barnier, qui est alors le nouveau ministre de l'Environnement, va élargir son projet de loi initiale, qui était une loi sur les risques, que l'on connaît, qui est toujours en vigueur, la loi sur les risques naturels et technologiques. Il veut élargir son projet de loi initiale à une réflexion beaucoup plus large sur le droit de l'environnement. Et la loi, finalement adoptée en 1995, sur le renforcement de la protection de l'environnement, marque une étape importante, puisqu'elle consacre les grands principes du droit de l'environnement, la prévention, la précaution, la participation du public. Et donc, elle s'inscrit pleinement dans le projet de codification.

  • Domitille Bordeaux

    En fin de compte, quels sont les choix qui ont été retenus pour la codification en 2000 ?

  • Jessica Makowiak

    En 2000, le choix retenu par le gouvernement est celui d'une codification essentiellement à droit constant pour des raisons, entre autres, de sécurité juridique. La partie générale du plan, l'actuel livre 1, est toutefois validée, celle que proposait la commission Martin, grâce à l'adoption de la loi Barnier, donc elle reprend les grands principes, notamment du droit de l'environnement. La partie 2, en revanche, est éclatée, entre guillemets, en trois nouveaux morceaux, soit un livre 2 sur les milieux physiques, un livre 3 sur les espaces naturels, et un livre 4 sur la faune et la flore. La partie 3, quant à elle, elle est... amputé et devient le livre 5 sur la prévention des risques des pollutions et des nuisances. Et les livres 6 et 7 sont ajoutés pour les territoires extérieurs à la métropole. D'un point de vue juridique, il faut préciser que l'adoption de la partie législative du Code de l'environnement est réalisée par une ordonnance du 18 septembre 2000, qui sera ratifiée par une loi du 2 juillet 2003. La codification ne pourrait être considérée comme complète. qu'avec l'adoption de la partie réglementaire, assez laborieuse puisqu'elle sera opérée en plusieurs étapes entre 2005 et 2007.

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant, on peut peut-être se tourner vers les évolutions du Code de l'environnement sur les dernières décennies. Par exemple, on peut commencer par s'interroger sur l'évolution de son volume. On constate qu'il a augmenté de manière exponentielle. Entre 2003 et 2024, le nombre d'articles est passé de 1 020 à 6962. Je me tourne donc maintenant vers vous, M. Jolivet. Comment pourrait-on expliquer cette augmentation ?

  • Simon Jolivet

    Il y a nécessairement plusieurs causes de cette augmentation, mais la première cause assez évidente d'augmentation du volume du code, et ici je parle à la fois du code officiel et du code éditeur, c'est l'inflation législative et réglementaire. Cette inflation elle-même, elle est pour partie imputable. au législateur, puisque le législateur a pris le réflexe, en matière environnementale, mais dans d'autres matières également, d'adopter un nouveau texte à chaque nouveau problème et de faire de la loi un instrument de communication politique. Pour une autre partie, cette inflation normative, elle résulte de l'exigence de transposition des directives européennes, étant précisé que le nombre de directives européennes européenne, il a fallu transposer. a significativement cru depuis l'an 2000. Mais il y a aussi d'autres causes qui sont en partie liées à cette augmentation du volume du code, et c'est notamment l'augmentation du contentieux de l'environnement, en partie liée au phénomène d'inflation législative et réglementaire, parce que les lois, c'est un constat qui a été dressé déjà depuis plus de 30 ans par le Conseil d'État, les lois sont de plus en plus mal rédigées. elles sont bavardes et elles imaginent sans cesse des nouveaux dispositifs d'exception, de dérogation, qui sont surtout destinés à faiblir le niveau de protection offert par la norme environnementale. Ainsi, le législateur complexifie à l'extrême le droit de l'environnement et il crée de véritables mis à contentieux. Un exemple désymptomatique peut être fourni. en matière d'espèces protégées, avec le développement des dérogations au principe de protection et avec la multiplication des présomptions qui permettent à certains types de projets répondant à certaines caractéristiques d'obtenir plus facilement ces dérogations à la protection des espèces.

  • Domitille Bordeaux

    Au-delà de l'évolution du volume du code, on peut aussi s'interroger sur l'évolution de son périmètre. Quel est aujourd'hui le périmètre couvert par le code de l'environnement et qu'est-ce qu'on peut en dire ?

