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Les Sages - le podcast des plus grands leader·euse(s) humanistes

S1E10 - Matthieu Ricard (Moine bouddhiste, Karuna Shechen) - L'Homme le plus heureux du monde

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1h41 |16/06/2024
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1h41 |16/06/2024
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Description

Pour ce dixième épisode, nous avons l'honneur de recevoir Matthieu Ricard, le Moine Bouddhiste le plus connu au monde, et également interprète officiel du Dalaï-Lama.


Matthieu Ricard est un homme d'exception :


  • Titulaire d'un doctorat en génétique, il présente une thèse sur la division cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction du professeur François Jacob (prix Nobel de médecine)

  • À 30 ans, en 1979, il devient officiellement Moine bouddhiste, et devient interprète officiel du Dalaï-lama pour le Français. Il vit aujourd'hui au Monastère de Schéchen au Népal.

  • Matthieu est aussi le fondateur de l'ONG Karuna-Shechen qui aide près de 500 000 bénéficiaires directs chaque année. Elle a également permis la construction d'une quarantaine d'écoles et une trentaine de cliniques.

Dans cet épisode, nous avons parlé de méditation, des émotions, de Jeff Bezos et Elon Musk, de la rencontre de Matthieu avec le Dalaï-lama et ses maîtres, de la différence entre la solitude choisie ou imposé, du don de 15 milliards de Chuck Feeney, de la possibilité de faire de la méditation dans les écoles...

Bon voyage avec les Sages ! 


🌎 Les liens de l’épisode 🌎



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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques, mais surtout des leaders humanistes. Et ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre. dans un format inédit et négocié avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaders qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders et nous allons en leur rencontre. Bon voyage avec les sages. Mathieu Ricard est communément appelé l'homme le plus heureux du monde. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, c'est le moine bouddhiste français le plus connu de la planète, également interprète officiel du Dalai Lama. Mathieu est un homme de paix qui, dès son plus jeune âge, avec un bagage académique brillant, a fait le choix à contre-courant d'aller s'établir en Inde, puis au Népal, pour cultiver sa foi dans le bouddhisme. Aujourd'hui, ils partagent son temps entre son ermitage de l'humanitaire, l'écriture de ses livres et de la photographie. Un voyage intellectuel et spirituel unique. Allez, on y va avec Mathieu. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir accepté notre invitation pour les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien.

  • Speaker #0

    Écoute, super. Est-ce que je peux te demander pour démarrer de te présenter en quelques phrases s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    J'ai 78 ans, je suis moine bouddhiste, j'ai fait des études scientifiques, j'ai travaillé six ans à l'Institut Pasteur avec François Jacob et Jacques Monod, j'ai fait une thèse en génétique cellulaire, j'ai été élevé... Mon père était un philosophe, Jean-François Reuvel, ma mère artiste-peinte, qui est morte à 100 ans l'an dernier. J'avais un nom explorateur qui a fait le tour du monde sur un bateau à voile sans moteur après la Deuxième Guerre mondiale, Jacques-Yves Le Toumelin. Donc du coup, j'ai vu des gens très divers, qui avaient une certaine capacité dans leur domaine. Mais pour un adolescent, c'était très déconcertant. parce qu'il n'y avait pas de corrélation entre des qualités, ou parfois des génies, Jean-Greys Stravinsky quand j'avais 16 ans, et des qualités humaines. Donc si vous preniez 100 philosophes, 100 mathématiciens, 100 jardiniers, 100 charpentiers, vous avez la même distribution de gens heureux, malheureux, de gens égoïstes ou très bienveillants. Donc il n'y a pas de rapport évident.

  • Speaker #0

    Tu veux dire entre l'intelligence et les qualités ?

  • Speaker #1

    Non, pas seulement l'intelligence, des capacités. Par exemple, être un grand explorateur ou mathématicien ou même un charpentier. Des charpentiers très sympas et d'autres qui ont un mauvais caractère. Donc, je me suis dit, mais alors, qu'est-ce qu'on peut prendre comme modèle de vie ? Parce qu'on voudrait jouer du piano comme un tel, résoudre des équations mathématiques comme un autre, écrire des poèmes comme celui-là. J'ai connu un philosophe, ami de mon père, Louis Althusser, il a tué sa femme dans sa baignoire. Peut-être que ces écrits que je n'ai pas lus étaient très bien, mais en tant qu'être humain, il y avait un problème. Donc, quand j'ai voyagé en Inde à 21 ans, j'avais vu des documentaires faits par un réalisateur qui s'appelait Arnaud Desjardins. À l'époque, il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision, l'ORTF. Et en cours de montage, parce que c'était un ami de mes parents, et quand j'ai vu ça... c'était deux fois une heure, à un moment donné, il y avait une séquence silencieuse, on voyait une série de visages de maîtres spirituels tibétains, je me dis, ben voilà, il y a 20 Saint-François d'Assise, 20 Socrate vivant aujourd'hui, j'y vais. Donc bien m'en appris, je suis allé à Darjeeling, j'ai pris un vol, en plus j'ai fait trois jours de train, et je suis arrivé en présence de Kangyurin Boshé, qui est devenu mon premier maître spirituel, et là, brusquement, je me trouve en face de quelqu'un, Et je me dis, ben voilà, je ne sais pas ce qu'il sait, je ne connais pas le bouddhisme, mais j'ai l'impression que je suis devant ce que pour moi j'imagine être la perfection humaine. Une sorte de présence tranquille, de bienveillance, comme une montagne, mais une montagne pleine de bonté. Et puis voilà, donc après tout, ça s'est enchaîné.

  • Speaker #0

    Tu as trouvé cette personne pour la première fois, pour une des premières fois de ta vie, qui avait à la fois des capacités et des qualités humaines.

  • Speaker #1

    Oui, alors en même temps, les connaissances du bouddhisme, au début, je ne les avais pas. Ce n'était même pas ça qui m'avait attiré. Je cherchais justement des qualités humaines. Et pour moi, ça me semblait, même si le chemin était très long, je me dis, si on peut devenir ne serait-ce qu'un centième comme cette personne, là, ça vaut la peine.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Et du coup, si on revient un petit peu sur ton enfance, le bouddhisme, tu l'as découvert justement à cette période de ta vie ou un peu plus tôt déjà ?

  • Speaker #1

    Mon oncle, Jacques-Yves Le Toumelin, et ma mère, donc, lisaient beaucoup de... Il y avait beaucoup de discussions, il y avait des groupes d'amis en Bretagne qui discutaient de la métaphysique de tous les écrivains, des textes aussi bien dans la chrétienté, la petite philocalie du cœur, Maître Ecarte, que dans le soufisme, que dans l'hindouisme. sur le Vedanta, dont mon oncle était très féru de René Guénon, qui a écrit des livres sur le Vedanta, sur plein de choses. Mais il n'y avait pas beaucoup de livres sur le bouddhisme à l'époque. Il y en avait quelques-uns, quelques traductions tibétaines. Il y avait la vie de Milarepa de Jacques Bacot, qui est dans les années 30. Mais disons, ce n'était pas ce qu'on trouvait le plus dans le domaine de la spiritualité. Et surtout, c'était des lectures, des discussions. Donc il n'y avait pas de pratique, on ne rentrait pas dans un chemin aussi, comment dire, inspirant. Ces discussions pouvaient être, elles ouvraient l'esprit, mais ça restait quand même dans le domaine des concepts. Tandis que quand j'ai vu ce maître spirituel, en fait, qu'il était bouddhiste ou autre chose, ce n'était pas la question, c'était de savoir qu'est-ce qu'il était vraiment. Puis après, bien sûr, je me dis, s'il est arrivé là, ça doit être pas trop mal ce qu'il a étudié, ce qu'il enseigne. Donc, de fil en aiguille, au fil des années, depuis 55 ans, je me suis plongé dans le bouddhisme. Et heureusement que j'ai eu une grande satisfaction à le faire. J'ai découvert une très grande profondeur philosophique. Et les plus grands philosophes, Aristote et autres, n'ont rien à envier aux Spinoza, aux Kant, aux logiciens, aux philosophes bouddhistes. Mais au départ, ce n'était pas ça. C'est pour ça que j'étais venu.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu rencontres cette personne, tu as 21 ans. Et quelques années plus tard, tu deviens officiellement moine bouddhiste quand tu as 26 ans. C'est ça, dans le nord de l'Inde ?

  • Speaker #1

    Pas tout à fait. J'ai fait une moine bouddhiste plus tard. Mais donc, j'ai fait la premier voyage. À mon retour, c'était encore plus évident quand je suis rentré à Paris. Là, vraiment, maintenant, je sais où je veux aller. J'ai retrouvé d'ailleurs un de mes anciens collègues à Pasteur, un Américain qui fait de la recherche aux États-Unis. On s'est retrouvé au sein de l'Institut Mind Life, un institut, on pourra en reparler, qui favorise la collaboration entre des scientifiques, des contemplatifs, bouddhistes, etc. Et il me disait, à l'époque, quand on avait 20 ans, on avait signé un papier scientifique ensemble. on savait ce qu'on ne voulait pas que notre vie soit, c'est-à-dire ennuyeuse, dépourvue de sens, mais on ne savait pas vraiment ce qu'on voulait qu'elle soit.

  • Speaker #0

    Comment concrètement ?

  • Speaker #1

    Et là, brusquement, je me suis dit, ben voilà, ça au moins, on sait très bien étudier la division cellulaire des bactéries, mais devenir un bon être humain, en tout cas, là, je suis sûr que ça va, c'est intéressant. Mais j'ai été prudent, parce que, bon, mes parents n'étaient pas très fortunés, ils avaient comme investi dans mon... dans mon éducation. Et puis, à 21 ans, on ne peut quand même pas faire un saut dans l'inconnu. Là, ça aurait été vraiment un saut dans l'inconnu. En plus, je venais d'accepter l'Institut Pasteur par François Jacob, qui venait d'avoir le prix Nobel. Après, j'ai su qu'il avait un seul doctorant. C'était le deuxième.

  • Speaker #0

    Il avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    Je veux dire, oui, il accepte. Il ne faut au moins pas faire n'importe quoi. et donc et en plus il faut que les choses mûrissent quand un fruit n'est pas mûr si on tire on casse la branche et le fruit il n'est pas mangeable quand une pomme est mûre on la touche à peine elle vous tombe dans la main donc j'ai fait 6 allers-retours je suis allé 6 fois ou même 7 fois je suis allé une fois l'hiver toutes mes vacances d'été c'est à dire un mois j'allais à Darjeeling et je revenais je prenais des charters à l'époque Maintenant, il y a des vols de locos, avant c'était des charters. Bon, donc, et je revenais, mais plus les années passaient, plus mon esprit s'envolait vers Darjeeling, auprès de mon maître spirituel. Et donc, voilà, j'y pensais très souvent, je pratiquais le matin et le soir. Et quand j'étais à Darjeeling, j'oubliais complètement l'institut passé. Donc je me suis dit, bon, il faut finir. Alors j'ai demandé conseil à mon maître spirituel, il ne savait pas ce que c'était qu'une thèse et des choses comme ça, mais j'ai dit, voilà, j'ai entrepris quelque chose. Peut-être que j'envisage de venir m'établir ici, mais qu'est-ce que je fais ? Je fais maintenant, j'attends, mais il complète ce que tu as commencé, et après il sera temps de venir. Donc j'ai fait ça. Et là c'était très bien parce que j'ai publié tous les papiers, François Jacob il savait plus ou moins que j'allais m'en aller, et il a regretté, j'ai revu sa fille après, parce qu'il voulait m'envoyer aux Etats-Unis, puis après revenir dans son labo, donc comme il avait deux étudiants en doctorat, c'était un peu pour quelqu'un comme lui, c'était un peu décevant que l'un des deux s'en aille. Et donc une fois que c'était fait... Eh bien, j'ai dit merci beaucoup. Mon post-doc, je vais le faire dans l'Himalaya parce qu'il voulait m'envoyer aux États-Unis ou quelque chose. Donc là, je suis parti avec un aller simple à la fin 72. Et je n'ai jamais regretté cette décision d'apprendre ma retraite à 27 ans.

  • Speaker #0

    C'est excellent, on finit la séance sans de retraite.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, la secrétaire Françoise Jacob, qui était extrêmement bienveillante à mon égard, a laissé courir mon salaire du CNRS pendant six mois. Et avec ça, j'ai pu tenir le coup pendant des années, parce que je vivais avec l'équivalent d'aujourd'hui de 30-40 euros par mois. Je n'ai pas besoin de plus, j'ai un petit termitage de 9 mètres carrés sans sofa, à changer d'électricité, ça ne coûte pas cher. Et je venais au monastère, ils me nourrissaient. Après, j'ai essayé d'aider un de mon vieux, mais à l'époque, ils m'ont accueilli très gentiment. Et donc voilà, c'était très simple.

  • Speaker #0

    Et donc tu vivais avec 2-3 euros par jour ? Hein ? Tu vivais avec quelques euros par jour ?

  • Speaker #1

    Je n'avais pas de dépenses, ça ferait dire.

  • Speaker #0

    Forcément.

  • Speaker #1

    J'étais un petit ermitage que j'ai construit, je ne sais rien du tout. C'est un truc en bois de 9 mètres carrés, pas loin.

  • Speaker #0

    Et donc, qu'est-ce que tu peux nous décrire justement ? C'est quoi la journée type d'un moine bouddhiste ?

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de journée type. Si on étudie... Alors... Alors je suis devenu moine beaucoup plus tard, après la mort de mon premier maître, à l'âge de 30 ans, parce que je vivais finalement comme un moine et que c'était plus simple d'être habillé en moine et d'apprendre des voeux, etc. Les pratiquants bouddhistes, il y a des pratiquants extrêmement assidus et sincères qui ont une famille, mais qui pratiquent plusieurs heures par jour, et bon, ça les regarde. Et puis il y a des ermites qui se retirent pendant parfois 20-30 ans dans les montagnes, dans des grottes, etc. et qui ne sont pas forcément des grands érudits. Et puis il y a des grands érudits qui font 10-15 ans d'études, qui deviennent docteurs en philosophie ou l'équivalent. Et puis après, parfois certains se retirent aussi dans un ermitage. Et puis il y a des monastères. Alors au début, je n'étais pas dans un monastère, j'étais auprès d'un maître spirituel. Lui, il avait une famille, ce n'était pas un moine. Donc il y avait un certain nombre de disciples tibétains autour de lui. Il y avait des ermitages, c'est un tout petit monastère on peut dire, mais il n'y avait pas de moine, une communauté monastique. Il y avait des ermitages dans la forêt autour. Par contre, le monastère où je vis maintenant, à Seychelles, il y a 600 moines. Et là, il y a une discipline monastique, il y a des cérémonies, etc. Moi, je suis un peu vieux, donc je suis dispensé de tout ça. Mais donc, c'est différent. Donc, la journée type est très différente si vous êtes en retraite solitaire pendant un an, deux ans, trois ans. J'ai fait cinq ans de retraite solitaire. Si vous étudiez à fond... Il y en a qui enseignent, il y en a qui font des pèlerinages, il y en a qui font des retraites, il y en a qui étudient du matin au soir. Mais c'est en gros une vie consacrée à ce chemin de transformation qu'est le bouddhisme, c'est-à-dire de passer d'être asservi aux causes de la souffrance, à une sorte d'addiction aux causes de la souffrance, on la répète inlassablement, à la liberté par rapport aux causes de la souffrance, à la liberté par rapport aux causes de la confusion. ou l'ignorance à la connaissance, donc c'est un chemin de transformation. Donc ça, ça peut se faire de toutes sortes de façons différentes.

  • Speaker #0

    Et quand tu dis que pendant 5 ans, tu as été en retraite solitaire ?

  • Speaker #1

    Ce n'était pas d'un seul coup, mais si j'ajoute les petits bouts, j'ai fait un an, 6 mois. Il y a des gens qui font des retraites, une retraite traditionnelle qui dure 3 ans, 3 mois, 3 jours. Ça, je ne l'ai pas fait comme ça, mais je l'ai fait généralement seul, dans mon petit ermitage, mais accompagné par mon maître. J'allais le voir de temps en temps, ou après sa mort, son fils venait m'enseigner. Si j'ajoute les petits bouts, J'ai passé cinq ans en retraite solitaire et j'ai jamais ressenti, on dit solitaire, j'ai jamais ressenti la solitude comme étant pesante. Parce qu'il y a deux sortes de solitude, vous pouvez sentir un profond sentiment de solitude dans une ville. Moi j'ai travaillé avec des scientifiques qui étudient la solitude aux Etats-Unis. Et en gros, les Américains moyens, il y en a 30% qui ressentent un instant sentiment de solitude au moins une fois par semaine. Et c'est très délétère, le sentiment de solitude, j'irais imposer, parfois on met mieux de la foule, ils ne voient pas moins de gens, mais il n'y a pas de lien, un sentiment d'appartenance, il n'y a pas de lien social, humain qui est enrichissant. Des gens sur qui on peut compter, des gens avec qui on peut échanger, avec qui on peut se confier. Donc ça s'accompagne de... moins bonne santé, moins soin d'eux, plus forte tendance à tomber dans des addictions, un raccourcissement même de l'expérience de vie, donc c'est très délétère. Par contre, il y a la solitude choisie et volontaire. qui est celui de, moi, quand je suis dans mon amitié, j'ai un sentiment d'appartenance totale avec l'ensemble de toute la beauté de l'Himalaya qui m'entoure, de tous les êtres chers. Je prie pour tous les êtres toute la journée. Ou même des amis photographes comme Vincent Munier ou Florian Ledoux qui sont pendant des mois dans le Grand Nord tout seuls allongés dans la neige. Ils ne se sentent pas seuls non plus. Ils se sentent un avec la nature, avec les animaux, avec l'univers. Donc, il y a une solitude enrichissante. Les gens disent, je voudrais un peu de moment pour être tranquille dans la nature ou même ailleurs, dans d'autres conditions. Souvent, je vois dans les villes, on est sur-sollicité par la foule. Tout ce qui se passe, c'est vrai que c'est un peu épuisant pour quelqu'un qui vit dans des conditions plus tranquilles.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et quand tu parles, du coup, je comprends qu'aujourd'hui, ça a été un chemin et que tu n'as plus ce sentiment de solitude. Mais j'imagine qu'au début, quand tu es arrivé, est-ce que justement, ça a été un peu dur de changer totalement d'écosystème ? Non. Ça a été naturel pour toi ?

  • Speaker #1

    Quand les choses sont... Quand tu passes un col, par exemple, ce qui est dur, c'est la montée. Les derniers mètres, au contraire, c'est super chouette quand tu passes un col à 5000 mètres.

  • Speaker #0

    Oui, tu es déjà sûr de ta décision quand tu es arrivé là-bas.

  • Speaker #1

    On découvre tout le paysage de l'autre côté. Ça, c'est génial. Et le point d'inflexion, ça prend 10 mètres. Donc, au moment où il faut arriver à une décision mûrie, pas tout casser, claquer les portes et tout casser. Donc, je n'ai rien cassé puisque j'avais publié mes papiers. J'avais pris congé de tout le monde. Ça a un peu surpris mon père, je dois dire. Mais bon, il s'en est remis. Et donc, c'était parfaitement mûr. Donc, moi, une fois que je suis parti là-bas, Paris, c'était une autre époque. Et je suis resté sept ans sans bouger de Darjeeling, de mon petit ermitage monastère.

  • Speaker #0

    C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Edouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de 10 ans. Il est composé d'une équipe, l'idée par Edouard et Marion, qui est issue de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, je peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code LESSAGE. Et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne. Donc là, tu arrives en haut du col et qu'est-ce que tu découvres derrière le col ? Un sentiment de sérénité ?

  • Speaker #1

    C'était à l'Argénie Grande Inde. Donc à ce moment-là, j'ai commencé vraiment à pratiquer intensément, recevoir des enseignements de mon maître au fur et à mesure de mes pratiques. Donc ça, c'est tout le chemin spirituel. Et ça, le chemin spirituel bouddhiste est très riche. Il y a des étapes. Chaque fois, on reçoit un enseignement nouveau. Et donc, voilà, il y a des textes. Il y a une grande richesse de textes philosophiques, contemplatifs, spirituels, d'instructions. Donc... on va décrire ça en quelques mots, mais il y a une progression, et au fur et à mesure, au moment approprié, on s'adresse à de nouveaux enseignements, on les met en pratique pendant quelques mois, on revient à recevoir des enseignements. C'est des exercices spirituels, c'est des textes sur lesquels on réfléchit également. C'est tout un taux de vie.

  • Speaker #0

    C'est un chemin passionnant. Et donc quelques années plus tard, quand tu as une trentaine d'années, tu deviens officiellement moine bouddhiste.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à un moment donné où j'étais avec mon deuxième maître, parce que mon premier a été mort en 1975. Et lui, il enseignait beaucoup. Donc là, il donnait un enseignement pendant quatre mois à 3 000, 2 000, 3 000 personnes. et lui c'était aussi un moine enfin c'était pas un moine, il avait également une famille mais à la fin de ses 4 mois d'enseignement il y avait un quelqu'un qui donnait les ordinations parce que pour donner les ordinations il faut être un moine parfait et puis mon premier aide m'avait demandé un jour si je devais me marier ou pas il m'a dit attends d'avoir 30 ans et après tu verras J'ai attendu d'avoir 30 ans. Et puis, à ce moment-là, j'avais effectivement 31 ans. Donc, je m'en suis ouvert à mon deuxième maître. Je lui ai dit, voilà, mon premier maître m'a dit ça. Moi, aller là ou là, ça m'est égal. Qu'est-ce que vous me conseillez ? Il m'a dit, voilà, je savais bien d'ailleurs qu'il y avait cet abbé qui venait pour donner des ordinations de moines. Il me dit, c'est très bien si tu prends des voeux monastiques. Alors, impeccable. Donc, j'ai pris des voeux monastiques. Pour moi, il y a des gens qui pensent qu'on se limite. Moi, ça a été une libération. C'est vrai que, pour possible le chemin que j'ai fait, vous avez une famille et des enfants. Si vous dites bonjour, au revoir, je vais faire trois ans de retraite dans la montagne, portez-vous bien, ça ne va pas. Je me sentais complètement libre, non pas égoïstement, mais de suivre mon chemin. Puis après, je me suis mis au service des autres. Donc à un moment donné, on avait 30 000 enfants dans les écoles qu'on a construites. Je ne sais pas enfanter, mais voilà, c'est un peu mes enfants d'un certain point de vue. Donc, je n'ai jamais senti le besoin d'avoir des enfants, mais j'ai tout le temps des enfants au monastère. Il y a des très jeunes qui étudient. Je vis constamment autour d'enfants, mais je n'ai pas besoin de... Je veux dire que je suis le père biologique.

  • Speaker #0

    Et quand tu fais tes voeux monastiques, du coup, est-ce que c'est un engagement à vie ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en Thaïlande, donc dans le bouddhisme, ce n'est pas toujours comme ça. En Thaïlande, c'est conseillé comme extrêmement vertueux de prendre des voeux, même pour une semaine, ou pour un mois, ou pour un an. pour un temps limité. Donc, au fil de l'histoire, le bouddhisme a un peu, pas énormément évolué, les principes de base, les enseignements des bouddhas sont les mêmes partout, il n'y a pas eu de schisme, mais pour, disons, la discipline monastique qu'on appelle le Vinaya, il y a eu quand même des évolutions. Donc, en Thaïlande, vous pouvez prendre des voeux pour une durée limitée. Dans le bouddhisme tibétain, qui appartient à une certaine lignée monastique qui est venue de l'Inde, c'est des vœux qui ne dépendent pas du temps des circonstances, c'est-à-dire je prends des vœux mais c'est en guerre, pas question ou du lieu, je prends des vœux en Inde mais quand je retourne en France c'est fini et donc c'est pour la vie, oui effectivement donc il faut bien réfléchir

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te dire et donc toi tu as été entre guillemets aidé aussi par ton maître qui t'a...

  • Speaker #1

    Si je n'aurais pas demandé, si je n'étais pas prêt ça ne sert à rien de poser des questions, si on n'est pas prêt à mettre les conseils en oeuvre Mais bon, pour moi, ça a été très libérateur. Je n'ai pas senti que je me mettais des chaînes. Pour moi, c'est une grande liberté. Et je n'aurais jamais mené la vie que j'ai faite si j'avais effectivement confronté une famille, ce qui est magnifique. Mais bon, ce n'était pas mon chemin. Ok,

  • Speaker #0

    super. Et donc, quelques années plus tard, donc là, tu es officiellement moine bouddhiste et tu rencontres du coup le Dalai Lama, qui est le représentant du bouddhisme tibétain, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, le Dalai Lama, donc... lui-même avait des maîtres, forcément, dont mon deuxième maître, Dego Kinserimoche, qu'il avait rencontré au Tibet. Et quand ils ont tous fui l'invasion chinoise, arrivant en Inde, il a demandé tout de suite est-ce que Dego Kinserimoche a réussi à sortir du Tibet. Donc, effectivement, il était arrivé par le Bhoutan. Il a d'ailleurs vécu la plupart de sa vie après au Bhoutan. Il est venu le principal maître spirituel au Bhoutan. Et donc, le Dalai Lama a souhaité le revoir et recevoir des enseignements de lui. Donc tous les ans, tous les deux ans, Dheergo Khyentse Rinpoche allait à Dharamsala en Inde, la haute ville d'Alailama, et pendant une dizaine de jours, il transmettait des textes, des enseignements, des initiations, des explications. Et donc, quand je suis devenu, disons, un proche disciple et presque un intendant, enfin, il avait deux moines avec lui tout le temps, qui veillaient sur ses besoins. Il était très âgé, donc moi, je dormais partir dans sa chambre la nuit. Je m'occupais de lui tout le temps. Et en même temps, je recevais tous les enseignements qu'il donnait. C'était formidable. Tu n'as pas besoin de demander d'enseignement. Il suffit que quelqu'un l'aie demande, j'étais là. J'ai tout enregistré. J'ai enregistré 400 heures d'enregistrement. À l'époque, j'avais un vieux magnétophone. Donc, quand il est allé la première fois, je suis revenu en France. Au bout de sept ans, je suis revenu avec lui. en 1980. Et au retour, il allait voir le Dalai Lama. Donc je suis allé dans une situation privilégiée, puisque j'accompagnais un des maîtres du Dalai Lama, ce qui m'a permis d'avoir tout de suite une relation, il était extrêmement gentil, enfin bienveillant à notre égard, puisqu'on était en gros les disciples de son propre maître. Ça a créé une relation d'intimité d'un certain point de vue, mais en même temps, le Dalai Lama, c'est une étoile. Disons, c'est... Oui, c'est le maître le plus respecté en général du bouddhisme tibétain. Mais attention, il n'y a pas de hiérarchie. Ce n'est pas un pape, il n'y a pas d'évêque en dessous, ni après des cardinaux. Il est respecté pour des raisons spirituelles. Donc quand il enseigne, il n'y a pas non plus, quand il donne des indications ou des conseils, il n'y a pas ensuite des gens qui vérifient si on met ça en application ou pas. Tous les monastères sont indépendants. Simplement, c'est la référence spirituelle. Pour toutes les écoles du bouddhisme tibétain, il est non sectaire, il a étudié, il enseigne, il y a quatre écoles principales qui se sont développées au fil de l'histoire. Et donc il voulait recevoir des enseignements de mon maître Dilgo Kansar Moshé, qui lui était particulièrement, comment dire, représenté, l'école la plus ancienne du bouddhisme tibétain, qui a fleuri au 8e et au 9e siècle. Et donc voilà, c'est pour ça que... Donc du coup, j'étais très proche de lui. Je le considère aussi comme mon maître. J'ai reçu des enseignements de lui. Mais ce n'était pas mon maître principal puisque je ne vivais pas auprès de lui. Et puis il s'est trouvé en 1989, alors qu'il allait recevoir le prix Nobel. J'étais à Paris, je ne sais pas pour quelles circonstances. Quelque chose comme ça, j'étais resté au bout de temps. et puis je vais le voir, et puis il me dit tiens, parce que t'es là, traduis pour moi, parce que normalement il parlait en tibétain, il fallait traduire en anglais, quelqu'un traduisait en français, donc ça faisait trois tours, ça prenait du temps, donc j'ai commencé à traduire pour lui, on a vu à l'époque, je ne sais pas qui, Jacques Chirac était maire de Paris, il a reçu le prix de la mémoire de Madame Mitterrand, et puis après il est revenu en 1991, et là il a enseigné en Dordogne pendant dix jours, Et là, c'est la première fois aussi que j'ai traduit pour lui, pour des enseignements compliqués, profonds, toute la journée. Parce qu'il est venu sur les lieux, j'étais là. Et il demande qui traduit. Il dit, c'est votre traducteur, on le mettra en français. Ben non, puisqu'il est là, Mathieu, il n'a qu'à traduire pour moi. Donc après ça, je suis devenu son interprète en français. Et aussi, je participais au rendez-vous avec les scientifiques, non pas en tant qu'interprète, mais en tant que participant. Donc, il y a une relation très proche. parce que c'est formidable de passer 10 jours dans son intimité, parce que là, en tant qu'interprète, on est là partout. Aussi bien on voit son comportement incroyablement bienveillant, humain avec la personne qui est dans le couloir dans l'hôtel, qu'avec un chef d'État, et je peux vous assurer qu'il ne fait pas de différence dans le sens d'un être humain qui rencontre un être humain. Donc il n'a aucun sens de ça, c'est un big shot, il faut faire attention. Moi je l'ai vu au Parlement européen, il y avait un déjeuner avec les représentants de 15 pays. Et donc il est arrivé dans la salle, ils étaient tous prêts pour le déjeuner. Il a vu les cuistots qui ouvraient la porte pour voir comment était le Dalai Lama. Il a vu qu'ils seraient peut-être contents de le voir. Il est parti dans les cuisines cinq minutes. Tout le monde était debout à l'attendre. Les ministres, les chefs d'État. Il est revenu en disant ça sent bon. Mais je l'ai vu faire ça plein de fois. Donc il est le même. Avec des gens les plus humbles, avec une personne malade à l'hôpital, avec quelqu'un qui rencontre sur une chaise roulante quelque part dans un aéroport, il lui prend les mains, il la regarde. Et avec les personnes éminentes, pour lui, ça ne fait pas de différence.

  • Speaker #0

    Et Mathieu, j'imagine que ce monsieur, il a un cheminement intellectuel autour de la bonté, de la gentillesse. Mais malgré tout, ça reste un humain. Est-ce que des fois, il s'énerve ou il est dur avec les autres ?

  • Speaker #1

    Un maître spirituel, ce n'est pas quelqu'un qui va être diplomatique avec votre ego, à quoi ça sert, puisqu'on veut s'en débarrasser. Mon maître, mon Kelsirine Boucher, pouvait être très sévère. Il n'y a pas de raison. qui me laisse faire tous mes traînaillés, je veux dire traînaillés dans le sens spirituellement. Si je me relâche dans ma pratique, non pas qu'il ne s'agit pas d'être intense et tendu, mais en gros il n'y a pas de raison qu'il vous laisse... C'est comme un capitaine de navire. Si le gars qui est à la barre, il dévie de 25 degrés sur le cap, il ne va pas le laisser faire pour être gentil. Ça ne sert à rien, ce n'est pas être gentil. Bien sûr. Donc, il met une immense bienveillance, mais pas pour vos défauts. Donc mon maître pouvait être très strict et du coup comme ils ont une présence assez formidable par leur présence spirituelle, donc c'est vrai que ça porte. Et encore une fois, il n'y a pas besoin de prendre des gants pour l'ego. Donc, l'idée, c'est de s'en débarrasser.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu penses, parce que j'imagine qu'il y avait aussi d'autres personnes qui avaient eu un cheminement intellectuel, pourquoi tu penses qu'il t'a choisi, toi, comme interprète pour le français ? Sachant que j'imagine que c'était vraiment...

  • Speaker #1

    Mes maîtres, ils m'ont accepté parce que je voulais les voir, en gros. J'ai été tout de suite très, très bien accueilli. Et puis ça n'a jamais posé, je n'ai pas demandé, est-ce que vous m'acceptez ? Ils ne m'ont pas dit, est-ce que tu veux être mon disciple ? Ça s'est fait naturellement. Le deuxième maître, je le connaissais donc, parce qu'il venait voir mon premier maître souvent. Et à un moment donné, au bout de sept ans, ils ont organisé en France, en Dordogne, au centre d'entraide de Chanteloup, la première retraite contemplée de trois ans, qui est traditionnelle au Tibet. Moi, je me suis dit, voilà, tous mes amis, les premiers qui sont venus en Inde rencontrer mes maîtres. Maintenant, ils vont faire une retraite. Ça fait sept ans que je suis là. Bon, c'est peut-être le moment de repartir. Et donc, ce deuxième maître, Khyentse Rinpoche, qui venait souvent à notre monastère, il est venu, je lui ai dit ça, et il m'a dit, tant que je suis en vie, reste auprès de moi. Ça, c'était le plus beau cadeau qui soit. Donc, je suis venu avec lui en France, puis je suis reparti. Et là, j'ai passé dix ans avec lui au Bhoutan. Et puis je l'ai accompagné jour et nuit pendant 13 ans. On est retourné au Tibet, il n'était pas rentré depuis 30 ans en exil. Il y avait à un moment donné 1000 cavaliers qui nous attendaient au passage d'un col. C'est un voyage absolument fabuleux. Ils n'avaient jamais vu un étranger dans l'est du Tibet, ils pensaient que j'étais indien. Donc ça c'était en 1985, c'était absolument incroyable. Et puis 10 ans au bout de temps, c'est un pays absolument fabuleux. Donc voilà, jusqu'à sa mort je l'ai accompagné. Et après, je suis resté au monastère de Sechen avec son petit-fils, comme je vous le disais, ce n'est pas un moine lui-même. Et maintenant, son petit-fils a 57 ans, c'est l'abbé du monastère. Et voilà, je l'ai vu grandir, je connais depuis l'âge de 8 ans. Et maintenant, je suis le plus vieux au monastère, donc tout le monde est très gentil avec moi. Ok,

  • Speaker #0

    du coup, excuse-moi, j'ai une question qui peut te paraître peut-être bête, mais je n'ai pas une culture énorme sur le bouddhisme. Comment ça se passe la succession du Dalai Lama ? Alors la question de la succession du Délama lui-même, c'est un fan de la démocratie. Déjà au Tibet, il voulait faire un système démocratique et non pas en mélangeant l'aspect religieux et le gouvernement. Il avait pensé faire une constitution, mais bon, les Chinois sont venus, il a dû fuir le Tibet. Mais en exil, il a tout de suite demandé à un jeune Tibétain qui étudiait le droit aux États-Unis et un groupe de... d'avocats internationaux du droit constitutionnel, qui venaient le voir, d'établir une constitution pour l'administration tibétaine en exil, ça s'appelle l'administration centrale tibétaine, parce que ce n'est pas un gouvernement en exil, parce que l'Inde a demandé que ça ne s'appelle pas comme ça. ils ont accueilli, et une constitution au cas où ils retournent au Tibet, où il y a une totale séparation entre le bouddhisme et le gouvernement, des élections démocratiques. Et en Inde même, la communauté exilée de Tibétains, il y en a 200 000, puis il y en a d'autres qui sont en étranger, ils ont aussi 50 députés élus pour les affaires courantes, de manière parfaitement démocratique, et le Dalai Lama n'influence rien à tous ces processus. Et donc, à un moment donné, il a même mis complètement séparé la fonction du DLMA de ses administrations en exil. Il a annoncé qu'on était à Toulouse. Il a dit, contrairement à la Révolution française, j'ai librement, fièrement et joyeusement séparé 400 ans où il y avait un peu une collusion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Donc en fait il est extrêmement démocratique. Donc si vous voulez ça se reflète aussi dans le fait que le bouddhisme n'est pas hiérarchisé, c'est un maître spirituel mais c'est pas un pape, et donc les monastères sont très démocratiques, tous les trois ans les postes de fonction changent.

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui Mathieu, tu es installé au monastère de Tchétchène, on dit ?

  • Speaker #0

    Tchétchène, oui.

  • Speaker #1

    Tchétchène, ok, au Népal. C'est quoi les grandes valeurs du bouddhisme ?

  • Speaker #0

    Les grandes valeurs ? La sagesse et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, c'est comme les deux ailes d'un oiseau. Un oiseau, il n'apprend pas à voler juste avec une seule aile. Donc il faut à la fois la sagesse, ça veut dire la connaissance, d'une part de la nature relative et ultime des phénomènes, la nature relative et ultime de l'esprit, de la conscience. Donc, l'analyse de l'interdépendance, comment les phénomènes apparaissent, quelle est leur nature ultime, est-ce qu'ils existent véritablement de façon solide, ou est-ce qu'ils apparaissent mais sont dénués de réalité propre, un peu comme sans faire d'amalgame, c'est un peu ce à quoi aboutit la physique quantique, quand on dit que la réalité n'est pas locale, que quelque chose peut être selon la façon dont on regarde une onde ou une particule, on ne peut pas dire que ça existe de façon solide. et intrinsèque comme une onde ou comme une particule, puisque ça peut être les deux, ce qui sont deux choses très différentes. Donc le bouddhisme a un peu cette approche-là. La réalité apparaît, mais elle est dénuée d'existence propre. Il n'y a pas des entités autonomes, permanentes et complètement indépendantes. Donc il y a une analyse de la réalité, une analyse de la nature de la conscience. Donc ça, c'est l'aspect, comment je dirais, analytique. et puis il y a une approche plus contemplative une fois qu'on a compris ça, essayer de l'intégrer par la pratique, par la méditation donc cet aspect de la connaissance est important parce que si on se trouve on est dans la distorsion de la réalité c'est dysfonctionnel c'est par exemple que je pense que les choses sont permanentes, autonomes et existe en elle-même et par elle-même, notamment le moi. Descartes disait que le moi est unitaire, permanent et autonome. Alors ça, c'est... Qu'est-ce qui se passe ? Donc, on veut le protéger, on veut le satisfaire. Donc, attraction, répulsion, donc, animosité, désir, obsession, jalousie, orgueil, tous ces poisons mentaux qui mènent à quoi ? À la souffrance. Ça se manifeste à cause de cette dichotomie qu'on a créée intellectuellement. Alors que si on regarde... on ne trouve pas ce noyau central. Parfois, on dit, il m'a poussé, donc là, on l'associe au corps. Parfois, on dit, vous avez blessé mes sentiments, donc c'est les sentiments. Mais vous dites, mes sentiments, donc il y a un propriétaire des sentiments et du corps qui serait séparé. Donc, plus on cherche, moins on trouve cette entité-là. Et ce n'est pas simplement... une sorte de démarche intellectuelle, parce que comme je vous dis, ça a des conséquences, comme je te dis, ça a des conséquences qui mènent à la souffrance ou à la liberté. Parce que si on n'est pas accroché à cet égo, on est beaucoup plus libre que quelqu'un qui réagit constamment en fonction de son égo, et de moi et le monde, moi et les autres, de façon comme si ils étaient fondamentalement séparés. Donc cette analyse, c'est la sagesse. Et la bienveillance, c'est de s'apercevoir que beaucoup d'êtres souffrent. Ils aspirent au bonheur parce que personne ne se réveille le matin en se disant qu'ils se souffrent toute la journée. Mais souvent, on dit qu'ils tournent le dos à cause du bonheur. Donc il y a une confusion entre leurs aspirations et leurs actions et leurs pensées. Donc face à ce drame, on peut dire, on peut éprouver un grand souhait que puisse-t-il être libéré de la souffrance. Donc ça c'est la définition de la compassion Puissent les êtres être libérés de la souffrance C'est des causes de la souffrance Ça procède de la bienveillance Mais c'est tourné vers la souffrance Et donc de ce fait On se dit si c'était impossible de s'en libérer À ce moment-là vaut mieux que tout le monde se relâche On prend une bonne bière, on va à la plage Il ne faut pas se préoccuper de la souffrance Si la souffrance est imposée par une entité quelconque, qui était sans cause, imprévisible et on ne peut rien y faire, mais s'il y a des causes et des effets, des conditions, si on participe à ces causes par nos poisons mentaux, etc., c'est comme, il ne vaut mieux pas ignorer si quelqu'un est malade. Moi, je ne veux pas aller voir le docteur parce que je n'ai pas envie de savoir que je suis malade, même si vous êtes condamné. Il vaut mieux savoir et voir s'il y a un traitement. Donc l'idée, ce n'est pas pessimiste, on dit le bouddhiste, la souffrance, la souffrance, mais c'est comme si on disait, les hôpitaux, ce n'est pas bien parce qu'il n'y a que des gens malades. Donc c'est un grand hôpital le Samsara, parce qu'on est malade de beaucoup de choses. mais comme les causes de la souffrance sont par nature impermanentes, parce que rien ne dure, donc on peut y remédier, donc il y a une possibilité d'y remédier, donc ça vaut la peine, et du coup il y a un chemin pour mettre en cause, en action, tous les moyens qui permettent de remédier à la souffrance. Donc ça s'appelle les quatre nobles vérités, c'est le premier renseignement du Bouddha, oui la souffrance il faut la reconnaître, et non pas détourner le regard, analyser ses causes parce qu'elles sont... multiples causes et toutes changeantes et changeables. prendre conscience qu'on peut y remédier et ensuite, la voie, c'est mettre en œuvre les remèdes. Donc, si on va voir un médecin qui vous donne un traitement et on ne met pas l'ordonnance sous l'oreiller, on la met en pratique et donc, ça aboutit à une libération de la souffrance.

  • Speaker #1

    Quand tu parles de souffrance, moi, ça me fait penser, par exemple, être triste, potentiellement avoir des idées négatives, c'est ça que tu mets derrière la souffrance ?

  • Speaker #0

    La souffrance, c'est multiforme. Il y a les souffrances évidentes, D'abord, il y a la souffrance de la maladie, il y a la souffrance de l'agonie, il y a la souffrance physique, il y a la souffrance de la séparation, d'être séparé de ce qui vous est cher, d'être confronté à ceux qui vous font du tort. Il y a mille formes de souffrance. Mais il y a aussi une souffrance du changement. C'est-à-dire, on va à un pique-nique joyeux et puis un enfant est mordu par un serpent. Donc, tout était bien, mais brusquement, ça change. On a tout va bien, puis on apprend qu'on a une maladie grave, ou on est viré de son job. Et puis il y a la souffrance, donc c'est le deuxième type de souffrance qui est lié au changement. Et là, le vieillissement, les choses se dégradent. Et puis c'est peut-être pour le bon, le changement, quand ça va mal, ça peut parfois aller mieux. Et il y a la forme la plus subtile. ce n'est pas le mal dedans, etc. C'est ce qui est lié justement à l'ignorance, parce qu'on n'arrête pas de perpétuer, de répéter les schémas de la souffrance. C'est la plus profonde. Et tant qu'on n'a pas remédié à ça par la connaissance, les poisons mentaux vont ne cesser de ressurgir. La jalousie, l'orgueil, l'animosité, parce que ça naît d'une compréhension distordue du monde, de la réalité, de soi-même et des autres.

  • Speaker #1

    Si je reviens sur un mot que tu as utilisé, le mot égo, moi, c'est un mot qui, en toute transparence, je ne l'ai pas encore tout à fait compris.

  • Speaker #0

    L'égo, c'est un mot français, mais on dit plutôt l'entité du moi. Ce qu'on associe. Par exemple, moi, je pense que, je me rappelle, j'ai un petit enfant. Après, j'ai grandi. Maintenant, je suis un petit vieux. Mais j'ai l'impression que c'est toujours moi. Ben non.

  • Speaker #1

    Ça veut dire quoi, c'est toujours toi ?

  • Speaker #0

    Mon corps a changé à chaque instant, il continue d'ailleurs. Pas pour le meilleur, pour ce qui est de gravir des montagnes notamment, ni pour la mémoire. Mes expériences, c'est un flot continu et dynamique d'expériences. Donc chaque moment, on vient de rencontrer des personnes, je parle avec toi, je ne sais pas ça, il y a une heure. Donc c'est nouveau tout ça. Ça fait partie maintenant de mon histoire. Donc c'est un flot dynamique d'expériences. Mais... Il n'y a pas, si on cherche, il n'y a pas, justement, je disais, il m'a poussé, donc ça c'est le corps. Il m'a blessé, mes sentiments, donc ça c'est l'esprit. Mes sentiments, tout ça. Donc si on cherche, on ne trouve nulle part cette entité moi. Elle n'est pas localisée dans le cœur, elle n'est pas partout dans le corps. Si on perd ses jambes, alors on perd la moitié de l'ego, mais pas du tout. On a le même ego, mais avec 100, on est un cul de jatte. Donc en gros, si je me réveille et que je me vois comme un ours, j'ai toujours un ego, mais je me dis brusquement que je suis devenu un ours, c'est bizarre, ça me déconcerte. Donc il y a ce sentiment d'un moi qui serait unitaire, permanent. Et ça, c'est un source de problème. Donc si on l'analyse, on s'aperçoit. Alors ce n'est pas mauvais de penser ça, parce que c'est pratique. On dit que c'est une illusion utile. parce qu'il faut bien fonctionner, il faut bien avoir un nom, on est différent des autres, on n'a pas la même histoire. Donc c'est un peu comparé à un fleuve. La Seine, ce n'est pas pareil que le Mississippi ou le Gange. Mais il n'y a pas, on n'a jamais vu dans la Seine ou dans le Gange, une petite tête qui sort, n'oubliez pas que le Gange, c'est bien moi. C'est-à-dire, encore une fois, une unité. qui se déplacent au fil du temps. Le noyau, que parfois on appelle l'âme, ou les hindous appellent l'atman, pour eux, c'est une entité autonome et permanente. Dans le bouddhisme, on dit que c'est un flot en constant de transformation. Et ce n'est pas, encore une fois, juste une curiosité intellectuelle, parce que ça a des conséquences. Parce que si on s'agrippe à ça, ça mène à la souffrance. Si on s'aperçoit que oui, c'est un nom qu'on attache à un phénomène qui change constamment. C'est OK, ça. Mais on ne dit pas, oui, il y a un moi au fond, c'est vraiment moi, c'est ça, le cœur de mon être, c'est mon essence profonde. Alors là, on a des problèmes. Si on n'avait pas de problème, ça ne serait pas grave si c'était juste un concept philosophique. Mais il y a des conséquences. Donc, le bouddhisme réfute ça par la logique. Et le plus, alors, on voit les super-égaux, il ne faut pas aller chercher très loin. Regardez, aux Etats-Unis, c'est un monde de super égaux. Les résultats, ce n'est pas très encourageant. J'avais un ami qui est un grand psychologue, Paul Ekman. Et après avoir beaucoup de rencontres avec le délama, il dit que ce serait intéressant d'étudier les gens qui ont un égo transparent. Le délama, par exemple. Ce n'est pas du tout des légumes. Ce ne sont pas des gens ennuyeux. Au contraire, ils ont une grande effervescence de présence. Une fois, pendant une réunion, on lui a venu d'apprendre qu'un enfant était mordu par un chien enragé. Il avait les larmes aux yeux. Puis après, il rit. Donc, il est extrêmement vivant et tout.

  • Speaker #1

    Il n'a pas d'émotions.

  • Speaker #0

    Il n'a pas ce sentiment, disent les Chinois, ils disent que je suis un serpent habillé en moine, aucun sens. D'autres, ils disent que je suis un dieu vivant, aucun sens, je suis un simple moine bouddhiste. Donc, il ne s'attache pas à une image, à tout ce qui fait, tout ce que secrète la notion d'ego. En gros, il y a une façon saine de voir. Il y a le moi, bien sûr, on se réveille le matin, j'exige, j'ai faim, j'ai froid. Aucun problème. Il y a notre histoire, c'est le fleuve. Aucun problème. Ça, c'est l'histoire de la personne. Mais ce concept d'une entité autonome qu'on retrouve dans beaucoup de religions, l'âme, l'atman, les hindous, ça, pour le bouddhiste, c'est un problème.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour tous ces partages si on revient sur la méditation depuis quelques années en France on en parle de plus en plus moi j'ai été petit pratiquant j'ai même fait une retraite alors dans un temple à côté d'un temple en Thaïlande qui s'appelle le Dhammakaya Setiya je sais pas si ça te parle en 2018 donc je fais partie de ces jeunes entre guillemets qui ont découvert la méditation est-ce que toi tu peux nous en parler et nous dire surtout les bienfaits de la méditation

  • Speaker #0

    Oui, alors médecine, c'est un grand mot, mais c'est très vague. Parce qu'en vrai, ça veut dire entraînement. Bhavana, en sanskrit, ça veut dire cultiver. En tibétain, gourme, ça veut dire se familiariser avec quelque chose. Donc, vous dites, je m'entraîne. Bon, c'est bien, mais qu'est-ce que tu fais ? Je joue au rugby, ping-pong. des échecs, tu entraînes à quoi ? Ah ben non, je m'entraîne. Ça n'avance pas à grand-chose. Dans la méditation, c'est pareil. D'ailleurs, les étudiants en neurosciences ont montré que chaque type d'entraînement a une signature différente dans le cerveau. Si vous entraînez à ce qu'ils font beaucoup au Rhin-Occident, ce qu'on appelle la pleine conscience, en fait, c'est l'attention. L'attention, c'est un outil. L'attention, c'est un outil indispensable, mais ça ne suffit pas. On n'atteint pas à l'éveil avec juste l'attention. Donc, l'attention mobilise certaines aires du cerveau notamment, qui sont spécifiques pour l'attention. Maintenant, si vous cultivez, vous méditez, encore une fois, la bienveillance. tous les êtres, puissent tous les êtres être heureux. Même les pires, la haine, l'indifférence, la cruauté qui habite leur esprit, on peut souhaiter que ça s'en aille, non ? Ça serait bien, si les dictateurs c'est des dictateurs. On peut le souhaiter. On peut souhaiter que... Le système, l'éducation, le milieu environnement qui a amené ces personnes finalement au pouvoir que ça change au fil du temps. On peut souhaiter ça. Donc c'est bienveillant par rapport à dire si je le vois, je lui écrabouille la cervelle.

  • Speaker #1

    C'est constructif.

  • Speaker #0

    c'est bien mieux c'est comme un psychiatre qui voit un malade fou furieux il va commencer peut-être par le maîtriser s'il faut, mais après ça il ne va pas prendre un gourdin pour le zigouiller il va voir, est-ce que je peux le guérir ou pas et s'il peut le guérir, tant mieux il l'empêche de se nuire à lui-même et de nuire aux autres il lui donne des médicaments ou n'importe quoi mais il ne va pas dire, bon c'est un être impossible, donc on s'en débarrasse, non on essaye donc c'est ça la bienveillance, donc ça si vous voulez

  • Speaker #1

    Donc ce que tu veux dire, c'est que dans la méditation, il y a aussi une thématique qui est la bienveillance.

  • Speaker #0

    Donc on peut cultiver la bienveillance. Alors pour ça, qu'est-ce qu'on fera ? C'est comme quand on navigue, on ne va pas apprendre à naviguer un jour de tempête avec force 12. On va apprendre un jour de beau temps avec un petit bateau, un instructeur. Et puis après, petit à petit, on peut naviguer dans les grandes tempêtes. Donc c'est pareil. On ne peut pas commencer à méditer sur la bienveillance pour, je ne sais pas, Bachar el-Assad ou Poutine ou compagnie. Donc, on va commencer à penser à un être cher, un enfant, un conjoint, un parent, quelqu'un qui vous est très très cher. Cette personne vers laquelle vous n'avez aucun mal à lui souhaiter tout le bien du monde. Puisque cette personne est heureuse, s'épanouit, puis ses aspirations dans l'existence se réalisent, puis qu'elle est épargnée par des maladies et des souffrances. Vous remplissez votre visage mental de bienveillance. Et puis qu'est-ce qui se passe ? Des fois ça nous arrive pendant 10 secondes, mais on passe à autre chose. Là non, vous ne passez pas à autre chose. Vous maintenez cet état qui emplit votre paysage mental. S'il décline, vous le ravivez. Si vous êtes distrait, vous y revenez comme un papillon qui revient sans sa fleur. Donc vous surveillez votre état pour maintenir le plus clair, présent, intense dans le sens de à son point optimal, pas en moitié endormi, de sorte que ça se maintienne sur 10 minutes, une demi-heure, deux heures. Et on sait, aussi bien par l'expérience des contemplatifs, maintenant dans le bouddhisme de 2500 ans, que depuis une trentaine d'années, l'étude en neurosciences sur la neuroplasticité, que si vous faites quelques jours régulièrement, tous les jours pendant un mois, 30 minutes par jour, que ce soit apprendre à jouer au ping-pong ou autre chose, Déjà, en un mois, on voit que votre cerveau change, non seulement fonctionnellement, mais structurellement. Donc, plus vous en faites, plus ça change, plus les changements sont stables et importants. Donc, voilà. Donc, si vous voulez, si tu veux, la collaboration entre des contemplatifs et des neuroscientifiques a simplement corroboré le fait... que l'entraînement, ça vous transforme, et que plus on en fait, plus ça vous transforme, et plus c'est stable, et ça résiste aux circonstances, les hauts et les bas de l'existence. Donc à un moment donné, on arrive à un état où on a confiance qu'on peut gérer les hauts et les bas de l'existence. Ça ne veut pas dire qu'on ne sera pas triste ou joyeux. Il y a des hauts et des bas, forcément. Si quelqu'un meurt, ou si on voit un témoin d'un massacre, on ne peut pas être en joie. Donc la tristesse n'est pas incompatible avec un état de... comment dire, manière d'être qu'on peut appeler le bien-être, être bien au fond de soi parce que même devant la tristesse, on peut avoir de la résilience, de la détermination à remédier aux causes de la souffrance, donc de la compassion, de la bienveillance, de la force d'âme, d'être tourné vers les autres au lieu de tout le temps tourner vers soi. Donc tout ça, ça reste, même devant la tristesse. Donc, l'endroit où on revient avec les hauts et les bas peut changer. Si vous êtes un peu au fond du trou, vous avez toujours des hauts et des bas, beaucoup de bas et pas beaucoup de hauts, mais vous êtes déjà assez bas comme ligne de base. Puis à un moment donné, il y a toujours des hauts et des bas, mais votre ligne de base moyenne, c'est-à-dire quand il ne se passe rien, votre mode par défaut, on dit en neurosciences, il est différent. Et c'est ça qui est une véritable transformation. Donc, les scientifiques distinguent les émotions. qui durent quelques secondes. On peut être en colère encore et encore, mais l'émotion qui s'exprime par un ton de voix, des muscles du visage, qui sont très différents selon la colère, la tristesse, le dégoût, le mépris, etc., ça ne dure pas longtemps. Il y a un état physiologique aussi. Ça peut revenir, mais en gros, une émotion très forte, ça dure 5-6 secondes, puis encore une fois, ça peut revenir. Ensuite, il y a des humeurs. C'est là que vous, vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes triste, vous n'êtes pas motivé, au contraire, très joyeux, quoi qu'il arrive. Il y a des traits de caractère qui sont beaucoup plus stables et difficiles à changer. C'est un peu comme un parchemin qui a été longtemps roulé. vous les laissez sur la table, vous lâchez les mains, ils se renroulent de nouveau. Mais si vous faites ça beaucoup de fois, il finira par rester plat. Donc ça, les effets de la méditation, c'est pour changer justement les choses qui ne changent pas facilement. vos tendances, vos traits profonds et se libérer des tendances qui mènent à la souffrance. Alors ça, c'est le vrai but de la méditation. Ce n'est pas juste de s'asseoir sur une chaise, de sentir son derrière sur la chaise, d'observer sa respiration. Oui, bien sûr. Si vous n'avez pas cultivé l'attention de la pleine conscience, vous ne cultiverez pas la compassion. Votre esprit va vagabonder pendant une demi-heure autour du monde. Vous allez faire un rêve éveillé et vous n'allez cultiver rien du tout. Donc, il faut que l'esprit soit stable et clair. Donc ça, c'est le but de ce qu'on appelle la pleine conscience. Après ça, Il faut se servir de cet outil pour cultiver des qualités humaines fondamentales. La principale étant l'amour altruiste et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, ça me paraît un super outil et si je peux te partager une petite expérience personnelle moi en fait aujourd'hui j'ai une trentaine d'années jusqu'à 27 ans j'ai eu la chance d'avoir une vie avec des émotions qu'on appellerait plutôt positives mais on pourrait en parler je sais pas si tu les nommes comme positives mais autour de la joie, etc et j'ai vécu une dépression et la méditation justement m'a aidé à comprendre aussi que c'était passager comme je n'avais pas vécu énormément d'émotions plutôt autour de la tristesse, etc. Oui, bien sûr. Ça m'a vraiment aidé à donner, enfin, comme tu disais, on n'y pas en fait la réalité, on n'y pas les émotions. Par contre, ça donne une espèce de force et de conviction qu'en fait, après une tempête, il peut y avoir du beau temps.