  • Simon Jolivet

    À titre liminaire, pour répondre à cette question, je voudrais préciser ce que l'on peut entendre par périmètre d'un code. Le périmètre d'un code, c'est à mon sens à la fois le contenu de ce code, la matière qu'il rassemble, son champ, et c'est aussi plus largement le plan que ce code a adopté. Sur le premier aspect, l'aspect contenu du code, il faut souligner que le code de l'environnement, pas plus qu'en 2025, ne réunit tout. le droit de l'environnement. Parmi les absents marquants, je le répète à la suite de Jessica Nakoyak, il faut citer la forêt. Et c'est d'ailleurs une véritable étrangeté qui a pu faire écrire au professeur Michel Prieur au moment de l'adoption du code officiel, je le cite, « Un code de l'environnement sans la forêt est un peu comme un code de l'urbanisme qui n'inclurait pas la ville. » Je ferme les guillemets. Par ailleurs, on peut également noter que certains objets juridiques Merci. à dimension environnementale ont été éparpillées entre plusieurs codes. Une partie figure dans le code de l'environnement, mais d'autres figurent dans d'autres codes. C'est le cas du littoral ou encore de la montagne, qui sont écartelés en quelque sorte entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme. C'est aussi le cas du bruit, dont on retrouve des dispositions législatives et réglementaires codifiées au code de l'environnement, mais aussi au code de la santé publique. C'est encore le cas aussi... des risques naturels avec une multiplicité de codes concernés. On a pu compter jusqu'à 8 codes concernés par le droit des risques naturels. Pourquoi cet éparpillement ? Au-delà de la difficulté, je dirais scientifique, à définir les frontières du droit de l'environnement, l'une des principales raisons à cet état de fait réside dans ce qu'on pourrait appeler les guerres d'influence au sein de l'administration française. C'est-à-dire que chaque ministère souhaite disposer de son code qui correspondrait plus ou moins aux attributions du ministre concerné. J'en viens au second aspect du périmètre du code, c'est-à-dire l'aspect qui concerne le plan du code. C'est un aspect qui me paraît tout aussi fondamental, car le plan d'un code permet de véhiculer la représentation que le législateur se fait d'un droit. Elle permet l'élaboration du plan du code, d'exprimer les valeurs sociales qui sous-tendent le code. et le droit de l'environnement. En l'occurrence, le choix qui a été fait, c'est le choix d'une organisation en sept livres qui sont eux-mêmes divisés en titres et en chapitres. Cette organisation, elle mérite de la souplesse, mais elle peut avoir pour inconvénient de morceler à l'excès la matière.

  • Domitille Bordeaux

    Dans quelle mesure le périmètre du Code a-t-il évolué depuis sa première édition ?

  • Simon Jolivet

    Le périmètre du Code a évolué Merci. de façon relativement significative depuis l'an 2000. Et les évolutions de ce périmètre du code, elles sont essentiellement dues à la nécessité d'intégrer au fur et à mesure du temps de nouveaux textes qui ont eu pour vocation de répondre à de nouveaux problèmes environnementaux ou bien qui ont souhaité élargir la réponse à des problèmes environnementaux qui étaient apportés jusqu'alors. Je ne pourrais pas être exclusif ici, mais il me semble qu'un des moteurs essentiels de cette évolution a été la nécessité de faire de la place à la transposition des directives européennes intervenues dans le périmètre du Code, étant précisé que le Code n'a pas été initialement pensé pour ces directives. Cela a pu entraîner la modification de certains intitulés du plan du code afin, soit de prendre en compte l'extension d'une problématique, soit de prendre en compte les évolutions dans la conception de telle ou telle partie du droit de l'environnement. Je peux vous citer ici deux exemples qui me paraissent significatifs. Le livre 4, qui au départ s'intitulait « Faune et flore » , a été élargi au patrimoine naturel dans son ensemble. De la même manière, le chapitre du Code sur l'étude d'impact est devenu « Évaluation environnementale » .