  • Speaker #0

    Oui, et alors justement, il y a une approche qui s'appelle la... Comment ça s'appelle ? La Thérapie Cognitive. Les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience qui sont utilisées pour la dépression. C'est un entraînement qui dure quelques mois. qui ont été développés par Zinder Seagal, Teasdale et plusieurs personnes. Maintenant, ça fait 30 ans, et maintenant on sait, il y a des études scientifiques, que c'est un peu utile au fond de la dépression, mais c'est surtout pour les gens qui ont eu une ou deux dépressions, pour prévenir les rechutes. Et là, ça... ça prévient les rechutes, ça évite les rechutes dans 40% des cas. C'est aussi efficace que la médication. La médication, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre des médications, mais l'avantage, c'est qu'une fois qu'on a fait cet entraînement, ça perdure. Tandis que les médicaments, si vous arrêtez, ça s'arrête. Donc, on peut combiner les deux selon les besoins. On peut faire ça à la légère, il faut suivre un médecin qualifié. Mais pourquoi ? Parce que... La dépression s'accompagne notamment d'énormément de ruminations du passé. Donc ça revient, ça revient, ça revient. On est très centré sur soi. On anticipe le futur de façon très noire. Donc on n'a plus envie de rien faire. Tout va de travers. Il y a un très beau livre de Andrew Salomon, qui s'appelle en français, je ne sais pas comment ça s'appelle. En anglais, c'est de Nun de dimon C'était traduit en français. Il décrit parfaitement ça. Il dit qu'on ne peut plus ni ressentir de l'amour, ni le donner. Il y a toutes sortes de choses. Donc, les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience, qui allient les thérapies cognitives à la pleine conscience, s'adressent justement à mieux comprendre ces petits mécanismes qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, et qui font qu'on est prisonnier de ces enchaînements mentaux, qu'on n'a même plus envie de mettre le pied par terre. Donc, c'est extrêmement efficace pour empêcher les rechutes.

  • Speaker #1

    C'est un super outil, comme tu le disais, parce que je pense que ça rend autonome et ça donne de la confiance à la personne par rapport à un médicament, comme tu dis, qui finalement...

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'une fois qu'elles ont compris ça, elles peuvent le mettre de nouveau en application. Tout à fait. Donc ça, ça marche.

  • Speaker #1

    Et ça m'intéresse du coup de comprendre aussi, justement, est-ce que tu as un avis sur les médicaments, les antidépresseurs, les anxiolytiques ? Est-ce que pour toi, c'est OK pendant un temps ? Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #0

    Ce qu'on sait déjà, c'est que c'est très difficile de prescrire les bons médicaments. Tout à fait. Il faut parfois les changer et qu'il faut vraiment voir des spécialistes et pas un médecin généraliste aussi bon soit-il. Le problème, et moi j'ai travaillé avec Richard Layard en Angleterre, qui a fait évoluer considérablement le financement des maladies mentales, parce que l'OMS a montré, si on compte le nombre de jours où nous sommes incapacités dans la vie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas rien faire, qu'on ne peut pas travailler, on ne peut pas fonctionner normalement. Si vous avez un cancer ou une caisse cardiaque, vous survivez ou non, ça ne dure pas 40 ans. Donc le nombre de jours dans une vie où on est incapable de fonctionner normalement, c'est 40% dû aux problèmes mentaux. La dépression, parce que ça dure très longtemps, évidemment l'Alzheimer, la schizophrénie, mais la dépression a un rôle très important. Bien que ce soit 40% des jours d'incapacitation dans la vie, en Angleterre notamment, cet ami Richard Layard, qui est un Lord, s'est aperçu qu'il n'y avait que 10% de financement. Parce qu'on se dit, écoutez, vous n'avez qu'à vous prendre en main. Il y a une sorte de stigma aussi. Si on dit que vous avez le diabète, oui, il faut le prendre médicament. Mais vous êtes déprimé, écoutez, on m'y joue un peu. Alors qu'en fait, c'est beaucoup lié au transmetteur neurochimique du cerveau, à la rumination. Il y a quand même des causes. et on est aussi malade qu'on est malade avec le diabète. Donc voilà, il faut financer davantage pour qu'il y ait suffisamment de gens formés. Parce qu'encore une fois, un médecin généraliste, il est généraliste, mais là, c'est beaucoup plus spécifique.

  • Speaker #1

    et c'est vrai que c'est une très bonne chose de combiner ça aux thérapies cognitives basées sur la pleine conscience tout à fait on a parlé des émotions moi j'ai envie de te poser comme question parce que souvent on dit qu'il y a des émotions positives et des émotions un peu plus négatives positives comme la joie par exemple et négatives comme la colère ou la tristesse est-ce que pour toi justement il y a des émotions positives ou négatives est-ce que ce n'est pas une erreur justement d'avoir une perception positive et négative il y a deux points de vue

  • Speaker #0

    Donc, il y a le point de vue de l'évolution. Ça, justement, mon ami Paul Ekman. Et du point de vue de l'évolution, chaque émotion est apparue à une raison d'être. Donc, la colère, par exemple, chez un enfant ou chez des gens, c'est pour surmonter un obstacle qui se présente. Il faut être très énergique et le faire rapidement. Et notamment, si on prend un jouet à un enfant, on l'empêche de faire ce qu'il veut. C'est un obstacle, donc il réagit fortement. La jalousie, a priori, du point de vue de l'évolution, c'est pour maintenir la cohésion du couple. pour qu'il faut élever des enfants, il vaut mieux que les parents restent ensemble, sinon la survie des enfants, surtout à l'époque où l'homo sapiens s'est apparu, c'était important. Si à chaque fois les mères se retrouvaient toutes seules, la survie serait beaucoup diminuée. Donc chaque émotion a une raison d'être. Elles ne sont pas mauvaises dans ce sens-là. Alors, on a fait d'ailleurs un article dans une revue scientifique avec Paul Ekman, Richard Davidson et une autre personne, sur la comparaison entre ce qu'on appelle positif-négatif dans le bouddhisme et en psychologie. En psychologie, il parle d'émotions négatives quand on veut s'éloigner de quelque chose. On ne peut pas voir ça, un sentiment de répulsion, on veut éloigner la personne qui vous embête. Le positif, c'est d'aller vers quelque chose. Ça peut être aussi l'obsession. Pour nous, ce n'est pas positif. C'est simplement on va vers ou on s'éloigne d'eux. Donc ça, c'est juste une classification. Mais dans le bouddhisme, on ne parle pas de positif. Enfin, le moral, c'est assez mal d'être en colère. C'est négatif parce que ça apporte de la souffrance. Personne n'a jamais été absolument en extase de sérénité, en étant plein de haine, de jalousie, qui vous ronge du matin au soir, ou de l'orgueil qui vous fait voir tout le monde comme des crétins et vous pensez que vous êtes un type fantastique et que ça ne correspond pas à la réalité, donc vous finissez par vous casser la figure. Tout ça, ça apporte de la souffrance. Dans ce sens-là, c'est négatif pour le bouddhisme. La joie, la bienveillance, la persévérance, la fortitude, la résilience, on considère ces états mentaux positifs parce qu'ils contribuent à un meilleur être plutôt que de miner le bien-être. Donc c'est dans ce sens-là, ce n'est pas un truc moral, c'est très mal d'être en colère, c'est très vertueux si vous êtes bienveillant, c'est les résultats. D'ailleurs l'éthique bouddhiste est basée sur ce que ça fait en termes de souffrance ou de bien-être. Ce n'est pas la motivation. C'est la motivation, ce n'est pas l'apparence de l'acte. Une mère qui pousse violemment son enfant parce qu'il va se faire écraser par une voiture, c'est violent en apparence, mais elle est motivée par la bienveillance. Un gars qui vous fait des grands sourires et qui vous pique votre portefeuille, il est tout sourire, mais son sourire est malveillant. Donc, sans se fier aux apparences, ce qui compte, c'est la motivation, c'est ça qui colore l'acte. donc voilà, les résultats c'est en termes aussi bien pour l'éthique que pour les émotions c'est quel est le bien et le mal que ça fait à vous même et à autrui ok,

  • Speaker #1

    juste pour continuer sur les émotions il n'y a pas longtemps j'ai vu quelque chose qui s'appelle la roue des émotions, on voit des dizaines d'émotions qui existent et moi encore une fois pour être transparent avec toi je ne me ressens pas ces dizaines d'émotions là, est-ce que chacun est différent ou j'arrive pas à le percevoir encore ?

  • Speaker #0

    je ne sais pas qui a fait ça mais en gros les psychologues Les scientifiques reconnaissent six ou sept émotions de base, notamment ce pour Lechman et bien d'autres. Ils ont montré que contrairement à d'autres théories, culturelles, notamment Margaret Mead et d'autres, ils ont montré que c'était en fait... commun à toute l'humanité. Il a amené des photos d'émotions d'étudiants américains en Papouasie. Et le dégo, il leur montrait la photo du dégo. Ils disaient, ah oui, c'est quand on voit quelque chose de sale ou n'importe quoi, la joie. Donc, en gros, les émotions de base, c'est la joie, la tristesse, la colère, le mépris, le dégoût. la surprise.

  • Speaker #1

    Et la peur, non ?

  • Speaker #0

    La peur, oui, bien sûr. Oui, bien sûr, la peur. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce que vous montrez des images, ça, c'est la joie. Vous montrez un psychopathe. Ces émotions, ils ne reconnaissent pas la peur. Et s'ils savent dessiner, ils sont incapables. On leur dit dessiner la peur. Ils dessinent toutes les autres émotions, mais pas la peur. S'ils ont quelque chose dans le cerveau avec les amygdalas qui ne marche pas. C'est pour ça d'ailleurs qu'ils n'ont aucune empathie affective et qu'ils peuvent découper des gens en morceaux. Pour ça, c'est très bien. Donc voilà, ces émotions de base-là sont universelles. Il y en a d'autres aussi qui sont... Elles sont universelles parce qu'il y a une expression faciale. On a 256 petits muscles. Et pour Leckman, il vous dit tout de suite quels muscles sont appliqués. Il vous fait d'ailleurs prendre... Il fait ça, puis il vous fait prendre tous les muscles. Qu'est-ce que tu ressens ? Et vous ressentez le dégoût ou le mépris. Donc, c'est très intéressant. Il y a aussi un truc physiologique. Donc, elles ont une réponse physiologique. ça affecte le ton de la voix et parfois la posture corporelle. Donc quelqu'un qui est bien entraîné reconnaît très facilement les émotions. et les enfants qui sont un peu aveugles aux émotions, ça pose des problèmes relationnels très importants. Donc, j'en ai quelqu'un aux États-Unis, Mark Grimberg, qui fait éducation émotionnelle, intelligence émotionnelle. Donc, quand les enfants ne savent pas très bien, quand ils ne reconnaissent pas les émotions des autres, c'est souvent parce qu'ils ne reconnaissent pas leurs propres émotions. Donc, ils ont des cartes avec ces émotions de base, et quand ils reçoivent des émotions, ils veulent montrer la carte. Ça, c'est la colère, ça, c'est la peur, ça, c'est la tristesse. Et en quelques mois... ils deviennent beaucoup plus... L'alphabétisation des émotions et les rapports avec les autres changent complètement. C'est très important de bien identifier nos émotions, celles qui minent notre bien-être et celles qui au contraire le magnifient. Et celui des autres, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et moi, ça m'a vraiment interpellé. Au-delà de ces sept émotions, toutes les émotions possibles, est-ce que le bouddhisme, et plus précisément la méditation, peut aider justement à reconnaître... Oui,

  • Speaker #0

    alors d'abord, il y a un aspect théorique. Le bouddhisme a des traités entiers. sur les 51 événements mentaux de base, qui sont décrits en très grand détail.

  • Speaker #1

    51 événements mentaux ?

  • Speaker #0

    Oui, des émotions, mais aussi des états mentaux cognitifs. Et puis, il y a des broches à tout ça. Donc, il y a des traités entiers sur la taxonomie des états mentaux. Et ça fait partie des études qui s'appellent l'Abhidharma. Et en même temps, quels sont les antidotes ? quels sont ceux qui sont neutres, quels sont ceux qui sont constructifs, quels sont ceux qui détruisent. Et donc, voilà, la psychologie bouddhiste est extrêmement riche. D'ailleurs, dans ces rencontres de Man and Life, une fois, on était au MIT de Boston, et il y avait une série de dialogues où il y avait un bouddhiste et un scientifique. Moi, j'étais en paire avec Stephen Kosselin, qui à l'époque avait la chaire de psychologie à Harvard. On avait pas mal interagi avant ça. Il a commencé sa présentation en disant je voudrais rendre hommage à la masse de données expérimentales que les méditants bouddhistes apportent dans le champ de la psychologie contemporaine par tous ces siècles d'investigation de la façon dont fonctionne l'esprit Pour te dire, il y a des traités de la perception de 150 pages qui datent du premier siècle. Il y avait vraiment une séance de l'esprit.

  • Speaker #1

    Et dans ces événements mentaux, j'imagine que du coup, comme tu as beaucoup médité, tu en as vécu, est-ce qu'il y en a des particuliers qui t'ont marqué ?

  • Speaker #0

    C'est comme voir des paysages. Non, mais l'idée, c'est encore une fois... de peu à peu éroder ceux qui provoquent la souffrance de soi-même et d'autrui, et de cultiver, justement, c'est ça le but de la méditation, ceux qui contribuent au bien d'autrui et au sien propre. C'est ça un des buts de la méditation, bien sûr. Ok.

  • Speaker #1

    J'ai lu en préparant l'interview que, justement, tu as médité pendant des milliers d'heures, et qu'on avait analysé ton cerveau, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Je ne suis pas le seul, mais j'étais un des premiers à se faire des rencontres Mind Life sur les émotions destructrices. L'idée, le DMA a demandé au milieu de la semaine, ça a duré cinq jours, c'est très bien tout ce qu'on dit, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour la société ? Donc les scientifiques, on s'est réunis à midi, on a dit, on pourrait faire un programme de... scientifiques de haut niveau, parce qu'avant, il y avait eu pas mal de recherches, il y avait des trucs un peu vaseux, donc c'était pas très rigoureux scientifiquement, et puis avec des militants un peu n'importe comment. Donc là, on avait les meilleurs scientifiques du moment dans ces domaines, en neurosciences, en psychologie, et des militants qui avaient fait entre 30 et 50 000 heures de méditation. Donc, on s'est dit, si on trouve quelque chose chez eux, c'est qu'il se passe quelque chose. Si on ne trouve rien chez eux, c'est pas la peine de s'inquiéter des gens qui l'ont fait pendant trois semaines. Donc moi bêtement je me suis porté volontaire parce que j'avais une formation scientifique et je trouvais ça intéressant. Je ne m'attendais pas à passer 120 heures dans des IRM, aller une fois ou deux fois par an une semaine dans des labos aux Etats-Unis surtout mais aussi en Europe. Et finalement, devenir non seulement un cobaye, mais un collaborateur. C'est-à-dire qu'il faut bien collaborer. Qu'est-ce qu'ils étudient ? Qu'est-ce qu'on étudie ? Il faut bien que le méditant décrive ce qu'il fait, et qu'on ait des états précis, parce que si on pense à tout en même temps, ça ne sert à rien. On ne veut pas savoir ce qui se passe dans le cerveau. Donc, il faut être capable d'engendrer un signal très pur, soit rien que de la bienveillance, soit de l'attention pure, et pas tout mélanger. qu'est-ce qui mesure ? Si tout le cerveau se met en œuvre en même temps, ça ne marche pas. Donc voilà, cette collaboration effectivement a permis de publier de nombreux papiers, dont certains ont été il y avait un notamment sur les effets de la compassion qui a été le plus téléchargé dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaines pendant l'année. qui montrait que lorsque des méditants s'engageaient à la méditation sur la compassion ou la bien inconditionnelle, il y avait une activation dans les fréquences gamma des oscillations cérébrales qui étaient de loin 100 fois plus puissantes qu'on avait enregistrées jusqu'alors en neurosciences. Bon, ça s'est vérifié avec tous les méditants à long terme. et les gens qui s'étaient entraînés pendant 15 jours, on ne voyait pas ce phénomène. C'était une chose intéressante, mais il y a eu beaucoup d'autres études qui montrent qu'effectivement, il y a des changements fonctionnels dans le moment, si on s'engage, on voit des très grands changements dans le cerveau, et structurels sur le long terme. Et il y a aussi notamment cette activation très forte des ondes gamma. En fait, si on demandait aux gens à peu près, parce qu'on ne fait pas le compte avec un compteur, on va dire, En gros, combien d'heures de méditation ils avaient pensé avoir fait, donc ça dépend, s'ils avaient fait des retraites de plusieurs années, combien d'heures en gros par jour ils méditaient, ils pratiquaient, combien d'années ils avaient pratiqué. Donc il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait six ans de retraite. Donc on s'est aperçu que l'intensité de ces activations était proportionnelle finalement au nombre d'années et d'heures. Il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait 6 ans de retraite, ils étaient très hauts. D'autres qui avaient milité un peu pendant 40 ans, ils étaient moins. Donc c'était vraiment une ligne droite. Plus on s'entraîne, plus ça change. C'est à la fois réconfortant et encourageant. Donc c'est pas qu'il ne se passe rien pendant 20 ans, puis d'un coup, boum ! Ou alors que vous avez tout en 5 minutes et après vous relaxez. En fait, c'est comme toute forme d'entraînement. Plus on s'entraîne, mieux ça marche.

  • Speaker #1

    Donc, ça a été prouvé scientifiquement. C'est des bienfaits.

  • Speaker #0

    Quand on dit prouvé, bien sûr, c'est scientifique. On peut toujours débattre. Oui, regarder si la méthodologie est correcte. On va quand même publier dans des prestigieuses revues scientifiques, vérifiées par d'autres laboratoires. Donc, on peut dire oui. On sait maintenant que la neuroplasticité existe, que le cerveau peut changer sous toute forme d'entraînement, que ce soit d'apprendre toutes les rues de Londres par cœur, comme faisaient les taxis londoniens avant l'invention des GPS. Et l'air dans le cerveau qui se représente la topologie du milieu extérieur changeait considérablement, mais physiquement. Donc, si vous apprenez à chanter, tout ça, ça change. Donc là, on n'apprend pas ni à chanter, ni à apprendre les rues de Paris. On s'entraîne à la compassion ou à l'attention et le cerveau change. Et ça, ça a été démontré.

  • Speaker #1

    et c'est spécifique donc chaque type d'entraînement ou de méditation a une signature spécifique dans le cerveau donc la méditation ça aide les êtres humains à être épanouis est-ce que tu penses qu'un jour en France dans les écoles on enseignera la méditation oui alors c'est assez commun en Angleterre,

  • Speaker #0

    aux Etats-Unis en Hollande mais en France il y a une sorte de résistance parce qu'on pense ah c'est les bouddhistes qui débarquent ou c'est des trucs orientaux c'est une religion alors que Moi, j'ai écrit un petit bouquin qui s'appelle L'art de la méditation J'ai fait exprès. Disons, c'est vrai que ça tire ses racines dans le bouddhisme. Mais ce n'est pas un livre bouddhiste. Je ne demande pas aux gens de venir au bouddhisme. Je parle très peu du bouddhisme. Et puis, ça ne tient pas la route parce que ça s'adresse à la façon dont fonctionne notre esprit et notre cerveau. Alors, si un scientifique japonais trouve une nouvelle particule, un boson X ou je ne sais pas quoi, la particule n'est pas japonaise. Elle existe ou elle n'existe pas. Donc si la colère... Avant on disait, il faut exprimer notre colère, il faut laisser s'exploser, il faut casser des pianos, c'est très à la mode. Maintenant on sait que ça ne marche pas. Que plus vous vous mettez en colère, plus vous êtes coléreux, c'est tout. Donc maintenant on le sait. Donc c'est valable pour tout le monde. Qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans le bouddhisme ? Une des choses, ce n'est pas une supériorité, c'est une spécificité. Depuis 2500 ans, ils n'ont pas arrêté de s'interroger sur la façon dont fonctionne l'esprit, comment sont ses émotions, à les classer, à les étudier, je vous disais la perception, tous ces phénomènes mentaux. Qu'est-ce qui se passe quand on voit un objet ? D'abord, il y a une perception nue, puis après, il y a des concepts qui s'attachent. Tous ces processus-là sont extrêmement déclinés et étudiés. Bon, c'est leur spécialité. Mais on a tous un esprit à qui on a affaire du matin au soir, qui peut être notre meilleur ami ou notre pire ennemi. On le voit bien dans la dépression. Finalement, ces choses-là, ça fait partie du patrimoine mondial de la connaissance. Il y a des gens qui sont spécialisés là-dedans. D'autres qui sont spécialisés pour envoyer des fusées sur la Lune. Ça les regarde. Mais bon, en gros, si vous voulez, c'est tout un aspect. qui peut être utilisée de manière parfaitement séculière. D'ailleurs, le programme de pleine conscience, Réduction du stress par la pleine conscience, le MBSR de John Kabat-Zinn, il a commencé dans les hôpitaux à Boston, parce qu'à la fois les malades... les aides-soignants, les médecins, tout le monde était stressé. C'était indégaux. Et on sait que le stress affaiblit le système immunitaire. Alors, vous avez des gens qui sont en chimio, en plus, ils sont stressés, donc le système immunitaire ne réagit pas comme il devrait au traitement. Donc, diminuer le stress, c'est un grand avantage. Il a commencé comme ça. Après, c'est dans le monde entier. Et après, on en a mis dans l'entreprise, dans les écoles. Il y a plus ou moins... Mais en France, on se dit, ah là là ! C'est pas laïque. Mais si, c'est laïque. On a tous un esprit. Il n'y a pas que les religieux qui ont un esprit. Mais comme le dit Daïlama, la bienveillance et la compassion, ça n'appartient pas aux religions. Ça serait trop triste, parce qu'il y a la moitié des gens maintenant qui ne suivent pas des religions. Si on disait, l'amour et la compassion, ça ne vous regarde pas, ça serait dommage. Et comme il dit, la religion, ça devrait être un choix. qu'on devrait faire normalement, pas imposé par les parents ou la culture, mais qu'on peut réfléchir, on le fait ou non, c'est pas grave. Mais la bienveillance, on en a besoin du jour où on est né. Un nouveau-né ne survivrait pas trois jours si on ne s'occupait pas de lui. Ou une personne âgée, on en a besoin de la naissance à la mort. Donc c'est complètement indépendant de la religion. La religion peut aider à magnifier si on l'emploie ultimement au lieu d'utiliser comme des drapeaux de ralliement pour alimenter la haine, mais A priori, toutes les religions parlent d'amour au départ, très bien. On peut magnifier l'amour et la compassion avec la religion, mais ce n'est pas obligé. Donc, a priori, tout ça, c'est parfaitement séculier, laïque. Et c'est bizarre que... Parce que, d'un certain point de vue, historiquement, ça a été un peu amené par des gens. Moi, je ne suis pas du tout un apôtre de la pleine conscience. Je ne m'occupe pas du bouddhisme en Occident. J'ai vécu toute ma vie, la plus grande partie de ma vie en Orient. J'étudie un bouddhisme très traditionnel. Donc, le bouddhisme en Occident, moi, ce n'est pas mon affaire. Mais bon, je vois bien que c'est un certain succès, que la méditation s'est développée. Alors, évidemment, ça peut être utilisé de travers. on peut dire, voilà, on va rendre les gens plus efficaces, ils vont bosser plus, ils seront un peu moins stressés. Donc c'est pour ça que moi, personnellement, je parle souvent d'une pleine conscience bienveillante. Parce que finalement, un tireur d'élite, il est en pleine conscience. On l'a dit de surveiller quelqu'un, de le zigouiller s'il arrive, il faut qu'il soit attentif, il ne faut pas trop qu'il ait d'émotions. S'il est distrait, il faut qu'il revienne. Et puis, il n'a pas de jugement parce qu'on l'a dit de tirer dessus, donc il faut qu'il le fasse. Bon, un psychopathe peut aussi être très attentif, mais un tireur d'élite, il n'est pas forcément bienveillant, et un psychopathe non plus. Donc si vous, et par exemple, si on veut augmenter simplement la performance dans l'entreprise, à tout prix, sans que les gens soient moins stressés, pour que ça marche mieux, ce n'est pas très bienveillant. Les gens finissent par craquer. Donc la bienveillance, par contre, il n'y a pas de psychopathe bienveillant, et il n'y a pas de tireur d'élite bienveillant. Donc, en gros, la bienveillance, ça élimine toutes les déviations possibles dans le monde moderne d'utiliser un instrument, parce que l'attention, c'est un instrument qui peut, selon la motivation, être utilisé pour faire du bien ou du mal. La bienveillance, ce n'est pas un instrument neutre. La bienveillance, c'est chargé d'une valeur éthique positive. C'est pour faire le bien des autres. L'intelligence, l'attention... ça peut être utilisé pour détruire ou pour construire, c'est comme un marteau donc les gens qui ont fait l'attentat du 11 septembre, ils étaient très malins c'est intelligent, mais l'intelligence utilisée pour faire du mal et l'intelligence artificielle c'est pareil plus elle sera puissante 10 000 fois plus intelligente pour le raisonnement et la gestion des données plus la motivation dont on la nourrit donc il faut l'élever comme un enfant presque Et ça, c'est possible. Il y a un gars qui s'appelle Mo Gadvar, qui a écrit un livre très bien sur ça. C'est un des premiers spécialistes d'intelligence artificielle chez Google. Il s'appelle Scary Smart. C'est-à-dire, c'est extrêmement intelligent, mais c'est un peu effrayant. Il dit qu'il y aura des dérapages, mais en même temps... Si on l'éduque correctement, parce que finalement, elle brasse les données qu'on lui donne, on peut l'éduquer vers le bien-être de la population, vers la coopération, vers étudier le diagnostic des maladies, comment remédier au mieux à la pauvreté au Ghana, mettre tout ça dans les données et trouver quelque chose qui se passe. Donc, tout dépend, c'est à nous, finalement, d'éduquer tout ça. Et la méditation, ça dépend de la motivation. On dit que la motivation, c'est ça qui colore nos actes. C'est un peu comme un cristal, vous le posez sur un tissu bleu, il a l'air bleu. Un tissu rouge, il a l'air rouge. Donc c'est la motivation qui donne la valeur éthique à nos actes. Ce n'est pas l'apparence du comportement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'intelligence artificielle, c'est hyper intéressant. Moi, je viens du milieu entrepreneurial et particulièrement de la tech, des startups. On sait que l'intelligence artificielle va bousculer beaucoup de choses. Tu dis en effet que finalement, on peut s'en servir à des bonnes fins.

  • Speaker #0

    Parce que c'est un outil.

  • Speaker #1

    C'est un outil. Mais aujourd'hui, comment on peut... Parce que si on essaie d'inventer une intelligence artificielle qui est pour le bien-être humain, c'est aussi des entreprises privées et c'est contrôlé par des personnes.

  • Speaker #0

    C'est ça, du coup il y aura plein de conséquences parce qu'il faudra forcément un salaire universel de base, parce que si 40% des gens perdent leur emploi, je ne sais pas, mais c'est un scénario envisageable, et si déjà il y a 10 personnes qui possèdent autant que le quart le plus pauvre de l'humanité, ce qui est complètement c'est bon que le système est complètement faussé parce que cette accumulation au sommet, soit dit, on parlait du ruissellement qui ne s'est jamais produit, donc quelqu'un qui a 200 milliards, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire on dit ouais ouais mais il a créé 20 000 emplois, il pourrait créer 20 000 emplois avec 100 millions au lieu de 100 milliards Je veux dire, tout ça, c'est du baratin. Ils achètent des yaks de 130 mètres de long. Donc là, il y a un problème de société, de façon dont le système fonctionne. C'est évident qu'il faudrait une certaine forme de redistribution des richesses, parce que avec tout cet argent, quand je vois que je ne sais plus lequel des deux, Elon Musk ou Bezos, a dépensé 5 milliards pour emmener ses copains 10 minutes en apesanteur, avec 5 milliards, vous mettez la plupart des enfants qui ne sont pas en classe dans le monde à l'école.

  • Speaker #1

    quand même là il y a un problème éthique majeur ce que je comprends pas peut-être que tu vas m'aiguiller c'est que d'un point de vue éthique déjà je comprends pas en fait l'intérêt tu vois moi je considère que entre guillemets quand on est riche quand on parle financièrement à partir d'un ou deux ou trois millions ça change pas grand chose ça

  • Speaker #0

    déjà je comprends pas mais je comprends pas ces personnes là en étant aussi chef d'entreprise parce que c'est incompréhensible c'est de l'orgueil c'est tout ce qu'on veut moi j'ai vu un film j'ai pas été à une salle de cinéma depuis 30 ans Sauf pour voir la panthère des neiges parce que je passais devant, c'est un de mes copains, Vincent Meunier. Mais j'ai vu des films parfois dans les avions, etc. J'ai vu un film avec Sean Connery et je ne sais pas qui, une dame. Ils se débrouillaient, c'était en Malaisie, il y a des trucs très compliqués, mais ils se débrouillaient pour changer les horloges à minuit. Et pendant une minute, ils avaient brouillé les horloges et ils pouvaient accéder à des comptes bancaires. Ils avaient ramassé 2 milliards de dollars. et puis cette dame, très gentille voulait finalement tout prendre pour elle et Sean Connery s'en aperçoit et lui dit une phrase que j'aime bien, il dit qu'est-ce que vous pouvez faire avec 2 milliards que vous ne pouvez pas faire avec 1 donc moi mon interprétation Bouddhi c'est rien pour vous même mais beaucoup pour les autres et moi j'ai connu Pierre Omidyar il a fondé je crois que c'est Ebay C'est un Iranien français qui est venu aux Etats-Unis, qui a donc fait fortune. Et à un moment donné, il a dit à son chef financier, arrêtez de m'enrichir, il faut qu'on trouve quelque chose. Maintenant, ils aident des centaines de milliers de personnes en Inde. Moi, je le connais personnellement. Il est venu participer aux discussions avec le Dalai Lama. Et un jour, il était à Paris, parce que sa maman vit à Paris. Et donc, je lui ai donné rendez-vous là où j'étais, à Paris, il y a quelques jours. Il arrive en métro. Et il me dit, tu comprends, ma maman me dit quand même, tu es souvent à Paris, tu peux t'acheter une voiture. Alors, fort de ce conseil de sa maman, il a été voir un des trucs là où on voit 150 voitures de tous les modèles. Il est rentré dedans et il a dit, voilà, je peux toutes les acheter. Est-ce que j'en ai besoin ? Non. Il a repris le métro. Ça, je trouve ça bien. Et voilà, donc c'est quelqu'un qui a réfléchi. Il travaille pour la démocratie, pour la liberté de la presse, et des choses comme ça aux États-Unis. il y a du boulot. Mais franchement, c'est lamentable. Alors, il y a des gens comme Giving Pledge. Donc, moi, j'ai connu une des personnes qui a lancé ce Giving Pledge. C'était quelqu'un qui a fondé toutes les boutiques de duty-free dans le monde. Il a donné 15 milliards pour l'éducation, pour plein de choses, pour la cause du combat pour la paix en Irlande, ce qui était l'origine irlandaise. Et donc, il a fait le vœu de donner l'intégrité de ces 15 milliards de son vivant. Mais il voulait le faire anonymement. Donc, il s'est mis au Gilles Caïman, ce que font généralement ceux qui veulent faire du blanchissement d'argent. C'est un peu le James Bond de la philanthropie. Il s'appelait Sweeney. Et donc, il est mort récemment. Il a réussi à tout dépenser. Moi, je l'ai rencontré. Et à un moment donné, les États-Unis ont pensé qu'il faisait du blanchissement d'argent. Donc, ils ont rentré dans ses affaires et ils se sont aperçus qu'en fait, qu'il donnait tout. Il ne voulait pas que ça se sache. Mais c'est la personne qui a inspiré Bill Gates et Warren Buffett à créer le Give and Play, c'est-à-dire qu'ils font le vœu de donner 50% de leur... Déjà, avec 50%, ils ont largement de quoi voir venir. Mais c'est incroyable qu'il y ait des gens qui veulent malgré tout accumuler plus en plus, être de plus en plus riches, et on ne comprend pas. Donc ça vient de... En fait, c'est là, précisément, disons, un chemin de transformation personnelle peut aider. Alors moi, je suis plus communiste que le pays des communistes, j'ai donné... 100% de mes droits d'auteur et de toutes les conférences, les émissions de photos, mais ça représente 95 ou 16% de ce que j'ai en... parce que j'ai hérité un peu de mon père pour m'occuper de ma mère, donc j'ai gardé un petit peu pour m'occuper des vieux jours de ma mère, ce que j'ai bien fait parce que pendant 5 ans, elle n'avait rien. Mais en gros, ce que j'ai reçu, soit par mon père, soit par mes gains, j'ai donné 96%. Donc ça va, je suis tranquille avec ma conscience. Parce que je n'en ai pas besoin. Je préfère beaucoup mieux. Maintenant, Karuna Sechen, l'organisation que j'ai fondée, il y a 24 ans, on aide 500 000 personnes par an. C'est énorme. Les bénéficiaires directs, l'extrême pauvreté, l'éducation des femmes. Au Népal, en Inde, là on va faire une campagne avec un médecin exceptionnel pendant deux ans. On va faire 60 000 opérations de la cataracte. Là-bas, ça change la vie de quelqu'un. Une femme pauvre qui a de la cataracte, elle ne peut plus être dans la maison pour s'occuper des champs, des enfants. Donc le mari l'envoie dans la famille. C'est un changement de vie complet. On lui rend la vue pour 100 dollars. Tout compris la logistique, l'implant et tout ça. Ici, un implant, ça vaut 80 euros. Là-bas, ils le manufacturent pour 4 euros. Ça change la vie de quelqu'un pour 100 dollars.

  • Speaker #1

    Là, tu vois l'impact de ton argent.

  • Speaker #0

    On change la vie de peu de 10 000 personnes, mais vraiment changer la vie. Donc, c'est formidable tout ça. J'avais accumulé des sous dans une banque. Qu'est-ce que j'en ferais ? M'acheter, je ne sais pas combien, 50 Ferrari. Donc ça, ça me dépasse.

  • Speaker #1

    Moi aussi, ça me dépasse. Et si on revient sur nos amis, les milliardaires, alors tu nous as raconté une super histoire d'une personne qui a donné 15 milliards pour les autres. Mais est-ce que tu penses, parce qu'on se rend compte quand même qu'il y a une urgence au niveau de la planète, une urgence humaine, est-ce que ces gens-là qui ont des milliards, est-ce que tu es contre l'héritage, par exemple ? Tu penses qu'on devrait...

  • Speaker #0

    Il devrait y avoir, c'est ce que disaient Piketty et d'autres, je veux dire, que ça leur plaise ou non, quand ça dépasse un seuil où ça ne sert plus à rien pour eux-mêmes excepte de s'acheter une île privée et un yak de 200 mètres de long, où... Moi, une fois, j'ai navigué avec un ami en Méditerranée. Il y avait le bateau de je ne sais pas quel magnat russe à l'époque. Et le chauffeur de taxi qui m'a pris pour aller à l'aéroport, après, il m'a dit, ils font des soirées à 300 000 euros, juste la soirée. Je veux dire, c'est totalement immoral. Alors qu'avec ça, on peut sauver peut-être 3000 vies en Afrique, je veux dire. On peut rendre la vue, justement, à 3000 personnes. Donc là, à un moment donné, si ces gens-là ne le font pas spontanément comme M. Sweeney, évidemment, ça ne les mettra pas sur la paille. S'ils ont 100 milliards, t'en prends 99, parce qu'avec un milliard, ça fait 1000 millions. Vous êtes tranquille pour le restant de vos jours. et à part des choses complètement idiotes et qui n'ont aucun sens et qui sont très poétiques vu les besoins dans le monde déjà ça vous empêchera de faire tout ça et puis vous les accumulez pour rien et puis ils pourront générer de l'emploi de toute façon s'ils sont des bons chefs d'entreprise et sur une bonne idée je veux dire Amazon c'est une bonne idée a priori mais qu'une bonne idée fasse de vous quelqu'un qui a 100 fois 1000 milliards de dollars qui a 100 fois 1000 millions de dollars mais c'est des chiffres qu'on n'arrive même pas à imaginer ça n'a pas de sens donc c'est pas ça qui fait marcher l'économie puisqu'ils le mettent quelque part donc ça c'est il faut évidemment faire quelque chose pour qu'ils n'accumulent pas cet argent et que ça serve au bien-être de l'humanité. Parce qu'il y a 10 personnes qui sont présentes, autant que le quart le plus pauvre. C'est dément.

  • Speaker #1

    C'est des ratios délirants.

  • Speaker #0

    Et ces inégalités n'ont cessé d'augmenter depuis 30 ans dans tous les pays de l'OCDE. Elles ont été exacerbées encore pendant le Covid, parce qu'ils ont tous fait leur beurre pendant ce temps-là.

  • Speaker #1

    toutes les grosses fortunes n'ont cessé d'augmenter donc il y a un truc qui ne marche pas dans le système bien sûr si on revient un peu sur les jeunes je sais que c'est quelque chose qui t'importe on sait qu'il y a un contexte sur la santé mentale chez les jeunes qui est un peu alarmant on parle de 4 jeunes sur 10 qui ont les syndromes anxio-dépressifs moi ça me rend vraiment triste pour le coup comment toi tu expliques ça peut-être quelques conseils que tu pourrais donner à ces jeunes

  • Speaker #0

    C'est vrai d'abord, on parle de l'éco-anxiété, mais ce n'est pas que ça. Je crois que c'est l'incertitude, qu'il y a toutes sortes d'incertitudes à notre époque. L'emploi, les sciences officielles, l'environnement, les changements, peut-être les conflits, etc. Finalement, en tant qu'incertitude, qu'est-ce qui peut aider ? C'est prendre conscience davantage de notre humanité commune. Moi, j'étais en retraite au Népal. J'écoutais comme la BBC sur une petite radio au moment du début du Covid. Et j'avais vu notamment qu'il y avait un site en Angleterre, fait par l'État, où on pouvait porter volontaire pour apporter de la soupe à des personnes âgées pendant le confinement. On pouvait emmener quelqu'un à l'hôpital. Et en 24 heures, un million de personnes se sont présentées. Il y a quand même eu une solidarité dans tout ça. Les gens qui étaient très mobilisés dans les hôpitaux. Donc, souvent en période de difficulté, ce sentiment d'humanité connu me ressort pendant les catastrophes. Au moment de l'avouer à Grand-Catherine, on avait dit, oh, il y a des viols, ils pillent les magasins, donc ils ont envoyé l'armée. En fait, ce n'était pas ça du tout. Tout le monde s'entraidait. Il serait mieux fait d'envoyer de l'aide. Donc, toutes les études ont montré que dans les grandes catastrophes, il y a un groupe de scientifiques qui étudie les grandes catastrophes. C'est immédiatement l'entraide. Un tremblement de terre, c'est d'abord les gens du quartier qui aident avant que les secours arrivent. Donc il faut encourager cette fibre-là, quand on fait face à l'incertitude. Encourager la solidarité, la bienveillance. C'est pour ça que j'ai écrit un livre de 800 pages sur l'altruisme, parce que ce n'est pas une idéologie utopique, bisounours. C'est la solution pour les défis du XXIe siècle. Si on s'en fiche du sort des générations à venir, pourquoi est-ce qu'on changerait tout ? Alors qu'on sait maintenant, s'il y a 4 degrés de réchauffement climatique, la population humaine va être réduite à un milliard. C'est très bien, on a trop de monde. Oui mais un milliard ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils sont morts de quoi ? De famine ? De conflit ? C'est pas réjouissant. Il vaut mieux diminuer en diminuant la mortalité infantile, ce qui diminue la natalité, et puis on règle la population. Mais pas avec des famines, des migrations, 250 millions de migrants. Ça va être rien. Comparé à ce qui se passe maintenant, c'est rien ce qui se passe maintenant. C'est 0,5% de l'Europe, c'est des migrants. Mais si on avait 250 millions, parce que l'abbé Pierre disait qu'on ne peut pas arrêter des gens qui meurent de faim. C'est ça. C'est parce qu'on a manque de considération d'autrui pour les générations à venir. Pourquoi il y a encore de la pauvreté, le carmon, de la pauvreté au sein de la richesse ? C'est parce qu'il manque de considération d'autrui. La bienveillance, c'est une solution pragmatique. La considération d'autrui. J'ai écrit ce bouquin pour essayer de démontrer ça. Il fait une sorte de plaidoyer, un monde idéal. Mais non, c'est très pragmatique. C'est favoriser la coopération, favoriser la solidarité. et tout ce qui fait qu'une société est plus harmonieuse. Donc, c'est vrai que les jeunes, moi, je me rappelle avoir, au moment où on a pu voir le truie, ça fait, je ne sais pas combien, 10 ans ou 12 ans, parler à un groupe de jeunes, et à la fin, il me dit, votre truc, c'est quand même, c'est flippant, il me dit. J'avais du mal à comprendre pourquoi c'était flippant, parce que on est un peu dans l'hyper-individualisme, surtout dans les sociétés très individualistes comme en Occident. En Orient, c'est beaucoup plus collectiviste, les familles restent ensemble, ils sont complètement choquées qu'on mette les... Les parents dans des... Alors ici, c'est parce que les familles sont dispersées. Il y en a un à Marseille, l'autre à Paris. Il faut qu'ils travaillent tout le temps, donc ils ne peuvent pas s'occuper de la mer. Mais là-bas, les trois générations restent ensemble. On n'imaginerait pas... Bon, c'est différent. Mais bon, hyper collectiviste, évidentiste, ça veut dire que vous êtes finalement... en vous-même. On devient très vulnérable parce que moi et le monde entier à côté, donc moi, moi, moi, du matin au soir, on est très fragile parce que tout vient soit un instrument pour promouvoir notre bien-être soit une menace. Donc ça polarise le monde considérablement si on n'a pas ce sentiment d'appartenance à une communauté. Donc c'est vrai que l'hyperindividualisme joue beaucoup. Il y a aussi l'isolement. On sait maintenant que les enfants jouent 30 fois moins dans la rue qu'il y a 15 ans, 20 ans. Parce qu'ils vont à la maison, c'est là où il y a les appareils. Donc il y a une diminution du lien. Des enfants notamment qui très tôt communiquent uniquement par SMS ou autre chose, on leur demandait, mais vous ne pouvez pas avoir une vraie conversation ? Ils disaient, oui, peut-être plus tard, mais je ne me sens pas prêt et tout. Donc il y a une sorte d'isolement dans l'ultra-communication. Si vous avez 500 amis sur Facebook, ce n'est pas des amis, c'est une vitrine pour le narcissisme. Vous vous montrez, vous envoyez une photo de ce que vous êtes en train de manger, tout le monde dit, qu'est-ce qu'on s'en fout ? moi j'ai vu des gens à Hong Kong ils arrêtaient pas de photographier ce qu'ils mangeaient pour envoyer à leurs copains franchement il y a cet hyper individualisme qui vous isole des autres et sentir seul c'est pas bon je vous l'ai dit au début, le sentiment de solitude est très délétère pour la santé mentale il y a aussi le manque de sens finalement, pourquoi continuer pourquoi simplement gagner de l'argent on va de toute façon en train de détruire la planète donc je me dis à quoi ça sert tout ça, donc c'était un peu la question que je me posais Je ne voulais pas que mon existence soit, mais je ne savais pas ce que je voulais vraiment qu'elle soit. Moi, j'ai parlé une fois à des jeunes au Canada. Ils me disaient, voilà, on a fait des études, on a rempli des tests, on a vu des psychologues, des orientateurs professionnels, on a essayé deux, trois boulots. On n'est pas motivés. On ne sait pas ce qu'on veut faire. J'allais écouter. Le Canada, c'est des beaux pays. Il faut aller seul ou avec des copains ou des copines au bord d'un lac. Vous asseyez là une petite heure. Vous n'essayez pas de faire marcher l'ordinateur dans votre tête. Et puis, à un moment donné, vous voyez qu'il monte à la surface. Qu'est-ce que vous voulez vraiment, vraiment faire ? Il y a peut-être quelque chose qui apparaîtra. Et à ce moment-là, après, comme on dit en anglais, If there is a wish, if there is a will, there is a way Donc, si vous avez vraiment un souhait, il y a toujours une manière de le faire. Même si c'est réaliste ou pas, vous arrivez finalement à le faire. Donc, Aristophanes disait, l'éducation, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer une flamme. C'est vrai que cette idée d'avoir un idéal, quelque chose qui compte, quelque chose qui vaut la peine d'être accompli... après les hauts et les bas de l'existence vous les passez beaucoup mieux tandis que si vous ne savez pas où vous allez vous irez un peu à droite à gauche dès que c'est un obstacle ça y est ça ne marche pas je suis coincé il n'y a aucun espoir donc c'est vrai que c'est

  • Speaker #1

    un problème de société mais ça s'est accentué dans ces dernières années bien sûr est-ce que si ce n'est pas indiscret je peux te demander si tu as vécu des périodes difficiles et des périodes qu'on peut appeler dépressives

  • Speaker #0

    Moi j'ai une amie qui m'a dit, qui va venir me chercher, t'es la dernière personne pour qui un livre sur le bonheur parce que t'as jamais vraiment souffert. J'ai pas vécu des souffrances directes qui peuvent complètement déstabiliser une vie. J'ai beaucoup aimé mes parents, ma mère est partie à 100 ans, on a célébré une belle vie, mon père aussi. Donc en gros... Voilà, mais simplement la souffrance, même si on ne l'a pas vécue intimement dans des drames terribles qui vous déchirent, moi ce qu'on peut dire c'est que je l'ai vue, j'en ai des témoins. Je veux dire parce que tous les témoignages, j'ai entendu des gens au Tibet, qui étaient dans les camps de travaux forcés, où tous les matins ils sortaient 10-15 cadavres qui meurent de faim ou de maladie ou d'épuisement ou de froid. Je veux dire, en Inde, ce n'est pas difficile d'être confronté à la souffrance, il y en a partout. Moi, je travaillais dans le vieux délit pour imprimer des textes. J'avais des gens qui dorment dans la rue, des veuves musulmans habillées en blanc qui mendient avec un voile devant leur figure. Et si elles mendient, c'est qu'elles n'ont plus personne. Donc, elles ne voient plus personne parce qu'on ne les voit pas et elles sont derrière le voile. Dans quelle situation vous vous rendez compte ? Dans tout ça, j'en ai vu de la souffrance. Je sais ce que c'est. Dans le bouddhisme, on parle tout le temps de la souffrance. Moi, je n'ai pas vécu de drame. En plus, j'ai eu la chance d'avoir très tôt des outils. pour construire en soi les ressources pour gérer les hauts et les bas de l'existant, d'être moins déstabilisé par des choses qui peuvent déstabiliser beaucoup de personnes. Donc, à force, il y a une certaine faculté comme un chat qui retombe sur ses pattes. Tout ça fait que, effectivement, je pense... La mort, c'est naturel. La maladie, ça vient. Donc, il y a une façon de gérer ces souffrances physiques, mentales, la souffrance de la séparation. Donc, à un moment donné, un état qui... C'est un état par défaut qui perdure. Le fond du fond n'est pas perturbé. C'est comme le fond de l'océan. Il peut y avoir une tempête terrible avec des vagues de 20 mètres de haut, mais le fond de l'océan ne bouge pas. Si vous avez cette faculté-là, si vous êtes au bord de la côte, vous pouvez surfer une vague en état d'allégresse incroyable et puis dix secondes plus tard, comme au Portugal, vous tapez un caillou. Donc vous passez de l'état d'euphorie totale à vous casser le dos. mais si vous êtes en pleine mer la même vague de 20 mètres de haut vous surfez,

  • Speaker #1

    vous descendez vous tapez pas le fond la profondeur est là donc c'est ça qui finalement résulte d'un entraînement spirituel pour avoir un monde meilleur on a parlé des individus il y a les états aussi qui peuvent aider mais il y a aussi les entreprises est-ce que tu penses que l'entreprise et notamment en horizon 2030, 2040, 2050 elle doit avoir un rôle sociétal qui est plus important ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Donc, moi, j'avais participé à une conférence en visio du Népal au Vatican. René par le Vatican avec des grands chefs d'entreprise, justement, sur la question de l'environnement. Il était question d'avoir une sorte de notation, quand vous avez une notation en bourse, sur votre impact environnemental. Parce que les entreprises qui avaient un impact sur l'environnement négatif, 20 fois plus grand en coût que leur chiffre d'affaires. Vous vous rendez compte ? Ça, ça devrait être publié. les rapports annuels. Donc, si vous voulez, il y a plein de choses qui font qu'une entreprise vertueuse, c'est finalement celle qui se met au service de la société et aussi qui tient compte du sort de génération à venir. Sinon, c'est des machines à faire des ultra-milliardaires qui sont fondamentalement égoïstes. Donc ça, c'est un choix et c'est très difficile parfois de changer, mais je me souviens d'une anecdote. Donc aux États-Unis, au Texas, il y a toujours ce déni du changement climatique. Et un directeur d'une grande entreprise qui ne voulait pas entendre parler du réchauffement climatique. et un jour sa fille rentre de l'école et dit papa on m'a dit que c'était des gens comme toi qui allaient détruire la planète elle se pose comment ça a fait clic et il a mis la question de la responsabilité environnementale et sociale sincèrement au coeur de son entreprise sans que ça soit juste dans les brochures pour faire bien on met un tout petit truc quand ça va bien et on met rien quand ça va mal Il a dit, c'était ça qui m'a fait le point de bascule.

  • Speaker #1

    C'est excellent de ces enfants.

  • Speaker #0

    Donc, à un moment donné, il faut que les gens... Il y ait le déclic. Il faut qu'il y ait un déclic et qu'ils se rendent compte qu'humainement, donc c'est les investissements responsables environnementalement et socialement, ça existe, ça augmente. Apparaît-il une des secteurs d'investissement qui relativement croît le plus vite, même si ça représente que, je ne sais pas, 10%, même pas 10%, mais c'est en croissance. Mais c'est toujours une course contre la montre. Surtout pour l'environnement, on a 7-8 ans pour changer les choses de façon importante et on n'en prend pas le chemin. Donc voilà, c'est un vrai défi. Les souffrances peuvent être immenses. Là, j'ai vu dans les kiosques, il y avait censé y avoir Qu'est-ce qui se passera en France avec 4 degrés de plus ? Ça peut être frais. Il fait 52 degrés en ce moment au Pakistan. 52 degrés ! Ce n'est pas la température du sol, c'est la température de l'air. 52 degrés et s'il fait 50 degrés dans les Vosges en été pas rigolé 2050 donc c'est demain pas longtemps, pas si longtemps et des fois ça va encore plus vite si ça se trouve on l'aura en 2040

  • Speaker #1

    Mathieu on arrive à la fin de ce podcast j'ai encore quelques petites questions dans la vie des fois on dit qu'on a tous un peu une béquille des petits péchés pour certains un peu inavouables parfois c'est, alors il y a des gens, c'est l'alcool.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Un défaut particulier.

  • Speaker #1

    Oui, voilà, il y a des choses dont peut-être on aimerait se séparer, mais qui nous font du bien malgré tout. Est-ce que toi, tu as une béquille ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, moi j'ai tous les défauts possibles et imaginables. Simplement, j'essaie de m'en occuper. J'essaie de les aménuiser au fil du temps. Bon, il y en a certains qui sont moins puissants que les autres. Je ne crois pas que j'ai beaucoup d'animosité. Je ne me rappelle pas m'être mis en colère depuis un certain nombre d'années. Vingtaine peut-être. La haine, ça me paraît inconcevable. La jalousie, ça me paraît pas malin. L'orgueil, ça me paraît stupide. L'obsession, c'est pas une affaire. Mais enfin, ce que j'ai dit, il y a quand même des germes de ces choses-là qui apparaissent de temps en temps. Et l'entraînement, c'est précisément de ne pas attendre qu'il s'est envahi dans l'esprit, mais d'évoquer. Parce que c'est très facile de gérer une étincelle. Quand l'étincelle est tombée sur un paquet d'herbes sèches et que la forêt a pris feu, c'est plus compliqué. C'est plus long. Donc ce qu'il faut, c'est justement l'entraînement, permet de reconnaître... C'est comme, on donne un exemple, si dans une pièce, on vous dit, il y a un pickpocket. Mais si on vous dit, c'est celui-là le pickpocket, vous le surveillez de l'œil, s'il s'approche de vous. Donc si on est préparé... à reconnaître attention, ça c'est l'orgueil qui arrive ah, oh là là, ça j'ai du ressentiment au moment où ça arrive, c'est facile de le gérer et quand il y a après des proportions impossibles on n'est plus maître de la situation comme tout le monde,

  • Speaker #1

    t'es mortel est-ce qu'il y a un souvenir que t'aimerais bien que les gens gardent de toi ?

  • Speaker #0

    en quoi est-ce que vous voulez qu'on se rappelle de vous et qu'on écrive sur votre ton mais rien ça me fait quand même quelque chose mais je vous dis rien non je ne cherche pas à laisser une trace j'ai écrit des livres un peu par la force des circonstances je n'avais pas l'intention de le faire et si ça peut être utile si j'ai un tout petit peu utile c'est très bien, je suis content merci Donc mon idéal c'est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde, si j'y ai à contribuer un tout petit peu. Quand j'ai fondé Karuna, on était une bande de copains, on avait très peu de moyens. Maintenant il y a 200 personnes qui travaillent en Inde, 50 en Népal, on est à 1 000 000 personnes chaque année, c'est génial. on ne s'est pas organisé particulièrement bien, mais ça a marché au bout de 25 ans, c'est comme ça. Je m'en réjouis. Je crois que je mourrai en paix, principalement grâce à rencontrer mes maîtres, parce qu'ils ont tout apporté dans ma vie. J'ai une reconnaissance immense. J'aurais pu pratiquer avec beaucoup plus de diligence, passer ma vie dans une grotte, etc. Mais bon, au moins ça, c'est un trésor inestimable qui me permet de mourir en paix. Maintenant, j'aurais pu faire beaucoup mieux, mais bon, chacun a... chacun fait ce qu'il peut donc je voulais faire un t-shirt pardonnez-moi et derrière j'ai fait de mon mieux il est très marrant ce t-shirt qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour les jours,

  • Speaker #1

    les mois les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    la vie est précieuse, je suis encore en bonne santé je voudrais maintenant passer du temps à traduire des textes à pratiquer, remettre à la pratique spirituelle ça m'a un peu c'est vrai que j'étais pris dans la tourbillon avec tous ces bouquins toutes ces conférences parce que les choses marchaient enfin je veux dire C'est pas que j'étais grisé par le succès, mais c'était des opportunités pour partager des idées. Je serais jamais là devant toi si j'avais pas écrit ces malheureux bouquins. Donc, ça veut pas dire que c'est mauvais. C'est un côté... C'est du bon d'un certain côté. Mais c'est un peu le maelstrom, quoi. Maintenant, j'ai 78 ans, je vais pas mourir dans un aéroport. Donc, je voudrais retourner à ma vocation première qui est d'être un traducteur, d'en traduire des textes. C'est pour le temps qui me reste. Passer 10 ans dans mon hermitage. J'ai passé 7 mois au Népal en partie dans mon hermitage. finir ma vie en paix. Faire de la photo, je continue à photographier les belles choses. Donc là, je fais un livre sur la lumière. Ça, ça m'amuse. C'est ma façon favorite de perdre mon temps, d'un certain point de vue. Mais j'aime bien ça. Et puis, je suis heureux de partager mes images aussi.

  • Speaker #1

    Voilà. Merci beaucoup, Mathieu.

  • Speaker #0

    Je t'en prie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir écouté Les Sages. Vous êtes de plus en plus à nous écouter pour cette première saison. C'est vraiment très encourageant pour toute l'équipe. Alors, encore une fois, un grand merci. Vous avez le pouvoir de donner de la force à ce podcast avec juste une minute de votre temps. C'est simple, si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, vous avez juste à vous abonner et mettre 5 étoiles. Un grand merci et à bientôt.

Description

Pour ce dixième épisode, nous avons l'honneur de recevoir Matthieu Ricard, le Moine Bouddhiste le plus connu au monde, et également interprète officiel du Dalaï-Lama.


Matthieu Ricard est un homme d'exception :


  • Titulaire d'un doctorat en génétique, il présente une thèse sur la division cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction du professeur François Jacob (prix Nobel de médecine)

  • À 30 ans, en 1979, il devient officiellement Moine bouddhiste, et devient interprète officiel du Dalaï-lama pour le Français. Il vit aujourd'hui au Monastère de Schéchen au Népal.

  • Matthieu est aussi le fondateur de l'ONG Karuna-Shechen qui aide près de 500 000 bénéficiaires directs chaque année. Elle a également permis la construction d'une quarantaine d'écoles et une trentaine de cliniques.

Dans cet épisode, nous avons parlé de méditation, des émotions, de Jeff Bezos et Elon Musk, de la rencontre de Matthieu avec le Dalaï-lama et ses maîtres, de la différence entre la solitude choisie ou imposé, du don de 15 milliards de Chuck Feeney, de la possibilité de faire de la méditation dans les écoles...

Bon voyage avec les Sages ! 


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques, mais surtout des leaders humanistes. Et ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre. dans un format inédit et négocié avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaders qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders et nous allons en leur rencontre. Bon voyage avec les sages. Mathieu Ricard est communément appelé l'homme le plus heureux du monde. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, c'est le moine bouddhiste français le plus connu de la planète, également interprète officiel du Dalai Lama. Mathieu est un homme de paix qui, dès son plus jeune âge, avec un bagage académique brillant, a fait le choix à contre-courant d'aller s'établir en Inde, puis au Népal, pour cultiver sa foi dans le bouddhisme. Aujourd'hui, ils partagent son temps entre son ermitage de l'humanitaire, l'écriture de ses livres et de la photographie. Un voyage intellectuel et spirituel unique. Allez, on y va avec Mathieu. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir accepté notre invitation pour les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien.

  • Speaker #0

    Écoute, super. Est-ce que je peux te demander pour démarrer de te présenter en quelques phrases s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    J'ai 78 ans, je suis moine bouddhiste, j'ai fait des études scientifiques, j'ai travaillé six ans à l'Institut Pasteur avec François Jacob et Jacques Monod, j'ai fait une thèse en génétique cellulaire, j'ai été élevé... Mon père était un philosophe, Jean-François Reuvel, ma mère artiste-peinte, qui est morte à 100 ans l'an dernier. J'avais un nom explorateur qui a fait le tour du monde sur un bateau à voile sans moteur après la Deuxième Guerre mondiale, Jacques-Yves Le Toumelin. Donc du coup, j'ai vu des gens très divers, qui avaient une certaine capacité dans leur domaine. Mais pour un adolescent, c'était très déconcertant. parce qu'il n'y avait pas de corrélation entre des qualités, ou parfois des génies, Jean-Greys Stravinsky quand j'avais 16 ans, et des qualités humaines. Donc si vous preniez 100 philosophes, 100 mathématiciens, 100 jardiniers, 100 charpentiers, vous avez la même distribution de gens heureux, malheureux, de gens égoïstes ou très bienveillants. Donc il n'y a pas de rapport évident.

  • Speaker #0

    Tu veux dire entre l'intelligence et les qualités ?

  • Speaker #1

    Non, pas seulement l'intelligence, des capacités. Par exemple, être un grand explorateur ou mathématicien ou même un charpentier. Des charpentiers très sympas et d'autres qui ont un mauvais caractère. Donc, je me suis dit, mais alors, qu'est-ce qu'on peut prendre comme modèle de vie ? Parce qu'on voudrait jouer du piano comme un tel, résoudre des équations mathématiques comme un autre, écrire des poèmes comme celui-là. J'ai connu un philosophe, ami de mon père, Louis Althusser, il a tué sa femme dans sa baignoire. Peut-être que ces écrits que je n'ai pas lus étaient très bien, mais en tant qu'être humain, il y avait un problème. Donc, quand j'ai voyagé en Inde à 21 ans, j'avais vu des documentaires faits par un réalisateur qui s'appelait Arnaud Desjardins. À l'époque, il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision, l'ORTF. Et en cours de montage, parce que c'était un ami de mes parents, et quand j'ai vu ça... c'était deux fois une heure, à un moment donné, il y avait une séquence silencieuse, on voyait une série de visages de maîtres spirituels tibétains, je me dis, ben voilà, il y a 20 Saint-François d'Assise, 20 Socrate vivant aujourd'hui, j'y vais. Donc bien m'en appris, je suis allé à Darjeeling, j'ai pris un vol, en plus j'ai fait trois jours de train, et je suis arrivé en présence de Kangyurin Boshé, qui est devenu mon premier maître spirituel, et là, brusquement, je me trouve en face de quelqu'un, Et je me dis, ben voilà, je ne sais pas ce qu'il sait, je ne connais pas le bouddhisme, mais j'ai l'impression que je suis devant ce que pour moi j'imagine être la perfection humaine. Une sorte de présence tranquille, de bienveillance, comme une montagne, mais une montagne pleine de bonté. Et puis voilà, donc après tout, ça s'est enchaîné.

  • Speaker #0

    Tu as trouvé cette personne pour la première fois, pour une des premières fois de ta vie, qui avait à la fois des capacités et des qualités humaines.

  • Speaker #1

    Oui, alors en même temps, les connaissances du bouddhisme, au début, je ne les avais pas. Ce n'était même pas ça qui m'avait attiré. Je cherchais justement des qualités humaines. Et pour moi, ça me semblait, même si le chemin était très long, je me dis, si on peut devenir ne serait-ce qu'un centième comme cette personne, là, ça vaut la peine.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Et du coup, si on revient un petit peu sur ton enfance, le bouddhisme, tu l'as découvert justement à cette période de ta vie ou un peu plus tôt déjà ?

  • Speaker #1

    Mon oncle, Jacques-Yves Le Toumelin, et ma mère, donc, lisaient beaucoup de... Il y avait beaucoup de discussions, il y avait des groupes d'amis en Bretagne qui discutaient de la métaphysique de tous les écrivains, des textes aussi bien dans la chrétienté, la petite philocalie du cœur, Maître Ecarte, que dans le soufisme, que dans l'hindouisme. sur le Vedanta, dont mon oncle était très féru de René Guénon, qui a écrit des livres sur le Vedanta, sur plein de choses. Mais il n'y avait pas beaucoup de livres sur le bouddhisme à l'époque. Il y en avait quelques-uns, quelques traductions tibétaines. Il y avait la vie de Milarepa de Jacques Bacot, qui est dans les années 30. Mais disons, ce n'était pas ce qu'on trouvait le plus dans le domaine de la spiritualité. Et surtout, c'était des lectures, des discussions. Donc il n'y avait pas de pratique, on ne rentrait pas dans un chemin aussi, comment dire, inspirant. Ces discussions pouvaient être, elles ouvraient l'esprit, mais ça restait quand même dans le domaine des concepts. Tandis que quand j'ai vu ce maître spirituel, en fait, qu'il était bouddhiste ou autre chose, ce n'était pas la question, c'était de savoir qu'est-ce qu'il était vraiment. Puis après, bien sûr, je me dis, s'il est arrivé là, ça doit être pas trop mal ce qu'il a étudié, ce qu'il enseigne. Donc, de fil en aiguille, au fil des années, depuis 55 ans, je me suis plongé dans le bouddhisme. Et heureusement que j'ai eu une grande satisfaction à le faire. J'ai découvert une très grande profondeur philosophique. Et les plus grands philosophes, Aristote et autres, n'ont rien à envier aux Spinoza, aux Kant, aux logiciens, aux philosophes bouddhistes. Mais au départ, ce n'était pas ça. C'est pour ça que j'étais venu.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu rencontres cette personne, tu as 21 ans. Et quelques années plus tard, tu deviens officiellement moine bouddhiste quand tu as 26 ans. C'est ça, dans le nord de l'Inde ?

  • Speaker #1

    Pas tout à fait. J'ai fait une moine bouddhiste plus tard. Mais donc, j'ai fait la premier voyage. À mon retour, c'était encore plus évident quand je suis rentré à Paris. Là, vraiment, maintenant, je sais où je veux aller. J'ai retrouvé d'ailleurs un de mes anciens collègues à Pasteur, un Américain qui fait de la recherche aux États-Unis. On s'est retrouvé au sein de l'Institut Mind Life, un institut, on pourra en reparler, qui favorise la collaboration entre des scientifiques, des contemplatifs, bouddhistes, etc. Et il me disait, à l'époque, quand on avait 20 ans, on avait signé un papier scientifique ensemble. on savait ce qu'on ne voulait pas que notre vie soit, c'est-à-dire ennuyeuse, dépourvue de sens, mais on ne savait pas vraiment ce qu'on voulait qu'elle soit.

  • Speaker #0

    Comment concrètement ?

  • Speaker #1

    Et là, brusquement, je me suis dit, ben voilà, ça au moins, on sait très bien étudier la division cellulaire des bactéries, mais devenir un bon être humain, en tout cas, là, je suis sûr que ça va, c'est intéressant. Mais j'ai été prudent, parce que, bon, mes parents n'étaient pas très fortunés, ils avaient comme investi dans mon... dans mon éducation. Et puis, à 21 ans, on ne peut quand même pas faire un saut dans l'inconnu. Là, ça aurait été vraiment un saut dans l'inconnu. En plus, je venais d'accepter l'Institut Pasteur par François Jacob, qui venait d'avoir le prix Nobel. Après, j'ai su qu'il avait un seul doctorant. C'était le deuxième.

  • Speaker #0

    Il avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    Je veux dire, oui, il accepte. Il ne faut au moins pas faire n'importe quoi. et donc et en plus il faut que les choses mûrissent quand un fruit n'est pas mûr si on tire on casse la branche et le fruit il n'est pas mangeable quand une pomme est mûre on la touche à peine elle vous tombe dans la main donc j'ai fait 6 allers-retours je suis allé 6 fois ou même 7 fois je suis allé une fois l'hiver toutes mes vacances d'été c'est à dire un mois j'allais à Darjeeling et je revenais je prenais des charters à l'époque Maintenant, il y a des vols de locos, avant c'était des charters. Bon, donc, et je revenais, mais plus les années passaient, plus mon esprit s'envolait vers Darjeeling, auprès de mon maître spirituel. Et donc, voilà, j'y pensais très souvent, je pratiquais le matin et le soir. Et quand j'étais à Darjeeling, j'oubliais complètement l'institut passé. Donc je me suis dit, bon, il faut finir. Alors j'ai demandé conseil à mon maître spirituel, il ne savait pas ce que c'était qu'une thèse et des choses comme ça, mais j'ai dit, voilà, j'ai entrepris quelque chose. Peut-être que j'envisage de venir m'établir ici, mais qu'est-ce que je fais ? Je fais maintenant, j'attends, mais il complète ce que tu as commencé, et après il sera temps de venir. Donc j'ai fait ça. Et là c'était très bien parce que j'ai publié tous les papiers, François Jacob il savait plus ou moins que j'allais m'en aller, et il a regretté, j'ai revu sa fille après, parce qu'il voulait m'envoyer aux Etats-Unis, puis après revenir dans son labo, donc comme il avait deux étudiants en doctorat, c'était un peu pour quelqu'un comme lui, c'était un peu décevant que l'un des deux s'en aille. Et donc une fois que c'était fait... Eh bien, j'ai dit merci beaucoup. Mon post-doc, je vais le faire dans l'Himalaya parce qu'il voulait m'envoyer aux États-Unis ou quelque chose. Donc là, je suis parti avec un aller simple à la fin 72. Et je n'ai jamais regretté cette décision d'apprendre ma retraite à 27 ans.

  • Speaker #0

    C'est excellent, on finit la séance sans de retraite.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, la secrétaire Françoise Jacob, qui était extrêmement bienveillante à mon égard, a laissé courir mon salaire du CNRS pendant six mois. Et avec ça, j'ai pu tenir le coup pendant des années, parce que je vivais avec l'équivalent d'aujourd'hui de 30-40 euros par mois. Je n'ai pas besoin de plus, j'ai un petit termitage de 9 mètres carrés sans sofa, à changer d'électricité, ça ne coûte pas cher. Et je venais au monastère, ils me nourrissaient. Après, j'ai essayé d'aider un de mon vieux, mais à l'époque, ils m'ont accueilli très gentiment. Et donc voilà, c'était très simple.

  • Speaker #0

    Et donc tu vivais avec 2-3 euros par jour ? Hein ? Tu vivais avec quelques euros par jour ?

  • Speaker #1

    Je n'avais pas de dépenses, ça ferait dire.

  • Speaker #0

    Forcément.

  • Speaker #1

    J'étais un petit ermitage que j'ai construit, je ne sais rien du tout. C'est un truc en bois de 9 mètres carrés, pas loin.

  • Speaker #0

    Et donc, qu'est-ce que tu peux nous décrire justement ? C'est quoi la journée type d'un moine bouddhiste ?

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de journée type. Si on étudie... Alors... Alors je suis devenu moine beaucoup plus tard, après la mort de mon premier maître, à l'âge de 30 ans, parce que je vivais finalement comme un moine et que c'était plus simple d'être habillé en moine et d'apprendre des voeux, etc. Les pratiquants bouddhistes, il y a des pratiquants extrêmement assidus et sincères qui ont une famille, mais qui pratiquent plusieurs heures par jour, et bon, ça les regarde. Et puis il y a des ermites qui se retirent pendant parfois 20-30 ans dans les montagnes, dans des grottes, etc. et qui ne sont pas forcément des grands érudits. Et puis il y a des grands érudits qui font 10-15 ans d'études, qui deviennent docteurs en philosophie ou l'équivalent. Et puis après, parfois certains se retirent aussi dans un ermitage. Et puis il y a des monastères. Alors au début, je n'étais pas dans un monastère, j'étais auprès d'un maître spirituel. Lui, il avait une famille, ce n'était pas un moine. Donc il y avait un certain nombre de disciples tibétains autour de lui. Il y avait des ermitages, c'est un tout petit monastère on peut dire, mais il n'y avait pas de moine, une communauté monastique. Il y avait des ermitages dans la forêt autour. Par contre, le monastère où je vis maintenant, à Seychelles, il y a 600 moines. Et là, il y a une discipline monastique, il y a des cérémonies, etc. Moi, je suis un peu vieux, donc je suis dispensé de tout ça. Mais donc, c'est différent. Donc, la journée type est très différente si vous êtes en retraite solitaire pendant un an, deux ans, trois ans. J'ai fait cinq ans de retraite solitaire. Si vous étudiez à fond... Il y en a qui enseignent, il y en a qui font des pèlerinages, il y en a qui font des retraites, il y en a qui étudient du matin au soir. Mais c'est en gros une vie consacrée à ce chemin de transformation qu'est le bouddhisme, c'est-à-dire de passer d'être asservi aux causes de la souffrance, à une sorte d'addiction aux causes de la souffrance, on la répète inlassablement, à la liberté par rapport aux causes de la souffrance, à la liberté par rapport aux causes de la confusion. ou l'ignorance à la connaissance, donc c'est un chemin de transformation. Donc ça, ça peut se faire de toutes sortes de façons différentes.

  • Speaker #0

    Et quand tu dis que pendant 5 ans, tu as été en retraite solitaire ?

  • Speaker #1

    Ce n'était pas d'un seul coup, mais si j'ajoute les petits bouts, j'ai fait un an, 6 mois. Il y a des gens qui font des retraites, une retraite traditionnelle qui dure 3 ans, 3 mois, 3 jours. Ça, je ne l'ai pas fait comme ça, mais je l'ai fait généralement seul, dans mon petit ermitage, mais accompagné par mon maître. J'allais le voir de temps en temps, ou après sa mort, son fils venait m'enseigner. Si j'ajoute les petits bouts, J'ai passé cinq ans en retraite solitaire et j'ai jamais ressenti, on dit solitaire, j'ai jamais ressenti la solitude comme étant pesante. Parce qu'il y a deux sortes de solitude, vous pouvez sentir un profond sentiment de solitude dans une ville. Moi j'ai travaillé avec des scientifiques qui étudient la solitude aux Etats-Unis. Et en gros, les Américains moyens, il y en a 30% qui ressentent un instant sentiment de solitude au moins une fois par semaine. Et c'est très délétère, le sentiment de solitude, j'irais imposer, parfois on met mieux de la foule, ils ne voient pas moins de gens, mais il n'y a pas de lien, un sentiment d'appartenance, il n'y a pas de lien social, humain qui est enrichissant. Des gens sur qui on peut compter, des gens avec qui on peut échanger, avec qui on peut se confier. Donc ça s'accompagne de... moins bonne santé, moins soin d'eux, plus forte tendance à tomber dans des addictions, un raccourcissement même de l'expérience de vie, donc c'est très délétère. Par contre, il y a la solitude choisie et volontaire. qui est celui de, moi, quand je suis dans mon amitié, j'ai un sentiment d'appartenance totale avec l'ensemble de toute la beauté de l'Himalaya qui m'entoure, de tous les êtres chers. Je prie pour tous les êtres toute la journée. Ou même des amis photographes comme Vincent Munier ou Florian Ledoux qui sont pendant des mois dans le Grand Nord tout seuls allongés dans la neige. Ils ne se sentent pas seuls non plus. Ils se sentent un avec la nature, avec les animaux, avec l'univers. Donc, il y a une solitude enrichissante. Les gens disent, je voudrais un peu de moment pour être tranquille dans la nature ou même ailleurs, dans d'autres conditions. Souvent, je vois dans les villes, on est sur-sollicité par la foule. Tout ce qui se passe, c'est vrai que c'est un peu épuisant pour quelqu'un qui vit dans des conditions plus tranquilles.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et quand tu parles, du coup, je comprends qu'aujourd'hui, ça a été un chemin et que tu n'as plus ce sentiment de solitude. Mais j'imagine qu'au début, quand tu es arrivé, est-ce que justement, ça a été un peu dur de changer totalement d'écosystème ? Non. Ça a été naturel pour toi ?

  • Speaker #1

    Quand les choses sont... Quand tu passes un col, par exemple, ce qui est dur, c'est la montée. Les derniers mètres, au contraire, c'est super chouette quand tu passes un col à 5000 mètres.

  • Speaker #0

    Oui, tu es déjà sûr de ta décision quand tu es arrivé là-bas.

  • Speaker #1

    On découvre tout le paysage de l'autre côté. Ça, c'est génial. Et le point d'inflexion, ça prend 10 mètres. Donc, au moment où il faut arriver à une décision mûrie, pas tout casser, claquer les portes et tout casser. Donc, je n'ai rien cassé puisque j'avais publié mes papiers. J'avais pris congé de tout le monde. Ça a un peu surpris mon père, je dois dire. Mais bon, il s'en est remis. Et donc, c'était parfaitement mûr. Donc, moi, une fois que je suis parti là-bas, Paris, c'était une autre époque. Et je suis resté sept ans sans bouger de Darjeeling, de mon petit ermitage monastère.

  • Speaker #0

    C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Edouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de 10 ans. Il est composé d'une équipe, l'idée par Edouard et Marion, qui est issue de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, je peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code LESSAGE. Et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne. Donc là, tu arrives en haut du col et qu'est-ce que tu découvres derrière le col ? Un sentiment de sérénité ?

  • Speaker #1

    C'était à l'Argénie Grande Inde. Donc à ce moment-là, j'ai commencé vraiment à pratiquer intensément, recevoir des enseignements de mon maître au fur et à mesure de mes pratiques. Donc ça, c'est tout le chemin spirituel. Et ça, le chemin spirituel bouddhiste est très riche. Il y a des étapes. Chaque fois, on reçoit un enseignement nouveau. Et donc, voilà, il y a des textes. Il y a une grande richesse de textes philosophiques, contemplatifs, spirituels, d'instructions. Donc... on va décrire ça en quelques mots, mais il y a une progression, et au fur et à mesure, au moment approprié, on s'adresse à de nouveaux enseignements, on les met en pratique pendant quelques mois, on revient à recevoir des enseignements. C'est des exercices spirituels, c'est des textes sur lesquels on réfléchit également. C'est tout un taux de vie.

  • Speaker #0

    C'est un chemin passionnant. Et donc quelques années plus tard, quand tu as une trentaine d'années, tu deviens officiellement moine bouddhiste.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à un moment donné où j'étais avec mon deuxième maître, parce que mon premier a été mort en 1975. Et lui, il enseignait beaucoup. Donc là, il donnait un enseignement pendant quatre mois à 3 000, 2 000, 3 000 personnes. et lui c'était aussi un moine enfin c'était pas un moine, il avait également une famille mais à la fin de ses 4 mois d'enseignement il y avait un quelqu'un qui donnait les ordinations parce que pour donner les ordinations il faut être un moine parfait et puis mon premier aide m'avait demandé un jour si je devais me marier ou pas il m'a dit attends d'avoir 30 ans et après tu verras J'ai attendu d'avoir 30 ans. Et puis, à ce moment-là, j'avais effectivement 31 ans. Donc, je m'en suis ouvert à mon deuxième maître. Je lui ai dit, voilà, mon premier maître m'a dit ça. Moi, aller là ou là, ça m'est égal. Qu'est-ce que vous me conseillez ? Il m'a dit, voilà, je savais bien d'ailleurs qu'il y avait cet abbé qui venait pour donner des ordinations de moines. Il me dit, c'est très bien si tu prends des voeux monastiques. Alors, impeccable. Donc, j'ai pris des voeux monastiques. Pour moi, il y a des gens qui pensent qu'on se limite. Moi, ça a été une libération. C'est vrai que, pour possible le chemin que j'ai fait, vous avez une famille et des enfants. Si vous dites bonjour, au revoir, je vais faire trois ans de retraite dans la montagne, portez-vous bien, ça ne va pas. Je me sentais complètement libre, non pas égoïstement, mais de suivre mon chemin. Puis après, je me suis mis au service des autres. Donc à un moment donné, on avait 30 000 enfants dans les écoles qu'on a construites. Je ne sais pas enfanter, mais voilà, c'est un peu mes enfants d'un certain point de vue. Donc, je n'ai jamais senti le besoin d'avoir des enfants, mais j'ai tout le temps des enfants au monastère. Il y a des très jeunes qui étudient. Je vis constamment autour d'enfants, mais je n'ai pas besoin de... Je veux dire que je suis le père biologique.

  • Speaker #0

    Et quand tu fais tes voeux monastiques, du coup, est-ce que c'est un engagement à vie ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en Thaïlande, donc dans le bouddhisme, ce n'est pas toujours comme ça. En Thaïlande, c'est conseillé comme extrêmement vertueux de prendre des voeux, même pour une semaine, ou pour un mois, ou pour un an. pour un temps limité. Donc, au fil de l'histoire, le bouddhisme a un peu, pas énormément évolué, les principes de base, les enseignements des bouddhas sont les mêmes partout, il n'y a pas eu de schisme, mais pour, disons, la discipline monastique qu'on appelle le Vinaya, il y a eu quand même des évolutions. Donc, en Thaïlande, vous pouvez prendre des voeux pour une durée limitée. Dans le bouddhisme tibétain, qui appartient à une certaine lignée monastique qui est venue de l'Inde, c'est des vœux qui ne dépendent pas du temps des circonstances, c'est-à-dire je prends des vœux mais c'est en guerre, pas question ou du lieu, je prends des vœux en Inde mais quand je retourne en France c'est fini et donc c'est pour la vie, oui effectivement donc il faut bien réfléchir

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te dire et donc toi tu as été entre guillemets aidé aussi par ton maître qui t'a...

  • Speaker #1

    Si je n'aurais pas demandé, si je n'étais pas prêt ça ne sert à rien de poser des questions, si on n'est pas prêt à mettre les conseils en oeuvre Mais bon, pour moi, ça a été très libérateur. Je n'ai pas senti que je me mettais des chaînes. Pour moi, c'est une grande liberté. Et je n'aurais jamais mené la vie que j'ai faite si j'avais effectivement confronté une famille, ce qui est magnifique. Mais bon, ce n'était pas mon chemin. Ok,

  • Speaker #0

    super. Et donc, quelques années plus tard, donc là, tu es officiellement moine bouddhiste et tu rencontres du coup le Dalai Lama, qui est le représentant du bouddhisme tibétain, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, le Dalai Lama, donc... lui-même avait des maîtres, forcément, dont mon deuxième maître, Dego Kinserimoche, qu'il avait rencontré au Tibet. Et quand ils ont tous fui l'invasion chinoise, arrivant en Inde, il a demandé tout de suite est-ce que Dego Kinserimoche a réussi à sortir du Tibet. Donc, effectivement, il était arrivé par le Bhoutan. Il a d'ailleurs vécu la plupart de sa vie après au Bhoutan. Il est venu le principal maître spirituel au Bhoutan. Et donc, le Dalai Lama a souhaité le revoir et recevoir des enseignements de lui. Donc tous les ans, tous les deux ans, Dheergo Khyentse Rinpoche allait à Dharamsala en Inde, la haute ville d'Alailama, et pendant une dizaine de jours, il transmettait des textes, des enseignements, des initiations, des explications. Et donc, quand je suis devenu, disons, un proche disciple et presque un intendant, enfin, il avait deux moines avec lui tout le temps, qui veillaient sur ses besoins. Il était très âgé, donc moi, je dormais partir dans sa chambre la nuit. Je m'occupais de lui tout le temps. Et en même temps, je recevais tous les enseignements qu'il donnait. C'était formidable. Tu n'as pas besoin de demander d'enseignement. Il suffit que quelqu'un l'aie demande, j'étais là. J'ai tout enregistré. J'ai enregistré 400 heures d'enregistrement. À l'époque, j'avais un vieux magnétophone. Donc, quand il est allé la première fois, je suis revenu en France. Au bout de sept ans, je suis revenu avec lui. en 1980. Et au retour, il allait voir le Dalai Lama. Donc je suis allé dans une situation privilégiée, puisque j'accompagnais un des maîtres du Dalai Lama, ce qui m'a permis d'avoir tout de suite une relation, il était extrêmement gentil, enfin bienveillant à notre égard, puisqu'on était en gros les disciples de son propre maître. Ça a créé une relation d'intimité d'un certain point de vue, mais en même temps, le Dalai Lama, c'est une étoile. Disons, c'est... Oui, c'est le maître le plus respecté en général du bouddhisme tibétain. Mais attention, il n'y a pas de hiérarchie. Ce n'est pas un pape, il n'y a pas d'évêque en dessous, ni après des cardinaux. Il est respecté pour des raisons spirituelles. Donc quand il enseigne, il n'y a pas non plus, quand il donne des indications ou des conseils, il n'y a pas ensuite des gens qui vérifient si on met ça en application ou pas. Tous les monastères sont indépendants. Simplement, c'est la référence spirituelle. Pour toutes les écoles du bouddhisme tibétain, il est non sectaire, il a étudié, il enseigne, il y a quatre écoles principales qui se sont développées au fil de l'histoire. Et donc il voulait recevoir des enseignements de mon maître Dilgo Kansar Moshé, qui lui était particulièrement, comment dire, représenté, l'école la plus ancienne du bouddhisme tibétain, qui a fleuri au 8e et au 9e siècle. Et donc voilà, c'est pour ça que... Donc du coup, j'étais très proche de lui. Je le considère aussi comme mon maître. J'ai reçu des enseignements de lui. Mais ce n'était pas mon maître principal puisque je ne vivais pas auprès de lui. Et puis il s'est trouvé en 1989, alors qu'il allait recevoir le prix Nobel. J'étais à Paris, je ne sais pas pour quelles circonstances. Quelque chose comme ça, j'étais resté au bout de temps. et puis je vais le voir, et puis il me dit tiens, parce que t'es là, traduis pour moi, parce que normalement il parlait en tibétain, il fallait traduire en anglais, quelqu'un traduisait en français, donc ça faisait trois tours, ça prenait du temps, donc j'ai commencé à traduire pour lui, on a vu à l'époque, je ne sais pas qui, Jacques Chirac était maire de Paris, il a reçu le prix de la mémoire de Madame Mitterrand, et puis après il est revenu en 1991, et là il a enseigné en Dordogne pendant dix jours, Et là, c'est la première fois aussi que j'ai traduit pour lui, pour des enseignements compliqués, profonds, toute la journée. Parce qu'il est venu sur les lieux, j'étais là. Et il demande qui traduit. Il dit, c'est votre traducteur, on le mettra en français. Ben non, puisqu'il est là, Mathieu, il n'a qu'à traduire pour moi. Donc après ça, je suis devenu son interprète en français. Et aussi, je participais au rendez-vous avec les scientifiques, non pas en tant qu'interprète, mais en tant que participant. Donc, il y a une relation très proche. parce que c'est formidable de passer 10 jours dans son intimité, parce que là, en tant qu'interprète, on est là partout. Aussi bien on voit son comportement incroyablement bienveillant, humain avec la personne qui est dans le couloir dans l'hôtel, qu'avec un chef d'État, et je peux vous assurer qu'il ne fait pas de différence dans le sens d'un être humain qui rencontre un être humain. Donc il n'a aucun sens de ça, c'est un big shot, il faut faire attention. Moi je l'ai vu au Parlement européen, il y avait un déjeuner avec les représentants de 15 pays. Et donc il est arrivé dans la salle, ils étaient tous prêts pour le déjeuner. Il a vu les cuistots qui ouvraient la porte pour voir comment était le Dalai Lama. Il a vu qu'ils seraient peut-être contents de le voir. Il est parti dans les cuisines cinq minutes. Tout le monde était debout à l'attendre. Les ministres, les chefs d'État. Il est revenu en disant ça sent bon. Mais je l'ai vu faire ça plein de fois. Donc il est le même. Avec des gens les plus humbles, avec une personne malade à l'hôpital, avec quelqu'un qui rencontre sur une chaise roulante quelque part dans un aéroport, il lui prend les mains, il la regarde. Et avec les personnes éminentes, pour lui, ça ne fait pas de différence.

  • Speaker #0

    Et Mathieu, j'imagine que ce monsieur, il a un cheminement intellectuel autour de la bonté, de la gentillesse. Mais malgré tout, ça reste un humain. Est-ce que des fois, il s'énerve ou il est dur avec les autres ?

  • Speaker #1

    Un maître spirituel, ce n'est pas quelqu'un qui va être diplomatique avec votre ego, à quoi ça sert, puisqu'on veut s'en débarrasser. Mon maître, mon Kelsirine Boucher, pouvait être très sévère. Il n'y a pas de raison. qui me laisse faire tous mes traînaillés, je veux dire traînaillés dans le sens spirituellement. Si je me relâche dans ma pratique, non pas qu'il ne s'agit pas d'être intense et tendu, mais en gros il n'y a pas de raison qu'il vous laisse... C'est comme un capitaine de navire. Si le gars qui est à la barre, il dévie de 25 degrés sur le cap, il ne va pas le laisser faire pour être gentil. Ça ne sert à rien, ce n'est pas être gentil. Bien sûr. Donc, il met une immense bienveillance, mais pas pour vos défauts. Donc mon maître pouvait être très strict et du coup comme ils ont une présence assez formidable par leur présence spirituelle, donc c'est vrai que ça porte. Et encore une fois, il n'y a pas besoin de prendre des gants pour l'ego. Donc, l'idée, c'est de s'en débarrasser.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu penses, parce que j'imagine qu'il y avait aussi d'autres personnes qui avaient eu un cheminement intellectuel, pourquoi tu penses qu'il t'a choisi, toi, comme interprète pour le français ? Sachant que j'imagine que c'était vraiment...

  • Speaker #1

    Mes maîtres, ils m'ont accepté parce que je voulais les voir, en gros. J'ai été tout de suite très, très bien accueilli. Et puis ça n'a jamais posé, je n'ai pas demandé, est-ce que vous m'acceptez ? Ils ne m'ont pas dit, est-ce que tu veux être mon disciple ? Ça s'est fait naturellement. Le deuxième maître, je le connaissais donc, parce qu'il venait voir mon premier maître souvent. Et à un moment donné, au bout de sept ans, ils ont organisé en France, en Dordogne, au centre d'entraide de Chanteloup, la première retraite contemplée de trois ans, qui est traditionnelle au Tibet. Moi, je me suis dit, voilà, tous mes amis, les premiers qui sont venus en Inde rencontrer mes maîtres. Maintenant, ils vont faire une retraite. Ça fait sept ans que je suis là. Bon, c'est peut-être le moment de repartir. Et donc, ce deuxième maître, Khyentse Rinpoche, qui venait souvent à notre monastère, il est venu, je lui ai dit ça, et il m'a dit, tant que je suis en vie, reste auprès de moi. Ça, c'était le plus beau cadeau qui soit. Donc, je suis venu avec lui en France, puis je suis reparti. Et là, j'ai passé dix ans avec lui au Bhoutan. Et puis je l'ai accompagné jour et nuit pendant 13 ans. On est retourné au Tibet, il n'était pas rentré depuis 30 ans en exil. Il y avait à un moment donné 1000 cavaliers qui nous attendaient au passage d'un col. C'est un voyage absolument fabuleux. Ils n'avaient jamais vu un étranger dans l'est du Tibet, ils pensaient que j'étais indien. Donc ça c'était en 1985, c'était absolument incroyable. Et puis 10 ans au bout de temps, c'est un pays absolument fabuleux. Donc voilà, jusqu'à sa mort je l'ai accompagné. Et après, je suis resté au monastère de Sechen avec son petit-fils, comme je vous le disais, ce n'est pas un moine lui-même. Et maintenant, son petit-fils a 57 ans, c'est l'abbé du monastère. Et voilà, je l'ai vu grandir, je connais depuis l'âge de 8 ans. Et maintenant, je suis le plus vieux au monastère, donc tout le monde est très gentil avec moi. Ok,

  • Speaker #0

    du coup, excuse-moi, j'ai une question qui peut te paraître peut-être bête, mais je n'ai pas une culture énorme sur le bouddhisme. Comment ça se passe la succession du Dalai Lama ? Alors la question de la succession du Délama lui-même, c'est un fan de la démocratie. Déjà au Tibet, il voulait faire un système démocratique et non pas en mélangeant l'aspect religieux et le gouvernement. Il avait pensé faire une constitution, mais bon, les Chinois sont venus, il a dû fuir le Tibet. Mais en exil, il a tout de suite demandé à un jeune Tibétain qui étudiait le droit aux États-Unis et un groupe de... d'avocats internationaux du droit constitutionnel, qui venaient le voir, d'établir une constitution pour l'administration tibétaine en exil, ça s'appelle l'administration centrale tibétaine, parce que ce n'est pas un gouvernement en exil, parce que l'Inde a demandé que ça ne s'appelle pas comme ça. ils ont accueilli, et une constitution au cas où ils retournent au Tibet, où il y a une totale séparation entre le bouddhisme et le gouvernement, des élections démocratiques. Et en Inde même, la communauté exilée de Tibétains, il y en a 200 000, puis il y en a d'autres qui sont en étranger, ils ont aussi 50 députés élus pour les affaires courantes, de manière parfaitement démocratique, et le Dalai Lama n'influence rien à tous ces processus. Et donc, à un moment donné, il a même mis complètement séparé la fonction du DLMA de ses administrations en exil. Il a annoncé qu'on était à Toulouse. Il a dit, contrairement à la Révolution française, j'ai librement, fièrement et joyeusement séparé 400 ans où il y avait un peu une collusion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Donc en fait il est extrêmement démocratique. Donc si vous voulez ça se reflète aussi dans le fait que le bouddhisme n'est pas hiérarchisé, c'est un maître spirituel mais c'est pas un pape, et donc les monastères sont très démocratiques, tous les trois ans les postes de fonction changent.

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui Mathieu, tu es installé au monastère de Tchétchène, on dit ?

  • Speaker #0

    Tchétchène, oui.

  • Speaker #1

    Tchétchène, ok, au Népal. C'est quoi les grandes valeurs du bouddhisme ?

  • Speaker #0

    Les grandes valeurs ? La sagesse et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, c'est comme les deux ailes d'un oiseau. Un oiseau, il n'apprend pas à voler juste avec une seule aile. Donc il faut à la fois la sagesse, ça veut dire la connaissance, d'une part de la nature relative et ultime des phénomènes, la nature relative et ultime de l'esprit, de la conscience. Donc, l'analyse de l'interdépendance, comment les phénomènes apparaissent, quelle est leur nature ultime, est-ce qu'ils existent véritablement de façon solide, ou est-ce qu'ils apparaissent mais sont dénués de réalité propre, un peu comme sans faire d'amalgame, c'est un peu ce à quoi aboutit la physique quantique, quand on dit que la réalité n'est pas locale, que quelque chose peut être selon la façon dont on regarde une onde ou une particule, on ne peut pas dire que ça existe de façon solide. et intrinsèque comme une onde ou comme une particule, puisque ça peut être les deux, ce qui sont deux choses très différentes. Donc le bouddhisme a un peu cette approche-là. La réalité apparaît, mais elle est dénuée d'existence propre. Il n'y a pas des entités autonomes, permanentes et complètement indépendantes. Donc il y a une analyse de la réalité, une analyse de la nature de la conscience. Donc ça, c'est l'aspect, comment je dirais, analytique. et puis il y a une approche plus contemplative une fois qu'on a compris ça, essayer de l'intégrer par la pratique, par la méditation donc cet aspect de la connaissance est important parce que si on se trouve on est dans la distorsion de la réalité c'est dysfonctionnel c'est par exemple que je pense que les choses sont permanentes, autonomes et existe en elle-même et par elle-même, notamment le moi. Descartes disait que le moi est unitaire, permanent et autonome. Alors ça, c'est... Qu'est-ce qui se passe ? Donc, on veut le protéger, on veut le satisfaire. Donc, attraction, répulsion, donc, animosité, désir, obsession, jalousie, orgueil, tous ces poisons mentaux qui mènent à quoi ? À la souffrance. Ça se manifeste à cause de cette dichotomie qu'on a créée intellectuellement. Alors que si on regarde... on ne trouve pas ce noyau central. Parfois, on dit, il m'a poussé, donc là, on l'associe au corps. Parfois, on dit, vous avez blessé mes sentiments, donc c'est les sentiments. Mais vous dites, mes sentiments, donc il y a un propriétaire des sentiments et du corps qui serait séparé. Donc, plus on cherche, moins on trouve cette entité-là. Et ce n'est pas simplement... une sorte de démarche intellectuelle, parce que comme je vous dis, ça a des conséquences, comme je te dis, ça a des conséquences qui mènent à la souffrance ou à la liberté. Parce que si on n'est pas accroché à cet égo, on est beaucoup plus libre que quelqu'un qui réagit constamment en fonction de son égo, et de moi et le monde, moi et les autres, de façon comme si ils étaient fondamentalement séparés. Donc cette analyse, c'est la sagesse. Et la bienveillance, c'est de s'apercevoir que beaucoup d'êtres souffrent. Ils aspirent au bonheur parce que personne ne se réveille le matin en se disant qu'ils se souffrent toute la journée. Mais souvent, on dit qu'ils tournent le dos à cause du bonheur. Donc il y a une confusion entre leurs aspirations et leurs actions et leurs pensées. Donc face à ce drame, on peut dire, on peut éprouver un grand souhait que puisse-t-il être libéré de la souffrance. Donc ça c'est la définition de la compassion Puissent les êtres être libérés de la souffrance C'est des causes de la souffrance Ça procède de la bienveillance Mais c'est tourné vers la souffrance Et donc de ce fait On se dit si c'était impossible de s'en libérer À ce moment-là vaut mieux que tout le monde se relâche On prend une bonne bière, on va à la plage Il ne faut pas se préoccuper de la souffrance Si la souffrance est imposée par une entité quelconque, qui était sans cause, imprévisible et on ne peut rien y faire, mais s'il y a des causes et des effets, des conditions, si on participe à ces causes par nos poisons mentaux, etc., c'est comme, il ne vaut mieux pas ignorer si quelqu'un est malade. Moi, je ne veux pas aller voir le docteur parce que je n'ai pas envie de savoir que je suis malade, même si vous êtes condamné. Il vaut mieux savoir et voir s'il y a un traitement. Donc l'idée, ce n'est pas pessimiste, on dit le bouddhiste, la souffrance, la souffrance, mais c'est comme si on disait, les hôpitaux, ce n'est pas bien parce qu'il n'y a que des gens malades. Donc c'est un grand hôpital le Samsara, parce qu'on est malade de beaucoup de choses. mais comme les causes de la souffrance sont par nature impermanentes, parce que rien ne dure, donc on peut y remédier, donc il y a une possibilité d'y remédier, donc ça vaut la peine, et du coup il y a un chemin pour mettre en cause, en action, tous les moyens qui permettent de remédier à la souffrance. Donc ça s'appelle les quatre nobles vérités, c'est le premier renseignement du Bouddha, oui la souffrance il faut la reconnaître, et non pas détourner le regard, analyser ses causes parce qu'elles sont... multiples causes et toutes changeantes et changeables. prendre conscience qu'on peut y remédier et ensuite, la voie, c'est mettre en œuvre les remèdes. Donc, si on va voir un médecin qui vous donne un traitement et on ne met pas l'ordonnance sous l'oreiller, on la met en pratique et donc, ça aboutit à une libération de la souffrance.

  • Speaker #1

    Quand tu parles de souffrance, moi, ça me fait penser, par exemple, être triste, potentiellement avoir des idées négatives, c'est ça que tu mets derrière la souffrance ?

  • Speaker #0

    La souffrance, c'est multiforme. Il y a les souffrances évidentes, D'abord, il y a la souffrance de la maladie, il y a la souffrance de l'agonie, il y a la souffrance physique, il y a la souffrance de la séparation, d'être séparé de ce qui vous est cher, d'être confronté à ceux qui vous font du tort. Il y a mille formes de souffrance. Mais il y a aussi une souffrance du changement. C'est-à-dire, on va à un pique-nique joyeux et puis un enfant est mordu par un serpent. Donc, tout était bien, mais brusquement, ça change. On a tout va bien, puis on apprend qu'on a une maladie grave, ou on est viré de son job. Et puis il y a la souffrance, donc c'est le deuxième type de souffrance qui est lié au changement. Et là, le vieillissement, les choses se dégradent. Et puis c'est peut-être pour le bon, le changement, quand ça va mal, ça peut parfois aller mieux. Et il y a la forme la plus subtile. ce n'est pas le mal dedans, etc. C'est ce qui est lié justement à l'ignorance, parce qu'on n'arrête pas de perpétuer, de répéter les schémas de la souffrance. C'est la plus profonde. Et tant qu'on n'a pas remédié à ça par la connaissance, les poisons mentaux vont ne cesser de ressurgir. La jalousie, l'orgueil, l'animosité, parce que ça naît d'une compréhension distordue du monde, de la réalité, de soi-même et des autres.

  • Speaker #1

    Si je reviens sur un mot que tu as utilisé, le mot égo, moi, c'est un mot qui, en toute transparence, je ne l'ai pas encore tout à fait compris.

  • Speaker #0

    L'égo, c'est un mot français, mais on dit plutôt l'entité du moi. Ce qu'on associe. Par exemple, moi, je pense que, je me rappelle, j'ai un petit enfant. Après, j'ai grandi. Maintenant, je suis un petit vieux. Mais j'ai l'impression que c'est toujours moi. Ben non.

  • Speaker #1

    Ça veut dire quoi, c'est toujours toi ?

  • Speaker #0

    Mon corps a changé à chaque instant, il continue d'ailleurs. Pas pour le meilleur, pour ce qui est de gravir des montagnes notamment, ni pour la mémoire. Mes expériences, c'est un flot continu et dynamique d'expériences. Donc chaque moment, on vient de rencontrer des personnes, je parle avec toi, je ne sais pas ça, il y a une heure. Donc c'est nouveau tout ça. Ça fait partie maintenant de mon histoire. Donc c'est un flot dynamique d'expériences. Mais... Il n'y a pas, si on cherche, il n'y a pas, justement, je disais, il m'a poussé, donc ça c'est le corps. Il m'a blessé, mes sentiments, donc ça c'est l'esprit. Mes sentiments, tout ça. Donc si on cherche, on ne trouve nulle part cette entité moi. Elle n'est pas localisée dans le cœur, elle n'est pas partout dans le corps. Si on perd ses jambes, alors on perd la moitié de l'ego, mais pas du tout. On a le même ego, mais avec 100, on est un cul de jatte. Donc en gros, si je me réveille et que je me vois comme un ours, j'ai toujours un ego, mais je me dis brusquement que je suis devenu un ours, c'est bizarre, ça me déconcerte. Donc il y a ce sentiment d'un moi qui serait unitaire, permanent. Et ça, c'est un source de problème. Donc si on l'analyse, on s'aperçoit. Alors ce n'est pas mauvais de penser ça, parce que c'est pratique. On dit que c'est une illusion utile. parce qu'il faut bien fonctionner, il faut bien avoir un nom, on est différent des autres, on n'a pas la même histoire. Donc c'est un peu comparé à un fleuve. La Seine, ce n'est pas pareil que le Mississippi ou le Gange. Mais il n'y a pas, on n'a jamais vu dans la Seine ou dans le Gange, une petite tête qui sort, n'oubliez pas que le Gange, c'est bien moi. C'est-à-dire, encore une fois, une unité. qui se déplacent au fil du temps. Le noyau, que parfois on appelle l'âme, ou les hindous appellent l'atman, pour eux, c'est une entité autonome et permanente. Dans le bouddhisme, on dit que c'est un flot en constant de transformation. Et ce n'est pas, encore une fois, juste une curiosité intellectuelle, parce que ça a des conséquences. Parce que si on s'agrippe à ça, ça mène à la souffrance. Si on s'aperçoit que oui, c'est un nom qu'on attache à un phénomène qui change constamment. C'est OK, ça. Mais on ne dit pas, oui, il y a un moi au fond, c'est vraiment moi, c'est ça, le cœur de mon être, c'est mon essence profonde. Alors là, on a des problèmes. Si on n'avait pas de problème, ça ne serait pas grave si c'était juste un concept philosophique. Mais il y a des conséquences. Donc, le bouddhisme réfute ça par la logique. Et le plus, alors, on voit les super-égaux, il ne faut pas aller chercher très loin. Regardez, aux Etats-Unis, c'est un monde de super égaux. Les résultats, ce n'est pas très encourageant. J'avais un ami qui est un grand psychologue, Paul Ekman. Et après avoir beaucoup de rencontres avec le délama, il dit que ce serait intéressant d'étudier les gens qui ont un égo transparent. Le délama, par exemple. Ce n'est pas du tout des légumes. Ce ne sont pas des gens ennuyeux. Au contraire, ils ont une grande effervescence de présence. Une fois, pendant une réunion, on lui a venu d'apprendre qu'un enfant était mordu par un chien enragé. Il avait les larmes aux yeux. Puis après, il rit. Donc, il est extrêmement vivant et tout.

  • Speaker #1

    Il n'a pas d'émotions.

  • Speaker #0

    Il n'a pas ce sentiment, disent les Chinois, ils disent que je suis un serpent habillé en moine, aucun sens. D'autres, ils disent que je suis un dieu vivant, aucun sens, je suis un simple moine bouddhiste. Donc, il ne s'attache pas à une image, à tout ce qui fait, tout ce que secrète la notion d'ego. En gros, il y a une façon saine de voir. Il y a le moi, bien sûr, on se réveille le matin, j'exige, j'ai faim, j'ai froid. Aucun problème. Il y a notre histoire, c'est le fleuve. Aucun problème. Ça, c'est l'histoire de la personne. Mais ce concept d'une entité autonome qu'on retrouve dans beaucoup de religions, l'âme, l'atman, les hindous, ça, pour le bouddhiste, c'est un problème.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour tous ces partages si on revient sur la méditation depuis quelques années en France on en parle de plus en plus moi j'ai été petit pratiquant j'ai même fait une retraite alors dans un temple à côté d'un temple en Thaïlande qui s'appelle le Dhammakaya Setiya je sais pas si ça te parle en 2018 donc je fais partie de ces jeunes entre guillemets qui ont découvert la méditation est-ce que toi tu peux nous en parler et nous dire surtout les bienfaits de la méditation

  • Speaker #0

    Oui, alors médecine, c'est un grand mot, mais c'est très vague. Parce qu'en vrai, ça veut dire entraînement. Bhavana, en sanskrit, ça veut dire cultiver. En tibétain, gourme, ça veut dire se familiariser avec quelque chose. Donc, vous dites, je m'entraîne. Bon, c'est bien, mais qu'est-ce que tu fais ? Je joue au rugby, ping-pong. des échecs, tu entraînes à quoi ? Ah ben non, je m'entraîne. Ça n'avance pas à grand-chose. Dans la méditation, c'est pareil. D'ailleurs, les étudiants en neurosciences ont montré que chaque type d'entraînement a une signature différente dans le cerveau. Si vous entraînez à ce qu'ils font beaucoup au Rhin-Occident, ce qu'on appelle la pleine conscience, en fait, c'est l'attention. L'attention, c'est un outil. L'attention, c'est un outil indispensable, mais ça ne suffit pas. On n'atteint pas à l'éveil avec juste l'attention. Donc, l'attention mobilise certaines aires du cerveau notamment, qui sont spécifiques pour l'attention. Maintenant, si vous cultivez, vous méditez, encore une fois, la bienveillance. tous les êtres, puissent tous les êtres être heureux. Même les pires, la haine, l'indifférence, la cruauté qui habite leur esprit, on peut souhaiter que ça s'en aille, non ? Ça serait bien, si les dictateurs c'est des dictateurs. On peut le souhaiter. On peut souhaiter que... Le système, l'éducation, le milieu environnement qui a amené ces personnes finalement au pouvoir que ça change au fil du temps. On peut souhaiter ça. Donc c'est bienveillant par rapport à dire si je le vois, je lui écrabouille la cervelle.

  • Speaker #1

    C'est constructif.

  • Speaker #0

    c'est bien mieux c'est comme un psychiatre qui voit un malade fou furieux il va commencer peut-être par le maîtriser s'il faut, mais après ça il ne va pas prendre un gourdin pour le zigouiller il va voir, est-ce que je peux le guérir ou pas et s'il peut le guérir, tant mieux il l'empêche de se nuire à lui-même et de nuire aux autres il lui donne des médicaments ou n'importe quoi mais il ne va pas dire, bon c'est un être impossible, donc on s'en débarrasse, non on essaye donc c'est ça la bienveillance, donc ça si vous voulez

  • Speaker #1

    Donc ce que tu veux dire, c'est que dans la méditation, il y a aussi une thématique qui est la bienveillance.