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant qu'on est revenu sur l'origine du code et sur ses évolutions au fil des années, on peut peut-être, pour conclure, se tourner vers l'avenir. Quelles seraient pour vous aujourd'hui les grandes évolutions nécessaires pour le code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    Pour répondre à cette question, il me semble important de lier le futur du code de l'environnement avec le futur du droit de l'environnement dans son ensemble. Le droit de l'environnement subit depuis plus d'une décennie, disons une quinzaine d'années, Mie avec une accélération sensible ces dernières années, une régression. Une régression sans précédent dans sa jeune histoire à la faveur de ce que l'on appelle le plus en plus souvent le retour de bâton anti-écologique. À cette rétraction du droit de l'environnement correspond simultanément une hypertrophie du code de l'environnement. A priori, les phénomènes peuvent apparaître paradoxaux. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent. Parce que... La plupart des réformes régressives auxquelles on assiste passent par une particularisation toujours plus poussée des situations grâce à la technique des dérogations et des autres exceptions. J'ai cité tout à l'heure le cas de la protection des espèces. Or, au fur et à mesure que le législateur rogne sur le droit commun de l'environnement, il alourdit des articles du Code qui sont rendus de plus en plus complexes et donc moins accessibles aux citoyens. Ce qui est d'ailleurs tout à fait ironique parce que le législateur prétend en général poursuivre une simplification du droit. C'est la raison pour laquelle, pour améliorer la lisibilité du code de l'environnement, et il me semble assez évident que celui-ci en aurait bien besoin, la première évolution souhaitable serait de stopper ce processus de régression du droit de l'environnement qui aujourd'hui apparaît sans fin. Ça veut dire aussi stopper l'instabilité. législative chronique dont il est affecté. Pour vous donner un exemple, toujours à propos de la protection des espèces, les dispositions du Code de l'environnement qui concernent les espèces protégées ont déjà été modifiées trois fois en 2025, dans un sens assez uniformément régressif, et l'année n'est pas encore finie. C'est une condition qui apparaît comme un prérequis avant de pouvoir réfléchir à des évolutions plus positives du Code.

  • Domitille Bordeaux

    Et justement, que pourriez-vous nous dire de ces évolutions plus positives que l'on pourrait envisager pour le Code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    C'est un vaste sujet, mais parmi ces évolutions plus positives, on peut mentionner au moins deux éléments. Il pourrait y avoir une première réflexion pour améliorer les liens entre le Code de l'environnement et les codes voisins. car le Code de l'environnement entretient de nombreux liens avec... Le code de l'urbanisme, le code rural, le code forestier ou encore le code de la santé publique. Et cette liste n'est pas exhaustive. L'idée ici, ce serait de faire en sorte que le principe d'indépendance des législations ne soit plus un obstacle à l'intégration des enjeux environnementaux dans les autres codes et faire en sorte aussi que l'approche globale des politiques publiques liées à la transition écologiques puissent se développer et se renforcer. Il y aurait aussi une réflexion à mener sur les voies d'une meilleure intégration du droit international et surtout du droit européen dans le Code de l'environnement. L'influence du droit européen sur le droit de l'environnement national n'est plus un mystère. 80% du droit national de l'environnement résulterait en fait de transposition du droit européen de l'environnement. Or, ce phénomène d'influence extrêmement forte du droit européen contraste avec la méconnaissance dont il continue à faire l'objet de la part des usagers du droit. Ni les règlements européens, qui sont pourtant directement applicables en droit français, ni les directives européennes, quand bien même ces dernières ne seraient pas transposées par le législateur français dans les délais impartis, Ou bien seraient-elles mal transposées, ce qui n'est absolument pas un cas d'école, ni les règlements européens, donc ni les directives qui entreraient dans le périmètre du code, ne sont en tant que telles codifiées dans le code de l'environnement. Du moins, ici, je veux parler du code officiel, car l'un des intérêts, l'un des mérites du code d'Allos de l'environnement, c'est précisément de reprendre un certain nombre de textes européens. importants en droit de l'environnement avant la partie correspondante du droit national codifié. Et grâce à cette insertion, nous pourrons, avec Jessica Makoviaque, agrémenter ces textes européens de jurisprudence, de commentaires et de bibliographie qui nous apparaissent pertinents.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup, M. Jolivet. Merci beaucoup, Mme Makoviaque, pour toutes ces précisions. C'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup pour votre attention. Cet épisode a été réalisé par Jérémy Martin. Vous pouvez le retrouver sur votre plateforme d'écoute habituelle, sur la chaîne des podcasts du Droit et du Chiffre et sur notre site d'actualité, La Quotidienne. À très bientôt !

Description

En 2025, nous fêtons un double anniversaire : les 25 ans de la codification officielle du droit de l’environnement et les 45 ans de notre code éditeur de l’environnement, paru dès 1980 !

 

À l'occasion de ces anniversaires, la rédaction de Lefebvre Dalloz a le plaisir de recevoir Mme. Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du code Dalloz de l'environnement.