  • Speaker #0

    Donc on peut cultiver la bienveillance. Alors pour ça, qu'est-ce qu'on fera ? C'est comme quand on navigue, on ne va pas apprendre à naviguer un jour de tempête avec force 12. On va apprendre un jour de beau temps avec un petit bateau, un instructeur. Et puis après, petit à petit, on peut naviguer dans les grandes tempêtes. Donc c'est pareil. On ne peut pas commencer à méditer sur la bienveillance pour, je ne sais pas, Bachar el-Assad ou Poutine ou compagnie. Donc, on va commencer à penser à un être cher, un enfant, un conjoint, un parent, quelqu'un qui vous est très très cher. Cette personne vers laquelle vous n'avez aucun mal à lui souhaiter tout le bien du monde. Puisque cette personne est heureuse, s'épanouit, puis ses aspirations dans l'existence se réalisent, puis qu'elle est épargnée par des maladies et des souffrances. Vous remplissez votre visage mental de bienveillance. Et puis qu'est-ce qui se passe ? Des fois ça nous arrive pendant 10 secondes, mais on passe à autre chose. Là non, vous ne passez pas à autre chose. Vous maintenez cet état qui emplit votre paysage mental. S'il décline, vous le ravivez. Si vous êtes distrait, vous y revenez comme un papillon qui revient sans sa fleur. Donc vous surveillez votre état pour maintenir le plus clair, présent, intense dans le sens de à son point optimal, pas en moitié endormi, de sorte que ça se maintienne sur 10 minutes, une demi-heure, deux heures. Et on sait, aussi bien par l'expérience des contemplatifs, maintenant dans le bouddhisme de 2500 ans, que depuis une trentaine d'années, l'étude en neurosciences sur la neuroplasticité, que si vous faites quelques jours régulièrement, tous les jours pendant un mois, 30 minutes par jour, que ce soit apprendre à jouer au ping-pong ou autre chose, Déjà, en un mois, on voit que votre cerveau change, non seulement fonctionnellement, mais structurellement. Donc, plus vous en faites, plus ça change, plus les changements sont stables et importants. Donc, voilà. Donc, si vous voulez, si tu veux, la collaboration entre des contemplatifs et des neuroscientifiques a simplement corroboré le fait... que l'entraînement, ça vous transforme, et que plus on en fait, plus ça vous transforme, et plus c'est stable, et ça résiste aux circonstances, les hauts et les bas de l'existence. Donc à un moment donné, on arrive à un état où on a confiance qu'on peut gérer les hauts et les bas de l'existence. Ça ne veut pas dire qu'on ne sera pas triste ou joyeux. Il y a des hauts et des bas, forcément. Si quelqu'un meurt, ou si on voit un témoin d'un massacre, on ne peut pas être en joie. Donc la tristesse n'est pas incompatible avec un état de... comment dire, manière d'être qu'on peut appeler le bien-être, être bien au fond de soi parce que même devant la tristesse, on peut avoir de la résilience, de la détermination à remédier aux causes de la souffrance, donc de la compassion, de la bienveillance, de la force d'âme, d'être tourné vers les autres au lieu de tout le temps tourner vers soi. Donc tout ça, ça reste, même devant la tristesse. Donc, l'endroit où on revient avec les hauts et les bas peut changer. Si vous êtes un peu au fond du trou, vous avez toujours des hauts et des bas, beaucoup de bas et pas beaucoup de hauts, mais vous êtes déjà assez bas comme ligne de base. Puis à un moment donné, il y a toujours des hauts et des bas, mais votre ligne de base moyenne, c'est-à-dire quand il ne se passe rien, votre mode par défaut, on dit en neurosciences, il est différent. Et c'est ça qui est une véritable transformation. Donc, les scientifiques distinguent les émotions. qui durent quelques secondes. On peut être en colère encore et encore, mais l'émotion qui s'exprime par un ton de voix, des muscles du visage, qui sont très différents selon la colère, la tristesse, le dégoût, le mépris, etc., ça ne dure pas longtemps. Il y a un état physiologique aussi. Ça peut revenir, mais en gros, une émotion très forte, ça dure 5-6 secondes, puis encore une fois, ça peut revenir. Ensuite, il y a des humeurs. C'est là que vous, vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes triste, vous n'êtes pas motivé, au contraire, très joyeux, quoi qu'il arrive. Il y a des traits de caractère qui sont beaucoup plus stables et difficiles à changer. C'est un peu comme un parchemin qui a été longtemps roulé. vous les laissez sur la table, vous lâchez les mains, ils se renroulent de nouveau. Mais si vous faites ça beaucoup de fois, il finira par rester plat. Donc ça, les effets de la méditation, c'est pour changer justement les choses qui ne changent pas facilement. vos tendances, vos traits profonds et se libérer des tendances qui mènent à la souffrance. Alors ça, c'est le vrai but de la méditation. Ce n'est pas juste de s'asseoir sur une chaise, de sentir son derrière sur la chaise, d'observer sa respiration. Oui, bien sûr. Si vous n'avez pas cultivé l'attention de la pleine conscience, vous ne cultiverez pas la compassion. Votre esprit va vagabonder pendant une demi-heure autour du monde. Vous allez faire un rêve éveillé et vous n'allez cultiver rien du tout. Donc, il faut que l'esprit soit stable et clair. Donc ça, c'est le but de ce qu'on appelle la pleine conscience. Après ça, Il faut se servir de cet outil pour cultiver des qualités humaines fondamentales. La principale étant l'amour altruiste et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, ça me paraît un super outil et si je peux te partager une petite expérience personnelle moi en fait aujourd'hui j'ai une trentaine d'années jusqu'à 27 ans j'ai eu la chance d'avoir une vie avec des émotions qu'on appellerait plutôt positives mais on pourrait en parler je sais pas si tu les nommes comme positives mais autour de la joie, etc et j'ai vécu une dépression et la méditation justement m'a aidé à comprendre aussi que c'était passager comme je n'avais pas vécu énormément d'émotions plutôt autour de la tristesse, etc. Oui, bien sûr. Ça m'a vraiment aidé à donner, enfin, comme tu disais, on n'y pas en fait la réalité, on n'y pas les émotions. Par contre, ça donne une espèce de force et de conviction qu'en fait, après une tempête, il peut y avoir du beau temps.

  • Speaker #0

    Oui, et alors justement, il y a une approche qui s'appelle la... Comment ça s'appelle ? La Thérapie Cognitive. Les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience qui sont utilisées pour la dépression. C'est un entraînement qui dure quelques mois. qui ont été développés par Zinder Seagal, Teasdale et plusieurs personnes. Maintenant, ça fait 30 ans, et maintenant on sait, il y a des études scientifiques, que c'est un peu utile au fond de la dépression, mais c'est surtout pour les gens qui ont eu une ou deux dépressions, pour prévenir les rechutes. Et là, ça... ça prévient les rechutes, ça évite les rechutes dans 40% des cas. C'est aussi efficace que la médication. La médication, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre des médications, mais l'avantage, c'est qu'une fois qu'on a fait cet entraînement, ça perdure. Tandis que les médicaments, si vous arrêtez, ça s'arrête. Donc, on peut combiner les deux selon les besoins. On peut faire ça à la légère, il faut suivre un médecin qualifié. Mais pourquoi ? Parce que... La dépression s'accompagne notamment d'énormément de ruminations du passé. Donc ça revient, ça revient, ça revient. On est très centré sur soi. On anticipe le futur de façon très noire. Donc on n'a plus envie de rien faire. Tout va de travers. Il y a un très beau livre de Andrew Salomon, qui s'appelle en français, je ne sais pas comment ça s'appelle. En anglais, c'est de Nun de dimon C'était traduit en français. Il décrit parfaitement ça. Il dit qu'on ne peut plus ni ressentir de l'amour, ni le donner. Il y a toutes sortes de choses. Donc, les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience, qui allient les thérapies cognitives à la pleine conscience, s'adressent justement à mieux comprendre ces petits mécanismes qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, et qui font qu'on est prisonnier de ces enchaînements mentaux, qu'on n'a même plus envie de mettre le pied par terre. Donc, c'est extrêmement efficace pour empêcher les rechutes.

  • Speaker #1

    C'est un super outil, comme tu le disais, parce que je pense que ça rend autonome et ça donne de la confiance à la personne par rapport à un médicament, comme tu dis, qui finalement...

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'une fois qu'elles ont compris ça, elles peuvent le mettre de nouveau en application. Tout à fait. Donc ça, ça marche.

  • Speaker #1

    Et ça m'intéresse du coup de comprendre aussi, justement, est-ce que tu as un avis sur les médicaments, les antidépresseurs, les anxiolytiques ? Est-ce que pour toi, c'est OK pendant un temps ? Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #0

    Ce qu'on sait déjà, c'est que c'est très difficile de prescrire les bons médicaments. Tout à fait. Il faut parfois les changer et qu'il faut vraiment voir des spécialistes et pas un médecin généraliste aussi bon soit-il. Le problème, et moi j'ai travaillé avec Richard Layard en Angleterre, qui a fait évoluer considérablement le financement des maladies mentales, parce que l'OMS a montré, si on compte le nombre de jours où nous sommes incapacités dans la vie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas rien faire, qu'on ne peut pas travailler, on ne peut pas fonctionner normalement. Si vous avez un cancer ou une caisse cardiaque, vous survivez ou non, ça ne dure pas 40 ans. Donc le nombre de jours dans une vie où on est incapable de fonctionner normalement, c'est 40% dû aux problèmes mentaux. La dépression, parce que ça dure très longtemps, évidemment l'Alzheimer, la schizophrénie, mais la dépression a un rôle très important. Bien que ce soit 40% des jours d'incapacitation dans la vie, en Angleterre notamment, cet ami Richard Layard, qui est un Lord, s'est aperçu qu'il n'y avait que 10% de financement. Parce qu'on se dit, écoutez, vous n'avez qu'à vous prendre en main. Il y a une sorte de stigma aussi. Si on dit que vous avez le diabète, oui, il faut le prendre médicament. Mais vous êtes déprimé, écoutez, on m'y joue un peu. Alors qu'en fait, c'est beaucoup lié au transmetteur neurochimique du cerveau, à la rumination. Il y a quand même des causes. et on est aussi malade qu'on est malade avec le diabète. Donc voilà, il faut financer davantage pour qu'il y ait suffisamment de gens formés. Parce qu'encore une fois, un médecin généraliste, il est généraliste, mais là, c'est beaucoup plus spécifique.

  • Speaker #1

    et c'est vrai que c'est une très bonne chose de combiner ça aux thérapies cognitives basées sur la pleine conscience tout à fait on a parlé des émotions moi j'ai envie de te poser comme question parce que souvent on dit qu'il y a des émotions positives et des émotions un peu plus négatives positives comme la joie par exemple et négatives comme la colère ou la tristesse est-ce que pour toi justement il y a des émotions positives ou négatives est-ce que ce n'est pas une erreur justement d'avoir une perception positive et négative il y a deux points de vue

  • Speaker #0

    Donc, il y a le point de vue de l'évolution. Ça, justement, mon ami Paul Ekman. Et du point de vue de l'évolution, chaque émotion est apparue à une raison d'être. Donc, la colère, par exemple, chez un enfant ou chez des gens, c'est pour surmonter un obstacle qui se présente. Il faut être très énergique et le faire rapidement. Et notamment, si on prend un jouet à un enfant, on l'empêche de faire ce qu'il veut. C'est un obstacle, donc il réagit fortement. La jalousie, a priori, du point de vue de l'évolution, c'est pour maintenir la cohésion du couple. pour qu'il faut élever des enfants, il vaut mieux que les parents restent ensemble, sinon la survie des enfants, surtout à l'époque où l'homo sapiens s'est apparu, c'était important. Si à chaque fois les mères se retrouvaient toutes seules, la survie serait beaucoup diminuée. Donc chaque émotion a une raison d'être. Elles ne sont pas mauvaises dans ce sens-là. Alors, on a fait d'ailleurs un article dans une revue scientifique avec Paul Ekman, Richard Davidson et une autre personne, sur la comparaison entre ce qu'on appelle positif-négatif dans le bouddhisme et en psychologie. En psychologie, il parle d'émotions négatives quand on veut s'éloigner de quelque chose. On ne peut pas voir ça, un sentiment de répulsion, on veut éloigner la personne qui vous embête. Le positif, c'est d'aller vers quelque chose. Ça peut être aussi l'obsession. Pour nous, ce n'est pas positif. C'est simplement on va vers ou on s'éloigne d'eux. Donc ça, c'est juste une classification. Mais dans le bouddhisme, on ne parle pas de positif. Enfin, le moral, c'est assez mal d'être en colère. C'est négatif parce que ça apporte de la souffrance. Personne n'a jamais été absolument en extase de sérénité, en étant plein de haine, de jalousie, qui vous ronge du matin au soir, ou de l'orgueil qui vous fait voir tout le monde comme des crétins et vous pensez que vous êtes un type fantastique et que ça ne correspond pas à la réalité, donc vous finissez par vous casser la figure. Tout ça, ça apporte de la souffrance. Dans ce sens-là, c'est négatif pour le bouddhisme. La joie, la bienveillance, la persévérance, la fortitude, la résilience, on considère ces états mentaux positifs parce qu'ils contribuent à un meilleur être plutôt que de miner le bien-être. Donc c'est dans ce sens-là, ce n'est pas un truc moral, c'est très mal d'être en colère, c'est très vertueux si vous êtes bienveillant, c'est les résultats. D'ailleurs l'éthique bouddhiste est basée sur ce que ça fait en termes de souffrance ou de bien-être. Ce n'est pas la motivation. C'est la motivation, ce n'est pas l'apparence de l'acte. Une mère qui pousse violemment son enfant parce qu'il va se faire écraser par une voiture, c'est violent en apparence, mais elle est motivée par la bienveillance. Un gars qui vous fait des grands sourires et qui vous pique votre portefeuille, il est tout sourire, mais son sourire est malveillant. Donc, sans se fier aux apparences, ce qui compte, c'est la motivation, c'est ça qui colore l'acte. donc voilà, les résultats c'est en termes aussi bien pour l'éthique que pour les émotions c'est quel est le bien et le mal que ça fait à vous même et à autrui ok,

  • Speaker #1

    juste pour continuer sur les émotions il n'y a pas longtemps j'ai vu quelque chose qui s'appelle la roue des émotions, on voit des dizaines d'émotions qui existent et moi encore une fois pour être transparent avec toi je ne me ressens pas ces dizaines d'émotions là, est-ce que chacun est différent ou j'arrive pas à le percevoir encore ?

  • Speaker #0

    je ne sais pas qui a fait ça mais en gros les psychologues Les scientifiques reconnaissent six ou sept émotions de base, notamment ce pour Lechman et bien d'autres. Ils ont montré que contrairement à d'autres théories, culturelles, notamment Margaret Mead et d'autres, ils ont montré que c'était en fait... commun à toute l'humanité. Il a amené des photos d'émotions d'étudiants américains en Papouasie. Et le dégo, il leur montrait la photo du dégo. Ils disaient, ah oui, c'est quand on voit quelque chose de sale ou n'importe quoi, la joie. Donc, en gros, les émotions de base, c'est la joie, la tristesse, la colère, le mépris, le dégoût. la surprise.

  • Speaker #1

    Et la peur, non ?

  • Speaker #0

    La peur, oui, bien sûr. Oui, bien sûr, la peur. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce que vous montrez des images, ça, c'est la joie. Vous montrez un psychopathe. Ces émotions, ils ne reconnaissent pas la peur. Et s'ils savent dessiner, ils sont incapables. On leur dit dessiner la peur. Ils dessinent toutes les autres émotions, mais pas la peur. S'ils ont quelque chose dans le cerveau avec les amygdalas qui ne marche pas. C'est pour ça d'ailleurs qu'ils n'ont aucune empathie affective et qu'ils peuvent découper des gens en morceaux. Pour ça, c'est très bien. Donc voilà, ces émotions de base-là sont universelles. Il y en a d'autres aussi qui sont... Elles sont universelles parce qu'il y a une expression faciale. On a 256 petits muscles. Et pour Leckman, il vous dit tout de suite quels muscles sont appliqués. Il vous fait d'ailleurs prendre... Il fait ça, puis il vous fait prendre tous les muscles. Qu'est-ce que tu ressens ? Et vous ressentez le dégoût ou le mépris. Donc, c'est très intéressant. Il y a aussi un truc physiologique. Donc, elles ont une réponse physiologique. ça affecte le ton de la voix et parfois la posture corporelle. Donc quelqu'un qui est bien entraîné reconnaît très facilement les émotions. et les enfants qui sont un peu aveugles aux émotions, ça pose des problèmes relationnels très importants. Donc, j'en ai quelqu'un aux États-Unis, Mark Grimberg, qui fait éducation émotionnelle, intelligence émotionnelle. Donc, quand les enfants ne savent pas très bien, quand ils ne reconnaissent pas les émotions des autres, c'est souvent parce qu'ils ne reconnaissent pas leurs propres émotions. Donc, ils ont des cartes avec ces émotions de base, et quand ils reçoivent des émotions, ils veulent montrer la carte. Ça, c'est la colère, ça, c'est la peur, ça, c'est la tristesse. Et en quelques mois... ils deviennent beaucoup plus... L'alphabétisation des émotions et les rapports avec les autres changent complètement. C'est très important de bien identifier nos émotions, celles qui minent notre bien-être et celles qui au contraire le magnifient. Et celui des autres, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et moi, ça m'a vraiment interpellé. Au-delà de ces sept émotions, toutes les émotions possibles, est-ce que le bouddhisme, et plus précisément la méditation, peut aider justement à reconnaître... Oui,

  • Speaker #0

    alors d'abord, il y a un aspect théorique. Le bouddhisme a des traités entiers. sur les 51 événements mentaux de base, qui sont décrits en très grand détail.

  • Speaker #1

    51 événements mentaux ?

  • Speaker #0

    Oui, des émotions, mais aussi des états mentaux cognitifs. Et puis, il y a des broches à tout ça. Donc, il y a des traités entiers sur la taxonomie des états mentaux. Et ça fait partie des études qui s'appellent l'Abhidharma. Et en même temps, quels sont les antidotes ? quels sont ceux qui sont neutres, quels sont ceux qui sont constructifs, quels sont ceux qui détruisent. Et donc, voilà, la psychologie bouddhiste est extrêmement riche. D'ailleurs, dans ces rencontres de Man and Life, une fois, on était au MIT de Boston, et il y avait une série de dialogues où il y avait un bouddhiste et un scientifique. Moi, j'étais en paire avec Stephen Kosselin, qui à l'époque avait la chaire de psychologie à Harvard. On avait pas mal interagi avant ça. Il a commencé sa présentation en disant je voudrais rendre hommage à la masse de données expérimentales que les méditants bouddhistes apportent dans le champ de la psychologie contemporaine par tous ces siècles d'investigation de la façon dont fonctionne l'esprit Pour te dire, il y a des traités de la perception de 150 pages qui datent du premier siècle. Il y avait vraiment une séance de l'esprit.

  • Speaker #1

    Et dans ces événements mentaux, j'imagine que du coup, comme tu as beaucoup médité, tu en as vécu, est-ce qu'il y en a des particuliers qui t'ont marqué ?

  • Speaker #0

    C'est comme voir des paysages. Non, mais l'idée, c'est encore une fois... de peu à peu éroder ceux qui provoquent la souffrance de soi-même et d'autrui, et de cultiver, justement, c'est ça le but de la méditation, ceux qui contribuent au bien d'autrui et au sien propre. C'est ça un des buts de la méditation, bien sûr. Ok.

  • Speaker #1

    J'ai lu en préparant l'interview que, justement, tu as médité pendant des milliers d'heures, et qu'on avait analysé ton cerveau, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Je ne suis pas le seul, mais j'étais un des premiers à se faire des rencontres Mind Life sur les émotions destructrices. L'idée, le DMA a demandé au milieu de la semaine, ça a duré cinq jours, c'est très bien tout ce qu'on dit, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour la société ? Donc les scientifiques, on s'est réunis à midi, on a dit, on pourrait faire un programme de... scientifiques de haut niveau, parce qu'avant, il y avait eu pas mal de recherches, il y avait des trucs un peu vaseux, donc c'était pas très rigoureux scientifiquement, et puis avec des militants un peu n'importe comment. Donc là, on avait les meilleurs scientifiques du moment dans ces domaines, en neurosciences, en psychologie, et des militants qui avaient fait entre 30 et 50 000 heures de méditation. Donc, on s'est dit, si on trouve quelque chose chez eux, c'est qu'il se passe quelque chose. Si on ne trouve rien chez eux, c'est pas la peine de s'inquiéter des gens qui l'ont fait pendant trois semaines. Donc moi bêtement je me suis porté volontaire parce que j'avais une formation scientifique et je trouvais ça intéressant. Je ne m'attendais pas à passer 120 heures dans des IRM, aller une fois ou deux fois par an une semaine dans des labos aux Etats-Unis surtout mais aussi en Europe. Et finalement, devenir non seulement un cobaye, mais un collaborateur. C'est-à-dire qu'il faut bien collaborer. Qu'est-ce qu'ils étudient ? Qu'est-ce qu'on étudie ? Il faut bien que le méditant décrive ce qu'il fait, et qu'on ait des états précis, parce que si on pense à tout en même temps, ça ne sert à rien. On ne veut pas savoir ce qui se passe dans le cerveau. Donc, il faut être capable d'engendrer un signal très pur, soit rien que de la bienveillance, soit de l'attention pure, et pas tout mélanger. qu'est-ce qui mesure ? Si tout le cerveau se met en œuvre en même temps, ça ne marche pas. Donc voilà, cette collaboration effectivement a permis de publier de nombreux papiers, dont certains ont été il y avait un notamment sur les effets de la compassion qui a été le plus téléchargé dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaines pendant l'année. qui montrait que lorsque des méditants s'engageaient à la méditation sur la compassion ou la bien inconditionnelle, il y avait une activation dans les fréquences gamma des oscillations cérébrales qui étaient de loin 100 fois plus puissantes qu'on avait enregistrées jusqu'alors en neurosciences. Bon, ça s'est vérifié avec tous les méditants à long terme. et les gens qui s'étaient entraînés pendant 15 jours, on ne voyait pas ce phénomène. C'était une chose intéressante, mais il y a eu beaucoup d'autres études qui montrent qu'effectivement, il y a des changements fonctionnels dans le moment, si on s'engage, on voit des très grands changements dans le cerveau, et structurels sur le long terme. Et il y a aussi notamment cette activation très forte des ondes gamma. En fait, si on demandait aux gens à peu près, parce qu'on ne fait pas le compte avec un compteur, on va dire, En gros, combien d'heures de méditation ils avaient pensé avoir fait, donc ça dépend, s'ils avaient fait des retraites de plusieurs années, combien d'heures en gros par jour ils méditaient, ils pratiquaient, combien d'années ils avaient pratiqué. Donc il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait six ans de retraite. Donc on s'est aperçu que l'intensité de ces activations était proportionnelle finalement au nombre d'années et d'heures. Il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait 6 ans de retraite, ils étaient très hauts. D'autres qui avaient milité un peu pendant 40 ans, ils étaient moins. Donc c'était vraiment une ligne droite. Plus on s'entraîne, plus ça change. C'est à la fois réconfortant et encourageant. Donc c'est pas qu'il ne se passe rien pendant 20 ans, puis d'un coup, boum ! Ou alors que vous avez tout en 5 minutes et après vous relaxez. En fait, c'est comme toute forme d'entraînement. Plus on s'entraîne, mieux ça marche.

  • Speaker #1

    Donc, ça a été prouvé scientifiquement. C'est des bienfaits.

  • Speaker #0

    Quand on dit prouvé, bien sûr, c'est scientifique. On peut toujours débattre. Oui, regarder si la méthodologie est correcte. On va quand même publier dans des prestigieuses revues scientifiques, vérifiées par d'autres laboratoires. Donc, on peut dire oui. On sait maintenant que la neuroplasticité existe, que le cerveau peut changer sous toute forme d'entraînement, que ce soit d'apprendre toutes les rues de Londres par cœur, comme faisaient les taxis londoniens avant l'invention des GPS. Et l'air dans le cerveau qui se représente la topologie du milieu extérieur changeait considérablement, mais physiquement. Donc, si vous apprenez à chanter, tout ça, ça change. Donc là, on n'apprend pas ni à chanter, ni à apprendre les rues de Paris. On s'entraîne à la compassion ou à l'attention et le cerveau change. Et ça, ça a été démontré.

  • Speaker #1

    et c'est spécifique donc chaque type d'entraînement ou de méditation a une signature spécifique dans le cerveau donc la méditation ça aide les êtres humains à être épanouis est-ce que tu penses qu'un jour en France dans les écoles on enseignera la méditation oui alors c'est assez commun en Angleterre,

  • Speaker #0

    aux Etats-Unis en Hollande mais en France il y a une sorte de résistance parce qu'on pense ah c'est les bouddhistes qui débarquent ou c'est des trucs orientaux c'est une religion alors que Moi, j'ai écrit un petit bouquin qui s'appelle L'art de la méditation J'ai fait exprès. Disons, c'est vrai que ça tire ses racines dans le bouddhisme. Mais ce n'est pas un livre bouddhiste. Je ne demande pas aux gens de venir au bouddhisme. Je parle très peu du bouddhisme. Et puis, ça ne tient pas la route parce que ça s'adresse à la façon dont fonctionne notre esprit et notre cerveau. Alors, si un scientifique japonais trouve une nouvelle particule, un boson X ou je ne sais pas quoi, la particule n'est pas japonaise. Elle existe ou elle n'existe pas. Donc si la colère... Avant on disait, il faut exprimer notre colère, il faut laisser s'exploser, il faut casser des pianos, c'est très à la mode. Maintenant on sait que ça ne marche pas. Que plus vous vous mettez en colère, plus vous êtes coléreux, c'est tout. Donc maintenant on le sait. Donc c'est valable pour tout le monde. Qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans le bouddhisme ? Une des choses, ce n'est pas une supériorité, c'est une spécificité. Depuis 2500 ans, ils n'ont pas arrêté de s'interroger sur la façon dont fonctionne l'esprit, comment sont ses émotions, à les classer, à les étudier, je vous disais la perception, tous ces phénomènes mentaux. Qu'est-ce qui se passe quand on voit un objet ? D'abord, il y a une perception nue, puis après, il y a des concepts qui s'attachent. Tous ces processus-là sont extrêmement déclinés et étudiés. Bon, c'est leur spécialité. Mais on a tous un esprit à qui on a affaire du matin au soir, qui peut être notre meilleur ami ou notre pire ennemi. On le voit bien dans la dépression. Finalement, ces choses-là, ça fait partie du patrimoine mondial de la connaissance. Il y a des gens qui sont spécialisés là-dedans. D'autres qui sont spécialisés pour envoyer des fusées sur la Lune. Ça les regarde. Mais bon, en gros, si vous voulez, c'est tout un aspect. qui peut être utilisée de manière parfaitement séculière. D'ailleurs, le programme de pleine conscience, Réduction du stress par la pleine conscience, le MBSR de John Kabat-Zinn, il a commencé dans les hôpitaux à Boston, parce qu'à la fois les malades... les aides-soignants, les médecins, tout le monde était stressé. C'était indégaux. Et on sait que le stress affaiblit le système immunitaire. Alors, vous avez des gens qui sont en chimio, en plus, ils sont stressés, donc le système immunitaire ne réagit pas comme il devrait au traitement. Donc, diminuer le stress, c'est un grand avantage. Il a commencé comme ça. Après, c'est dans le monde entier. Et après, on en a mis dans l'entreprise, dans les écoles. Il y a plus ou moins... Mais en France, on se dit, ah là là ! C'est pas laïque. Mais si, c'est laïque. On a tous un esprit. Il n'y a pas que les religieux qui ont un esprit. Mais comme le dit Daïlama, la bienveillance et la compassion, ça n'appartient pas aux religions. Ça serait trop triste, parce qu'il y a la moitié des gens maintenant qui ne suivent pas des religions. Si on disait, l'amour et la compassion, ça ne vous regarde pas, ça serait dommage. Et comme il dit, la religion, ça devrait être un choix. qu'on devrait faire normalement, pas imposé par les parents ou la culture, mais qu'on peut réfléchir, on le fait ou non, c'est pas grave. Mais la bienveillance, on en a besoin du jour où on est né. Un nouveau-né ne survivrait pas trois jours si on ne s'occupait pas de lui. Ou une personne âgée, on en a besoin de la naissance à la mort. Donc c'est complètement indépendant de la religion. La religion peut aider à magnifier si on l'emploie ultimement au lieu d'utiliser comme des drapeaux de ralliement pour alimenter la haine, mais A priori, toutes les religions parlent d'amour au départ, très bien. On peut magnifier l'amour et la compassion avec la religion, mais ce n'est pas obligé. Donc, a priori, tout ça, c'est parfaitement séculier, laïque. Et c'est bizarre que... Parce que, d'un certain point de vue, historiquement, ça a été un peu amené par des gens. Moi, je ne suis pas du tout un apôtre de la pleine conscience. Je ne m'occupe pas du bouddhisme en Occident. J'ai vécu toute ma vie, la plus grande partie de ma vie en Orient. J'étudie un bouddhisme très traditionnel. Donc, le bouddhisme en Occident, moi, ce n'est pas mon affaire. Mais bon, je vois bien que c'est un certain succès, que la méditation s'est développée. Alors, évidemment, ça peut être utilisé de travers. on peut dire, voilà, on va rendre les gens plus efficaces, ils vont bosser plus, ils seront un peu moins stressés. Donc c'est pour ça que moi, personnellement, je parle souvent d'une pleine conscience bienveillante. Parce que finalement, un tireur d'élite, il est en pleine conscience. On l'a dit de surveiller quelqu'un, de le zigouiller s'il arrive, il faut qu'il soit attentif, il ne faut pas trop qu'il ait d'émotions. S'il est distrait, il faut qu'il revienne. Et puis, il n'a pas de jugement parce qu'on l'a dit de tirer dessus, donc il faut qu'il le fasse. Bon, un psychopathe peut aussi être très attentif, mais un tireur d'élite, il n'est pas forcément bienveillant, et un psychopathe non plus. Donc si vous, et par exemple, si on veut augmenter simplement la performance dans l'entreprise, à tout prix, sans que les gens soient moins stressés, pour que ça marche mieux, ce n'est pas très bienveillant. Les gens finissent par craquer. Donc la bienveillance, par contre, il n'y a pas de psychopathe bienveillant, et il n'y a pas de tireur d'élite bienveillant. Donc, en gros, la bienveillance, ça élimine toutes les déviations possibles dans le monde moderne d'utiliser un instrument, parce que l'attention, c'est un instrument qui peut, selon la motivation, être utilisé pour faire du bien ou du mal. La bienveillance, ce n'est pas un instrument neutre. La bienveillance, c'est chargé d'une valeur éthique positive. C'est pour faire le bien des autres. L'intelligence, l'attention... ça peut être utilisé pour détruire ou pour construire, c'est comme un marteau donc les gens qui ont fait l'attentat du 11 septembre, ils étaient très malins c'est intelligent, mais l'intelligence utilisée pour faire du mal et l'intelligence artificielle c'est pareil plus elle sera puissante 10 000 fois plus intelligente pour le raisonnement et la gestion des données plus la motivation dont on la nourrit donc il faut l'élever comme un enfant presque Et ça, c'est possible. Il y a un gars qui s'appelle Mo Gadvar, qui a écrit un livre très bien sur ça. C'est un des premiers spécialistes d'intelligence artificielle chez Google. Il s'appelle Scary Smart. C'est-à-dire, c'est extrêmement intelligent, mais c'est un peu effrayant. Il dit qu'il y aura des dérapages, mais en même temps... Si on l'éduque correctement, parce que finalement, elle brasse les données qu'on lui donne, on peut l'éduquer vers le bien-être de la population, vers la coopération, vers étudier le diagnostic des maladies, comment remédier au mieux à la pauvreté au Ghana, mettre tout ça dans les données et trouver quelque chose qui se passe. Donc, tout dépend, c'est à nous, finalement, d'éduquer tout ça. Et la méditation, ça dépend de la motivation. On dit que la motivation, c'est ça qui colore nos actes. C'est un peu comme un cristal, vous le posez sur un tissu bleu, il a l'air bleu. Un tissu rouge, il a l'air rouge. Donc c'est la motivation qui donne la valeur éthique à nos actes. Ce n'est pas l'apparence du comportement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'intelligence artificielle, c'est hyper intéressant. Moi, je viens du milieu entrepreneurial et particulièrement de la tech, des startups. On sait que l'intelligence artificielle va bousculer beaucoup de choses. Tu dis en effet que finalement, on peut s'en servir à des bonnes fins.

  • Speaker #0

    Parce que c'est un outil.

  • Speaker #1

    C'est un outil. Mais aujourd'hui, comment on peut... Parce que si on essaie d'inventer une intelligence artificielle qui est pour le bien-être humain, c'est aussi des entreprises privées et c'est contrôlé par des personnes.

  • Speaker #0

    C'est ça, du coup il y aura plein de conséquences parce qu'il faudra forcément un salaire universel de base, parce que si 40% des gens perdent leur emploi, je ne sais pas, mais c'est un scénario envisageable, et si déjà il y a 10 personnes qui possèdent autant que le quart le plus pauvre de l'humanité, ce qui est complètement c'est bon que le système est complètement faussé parce que cette accumulation au sommet, soit dit, on parlait du ruissellement qui ne s'est jamais produit, donc quelqu'un qui a 200 milliards, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire on dit ouais ouais mais il a créé 20 000 emplois, il pourrait créer 20 000 emplois avec 100 millions au lieu de 100 milliards Je veux dire, tout ça, c'est du baratin. Ils achètent des yaks de 130 mètres de long. Donc là, il y a un problème de société, de façon dont le système fonctionne. C'est évident qu'il faudrait une certaine forme de redistribution des richesses, parce que avec tout cet argent, quand je vois que je ne sais plus lequel des deux, Elon Musk ou Bezos, a dépensé 5 milliards pour emmener ses copains 10 minutes en apesanteur, avec 5 milliards, vous mettez la plupart des enfants qui ne sont pas en classe dans le monde à l'école.

  • Speaker #1

    quand même là il y a un problème éthique majeur ce que je comprends pas peut-être que tu vas m'aiguiller c'est que d'un point de vue éthique déjà je comprends pas en fait l'intérêt tu vois moi je considère que entre guillemets quand on est riche quand on parle financièrement à partir d'un ou deux ou trois millions ça change pas grand chose ça

  • Speaker #0

    déjà je comprends pas mais je comprends pas ces personnes là en étant aussi chef d'entreprise parce que c'est incompréhensible c'est de l'orgueil c'est tout ce qu'on veut moi j'ai vu un film j'ai pas été à une salle de cinéma depuis 30 ans Sauf pour voir la panthère des neiges parce que je passais devant, c'est un de mes copains, Vincent Meunier. Mais j'ai vu des films parfois dans les avions, etc. J'ai vu un film avec Sean Connery et je ne sais pas qui, une dame. Ils se débrouillaient, c'était en Malaisie, il y a des trucs très compliqués, mais ils se débrouillaient pour changer les horloges à minuit. Et pendant une minute, ils avaient brouillé les horloges et ils pouvaient accéder à des comptes bancaires. Ils avaient ramassé 2 milliards de dollars. et puis cette dame, très gentille voulait finalement tout prendre pour elle et Sean Connery s'en aperçoit et lui dit une phrase que j'aime bien, il dit qu'est-ce que vous pouvez faire avec 2 milliards que vous ne pouvez pas faire avec 1 donc moi mon interprétation Bouddhi c'est rien pour vous même mais beaucoup pour les autres et moi j'ai connu Pierre Omidyar il a fondé je crois que c'est Ebay C'est un Iranien français qui est venu aux Etats-Unis, qui a donc fait fortune. Et à un moment donné, il a dit à son chef financier, arrêtez de m'enrichir, il faut qu'on trouve quelque chose. Maintenant, ils aident des centaines de milliers de personnes en Inde. Moi, je le connais personnellement. Il est venu participer aux discussions avec le Dalai Lama. Et un jour, il était à Paris, parce que sa maman vit à Paris. Et donc, je lui ai donné rendez-vous là où j'étais, à Paris, il y a quelques jours. Il arrive en métro. Et il me dit, tu comprends, ma maman me dit quand même, tu es souvent à Paris, tu peux t'acheter une voiture. Alors, fort de ce conseil de sa maman, il a été voir un des trucs là où on voit 150 voitures de tous les modèles. Il est rentré dedans et il a dit, voilà, je peux toutes les acheter. Est-ce que j'en ai besoin ? Non. Il a repris le métro. Ça, je trouve ça bien. Et voilà, donc c'est quelqu'un qui a réfléchi. Il travaille pour la démocratie, pour la liberté de la presse, et des choses comme ça aux États-Unis. il y a du boulot. Mais franchement, c'est lamentable. Alors, il y a des gens comme Giving Pledge. Donc, moi, j'ai connu une des personnes qui a lancé ce Giving Pledge. C'était quelqu'un qui a fondé toutes les boutiques de duty-free dans le monde. Il a donné 15 milliards pour l'éducation, pour plein de choses, pour la cause du combat pour la paix en Irlande, ce qui était l'origine irlandaise. Et donc, il a fait le vœu de donner l'intégrité de ces 15 milliards de son vivant. Mais il voulait le faire anonymement. Donc, il s'est mis au Gilles Caïman, ce que font généralement ceux qui veulent faire du blanchissement d'argent. C'est un peu le James Bond de la philanthropie. Il s'appelait Sweeney. Et donc, il est mort récemment. Il a réussi à tout dépenser. Moi, je l'ai rencontré. Et à un moment donné, les États-Unis ont pensé qu'il faisait du blanchissement d'argent. Donc, ils ont rentré dans ses affaires et ils se sont aperçus qu'en fait, qu'il donnait tout. Il ne voulait pas que ça se sache. Mais c'est la personne qui a inspiré Bill Gates et Warren Buffett à créer le Give and Play, c'est-à-dire qu'ils font le vœu de donner 50% de leur... Déjà, avec 50%, ils ont largement de quoi voir venir. Mais c'est incroyable qu'il y ait des gens qui veulent malgré tout accumuler plus en plus, être de plus en plus riches, et on ne comprend pas. Donc ça vient de... En fait, c'est là, précisément, disons, un chemin de transformation personnelle peut aider. Alors moi, je suis plus communiste que le pays des communistes, j'ai donné... 100% de mes droits d'auteur et de toutes les conférences, les émissions de photos, mais ça représente 95 ou 16% de ce que j'ai en... parce que j'ai hérité un peu de mon père pour m'occuper de ma mère, donc j'ai gardé un petit peu pour m'occuper des vieux jours de ma mère, ce que j'ai bien fait parce que pendant 5 ans, elle n'avait rien. Mais en gros, ce que j'ai reçu, soit par mon père, soit par mes gains, j'ai donné 96%. Donc ça va, je suis tranquille avec ma conscience. Parce que je n'en ai pas besoin. Je préfère beaucoup mieux. Maintenant, Karuna Sechen, l'organisation que j'ai fondée, il y a 24 ans, on aide 500 000 personnes par an. C'est énorme. Les bénéficiaires directs, l'extrême pauvreté, l'éducation des femmes. Au Népal, en Inde, là on va faire une campagne avec un médecin exceptionnel pendant deux ans. On va faire 60 000 opérations de la cataracte. Là-bas, ça change la vie de quelqu'un. Une femme pauvre qui a de la cataracte, elle ne peut plus être dans la maison pour s'occuper des champs, des enfants. Donc le mari l'envoie dans la famille. C'est un changement de vie complet. On lui rend la vue pour 100 dollars. Tout compris la logistique, l'implant et tout ça. Ici, un implant, ça vaut 80 euros. Là-bas, ils le manufacturent pour 4 euros. Ça change la vie de quelqu'un pour 100 dollars.

  • Speaker #1

    Là, tu vois l'impact de ton argent.

  • Speaker #0

    On change la vie de peu de 10 000 personnes, mais vraiment changer la vie. Donc, c'est formidable tout ça. J'avais accumulé des sous dans une banque. Qu'est-ce que j'en ferais ? M'acheter, je ne sais pas combien, 50 Ferrari. Donc ça, ça me dépasse.

  • Speaker #1

    Moi aussi, ça me dépasse. Et si on revient sur nos amis, les milliardaires, alors tu nous as raconté une super histoire d'une personne qui a donné 15 milliards pour les autres. Mais est-ce que tu penses, parce qu'on se rend compte quand même qu'il y a une urgence au niveau de la planète, une urgence humaine, est-ce que ces gens-là qui ont des milliards, est-ce que tu es contre l'héritage, par exemple ? Tu penses qu'on devrait...

  • Speaker #0

    Il devrait y avoir, c'est ce que disaient Piketty et d'autres, je veux dire, que ça leur plaise ou non, quand ça dépasse un seuil où ça ne sert plus à rien pour eux-mêmes excepte de s'acheter une île privée et un yak de 200 mètres de long, où... Moi, une fois, j'ai navigué avec un ami en Méditerranée. Il y avait le bateau de je ne sais pas quel magnat russe à l'époque. Et le chauffeur de taxi qui m'a pris pour aller à l'aéroport, après, il m'a dit, ils font des soirées à 300 000 euros, juste la soirée. Je veux dire, c'est totalement immoral. Alors qu'avec ça, on peut sauver peut-être 3000 vies en Afrique, je veux dire. On peut rendre la vue, justement, à 3000 personnes. Donc là, à un moment donné, si ces gens-là ne le font pas spontanément comme M. Sweeney, évidemment, ça ne les mettra pas sur la paille. S'ils ont 100 milliards, t'en prends 99, parce qu'avec un milliard, ça fait 1000 millions. Vous êtes tranquille pour le restant de vos jours. et à part des choses complètement idiotes et qui n'ont aucun sens et qui sont très poétiques vu les besoins dans le monde déjà ça vous empêchera de faire tout ça et puis vous les accumulez pour rien et puis ils pourront générer de l'emploi de toute façon s'ils sont des bons chefs d'entreprise et sur une bonne idée je veux dire Amazon c'est une bonne idée a priori mais qu'une bonne idée fasse de vous quelqu'un qui a 100 fois 1000 milliards de dollars qui a 100 fois 1000 millions de dollars mais c'est des chiffres qu'on n'arrive même pas à imaginer ça n'a pas de sens donc c'est pas ça qui fait marcher l'économie puisqu'ils le mettent quelque part donc ça c'est il faut évidemment faire quelque chose pour qu'ils n'accumulent pas cet argent et que ça serve au bien-être de l'humanité. Parce qu'il y a 10 personnes qui sont présentes, autant que le quart le plus pauvre. C'est dément.

  • Speaker #1

    C'est des ratios délirants.

  • Speaker #0

    Et ces inégalités n'ont cessé d'augmenter depuis 30 ans dans tous les pays de l'OCDE. Elles ont été exacerbées encore pendant le Covid, parce qu'ils ont tous fait leur beurre pendant ce temps-là.

  • Speaker #1

    toutes les grosses fortunes n'ont cessé d'augmenter donc il y a un truc qui ne marche pas dans le système bien sûr si on revient un peu sur les jeunes je sais que c'est quelque chose qui t'importe on sait qu'il y a un contexte sur la santé mentale chez les jeunes qui est un peu alarmant on parle de 4 jeunes sur 10 qui ont les syndromes anxio-dépressifs moi ça me rend vraiment triste pour le coup comment toi tu expliques ça peut-être quelques conseils que tu pourrais donner à ces jeunes

  • Speaker #0

    C'est vrai d'abord, on parle de l'éco-anxiété, mais ce n'est pas que ça. Je crois que c'est l'incertitude, qu'il y a toutes sortes d'incertitudes à notre époque. L'emploi, les sciences officielles, l'environnement, les changements, peut-être les conflits, etc. Finalement, en tant qu'incertitude, qu'est-ce qui peut aider ? C'est prendre conscience davantage de notre humanité commune. Moi, j'étais en retraite au Népal. J'écoutais comme la BBC sur une petite radio au moment du début du Covid. Et j'avais vu notamment qu'il y avait un site en Angleterre, fait par l'État, où on pouvait porter volontaire pour apporter de la soupe à des personnes âgées pendant le confinement. On pouvait emmener quelqu'un à l'hôpital. Et en 24 heures, un million de personnes se sont présentées. Il y a quand même eu une solidarité dans tout ça. Les gens qui étaient très mobilisés dans les hôpitaux. Donc, souvent en période de difficulté, ce sentiment d'humanité connu me ressort pendant les catastrophes. Au moment de l'avouer à Grand-Catherine, on avait dit, oh, il y a des viols, ils pillent les magasins, donc ils ont envoyé l'armée. En fait, ce n'était pas ça du tout. Tout le monde s'entraidait. Il serait mieux fait d'envoyer de l'aide. Donc, toutes les études ont montré que dans les grandes catastrophes, il y a un groupe de scientifiques qui étudie les grandes catastrophes. C'est immédiatement l'entraide. Un tremblement de terre, c'est d'abord les gens du quartier qui aident avant que les secours arrivent. Donc il faut encourager cette fibre-là, quand on fait face à l'incertitude. Encourager la solidarité, la bienveillance. C'est pour ça que j'ai écrit un livre de 800 pages sur l'altruisme, parce que ce n'est pas une idéologie utopique, bisounours. C'est la solution pour les défis du XXIe siècle. Si on s'en fiche du sort des générations à venir, pourquoi est-ce qu'on changerait tout ? Alors qu'on sait maintenant, s'il y a 4 degrés de réchauffement climatique, la population humaine va être réduite à un milliard. C'est très bien, on a trop de monde. Oui mais un milliard ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils sont morts de quoi ? De famine ? De conflit ? C'est pas réjouissant. Il vaut mieux diminuer en diminuant la mortalité infantile, ce qui diminue la natalité, et puis on règle la population. Mais pas avec des famines, des migrations, 250 millions de migrants. Ça va être rien. Comparé à ce qui se passe maintenant, c'est rien ce qui se passe maintenant. C'est 0,5% de l'Europe, c'est des migrants. Mais si on avait 250 millions, parce que l'abbé Pierre disait qu'on ne peut pas arrêter des gens qui meurent de faim. C'est ça. C'est parce qu'on a manque de considération d'autrui pour les générations à venir. Pourquoi il y a encore de la pauvreté, le carmon, de la pauvreté au sein de la richesse ? C'est parce qu'il manque de considération d'autrui. La bienveillance, c'est une solution pragmatique. La considération d'autrui. J'ai écrit ce bouquin pour essayer de démontrer ça. Il fait une sorte de plaidoyer, un monde idéal. Mais non, c'est très pragmatique. C'est favoriser la coopération, favoriser la solidarité. et tout ce qui fait qu'une société est plus harmonieuse. Donc, c'est vrai que les jeunes, moi, je me rappelle avoir, au moment où on a pu voir le truie, ça fait, je ne sais pas combien, 10 ans ou 12 ans, parler à un groupe de jeunes, et à la fin, il me dit, votre truc, c'est quand même, c'est flippant, il me dit. J'avais du mal à comprendre pourquoi c'était flippant, parce que on est un peu dans l'hyper-individualisme, surtout dans les sociétés très individualistes comme en Occident. En Orient, c'est beaucoup plus collectiviste, les familles restent ensemble, ils sont complètement choquées qu'on mette les... Les parents dans des... Alors ici, c'est parce que les familles sont dispersées. Il y en a un à Marseille, l'autre à Paris. Il faut qu'ils travaillent tout le temps, donc ils ne peuvent pas s'occuper de la mer. Mais là-bas, les trois générations restent ensemble. On n'imaginerait pas... Bon, c'est différent. Mais bon, hyper collectiviste, évidentiste, ça veut dire que vous êtes finalement... en vous-même. On devient très vulnérable parce que moi et le monde entier à côté, donc moi, moi, moi, du matin au soir, on est très fragile parce que tout vient soit un instrument pour promouvoir notre bien-être soit une menace. Donc ça polarise le monde considérablement si on n'a pas ce sentiment d'appartenance à une communauté. Donc c'est vrai que l'hyperindividualisme joue beaucoup. Il y a aussi l'isolement. On sait maintenant que les enfants jouent 30 fois moins dans la rue qu'il y a 15 ans, 20 ans. Parce qu'ils vont à la maison, c'est là où il y a les appareils. Donc il y a une diminution du lien. Des enfants notamment qui très tôt communiquent uniquement par SMS ou autre chose, on leur demandait, mais vous ne pouvez pas avoir une vraie conversation ? Ils disaient, oui, peut-être plus tard, mais je ne me sens pas prêt et tout. Donc il y a une sorte d'isolement dans l'ultra-communication. Si vous avez 500 amis sur Facebook, ce n'est pas des amis, c'est une vitrine pour le narcissisme. Vous vous montrez, vous envoyez une photo de ce que vous êtes en train de manger, tout le monde dit, qu'est-ce qu'on s'en fout ? moi j'ai vu des gens à Hong Kong ils arrêtaient pas de photographier ce qu'ils mangeaient pour envoyer à leurs copains franchement il y a cet hyper individualisme qui vous isole des autres et sentir seul c'est pas bon je vous l'ai dit au début, le sentiment de solitude est très délétère pour la santé mentale il y a aussi le manque de sens finalement, pourquoi continuer pourquoi simplement gagner de l'argent on va de toute façon en train de détruire la planète donc je me dis à quoi ça sert tout ça, donc c'était un peu la question que je me posais Je ne voulais pas que mon existence soit, mais je ne savais pas ce que je voulais vraiment qu'elle soit. Moi, j'ai parlé une fois à des jeunes au Canada. Ils me disaient, voilà, on a fait des études, on a rempli des tests, on a vu des psychologues, des orientateurs professionnels, on a essayé deux, trois boulots. On n'est pas motivés. On ne sait pas ce qu'on veut faire. J'allais écouter. Le Canada, c'est des beaux pays. Il faut aller seul ou avec des copains ou des copines au bord d'un lac. Vous asseyez là une petite heure. Vous n'essayez pas de faire marcher l'ordinateur dans votre tête. Et puis, à un moment donné, vous voyez qu'il monte à la surface. Qu'est-ce que vous voulez vraiment, vraiment faire ? Il y a peut-être quelque chose qui apparaîtra. Et à ce moment-là, après, comme on dit en anglais, If there is a wish, if there is a will, there is a way Donc, si vous avez vraiment un souhait, il y a toujours une manière de le faire. Même si c'est réaliste ou pas, vous arrivez finalement à le faire. Donc, Aristophanes disait, l'éducation, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer une flamme. C'est vrai que cette idée d'avoir un idéal, quelque chose qui compte, quelque chose qui vaut la peine d'être accompli... après les hauts et les bas de l'existence vous les passez beaucoup mieux tandis que si vous ne savez pas où vous allez vous irez un peu à droite à gauche dès que c'est un obstacle ça y est ça ne marche pas je suis coincé il n'y a aucun espoir donc c'est vrai que c'est

  • Speaker #1

    un problème de société mais ça s'est accentué dans ces dernières années bien sûr est-ce que si ce n'est pas indiscret je peux te demander si tu as vécu des périodes difficiles et des périodes qu'on peut appeler dépressives

  • Speaker #0

    Moi j'ai une amie qui m'a dit, qui va venir me chercher, t'es la dernière personne pour qui un livre sur le bonheur parce que t'as jamais vraiment souffert. J'ai pas vécu des souffrances directes qui peuvent complètement déstabiliser une vie. J'ai beaucoup aimé mes parents, ma mère est partie à 100 ans, on a célébré une belle vie, mon père aussi. Donc en gros... Voilà, mais simplement la souffrance, même si on ne l'a pas vécue intimement dans des drames terribles qui vous déchirent, moi ce qu'on peut dire c'est que je l'ai vue, j'en ai des témoins. Je veux dire parce que tous les témoignages, j'ai entendu des gens au Tibet, qui étaient dans les camps de travaux forcés, où tous les matins ils sortaient 10-15 cadavres qui meurent de faim ou de maladie ou d'épuisement ou de froid. Je veux dire, en Inde, ce n'est pas difficile d'être confronté à la souffrance, il y en a partout. Moi, je travaillais dans le vieux délit pour imprimer des textes. J'avais des gens qui dorment dans la rue, des veuves musulmans habillées en blanc qui mendient avec un voile devant leur figure. Et si elles mendient, c'est qu'elles n'ont plus personne. Donc, elles ne voient plus personne parce qu'on ne les voit pas et elles sont derrière le voile. Dans quelle situation vous vous rendez compte ? Dans tout ça, j'en ai vu de la souffrance. Je sais ce que c'est. Dans le bouddhisme, on parle tout le temps de la souffrance. Moi, je n'ai pas vécu de drame. En plus, j'ai eu la chance d'avoir très tôt des outils. pour construire en soi les ressources pour gérer les hauts et les bas de l'existant, d'être moins déstabilisé par des choses qui peuvent déstabiliser beaucoup de personnes. Donc, à force, il y a une certaine faculté comme un chat qui retombe sur ses pattes. Tout ça fait que, effectivement, je pense... La mort, c'est naturel. La maladie, ça vient. Donc, il y a une façon de gérer ces souffrances physiques, mentales, la souffrance de la séparation. Donc, à un moment donné, un état qui... C'est un état par défaut qui perdure. Le fond du fond n'est pas perturbé. C'est comme le fond de l'océan. Il peut y avoir une tempête terrible avec des vagues de 20 mètres de haut, mais le fond de l'océan ne bouge pas. Si vous avez cette faculté-là, si vous êtes au bord de la côte, vous pouvez surfer une vague en état d'allégresse incroyable et puis dix secondes plus tard, comme au Portugal, vous tapez un caillou. Donc vous passez de l'état d'euphorie totale à vous casser le dos. mais si vous êtes en pleine mer la même vague de 20 mètres de haut vous surfez,

  • Speaker #1

    vous descendez vous tapez pas le fond la profondeur est là donc c'est ça qui finalement résulte d'un entraînement spirituel pour avoir un monde meilleur on a parlé des individus il y a les états aussi qui peuvent aider mais il y a aussi les entreprises est-ce que tu penses que l'entreprise et notamment en horizon 2030, 2040, 2050 elle doit avoir un rôle sociétal qui est plus important ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Donc, moi, j'avais participé à une conférence en visio du Népal au Vatican. René par le Vatican avec des grands chefs d'entreprise, justement, sur la question de l'environnement. Il était question d'avoir une sorte de notation, quand vous avez une notation en bourse, sur votre impact environnemental. Parce que les entreprises qui avaient un impact sur l'environnement négatif, 20 fois plus grand en coût que leur chiffre d'affaires. Vous vous rendez compte ? Ça, ça devrait être publié. les rapports annuels. Donc, si vous voulez, il y a plein de choses qui font qu'une entreprise vertueuse, c'est finalement celle qui se met au service de la société et aussi qui tient compte du sort de génération à venir. Sinon, c'est des machines à faire des ultra-milliardaires qui sont fondamentalement égoïstes. Donc ça, c'est un choix et c'est très difficile parfois de changer, mais je me souviens d'une anecdote. Donc aux États-Unis, au Texas, il y a toujours ce déni du changement climatique. Et un directeur d'une grande entreprise qui ne voulait pas entendre parler du réchauffement climatique. et un jour sa fille rentre de l'école et dit papa on m'a dit que c'était des gens comme toi qui allaient détruire la planète elle se pose comment ça a fait clic et il a mis la question de la responsabilité environnementale et sociale sincèrement au coeur de son entreprise sans que ça soit juste dans les brochures pour faire bien on met un tout petit truc quand ça va bien et on met rien quand ça va mal Il a dit, c'était ça qui m'a fait le point de bascule.

  • Speaker #1

    C'est excellent de ces enfants.

  • Speaker #0

    Donc, à un moment donné, il faut que les gens... Il y ait le déclic. Il faut qu'il y ait un déclic et qu'ils se rendent compte qu'humainement, donc c'est les investissements responsables environnementalement et socialement, ça existe, ça augmente. Apparaît-il une des secteurs d'investissement qui relativement croît le plus vite, même si ça représente que, je ne sais pas, 10%, même pas 10%, mais c'est en croissance. Mais c'est toujours une course contre la montre. Surtout pour l'environnement, on a 7-8 ans pour changer les choses de façon importante et on n'en prend pas le chemin. Donc voilà, c'est un vrai défi. Les souffrances peuvent être immenses. Là, j'ai vu dans les kiosques, il y avait censé y avoir Qu'est-ce qui se passera en France avec 4 degrés de plus ? Ça peut être frais. Il fait 52 degrés en ce moment au Pakistan. 52 degrés ! Ce n'est pas la température du sol, c'est la température de l'air. 52 degrés et s'il fait 50 degrés dans les Vosges en été pas rigolé 2050 donc c'est demain pas longtemps, pas si longtemps et des fois ça va encore plus vite si ça se trouve on l'aura en 2040

  • Speaker #1

    Mathieu on arrive à la fin de ce podcast j'ai encore quelques petites questions dans la vie des fois on dit qu'on a tous un peu une béquille des petits péchés pour certains un peu inavouables parfois c'est, alors il y a des gens, c'est l'alcool.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Un défaut particulier.

  • Speaker #1

    Oui, voilà, il y a des choses dont peut-être on aimerait se séparer, mais qui nous font du bien malgré tout. Est-ce que toi, tu as une béquille ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, moi j'ai tous les défauts possibles et imaginables. Simplement, j'essaie de m'en occuper. J'essaie de les aménuiser au fil du temps. Bon, il y en a certains qui sont moins puissants que les autres. Je ne crois pas que j'ai beaucoup d'animosité. Je ne me rappelle pas m'être mis en colère depuis un certain nombre d'années. Vingtaine peut-être. La haine, ça me paraît inconcevable. La jalousie, ça me paraît pas malin. L'orgueil, ça me paraît stupide. L'obsession, c'est pas une affaire. Mais enfin, ce que j'ai dit, il y a quand même des germes de ces choses-là qui apparaissent de temps en temps. Et l'entraînement, c'est précisément de ne pas attendre qu'il s'est envahi dans l'esprit, mais d'évoquer. Parce que c'est très facile de gérer une étincelle. Quand l'étincelle est tombée sur un paquet d'herbes sèches et que la forêt a pris feu, c'est plus compliqué. C'est plus long. Donc ce qu'il faut, c'est justement l'entraînement, permet de reconnaître... C'est comme, on donne un exemple, si dans une pièce, on vous dit, il y a un pickpocket. Mais si on vous dit, c'est celui-là le pickpocket, vous le surveillez de l'œil, s'il s'approche de vous. Donc si on est préparé... à reconnaître attention, ça c'est l'orgueil qui arrive ah, oh là là, ça j'ai du ressentiment au moment où ça arrive, c'est facile de le gérer et quand il y a après des proportions impossibles on n'est plus maître de la situation comme tout le monde,

  • Speaker #1

    t'es mortel est-ce qu'il y a un souvenir que t'aimerais bien que les gens gardent de toi ?

  • Speaker #0

    en quoi est-ce que vous voulez qu'on se rappelle de vous et qu'on écrive sur votre ton mais rien ça me fait quand même quelque chose mais je vous dis rien non je ne cherche pas à laisser une trace j'ai écrit des livres un peu par la force des circonstances je n'avais pas l'intention de le faire et si ça peut être utile si j'ai un tout petit peu utile c'est très bien, je suis content merci Donc mon idéal c'est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde, si j'y ai à contribuer un tout petit peu. Quand j'ai fondé Karuna, on était une bande de copains, on avait très peu de moyens. Maintenant il y a 200 personnes qui travaillent en Inde, 50 en Népal, on est à 1 000 000 personnes chaque année, c'est génial. on ne s'est pas organisé particulièrement bien, mais ça a marché au bout de 25 ans, c'est comme ça. Je m'en réjouis. Je crois que je mourrai en paix, principalement grâce à rencontrer mes maîtres, parce qu'ils ont tout apporté dans ma vie. J'ai une reconnaissance immense. J'aurais pu pratiquer avec beaucoup plus de diligence, passer ma vie dans une grotte, etc. Mais bon, au moins ça, c'est un trésor inestimable qui me permet de mourir en paix. Maintenant, j'aurais pu faire beaucoup mieux, mais bon, chacun a... chacun fait ce qu'il peut donc je voulais faire un t-shirt pardonnez-moi et derrière j'ai fait de mon mieux il est très marrant ce t-shirt qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour les jours,

  • Speaker #1

    les mois les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    la vie est précieuse, je suis encore en bonne santé je voudrais maintenant passer du temps à traduire des textes à pratiquer, remettre à la pratique spirituelle ça m'a un peu c'est vrai que j'étais pris dans la tourbillon avec tous ces bouquins toutes ces conférences parce que les choses marchaient enfin je veux dire C'est pas que j'étais grisé par le succès, mais c'était des opportunités pour partager des idées. Je serais jamais là devant toi si j'avais pas écrit ces malheureux bouquins. Donc, ça veut pas dire que c'est mauvais. C'est un côté... C'est du bon d'un certain côté. Mais c'est un peu le maelstrom, quoi. Maintenant, j'ai 78 ans, je vais pas mourir dans un aéroport. Donc, je voudrais retourner à ma vocation première qui est d'être un traducteur, d'en traduire des textes. C'est pour le temps qui me reste. Passer 10 ans dans mon hermitage. J'ai passé 7 mois au Népal en partie dans mon hermitage. finir ma vie en paix. Faire de la photo, je continue à photographier les belles choses. Donc là, je fais un livre sur la lumière. Ça, ça m'amuse. C'est ma façon favorite de perdre mon temps, d'un certain point de vue. Mais j'aime bien ça. Et puis, je suis heureux de partager mes images aussi.

  • Speaker #1

    Voilà. Merci beaucoup, Mathieu.

  • Speaker #0

    Je t'en prie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir écouté Les Sages. Vous êtes de plus en plus à nous écouter pour cette première saison. C'est vraiment très encourageant pour toute l'équipe. Alors, encore une fois, un grand merci. Vous avez le pouvoir de donner de la force à ce podcast avec juste une minute de votre temps. C'est simple, si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, vous avez juste à vous abonner et mettre 5 étoiles. Un grand merci et à bientôt.

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Description

Pour ce dixième épisode, nous avons l'honneur de recevoir Matthieu Ricard, le Moine Bouddhiste le plus connu au monde, et également interprète officiel du Dalaï-Lama.


Matthieu Ricard est un homme d'exception :


  • Titulaire d'un doctorat en génétique, il présente une thèse sur la division cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction du professeur François Jacob (prix Nobel de médecine)

  • À 30 ans, en 1979, il devient officiellement Moine bouddhiste, et devient interprète officiel du Dalaï-lama pour le Français. Il vit aujourd'hui au Monastère de Schéchen au Népal.

  • Matthieu est aussi le fondateur de l'ONG Karuna-Shechen qui aide près de 500 000 bénéficiaires directs chaque année. Elle a également permis la construction d'une quarantaine d'écoles et une trentaine de cliniques.

Dans cet épisode, nous avons parlé de méditation, des émotions, de Jeff Bezos et Elon Musk, de la rencontre de Matthieu avec le Dalaï-lama et ses maîtres, de la différence entre la solitude choisie ou imposé, du don de 15 milliards de Chuck Feeney, de la possibilité de faire de la méditation dans les écoles...

Bon voyage avec les Sages ! 


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques, mais surtout des leaders humanistes. Et ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre. dans un format inédit et négocié avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaders qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders et nous allons en leur rencontre. Bon voyage avec les sages. Mathieu Ricard est communément appelé l'homme le plus heureux du monde. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, c'est le moine bouddhiste français le plus connu de la planète, également interprète officiel du Dalai Lama. Mathieu est un homme de paix qui, dès son plus jeune âge, avec un bagage académique brillant, a fait le choix à contre-courant d'aller s'établir en Inde, puis au Népal, pour cultiver sa foi dans le bouddhisme. Aujourd'hui, ils partagent son temps entre son ermitage de l'humanitaire, l'écriture de ses livres et de la photographie. Un voyage intellectuel et spirituel unique. Allez, on y va avec Mathieu. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir accepté notre invitation pour les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien.

  • Speaker #0

    Écoute, super. Est-ce que je peux te demander pour démarrer de te présenter en quelques phrases s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    J'ai 78 ans, je suis moine bouddhiste, j'ai fait des études scientifiques, j'ai travaillé six ans à l'Institut Pasteur avec François Jacob et Jacques Monod, j'ai fait une thèse en génétique cellulaire, j'ai été élevé... Mon père était un philosophe, Jean-François Reuvel, ma mère artiste-peinte, qui est morte à 100 ans l'an dernier. J'avais un nom explorateur qui a fait le tour du monde sur un bateau à voile sans moteur après la Deuxième Guerre mondiale, Jacques-Yves Le Toumelin. Donc du coup, j'ai vu des gens très divers, qui avaient une certaine capacité dans leur domaine. Mais pour un adolescent, c'était très déconcertant. parce qu'il n'y avait pas de corrélation entre des qualités, ou parfois des génies, Jean-Greys Stravinsky quand j'avais 16 ans, et des qualités humaines. Donc si vous preniez 100 philosophes, 100 mathématiciens, 100 jardiniers, 100 charpentiers, vous avez la même distribution de gens heureux, malheureux, de gens égoïstes ou très bienveillants. Donc il n'y a pas de rapport évident.

  • Speaker #0

    Tu veux dire entre l'intelligence et les qualités ?

  • Speaker #1

    Non, pas seulement l'intelligence, des capacités. Par exemple, être un grand explorateur ou mathématicien ou même un charpentier. Des charpentiers très sympas et d'autres qui ont un mauvais caractère. Donc, je me suis dit, mais alors, qu'est-ce qu'on peut prendre comme modèle de vie ? Parce qu'on voudrait jouer du piano comme un tel, résoudre des équations mathématiques comme un autre, écrire des poèmes comme celui-là. J'ai connu un philosophe, ami de mon père, Louis Althusser, il a tué sa femme dans sa baignoire. Peut-être que ces écrits que je n'ai pas lus étaient très bien, mais en tant qu'être humain, il y avait un problème. Donc, quand j'ai voyagé en Inde à 21 ans, j'avais vu des documentaires faits par un réalisateur qui s'appelait Arnaud Desjardins. À l'époque, il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision, l'ORTF. Et en cours de montage, parce que c'était un ami de mes parents, et quand j'ai vu ça... c'était deux fois une heure, à un moment donné, il y avait une séquence silencieuse, on voyait une série de visages de maîtres spirituels tibétains, je me dis, ben voilà, il y a 20 Saint-François d'Assise, 20 Socrate vivant aujourd'hui, j'y vais. Donc bien m'en appris, je suis allé à Darjeeling, j'ai pris un vol, en plus j'ai fait trois jours de train, et je suis arrivé en présence de Kangyurin Boshé, qui est devenu mon premier maître spirituel, et là, brusquement, je me trouve en face de quelqu'un, Et je me dis, ben voilà, je ne sais pas ce qu'il sait, je ne connais pas le bouddhisme, mais j'ai l'impression que je suis devant ce que pour moi j'imagine être la perfection humaine. Une sorte de présence tranquille, de bienveillance, comme une montagne, mais une montagne pleine de bonté. Et puis voilà, donc après tout, ça s'est enchaîné.

  • Speaker #0

    Tu as trouvé cette personne pour la première fois, pour une des premières fois de ta vie, qui avait à la fois des capacités et des qualités humaines.

  • Speaker #1

    Oui, alors en même temps, les connaissances du bouddhisme, au début, je ne les avais pas. Ce n'était même pas ça qui m'avait attiré. Je cherchais justement des qualités humaines. Et pour moi, ça me semblait, même si le chemin était très long, je me dis, si on peut devenir ne serait-ce qu'un centième comme cette personne, là, ça vaut la peine.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Et du coup, si on revient un petit peu sur ton enfance, le bouddhisme, tu l'as découvert justement à cette période de ta vie ou un peu plus tôt déjà ?

  • Speaker #1

    Mon oncle, Jacques-Yves Le Toumelin, et ma mère, donc, lisaient beaucoup de... Il y avait beaucoup de discussions, il y avait des groupes d'amis en Bretagne qui discutaient de la métaphysique de tous les écrivains, des textes aussi bien dans la chrétienté, la petite philocalie du cœur, Maître Ecarte, que dans le soufisme, que dans l'hindouisme. sur le Vedanta, dont mon oncle était très féru de René Guénon, qui a écrit des livres sur le Vedanta, sur plein de choses. Mais il n'y avait pas beaucoup de livres sur le bouddhisme à l'époque. Il y en avait quelques-uns, quelques traductions tibétaines. Il y avait la vie de Milarepa de Jacques Bacot, qui est dans les années 30. Mais disons, ce n'était pas ce qu'on trouvait le plus dans le domaine de la spiritualité. Et surtout, c'était des lectures, des discussions. Donc il n'y avait pas de pratique, on ne rentrait pas dans un chemin aussi, comment dire, inspirant. Ces discussions pouvaient être, elles ouvraient l'esprit, mais ça restait quand même dans le domaine des concepts. Tandis que quand j'ai vu ce maître spirituel, en fait, qu'il était bouddhiste ou autre chose, ce n'était pas la question, c'était de savoir qu'est-ce qu'il était vraiment. Puis après, bien sûr, je me dis, s'il est arrivé là, ça doit être pas trop mal ce qu'il a étudié, ce qu'il enseigne. Donc, de fil en aiguille, au fil des années, depuis 55 ans, je me suis plongé dans le bouddhisme. Et heureusement que j'ai eu une grande satisfaction à le faire. J'ai découvert une très grande profondeur philosophique. Et les plus grands philosophes, Aristote et autres, n'ont rien à envier aux Spinoza, aux Kant, aux logiciens, aux philosophes bouddhistes. Mais au départ, ce n'était pas ça. C'est pour ça que j'étais venu.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu rencontres cette personne, tu as 21 ans. Et quelques années plus tard, tu deviens officiellement moine bouddhiste quand tu as 26 ans. C'est ça, dans le nord de l'Inde ?

  • Speaker #1

    Pas tout à fait. J'ai fait une moine bouddhiste plus tard. Mais donc, j'ai fait la premier voyage. À mon retour, c'était encore plus évident quand je suis rentré à Paris. Là, vraiment, maintenant, je sais où je veux aller. J'ai retrouvé d'ailleurs un de mes anciens collègues à Pasteur, un Américain qui fait de la recherche aux États-Unis. On s'est retrouvé au sein de l'Institut Mind Life, un institut, on pourra en reparler, qui favorise la collaboration entre des scientifiques, des contemplatifs, bouddhistes, etc. Et il me disait, à l'époque, quand on avait 20 ans, on avait signé un papier scientifique ensemble. on savait ce qu'on ne voulait pas que notre vie soit, c'est-à-dire ennuyeuse, dépourvue de sens, mais on ne savait pas vraiment ce qu'on voulait qu'elle soit.

  • Speaker #0

    Comment concrètement ?

  • Speaker #1

    Et là, brusquement, je me suis dit, ben voilà, ça au moins, on sait très bien étudier la division cellulaire des bactéries, mais devenir un bon être humain, en tout cas, là, je suis sûr que ça va, c'est intéressant. Mais j'ai été prudent, parce que, bon, mes parents n'étaient pas très fortunés, ils avaient comme investi dans mon... dans mon éducation. Et puis, à 21 ans, on ne peut quand même pas faire un saut dans l'inconnu. Là, ça aurait été vraiment un saut dans l'inconnu. En plus, je venais d'accepter l'Institut Pasteur par François Jacob, qui venait d'avoir le prix Nobel. Après, j'ai su qu'il avait un seul doctorant. C'était le deuxième.

  • Speaker #0

    Il avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    Je veux dire, oui, il accepte. Il ne faut au moins pas faire n'importe quoi. et donc et en plus il faut que les choses mûrissent quand un fruit n'est pas mûr si on tire on casse la branche et le fruit il n'est pas mangeable quand une pomme est mûre on la touche à peine elle vous tombe dans la main donc j'ai fait 6 allers-retours je suis allé 6 fois ou même 7 fois je suis allé une fois l'hiver toutes mes vacances d'été c'est à dire un mois j'allais à Darjeeling et je revenais je prenais des charters à l'époque Maintenant, il y a des vols de locos, avant c'était des charters. Bon, donc, et je revenais, mais plus les années passaient, plus mon esprit s'envolait vers Darjeeling, auprès de mon maître spirituel. Et donc, voilà, j'y pensais très souvent, je pratiquais le matin et le soir. Et quand j'étais à Darjeeling, j'oubliais complètement l'institut passé. Donc je me suis dit, bon, il faut finir. Alors j'ai demandé conseil à mon maître spirituel, il ne savait pas ce que c'était qu'une thèse et des choses comme ça, mais j'ai dit, voilà, j'ai entrepris quelque chose. Peut-être que j'envisage de venir m'établir ici, mais qu'est-ce que je fais ? Je fais maintenant, j'attends, mais il complète ce que tu as commencé, et après il sera temps de venir. Donc j'ai fait ça. Et là c'était très bien parce que j'ai publié tous les papiers, François Jacob il savait plus ou moins que j'allais m'en aller, et il a regretté, j'ai revu sa fille après, parce qu'il voulait m'envoyer aux Etats-Unis, puis après revenir dans son labo, donc comme il avait deux étudiants en doctorat, c'était un peu pour quelqu'un comme lui, c'était un peu décevant que l'un des deux s'en aille. Et donc une fois que c'était fait... Eh bien, j'ai dit merci beaucoup. Mon post-doc, je vais le faire dans l'Himalaya parce qu'il voulait m'envoyer aux États-Unis ou quelque chose. Donc là, je suis parti avec un aller simple à la fin 72. Et je n'ai jamais regretté cette décision d'apprendre ma retraite à 27 ans.

  • Speaker #0

    C'est excellent, on finit la séance sans de retraite.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, la secrétaire Françoise Jacob, qui était extrêmement bienveillante à mon égard, a laissé courir mon salaire du CNRS pendant six mois. Et avec ça, j'ai pu tenir le coup pendant des années, parce que je vivais avec l'équivalent d'aujourd'hui de 30-40 euros par mois. Je n'ai pas besoin de plus, j'ai un petit termitage de 9 mètres carrés sans sofa, à changer d'électricité, ça ne coûte pas cher. Et je venais au monastère, ils me nourrissaient. Après, j'ai essayé d'aider un de mon vieux, mais à l'époque, ils m'ont accueilli très gentiment. Et donc voilà, c'était très simple.

  • Speaker #0

    Et donc tu vivais avec 2-3 euros par jour ? Hein ? Tu vivais avec quelques euros par jour ?

  • Speaker #1

    Je n'avais pas de dépenses, ça ferait dire.

  • Speaker #0

    Forcément.

  • Speaker #1

    J'étais un petit ermitage que j'ai construit, je ne sais rien du tout. C'est un truc en bois de 9 mètres carrés, pas loin.

  • Speaker #0

    Et donc, qu'est-ce que tu peux nous décrire justement ? C'est quoi la journée type d'un moine bouddhiste ?

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de journée type. Si on étudie... Alors... Alors je suis devenu moine beaucoup plus tard, après la mort de mon premier maître, à l'âge de 30 ans, parce que je vivais finalement comme un moine et que c'était plus simple d'être habillé en moine et d'apprendre des voeux, etc. Les pratiquants bouddhistes, il y a des pratiquants extrêmement assidus et sincères qui ont une famille, mais qui pratiquent plusieurs heures par jour, et bon, ça les regarde. Et puis il y a des ermites qui se retirent pendant parfois 20-30 ans dans les montagnes, dans des grottes, etc. et qui ne sont pas forcément des grands érudits. Et puis il y a des grands érudits qui font 10-15 ans d'études, qui deviennent docteurs en philosophie ou l'équivalent. Et puis après, parfois certains se retirent aussi dans un ermitage. Et puis il y a des monastères. Alors au début, je n'étais pas dans un monastère, j'étais auprès d'un maître spirituel. Lui, il avait une famille, ce n'était pas un moine. Donc il y avait un certain nombre de disciples tibétains autour de lui. Il y avait des ermitages, c'est un tout petit monastère on peut dire, mais il n'y avait pas de moine, une communauté monastique. Il y avait des ermitages dans la forêt autour. Par contre, le monastère où je vis maintenant, à Seychelles, il y a 600 moines. Et là, il y a une discipline monastique, il y a des cérémonies, etc. Moi, je suis un peu vieux, donc je suis dispensé de tout ça. Mais donc, c'est différent. Donc, la journée type est très différente si vous êtes en retraite solitaire pendant un an, deux ans, trois ans. J'ai fait cinq ans de retraite solitaire. Si vous étudiez à fond... Il y en a qui enseignent, il y en a qui font des pèlerinages, il y en a qui font des retraites, il y en a qui étudient du matin au soir. Mais c'est en gros une vie consacrée à ce chemin de transformation qu'est le bouddhisme, c'est-à-dire de passer d'être asservi aux causes de la souffrance, à une sorte d'addiction aux causes de la souffrance, on la répète inlassablement, à la liberté par rapport aux causes de la souffrance, à la liberté par rapport aux causes de la confusion. ou l'ignorance à la connaissance, donc c'est un chemin de transformation. Donc ça, ça peut se faire de toutes sortes de façons différentes.

  • Speaker #0

    Et quand tu dis que pendant 5 ans, tu as été en retraite solitaire ?

  • Speaker #1

    Ce n'était pas d'un seul coup, mais si j'ajoute les petits bouts, j'ai fait un an, 6 mois. Il y a des gens qui font des retraites, une retraite traditionnelle qui dure 3 ans, 3 mois, 3 jours. Ça, je ne l'ai pas fait comme ça, mais je l'ai fait généralement seul, dans mon petit ermitage, mais accompagné par mon maître. J'allais le voir de temps en temps, ou après sa mort, son fils venait m'enseigner. Si j'ajoute les petits bouts, J'ai passé cinq ans en retraite solitaire et j'ai jamais ressenti, on dit solitaire, j'ai jamais ressenti la solitude comme étant pesante. Parce qu'il y a deux sortes de solitude, vous pouvez sentir un profond sentiment de solitude dans une ville. Moi j'ai travaillé avec des scientifiques qui étudient la solitude aux Etats-Unis. Et en gros, les Américains moyens, il y en a 30% qui ressentent un instant sentiment de solitude au moins une fois par semaine. Et c'est très délétère, le sentiment de solitude, j'irais imposer, parfois on met mieux de la foule, ils ne voient pas moins de gens, mais il n'y a pas de lien, un sentiment d'appartenance, il n'y a pas de lien social, humain qui est enrichissant. Des gens sur qui on peut compter, des gens avec qui on peut échanger, avec qui on peut se confier. Donc ça s'accompagne de... moins bonne santé, moins soin d'eux, plus forte tendance à tomber dans des addictions, un raccourcissement même de l'expérience de vie, donc c'est très délétère. Par contre, il y a la solitude choisie et volontaire. qui est celui de, moi, quand je suis dans mon amitié, j'ai un sentiment d'appartenance totale avec l'ensemble de toute la beauté de l'Himalaya qui m'entoure, de tous les êtres chers. Je prie pour tous les êtres toute la journée. Ou même des amis photographes comme Vincent Munier ou Florian Ledoux qui sont pendant des mois dans le Grand Nord tout seuls allongés dans la neige. Ils ne se sentent pas seuls non plus. Ils se sentent un avec la nature, avec les animaux, avec l'univers. Donc, il y a une solitude enrichissante. Les gens disent, je voudrais un peu de moment pour être tranquille dans la nature ou même ailleurs, dans d'autres conditions. Souvent, je vois dans les villes, on est sur-sollicité par la foule. Tout ce qui se passe, c'est vrai que c'est un peu épuisant pour quelqu'un qui vit dans des conditions plus tranquilles.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et quand tu parles, du coup, je comprends qu'aujourd'hui, ça a été un chemin et que tu n'as plus ce sentiment de solitude. Mais j'imagine qu'au début, quand tu es arrivé, est-ce que justement, ça a été un peu dur de changer totalement d'écosystème ? Non. Ça a été naturel pour toi ?

  • Speaker #1

    Quand les choses sont... Quand tu passes un col, par exemple, ce qui est dur, c'est la montée. Les derniers mètres, au contraire, c'est super chouette quand tu passes un col à 5000 mètres.

  • Speaker #0

    Oui, tu es déjà sûr de ta décision quand tu es arrivé là-bas.

  • Speaker #1

    On découvre tout le paysage de l'autre côté. Ça, c'est génial. Et le point d'inflexion, ça prend 10 mètres. Donc, au moment où il faut arriver à une décision mûrie, pas tout casser, claquer les portes et tout casser. Donc, je n'ai rien cassé puisque j'avais publié mes papiers. J'avais pris congé de tout le monde. Ça a un peu surpris mon père, je dois dire. Mais bon, il s'en est remis. Et donc, c'était parfaitement mûr. Donc, moi, une fois que je suis parti là-bas, Paris, c'était une autre époque. Et je suis resté sept ans sans bouger de Darjeeling, de mon petit ermitage monastère.

  • Speaker #0

    C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Edouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de 10 ans. Il est composé d'une équipe, l'idée par Edouard et Marion, qui est issue de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, je peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code LESSAGE. Et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne. Donc là, tu arrives en haut du col et qu'est-ce que tu découvres derrière le col ? Un sentiment de sérénité ?

  • Speaker #1

    C'était à l'Argénie Grande Inde. Donc à ce moment-là, j'ai commencé vraiment à pratiquer intensément, recevoir des enseignements de mon maître au fur et à mesure de mes pratiques. Donc ça, c'est tout le chemin spirituel. Et ça, le chemin spirituel bouddhiste est très riche. Il y a des étapes. Chaque fois, on reçoit un enseignement nouveau. Et donc, voilà, il y a des textes. Il y a une grande richesse de textes philosophiques, contemplatifs, spirituels, d'instructions. Donc... on va décrire ça en quelques mots, mais il y a une progression, et au fur et à mesure, au moment approprié, on s'adresse à de nouveaux enseignements, on les met en pratique pendant quelques mois, on revient à recevoir des enseignements. C'est des exercices spirituels, c'est des textes sur lesquels on réfléchit également. C'est tout un taux de vie.

  • Speaker #0

    C'est un chemin passionnant. Et donc quelques années plus tard, quand tu as une trentaine d'années, tu deviens officiellement moine bouddhiste.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à un moment donné où j'étais avec mon deuxième maître, parce que mon premier a été mort en 1975. Et lui, il enseignait beaucoup. Donc là, il donnait un enseignement pendant quatre mois à 3 000, 2 000, 3 000 personnes. et lui c'était aussi un moine enfin c'était pas un moine, il avait également une famille mais à la fin de ses 4 mois d'enseignement il y avait un quelqu'un qui donnait les ordinations parce que pour donner les ordinations il faut être un moine parfait et puis mon premier aide m'avait demandé un jour si je devais me marier ou pas il m'a dit attends d'avoir 30 ans et après tu verras J'ai attendu d'avoir 30 ans. Et puis, à ce moment-là, j'avais effectivement 31 ans. Donc, je m'en suis ouvert à mon deuxième maître. Je lui ai dit, voilà, mon premier maître m'a dit ça. Moi, aller là ou là, ça m'est égal. Qu'est-ce que vous me conseillez ? Il m'a dit, voilà, je savais bien d'ailleurs qu'il y avait cet abbé qui venait pour donner des ordinations de moines. Il me dit, c'est très bien si tu prends des voeux monastiques. Alors, impeccable. Donc, j'ai pris des voeux monastiques. Pour moi, il y a des gens qui pensent qu'on se limite. Moi, ça a été une libération. C'est vrai que, pour possible le chemin que j'ai fait, vous avez une famille et des enfants. Si vous dites bonjour, au revoir, je vais faire trois ans de retraite dans la montagne, portez-vous bien, ça ne va pas. Je me sentais complètement libre, non pas égoïstement, mais de suivre mon chemin. Puis après, je me suis mis au service des autres. Donc à un moment donné, on avait 30 000 enfants dans les écoles qu'on a construites. Je ne sais pas enfanter, mais voilà, c'est un peu mes enfants d'un certain point de vue. Donc, je n'ai jamais senti le besoin d'avoir des enfants, mais j'ai tout le temps des enfants au monastère. Il y a des très jeunes qui étudient. Je vis constamment autour d'enfants, mais je n'ai pas besoin de... Je veux dire que je suis le père biologique.

  • Speaker #0

    Et quand tu fais tes voeux monastiques, du coup, est-ce que c'est un engagement à vie ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en Thaïlande, donc dans le bouddhisme, ce n'est pas toujours comme ça. En Thaïlande, c'est conseillé comme extrêmement vertueux de prendre des voeux, même pour une semaine, ou pour un mois, ou pour un an. pour un temps limité. Donc, au fil de l'histoire, le bouddhisme a un peu, pas énormément évolué, les principes de base, les enseignements des bouddhas sont les mêmes partout, il n'y a pas eu de schisme, mais pour, disons, la discipline monastique qu'on appelle le Vinaya, il y a eu quand même des évolutions. Donc, en Thaïlande, vous pouvez prendre des voeux pour une durée limitée. Dans le bouddhisme tibétain, qui appartient à une certaine lignée monastique qui est venue de l'Inde, c'est des vœux qui ne dépendent pas du temps des circonstances, c'est-à-dire je prends des vœux mais c'est en guerre, pas question ou du lieu, je prends des vœux en Inde mais quand je retourne en France c'est fini et donc c'est pour la vie, oui effectivement donc il faut bien réfléchir

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te dire et donc toi tu as été entre guillemets aidé aussi par ton maître qui t'a...

  • Speaker #1

    Si je n'aurais pas demandé, si je n'étais pas prêt ça ne sert à rien de poser des questions, si on n'est pas prêt à mettre les conseils en oeuvre Mais bon, pour moi, ça a été très libérateur. Je n'ai pas senti que je me mettais des chaînes. Pour moi, c'est une grande liberté. Et je n'aurais jamais mené la vie que j'ai faite si j'avais effectivement confronté une famille, ce qui est magnifique. Mais bon, ce n'était pas mon chemin. Ok,

  • Speaker #0

    super. Et donc, quelques années plus tard, donc là, tu es officiellement moine bouddhiste et tu rencontres du coup le Dalai Lama, qui est le représentant du bouddhisme tibétain, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, le Dalai Lama, donc... lui-même avait des maîtres, forcément, dont mon deuxième maître, Dego Kinserimoche, qu'il avait rencontré au Tibet. Et quand ils ont tous fui l'invasion chinoise, arrivant en Inde, il a demandé tout de suite est-ce que Dego Kinserimoche a réussi à sortir du Tibet. Donc, effectivement, il était arrivé par le Bhoutan. Il a d'ailleurs vécu la plupart de sa vie après au Bhoutan. Il est venu le principal maître spirituel au Bhoutan. Et donc, le Dalai Lama a souhaité le revoir et recevoir des enseignements de lui. Donc tous les ans, tous les deux ans, Dheergo Khyentse Rinpoche allait à Dharamsala en Inde, la haute ville d'Alailama, et pendant une dizaine de jours, il transmettait des textes, des enseignements, des initiations, des explications. Et donc, quand je suis devenu, disons, un proche disciple et presque un intendant, enfin, il avait deux moines avec lui tout le temps, qui veillaient sur ses besoins. Il était très âgé, donc moi, je dormais partir dans sa chambre la nuit. Je m'occupais de lui tout le temps. Et en même temps, je recevais tous les enseignements qu'il donnait. C'était formidable. Tu n'as pas besoin de demander d'enseignement. Il suffit que quelqu'un l'aie demande, j'étais là. J'ai tout enregistré. J'ai enregistré 400 heures d'enregistrement. À l'époque, j'avais un vieux magnétophone. Donc, quand il est allé la première fois, je suis revenu en France. Au bout de sept ans, je suis revenu avec lui. en 1980. Et au retour, il allait voir le Dalai Lama. Donc je suis allé dans une situation privilégiée, puisque j'accompagnais un des maîtres du Dalai Lama, ce qui m'a permis d'avoir tout de suite une relation, il était extrêmement gentil, enfin bienveillant à notre égard, puisqu'on était en gros les disciples de son propre maître. Ça a créé une relation d'intimité d'un certain point de vue, mais en même temps, le Dalai Lama, c'est une étoile. Disons, c'est... Oui, c'est le maître le plus respecté en général du bouddhisme tibétain. Mais attention, il n'y a pas de hiérarchie. Ce n'est pas un pape, il n'y a pas d'évêque en dessous, ni après des cardinaux. Il est respecté pour des raisons spirituelles. Donc quand il enseigne, il n'y a pas non plus, quand il donne des indications ou des conseils, il n'y a pas ensuite des gens qui vérifient si on met ça en application ou pas. Tous les monastères sont indépendants. Simplement, c'est la référence spirituelle. Pour toutes les écoles du bouddhisme tibétain, il est non sectaire, il a étudié, il enseigne, il y a quatre écoles principales qui se sont développées au fil de l'histoire. Et donc il voulait recevoir des enseignements de mon maître Dilgo Kansar Moshé, qui lui était particulièrement, comment dire, représenté, l'école la plus ancienne du bouddhisme tibétain, qui a fleuri au 8e et au 9e siècle. Et donc voilà, c'est pour ça que... Donc du coup, j'étais très proche de lui. Je le considère aussi comme mon maître. J'ai reçu des enseignements de lui. Mais ce n'était pas mon maître principal puisque je ne vivais pas auprès de lui. Et puis il s'est trouvé en 1989, alors qu'il allait recevoir le prix Nobel. J'étais à Paris, je ne sais pas pour quelles circonstances. Quelque chose comme ça, j'étais resté au bout de temps. et puis je vais le voir, et puis il me dit tiens, parce que t'es là, traduis pour moi, parce que normalement il parlait en tibétain, il fallait traduire en anglais, quelqu'un traduisait en français, donc ça faisait trois tours, ça prenait du temps, donc j'ai commencé à traduire pour lui, on a vu à l'époque, je ne sais pas qui, Jacques Chirac était maire de Paris, il a reçu le prix de la mémoire de Madame Mitterrand, et puis après il est revenu en 1991, et là il a enseigné en Dordogne pendant dix jours, Et là, c'est la première fois aussi que j'ai traduit pour lui, pour des enseignements compliqués, profonds, toute la journée. Parce qu'il est venu sur les lieux, j'étais là. Et il demande qui traduit. Il dit, c'est votre traducteur, on le mettra en français. Ben non, puisqu'il est là, Mathieu, il n'a qu'à traduire pour moi. Donc après ça, je suis devenu son interprète en français. Et aussi, je participais au rendez-vous avec les scientifiques, non pas en tant qu'interprète, mais en tant que participant. Donc, il y a une relation très proche. parce que c'est formidable de passer 10 jours dans son intimité, parce que là, en tant qu'interprète, on est là partout. Aussi bien on voit son comportement incroyablement bienveillant, humain avec la personne qui est dans le couloir dans l'hôtel, qu'avec un chef d'État, et je peux vous assurer qu'il ne fait pas de différence dans le sens d'un être humain qui rencontre un être humain. Donc il n'a aucun sens de ça, c'est un big shot, il faut faire attention. Moi je l'ai vu au Parlement européen, il y avait un déjeuner avec les représentants de 15 pays. Et donc il est arrivé dans la salle, ils étaient tous prêts pour le déjeuner. Il a vu les cuistots qui ouvraient la porte pour voir comment était le Dalai Lama. Il a vu qu'ils seraient peut-être contents de le voir. Il est parti dans les cuisines cinq minutes. Tout le monde était debout à l'attendre. Les ministres, les chefs d'État. Il est revenu en disant ça sent bon. Mais je l'ai vu faire ça plein de fois. Donc il est le même. Avec des gens les plus humbles, avec une personne malade à l'hôpital, avec quelqu'un qui rencontre sur une chaise roulante quelque part dans un aéroport, il lui prend les mains, il la regarde. Et avec les personnes éminentes, pour lui, ça ne fait pas de différence.

  • Speaker #0

    Et Mathieu, j'imagine que ce monsieur, il a un cheminement intellectuel autour de la bonté, de la gentillesse. Mais malgré tout, ça reste un humain. Est-ce que des fois, il s'énerve ou il est dur avec les autres ?

  • Speaker #1

    Un maître spirituel, ce n'est pas quelqu'un qui va être diplomatique avec votre ego, à quoi ça sert, puisqu'on veut s'en débarrasser. Mon maître, mon Kelsirine Boucher, pouvait être très sévère. Il n'y a pas de raison. qui me laisse faire tous mes traînaillés, je veux dire traînaillés dans le sens spirituellement. Si je me relâche dans ma pratique, non pas qu'il ne s'agit pas d'être intense et tendu, mais en gros il n'y a pas de raison qu'il vous laisse... C'est comme un capitaine de navire. Si le gars qui est à la barre, il dévie de 25 degrés sur le cap, il ne va pas le laisser faire pour être gentil. Ça ne sert à rien, ce n'est pas être gentil. Bien sûr. Donc, il met une immense bienveillance, mais pas pour vos défauts. Donc mon maître pouvait être très strict et du coup comme ils ont une présence assez formidable par leur présence spirituelle, donc c'est vrai que ça porte. Et encore une fois, il n'y a pas besoin de prendre des gants pour l'ego. Donc, l'idée, c'est de s'en débarrasser.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu penses, parce que j'imagine qu'il y avait aussi d'autres personnes qui avaient eu un cheminement intellectuel, pourquoi tu penses qu'il t'a choisi, toi, comme interprète pour le français ? Sachant que j'imagine que c'était vraiment...

  • Speaker #1

    Mes maîtres, ils m'ont accepté parce que je voulais les voir, en gros. J'ai été tout de suite très, très bien accueilli. Et puis ça n'a jamais posé, je n'ai pas demandé, est-ce que vous m'acceptez ? Ils ne m'ont pas dit, est-ce que tu veux être mon disciple ? Ça s'est fait naturellement. Le deuxième maître, je le connaissais donc, parce qu'il venait voir mon premier maître souvent. Et à un moment donné, au bout de sept ans, ils ont organisé en France, en Dordogne, au centre d'entraide de Chanteloup, la première retraite contemplée de trois ans, qui est traditionnelle au Tibet. Moi, je me suis dit, voilà, tous mes amis, les premiers qui sont venus en Inde rencontrer mes maîtres. Maintenant, ils vont faire une retraite. Ça fait sept ans que je suis là. Bon, c'est peut-être le moment de repartir. Et donc, ce deuxième maître, Khyentse Rinpoche, qui venait souvent à notre monastère, il est venu, je lui ai dit ça, et il m'a dit, tant que je suis en vie, reste auprès de moi. Ça, c'était le plus beau cadeau qui soit. Donc, je suis venu avec lui en France, puis je suis reparti. Et là, j'ai passé dix ans avec lui au Bhoutan. Et puis je l'ai accompagné jour et nuit pendant 13 ans. On est retourné au Tibet, il n'était pas rentré depuis 30 ans en exil. Il y avait à un moment donné 1000 cavaliers qui nous attendaient au passage d'un col. C'est un voyage absolument fabuleux. Ils n'avaient jamais vu un étranger dans l'est du Tibet, ils pensaient que j'étais indien. Donc ça c'était en 1985, c'était absolument incroyable. Et puis 10 ans au bout de temps, c'est un pays absolument fabuleux. Donc voilà, jusqu'à sa mort je l'ai accompagné. Et après, je suis resté au monastère de Sechen avec son petit-fils, comme je vous le disais, ce n'est pas un moine lui-même. Et maintenant, son petit-fils a 57 ans, c'est l'abbé du monastère. Et voilà, je l'ai vu grandir, je connais depuis l'âge de 8 ans. Et maintenant, je suis le plus vieux au monastère, donc tout le monde est très gentil avec moi. Ok,

  • Speaker #0

    du coup, excuse-moi, j'ai une question qui peut te paraître peut-être bête, mais je n'ai pas une culture énorme sur le bouddhisme. Comment ça se passe la succession du Dalai Lama ? Alors la question de la succession du Délama lui-même, c'est un fan de la démocratie. Déjà au Tibet, il voulait faire un système démocratique et non pas en mélangeant l'aspect religieux et le gouvernement. Il avait pensé faire une constitution, mais bon, les Chinois sont venus, il a dû fuir le Tibet. Mais en exil, il a tout de suite demandé à un jeune Tibétain qui étudiait le droit aux États-Unis et un groupe de... d'avocats internationaux du droit constitutionnel, qui venaient le voir, d'établir une constitution pour l'administration tibétaine en exil, ça s'appelle l'administration centrale tibétaine, parce que ce n'est pas un gouvernement en exil, parce que l'Inde a demandé que ça ne s'appelle pas comme ça. ils ont accueilli, et une constitution au cas où ils retournent au Tibet, où il y a une totale séparation entre le bouddhisme et le gouvernement, des élections démocratiques. Et en Inde même, la communauté exilée de Tibétains, il y en a 200 000, puis il y en a d'autres qui sont en étranger, ils ont aussi 50 députés élus pour les affaires courantes, de manière parfaitement démocratique, et le Dalai Lama n'influence rien à tous ces processus. Et donc, à un moment donné, il a même mis complètement séparé la fonction du DLMA de ses administrations en exil. Il a annoncé qu'on était à Toulouse. Il a dit, contrairement à la Révolution française, j'ai librement, fièrement et joyeusement séparé 400 ans où il y avait un peu une collusion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Donc en fait il est extrêmement démocratique. Donc si vous voulez ça se reflète aussi dans le fait que le bouddhisme n'est pas hiérarchisé, c'est un maître spirituel mais c'est pas un pape, et donc les monastères sont très démocratiques, tous les trois ans les postes de fonction changent.

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui Mathieu, tu es installé au monastère de Tchétchène, on dit ?

  • Speaker #0

    Tchétchène, oui.

  • Speaker #1

    Tchétchène, ok, au Népal. C'est quoi les grandes valeurs du bouddhisme ?

  • Speaker #0

    Les grandes valeurs ? La sagesse et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, c'est comme les deux ailes d'un oiseau. Un oiseau, il n'apprend pas à voler juste avec une seule aile. Donc il faut à la fois la sagesse, ça veut dire la connaissance, d'une part de la nature relative et ultime des phénomènes, la nature relative et ultime de l'esprit, de la conscience. Donc, l'analyse de l'interdépendance, comment les phénomènes apparaissent, quelle est leur nature ultime, est-ce qu'ils existent véritablement de façon solide, ou est-ce qu'ils apparaissent mais sont dénués de réalité propre, un peu comme sans faire d'amalgame, c'est un peu ce à quoi aboutit la physique quantique, quand on dit que la réalité n'est pas locale, que quelque chose peut être selon la façon dont on regarde une onde ou une particule, on ne peut pas dire que ça existe de façon solide. et intrinsèque comme une onde ou comme une particule, puisque ça peut être les deux, ce qui sont deux choses très différentes. Donc le bouddhisme a un peu cette approche-là. La réalité apparaît, mais elle est dénuée d'existence propre. Il n'y a pas des entités autonomes, permanentes et complètement indépendantes. Donc il y a une analyse de la réalité, une analyse de la nature de la conscience. Donc ça, c'est l'aspect, comment je dirais, analytique. et puis il y a une approche plus contemplative une fois qu'on a compris ça, essayer de l'intégrer par la pratique, par la méditation donc cet aspect de la connaissance est important parce que si on se trouve on est dans la distorsion de la réalité c'est dysfonctionnel c'est par exemple que je pense que les choses sont permanentes, autonomes et existe en elle-même et par elle-même, notamment le moi. Descartes disait que le moi est unitaire, permanent et autonome. Alors ça, c'est... Qu'est-ce qui se passe ? Donc, on veut le protéger, on veut le satisfaire. Donc, attraction, répulsion, donc, animosité, désir, obsession, jalousie, orgueil, tous ces poisons mentaux qui mènent à quoi ? À la souffrance. Ça se manifeste à cause de cette dichotomie qu'on a créée intellectuellement. Alors que si on regarde... on ne trouve pas ce noyau central. Parfois, on dit, il m'a poussé, donc là, on l'associe au corps. Parfois, on dit, vous avez blessé mes sentiments, donc c'est les sentiments. Mais vous dites, mes sentiments, donc il y a un propriétaire des sentiments et du corps qui serait séparé. Donc, plus on cherche, moins on trouve cette entité-là. Et ce n'est pas simplement... une sorte de démarche intellectuelle, parce que comme je vous dis, ça a des conséquences, comme je te dis, ça a des conséquences qui mènent à la souffrance ou à la liberté. Parce que si on n'est pas accroché à cet égo, on est beaucoup plus libre que quelqu'un qui réagit constamment en fonction de son égo, et de moi et le monde, moi et les autres, de façon comme si ils étaient fondamentalement séparés. Donc cette analyse, c'est la sagesse. Et la bienveillance, c'est de s'apercevoir que beaucoup d'êtres souffrent. Ils aspirent au bonheur parce que personne ne se réveille le matin en se disant qu'ils se souffrent toute la journée. Mais souvent, on dit qu'ils tournent le dos à cause du bonheur. Donc il y a une confusion entre leurs aspirations et leurs actions et leurs pensées. Donc face à ce drame, on peut dire, on peut éprouver un grand souhait que puisse-t-il être libéré de la souffrance. Donc ça c'est la définition de la compassion Puissent les êtres être libérés de la souffrance C'est des causes de la souffrance Ça procède de la bienveillance Mais c'est tourné vers la souffrance Et donc de ce fait On se dit si c'était impossible de s'en libérer À ce moment-là vaut mieux que tout le monde se relâche On prend une bonne bière, on va à la plage Il ne faut pas se préoccuper de la souffrance Si la souffrance est imposée par une entité quelconque, qui était sans cause, imprévisible et on ne peut rien y faire, mais s'il y a des causes et des effets, des conditions, si on participe à ces causes par nos poisons mentaux, etc., c'est comme, il ne vaut mieux pas ignorer si quelqu'un est malade. Moi, je ne veux pas aller voir le docteur parce que je n'ai pas envie de savoir que je suis malade, même si vous êtes condamné. Il vaut mieux savoir et voir s'il y a un traitement. Donc l'idée, ce n'est pas pessimiste, on dit le bouddhiste, la souffrance, la souffrance, mais c'est comme si on disait, les hôpitaux, ce n'est pas bien parce qu'il n'y a que des gens malades. Donc c'est un grand hôpital le Samsara, parce qu'on est malade de beaucoup de choses. mais comme les causes de la souffrance sont par nature impermanentes, parce que rien ne dure, donc on peut y remédier, donc il y a une possibilité d'y remédier, donc ça vaut la peine, et du coup il y a un chemin pour mettre en cause, en action, tous les moyens qui permettent de remédier à la souffrance. Donc ça s'appelle les quatre nobles vérités, c'est le premier renseignement du Bouddha, oui la souffrance il faut la reconnaître, et non pas détourner le regard, analyser ses causes parce qu'elles sont... multiples causes et toutes changeantes et changeables. prendre conscience qu'on peut y remédier et ensuite, la voie, c'est mettre en œuvre les remèdes. Donc, si on va voir un médecin qui vous donne un traitement et on ne met pas l'ordonnance sous l'oreiller, on la met en pratique et donc, ça aboutit à une libération de la souffrance.

  • Speaker #1

    Quand tu parles de souffrance, moi, ça me fait penser, par exemple, être triste, potentiellement avoir des idées négatives, c'est ça que tu mets derrière la souffrance ?

  • Speaker #0

    La souffrance, c'est multiforme. Il y a les souffrances évidentes, D'abord, il y a la souffrance de la maladie, il y a la souffrance de l'agonie, il y a la souffrance physique, il y a la souffrance de la séparation, d'être séparé de ce qui vous est cher, d'être confronté à ceux qui vous font du tort. Il y a mille formes de souffrance. Mais il y a aussi une souffrance du changement. C'est-à-dire, on va à un pique-nique joyeux et puis un enfant est mordu par un serpent. Donc, tout était bien, mais brusquement, ça change. On a tout va bien, puis on apprend qu'on a une maladie grave, ou on est viré de son job. Et puis il y a la souffrance, donc c'est le deuxième type de souffrance qui est lié au changement. Et là, le vieillissement, les choses se dégradent. Et puis c'est peut-être pour le bon, le changement, quand ça va mal, ça peut parfois aller mieux. Et il y a la forme la plus subtile. ce n'est pas le mal dedans, etc. C'est ce qui est lié justement à l'ignorance, parce qu'on n'arrête pas de perpétuer, de répéter les schémas de la souffrance. C'est la plus profonde. Et tant qu'on n'a pas remédié à ça par la connaissance, les poisons mentaux vont ne cesser de ressurgir. La jalousie, l'orgueil, l'animosité, parce que ça naît d'une compréhension distordue du monde, de la réalité, de soi-même et des autres.

  • Speaker #1

    Si je reviens sur un mot que tu as utilisé, le mot égo, moi, c'est un mot qui, en toute transparence, je ne l'ai pas encore tout à fait compris.

  • Speaker #0

    L'égo, c'est un mot français, mais on dit plutôt l'entité du moi. Ce qu'on associe. Par exemple, moi, je pense que, je me rappelle, j'ai un petit enfant. Après, j'ai grandi. Maintenant, je suis un petit vieux. Mais j'ai l'impression que c'est toujours moi. Ben non.

  • Speaker #1

    Ça veut dire quoi, c'est toujours toi ?

  • Speaker #0

    Mon corps a changé à chaque instant, il continue d'ailleurs. Pas pour le meilleur, pour ce qui est de gravir des montagnes notamment, ni pour la mémoire. Mes expériences, c'est un flot continu et dynamique d'expériences. Donc chaque moment, on vient de rencontrer des personnes, je parle avec toi, je ne sais pas ça, il y a une heure. Donc c'est nouveau tout ça. Ça fait partie maintenant de mon histoire. Donc c'est un flot dynamique d'expériences. Mais... Il n'y a pas, si on cherche, il n'y a pas, justement, je disais, il m'a poussé, donc ça c'est le corps. Il m'a blessé, mes sentiments, donc ça c'est l'esprit. Mes sentiments, tout ça. Donc si on cherche, on ne trouve nulle part cette entité moi. Elle n'est pas localisée dans le cœur, elle n'est pas partout dans le corps. Si on perd ses jambes, alors on perd la moitié de l'ego, mais pas du tout. On a le même ego, mais avec 100, on est un cul de jatte. Donc en gros, si je me réveille et que je me vois comme un ours, j'ai toujours un ego, mais je me dis brusquement que je suis devenu un ours, c'est bizarre, ça me déconcerte. Donc il y a ce sentiment d'un moi qui serait unitaire, permanent. Et ça, c'est un source de problème. Donc si on l'analyse, on s'aperçoit. Alors ce n'est pas mauvais de penser ça, parce que c'est pratique. On dit que c'est une illusion utile. parce qu'il faut bien fonctionner, il faut bien avoir un nom, on est différent des autres, on n'a pas la même histoire. Donc c'est un peu comparé à un fleuve. La Seine, ce n'est pas pareil que le Mississippi ou le Gange. Mais il n'y a pas, on n'a jamais vu dans la Seine ou dans le Gange, une petite tête qui sort, n'oubliez pas que le Gange, c'est bien moi. C'est-à-dire, encore une fois, une unité. qui se déplacent au fil du temps. Le noyau, que parfois on appelle l'âme, ou les hindous appellent l'atman, pour eux, c'est une entité autonome et permanente. Dans le bouddhisme, on dit que c'est un flot en constant de transformation. Et ce n'est pas, encore une fois, juste une curiosité intellectuelle, parce que ça a des conséquences. Parce que si on s'agrippe à ça, ça mène à la souffrance. Si on s'aperçoit que oui, c'est un nom qu'on attache à un phénomène qui change constamment. C'est OK, ça. Mais on ne dit pas, oui, il y a un moi au fond, c'est vraiment moi, c'est ça, le cœur de mon être, c'est mon essence profonde. Alors là, on a des problèmes. Si on n'avait pas de problème, ça ne serait pas grave si c'était juste un concept philosophique. Mais il y a des conséquences. Donc, le bouddhisme réfute ça par la logique. Et le plus, alors, on voit les super-égaux, il ne faut pas aller chercher très loin. Regardez, aux Etats-Unis, c'est un monde de super égaux. Les résultats, ce n'est pas très encourageant. J'avais un ami qui est un grand psychologue, Paul Ekman. Et après avoir beaucoup de rencontres avec le délama, il dit que ce serait intéressant d'étudier les gens qui ont un égo transparent. Le délama, par exemple. Ce n'est pas du tout des légumes. Ce ne sont pas des gens ennuyeux. Au contraire, ils ont une grande effervescence de présence. Une fois, pendant une réunion, on lui a venu d'apprendre qu'un enfant était mordu par un chien enragé. Il avait les larmes aux yeux. Puis après, il rit. Donc, il est extrêmement vivant et tout.