 

Dans cet épisode spécial, nous revenons ensemble sur la naissance de ces codes, leurs évolutions au fil des années et pour l’avenir.

 

Un podcast présenté par Domitille Bordeaux, rédactrice Lefebvre Dalloz, et réalisé par Jérémy Martin, journaliste Lefebvre Dalloz.

 

Musique : Alex MakeMusic - Good Vibe


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Domitille Bordeaux

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans cet épisode hors série du podcast Code Vert. Aujourd'hui, nous vous proposons un épisode un peu spécial en l'honneur du 25e anniversaire du Code de l'environnement. A l'occasion de cet anniversaire, nous revenons sur la naissance du Code, les évolutions qu'il a connues au fil des années. Elles ne sont pas anodines puisqu'elles sont en réalité symptomatiques de tendances plus larges du droit de l'environnement. Puis, nous nous tournons vers l'avenir pour réfléchir aux évolutions nécessaires du Code. Je suis Domitille Bordeaux, rédactrice en droit de l'environnement au sein de Lefebvre d'Aloz, et pour aborder ces sujets, j'ai l'honneur d'accueillir Mme Jessica Makowiak et M. Simon Jolivet, chargés des annotations et commentaires du Code d'Aloz de l'environnement. Bonjour Mme Makowiak, bonjour M. Jolivet. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui sur ce podcast. Avant tout, pourriez-vous s'il vous plaît vous présenter brièvement ?

  • Jessica Makowiak

    Bonjour, Jessica Makowiak, je suis professeure des universités. et par ailleurs directrice d'un centre de recherche spécialisé en environnement qui s'appelle le CRIDO à Limoges, un centre de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme.

  • Simon Jolivet

    Bonjour, je suis Simon Jolivet, je suis maître de conférence habilité à diriger des recherches en droit public à l'université de Poitiers et je suis par ailleurs président d'une société savante, la Société Française pour le droit de l'environnement.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup. Comme on l'a déjà dit, on fête le 25e anniversaire de la codification officielle du droit de l'environnement, qui a eu lieu en 2000. Mais dès 1980, donc 20 ans avant la codification officielle, les éditions d'Allos avaient déjà publié un code éditeur de l'environnement. Donc chez le FEF d'Allos, c'est finalement aussi un autre anniversaire que nous célébrons, celui des 45 ans de notre code éditeur. Madame Makowiak, pourriez-vous dans un premier temps revenir pour nous sur la naissance de ce code précurseur ?

  • Jessica Makowiak

    Oui, tout à fait. Je me propose de vous faire l'historique de ce premier petit code d'Allos de l'environnement, qui est en fait le résultat de la rencontre entre un universitaire, le professeur Jean Lamarck, et un éditeur, les éditions d'Allos. Le professeur Jean Lamarck est l'auteur d'un ouvrage, dès 1973, qui embrassait le droit de l'environnement. Cet ouvrage s'intitule « Droits de la protection de la nature et de l'environnement » . Et le professeur Jean Lamarck souhaite, à l'époque... organiser le rassemblement de la matière dans la collection dite des petits codes d'Hallose. Le petit code compte alors 870 pages, ce qui évidemment est incomparable avec le volume actuel du code que l'on connaît. Ce qu'il faut évidemment préciser, c'est qu'il ne s'agit pas d'une véritable codification, mais d'un effort de rassemblement de l'existant. Toutefois, le périmètre choisi par le professeur Lamarck se veut déjà transversal et cohérent. Le petit code est structuré autour de plusieurs thèmes majeurs, l'administration de l'environnement en guise d'introduction, la protection de la nature, la lutte contre les nuisances. Cette structure résulte donc déjà d'une réflexion qui ne manquera pas d'inspirer par la suite les auteurs de la codification. Certains choix opérés par Jean Lamarck étaient d'ailleurs précurseurs quant au périmètre retenu, et auraient pu être utilement retenus par le codificateur 20 ans plus tard. L'auteur avait intégré, par exemple, des dispositions relatives aux arbres et à la forêt, aux animaux, je dis bien aux animaux et non pas simplement à la faune et à la flore, aux espaces ruraux ou encore au littoral et à la montagne. D'un point de vue plus politique, il s'agit aussi en 1980, et je pense qu'il est utile de le préciser, d'une réponse à l'inertie de l'administration, puisque le premier projet de codification, lancé par le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Luc Hanouet, en 1976, n'avait toujours pas été suivi des faits. Ce petit code, on peut le souligner, rencontre beaucoup de succès dans les années 80 et devient, pour reprendre les termes et l'expression de Chantal Cance, qui a été la première à annoter et commenter le futur code d'allose de l'environnement, il devient donc une véritable bible pour tous les acteurs concernés, c'est-à-dire les avocats, les praticiens. du droit de l'environnement. On soulignera enfin que c'est un code déjà didactique, puisqu'on y trouve une table chronologique des textes, une table alphabétique, et sur le contenu, outre les textes législatifs et réglementaires, des notes de jurisprudence et des notices bibliographiques.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup pour ces précisions. Si on fait maintenant un petit saut dans le temps, 20 ans plus tard, le droit de l'environnement va être officiellement codifié. Alors quelles ont été les grandes étapes de cette codification, les grands débats ?