  • Speaker #1

    Il n'a pas d'émotions.

  • Speaker #0

    Il n'a pas ce sentiment, disent les Chinois, ils disent que je suis un serpent habillé en moine, aucun sens. D'autres, ils disent que je suis un dieu vivant, aucun sens, je suis un simple moine bouddhiste. Donc, il ne s'attache pas à une image, à tout ce qui fait, tout ce que secrète la notion d'ego. En gros, il y a une façon saine de voir. Il y a le moi, bien sûr, on se réveille le matin, j'exige, j'ai faim, j'ai froid. Aucun problème. Il y a notre histoire, c'est le fleuve. Aucun problème. Ça, c'est l'histoire de la personne. Mais ce concept d'une entité autonome qu'on retrouve dans beaucoup de religions, l'âme, l'atman, les hindous, ça, pour le bouddhiste, c'est un problème.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour tous ces partages si on revient sur la méditation depuis quelques années en France on en parle de plus en plus moi j'ai été petit pratiquant j'ai même fait une retraite alors dans un temple à côté d'un temple en Thaïlande qui s'appelle le Dhammakaya Setiya je sais pas si ça te parle en 2018 donc je fais partie de ces jeunes entre guillemets qui ont découvert la méditation est-ce que toi tu peux nous en parler et nous dire surtout les bienfaits de la méditation

  • Speaker #0

    Oui, alors médecine, c'est un grand mot, mais c'est très vague. Parce qu'en vrai, ça veut dire entraînement. Bhavana, en sanskrit, ça veut dire cultiver. En tibétain, gourme, ça veut dire se familiariser avec quelque chose. Donc, vous dites, je m'entraîne. Bon, c'est bien, mais qu'est-ce que tu fais ? Je joue au rugby, ping-pong. des échecs, tu entraînes à quoi ? Ah ben non, je m'entraîne. Ça n'avance pas à grand-chose. Dans la méditation, c'est pareil. D'ailleurs, les étudiants en neurosciences ont montré que chaque type d'entraînement a une signature différente dans le cerveau. Si vous entraînez à ce qu'ils font beaucoup au Rhin-Occident, ce qu'on appelle la pleine conscience, en fait, c'est l'attention. L'attention, c'est un outil. L'attention, c'est un outil indispensable, mais ça ne suffit pas. On n'atteint pas à l'éveil avec juste l'attention. Donc, l'attention mobilise certaines aires du cerveau notamment, qui sont spécifiques pour l'attention. Maintenant, si vous cultivez, vous méditez, encore une fois, la bienveillance. tous les êtres, puissent tous les êtres être heureux. Même les pires, la haine, l'indifférence, la cruauté qui habite leur esprit, on peut souhaiter que ça s'en aille, non ? Ça serait bien, si les dictateurs c'est des dictateurs. On peut le souhaiter. On peut souhaiter que... Le système, l'éducation, le milieu environnement qui a amené ces personnes finalement au pouvoir que ça change au fil du temps. On peut souhaiter ça. Donc c'est bienveillant par rapport à dire si je le vois, je lui écrabouille la cervelle.

  • Speaker #1

    C'est constructif.

  • Speaker #0

    c'est bien mieux c'est comme un psychiatre qui voit un malade fou furieux il va commencer peut-être par le maîtriser s'il faut, mais après ça il ne va pas prendre un gourdin pour le zigouiller il va voir, est-ce que je peux le guérir ou pas et s'il peut le guérir, tant mieux il l'empêche de se nuire à lui-même et de nuire aux autres il lui donne des médicaments ou n'importe quoi mais il ne va pas dire, bon c'est un être impossible, donc on s'en débarrasse, non on essaye donc c'est ça la bienveillance, donc ça si vous voulez

  • Speaker #1

    Donc ce que tu veux dire, c'est que dans la méditation, il y a aussi une thématique qui est la bienveillance.

  • Speaker #0

    Donc on peut cultiver la bienveillance. Alors pour ça, qu'est-ce qu'on fera ? C'est comme quand on navigue, on ne va pas apprendre à naviguer un jour de tempête avec force 12. On va apprendre un jour de beau temps avec un petit bateau, un instructeur. Et puis après, petit à petit, on peut naviguer dans les grandes tempêtes. Donc c'est pareil. On ne peut pas commencer à méditer sur la bienveillance pour, je ne sais pas, Bachar el-Assad ou Poutine ou compagnie. Donc, on va commencer à penser à un être cher, un enfant, un conjoint, un parent, quelqu'un qui vous est très très cher. Cette personne vers laquelle vous n'avez aucun mal à lui souhaiter tout le bien du monde. Puisque cette personne est heureuse, s'épanouit, puis ses aspirations dans l'existence se réalisent, puis qu'elle est épargnée par des maladies et des souffrances. Vous remplissez votre visage mental de bienveillance. Et puis qu'est-ce qui se passe ? Des fois ça nous arrive pendant 10 secondes, mais on passe à autre chose. Là non, vous ne passez pas à autre chose. Vous maintenez cet état qui emplit votre paysage mental. S'il décline, vous le ravivez. Si vous êtes distrait, vous y revenez comme un papillon qui revient sans sa fleur. Donc vous surveillez votre état pour maintenir le plus clair, présent, intense dans le sens de à son point optimal, pas en moitié endormi, de sorte que ça se maintienne sur 10 minutes, une demi-heure, deux heures. Et on sait, aussi bien par l'expérience des contemplatifs, maintenant dans le bouddhisme de 2500 ans, que depuis une trentaine d'années, l'étude en neurosciences sur la neuroplasticité, que si vous faites quelques jours régulièrement, tous les jours pendant un mois, 30 minutes par jour, que ce soit apprendre à jouer au ping-pong ou autre chose, Déjà, en un mois, on voit que votre cerveau change, non seulement fonctionnellement, mais structurellement. Donc, plus vous en faites, plus ça change, plus les changements sont stables et importants. Donc, voilà. Donc, si vous voulez, si tu veux, la collaboration entre des contemplatifs et des neuroscientifiques a simplement corroboré le fait... que l'entraînement, ça vous transforme, et que plus on en fait, plus ça vous transforme, et plus c'est stable, et ça résiste aux circonstances, les hauts et les bas de l'existence. Donc à un moment donné, on arrive à un état où on a confiance qu'on peut gérer les hauts et les bas de l'existence. Ça ne veut pas dire qu'on ne sera pas triste ou joyeux. Il y a des hauts et des bas, forcément. Si quelqu'un meurt, ou si on voit un témoin d'un massacre, on ne peut pas être en joie. Donc la tristesse n'est pas incompatible avec un état de... comment dire, manière d'être qu'on peut appeler le bien-être, être bien au fond de soi parce que même devant la tristesse, on peut avoir de la résilience, de la détermination à remédier aux causes de la souffrance, donc de la compassion, de la bienveillance, de la force d'âme, d'être tourné vers les autres au lieu de tout le temps tourner vers soi. Donc tout ça, ça reste, même devant la tristesse. Donc, l'endroit où on revient avec les hauts et les bas peut changer. Si vous êtes un peu au fond du trou, vous avez toujours des hauts et des bas, beaucoup de bas et pas beaucoup de hauts, mais vous êtes déjà assez bas comme ligne de base. Puis à un moment donné, il y a toujours des hauts et des bas, mais votre ligne de base moyenne, c'est-à-dire quand il ne se passe rien, votre mode par défaut, on dit en neurosciences, il est différent. Et c'est ça qui est une véritable transformation. Donc, les scientifiques distinguent les émotions. qui durent quelques secondes. On peut être en colère encore et encore, mais l'émotion qui s'exprime par un ton de voix, des muscles du visage, qui sont très différents selon la colère, la tristesse, le dégoût, le mépris, etc., ça ne dure pas longtemps. Il y a un état physiologique aussi. Ça peut revenir, mais en gros, une émotion très forte, ça dure 5-6 secondes, puis encore une fois, ça peut revenir. Ensuite, il y a des humeurs. C'est là que vous, vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes triste, vous n'êtes pas motivé, au contraire, très joyeux, quoi qu'il arrive. Il y a des traits de caractère qui sont beaucoup plus stables et difficiles à changer. C'est un peu comme un parchemin qui a été longtemps roulé. vous les laissez sur la table, vous lâchez les mains, ils se renroulent de nouveau. Mais si vous faites ça beaucoup de fois, il finira par rester plat. Donc ça, les effets de la méditation, c'est pour changer justement les choses qui ne changent pas facilement. vos tendances, vos traits profonds et se libérer des tendances qui mènent à la souffrance. Alors ça, c'est le vrai but de la méditation. Ce n'est pas juste de s'asseoir sur une chaise, de sentir son derrière sur la chaise, d'observer sa respiration. Oui, bien sûr. Si vous n'avez pas cultivé l'attention de la pleine conscience, vous ne cultiverez pas la compassion. Votre esprit va vagabonder pendant une demi-heure autour du monde. Vous allez faire un rêve éveillé et vous n'allez cultiver rien du tout. Donc, il faut que l'esprit soit stable et clair. Donc ça, c'est le but de ce qu'on appelle la pleine conscience. Après ça, Il faut se servir de cet outil pour cultiver des qualités humaines fondamentales. La principale étant l'amour altruiste et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, ça me paraît un super outil et si je peux te partager une petite expérience personnelle moi en fait aujourd'hui j'ai une trentaine d'années jusqu'à 27 ans j'ai eu la chance d'avoir une vie avec des émotions qu'on appellerait plutôt positives mais on pourrait en parler je sais pas si tu les nommes comme positives mais autour de la joie, etc et j'ai vécu une dépression et la méditation justement m'a aidé à comprendre aussi que c'était passager comme je n'avais pas vécu énormément d'émotions plutôt autour de la tristesse, etc. Oui, bien sûr. Ça m'a vraiment aidé à donner, enfin, comme tu disais, on n'y pas en fait la réalité, on n'y pas les émotions. Par contre, ça donne une espèce de force et de conviction qu'en fait, après une tempête, il peut y avoir du beau temps.

  • Speaker #0

    Oui, et alors justement, il y a une approche qui s'appelle la... Comment ça s'appelle ? La Thérapie Cognitive. Les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience qui sont utilisées pour la dépression. C'est un entraînement qui dure quelques mois. qui ont été développés par Zinder Seagal, Teasdale et plusieurs personnes. Maintenant, ça fait 30 ans, et maintenant on sait, il y a des études scientifiques, que c'est un peu utile au fond de la dépression, mais c'est surtout pour les gens qui ont eu une ou deux dépressions, pour prévenir les rechutes. Et là, ça... ça prévient les rechutes, ça évite les rechutes dans 40% des cas. C'est aussi efficace que la médication. La médication, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre des médications, mais l'avantage, c'est qu'une fois qu'on a fait cet entraînement, ça perdure. Tandis que les médicaments, si vous arrêtez, ça s'arrête. Donc, on peut combiner les deux selon les besoins. On peut faire ça à la légère, il faut suivre un médecin qualifié. Mais pourquoi ? Parce que... La dépression s'accompagne notamment d'énormément de ruminations du passé. Donc ça revient, ça revient, ça revient. On est très centré sur soi. On anticipe le futur de façon très noire. Donc on n'a plus envie de rien faire. Tout va de travers. Il y a un très beau livre de Andrew Salomon, qui s'appelle en français, je ne sais pas comment ça s'appelle. En anglais, c'est de Nun de dimon C'était traduit en français. Il décrit parfaitement ça. Il dit qu'on ne peut plus ni ressentir de l'amour, ni le donner. Il y a toutes sortes de choses. Donc, les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience, qui allient les thérapies cognitives à la pleine conscience, s'adressent justement à mieux comprendre ces petits mécanismes qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, et qui font qu'on est prisonnier de ces enchaînements mentaux, qu'on n'a même plus envie de mettre le pied par terre. Donc, c'est extrêmement efficace pour empêcher les rechutes.

  • Speaker #1

    C'est un super outil, comme tu le disais, parce que je pense que ça rend autonome et ça donne de la confiance à la personne par rapport à un médicament, comme tu dis, qui finalement...

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'une fois qu'elles ont compris ça, elles peuvent le mettre de nouveau en application. Tout à fait. Donc ça, ça marche.

  • Speaker #1

    Et ça m'intéresse du coup de comprendre aussi, justement, est-ce que tu as un avis sur les médicaments, les antidépresseurs, les anxiolytiques ? Est-ce que pour toi, c'est OK pendant un temps ? Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #0

    Ce qu'on sait déjà, c'est que c'est très difficile de prescrire les bons médicaments. Tout à fait. Il faut parfois les changer et qu'il faut vraiment voir des spécialistes et pas un médecin généraliste aussi bon soit-il. Le problème, et moi j'ai travaillé avec Richard Layard en Angleterre, qui a fait évoluer considérablement le financement des maladies mentales, parce que l'OMS a montré, si on compte le nombre de jours où nous sommes incapacités dans la vie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas rien faire, qu'on ne peut pas travailler, on ne peut pas fonctionner normalement. Si vous avez un cancer ou une caisse cardiaque, vous survivez ou non, ça ne dure pas 40 ans. Donc le nombre de jours dans une vie où on est incapable de fonctionner normalement, c'est 40% dû aux problèmes mentaux. La dépression, parce que ça dure très longtemps, évidemment l'Alzheimer, la schizophrénie, mais la dépression a un rôle très important. Bien que ce soit 40% des jours d'incapacitation dans la vie, en Angleterre notamment, cet ami Richard Layard, qui est un Lord, s'est aperçu qu'il n'y avait que 10% de financement. Parce qu'on se dit, écoutez, vous n'avez qu'à vous prendre en main. Il y a une sorte de stigma aussi. Si on dit que vous avez le diabète, oui, il faut le prendre médicament. Mais vous êtes déprimé, écoutez, on m'y joue un peu. Alors qu'en fait, c'est beaucoup lié au transmetteur neurochimique du cerveau, à la rumination. Il y a quand même des causes. et on est aussi malade qu'on est malade avec le diabète. Donc voilà, il faut financer davantage pour qu'il y ait suffisamment de gens formés. Parce qu'encore une fois, un médecin généraliste, il est généraliste, mais là, c'est beaucoup plus spécifique.

  • Speaker #1

    et c'est vrai que c'est une très bonne chose de combiner ça aux thérapies cognitives basées sur la pleine conscience tout à fait on a parlé des émotions moi j'ai envie de te poser comme question parce que souvent on dit qu'il y a des émotions positives et des émotions un peu plus négatives positives comme la joie par exemple et négatives comme la colère ou la tristesse est-ce que pour toi justement il y a des émotions positives ou négatives est-ce que ce n'est pas une erreur justement d'avoir une perception positive et négative il y a deux points de vue

  • Speaker #0

    Donc, il y a le point de vue de l'évolution. Ça, justement, mon ami Paul Ekman. Et du point de vue de l'évolution, chaque émotion est apparue à une raison d'être. Donc, la colère, par exemple, chez un enfant ou chez des gens, c'est pour surmonter un obstacle qui se présente. Il faut être très énergique et le faire rapidement. Et notamment, si on prend un jouet à un enfant, on l'empêche de faire ce qu'il veut. C'est un obstacle, donc il réagit fortement. La jalousie, a priori, du point de vue de l'évolution, c'est pour maintenir la cohésion du couple. pour qu'il faut élever des enfants, il vaut mieux que les parents restent ensemble, sinon la survie des enfants, surtout à l'époque où l'homo sapiens s'est apparu, c'était important. Si à chaque fois les mères se retrouvaient toutes seules, la survie serait beaucoup diminuée. Donc chaque émotion a une raison d'être. Elles ne sont pas mauvaises dans ce sens-là. Alors, on a fait d'ailleurs un article dans une revue scientifique avec Paul Ekman, Richard Davidson et une autre personne, sur la comparaison entre ce qu'on appelle positif-négatif dans le bouddhisme et en psychologie. En psychologie, il parle d'émotions négatives quand on veut s'éloigner de quelque chose. On ne peut pas voir ça, un sentiment de répulsion, on veut éloigner la personne qui vous embête. Le positif, c'est d'aller vers quelque chose. Ça peut être aussi l'obsession. Pour nous, ce n'est pas positif. C'est simplement on va vers ou on s'éloigne d'eux. Donc ça, c'est juste une classification. Mais dans le bouddhisme, on ne parle pas de positif. Enfin, le moral, c'est assez mal d'être en colère. C'est négatif parce que ça apporte de la souffrance. Personne n'a jamais été absolument en extase de sérénité, en étant plein de haine, de jalousie, qui vous ronge du matin au soir, ou de l'orgueil qui vous fait voir tout le monde comme des crétins et vous pensez que vous êtes un type fantastique et que ça ne correspond pas à la réalité, donc vous finissez par vous casser la figure. Tout ça, ça apporte de la souffrance. Dans ce sens-là, c'est négatif pour le bouddhisme. La joie, la bienveillance, la persévérance, la fortitude, la résilience, on considère ces états mentaux positifs parce qu'ils contribuent à un meilleur être plutôt que de miner le bien-être. Donc c'est dans ce sens-là, ce n'est pas un truc moral, c'est très mal d'être en colère, c'est très vertueux si vous êtes bienveillant, c'est les résultats. D'ailleurs l'éthique bouddhiste est basée sur ce que ça fait en termes de souffrance ou de bien-être. Ce n'est pas la motivation. C'est la motivation, ce n'est pas l'apparence de l'acte. Une mère qui pousse violemment son enfant parce qu'il va se faire écraser par une voiture, c'est violent en apparence, mais elle est motivée par la bienveillance. Un gars qui vous fait des grands sourires et qui vous pique votre portefeuille, il est tout sourire, mais son sourire est malveillant. Donc, sans se fier aux apparences, ce qui compte, c'est la motivation, c'est ça qui colore l'acte. donc voilà, les résultats c'est en termes aussi bien pour l'éthique que pour les émotions c'est quel est le bien et le mal que ça fait à vous même et à autrui ok,

  • Speaker #1

    juste pour continuer sur les émotions il n'y a pas longtemps j'ai vu quelque chose qui s'appelle la roue des émotions, on voit des dizaines d'émotions qui existent et moi encore une fois pour être transparent avec toi je ne me ressens pas ces dizaines d'émotions là, est-ce que chacun est différent ou j'arrive pas à le percevoir encore ?

  • Speaker #0

    je ne sais pas qui a fait ça mais en gros les psychologues Les scientifiques reconnaissent six ou sept émotions de base, notamment ce pour Lechman et bien d'autres. Ils ont montré que contrairement à d'autres théories, culturelles, notamment Margaret Mead et d'autres, ils ont montré que c'était en fait... commun à toute l'humanité. Il a amené des photos d'émotions d'étudiants américains en Papouasie. Et le dégo, il leur montrait la photo du dégo. Ils disaient, ah oui, c'est quand on voit quelque chose de sale ou n'importe quoi, la joie. Donc, en gros, les émotions de base, c'est la joie, la tristesse, la colère, le mépris, le dégoût. la surprise.

  • Speaker #1

    Et la peur, non ?

  • Speaker #0

    La peur, oui, bien sûr. Oui, bien sûr, la peur. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce que vous montrez des images, ça, c'est la joie. Vous montrez un psychopathe. Ces émotions, ils ne reconnaissent pas la peur. Et s'ils savent dessiner, ils sont incapables. On leur dit dessiner la peur. Ils dessinent toutes les autres émotions, mais pas la peur. S'ils ont quelque chose dans le cerveau avec les amygdalas qui ne marche pas. C'est pour ça d'ailleurs qu'ils n'ont aucune empathie affective et qu'ils peuvent découper des gens en morceaux. Pour ça, c'est très bien. Donc voilà, ces émotions de base-là sont universelles. Il y en a d'autres aussi qui sont... Elles sont universelles parce qu'il y a une expression faciale. On a 256 petits muscles. Et pour Leckman, il vous dit tout de suite quels muscles sont appliqués. Il vous fait d'ailleurs prendre... Il fait ça, puis il vous fait prendre tous les muscles. Qu'est-ce que tu ressens ? Et vous ressentez le dégoût ou le mépris. Donc, c'est très intéressant. Il y a aussi un truc physiologique. Donc, elles ont une réponse physiologique. ça affecte le ton de la voix et parfois la posture corporelle. Donc quelqu'un qui est bien entraîné reconnaît très facilement les émotions. et les enfants qui sont un peu aveugles aux émotions, ça pose des problèmes relationnels très importants. Donc, j'en ai quelqu'un aux États-Unis, Mark Grimberg, qui fait éducation émotionnelle, intelligence émotionnelle. Donc, quand les enfants ne savent pas très bien, quand ils ne reconnaissent pas les émotions des autres, c'est souvent parce qu'ils ne reconnaissent pas leurs propres émotions. Donc, ils ont des cartes avec ces émotions de base, et quand ils reçoivent des émotions, ils veulent montrer la carte. Ça, c'est la colère, ça, c'est la peur, ça, c'est la tristesse. Et en quelques mois... ils deviennent beaucoup plus... L'alphabétisation des émotions et les rapports avec les autres changent complètement. C'est très important de bien identifier nos émotions, celles qui minent notre bien-être et celles qui au contraire le magnifient. Et celui des autres, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et moi, ça m'a vraiment interpellé. Au-delà de ces sept émotions, toutes les émotions possibles, est-ce que le bouddhisme, et plus précisément la méditation, peut aider justement à reconnaître... Oui,

  • Speaker #0

    alors d'abord, il y a un aspect théorique. Le bouddhisme a des traités entiers. sur les 51 événements mentaux de base, qui sont décrits en très grand détail.

  • Speaker #1

    51 événements mentaux ?

  • Speaker #0

    Oui, des émotions, mais aussi des états mentaux cognitifs. Et puis, il y a des broches à tout ça. Donc, il y a des traités entiers sur la taxonomie des états mentaux. Et ça fait partie des études qui s'appellent l'Abhidharma. Et en même temps, quels sont les antidotes ? quels sont ceux qui sont neutres, quels sont ceux qui sont constructifs, quels sont ceux qui détruisent. Et donc, voilà, la psychologie bouddhiste est extrêmement riche. D'ailleurs, dans ces rencontres de Man and Life, une fois, on était au MIT de Boston, et il y avait une série de dialogues où il y avait un bouddhiste et un scientifique. Moi, j'étais en paire avec Stephen Kosselin, qui à l'époque avait la chaire de psychologie à Harvard. On avait pas mal interagi avant ça. Il a commencé sa présentation en disant je voudrais rendre hommage à la masse de données expérimentales que les méditants bouddhistes apportent dans le champ de la psychologie contemporaine par tous ces siècles d'investigation de la façon dont fonctionne l'esprit Pour te dire, il y a des traités de la perception de 150 pages qui datent du premier siècle. Il y avait vraiment une séance de l'esprit.

  • Speaker #1

    Et dans ces événements mentaux, j'imagine que du coup, comme tu as beaucoup médité, tu en as vécu, est-ce qu'il y en a des particuliers qui t'ont marqué ?

  • Speaker #0

    C'est comme voir des paysages. Non, mais l'idée, c'est encore une fois... de peu à peu éroder ceux qui provoquent la souffrance de soi-même et d'autrui, et de cultiver, justement, c'est ça le but de la méditation, ceux qui contribuent au bien d'autrui et au sien propre. C'est ça un des buts de la méditation, bien sûr. Ok.

  • Speaker #1

    J'ai lu en préparant l'interview que, justement, tu as médité pendant des milliers d'heures, et qu'on avait analysé ton cerveau, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Je ne suis pas le seul, mais j'étais un des premiers à se faire des rencontres Mind Life sur les émotions destructrices. L'idée, le DMA a demandé au milieu de la semaine, ça a duré cinq jours, c'est très bien tout ce qu'on dit, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour la société ? Donc les scientifiques, on s'est réunis à midi, on a dit, on pourrait faire un programme de... scientifiques de haut niveau, parce qu'avant, il y avait eu pas mal de recherches, il y avait des trucs un peu vaseux, donc c'était pas très rigoureux scientifiquement, et puis avec des militants un peu n'importe comment. Donc là, on avait les meilleurs scientifiques du moment dans ces domaines, en neurosciences, en psychologie, et des militants qui avaient fait entre 30 et 50 000 heures de méditation. Donc, on s'est dit, si on trouve quelque chose chez eux, c'est qu'il se passe quelque chose. Si on ne trouve rien chez eux, c'est pas la peine de s'inquiéter des gens qui l'ont fait pendant trois semaines. Donc moi bêtement je me suis porté volontaire parce que j'avais une formation scientifique et je trouvais ça intéressant. Je ne m'attendais pas à passer 120 heures dans des IRM, aller une fois ou deux fois par an une semaine dans des labos aux Etats-Unis surtout mais aussi en Europe. Et finalement, devenir non seulement un cobaye, mais un collaborateur. C'est-à-dire qu'il faut bien collaborer. Qu'est-ce qu'ils étudient ? Qu'est-ce qu'on étudie ? Il faut bien que le méditant décrive ce qu'il fait, et qu'on ait des états précis, parce que si on pense à tout en même temps, ça ne sert à rien. On ne veut pas savoir ce qui se passe dans le cerveau. Donc, il faut être capable d'engendrer un signal très pur, soit rien que de la bienveillance, soit de l'attention pure, et pas tout mélanger. qu'est-ce qui mesure ? Si tout le cerveau se met en œuvre en même temps, ça ne marche pas. Donc voilà, cette collaboration effectivement a permis de publier de nombreux papiers, dont certains ont été il y avait un notamment sur les effets de la compassion qui a été le plus téléchargé dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaines pendant l'année. qui montrait que lorsque des méditants s'engageaient à la méditation sur la compassion ou la bien inconditionnelle, il y avait une activation dans les fréquences gamma des oscillations cérébrales qui étaient de loin 100 fois plus puissantes qu'on avait enregistrées jusqu'alors en neurosciences. Bon, ça s'est vérifié avec tous les méditants à long terme. et les gens qui s'étaient entraînés pendant 15 jours, on ne voyait pas ce phénomène. C'était une chose intéressante, mais il y a eu beaucoup d'autres études qui montrent qu'effectivement, il y a des changements fonctionnels dans le moment, si on s'engage, on voit des très grands changements dans le cerveau, et structurels sur le long terme. Et il y a aussi notamment cette activation très forte des ondes gamma. En fait, si on demandait aux gens à peu près, parce qu'on ne fait pas le compte avec un compteur, on va dire, En gros, combien d'heures de méditation ils avaient pensé avoir fait, donc ça dépend, s'ils avaient fait des retraites de plusieurs années, combien d'heures en gros par jour ils méditaient, ils pratiquaient, combien d'années ils avaient pratiqué. Donc il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait six ans de retraite. Donc on s'est aperçu que l'intensité de ces activations était proportionnelle finalement au nombre d'années et d'heures. Il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait 6 ans de retraite, ils étaient très hauts. D'autres qui avaient milité un peu pendant 40 ans, ils étaient moins. Donc c'était vraiment une ligne droite. Plus on s'entraîne, plus ça change. C'est à la fois réconfortant et encourageant. Donc c'est pas qu'il ne se passe rien pendant 20 ans, puis d'un coup, boum ! Ou alors que vous avez tout en 5 minutes et après vous relaxez. En fait, c'est comme toute forme d'entraînement. Plus on s'entraîne, mieux ça marche.

  • Speaker #1

    Donc, ça a été prouvé scientifiquement. C'est des bienfaits.

  • Speaker #0

    Quand on dit prouvé, bien sûr, c'est scientifique. On peut toujours débattre. Oui, regarder si la méthodologie est correcte. On va quand même publier dans des prestigieuses revues scientifiques, vérifiées par d'autres laboratoires. Donc, on peut dire oui. On sait maintenant que la neuroplasticité existe, que le cerveau peut changer sous toute forme d'entraînement, que ce soit d'apprendre toutes les rues de Londres par cœur, comme faisaient les taxis londoniens avant l'invention des GPS. Et l'air dans le cerveau qui se représente la topologie du milieu extérieur changeait considérablement, mais physiquement. Donc, si vous apprenez à chanter, tout ça, ça change. Donc là, on n'apprend pas ni à chanter, ni à apprendre les rues de Paris. On s'entraîne à la compassion ou à l'attention et le cerveau change. Et ça, ça a été démontré.

  • Speaker #1

    et c'est spécifique donc chaque type d'entraînement ou de méditation a une signature spécifique dans le cerveau donc la méditation ça aide les êtres humains à être épanouis est-ce que tu penses qu'un jour en France dans les écoles on enseignera la méditation oui alors c'est assez commun en Angleterre,

  • Speaker #0

    aux Etats-Unis en Hollande mais en France il y a une sorte de résistance parce qu'on pense ah c'est les bouddhistes qui débarquent ou c'est des trucs orientaux c'est une religion alors que Moi, j'ai écrit un petit bouquin qui s'appelle L'art de la méditation J'ai fait exprès. Disons, c'est vrai que ça tire ses racines dans le bouddhisme. Mais ce n'est pas un livre bouddhiste. Je ne demande pas aux gens de venir au bouddhisme. Je parle très peu du bouddhisme. Et puis, ça ne tient pas la route parce que ça s'adresse à la façon dont fonctionne notre esprit et notre cerveau. Alors, si un scientifique japonais trouve une nouvelle particule, un boson X ou je ne sais pas quoi, la particule n'est pas japonaise. Elle existe ou elle n'existe pas. Donc si la colère... Avant on disait, il faut exprimer notre colère, il faut laisser s'exploser, il faut casser des pianos, c'est très à la mode. Maintenant on sait que ça ne marche pas. Que plus vous vous mettez en colère, plus vous êtes coléreux, c'est tout. Donc maintenant on le sait. Donc c'est valable pour tout le monde. Qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans le bouddhisme ? Une des choses, ce n'est pas une supériorité, c'est une spécificité. Depuis 2500 ans, ils n'ont pas arrêté de s'interroger sur la façon dont fonctionne l'esprit, comment sont ses émotions, à les classer, à les étudier, je vous disais la perception, tous ces phénomènes mentaux. Qu'est-ce qui se passe quand on voit un objet ? D'abord, il y a une perception nue, puis après, il y a des concepts qui s'attachent. Tous ces processus-là sont extrêmement déclinés et étudiés. Bon, c'est leur spécialité. Mais on a tous un esprit à qui on a affaire du matin au soir, qui peut être notre meilleur ami ou notre pire ennemi. On le voit bien dans la dépression. Finalement, ces choses-là, ça fait partie du patrimoine mondial de la connaissance. Il y a des gens qui sont spécialisés là-dedans. D'autres qui sont spécialisés pour envoyer des fusées sur la Lune. Ça les regarde. Mais bon, en gros, si vous voulez, c'est tout un aspect. qui peut être utilisée de manière parfaitement séculière. D'ailleurs, le programme de pleine conscience, Réduction du stress par la pleine conscience, le MBSR de John Kabat-Zinn, il a commencé dans les hôpitaux à Boston, parce qu'à la fois les malades... les aides-soignants, les médecins, tout le monde était stressé. C'était indégaux. Et on sait que le stress affaiblit le système immunitaire. Alors, vous avez des gens qui sont en chimio, en plus, ils sont stressés, donc le système immunitaire ne réagit pas comme il devrait au traitement. Donc, diminuer le stress, c'est un grand avantage. Il a commencé comme ça. Après, c'est dans le monde entier. Et après, on en a mis dans l'entreprise, dans les écoles. Il y a plus ou moins... Mais en France, on se dit, ah là là ! C'est pas laïque. Mais si, c'est laïque. On a tous un esprit. Il n'y a pas que les religieux qui ont un esprit. Mais comme le dit Daïlama, la bienveillance et la compassion, ça n'appartient pas aux religions. Ça serait trop triste, parce qu'il y a la moitié des gens maintenant qui ne suivent pas des religions. Si on disait, l'amour et la compassion, ça ne vous regarde pas, ça serait dommage. Et comme il dit, la religion, ça devrait être un choix. qu'on devrait faire normalement, pas imposé par les parents ou la culture, mais qu'on peut réfléchir, on le fait ou non, c'est pas grave. Mais la bienveillance, on en a besoin du jour où on est né. Un nouveau-né ne survivrait pas trois jours si on ne s'occupait pas de lui. Ou une personne âgée, on en a besoin de la naissance à la mort. Donc c'est complètement indépendant de la religion. La religion peut aider à magnifier si on l'emploie ultimement au lieu d'utiliser comme des drapeaux de ralliement pour alimenter la haine, mais A priori, toutes les religions parlent d'amour au départ, très bien. On peut magnifier l'amour et la compassion avec la religion, mais ce n'est pas obligé. Donc, a priori, tout ça, c'est parfaitement séculier, laïque. Et c'est bizarre que... Parce que, d'un certain point de vue, historiquement, ça a été un peu amené par des gens. Moi, je ne suis pas du tout un apôtre de la pleine conscience. Je ne m'occupe pas du bouddhisme en Occident. J'ai vécu toute ma vie, la plus grande partie de ma vie en Orient. J'étudie un bouddhisme très traditionnel. Donc, le bouddhisme en Occident, moi, ce n'est pas mon affaire. Mais bon, je vois bien que c'est un certain succès, que la méditation s'est développée. Alors, évidemment, ça peut être utilisé de travers. on peut dire, voilà, on va rendre les gens plus efficaces, ils vont bosser plus, ils seront un peu moins stressés. Donc c'est pour ça que moi, personnellement, je parle souvent d'une pleine conscience bienveillante. Parce que finalement, un tireur d'élite, il est en pleine conscience. On l'a dit de surveiller quelqu'un, de le zigouiller s'il arrive, il faut qu'il soit attentif, il ne faut pas trop qu'il ait d'émotions. S'il est distrait, il faut qu'il revienne. Et puis, il n'a pas de jugement parce qu'on l'a dit de tirer dessus, donc il faut qu'il le fasse. Bon, un psychopathe peut aussi être très attentif, mais un tireur d'élite, il n'est pas forcément bienveillant, et un psychopathe non plus. Donc si vous, et par exemple, si on veut augmenter simplement la performance dans l'entreprise, à tout prix, sans que les gens soient moins stressés, pour que ça marche mieux, ce n'est pas très bienveillant. Les gens finissent par craquer. Donc la bienveillance, par contre, il n'y a pas de psychopathe bienveillant, et il n'y a pas de tireur d'élite bienveillant. Donc, en gros, la bienveillance, ça élimine toutes les déviations possibles dans le monde moderne d'utiliser un instrument, parce que l'attention, c'est un instrument qui peut, selon la motivation, être utilisé pour faire du bien ou du mal. La bienveillance, ce n'est pas un instrument neutre. La bienveillance, c'est chargé d'une valeur éthique positive. C'est pour faire le bien des autres. L'intelligence, l'attention... ça peut être utilisé pour détruire ou pour construire, c'est comme un marteau donc les gens qui ont fait l'attentat du 11 septembre, ils étaient très malins c'est intelligent, mais l'intelligence utilisée pour faire du mal et l'intelligence artificielle c'est pareil plus elle sera puissante 10 000 fois plus intelligente pour le raisonnement et la gestion des données plus la motivation dont on la nourrit donc il faut l'élever comme un enfant presque Et ça, c'est possible. Il y a un gars qui s'appelle Mo Gadvar, qui a écrit un livre très bien sur ça. C'est un des premiers spécialistes d'intelligence artificielle chez Google. Il s'appelle Scary Smart. C'est-à-dire, c'est extrêmement intelligent, mais c'est un peu effrayant. Il dit qu'il y aura des dérapages, mais en même temps... Si on l'éduque correctement, parce que finalement, elle brasse les données qu'on lui donne, on peut l'éduquer vers le bien-être de la population, vers la coopération, vers étudier le diagnostic des maladies, comment remédier au mieux à la pauvreté au Ghana, mettre tout ça dans les données et trouver quelque chose qui se passe. Donc, tout dépend, c'est à nous, finalement, d'éduquer tout ça. Et la méditation, ça dépend de la motivation. On dit que la motivation, c'est ça qui colore nos actes. C'est un peu comme un cristal, vous le posez sur un tissu bleu, il a l'air bleu. Un tissu rouge, il a l'air rouge. Donc c'est la motivation qui donne la valeur éthique à nos actes. Ce n'est pas l'apparence du comportement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'intelligence artificielle, c'est hyper intéressant. Moi, je viens du milieu entrepreneurial et particulièrement de la tech, des startups. On sait que l'intelligence artificielle va bousculer beaucoup de choses. Tu dis en effet que finalement, on peut s'en servir à des bonnes fins.

  • Speaker #0

    Parce que c'est un outil.

  • Speaker #1

    C'est un outil. Mais aujourd'hui, comment on peut... Parce que si on essaie d'inventer une intelligence artificielle qui est pour le bien-être humain, c'est aussi des entreprises privées et c'est contrôlé par des personnes.

  • Speaker #0

    C'est ça, du coup il y aura plein de conséquences parce qu'il faudra forcément un salaire universel de base, parce que si 40% des gens perdent leur emploi, je ne sais pas, mais c'est un scénario envisageable, et si déjà il y a 10 personnes qui possèdent autant que le quart le plus pauvre de l'humanité, ce qui est complètement c'est bon que le système est complètement faussé parce que cette accumulation au sommet, soit dit, on parlait du ruissellement qui ne s'est jamais produit, donc quelqu'un qui a 200 milliards, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire on dit ouais ouais mais il a créé 20 000 emplois, il pourrait créer 20 000 emplois avec 100 millions au lieu de 100 milliards Je veux dire, tout ça, c'est du baratin. Ils achètent des yaks de 130 mètres de long. Donc là, il y a un problème de société, de façon dont le système fonctionne. C'est évident qu'il faudrait une certaine forme de redistribution des richesses, parce que avec tout cet argent, quand je vois que je ne sais plus lequel des deux, Elon Musk ou Bezos, a dépensé 5 milliards pour emmener ses copains 10 minutes en apesanteur, avec 5 milliards, vous mettez la plupart des enfants qui ne sont pas en classe dans le monde à l'école.

  • Speaker #1

    quand même là il y a un problème éthique majeur ce que je comprends pas peut-être que tu vas m'aiguiller c'est que d'un point de vue éthique déjà je comprends pas en fait l'intérêt tu vois moi je considère que entre guillemets quand on est riche quand on parle financièrement à partir d'un ou deux ou trois millions ça change pas grand chose ça

  • Speaker #0

    déjà je comprends pas mais je comprends pas ces personnes là en étant aussi chef d'entreprise parce que c'est incompréhensible c'est de l'orgueil c'est tout ce qu'on veut moi j'ai vu un film j'ai pas été à une salle de cinéma depuis 30 ans Sauf pour voir la panthère des neiges parce que je passais devant, c'est un de mes copains, Vincent Meunier. Mais j'ai vu des films parfois dans les avions, etc. J'ai vu un film avec Sean Connery et je ne sais pas qui, une dame. Ils se débrouillaient, c'était en Malaisie, il y a des trucs très compliqués, mais ils se débrouillaient pour changer les horloges à minuit. Et pendant une minute, ils avaient brouillé les horloges et ils pouvaient accéder à des comptes bancaires. Ils avaient ramassé 2 milliards de dollars. et puis cette dame, très gentille voulait finalement tout prendre pour elle et Sean Connery s'en aperçoit et lui dit une phrase que j'aime bien, il dit qu'est-ce que vous pouvez faire avec 2 milliards que vous ne pouvez pas faire avec 1 donc moi mon interprétation Bouddhi c'est rien pour vous même mais beaucoup pour les autres et moi j'ai connu Pierre Omidyar il a fondé je crois que c'est Ebay C'est un Iranien français qui est venu aux Etats-Unis, qui a donc fait fortune. Et à un moment donné, il a dit à son chef financier, arrêtez de m'enrichir, il faut qu'on trouve quelque chose. Maintenant, ils aident des centaines de milliers de personnes en Inde. Moi, je le connais personnellement. Il est venu participer aux discussions avec le Dalai Lama. Et un jour, il était à Paris, parce que sa maman vit à Paris. Et donc, je lui ai donné rendez-vous là où j'étais, à Paris, il y a quelques jours. Il arrive en métro. Et il me dit, tu comprends, ma maman me dit quand même, tu es souvent à Paris, tu peux t'acheter une voiture. Alors, fort de ce conseil de sa maman, il a été voir un des trucs là où on voit 150 voitures de tous les modèles. Il est rentré dedans et il a dit, voilà, je peux toutes les acheter. Est-ce que j'en ai besoin ? Non. Il a repris le métro. Ça, je trouve ça bien. Et voilà, donc c'est quelqu'un qui a réfléchi. Il travaille pour la démocratie, pour la liberté de la presse, et des choses comme ça aux États-Unis. il y a du boulot. Mais franchement, c'est lamentable. Alors, il y a des gens comme Giving Pledge. Donc, moi, j'ai connu une des personnes qui a lancé ce Giving Pledge. C'était quelqu'un qui a fondé toutes les boutiques de duty-free dans le monde. Il a donné 15 milliards pour l'éducation, pour plein de choses, pour la cause du combat pour la paix en Irlande, ce qui était l'origine irlandaise. Et donc, il a fait le vœu de donner l'intégrité de ces 15 milliards de son vivant. Mais il voulait le faire anonymement. Donc, il s'est mis au Gilles Caïman, ce que font généralement ceux qui veulent faire du blanchissement d'argent. C'est un peu le James Bond de la philanthropie. Il s'appelait Sweeney. Et donc, il est mort récemment. Il a réussi à tout dépenser. Moi, je l'ai rencontré. Et à un moment donné, les États-Unis ont pensé qu'il faisait du blanchissement d'argent. Donc, ils ont rentré dans ses affaires et ils se sont aperçus qu'en fait, qu'il donnait tout. Il ne voulait pas que ça se sache. Mais c'est la personne qui a inspiré Bill Gates et Warren Buffett à créer le Give and Play, c'est-à-dire qu'ils font le vœu de donner 50% de leur... Déjà, avec 50%, ils ont largement de quoi voir venir. Mais c'est incroyable qu'il y ait des gens qui veulent malgré tout accumuler plus en plus, être de plus en plus riches, et on ne comprend pas. Donc ça vient de... En fait, c'est là, précisément, disons, un chemin de transformation personnelle peut aider. Alors moi, je suis plus communiste que le pays des communistes, j'ai donné... 100% de mes droits d'auteur et de toutes les conférences, les émissions de photos, mais ça représente 95 ou 16% de ce que j'ai en... parce que j'ai hérité un peu de mon père pour m'occuper de ma mère, donc j'ai gardé un petit peu pour m'occuper des vieux jours de ma mère, ce que j'ai bien fait parce que pendant 5 ans, elle n'avait rien. Mais en gros, ce que j'ai reçu, soit par mon père, soit par mes gains, j'ai donné 96%. Donc ça va, je suis tranquille avec ma conscience. Parce que je n'en ai pas besoin. Je préfère beaucoup mieux. Maintenant, Karuna Sechen, l'organisation que j'ai fondée, il y a 24 ans, on aide 500 000 personnes par an. C'est énorme. Les bénéficiaires directs, l'extrême pauvreté, l'éducation des femmes. Au Népal, en Inde, là on va faire une campagne avec un médecin exceptionnel pendant deux ans. On va faire 60 000 opérations de la cataracte. Là-bas, ça change la vie de quelqu'un. Une femme pauvre qui a de la cataracte, elle ne peut plus être dans la maison pour s'occuper des champs, des enfants. Donc le mari l'envoie dans la famille. C'est un changement de vie complet. On lui rend la vue pour 100 dollars. Tout compris la logistique, l'implant et tout ça. Ici, un implant, ça vaut 80 euros. Là-bas, ils le manufacturent pour 4 euros. Ça change la vie de quelqu'un pour 100 dollars.

  • Speaker #1

    Là, tu vois l'impact de ton argent.

  • Speaker #0

    On change la vie de peu de 10 000 personnes, mais vraiment changer la vie. Donc, c'est formidable tout ça. J'avais accumulé des sous dans une banque. Qu'est-ce que j'en ferais ? M'acheter, je ne sais pas combien, 50 Ferrari. Donc ça, ça me dépasse.

  • Speaker #1

    Moi aussi, ça me dépasse. Et si on revient sur nos amis, les milliardaires, alors tu nous as raconté une super histoire d'une personne qui a donné 15 milliards pour les autres. Mais est-ce que tu penses, parce qu'on se rend compte quand même qu'il y a une urgence au niveau de la planète, une urgence humaine, est-ce que ces gens-là qui ont des milliards, est-ce que tu es contre l'héritage, par exemple ? Tu penses qu'on devrait...

  • Speaker #0

    Il devrait y avoir, c'est ce que disaient Piketty et d'autres, je veux dire, que ça leur plaise ou non, quand ça dépasse un seuil où ça ne sert plus à rien pour eux-mêmes excepte de s'acheter une île privée et un yak de 200 mètres de long, où... Moi, une fois, j'ai navigué avec un ami en Méditerranée. Il y avait le bateau de je ne sais pas quel magnat russe à l'époque. Et le chauffeur de taxi qui m'a pris pour aller à l'aéroport, après, il m'a dit, ils font des soirées à 300 000 euros, juste la soirée. Je veux dire, c'est totalement immoral. Alors qu'avec ça, on peut sauver peut-être 3000 vies en Afrique, je veux dire. On peut rendre la vue, justement, à 3000 personnes. Donc là, à un moment donné, si ces gens-là ne le font pas spontanément comme M. Sweeney, évidemment, ça ne les mettra pas sur la paille. S'ils ont 100 milliards, t'en prends 99, parce qu'avec un milliard, ça fait 1000 millions. Vous êtes tranquille pour le restant de vos jours. et à part des choses complètement idiotes et qui n'ont aucun sens et qui sont très poétiques vu les besoins dans le monde déjà ça vous empêchera de faire tout ça et puis vous les accumulez pour rien et puis ils pourront générer de l'emploi de toute façon s'ils sont des bons chefs d'entreprise et sur une bonne idée je veux dire Amazon c'est une bonne idée a priori mais qu'une bonne idée fasse de vous quelqu'un qui a 100 fois 1000 milliards de dollars qui a 100 fois 1000 millions de dollars mais c'est des chiffres qu'on n'arrive même pas à imaginer ça n'a pas de sens donc c'est pas ça qui fait marcher l'économie puisqu'ils le mettent quelque part donc ça c'est il faut évidemment faire quelque chose pour qu'ils n'accumulent pas cet argent et que ça serve au bien-être de l'humanité. Parce qu'il y a 10 personnes qui sont présentes, autant que le quart le plus pauvre. C'est dément.

  • Speaker #1

    C'est des ratios délirants.

  • Speaker #0

    Et ces inégalités n'ont cessé d'augmenter depuis 30 ans dans tous les pays de l'OCDE. Elles ont été exacerbées encore pendant le Covid, parce qu'ils ont tous fait leur beurre pendant ce temps-là.

  • Speaker #1

    toutes les grosses fortunes n'ont cessé d'augmenter donc il y a un truc qui ne marche pas dans le système bien sûr si on revient un peu sur les jeunes je sais que c'est quelque chose qui t'importe on sait qu'il y a un contexte sur la santé mentale chez les jeunes qui est un peu alarmant on parle de 4 jeunes sur 10 qui ont les syndromes anxio-dépressifs moi ça me rend vraiment triste pour le coup comment toi tu expliques ça peut-être quelques conseils que tu pourrais donner à ces jeunes

  • Speaker #0

    C'est vrai d'abord, on parle de l'éco-anxiété, mais ce n'est pas que ça. Je crois que c'est l'incertitude, qu'il y a toutes sortes d'incertitudes à notre époque. L'emploi, les sciences officielles, l'environnement, les changements, peut-être les conflits, etc. Finalement, en tant qu'incertitude, qu'est-ce qui peut aider ? C'est prendre conscience davantage de notre humanité commune. Moi, j'étais en retraite au Népal. J'écoutais comme la BBC sur une petite radio au moment du début du Covid. Et j'avais vu notamment qu'il y avait un site en Angleterre, fait par l'État, où on pouvait porter volontaire pour apporter de la soupe à des personnes âgées pendant le confinement. On pouvait emmener quelqu'un à l'hôpital. Et en 24 heures, un million de personnes se sont présentées. Il y a quand même eu une solidarité dans tout ça. Les gens qui étaient très mobilisés dans les hôpitaux. Donc, souvent en période de difficulté, ce sentiment d'humanité connu me ressort pendant les catastrophes. Au moment de l'avouer à Grand-Catherine, on avait dit, oh, il y a des viols, ils pillent les magasins, donc ils ont envoyé l'armée. En fait, ce n'était pas ça du tout. Tout le monde s'entraidait. Il serait mieux fait d'envoyer de l'aide. Donc, toutes les études ont montré que dans les grandes catastrophes, il y a un groupe de scientifiques qui étudie les grandes catastrophes. C'est immédiatement l'entraide. Un tremblement de terre, c'est d'abord les gens du quartier qui aident avant que les secours arrivent. Donc il faut encourager cette fibre-là, quand on fait face à l'incertitude. Encourager la solidarité, la bienveillance. C'est pour ça que j'ai écrit un livre de 800 pages sur l'altruisme, parce que ce n'est pas une idéologie utopique, bisounours. C'est la solution pour les défis du XXIe siècle. Si on s'en fiche du sort des générations à venir, pourquoi est-ce qu'on changerait tout ? Alors qu'on sait maintenant, s'il y a 4 degrés de réchauffement climatique, la population humaine va être réduite à un milliard. C'est très bien, on a trop de monde. Oui mais un milliard ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils sont morts de quoi ? De famine ? De conflit ? C'est pas réjouissant. Il vaut mieux diminuer en diminuant la mortalité infantile, ce qui diminue la natalité, et puis on règle la population. Mais pas avec des famines, des migrations, 250 millions de migrants. Ça va être rien. Comparé à ce qui se passe maintenant, c'est rien ce qui se passe maintenant. C'est 0,5% de l'Europe, c'est des migrants. Mais si on avait 250 millions, parce que l'abbé Pierre disait qu'on ne peut pas arrêter des gens qui meurent de faim. C'est ça. C'est parce qu'on a manque de considération d'autrui pour les générations à venir. Pourquoi il y a encore de la pauvreté, le carmon, de la pauvreté au sein de la richesse ? C'est parce qu'il manque de considération d'autrui. La bienveillance, c'est une solution pragmatique. La considération d'autrui. J'ai écrit ce bouquin pour essayer de démontrer ça. Il fait une sorte de plaidoyer, un monde idéal. Mais non, c'est très pragmatique. C'est favoriser la coopération, favoriser la solidarité. et tout ce qui fait qu'une société est plus harmonieuse. Donc, c'est vrai que les jeunes, moi, je me rappelle avoir, au moment où on a pu voir le truie, ça fait, je ne sais pas combien, 10 ans ou 12 ans, parler à un groupe de jeunes, et à la fin, il me dit, votre truc, c'est quand même, c'est flippant, il me dit. J'avais du mal à comprendre pourquoi c'était flippant, parce que on est un peu dans l'hyper-individualisme, surtout dans les sociétés très individualistes comme en Occident. En Orient, c'est beaucoup plus collectiviste, les familles restent ensemble, ils sont complètement choquées qu'on mette les... Les parents dans des... Alors ici, c'est parce que les familles sont dispersées. Il y en a un à Marseille, l'autre à Paris. Il faut qu'ils travaillent tout le temps, donc ils ne peuvent pas s'occuper de la mer. Mais là-bas, les trois générations restent ensemble. On n'imaginerait pas... Bon, c'est différent. Mais bon, hyper collectiviste, évidentiste, ça veut dire que vous êtes finalement... en vous-même. On devient très vulnérable parce que moi et le monde entier à côté, donc moi, moi, moi, du matin au soir, on est très fragile parce que tout vient soit un instrument pour promouvoir notre bien-être soit une menace. Donc ça polarise le monde considérablement si on n'a pas ce sentiment d'appartenance à une communauté. Donc c'est vrai que l'hyperindividualisme joue beaucoup. Il y a aussi l'isolement. On sait maintenant que les enfants jouent 30 fois moins dans la rue qu'il y a 15 ans, 20 ans. Parce qu'ils vont à la maison, c'est là où il y a les appareils. Donc il y a une diminution du lien. Des enfants notamment qui très tôt communiquent uniquement par SMS ou autre chose, on leur demandait, mais vous ne pouvez pas avoir une vraie conversation ? Ils disaient, oui, peut-être plus tard, mais je ne me sens pas prêt et tout. Donc il y a une sorte d'isolement dans l'ultra-communication. Si vous avez 500 amis sur Facebook, ce n'est pas des amis, c'est une vitrine pour le narcissisme. Vous vous montrez, vous envoyez une photo de ce que vous êtes en train de manger, tout le monde dit, qu'est-ce qu'on s'en fout ? moi j'ai vu des gens à Hong Kong ils arrêtaient pas de photographier ce qu'ils mangeaient pour envoyer à leurs copains franchement il y a cet hyper individualisme qui vous isole des autres et sentir seul c'est pas bon je vous l'ai dit au début, le sentiment de solitude est très délétère pour la santé mentale il y a aussi le manque de sens finalement, pourquoi continuer pourquoi simplement gagner de l'argent on va de toute façon en train de détruire la planète donc je me dis à quoi ça sert tout ça, donc c'était un peu la question que je me posais Je ne voulais pas que mon existence soit, mais je ne savais pas ce que je voulais vraiment qu'elle soit. Moi, j'ai parlé une fois à des jeunes au Canada. Ils me disaient, voilà, on a fait des études, on a rempli des tests, on a vu des psychologues, des orientateurs professionnels, on a essayé deux, trois boulots. On n'est pas motivés. On ne sait pas ce qu'on veut faire. J'allais écouter. Le Canada, c'est des beaux pays. Il faut aller seul ou avec des copains ou des copines au bord d'un lac. Vous asseyez là une petite heure. Vous n'essayez pas de faire marcher l'ordinateur dans votre tête. Et puis, à un moment donné, vous voyez qu'il monte à la surface. Qu'est-ce que vous voulez vraiment, vraiment faire ? Il y a peut-être quelque chose qui apparaîtra. Et à ce moment-là, après, comme on dit en anglais, If there is a wish, if there is a will, there is a way Donc, si vous avez vraiment un souhait, il y a toujours une manière de le faire. Même si c'est réaliste ou pas, vous arrivez finalement à le faire. Donc, Aristophanes disait, l'éducation, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer une flamme. C'est vrai que cette idée d'avoir un idéal, quelque chose qui compte, quelque chose qui vaut la peine d'être accompli... après les hauts et les bas de l'existence vous les passez beaucoup mieux tandis que si vous ne savez pas où vous allez vous irez un peu à droite à gauche dès que c'est un obstacle ça y est ça ne marche pas je suis coincé il n'y a aucun espoir donc c'est vrai que c'est

  • Speaker #1

    un problème de société mais ça s'est accentué dans ces dernières années bien sûr est-ce que si ce n'est pas indiscret je peux te demander si tu as vécu des périodes difficiles et des périodes qu'on peut appeler dépressives

  • Speaker #0

    Moi j'ai une amie qui m'a dit, qui va venir me chercher, t'es la dernière personne pour qui un livre sur le bonheur parce que t'as jamais vraiment souffert. J'ai pas vécu des souffrances directes qui peuvent complètement déstabiliser une vie. J'ai beaucoup aimé mes parents, ma mère est partie à 100 ans, on a célébré une belle vie, mon père aussi. Donc en gros... Voilà, mais simplement la souffrance, même si on ne l'a pas vécue intimement dans des drames terribles qui vous déchirent, moi ce qu'on peut dire c'est que je l'ai vue, j'en ai des témoins. Je veux dire parce que tous les témoignages, j'ai entendu des gens au Tibet, qui étaient dans les camps de travaux forcés, où tous les matins ils sortaient 10-15 cadavres qui meurent de faim ou de maladie ou d'épuisement ou de froid. Je veux dire, en Inde, ce n'est pas difficile d'être confronté à la souffrance, il y en a partout. Moi, je travaillais dans le vieux délit pour imprimer des textes. J'avais des gens qui dorment dans la rue, des veuves musulmans habillées en blanc qui mendient avec un voile devant leur figure. Et si elles mendient, c'est qu'elles n'ont plus personne. Donc, elles ne voient plus personne parce qu'on ne les voit pas et elles sont derrière le voile. Dans quelle situation vous vous rendez compte ? Dans tout ça, j'en ai vu de la souffrance. Je sais ce que c'est. Dans le bouddhisme, on parle tout le temps de la souffrance. Moi, je n'ai pas vécu de drame. En plus, j'ai eu la chance d'avoir très tôt des outils. pour construire en soi les ressources pour gérer les hauts et les bas de l'existant, d'être moins déstabilisé par des choses qui peuvent déstabiliser beaucoup de personnes. Donc, à force, il y a une certaine faculté comme un chat qui retombe sur ses pattes. Tout ça fait que, effectivement, je pense... La mort, c'est naturel. La maladie, ça vient. Donc, il y a une façon de gérer ces souffrances physiques, mentales, la souffrance de la séparation. Donc, à un moment donné, un état qui... C'est un état par défaut qui perdure. Le fond du fond n'est pas perturbé. C'est comme le fond de l'océan. Il peut y avoir une tempête terrible avec des vagues de 20 mètres de haut, mais le fond de l'océan ne bouge pas. Si vous avez cette faculté-là, si vous êtes au bord de la côte, vous pouvez surfer une vague en état d'allégresse incroyable et puis dix secondes plus tard, comme au Portugal, vous tapez un caillou. Donc vous passez de l'état d'euphorie totale à vous casser le dos. mais si vous êtes en pleine mer la même vague de 20 mètres de haut vous surfez,

  • Speaker #1

    vous descendez vous tapez pas le fond la profondeur est là donc c'est ça qui finalement résulte d'un entraînement spirituel pour avoir un monde meilleur on a parlé des individus il y a les états aussi qui peuvent aider mais il y a aussi les entreprises est-ce que tu penses que l'entreprise et notamment en horizon 2030, 2040, 2050 elle doit avoir un rôle sociétal qui est plus important ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Donc, moi, j'avais participé à une conférence en visio du Népal au Vatican. René par le Vatican avec des grands chefs d'entreprise, justement, sur la question de l'environnement. Il était question d'avoir une sorte de notation, quand vous avez une notation en bourse, sur votre impact environnemental. Parce que les entreprises qui avaient un impact sur l'environnement négatif, 20 fois plus grand en coût que leur chiffre d'affaires. Vous vous rendez compte ? Ça, ça devrait être publié. les rapports annuels. Donc, si vous voulez, il y a plein de choses qui font qu'une entreprise vertueuse, c'est finalement celle qui se met au service de la société et aussi qui tient compte du sort de génération à venir. Sinon, c'est des machines à faire des ultra-milliardaires qui sont fondamentalement égoïstes. Donc ça, c'est un choix et c'est très difficile parfois de changer, mais je me souviens d'une anecdote. Donc aux États-Unis, au Texas, il y a toujours ce déni du changement climatique. Et un directeur d'une grande entreprise qui ne voulait pas entendre parler du réchauffement climatique. et un jour sa fille rentre de l'école et dit papa on m'a dit que c'était des gens comme toi qui allaient détruire la planète elle se pose comment ça a fait clic et il a mis la question de la responsabilité environnementale et sociale sincèrement au coeur de son entreprise sans que ça soit juste dans les brochures pour faire bien on met un tout petit truc quand ça va bien et on met rien quand ça va mal Il a dit, c'était ça qui m'a fait le point de bascule.