  • Jessica Makowiak

    L'idée d'un code de l'environnement, vous l'avez souligné, elle est en effet très ancienne. Je l'ai dit tout à l'heure, elle a été lancée par Jean Le Canuet dès 1976. Finalement, l'idée sera reprise et mise en œuvre en 1989 seulement par le ministre Brice Lalonde, ministre de l'Environnement de l'époque. La même année d'ailleurs, le gouvernement décide de codifier systématiquement le droit et il crée à cet effet la Commission supérieure de codification dont l'environnement profitera. entre 1989 et 1991, sous la direction du professeur Michel Prieur. Une étude scientifique est réalisée par la SFDE dont Simon Jolivet a parlé tout à l'heure. Cette étude est réalisée pour le ministère de l'Environnement et elle porte sur la faisabilité d'un code de l'environnement. Le rapport prône une codification réformatrice et il conclut, je cite le rapport, à la nécessité juridique et sociale d'un code apte à consacrer solennellement l'environnement comme priorité politique majeure. à la condition toutefois que la codification soit élaborée par le Parlement et qu'elle intègre des principes généraux et le droit pénal de l'environnement. Fin de citation. L'année suivante, en 1992, on assiste à la mise en place du dispositif institutionnel, cette fois par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, et créer la commission d'expertise, présidée par un autre grand professeur, qui est le professeur Gilles Martin. et cette commission d'expertise. va formuler ses propositions en s'inspirant des travaux du rapport Prieur. Le contexte politique est extrêmement mouvant, puisque trois ministres de l'Environnement succéderont à Ségolène Royal avant l'adoption du Code en 2000.

  • Domitille Bordeaux

    Et à ce moment-là, quels sont les grands sujets, les grandes questions qui se posent ?

  • Jessica Makowiak

    À cette époque, les grands débats qui animent la codification portent sur plusieurs points. Ces débats portent non seulement sur la nature du Code, Faut-il une codification innovante, c'est la position défendue par la commission Martin, ou une codification au contraire à droit constant, position défendue par le Conseil d'État ? Et le gouvernement est partagé entre ambition d'une codification novatrice et l'urgence d'adopter un code de l'environnement. Les débats portent également sur le périmètre du code de l'environnement. Ici, on assiste à la défense de ce qu'on pourrait appeler des territoires administratifs, chaque ministère voulant défendre ses compétences et son précaré. Les débats concernent aussi et enfin le contenu du Code de l'environnement, avec un certain nombre de questions, j'en mentionnerai quelques-unes, notamment la question de l'intégration ou non des droits internationaux et européens. Et on peut noter que les rapports de force sont... En tout état de cause, et c'est ça qui est important et qui explique le contenu actuel du Code de l'environnement, ces rapports de force sont clairement défavorables au ministère de l'Environnement, ce qui expliquera certains manques criants en 2000 et au-delà, tels que la forêt, le sous-sol ou encore l'énergie nucléaire.

  • Domitille Bordeaux

    Et à l'issue de ces questionnements, qu'est-ce qui a été proposé dans un premier temps par la commission d'expertise ?

  • Jessica Makowiak

    Le plan proposé par la commission d'expertise, donc commission présidée par Gilles Martin, était très innovant, comprenant en fait trois parties. Donc on avait un code, une structuration très simple, qui avait le mérite de la clarté. Une partie générale consacrée aux principes fondamentaux du droit de l'environnement, une partie consacrée aux milieux et éléments protégés, dont le sol et déjà la notion de maintien de la diversité biologique, qui était noté à l'époque comme une notion à créer. Et enfin, une partie, la troisième partie, consacrée aux activités ayant un impact sur l'environnement. Il s'agit, il faut vraiment le souligner, à l'époque,

  • Simon Jolivet

    d'une nouvelle approche de l'environnement qui n'est plus seulement perçue alors comme une ressource.