  • Speaker #1

    C'est excellent de ces enfants.

  • Speaker #0

    Donc, à un moment donné, il faut que les gens... Il y ait le déclic. Il faut qu'il y ait un déclic et qu'ils se rendent compte qu'humainement, donc c'est les investissements responsables environnementalement et socialement, ça existe, ça augmente. Apparaît-il une des secteurs d'investissement qui relativement croît le plus vite, même si ça représente que, je ne sais pas, 10%, même pas 10%, mais c'est en croissance. Mais c'est toujours une course contre la montre. Surtout pour l'environnement, on a 7-8 ans pour changer les choses de façon importante et on n'en prend pas le chemin. Donc voilà, c'est un vrai défi. Les souffrances peuvent être immenses. Là, j'ai vu dans les kiosques, il y avait censé y avoir Qu'est-ce qui se passera en France avec 4 degrés de plus ? Ça peut être frais. Il fait 52 degrés en ce moment au Pakistan. 52 degrés ! Ce n'est pas la température du sol, c'est la température de l'air. 52 degrés et s'il fait 50 degrés dans les Vosges en été pas rigolé 2050 donc c'est demain pas longtemps, pas si longtemps et des fois ça va encore plus vite si ça se trouve on l'aura en 2040

  • Speaker #1

    Mathieu on arrive à la fin de ce podcast j'ai encore quelques petites questions dans la vie des fois on dit qu'on a tous un peu une béquille des petits péchés pour certains un peu inavouables parfois c'est, alors il y a des gens, c'est l'alcool.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Un défaut particulier.

  • Speaker #1

    Oui, voilà, il y a des choses dont peut-être on aimerait se séparer, mais qui nous font du bien malgré tout. Est-ce que toi, tu as une béquille ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, moi j'ai tous les défauts possibles et imaginables. Simplement, j'essaie de m'en occuper. J'essaie de les aménuiser au fil du temps. Bon, il y en a certains qui sont moins puissants que les autres. Je ne crois pas que j'ai beaucoup d'animosité. Je ne me rappelle pas m'être mis en colère depuis un certain nombre d'années. Vingtaine peut-être. La haine, ça me paraît inconcevable. La jalousie, ça me paraît pas malin. L'orgueil, ça me paraît stupide. L'obsession, c'est pas une affaire. Mais enfin, ce que j'ai dit, il y a quand même des germes de ces choses-là qui apparaissent de temps en temps. Et l'entraînement, c'est précisément de ne pas attendre qu'il s'est envahi dans l'esprit, mais d'évoquer. Parce que c'est très facile de gérer une étincelle. Quand l'étincelle est tombée sur un paquet d'herbes sèches et que la forêt a pris feu, c'est plus compliqué. C'est plus long. Donc ce qu'il faut, c'est justement l'entraînement, permet de reconnaître... C'est comme, on donne un exemple, si dans une pièce, on vous dit, il y a un pickpocket. Mais si on vous dit, c'est celui-là le pickpocket, vous le surveillez de l'œil, s'il s'approche de vous. Donc si on est préparé... à reconnaître attention, ça c'est l'orgueil qui arrive ah, oh là là, ça j'ai du ressentiment au moment où ça arrive, c'est facile de le gérer et quand il y a après des proportions impossibles on n'est plus maître de la situation comme tout le monde,

  • Speaker #1

    t'es mortel est-ce qu'il y a un souvenir que t'aimerais bien que les gens gardent de toi ?

  • Speaker #0

    en quoi est-ce que vous voulez qu'on se rappelle de vous et qu'on écrive sur votre ton mais rien ça me fait quand même quelque chose mais je vous dis rien non je ne cherche pas à laisser une trace j'ai écrit des livres un peu par la force des circonstances je n'avais pas l'intention de le faire et si ça peut être utile si j'ai un tout petit peu utile c'est très bien, je suis content merci Donc mon idéal c'est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde, si j'y ai à contribuer un tout petit peu. Quand j'ai fondé Karuna, on était une bande de copains, on avait très peu de moyens. Maintenant il y a 200 personnes qui travaillent en Inde, 50 en Népal, on est à 1 000 000 personnes chaque année, c'est génial. on ne s'est pas organisé particulièrement bien, mais ça a marché au bout de 25 ans, c'est comme ça. Je m'en réjouis. Je crois que je mourrai en paix, principalement grâce à rencontrer mes maîtres, parce qu'ils ont tout apporté dans ma vie. J'ai une reconnaissance immense. J'aurais pu pratiquer avec beaucoup plus de diligence, passer ma vie dans une grotte, etc. Mais bon, au moins ça, c'est un trésor inestimable qui me permet de mourir en paix. Maintenant, j'aurais pu faire beaucoup mieux, mais bon, chacun a... chacun fait ce qu'il peut donc je voulais faire un t-shirt pardonnez-moi et derrière j'ai fait de mon mieux il est très marrant ce t-shirt qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour les jours,

  • Speaker #1

    les mois les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    la vie est précieuse, je suis encore en bonne santé je voudrais maintenant passer du temps à traduire des textes à pratiquer, remettre à la pratique spirituelle ça m'a un peu c'est vrai que j'étais pris dans la tourbillon avec tous ces bouquins toutes ces conférences parce que les choses marchaient enfin je veux dire C'est pas que j'étais grisé par le succès, mais c'était des opportunités pour partager des idées. Je serais jamais là devant toi si j'avais pas écrit ces malheureux bouquins. Donc, ça veut pas dire que c'est mauvais. C'est un côté... C'est du bon d'un certain côté. Mais c'est un peu le maelstrom, quoi. Maintenant, j'ai 78 ans, je vais pas mourir dans un aéroport. Donc, je voudrais retourner à ma vocation première qui est d'être un traducteur, d'en traduire des textes. C'est pour le temps qui me reste. Passer 10 ans dans mon hermitage. J'ai passé 7 mois au Népal en partie dans mon hermitage. finir ma vie en paix. Faire de la photo, je continue à photographier les belles choses. Donc là, je fais un livre sur la lumière. Ça, ça m'amuse. C'est ma façon favorite de perdre mon temps, d'un certain point de vue. Mais j'aime bien ça. Et puis, je suis heureux de partager mes images aussi.

  • Speaker #1

    Voilà. Merci beaucoup, Mathieu.

  • Speaker #0

    Je t'en prie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir écouté Les Sages. Vous êtes de plus en plus à nous écouter pour cette première saison. C'est vraiment très encourageant pour toute l'équipe. Alors, encore une fois, un grand merci. Vous avez le pouvoir de donner de la force à ce podcast avec juste une minute de votre temps. C'est simple, si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, vous avez juste à vous abonner et mettre 5 étoiles. Un grand merci et à bientôt.

Description

Pour ce dixième épisode, nous avons l'honneur de recevoir Matthieu Ricard, le Moine Bouddhiste le plus connu au monde, et également interprète officiel du Dalaï-Lama.


Matthieu Ricard est un homme d'exception :


  • Titulaire d'un doctorat en génétique, il présente une thèse sur la division cellulaire à l'Institut Pasteur, sous la direction du professeur François Jacob (prix Nobel de médecine)

  • À 30 ans, en 1979, il devient officiellement Moine bouddhiste, et devient interprète officiel du Dalaï-lama pour le Français. Il vit aujourd'hui au Monastère de Schéchen au Népal.

  • Matthieu est aussi le fondateur de l'ONG Karuna-Shechen qui aide près de 500 000 bénéficiaires directs chaque année. Elle a également permis la construction d'une quarantaine d'écoles et une trentaine de cliniques.

Dans cet épisode, nous avons parlé de méditation, des émotions, de Jeff Bezos et Elon Musk, de la rencontre de Matthieu avec le Dalaï-lama et ses maîtres, de la différence entre la solitude choisie ou imposé, du don de 15 milliards de Chuck Feeney, de la possibilité de faire de la méditation dans les écoles...

Bon voyage avec les Sages ! 


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques, mais surtout des leaders humanistes. Et ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre. dans un format inédit et négocié avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaders qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders et nous allons en leur rencontre. Bon voyage avec les sages. Mathieu Ricard est communément appelé l'homme le plus heureux du monde. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, c'est le moine bouddhiste français le plus connu de la planète, également interprète officiel du Dalai Lama. Mathieu est un homme de paix qui, dès son plus jeune âge, avec un bagage académique brillant, a fait le choix à contre-courant d'aller s'établir en Inde, puis au Népal, pour cultiver sa foi dans le bouddhisme. Aujourd'hui, ils partagent son temps entre son ermitage de l'humanitaire, l'écriture de ses livres et de la photographie. Un voyage intellectuel et spirituel unique. Allez, on y va avec Mathieu. Bonjour Mathieu.

  • Speaker #1

    Bonjour Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir accepté notre invitation pour les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien.

  • Speaker #0

    Écoute, super. Est-ce que je peux te demander pour démarrer de te présenter en quelques phrases s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    J'ai 78 ans, je suis moine bouddhiste, j'ai fait des études scientifiques, j'ai travaillé six ans à l'Institut Pasteur avec François Jacob et Jacques Monod, j'ai fait une thèse en génétique cellulaire, j'ai été élevé... Mon père était un philosophe, Jean-François Reuvel, ma mère artiste-peinte, qui est morte à 100 ans l'an dernier. J'avais un nom explorateur qui a fait le tour du monde sur un bateau à voile sans moteur après la Deuxième Guerre mondiale, Jacques-Yves Le Toumelin. Donc du coup, j'ai vu des gens très divers, qui avaient une certaine capacité dans leur domaine. Mais pour un adolescent, c'était très déconcertant. parce qu'il n'y avait pas de corrélation entre des qualités, ou parfois des génies, Jean-Greys Stravinsky quand j'avais 16 ans, et des qualités humaines. Donc si vous preniez 100 philosophes, 100 mathématiciens, 100 jardiniers, 100 charpentiers, vous avez la même distribution de gens heureux, malheureux, de gens égoïstes ou très bienveillants. Donc il n'y a pas de rapport évident.

  • Speaker #0

    Tu veux dire entre l'intelligence et les qualités ?

  • Speaker #1

    Non, pas seulement l'intelligence, des capacités. Par exemple, être un grand explorateur ou mathématicien ou même un charpentier. Des charpentiers très sympas et d'autres qui ont un mauvais caractère. Donc, je me suis dit, mais alors, qu'est-ce qu'on peut prendre comme modèle de vie ? Parce qu'on voudrait jouer du piano comme un tel, résoudre des équations mathématiques comme un autre, écrire des poèmes comme celui-là. J'ai connu un philosophe, ami de mon père, Louis Althusser, il a tué sa femme dans sa baignoire. Peut-être que ces écrits que je n'ai pas lus étaient très bien, mais en tant qu'être humain, il y avait un problème. Donc, quand j'ai voyagé en Inde à 21 ans, j'avais vu des documentaires faits par un réalisateur qui s'appelait Arnaud Desjardins. À l'époque, il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision, l'ORTF. Et en cours de montage, parce que c'était un ami de mes parents, et quand j'ai vu ça... c'était deux fois une heure, à un moment donné, il y avait une séquence silencieuse, on voyait une série de visages de maîtres spirituels tibétains, je me dis, ben voilà, il y a 20 Saint-François d'Assise, 20 Socrate vivant aujourd'hui, j'y vais. Donc bien m'en appris, je suis allé à Darjeeling, j'ai pris un vol, en plus j'ai fait trois jours de train, et je suis arrivé en présence de Kangyurin Boshé, qui est devenu mon premier maître spirituel, et là, brusquement, je me trouve en face de quelqu'un, Et je me dis, ben voilà, je ne sais pas ce qu'il sait, je ne connais pas le bouddhisme, mais j'ai l'impression que je suis devant ce que pour moi j'imagine être la perfection humaine. Une sorte de présence tranquille, de bienveillance, comme une montagne, mais une montagne pleine de bonté. Et puis voilà, donc après tout, ça s'est enchaîné.

  • Speaker #0

    Tu as trouvé cette personne pour la première fois, pour une des premières fois de ta vie, qui avait à la fois des capacités et des qualités humaines.

  • Speaker #1

    Oui, alors en même temps, les connaissances du bouddhisme, au début, je ne les avais pas. Ce n'était même pas ça qui m'avait attiré. Je cherchais justement des qualités humaines. Et pour moi, ça me semblait, même si le chemin était très long, je me dis, si on peut devenir ne serait-ce qu'un centième comme cette personne, là, ça vaut la peine.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Et du coup, si on revient un petit peu sur ton enfance, le bouddhisme, tu l'as découvert justement à cette période de ta vie ou un peu plus tôt déjà ?

  • Speaker #1

    Mon oncle, Jacques-Yves Le Toumelin, et ma mère, donc, lisaient beaucoup de... Il y avait beaucoup de discussions, il y avait des groupes d'amis en Bretagne qui discutaient de la métaphysique de tous les écrivains, des textes aussi bien dans la chrétienté, la petite philocalie du cœur, Maître Ecarte, que dans le soufisme, que dans l'hindouisme. sur le Vedanta, dont mon oncle était très féru de René Guénon, qui a écrit des livres sur le Vedanta, sur plein de choses. Mais il n'y avait pas beaucoup de livres sur le bouddhisme à l'époque. Il y en avait quelques-uns, quelques traductions tibétaines. Il y avait la vie de Milarepa de Jacques Bacot, qui est dans les années 30. Mais disons, ce n'était pas ce qu'on trouvait le plus dans le domaine de la spiritualité. Et surtout, c'était des lectures, des discussions. Donc il n'y avait pas de pratique, on ne rentrait pas dans un chemin aussi, comment dire, inspirant. Ces discussions pouvaient être, elles ouvraient l'esprit, mais ça restait quand même dans le domaine des concepts. Tandis que quand j'ai vu ce maître spirituel, en fait, qu'il était bouddhiste ou autre chose, ce n'était pas la question, c'était de savoir qu'est-ce qu'il était vraiment. Puis après, bien sûr, je me dis, s'il est arrivé là, ça doit être pas trop mal ce qu'il a étudié, ce qu'il enseigne. Donc, de fil en aiguille, au fil des années, depuis 55 ans, je me suis plongé dans le bouddhisme. Et heureusement que j'ai eu une grande satisfaction à le faire. J'ai découvert une très grande profondeur philosophique. Et les plus grands philosophes, Aristote et autres, n'ont rien à envier aux Spinoza, aux Kant, aux logiciens, aux philosophes bouddhistes. Mais au départ, ce n'était pas ça. C'est pour ça que j'étais venu.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu rencontres cette personne, tu as 21 ans. Et quelques années plus tard, tu deviens officiellement moine bouddhiste quand tu as 26 ans. C'est ça, dans le nord de l'Inde ?

  • Speaker #1

    Pas tout à fait. J'ai fait une moine bouddhiste plus tard. Mais donc, j'ai fait la premier voyage. À mon retour, c'était encore plus évident quand je suis rentré à Paris. Là, vraiment, maintenant, je sais où je veux aller. J'ai retrouvé d'ailleurs un de mes anciens collègues à Pasteur, un Américain qui fait de la recherche aux États-Unis. On s'est retrouvé au sein de l'Institut Mind Life, un institut, on pourra en reparler, qui favorise la collaboration entre des scientifiques, des contemplatifs, bouddhistes, etc. Et il me disait, à l'époque, quand on avait 20 ans, on avait signé un papier scientifique ensemble. on savait ce qu'on ne voulait pas que notre vie soit, c'est-à-dire ennuyeuse, dépourvue de sens, mais on ne savait pas vraiment ce qu'on voulait qu'elle soit.

  • Speaker #0

    Comment concrètement ?

  • Speaker #1

    Et là, brusquement, je me suis dit, ben voilà, ça au moins, on sait très bien étudier la division cellulaire des bactéries, mais devenir un bon être humain, en tout cas, là, je suis sûr que ça va, c'est intéressant. Mais j'ai été prudent, parce que, bon, mes parents n'étaient pas très fortunés, ils avaient comme investi dans mon... dans mon éducation. Et puis, à 21 ans, on ne peut quand même pas faire un saut dans l'inconnu. Là, ça aurait été vraiment un saut dans l'inconnu. En plus, je venais d'accepter l'Institut Pasteur par François Jacob, qui venait d'avoir le prix Nobel. Après, j'ai su qu'il avait un seul doctorant. C'était le deuxième.

  • Speaker #0

    Il avait une certaine responsabilité.

  • Speaker #1

    Je veux dire, oui, il accepte. Il ne faut au moins pas faire n'importe quoi. et donc et en plus il faut que les choses mûrissent quand un fruit n'est pas mûr si on tire on casse la branche et le fruit il n'est pas mangeable quand une pomme est mûre on la touche à peine elle vous tombe dans la main donc j'ai fait 6 allers-retours je suis allé 6 fois ou même 7 fois je suis allé une fois l'hiver toutes mes vacances d'été c'est à dire un mois j'allais à Darjeeling et je revenais je prenais des charters à l'époque Maintenant, il y a des vols de locos, avant c'était des charters. Bon, donc, et je revenais, mais plus les années passaient, plus mon esprit s'envolait vers Darjeeling, auprès de mon maître spirituel. Et donc, voilà, j'y pensais très souvent, je pratiquais le matin et le soir. Et quand j'étais à Darjeeling, j'oubliais complètement l'institut passé. Donc je me suis dit, bon, il faut finir. Alors j'ai demandé conseil à mon maître spirituel, il ne savait pas ce que c'était qu'une thèse et des choses comme ça, mais j'ai dit, voilà, j'ai entrepris quelque chose. Peut-être que j'envisage de venir m'établir ici, mais qu'est-ce que je fais ? Je fais maintenant, j'attends, mais il complète ce que tu as commencé, et après il sera temps de venir. Donc j'ai fait ça. Et là c'était très bien parce que j'ai publié tous les papiers, François Jacob il savait plus ou moins que j'allais m'en aller, et il a regretté, j'ai revu sa fille après, parce qu'il voulait m'envoyer aux Etats-Unis, puis après revenir dans son labo, donc comme il avait deux étudiants en doctorat, c'était un peu pour quelqu'un comme lui, c'était un peu décevant que l'un des deux s'en aille. Et donc une fois que c'était fait... Eh bien, j'ai dit merci beaucoup. Mon post-doc, je vais le faire dans l'Himalaya parce qu'il voulait m'envoyer aux États-Unis ou quelque chose. Donc là, je suis parti avec un aller simple à la fin 72. Et je n'ai jamais regretté cette décision d'apprendre ma retraite à 27 ans.

  • Speaker #0

    C'est excellent, on finit la séance sans de retraite.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, la secrétaire Françoise Jacob, qui était extrêmement bienveillante à mon égard, a laissé courir mon salaire du CNRS pendant six mois. Et avec ça, j'ai pu tenir le coup pendant des années, parce que je vivais avec l'équivalent d'aujourd'hui de 30-40 euros par mois. Je n'ai pas besoin de plus, j'ai un petit termitage de 9 mètres carrés sans sofa, à changer d'électricité, ça ne coûte pas cher. Et je venais au monastère, ils me nourrissaient. Après, j'ai essayé d'aider un de mon vieux, mais à l'époque, ils m'ont accueilli très gentiment. Et donc voilà, c'était très simple.

  • Speaker #0

    Et donc tu vivais avec 2-3 euros par jour ? Hein ? Tu vivais avec quelques euros par jour ?

  • Speaker #1

    Je n'avais pas de dépenses, ça ferait dire.

  • Speaker #0

    Forcément.

  • Speaker #1

    J'étais un petit ermitage que j'ai construit, je ne sais rien du tout. C'est un truc en bois de 9 mètres carrés, pas loin.

  • Speaker #0

    Et donc, qu'est-ce que tu peux nous décrire justement ? C'est quoi la journée type d'un moine bouddhiste ?

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de journée type. Si on étudie... Alors... Alors je suis devenu moine beaucoup plus tard, après la mort de mon premier maître, à l'âge de 30 ans, parce que je vivais finalement comme un moine et que c'était plus simple d'être habillé en moine et d'apprendre des voeux, etc. Les pratiquants bouddhistes, il y a des pratiquants extrêmement assidus et sincères qui ont une famille, mais qui pratiquent plusieurs heures par jour, et bon, ça les regarde. Et puis il y a des ermites qui se retirent pendant parfois 20-30 ans dans les montagnes, dans des grottes, etc. et qui ne sont pas forcément des grands érudits. Et puis il y a des grands érudits qui font 10-15 ans d'études, qui deviennent docteurs en philosophie ou l'équivalent. Et puis après, parfois certains se retirent aussi dans un ermitage. Et puis il y a des monastères. Alors au début, je n'étais pas dans un monastère, j'étais auprès d'un maître spirituel. Lui, il avait une famille, ce n'était pas un moine. Donc il y avait un certain nombre de disciples tibétains autour de lui. Il y avait des ermitages, c'est un tout petit monastère on peut dire, mais il n'y avait pas de moine, une communauté monastique. Il y avait des ermitages dans la forêt autour. Par contre, le monastère où je vis maintenant, à Seychelles, il y a 600 moines. Et là, il y a une discipline monastique, il y a des cérémonies, etc. Moi, je suis un peu vieux, donc je suis dispensé de tout ça. Mais donc, c'est différent. Donc, la journée type est très différente si vous êtes en retraite solitaire pendant un an, deux ans, trois ans. J'ai fait cinq ans de retraite solitaire. Si vous étudiez à fond... Il y en a qui enseignent, il y en a qui font des pèlerinages, il y en a qui font des retraites, il y en a qui étudient du matin au soir. Mais c'est en gros une vie consacrée à ce chemin de transformation qu'est le bouddhisme, c'est-à-dire de passer d'être asservi aux causes de la souffrance, à une sorte d'addiction aux causes de la souffrance, on la répète inlassablement, à la liberté par rapport aux causes de la souffrance, à la liberté par rapport aux causes de la confusion. ou l'ignorance à la connaissance, donc c'est un chemin de transformation. Donc ça, ça peut se faire de toutes sortes de façons différentes.

  • Speaker #0

    Et quand tu dis que pendant 5 ans, tu as été en retraite solitaire ?

  • Speaker #1

    Ce n'était pas d'un seul coup, mais si j'ajoute les petits bouts, j'ai fait un an, 6 mois. Il y a des gens qui font des retraites, une retraite traditionnelle qui dure 3 ans, 3 mois, 3 jours. Ça, je ne l'ai pas fait comme ça, mais je l'ai fait généralement seul, dans mon petit ermitage, mais accompagné par mon maître. J'allais le voir de temps en temps, ou après sa mort, son fils venait m'enseigner. Si j'ajoute les petits bouts, J'ai passé cinq ans en retraite solitaire et j'ai jamais ressenti, on dit solitaire, j'ai jamais ressenti la solitude comme étant pesante. Parce qu'il y a deux sortes de solitude, vous pouvez sentir un profond sentiment de solitude dans une ville. Moi j'ai travaillé avec des scientifiques qui étudient la solitude aux Etats-Unis. Et en gros, les Américains moyens, il y en a 30% qui ressentent un instant sentiment de solitude au moins une fois par semaine. Et c'est très délétère, le sentiment de solitude, j'irais imposer, parfois on met mieux de la foule, ils ne voient pas moins de gens, mais il n'y a pas de lien, un sentiment d'appartenance, il n'y a pas de lien social, humain qui est enrichissant. Des gens sur qui on peut compter, des gens avec qui on peut échanger, avec qui on peut se confier. Donc ça s'accompagne de... moins bonne santé, moins soin d'eux, plus forte tendance à tomber dans des addictions, un raccourcissement même de l'expérience de vie, donc c'est très délétère. Par contre, il y a la solitude choisie et volontaire. qui est celui de, moi, quand je suis dans mon amitié, j'ai un sentiment d'appartenance totale avec l'ensemble de toute la beauté de l'Himalaya qui m'entoure, de tous les êtres chers. Je prie pour tous les êtres toute la journée. Ou même des amis photographes comme Vincent Munier ou Florian Ledoux qui sont pendant des mois dans le Grand Nord tout seuls allongés dans la neige. Ils ne se sentent pas seuls non plus. Ils se sentent un avec la nature, avec les animaux, avec l'univers. Donc, il y a une solitude enrichissante. Les gens disent, je voudrais un peu de moment pour être tranquille dans la nature ou même ailleurs, dans d'autres conditions. Souvent, je vois dans les villes, on est sur-sollicité par la foule. Tout ce qui se passe, c'est vrai que c'est un peu épuisant pour quelqu'un qui vit dans des conditions plus tranquilles.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et quand tu parles, du coup, je comprends qu'aujourd'hui, ça a été un chemin et que tu n'as plus ce sentiment de solitude. Mais j'imagine qu'au début, quand tu es arrivé, est-ce que justement, ça a été un peu dur de changer totalement d'écosystème ? Non. Ça a été naturel pour toi ?

  • Speaker #1

    Quand les choses sont... Quand tu passes un col, par exemple, ce qui est dur, c'est la montée. Les derniers mètres, au contraire, c'est super chouette quand tu passes un col à 5000 mètres.

  • Speaker #0

    Oui, tu es déjà sûr de ta décision quand tu es arrivé là-bas.

  • Speaker #1

    On découvre tout le paysage de l'autre côté. Ça, c'est génial. Et le point d'inflexion, ça prend 10 mètres. Donc, au moment où il faut arriver à une décision mûrie, pas tout casser, claquer les portes et tout casser. Donc, je n'ai rien cassé puisque j'avais publié mes papiers. J'avais pris congé de tout le monde. Ça a un peu surpris mon père, je dois dire. Mais bon, il s'en est remis. Et donc, c'était parfaitement mûr. Donc, moi, une fois que je suis parti là-bas, Paris, c'était une autre époque. Et je suis resté sept ans sans bouger de Darjeeling, de mon petit ermitage monastère.

  • Speaker #0

    C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Edouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de 10 ans. Il est composé d'une équipe, l'idée par Edouard et Marion, qui est issue de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, je peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code LESSAGE. Et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne. Donc là, tu arrives en haut du col et qu'est-ce que tu découvres derrière le col ? Un sentiment de sérénité ?

  • Speaker #1

    C'était à l'Argénie Grande Inde. Donc à ce moment-là, j'ai commencé vraiment à pratiquer intensément, recevoir des enseignements de mon maître au fur et à mesure de mes pratiques. Donc ça, c'est tout le chemin spirituel. Et ça, le chemin spirituel bouddhiste est très riche. Il y a des étapes. Chaque fois, on reçoit un enseignement nouveau. Et donc, voilà, il y a des textes. Il y a une grande richesse de textes philosophiques, contemplatifs, spirituels, d'instructions. Donc... on va décrire ça en quelques mots, mais il y a une progression, et au fur et à mesure, au moment approprié, on s'adresse à de nouveaux enseignements, on les met en pratique pendant quelques mois, on revient à recevoir des enseignements. C'est des exercices spirituels, c'est des textes sur lesquels on réfléchit également. C'est tout un taux de vie.

  • Speaker #0

    C'est un chemin passionnant. Et donc quelques années plus tard, quand tu as une trentaine d'années, tu deviens officiellement moine bouddhiste.

  • Speaker #1

    Oui, c'est à un moment donné où j'étais avec mon deuxième maître, parce que mon premier a été mort en 1975. Et lui, il enseignait beaucoup. Donc là, il donnait un enseignement pendant quatre mois à 3 000, 2 000, 3 000 personnes. et lui c'était aussi un moine enfin c'était pas un moine, il avait également une famille mais à la fin de ses 4 mois d'enseignement il y avait un quelqu'un qui donnait les ordinations parce que pour donner les ordinations il faut être un moine parfait et puis mon premier aide m'avait demandé un jour si je devais me marier ou pas il m'a dit attends d'avoir 30 ans et après tu verras J'ai attendu d'avoir 30 ans. Et puis, à ce moment-là, j'avais effectivement 31 ans. Donc, je m'en suis ouvert à mon deuxième maître. Je lui ai dit, voilà, mon premier maître m'a dit ça. Moi, aller là ou là, ça m'est égal. Qu'est-ce que vous me conseillez ? Il m'a dit, voilà, je savais bien d'ailleurs qu'il y avait cet abbé qui venait pour donner des ordinations de moines. Il me dit, c'est très bien si tu prends des voeux monastiques. Alors, impeccable. Donc, j'ai pris des voeux monastiques. Pour moi, il y a des gens qui pensent qu'on se limite. Moi, ça a été une libération. C'est vrai que, pour possible le chemin que j'ai fait, vous avez une famille et des enfants. Si vous dites bonjour, au revoir, je vais faire trois ans de retraite dans la montagne, portez-vous bien, ça ne va pas. Je me sentais complètement libre, non pas égoïstement, mais de suivre mon chemin. Puis après, je me suis mis au service des autres. Donc à un moment donné, on avait 30 000 enfants dans les écoles qu'on a construites. Je ne sais pas enfanter, mais voilà, c'est un peu mes enfants d'un certain point de vue. Donc, je n'ai jamais senti le besoin d'avoir des enfants, mais j'ai tout le temps des enfants au monastère. Il y a des très jeunes qui étudient. Je vis constamment autour d'enfants, mais je n'ai pas besoin de... Je veux dire que je suis le père biologique.

  • Speaker #0

    Et quand tu fais tes voeux monastiques, du coup, est-ce que c'est un engagement à vie ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en Thaïlande, donc dans le bouddhisme, ce n'est pas toujours comme ça. En Thaïlande, c'est conseillé comme extrêmement vertueux de prendre des voeux, même pour une semaine, ou pour un mois, ou pour un an. pour un temps limité. Donc, au fil de l'histoire, le bouddhisme a un peu, pas énormément évolué, les principes de base, les enseignements des bouddhas sont les mêmes partout, il n'y a pas eu de schisme, mais pour, disons, la discipline monastique qu'on appelle le Vinaya, il y a eu quand même des évolutions. Donc, en Thaïlande, vous pouvez prendre des voeux pour une durée limitée. Dans le bouddhisme tibétain, qui appartient à une certaine lignée monastique qui est venue de l'Inde, c'est des vœux qui ne dépendent pas du temps des circonstances, c'est-à-dire je prends des vœux mais c'est en guerre, pas question ou du lieu, je prends des vœux en Inde mais quand je retourne en France c'est fini et donc c'est pour la vie, oui effectivement donc il faut bien réfléchir

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te dire et donc toi tu as été entre guillemets aidé aussi par ton maître qui t'a...

  • Speaker #1

    Si je n'aurais pas demandé, si je n'étais pas prêt ça ne sert à rien de poser des questions, si on n'est pas prêt à mettre les conseils en oeuvre Mais bon, pour moi, ça a été très libérateur. Je n'ai pas senti que je me mettais des chaînes. Pour moi, c'est une grande liberté. Et je n'aurais jamais mené la vie que j'ai faite si j'avais effectivement confronté une famille, ce qui est magnifique. Mais bon, ce n'était pas mon chemin. Ok,

  • Speaker #0

    super. Et donc, quelques années plus tard, donc là, tu es officiellement moine bouddhiste et tu rencontres du coup le Dalai Lama, qui est le représentant du bouddhisme tibétain, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, le Dalai Lama, donc... lui-même avait des maîtres, forcément, dont mon deuxième maître, Dego Kinserimoche, qu'il avait rencontré au Tibet. Et quand ils ont tous fui l'invasion chinoise, arrivant en Inde, il a demandé tout de suite est-ce que Dego Kinserimoche a réussi à sortir du Tibet. Donc, effectivement, il était arrivé par le Bhoutan. Il a d'ailleurs vécu la plupart de sa vie après au Bhoutan. Il est venu le principal maître spirituel au Bhoutan. Et donc, le Dalai Lama a souhaité le revoir et recevoir des enseignements de lui. Donc tous les ans, tous les deux ans, Dheergo Khyentse Rinpoche allait à Dharamsala en Inde, la haute ville d'Alailama, et pendant une dizaine de jours, il transmettait des textes, des enseignements, des initiations, des explications. Et donc, quand je suis devenu, disons, un proche disciple et presque un intendant, enfin, il avait deux moines avec lui tout le temps, qui veillaient sur ses besoins. Il était très âgé, donc moi, je dormais partir dans sa chambre la nuit. Je m'occupais de lui tout le temps. Et en même temps, je recevais tous les enseignements qu'il donnait. C'était formidable. Tu n'as pas besoin de demander d'enseignement. Il suffit que quelqu'un l'aie demande, j'étais là. J'ai tout enregistré. J'ai enregistré 400 heures d'enregistrement. À l'époque, j'avais un vieux magnétophone. Donc, quand il est allé la première fois, je suis revenu en France. Au bout de sept ans, je suis revenu avec lui. en 1980. Et au retour, il allait voir le Dalai Lama. Donc je suis allé dans une situation privilégiée, puisque j'accompagnais un des maîtres du Dalai Lama, ce qui m'a permis d'avoir tout de suite une relation, il était extrêmement gentil, enfin bienveillant à notre égard, puisqu'on était en gros les disciples de son propre maître. Ça a créé une relation d'intimité d'un certain point de vue, mais en même temps, le Dalai Lama, c'est une étoile. Disons, c'est... Oui, c'est le maître le plus respecté en général du bouddhisme tibétain. Mais attention, il n'y a pas de hiérarchie. Ce n'est pas un pape, il n'y a pas d'évêque en dessous, ni après des cardinaux. Il est respecté pour des raisons spirituelles. Donc quand il enseigne, il n'y a pas non plus, quand il donne des indications ou des conseils, il n'y a pas ensuite des gens qui vérifient si on met ça en application ou pas. Tous les monastères sont indépendants. Simplement, c'est la référence spirituelle. Pour toutes les écoles du bouddhisme tibétain, il est non sectaire, il a étudié, il enseigne, il y a quatre écoles principales qui se sont développées au fil de l'histoire. Et donc il voulait recevoir des enseignements de mon maître Dilgo Kansar Moshé, qui lui était particulièrement, comment dire, représenté, l'école la plus ancienne du bouddhisme tibétain, qui a fleuri au 8e et au 9e siècle. Et donc voilà, c'est pour ça que... Donc du coup, j'étais très proche de lui. Je le considère aussi comme mon maître. J'ai reçu des enseignements de lui. Mais ce n'était pas mon maître principal puisque je ne vivais pas auprès de lui. Et puis il s'est trouvé en 1989, alors qu'il allait recevoir le prix Nobel. J'étais à Paris, je ne sais pas pour quelles circonstances. Quelque chose comme ça, j'étais resté au bout de temps. et puis je vais le voir, et puis il me dit tiens, parce que t'es là, traduis pour moi, parce que normalement il parlait en tibétain, il fallait traduire en anglais, quelqu'un traduisait en français, donc ça faisait trois tours, ça prenait du temps, donc j'ai commencé à traduire pour lui, on a vu à l'époque, je ne sais pas qui, Jacques Chirac était maire de Paris, il a reçu le prix de la mémoire de Madame Mitterrand, et puis après il est revenu en 1991, et là il a enseigné en Dordogne pendant dix jours, Et là, c'est la première fois aussi que j'ai traduit pour lui, pour des enseignements compliqués, profonds, toute la journée. Parce qu'il est venu sur les lieux, j'étais là. Et il demande qui traduit. Il dit, c'est votre traducteur, on le mettra en français. Ben non, puisqu'il est là, Mathieu, il n'a qu'à traduire pour moi. Donc après ça, je suis devenu son interprète en français. Et aussi, je participais au rendez-vous avec les scientifiques, non pas en tant qu'interprète, mais en tant que participant. Donc, il y a une relation très proche. parce que c'est formidable de passer 10 jours dans son intimité, parce que là, en tant qu'interprète, on est là partout. Aussi bien on voit son comportement incroyablement bienveillant, humain avec la personne qui est dans le couloir dans l'hôtel, qu'avec un chef d'État, et je peux vous assurer qu'il ne fait pas de différence dans le sens d'un être humain qui rencontre un être humain. Donc il n'a aucun sens de ça, c'est un big shot, il faut faire attention. Moi je l'ai vu au Parlement européen, il y avait un déjeuner avec les représentants de 15 pays. Et donc il est arrivé dans la salle, ils étaient tous prêts pour le déjeuner. Il a vu les cuistots qui ouvraient la porte pour voir comment était le Dalai Lama. Il a vu qu'ils seraient peut-être contents de le voir. Il est parti dans les cuisines cinq minutes. Tout le monde était debout à l'attendre. Les ministres, les chefs d'État. Il est revenu en disant ça sent bon. Mais je l'ai vu faire ça plein de fois. Donc il est le même. Avec des gens les plus humbles, avec une personne malade à l'hôpital, avec quelqu'un qui rencontre sur une chaise roulante quelque part dans un aéroport, il lui prend les mains, il la regarde. Et avec les personnes éminentes, pour lui, ça ne fait pas de différence.

  • Speaker #0

    Et Mathieu, j'imagine que ce monsieur, il a un cheminement intellectuel autour de la bonté, de la gentillesse. Mais malgré tout, ça reste un humain. Est-ce que des fois, il s'énerve ou il est dur avec les autres ?

  • Speaker #1

    Un maître spirituel, ce n'est pas quelqu'un qui va être diplomatique avec votre ego, à quoi ça sert, puisqu'on veut s'en débarrasser. Mon maître, mon Kelsirine Boucher, pouvait être très sévère. Il n'y a pas de raison. qui me laisse faire tous mes traînaillés, je veux dire traînaillés dans le sens spirituellement. Si je me relâche dans ma pratique, non pas qu'il ne s'agit pas d'être intense et tendu, mais en gros il n'y a pas de raison qu'il vous laisse... C'est comme un capitaine de navire. Si le gars qui est à la barre, il dévie de 25 degrés sur le cap, il ne va pas le laisser faire pour être gentil. Ça ne sert à rien, ce n'est pas être gentil. Bien sûr. Donc, il met une immense bienveillance, mais pas pour vos défauts. Donc mon maître pouvait être très strict et du coup comme ils ont une présence assez formidable par leur présence spirituelle, donc c'est vrai que ça porte. Et encore une fois, il n'y a pas besoin de prendre des gants pour l'ego. Donc, l'idée, c'est de s'en débarrasser.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu penses, parce que j'imagine qu'il y avait aussi d'autres personnes qui avaient eu un cheminement intellectuel, pourquoi tu penses qu'il t'a choisi, toi, comme interprète pour le français ? Sachant que j'imagine que c'était vraiment...

  • Speaker #1

    Mes maîtres, ils m'ont accepté parce que je voulais les voir, en gros. J'ai été tout de suite très, très bien accueilli. Et puis ça n'a jamais posé, je n'ai pas demandé, est-ce que vous m'acceptez ? Ils ne m'ont pas dit, est-ce que tu veux être mon disciple ? Ça s'est fait naturellement. Le deuxième maître, je le connaissais donc, parce qu'il venait voir mon premier maître souvent. Et à un moment donné, au bout de sept ans, ils ont organisé en France, en Dordogne, au centre d'entraide de Chanteloup, la première retraite contemplée de trois ans, qui est traditionnelle au Tibet. Moi, je me suis dit, voilà, tous mes amis, les premiers qui sont venus en Inde rencontrer mes maîtres. Maintenant, ils vont faire une retraite. Ça fait sept ans que je suis là. Bon, c'est peut-être le moment de repartir. Et donc, ce deuxième maître, Khyentse Rinpoche, qui venait souvent à notre monastère, il est venu, je lui ai dit ça, et il m'a dit, tant que je suis en vie, reste auprès de moi. Ça, c'était le plus beau cadeau qui soit. Donc, je suis venu avec lui en France, puis je suis reparti. Et là, j'ai passé dix ans avec lui au Bhoutan. Et puis je l'ai accompagné jour et nuit pendant 13 ans. On est retourné au Tibet, il n'était pas rentré depuis 30 ans en exil. Il y avait à un moment donné 1000 cavaliers qui nous attendaient au passage d'un col. C'est un voyage absolument fabuleux. Ils n'avaient jamais vu un étranger dans l'est du Tibet, ils pensaient que j'étais indien. Donc ça c'était en 1985, c'était absolument incroyable. Et puis 10 ans au bout de temps, c'est un pays absolument fabuleux. Donc voilà, jusqu'à sa mort je l'ai accompagné. Et après, je suis resté au monastère de Sechen avec son petit-fils, comme je vous le disais, ce n'est pas un moine lui-même. Et maintenant, son petit-fils a 57 ans, c'est l'abbé du monastère. Et voilà, je l'ai vu grandir, je connais depuis l'âge de 8 ans. Et maintenant, je suis le plus vieux au monastère, donc tout le monde est très gentil avec moi. Ok,

  • Speaker #0

    du coup, excuse-moi, j'ai une question qui peut te paraître peut-être bête, mais je n'ai pas une culture énorme sur le bouddhisme. Comment ça se passe la succession du Dalai Lama ? Alors la question de la succession du Délama lui-même, c'est un fan de la démocratie. Déjà au Tibet, il voulait faire un système démocratique et non pas en mélangeant l'aspect religieux et le gouvernement. Il avait pensé faire une constitution, mais bon, les Chinois sont venus, il a dû fuir le Tibet. Mais en exil, il a tout de suite demandé à un jeune Tibétain qui étudiait le droit aux États-Unis et un groupe de... d'avocats internationaux du droit constitutionnel, qui venaient le voir, d'établir une constitution pour l'administration tibétaine en exil, ça s'appelle l'administration centrale tibétaine, parce que ce n'est pas un gouvernement en exil, parce que l'Inde a demandé que ça ne s'appelle pas comme ça. ils ont accueilli, et une constitution au cas où ils retournent au Tibet, où il y a une totale séparation entre le bouddhisme et le gouvernement, des élections démocratiques. Et en Inde même, la communauté exilée de Tibétains, il y en a 200 000, puis il y en a d'autres qui sont en étranger, ils ont aussi 50 députés élus pour les affaires courantes, de manière parfaitement démocratique, et le Dalai Lama n'influence rien à tous ces processus. Et donc, à un moment donné, il a même mis complètement séparé la fonction du DLMA de ses administrations en exil. Il a annoncé qu'on était à Toulouse. Il a dit, contrairement à la Révolution française, j'ai librement, fièrement et joyeusement séparé 400 ans où il y avait un peu une collusion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Donc en fait il est extrêmement démocratique. Donc si vous voulez ça se reflète aussi dans le fait que le bouddhisme n'est pas hiérarchisé, c'est un maître spirituel mais c'est pas un pape, et donc les monastères sont très démocratiques, tous les trois ans les postes de fonction changent.

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui Mathieu, tu es installé au monastère de Tchétchène, on dit ?

  • Speaker #0

    Tchétchène, oui.

  • Speaker #1

    Tchétchène, ok, au Népal. C'est quoi les grandes valeurs du bouddhisme ?

  • Speaker #0

    Les grandes valeurs ? La sagesse et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, c'est comme les deux ailes d'un oiseau. Un oiseau, il n'apprend pas à voler juste avec une seule aile. Donc il faut à la fois la sagesse, ça veut dire la connaissance, d'une part de la nature relative et ultime des phénomènes, la nature relative et ultime de l'esprit, de la conscience. Donc, l'analyse de l'interdépendance, comment les phénomènes apparaissent, quelle est leur nature ultime, est-ce qu'ils existent véritablement de façon solide, ou est-ce qu'ils apparaissent mais sont dénués de réalité propre, un peu comme sans faire d'amalgame, c'est un peu ce à quoi aboutit la physique quantique, quand on dit que la réalité n'est pas locale, que quelque chose peut être selon la façon dont on regarde une onde ou une particule, on ne peut pas dire que ça existe de façon solide. et intrinsèque comme une onde ou comme une particule, puisque ça peut être les deux, ce qui sont deux choses très différentes. Donc le bouddhisme a un peu cette approche-là. La réalité apparaît, mais elle est dénuée d'existence propre. Il n'y a pas des entités autonomes, permanentes et complètement indépendantes. Donc il y a une analyse de la réalité, une analyse de la nature de la conscience. Donc ça, c'est l'aspect, comment je dirais, analytique. et puis il y a une approche plus contemplative une fois qu'on a compris ça, essayer de l'intégrer par la pratique, par la méditation donc cet aspect de la connaissance est important parce que si on se trouve on est dans la distorsion de la réalité c'est dysfonctionnel c'est par exemple que je pense que les choses sont permanentes, autonomes et existe en elle-même et par elle-même, notamment le moi. Descartes disait que le moi est unitaire, permanent et autonome. Alors ça, c'est... Qu'est-ce qui se passe ? Donc, on veut le protéger, on veut le satisfaire. Donc, attraction, répulsion, donc, animosité, désir, obsession, jalousie, orgueil, tous ces poisons mentaux qui mènent à quoi ? À la souffrance. Ça se manifeste à cause de cette dichotomie qu'on a créée intellectuellement. Alors que si on regarde... on ne trouve pas ce noyau central. Parfois, on dit, il m'a poussé, donc là, on l'associe au corps. Parfois, on dit, vous avez blessé mes sentiments, donc c'est les sentiments. Mais vous dites, mes sentiments, donc il y a un propriétaire des sentiments et du corps qui serait séparé. Donc, plus on cherche, moins on trouve cette entité-là. Et ce n'est pas simplement... une sorte de démarche intellectuelle, parce que comme je vous dis, ça a des conséquences, comme je te dis, ça a des conséquences qui mènent à la souffrance ou à la liberté. Parce que si on n'est pas accroché à cet égo, on est beaucoup plus libre que quelqu'un qui réagit constamment en fonction de son égo, et de moi et le monde, moi et les autres, de façon comme si ils étaient fondamentalement séparés. Donc cette analyse, c'est la sagesse. Et la bienveillance, c'est de s'apercevoir que beaucoup d'êtres souffrent. Ils aspirent au bonheur parce que personne ne se réveille le matin en se disant qu'ils se souffrent toute la journée. Mais souvent, on dit qu'ils tournent le dos à cause du bonheur. Donc il y a une confusion entre leurs aspirations et leurs actions et leurs pensées. Donc face à ce drame, on peut dire, on peut éprouver un grand souhait que puisse-t-il être libéré de la souffrance. Donc ça c'est la définition de la compassion Puissent les êtres être libérés de la souffrance C'est des causes de la souffrance Ça procède de la bienveillance Mais c'est tourné vers la souffrance Et donc de ce fait On se dit si c'était impossible de s'en libérer À ce moment-là vaut mieux que tout le monde se relâche On prend une bonne bière, on va à la plage Il ne faut pas se préoccuper de la souffrance Si la souffrance est imposée par une entité quelconque, qui était sans cause, imprévisible et on ne peut rien y faire, mais s'il y a des causes et des effets, des conditions, si on participe à ces causes par nos poisons mentaux, etc., c'est comme, il ne vaut mieux pas ignorer si quelqu'un est malade. Moi, je ne veux pas aller voir le docteur parce que je n'ai pas envie de savoir que je suis malade, même si vous êtes condamné. Il vaut mieux savoir et voir s'il y a un traitement. Donc l'idée, ce n'est pas pessimiste, on dit le bouddhiste, la souffrance, la souffrance, mais c'est comme si on disait, les hôpitaux, ce n'est pas bien parce qu'il n'y a que des gens malades. Donc c'est un grand hôpital le Samsara, parce qu'on est malade de beaucoup de choses. mais comme les causes de la souffrance sont par nature impermanentes, parce que rien ne dure, donc on peut y remédier, donc il y a une possibilité d'y remédier, donc ça vaut la peine, et du coup il y a un chemin pour mettre en cause, en action, tous les moyens qui permettent de remédier à la souffrance. Donc ça s'appelle les quatre nobles vérités, c'est le premier renseignement du Bouddha, oui la souffrance il faut la reconnaître, et non pas détourner le regard, analyser ses causes parce qu'elles sont... multiples causes et toutes changeantes et changeables. prendre conscience qu'on peut y remédier et ensuite, la voie, c'est mettre en œuvre les remèdes. Donc, si on va voir un médecin qui vous donne un traitement et on ne met pas l'ordonnance sous l'oreiller, on la met en pratique et donc, ça aboutit à une libération de la souffrance.

  • Speaker #1

    Quand tu parles de souffrance, moi, ça me fait penser, par exemple, être triste, potentiellement avoir des idées négatives, c'est ça que tu mets derrière la souffrance ?

  • Speaker #0

    La souffrance, c'est multiforme. Il y a les souffrances évidentes, D'abord, il y a la souffrance de la maladie, il y a la souffrance de l'agonie, il y a la souffrance physique, il y a la souffrance de la séparation, d'être séparé de ce qui vous est cher, d'être confronté à ceux qui vous font du tort. Il y a mille formes de souffrance. Mais il y a aussi une souffrance du changement. C'est-à-dire, on va à un pique-nique joyeux et puis un enfant est mordu par un serpent. Donc, tout était bien, mais brusquement, ça change. On a tout va bien, puis on apprend qu'on a une maladie grave, ou on est viré de son job. Et puis il y a la souffrance, donc c'est le deuxième type de souffrance qui est lié au changement. Et là, le vieillissement, les choses se dégradent. Et puis c'est peut-être pour le bon, le changement, quand ça va mal, ça peut parfois aller mieux. Et il y a la forme la plus subtile. ce n'est pas le mal dedans, etc. C'est ce qui est lié justement à l'ignorance, parce qu'on n'arrête pas de perpétuer, de répéter les schémas de la souffrance. C'est la plus profonde. Et tant qu'on n'a pas remédié à ça par la connaissance, les poisons mentaux vont ne cesser de ressurgir. La jalousie, l'orgueil, l'animosité, parce que ça naît d'une compréhension distordue du monde, de la réalité, de soi-même et des autres.