  • Jessica Makowiak

    De 1993 à 1995, et c'est vraiment quelque chose d'important, Michel Barnier, qui est alors le nouveau ministre de l'Environnement, va élargir son projet de loi initiale, qui était une loi sur les risques, que l'on connaît, qui est toujours en vigueur, la loi sur les risques naturels et technologiques. Il veut élargir son projet de loi initiale à une réflexion beaucoup plus large sur le droit de l'environnement. Et la loi, finalement adoptée en 1995, sur le renforcement de la protection de l'environnement, marque une étape importante, puisqu'elle consacre les grands principes du droit de l'environnement, la prévention, la précaution, la participation du public. Et donc, elle s'inscrit pleinement dans le projet de codification.

  • Domitille Bordeaux

    En fin de compte, quels sont les choix qui ont été retenus pour la codification en 2000 ?

  • Jessica Makowiak

    En 2000, le choix retenu par le gouvernement est celui d'une codification essentiellement à droit constant pour des raisons, entre autres, de sécurité juridique. La partie générale du plan, l'actuel livre 1, est toutefois validée, celle que proposait la commission Martin, grâce à l'adoption de la loi Barnier, donc elle reprend les grands principes, notamment du droit de l'environnement. La partie 2, en revanche, est éclatée, entre guillemets, en trois nouveaux morceaux, soit un livre 2 sur les milieux physiques, un livre 3 sur les espaces naturels, et un livre 4 sur la faune et la flore. La partie 3, quant à elle, elle est... amputé et devient le livre 5 sur la prévention des risques des pollutions et des nuisances. Et les livres 6 et 7 sont ajoutés pour les territoires extérieurs à la métropole. D'un point de vue juridique, il faut préciser que l'adoption de la partie législative du Code de l'environnement est réalisée par une ordonnance du 18 septembre 2000, qui sera ratifiée par une loi du 2 juillet 2003. La codification ne pourrait être considérée comme complète. qu'avec l'adoption de la partie réglementaire, assez laborieuse puisqu'elle sera opérée en plusieurs étapes entre 2005 et 2007.

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant, on peut peut-être se tourner vers les évolutions du Code de l'environnement sur les dernières décennies. Par exemple, on peut commencer par s'interroger sur l'évolution de son volume. On constate qu'il a augmenté de manière exponentielle. Entre 2003 et 2024, le nombre d'articles est passé de 1 020 à 6962. Je me tourne donc maintenant vers vous, M. Jolivet. Comment pourrait-on expliquer cette augmentation ?

  • Simon Jolivet

    Il y a nécessairement plusieurs causes de cette augmentation, mais la première cause assez évidente d'augmentation du volume du code, et ici je parle à la fois du code officiel et du code éditeur, c'est l'inflation législative et réglementaire. Cette inflation elle-même, elle est pour partie imputable. au législateur, puisque le législateur a pris le réflexe, en matière environnementale, mais dans d'autres matières également, d'adopter un nouveau texte à chaque nouveau problème et de faire de la loi un instrument de communication politique. Pour une autre partie, cette inflation normative, elle résulte de l'exigence de transposition des directives européennes, étant précisé que le nombre de directives européennes européenne, il a fallu transposer. a significativement cru depuis l'an 2000. Mais il y a aussi d'autres causes qui sont en partie liées à cette augmentation du volume du code, et c'est notamment l'augmentation du contentieux de l'environnement, en partie liée au phénomène d'inflation législative et réglementaire, parce que les lois, c'est un constat qui a été dressé déjà depuis plus de 30 ans par le Conseil d'État, les lois sont de plus en plus mal rédigées. elles sont bavardes et elles imaginent sans cesse des nouveaux dispositifs d'exception, de dérogation, qui sont surtout destinés à faiblir le niveau de protection offert par la norme environnementale. Ainsi, le législateur complexifie à l'extrême le droit de l'environnement et il crée de véritables mis à contentieux. Un exemple désymptomatique peut être fourni. en matière d'espèces protégées, avec le développement des dérogations au principe de protection et avec la multiplication des présomptions qui permettent à certains types de projets répondant à certaines caractéristiques d'obtenir plus facilement ces dérogations à la protection des espèces.

  • Domitille Bordeaux

    Au-delà de l'évolution du volume du code, on peut aussi s'interroger sur l'évolution de son périmètre. Quel est aujourd'hui le périmètre couvert par le code de l'environnement et qu'est-ce qu'on peut en dire ?

  • Simon Jolivet

    À titre liminaire, pour répondre à cette question, je voudrais préciser ce que l'on peut entendre par périmètre d'un code. Le périmètre d'un code, c'est à mon sens à la fois le contenu de ce code, la matière qu'il rassemble, son champ, et c'est aussi plus largement le plan que ce code a adopté. Sur le premier aspect, l'aspect contenu du code, il faut souligner que le code de l'environnement, pas plus qu'en 2025, ne réunit tout. le droit de l'environnement. Parmi les absents marquants, je le répète à la suite de Jessica Nakoyak, il faut citer la forêt. Et c'est d'ailleurs une véritable étrangeté qui a pu faire écrire au professeur Michel Prieur au moment de l'adoption du code officiel, je le cite, « Un code de l'environnement sans la forêt est un peu comme un code de l'urbanisme qui n'inclurait pas la ville. » Je ferme les guillemets. Par ailleurs, on peut également noter que certains objets juridiques Merci. à dimension environnementale ont été éparpillées entre plusieurs codes. Une partie figure dans le code de l'environnement, mais d'autres figurent dans d'autres codes. C'est le cas du littoral ou encore de la montagne, qui sont écartelés en quelque sorte entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme. C'est aussi le cas du bruit, dont on retrouve des dispositions législatives et réglementaires codifiées au code de l'environnement, mais aussi au code de la santé publique. C'est encore le cas aussi... des risques naturels avec une multiplicité de codes concernés. On a pu compter jusqu'à 8 codes concernés par le droit des risques naturels. Pourquoi cet éparpillement ? Au-delà de la difficulté, je dirais scientifique, à définir les frontières du droit de l'environnement, l'une des principales raisons à cet état de fait réside dans ce qu'on pourrait appeler les guerres d'influence au sein de l'administration française. C'est-à-dire que chaque ministère souhaite disposer de son code qui correspondrait plus ou moins aux attributions du ministre concerné. J'en viens au second aspect du périmètre du code, c'est-à-dire l'aspect qui concerne le plan du code. C'est un aspect qui me paraît tout aussi fondamental, car le plan d'un code permet de véhiculer la représentation que le législateur se fait d'un droit. Elle permet l'élaboration du plan du code, d'exprimer les valeurs sociales qui sous-tendent le code. et le droit de l'environnement. En l'occurrence, le choix qui a été fait, c'est le choix d'une organisation en sept livres qui sont eux-mêmes divisés en titres et en chapitres. Cette organisation, elle mérite de la souplesse, mais elle peut avoir pour inconvénient de morceler à l'excès la matière.

  • Domitille Bordeaux

    Dans quelle mesure le périmètre du Code a-t-il évolué depuis sa première édition ?

  • Simon Jolivet

    Le périmètre du Code a évolué Merci. de façon relativement significative depuis l'an 2000. Et les évolutions de ce périmètre du code, elles sont essentiellement dues à la nécessité d'intégrer au fur et à mesure du temps de nouveaux textes qui ont eu pour vocation de répondre à de nouveaux problèmes environnementaux ou bien qui ont souhaité élargir la réponse à des problèmes environnementaux qui étaient apportés jusqu'alors. Je ne pourrais pas être exclusif ici, mais il me semble qu'un des moteurs essentiels de cette évolution a été la nécessité de faire de la place à la transposition des directives européennes intervenues dans le périmètre du Code, étant précisé que le Code n'a pas été initialement pensé pour ces directives. Cela a pu entraîner la modification de certains intitulés du plan du code afin, soit de prendre en compte l'extension d'une problématique, soit de prendre en compte les évolutions dans la conception de telle ou telle partie du droit de l'environnement. Je peux vous citer ici deux exemples qui me paraissent significatifs. Le livre 4, qui au départ s'intitulait « Faune et flore » , a été élargi au patrimoine naturel dans son ensemble. De la même manière, le chapitre du Code sur l'étude d'impact est devenu « Évaluation environnementale » .

  • Domitille Bordeaux

    Maintenant qu'on est revenu sur l'origine du code et sur ses évolutions au fil des années, on peut peut-être, pour conclure, se tourner vers l'avenir. Quelles seraient pour vous aujourd'hui les grandes évolutions nécessaires pour le code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    Pour répondre à cette question, il me semble important de lier le futur du code de l'environnement avec le futur du droit de l'environnement dans son ensemble. Le droit de l'environnement subit depuis plus d'une décennie, disons une quinzaine d'années, Mie avec une accélération sensible ces dernières années, une régression. Une régression sans précédent dans sa jeune histoire à la faveur de ce que l'on appelle le plus en plus souvent le retour de bâton anti-écologique. À cette rétraction du droit de l'environnement correspond simultanément une hypertrophie du code de l'environnement. A priori, les phénomènes peuvent apparaître paradoxaux. Mais ce paradoxe n'est qu'apparent. Parce que... La plupart des réformes régressives auxquelles on assiste passent par une particularisation toujours plus poussée des situations grâce à la technique des dérogations et des autres exceptions. J'ai cité tout à l'heure le cas de la protection des espèces. Or, au fur et à mesure que le législateur rogne sur le droit commun de l'environnement, il alourdit des articles du Code qui sont rendus de plus en plus complexes et donc moins accessibles aux citoyens. Ce qui est d'ailleurs tout à fait ironique parce que le législateur prétend en général poursuivre une simplification du droit. C'est la raison pour laquelle, pour améliorer la lisibilité du code de l'environnement, et il me semble assez évident que celui-ci en aurait bien besoin, la première évolution souhaitable serait de stopper ce processus de régression du droit de l'environnement qui aujourd'hui apparaît sans fin. Ça veut dire aussi stopper l'instabilité. législative chronique dont il est affecté. Pour vous donner un exemple, toujours à propos de la protection des espèces, les dispositions du Code de l'environnement qui concernent les espèces protégées ont déjà été modifiées trois fois en 2025, dans un sens assez uniformément régressif, et l'année n'est pas encore finie. C'est une condition qui apparaît comme un prérequis avant de pouvoir réfléchir à des évolutions plus positives du Code.

  • Domitille Bordeaux

    Et justement, que pourriez-vous nous dire de ces évolutions plus positives que l'on pourrait envisager pour le Code de l'environnement ?

  • Simon Jolivet

    C'est un vaste sujet, mais parmi ces évolutions plus positives, on peut mentionner au moins deux éléments. Il pourrait y avoir une première réflexion pour améliorer les liens entre le Code de l'environnement et les codes voisins. car le Code de l'environnement entretient de nombreux liens avec... Le code de l'urbanisme, le code rural, le code forestier ou encore le code de la santé publique. Et cette liste n'est pas exhaustive. L'idée ici, ce serait de faire en sorte que le principe d'indépendance des législations ne soit plus un obstacle à l'intégration des enjeux environnementaux dans les autres codes et faire en sorte aussi que l'approche globale des politiques publiques liées à la transition écologiques puissent se développer et se renforcer. Il y aurait aussi une réflexion à mener sur les voies d'une meilleure intégration du droit international et surtout du droit européen dans le Code de l'environnement. L'influence du droit européen sur le droit de l'environnement national n'est plus un mystère. 80% du droit national de l'environnement résulterait en fait de transposition du droit européen de l'environnement. Or, ce phénomène d'influence extrêmement forte du droit européen contraste avec la méconnaissance dont il continue à faire l'objet de la part des usagers du droit. Ni les règlements européens, qui sont pourtant directement applicables en droit français, ni les directives européennes, quand bien même ces dernières ne seraient pas transposées par le législateur français dans les délais impartis, Ou bien seraient-elles mal transposées, ce qui n'est absolument pas un cas d'école, ni les règlements européens, donc ni les directives qui entreraient dans le périmètre du code, ne sont en tant que telles codifiées dans le code de l'environnement. Du moins, ici, je veux parler du code officiel, car l'un des intérêts, l'un des mérites du code d'Allos de l'environnement, c'est précisément de reprendre un certain nombre de textes européens. importants en droit de l'environnement avant la partie correspondante du droit national codifié. Et grâce à cette insertion, nous pourrons, avec Jessica Makoviaque, agrémenter ces textes européens de jurisprudence, de commentaires et de bibliographie qui nous apparaissent pertinents.

  • Domitille Bordeaux

    Merci beaucoup, M. Jolivet. Merci beaucoup, Mme Makoviaque, pour toutes ces précisions. C'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup pour votre attention. Cet épisode a été réalisé par Jérémy Martin. Vous pouvez le retrouver sur votre plateforme d'écoute habituelle, sur la chaîne des podcasts du Droit et du Chiffre et sur notre site d'actualité, La Quotidienne. À très bientôt !

Share

Embed

You may also like