  • Speaker #1

    Si je reviens sur un mot que tu as utilisé, le mot égo, moi, c'est un mot qui, en toute transparence, je ne l'ai pas encore tout à fait compris.

  • Speaker #0

    L'égo, c'est un mot français, mais on dit plutôt l'entité du moi. Ce qu'on associe. Par exemple, moi, je pense que, je me rappelle, j'ai un petit enfant. Après, j'ai grandi. Maintenant, je suis un petit vieux. Mais j'ai l'impression que c'est toujours moi. Ben non.

  • Speaker #1

    Ça veut dire quoi, c'est toujours toi ?

  • Speaker #0

    Mon corps a changé à chaque instant, il continue d'ailleurs. Pas pour le meilleur, pour ce qui est de gravir des montagnes notamment, ni pour la mémoire. Mes expériences, c'est un flot continu et dynamique d'expériences. Donc chaque moment, on vient de rencontrer des personnes, je parle avec toi, je ne sais pas ça, il y a une heure. Donc c'est nouveau tout ça. Ça fait partie maintenant de mon histoire. Donc c'est un flot dynamique d'expériences. Mais... Il n'y a pas, si on cherche, il n'y a pas, justement, je disais, il m'a poussé, donc ça c'est le corps. Il m'a blessé, mes sentiments, donc ça c'est l'esprit. Mes sentiments, tout ça. Donc si on cherche, on ne trouve nulle part cette entité moi. Elle n'est pas localisée dans le cœur, elle n'est pas partout dans le corps. Si on perd ses jambes, alors on perd la moitié de l'ego, mais pas du tout. On a le même ego, mais avec 100, on est un cul de jatte. Donc en gros, si je me réveille et que je me vois comme un ours, j'ai toujours un ego, mais je me dis brusquement que je suis devenu un ours, c'est bizarre, ça me déconcerte. Donc il y a ce sentiment d'un moi qui serait unitaire, permanent. Et ça, c'est un source de problème. Donc si on l'analyse, on s'aperçoit. Alors ce n'est pas mauvais de penser ça, parce que c'est pratique. On dit que c'est une illusion utile. parce qu'il faut bien fonctionner, il faut bien avoir un nom, on est différent des autres, on n'a pas la même histoire. Donc c'est un peu comparé à un fleuve. La Seine, ce n'est pas pareil que le Mississippi ou le Gange. Mais il n'y a pas, on n'a jamais vu dans la Seine ou dans le Gange, une petite tête qui sort, n'oubliez pas que le Gange, c'est bien moi. C'est-à-dire, encore une fois, une unité. qui se déplacent au fil du temps. Le noyau, que parfois on appelle l'âme, ou les hindous appellent l'atman, pour eux, c'est une entité autonome et permanente. Dans le bouddhisme, on dit que c'est un flot en constant de transformation. Et ce n'est pas, encore une fois, juste une curiosité intellectuelle, parce que ça a des conséquences. Parce que si on s'agrippe à ça, ça mène à la souffrance. Si on s'aperçoit que oui, c'est un nom qu'on attache à un phénomène qui change constamment. C'est OK, ça. Mais on ne dit pas, oui, il y a un moi au fond, c'est vraiment moi, c'est ça, le cœur de mon être, c'est mon essence profonde. Alors là, on a des problèmes. Si on n'avait pas de problème, ça ne serait pas grave si c'était juste un concept philosophique. Mais il y a des conséquences. Donc, le bouddhisme réfute ça par la logique. Et le plus, alors, on voit les super-égaux, il ne faut pas aller chercher très loin. Regardez, aux Etats-Unis, c'est un monde de super égaux. Les résultats, ce n'est pas très encourageant. J'avais un ami qui est un grand psychologue, Paul Ekman. Et après avoir beaucoup de rencontres avec le délama, il dit que ce serait intéressant d'étudier les gens qui ont un égo transparent. Le délama, par exemple. Ce n'est pas du tout des légumes. Ce ne sont pas des gens ennuyeux. Au contraire, ils ont une grande effervescence de présence. Une fois, pendant une réunion, on lui a venu d'apprendre qu'un enfant était mordu par un chien enragé. Il avait les larmes aux yeux. Puis après, il rit. Donc, il est extrêmement vivant et tout.

  • Speaker #1

    Il n'a pas d'émotions.

  • Speaker #0

    Il n'a pas ce sentiment, disent les Chinois, ils disent que je suis un serpent habillé en moine, aucun sens. D'autres, ils disent que je suis un dieu vivant, aucun sens, je suis un simple moine bouddhiste. Donc, il ne s'attache pas à une image, à tout ce qui fait, tout ce que secrète la notion d'ego. En gros, il y a une façon saine de voir. Il y a le moi, bien sûr, on se réveille le matin, j'exige, j'ai faim, j'ai froid. Aucun problème. Il y a notre histoire, c'est le fleuve. Aucun problème. Ça, c'est l'histoire de la personne. Mais ce concept d'une entité autonome qu'on retrouve dans beaucoup de religions, l'âme, l'atman, les hindous, ça, pour le bouddhiste, c'est un problème.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour tous ces partages si on revient sur la méditation depuis quelques années en France on en parle de plus en plus moi j'ai été petit pratiquant j'ai même fait une retraite alors dans un temple à côté d'un temple en Thaïlande qui s'appelle le Dhammakaya Setiya je sais pas si ça te parle en 2018 donc je fais partie de ces jeunes entre guillemets qui ont découvert la méditation est-ce que toi tu peux nous en parler et nous dire surtout les bienfaits de la méditation

  • Speaker #0

    Oui, alors médecine, c'est un grand mot, mais c'est très vague. Parce qu'en vrai, ça veut dire entraînement. Bhavana, en sanskrit, ça veut dire cultiver. En tibétain, gourme, ça veut dire se familiariser avec quelque chose. Donc, vous dites, je m'entraîne. Bon, c'est bien, mais qu'est-ce que tu fais ? Je joue au rugby, ping-pong. des échecs, tu entraînes à quoi ? Ah ben non, je m'entraîne. Ça n'avance pas à grand-chose. Dans la méditation, c'est pareil. D'ailleurs, les étudiants en neurosciences ont montré que chaque type d'entraînement a une signature différente dans le cerveau. Si vous entraînez à ce qu'ils font beaucoup au Rhin-Occident, ce qu'on appelle la pleine conscience, en fait, c'est l'attention. L'attention, c'est un outil. L'attention, c'est un outil indispensable, mais ça ne suffit pas. On n'atteint pas à l'éveil avec juste l'attention. Donc, l'attention mobilise certaines aires du cerveau notamment, qui sont spécifiques pour l'attention. Maintenant, si vous cultivez, vous méditez, encore une fois, la bienveillance. tous les êtres, puissent tous les êtres être heureux. Même les pires, la haine, l'indifférence, la cruauté qui habite leur esprit, on peut souhaiter que ça s'en aille, non ? Ça serait bien, si les dictateurs c'est des dictateurs. On peut le souhaiter. On peut souhaiter que... Le système, l'éducation, le milieu environnement qui a amené ces personnes finalement au pouvoir que ça change au fil du temps. On peut souhaiter ça. Donc c'est bienveillant par rapport à dire si je le vois, je lui écrabouille la cervelle.

  • Speaker #1

    C'est constructif.

  • Speaker #0

    c'est bien mieux c'est comme un psychiatre qui voit un malade fou furieux il va commencer peut-être par le maîtriser s'il faut, mais après ça il ne va pas prendre un gourdin pour le zigouiller il va voir, est-ce que je peux le guérir ou pas et s'il peut le guérir, tant mieux il l'empêche de se nuire à lui-même et de nuire aux autres il lui donne des médicaments ou n'importe quoi mais il ne va pas dire, bon c'est un être impossible, donc on s'en débarrasse, non on essaye donc c'est ça la bienveillance, donc ça si vous voulez

  • Speaker #1

    Donc ce que tu veux dire, c'est que dans la méditation, il y a aussi une thématique qui est la bienveillance.

  • Speaker #0

    Donc on peut cultiver la bienveillance. Alors pour ça, qu'est-ce qu'on fera ? C'est comme quand on navigue, on ne va pas apprendre à naviguer un jour de tempête avec force 12. On va apprendre un jour de beau temps avec un petit bateau, un instructeur. Et puis après, petit à petit, on peut naviguer dans les grandes tempêtes. Donc c'est pareil. On ne peut pas commencer à méditer sur la bienveillance pour, je ne sais pas, Bachar el-Assad ou Poutine ou compagnie. Donc, on va commencer à penser à un être cher, un enfant, un conjoint, un parent, quelqu'un qui vous est très très cher. Cette personne vers laquelle vous n'avez aucun mal à lui souhaiter tout le bien du monde. Puisque cette personne est heureuse, s'épanouit, puis ses aspirations dans l'existence se réalisent, puis qu'elle est épargnée par des maladies et des souffrances. Vous remplissez votre visage mental de bienveillance. Et puis qu'est-ce qui se passe ? Des fois ça nous arrive pendant 10 secondes, mais on passe à autre chose. Là non, vous ne passez pas à autre chose. Vous maintenez cet état qui emplit votre paysage mental. S'il décline, vous le ravivez. Si vous êtes distrait, vous y revenez comme un papillon qui revient sans sa fleur. Donc vous surveillez votre état pour maintenir le plus clair, présent, intense dans le sens de à son point optimal, pas en moitié endormi, de sorte que ça se maintienne sur 10 minutes, une demi-heure, deux heures. Et on sait, aussi bien par l'expérience des contemplatifs, maintenant dans le bouddhisme de 2500 ans, que depuis une trentaine d'années, l'étude en neurosciences sur la neuroplasticité, que si vous faites quelques jours régulièrement, tous les jours pendant un mois, 30 minutes par jour, que ce soit apprendre à jouer au ping-pong ou autre chose, Déjà, en un mois, on voit que votre cerveau change, non seulement fonctionnellement, mais structurellement. Donc, plus vous en faites, plus ça change, plus les changements sont stables et importants. Donc, voilà. Donc, si vous voulez, si tu veux, la collaboration entre des contemplatifs et des neuroscientifiques a simplement corroboré le fait... que l'entraînement, ça vous transforme, et que plus on en fait, plus ça vous transforme, et plus c'est stable, et ça résiste aux circonstances, les hauts et les bas de l'existence. Donc à un moment donné, on arrive à un état où on a confiance qu'on peut gérer les hauts et les bas de l'existence. Ça ne veut pas dire qu'on ne sera pas triste ou joyeux. Il y a des hauts et des bas, forcément. Si quelqu'un meurt, ou si on voit un témoin d'un massacre, on ne peut pas être en joie. Donc la tristesse n'est pas incompatible avec un état de... comment dire, manière d'être qu'on peut appeler le bien-être, être bien au fond de soi parce que même devant la tristesse, on peut avoir de la résilience, de la détermination à remédier aux causes de la souffrance, donc de la compassion, de la bienveillance, de la force d'âme, d'être tourné vers les autres au lieu de tout le temps tourner vers soi. Donc tout ça, ça reste, même devant la tristesse. Donc, l'endroit où on revient avec les hauts et les bas peut changer. Si vous êtes un peu au fond du trou, vous avez toujours des hauts et des bas, beaucoup de bas et pas beaucoup de hauts, mais vous êtes déjà assez bas comme ligne de base. Puis à un moment donné, il y a toujours des hauts et des bas, mais votre ligne de base moyenne, c'est-à-dire quand il ne se passe rien, votre mode par défaut, on dit en neurosciences, il est différent. Et c'est ça qui est une véritable transformation. Donc, les scientifiques distinguent les émotions. qui durent quelques secondes. On peut être en colère encore et encore, mais l'émotion qui s'exprime par un ton de voix, des muscles du visage, qui sont très différents selon la colère, la tristesse, le dégoût, le mépris, etc., ça ne dure pas longtemps. Il y a un état physiologique aussi. Ça peut revenir, mais en gros, une émotion très forte, ça dure 5-6 secondes, puis encore une fois, ça peut revenir. Ensuite, il y a des humeurs. C'est là que vous, vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes triste, vous n'êtes pas motivé, au contraire, très joyeux, quoi qu'il arrive. Il y a des traits de caractère qui sont beaucoup plus stables et difficiles à changer. C'est un peu comme un parchemin qui a été longtemps roulé. vous les laissez sur la table, vous lâchez les mains, ils se renroulent de nouveau. Mais si vous faites ça beaucoup de fois, il finira par rester plat. Donc ça, les effets de la méditation, c'est pour changer justement les choses qui ne changent pas facilement. vos tendances, vos traits profonds et se libérer des tendances qui mènent à la souffrance. Alors ça, c'est le vrai but de la méditation. Ce n'est pas juste de s'asseoir sur une chaise, de sentir son derrière sur la chaise, d'observer sa respiration. Oui, bien sûr. Si vous n'avez pas cultivé l'attention de la pleine conscience, vous ne cultiverez pas la compassion. Votre esprit va vagabonder pendant une demi-heure autour du monde. Vous allez faire un rêve éveillé et vous n'allez cultiver rien du tout. Donc, il faut que l'esprit soit stable et clair. Donc ça, c'est le but de ce qu'on appelle la pleine conscience. Après ça, Il faut se servir de cet outil pour cultiver des qualités humaines fondamentales. La principale étant l'amour altruiste et la compassion.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, ça me paraît un super outil et si je peux te partager une petite expérience personnelle moi en fait aujourd'hui j'ai une trentaine d'années jusqu'à 27 ans j'ai eu la chance d'avoir une vie avec des émotions qu'on appellerait plutôt positives mais on pourrait en parler je sais pas si tu les nommes comme positives mais autour de la joie, etc et j'ai vécu une dépression et la méditation justement m'a aidé à comprendre aussi que c'était passager comme je n'avais pas vécu énormément d'émotions plutôt autour de la tristesse, etc. Oui, bien sûr. Ça m'a vraiment aidé à donner, enfin, comme tu disais, on n'y pas en fait la réalité, on n'y pas les émotions. Par contre, ça donne une espèce de force et de conviction qu'en fait, après une tempête, il peut y avoir du beau temps.

  • Speaker #0

    Oui, et alors justement, il y a une approche qui s'appelle la... Comment ça s'appelle ? La Thérapie Cognitive. Les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience qui sont utilisées pour la dépression. C'est un entraînement qui dure quelques mois. qui ont été développés par Zinder Seagal, Teasdale et plusieurs personnes. Maintenant, ça fait 30 ans, et maintenant on sait, il y a des études scientifiques, que c'est un peu utile au fond de la dépression, mais c'est surtout pour les gens qui ont eu une ou deux dépressions, pour prévenir les rechutes. Et là, ça... ça prévient les rechutes, ça évite les rechutes dans 40% des cas. C'est aussi efficace que la médication. La médication, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre des médications, mais l'avantage, c'est qu'une fois qu'on a fait cet entraînement, ça perdure. Tandis que les médicaments, si vous arrêtez, ça s'arrête. Donc, on peut combiner les deux selon les besoins. On peut faire ça à la légère, il faut suivre un médecin qualifié. Mais pourquoi ? Parce que... La dépression s'accompagne notamment d'énormément de ruminations du passé. Donc ça revient, ça revient, ça revient. On est très centré sur soi. On anticipe le futur de façon très noire. Donc on n'a plus envie de rien faire. Tout va de travers. Il y a un très beau livre de Andrew Salomon, qui s'appelle en français, je ne sais pas comment ça s'appelle. En anglais, c'est de Nun de dimon C'était traduit en français. Il décrit parfaitement ça. Il dit qu'on ne peut plus ni ressentir de l'amour, ni le donner. Il y a toutes sortes de choses. Donc, les thérapies cognitives basées sur la pleine conscience, qui allient les thérapies cognitives à la pleine conscience, s'adressent justement à mieux comprendre ces petits mécanismes qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, qui s'enchaînent, et qui font qu'on est prisonnier de ces enchaînements mentaux, qu'on n'a même plus envie de mettre le pied par terre. Donc, c'est extrêmement efficace pour empêcher les rechutes.

  • Speaker #1

    C'est un super outil, comme tu le disais, parce que je pense que ça rend autonome et ça donne de la confiance à la personne par rapport à un médicament, comme tu dis, qui finalement...

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'une fois qu'elles ont compris ça, elles peuvent le mettre de nouveau en application. Tout à fait. Donc ça, ça marche.

  • Speaker #1

    Et ça m'intéresse du coup de comprendre aussi, justement, est-ce que tu as un avis sur les médicaments, les antidépresseurs, les anxiolytiques ? Est-ce que pour toi, c'est OK pendant un temps ? Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #0

    Ce qu'on sait déjà, c'est que c'est très difficile de prescrire les bons médicaments. Tout à fait. Il faut parfois les changer et qu'il faut vraiment voir des spécialistes et pas un médecin généraliste aussi bon soit-il. Le problème, et moi j'ai travaillé avec Richard Layard en Angleterre, qui a fait évoluer considérablement le financement des maladies mentales, parce que l'OMS a montré, si on compte le nombre de jours où nous sommes incapacités dans la vie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas rien faire, qu'on ne peut pas travailler, on ne peut pas fonctionner normalement. Si vous avez un cancer ou une caisse cardiaque, vous survivez ou non, ça ne dure pas 40 ans. Donc le nombre de jours dans une vie où on est incapable de fonctionner normalement, c'est 40% dû aux problèmes mentaux. La dépression, parce que ça dure très longtemps, évidemment l'Alzheimer, la schizophrénie, mais la dépression a un rôle très important. Bien que ce soit 40% des jours d'incapacitation dans la vie, en Angleterre notamment, cet ami Richard Layard, qui est un Lord, s'est aperçu qu'il n'y avait que 10% de financement. Parce qu'on se dit, écoutez, vous n'avez qu'à vous prendre en main. Il y a une sorte de stigma aussi. Si on dit que vous avez le diabète, oui, il faut le prendre médicament. Mais vous êtes déprimé, écoutez, on m'y joue un peu. Alors qu'en fait, c'est beaucoup lié au transmetteur neurochimique du cerveau, à la rumination. Il y a quand même des causes. et on est aussi malade qu'on est malade avec le diabète. Donc voilà, il faut financer davantage pour qu'il y ait suffisamment de gens formés. Parce qu'encore une fois, un médecin généraliste, il est généraliste, mais là, c'est beaucoup plus spécifique.

  • Speaker #1

    et c'est vrai que c'est une très bonne chose de combiner ça aux thérapies cognitives basées sur la pleine conscience tout à fait on a parlé des émotions moi j'ai envie de te poser comme question parce que souvent on dit qu'il y a des émotions positives et des émotions un peu plus négatives positives comme la joie par exemple et négatives comme la colère ou la tristesse est-ce que pour toi justement il y a des émotions positives ou négatives est-ce que ce n'est pas une erreur justement d'avoir une perception positive et négative il y a deux points de vue

  • Speaker #0

    Donc, il y a le point de vue de l'évolution. Ça, justement, mon ami Paul Ekman. Et du point de vue de l'évolution, chaque émotion est apparue à une raison d'être. Donc, la colère, par exemple, chez un enfant ou chez des gens, c'est pour surmonter un obstacle qui se présente. Il faut être très énergique et le faire rapidement. Et notamment, si on prend un jouet à un enfant, on l'empêche de faire ce qu'il veut. C'est un obstacle, donc il réagit fortement. La jalousie, a priori, du point de vue de l'évolution, c'est pour maintenir la cohésion du couple. pour qu'il faut élever des enfants, il vaut mieux que les parents restent ensemble, sinon la survie des enfants, surtout à l'époque où l'homo sapiens s'est apparu, c'était important. Si à chaque fois les mères se retrouvaient toutes seules, la survie serait beaucoup diminuée. Donc chaque émotion a une raison d'être. Elles ne sont pas mauvaises dans ce sens-là. Alors, on a fait d'ailleurs un article dans une revue scientifique avec Paul Ekman, Richard Davidson et une autre personne, sur la comparaison entre ce qu'on appelle positif-négatif dans le bouddhisme et en psychologie. En psychologie, il parle d'émotions négatives quand on veut s'éloigner de quelque chose. On ne peut pas voir ça, un sentiment de répulsion, on veut éloigner la personne qui vous embête. Le positif, c'est d'aller vers quelque chose. Ça peut être aussi l'obsession. Pour nous, ce n'est pas positif. C'est simplement on va vers ou on s'éloigne d'eux. Donc ça, c'est juste une classification. Mais dans le bouddhisme, on ne parle pas de positif. Enfin, le moral, c'est assez mal d'être en colère. C'est négatif parce que ça apporte de la souffrance. Personne n'a jamais été absolument en extase de sérénité, en étant plein de haine, de jalousie, qui vous ronge du matin au soir, ou de l'orgueil qui vous fait voir tout le monde comme des crétins et vous pensez que vous êtes un type fantastique et que ça ne correspond pas à la réalité, donc vous finissez par vous casser la figure. Tout ça, ça apporte de la souffrance. Dans ce sens-là, c'est négatif pour le bouddhisme. La joie, la bienveillance, la persévérance, la fortitude, la résilience, on considère ces états mentaux positifs parce qu'ils contribuent à un meilleur être plutôt que de miner le bien-être. Donc c'est dans ce sens-là, ce n'est pas un truc moral, c'est très mal d'être en colère, c'est très vertueux si vous êtes bienveillant, c'est les résultats. D'ailleurs l'éthique bouddhiste est basée sur ce que ça fait en termes de souffrance ou de bien-être. Ce n'est pas la motivation. C'est la motivation, ce n'est pas l'apparence de l'acte. Une mère qui pousse violemment son enfant parce qu'il va se faire écraser par une voiture, c'est violent en apparence, mais elle est motivée par la bienveillance. Un gars qui vous fait des grands sourires et qui vous pique votre portefeuille, il est tout sourire, mais son sourire est malveillant. Donc, sans se fier aux apparences, ce qui compte, c'est la motivation, c'est ça qui colore l'acte. donc voilà, les résultats c'est en termes aussi bien pour l'éthique que pour les émotions c'est quel est le bien et le mal que ça fait à vous même et à autrui ok,

  • Speaker #1

    juste pour continuer sur les émotions il n'y a pas longtemps j'ai vu quelque chose qui s'appelle la roue des émotions, on voit des dizaines d'émotions qui existent et moi encore une fois pour être transparent avec toi je ne me ressens pas ces dizaines d'émotions là, est-ce que chacun est différent ou j'arrive pas à le percevoir encore ?

  • Speaker #0

    je ne sais pas qui a fait ça mais en gros les psychologues Les scientifiques reconnaissent six ou sept émotions de base, notamment ce pour Lechman et bien d'autres. Ils ont montré que contrairement à d'autres théories, culturelles, notamment Margaret Mead et d'autres, ils ont montré que c'était en fait... commun à toute l'humanité. Il a amené des photos d'émotions d'étudiants américains en Papouasie. Et le dégo, il leur montrait la photo du dégo. Ils disaient, ah oui, c'est quand on voit quelque chose de sale ou n'importe quoi, la joie. Donc, en gros, les émotions de base, c'est la joie, la tristesse, la colère, le mépris, le dégoût. la surprise.

  • Speaker #1

    Et la peur, non ?

  • Speaker #0

    La peur, oui, bien sûr. Oui, bien sûr, la peur. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce que vous montrez des images, ça, c'est la joie. Vous montrez un psychopathe. Ces émotions, ils ne reconnaissent pas la peur. Et s'ils savent dessiner, ils sont incapables. On leur dit dessiner la peur. Ils dessinent toutes les autres émotions, mais pas la peur. S'ils ont quelque chose dans le cerveau avec les amygdalas qui ne marche pas. C'est pour ça d'ailleurs qu'ils n'ont aucune empathie affective et qu'ils peuvent découper des gens en morceaux. Pour ça, c'est très bien. Donc voilà, ces émotions de base-là sont universelles. Il y en a d'autres aussi qui sont... Elles sont universelles parce qu'il y a une expression faciale. On a 256 petits muscles. Et pour Leckman, il vous dit tout de suite quels muscles sont appliqués. Il vous fait d'ailleurs prendre... Il fait ça, puis il vous fait prendre tous les muscles. Qu'est-ce que tu ressens ? Et vous ressentez le dégoût ou le mépris. Donc, c'est très intéressant. Il y a aussi un truc physiologique. Donc, elles ont une réponse physiologique. ça affecte le ton de la voix et parfois la posture corporelle. Donc quelqu'un qui est bien entraîné reconnaît très facilement les émotions. et les enfants qui sont un peu aveugles aux émotions, ça pose des problèmes relationnels très importants. Donc, j'en ai quelqu'un aux États-Unis, Mark Grimberg, qui fait éducation émotionnelle, intelligence émotionnelle. Donc, quand les enfants ne savent pas très bien, quand ils ne reconnaissent pas les émotions des autres, c'est souvent parce qu'ils ne reconnaissent pas leurs propres émotions. Donc, ils ont des cartes avec ces émotions de base, et quand ils reçoivent des émotions, ils veulent montrer la carte. Ça, c'est la colère, ça, c'est la peur, ça, c'est la tristesse. Et en quelques mois... ils deviennent beaucoup plus... L'alphabétisation des émotions et les rapports avec les autres changent complètement. C'est très important de bien identifier nos émotions, celles qui minent notre bien-être et celles qui au contraire le magnifient. Et celui des autres, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et moi, ça m'a vraiment interpellé. Au-delà de ces sept émotions, toutes les émotions possibles, est-ce que le bouddhisme, et plus précisément la méditation, peut aider justement à reconnaître... Oui,

  • Speaker #0

    alors d'abord, il y a un aspect théorique. Le bouddhisme a des traités entiers. sur les 51 événements mentaux de base, qui sont décrits en très grand détail.

  • Speaker #1

    51 événements mentaux ?

  • Speaker #0

    Oui, des émotions, mais aussi des états mentaux cognitifs. Et puis, il y a des broches à tout ça. Donc, il y a des traités entiers sur la taxonomie des états mentaux. Et ça fait partie des études qui s'appellent l'Abhidharma. Et en même temps, quels sont les antidotes ? quels sont ceux qui sont neutres, quels sont ceux qui sont constructifs, quels sont ceux qui détruisent. Et donc, voilà, la psychologie bouddhiste est extrêmement riche. D'ailleurs, dans ces rencontres de Man and Life, une fois, on était au MIT de Boston, et il y avait une série de dialogues où il y avait un bouddhiste et un scientifique. Moi, j'étais en paire avec Stephen Kosselin, qui à l'époque avait la chaire de psychologie à Harvard. On avait pas mal interagi avant ça. Il a commencé sa présentation en disant je voudrais rendre hommage à la masse de données expérimentales que les méditants bouddhistes apportent dans le champ de la psychologie contemporaine par tous ces siècles d'investigation de la façon dont fonctionne l'esprit Pour te dire, il y a des traités de la perception de 150 pages qui datent du premier siècle. Il y avait vraiment une séance de l'esprit.

  • Speaker #1

    Et dans ces événements mentaux, j'imagine que du coup, comme tu as beaucoup médité, tu en as vécu, est-ce qu'il y en a des particuliers qui t'ont marqué ?

  • Speaker #0

    C'est comme voir des paysages. Non, mais l'idée, c'est encore une fois... de peu à peu éroder ceux qui provoquent la souffrance de soi-même et d'autrui, et de cultiver, justement, c'est ça le but de la méditation, ceux qui contribuent au bien d'autrui et au sien propre. C'est ça un des buts de la méditation, bien sûr. Ok.

  • Speaker #1

    J'ai lu en préparant l'interview que, justement, tu as médité pendant des milliers d'heures, et qu'on avait analysé ton cerveau, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Je ne suis pas le seul, mais j'étais un des premiers à se faire des rencontres Mind Life sur les émotions destructrices. L'idée, le DMA a demandé au milieu de la semaine, ça a duré cinq jours, c'est très bien tout ce qu'on dit, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour la société ? Donc les scientifiques, on s'est réunis à midi, on a dit, on pourrait faire un programme de... scientifiques de haut niveau, parce qu'avant, il y avait eu pas mal de recherches, il y avait des trucs un peu vaseux, donc c'était pas très rigoureux scientifiquement, et puis avec des militants un peu n'importe comment. Donc là, on avait les meilleurs scientifiques du moment dans ces domaines, en neurosciences, en psychologie, et des militants qui avaient fait entre 30 et 50 000 heures de méditation. Donc, on s'est dit, si on trouve quelque chose chez eux, c'est qu'il se passe quelque chose. Si on ne trouve rien chez eux, c'est pas la peine de s'inquiéter des gens qui l'ont fait pendant trois semaines. Donc moi bêtement je me suis porté volontaire parce que j'avais une formation scientifique et je trouvais ça intéressant. Je ne m'attendais pas à passer 120 heures dans des IRM, aller une fois ou deux fois par an une semaine dans des labos aux Etats-Unis surtout mais aussi en Europe. Et finalement, devenir non seulement un cobaye, mais un collaborateur. C'est-à-dire qu'il faut bien collaborer. Qu'est-ce qu'ils étudient ? Qu'est-ce qu'on étudie ? Il faut bien que le méditant décrive ce qu'il fait, et qu'on ait des états précis, parce que si on pense à tout en même temps, ça ne sert à rien. On ne veut pas savoir ce qui se passe dans le cerveau. Donc, il faut être capable d'engendrer un signal très pur, soit rien que de la bienveillance, soit de l'attention pure, et pas tout mélanger. qu'est-ce qui mesure ? Si tout le cerveau se met en œuvre en même temps, ça ne marche pas. Donc voilà, cette collaboration effectivement a permis de publier de nombreux papiers, dont certains ont été il y avait un notamment sur les effets de la compassion qui a été le plus téléchargé dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaines pendant l'année. qui montrait que lorsque des méditants s'engageaient à la méditation sur la compassion ou la bien inconditionnelle, il y avait une activation dans les fréquences gamma des oscillations cérébrales qui étaient de loin 100 fois plus puissantes qu'on avait enregistrées jusqu'alors en neurosciences. Bon, ça s'est vérifié avec tous les méditants à long terme. et les gens qui s'étaient entraînés pendant 15 jours, on ne voyait pas ce phénomène. C'était une chose intéressante, mais il y a eu beaucoup d'autres études qui montrent qu'effectivement, il y a des changements fonctionnels dans le moment, si on s'engage, on voit des très grands changements dans le cerveau, et structurels sur le long terme. Et il y a aussi notamment cette activation très forte des ondes gamma. En fait, si on demandait aux gens à peu près, parce qu'on ne fait pas le compte avec un compteur, on va dire, En gros, combien d'heures de méditation ils avaient pensé avoir fait, donc ça dépend, s'ils avaient fait des retraites de plusieurs années, combien d'heures en gros par jour ils méditaient, ils pratiquaient, combien d'années ils avaient pratiqué. Donc il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait six ans de retraite. Donc on s'est aperçu que l'intensité de ces activations était proportionnelle finalement au nombre d'années et d'heures. Il y avait des gens très jeunes qui avaient déjà fait 6 ans de retraite, ils étaient très hauts. D'autres qui avaient milité un peu pendant 40 ans, ils étaient moins. Donc c'était vraiment une ligne droite. Plus on s'entraîne, plus ça change. C'est à la fois réconfortant et encourageant. Donc c'est pas qu'il ne se passe rien pendant 20 ans, puis d'un coup, boum ! Ou alors que vous avez tout en 5 minutes et après vous relaxez. En fait, c'est comme toute forme d'entraînement. Plus on s'entraîne, mieux ça marche.

  • Speaker #1

    Donc, ça a été prouvé scientifiquement. C'est des bienfaits.

  • Speaker #0

    Quand on dit prouvé, bien sûr, c'est scientifique. On peut toujours débattre. Oui, regarder si la méthodologie est correcte. On va quand même publier dans des prestigieuses revues scientifiques, vérifiées par d'autres laboratoires. Donc, on peut dire oui. On sait maintenant que la neuroplasticité existe, que le cerveau peut changer sous toute forme d'entraînement, que ce soit d'apprendre toutes les rues de Londres par cœur, comme faisaient les taxis londoniens avant l'invention des GPS. Et l'air dans le cerveau qui se représente la topologie du milieu extérieur changeait considérablement, mais physiquement. Donc, si vous apprenez à chanter, tout ça, ça change. Donc là, on n'apprend pas ni à chanter, ni à apprendre les rues de Paris. On s'entraîne à la compassion ou à l'attention et le cerveau change. Et ça, ça a été démontré.

  • Speaker #1

    et c'est spécifique donc chaque type d'entraînement ou de méditation a une signature spécifique dans le cerveau donc la méditation ça aide les êtres humains à être épanouis est-ce que tu penses qu'un jour en France dans les écoles on enseignera la méditation oui alors c'est assez commun en Angleterre,

  • Speaker #0

    aux Etats-Unis en Hollande mais en France il y a une sorte de résistance parce qu'on pense ah c'est les bouddhistes qui débarquent ou c'est des trucs orientaux c'est une religion alors que Moi, j'ai écrit un petit bouquin qui s'appelle L'art de la méditation J'ai fait exprès. Disons, c'est vrai que ça tire ses racines dans le bouddhisme. Mais ce n'est pas un livre bouddhiste. Je ne demande pas aux gens de venir au bouddhisme. Je parle très peu du bouddhisme. Et puis, ça ne tient pas la route parce que ça s'adresse à la façon dont fonctionne notre esprit et notre cerveau. Alors, si un scientifique japonais trouve une nouvelle particule, un boson X ou je ne sais pas quoi, la particule n'est pas japonaise. Elle existe ou elle n'existe pas. Donc si la colère... Avant on disait, il faut exprimer notre colère, il faut laisser s'exploser, il faut casser des pianos, c'est très à la mode. Maintenant on sait que ça ne marche pas. Que plus vous vous mettez en colère, plus vous êtes coléreux, c'est tout. Donc maintenant on le sait. Donc c'est valable pour tout le monde. Qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans le bouddhisme ? Une des choses, ce n'est pas une supériorité, c'est une spécificité. Depuis 2500 ans, ils n'ont pas arrêté de s'interroger sur la façon dont fonctionne l'esprit, comment sont ses émotions, à les classer, à les étudier, je vous disais la perception, tous ces phénomènes mentaux. Qu'est-ce qui se passe quand on voit un objet ? D'abord, il y a une perception nue, puis après, il y a des concepts qui s'attachent. Tous ces processus-là sont extrêmement déclinés et étudiés. Bon, c'est leur spécialité. Mais on a tous un esprit à qui on a affaire du matin au soir, qui peut être notre meilleur ami ou notre pire ennemi. On le voit bien dans la dépression. Finalement, ces choses-là, ça fait partie du patrimoine mondial de la connaissance. Il y a des gens qui sont spécialisés là-dedans. D'autres qui sont spécialisés pour envoyer des fusées sur la Lune. Ça les regarde. Mais bon, en gros, si vous voulez, c'est tout un aspect. qui peut être utilisée de manière parfaitement séculière. D'ailleurs, le programme de pleine conscience, Réduction du stress par la pleine conscience, le MBSR de John Kabat-Zinn, il a commencé dans les hôpitaux à Boston, parce qu'à la fois les malades... les aides-soignants, les médecins, tout le monde était stressé. C'était indégaux. Et on sait que le stress affaiblit le système immunitaire. Alors, vous avez des gens qui sont en chimio, en plus, ils sont stressés, donc le système immunitaire ne réagit pas comme il devrait au traitement. Donc, diminuer le stress, c'est un grand avantage. Il a commencé comme ça. Après, c'est dans le monde entier. Et après, on en a mis dans l'entreprise, dans les écoles. Il y a plus ou moins... Mais en France, on se dit, ah là là ! C'est pas laïque. Mais si, c'est laïque. On a tous un esprit. Il n'y a pas que les religieux qui ont un esprit. Mais comme le dit Daïlama, la bienveillance et la compassion, ça n'appartient pas aux religions. Ça serait trop triste, parce qu'il y a la moitié des gens maintenant qui ne suivent pas des religions. Si on disait, l'amour et la compassion, ça ne vous regarde pas, ça serait dommage. Et comme il dit, la religion, ça devrait être un choix. qu'on devrait faire normalement, pas imposé par les parents ou la culture, mais qu'on peut réfléchir, on le fait ou non, c'est pas grave. Mais la bienveillance, on en a besoin du jour où on est né. Un nouveau-né ne survivrait pas trois jours si on ne s'occupait pas de lui. Ou une personne âgée, on en a besoin de la naissance à la mort. Donc c'est complètement indépendant de la religion. La religion peut aider à magnifier si on l'emploie ultimement au lieu d'utiliser comme des drapeaux de ralliement pour alimenter la haine, mais A priori, toutes les religions parlent d'amour au départ, très bien. On peut magnifier l'amour et la compassion avec la religion, mais ce n'est pas obligé. Donc, a priori, tout ça, c'est parfaitement séculier, laïque. Et c'est bizarre que... Parce que, d'un certain point de vue, historiquement, ça a été un peu amené par des gens. Moi, je ne suis pas du tout un apôtre de la pleine conscience. Je ne m'occupe pas du bouddhisme en Occident. J'ai vécu toute ma vie, la plus grande partie de ma vie en Orient. J'étudie un bouddhisme très traditionnel. Donc, le bouddhisme en Occident, moi, ce n'est pas mon affaire. Mais bon, je vois bien que c'est un certain succès, que la méditation s'est développée. Alors, évidemment, ça peut être utilisé de travers. on peut dire, voilà, on va rendre les gens plus efficaces, ils vont bosser plus, ils seront un peu moins stressés. Donc c'est pour ça que moi, personnellement, je parle souvent d'une pleine conscience bienveillante. Parce que finalement, un tireur d'élite, il est en pleine conscience. On l'a dit de surveiller quelqu'un, de le zigouiller s'il arrive, il faut qu'il soit attentif, il ne faut pas trop qu'il ait d'émotions. S'il est distrait, il faut qu'il revienne. Et puis, il n'a pas de jugement parce qu'on l'a dit de tirer dessus, donc il faut qu'il le fasse. Bon, un psychopathe peut aussi être très attentif, mais un tireur d'élite, il n'est pas forcément bienveillant, et un psychopathe non plus. Donc si vous, et par exemple, si on veut augmenter simplement la performance dans l'entreprise, à tout prix, sans que les gens soient moins stressés, pour que ça marche mieux, ce n'est pas très bienveillant. Les gens finissent par craquer. Donc la bienveillance, par contre, il n'y a pas de psychopathe bienveillant, et il n'y a pas de tireur d'élite bienveillant. Donc, en gros, la bienveillance, ça élimine toutes les déviations possibles dans le monde moderne d'utiliser un instrument, parce que l'attention, c'est un instrument qui peut, selon la motivation, être utilisé pour faire du bien ou du mal. La bienveillance, ce n'est pas un instrument neutre. La bienveillance, c'est chargé d'une valeur éthique positive. C'est pour faire le bien des autres. L'intelligence, l'attention... ça peut être utilisé pour détruire ou pour construire, c'est comme un marteau donc les gens qui ont fait l'attentat du 11 septembre, ils étaient très malins c'est intelligent, mais l'intelligence utilisée pour faire du mal et l'intelligence artificielle c'est pareil plus elle sera puissante 10 000 fois plus intelligente pour le raisonnement et la gestion des données plus la motivation dont on la nourrit donc il faut l'élever comme un enfant presque Et ça, c'est possible. Il y a un gars qui s'appelle Mo Gadvar, qui a écrit un livre très bien sur ça. C'est un des premiers spécialistes d'intelligence artificielle chez Google. Il s'appelle Scary Smart. C'est-à-dire, c'est extrêmement intelligent, mais c'est un peu effrayant. Il dit qu'il y aura des dérapages, mais en même temps... Si on l'éduque correctement, parce que finalement, elle brasse les données qu'on lui donne, on peut l'éduquer vers le bien-être de la population, vers la coopération, vers étudier le diagnostic des maladies, comment remédier au mieux à la pauvreté au Ghana, mettre tout ça dans les données et trouver quelque chose qui se passe. Donc, tout dépend, c'est à nous, finalement, d'éduquer tout ça. Et la méditation, ça dépend de la motivation. On dit que la motivation, c'est ça qui colore nos actes. C'est un peu comme un cristal, vous le posez sur un tissu bleu, il a l'air bleu. Un tissu rouge, il a l'air rouge. Donc c'est la motivation qui donne la valeur éthique à nos actes. Ce n'est pas l'apparence du comportement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'intelligence artificielle, c'est hyper intéressant. Moi, je viens du milieu entrepreneurial et particulièrement de la tech, des startups. On sait que l'intelligence artificielle va bousculer beaucoup de choses. Tu dis en effet que finalement, on peut s'en servir à des bonnes fins.

  • Speaker #0

    Parce que c'est un outil.

  • Speaker #1

    C'est un outil. Mais aujourd'hui, comment on peut... Parce que si on essaie d'inventer une intelligence artificielle qui est pour le bien-être humain, c'est aussi des entreprises privées et c'est contrôlé par des personnes.

  • Speaker #0

    C'est ça, du coup il y aura plein de conséquences parce qu'il faudra forcément un salaire universel de base, parce que si 40% des gens perdent leur emploi, je ne sais pas, mais c'est un scénario envisageable, et si déjà il y a 10 personnes qui possèdent autant que le quart le plus pauvre de l'humanité, ce qui est complètement c'est bon que le système est complètement faussé parce que cette accumulation au sommet, soit dit, on parlait du ruissellement qui ne s'est jamais produit, donc quelqu'un qui a 200 milliards, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire on dit ouais ouais mais il a créé 20 000 emplois, il pourrait créer 20 000 emplois avec 100 millions au lieu de 100 milliards Je veux dire, tout ça, c'est du baratin. Ils achètent des yaks de 130 mètres de long. Donc là, il y a un problème de société, de façon dont le système fonctionne. C'est évident qu'il faudrait une certaine forme de redistribution des richesses, parce que avec tout cet argent, quand je vois que je ne sais plus lequel des deux, Elon Musk ou Bezos, a dépensé 5 milliards pour emmener ses copains 10 minutes en apesanteur, avec 5 milliards, vous mettez la plupart des enfants qui ne sont pas en classe dans le monde à l'école.

  • Speaker #1

    quand même là il y a un problème éthique majeur ce que je comprends pas peut-être que tu vas m'aiguiller c'est que d'un point de vue éthique déjà je comprends pas en fait l'intérêt tu vois moi je considère que entre guillemets quand on est riche quand on parle financièrement à partir d'un ou deux ou trois millions ça change pas grand chose ça

  • Speaker #0

    déjà je comprends pas mais je comprends pas ces personnes là en étant aussi chef d'entreprise parce que c'est incompréhensible c'est de l'orgueil c'est tout ce qu'on veut moi j'ai vu un film j'ai pas été à une salle de cinéma depuis 30 ans Sauf pour voir la panthère des neiges parce que je passais devant, c'est un de mes copains, Vincent Meunier. Mais j'ai vu des films parfois dans les avions, etc. J'ai vu un film avec Sean Connery et je ne sais pas qui, une dame. Ils se débrouillaient, c'était en Malaisie, il y a des trucs très compliqués, mais ils se débrouillaient pour changer les horloges à minuit. Et pendant une minute, ils avaient brouillé les horloges et ils pouvaient accéder à des comptes bancaires. Ils avaient ramassé 2 milliards de dollars. et puis cette dame, très gentille voulait finalement tout prendre pour elle et Sean Connery s'en aperçoit et lui dit une phrase que j'aime bien, il dit qu'est-ce que vous pouvez faire avec 2 milliards que vous ne pouvez pas faire avec 1 donc moi mon interprétation Bouddhi c'est rien pour vous même mais beaucoup pour les autres et moi j'ai connu Pierre Omidyar il a fondé je crois que c'est Ebay C'est un Iranien français qui est venu aux Etats-Unis, qui a donc fait fortune. Et à un moment donné, il a dit à son chef financier, arrêtez de m'enrichir, il faut qu'on trouve quelque chose. Maintenant, ils aident des centaines de milliers de personnes en Inde. Moi, je le connais personnellement. Il est venu participer aux discussions avec le Dalai Lama. Et un jour, il était à Paris, parce que sa maman vit à Paris. Et donc, je lui ai donné rendez-vous là où j'étais, à Paris, il y a quelques jours. Il arrive en métro. Et il me dit, tu comprends, ma maman me dit quand même, tu es souvent à Paris, tu peux t'acheter une voiture. Alors, fort de ce conseil de sa maman, il a été voir un des trucs là où on voit 150 voitures de tous les modèles. Il est rentré dedans et il a dit, voilà, je peux toutes les acheter. Est-ce que j'en ai besoin ? Non. Il a repris le métro. Ça, je trouve ça bien. Et voilà, donc c'est quelqu'un qui a réfléchi. Il travaille pour la démocratie, pour la liberté de la presse, et des choses comme ça aux États-Unis. il y a du boulot. Mais franchement, c'est lamentable. Alors, il y a des gens comme Giving Pledge. Donc, moi, j'ai connu une des personnes qui a lancé ce Giving Pledge. C'était quelqu'un qui a fondé toutes les boutiques de duty-free dans le monde. Il a donné 15 milliards pour l'éducation, pour plein de choses, pour la cause du combat pour la paix en Irlande, ce qui était l'origine irlandaise. Et donc, il a fait le vœu de donner l'intégrité de ces 15 milliards de son vivant. Mais il voulait le faire anonymement. Donc, il s'est mis au Gilles Caïman, ce que font généralement ceux qui veulent faire du blanchissement d'argent. C'est un peu le James Bond de la philanthropie. Il s'appelait Sweeney. Et donc, il est mort récemment. Il a réussi à tout dépenser. Moi, je l'ai rencontré. Et à un moment donné, les États-Unis ont pensé qu'il faisait du blanchissement d'argent. Donc, ils ont rentré dans ses affaires et ils se sont aperçus qu'en fait, qu'il donnait tout. Il ne voulait pas que ça se sache. Mais c'est la personne qui a inspiré Bill Gates et Warren Buffett à créer le Give and Play, c'est-à-dire qu'ils font le vœu de donner 50% de leur... Déjà, avec 50%, ils ont largement de quoi voir venir. Mais c'est incroyable qu'il y ait des gens qui veulent malgré tout accumuler plus en plus, être de plus en plus riches, et on ne comprend pas. Donc ça vient de... En fait, c'est là, précisément, disons, un chemin de transformation personnelle peut aider. Alors moi, je suis plus communiste que le pays des communistes, j'ai donné... 100% de mes droits d'auteur et de toutes les conférences, les émissions de photos, mais ça représente 95 ou 16% de ce que j'ai en... parce que j'ai hérité un peu de mon père pour m'occuper de ma mère, donc j'ai gardé un petit peu pour m'occuper des vieux jours de ma mère, ce que j'ai bien fait parce que pendant 5 ans, elle n'avait rien. Mais en gros, ce que j'ai reçu, soit par mon père, soit par mes gains, j'ai donné 96%. Donc ça va, je suis tranquille avec ma conscience. Parce que je n'en ai pas besoin. Je préfère beaucoup mieux. Maintenant, Karuna Sechen, l'organisation que j'ai fondée, il y a 24 ans, on aide 500 000 personnes par an. C'est énorme. Les bénéficiaires directs, l'extrême pauvreté, l'éducation des femmes. Au Népal, en Inde, là on va faire une campagne avec un médecin exceptionnel pendant deux ans. On va faire 60 000 opérations de la cataracte. Là-bas, ça change la vie de quelqu'un. Une femme pauvre qui a de la cataracte, elle ne peut plus être dans la maison pour s'occuper des champs, des enfants. Donc le mari l'envoie dans la famille. C'est un changement de vie complet. On lui rend la vue pour 100 dollars. Tout compris la logistique, l'implant et tout ça. Ici, un implant, ça vaut 80 euros. Là-bas, ils le manufacturent pour 4 euros. Ça change la vie de quelqu'un pour 100 dollars.

  • Speaker #1

    Là, tu vois l'impact de ton argent.

  • Speaker #0

    On change la vie de peu de 10 000 personnes, mais vraiment changer la vie. Donc, c'est formidable tout ça. J'avais accumulé des sous dans une banque. Qu'est-ce que j'en ferais ? M'acheter, je ne sais pas combien, 50 Ferrari. Donc ça, ça me dépasse.

  • Speaker #1

    Moi aussi, ça me dépasse. Et si on revient sur nos amis, les milliardaires, alors tu nous as raconté une super histoire d'une personne qui a donné 15 milliards pour les autres. Mais est-ce que tu penses, parce qu'on se rend compte quand même qu'il y a une urgence au niveau de la planète, une urgence humaine, est-ce que ces gens-là qui ont des milliards, est-ce que tu es contre l'héritage, par exemple ? Tu penses qu'on devrait...

  • Speaker #0

    Il devrait y avoir, c'est ce que disaient Piketty et d'autres, je veux dire, que ça leur plaise ou non, quand ça dépasse un seuil où ça ne sert plus à rien pour eux-mêmes excepte de s'acheter une île privée et un yak de 200 mètres de long, où... Moi, une fois, j'ai navigué avec un ami en Méditerranée. Il y avait le bateau de je ne sais pas quel magnat russe à l'époque. Et le chauffeur de taxi qui m'a pris pour aller à l'aéroport, après, il m'a dit, ils font des soirées à 300 000 euros, juste la soirée. Je veux dire, c'est totalement immoral. Alors qu'avec ça, on peut sauver peut-être 3000 vies en Afrique, je veux dire. On peut rendre la vue, justement, à 3000 personnes. Donc là, à un moment donné, si ces gens-là ne le font pas spontanément comme M. Sweeney, évidemment, ça ne les mettra pas sur la paille. S'ils ont 100 milliards, t'en prends 99, parce qu'avec un milliard, ça fait 1000 millions. Vous êtes tranquille pour le restant de vos jours. et à part des choses complètement idiotes et qui n'ont aucun sens et qui sont très poétiques vu les besoins dans le monde déjà ça vous empêchera de faire tout ça et puis vous les accumulez pour rien et puis ils pourront générer de l'emploi de toute façon s'ils sont des bons chefs d'entreprise et sur une bonne idée je veux dire Amazon c'est une bonne idée a priori mais qu'une bonne idée fasse de vous quelqu'un qui a 100 fois 1000 milliards de dollars qui a 100 fois 1000 millions de dollars mais c'est des chiffres qu'on n'arrive même pas à imaginer ça n'a pas de sens donc c'est pas ça qui fait marcher l'économie puisqu'ils le mettent quelque part donc ça c'est il faut évidemment faire quelque chose pour qu'ils n'accumulent pas cet argent et que ça serve au bien-être de l'humanité. Parce qu'il y a 10 personnes qui sont présentes, autant que le quart le plus pauvre. C'est dément.

  • Speaker #1

    C'est des ratios délirants.

  • Speaker #0

    Et ces inégalités n'ont cessé d'augmenter depuis 30 ans dans tous les pays de l'OCDE. Elles ont été exacerbées encore pendant le Covid, parce qu'ils ont tous fait leur beurre pendant ce temps-là.

  • Speaker #1

    toutes les grosses fortunes n'ont cessé d'augmenter donc il y a un truc qui ne marche pas dans le système bien sûr si on revient un peu sur les jeunes je sais que c'est quelque chose qui t'importe on sait qu'il y a un contexte sur la santé mentale chez les jeunes qui est un peu alarmant on parle de 4 jeunes sur 10 qui ont les syndromes anxio-dépressifs moi ça me rend vraiment triste pour le coup comment toi tu expliques ça peut-être quelques conseils que tu pourrais donner à ces jeunes

  • Speaker #0

    C'est vrai d'abord, on parle de l'éco-anxiété, mais ce n'est pas que ça. Je crois que c'est l'incertitude, qu'il y a toutes sortes d'incertitudes à notre époque. L'emploi, les sciences officielles, l'environnement, les changements, peut-être les conflits, etc. Finalement, en tant qu'incertitude, qu'est-ce qui peut aider ? C'est prendre conscience davantage de notre humanité commune. Moi, j'étais en retraite au Népal. J'écoutais comme la BBC sur une petite radio au moment du début du Covid. Et j'avais vu notamment qu'il y avait un site en Angleterre, fait par l'État, où on pouvait porter volontaire pour apporter de la soupe à des personnes âgées pendant le confinement. On pouvait emmener quelqu'un à l'hôpital. Et en 24 heures, un million de personnes se sont présentées. Il y a quand même eu une solidarité dans tout ça. Les gens qui étaient très mobilisés dans les hôpitaux. Donc, souvent en période de difficulté, ce sentiment d'humanité connu me ressort pendant les catastrophes. Au moment de l'avouer à Grand-Catherine, on avait dit, oh, il y a des viols, ils pillent les magasins, donc ils ont envoyé l'armée. En fait, ce n'était pas ça du tout. Tout le monde s'entraidait. Il serait mieux fait d'envoyer de l'aide. Donc, toutes les études ont montré que dans les grandes catastrophes, il y a un groupe de scientifiques qui étudie les grandes catastrophes. C'est immédiatement l'entraide. Un tremblement de terre, c'est d'abord les gens du quartier qui aident avant que les secours arrivent. Donc il faut encourager cette fibre-là, quand on fait face à l'incertitude. Encourager la solidarité, la bienveillance. C'est pour ça que j'ai écrit un livre de 800 pages sur l'altruisme, parce que ce n'est pas une idéologie utopique, bisounours. C'est la solution pour les défis du XXIe siècle. Si on s'en fiche du sort des générations à venir, pourquoi est-ce qu'on changerait tout ? Alors qu'on sait maintenant, s'il y a 4 degrés de réchauffement climatique, la population humaine va être réduite à un milliard. C'est très bien, on a trop de monde. Oui mais un milliard ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils sont morts de quoi ? De famine ? De conflit ? C'est pas réjouissant. Il vaut mieux diminuer en diminuant la mortalité infantile, ce qui diminue la natalité, et puis on règle la population. Mais pas avec des famines, des migrations, 250 millions de migrants. Ça va être rien. Comparé à ce qui se passe maintenant, c'est rien ce qui se passe maintenant. C'est 0,5% de l'Europe, c'est des migrants. Mais si on avait 250 millions, parce que l'abbé Pierre disait qu'on ne peut pas arrêter des gens qui meurent de faim. C'est ça. C'est parce qu'on a manque de considération d'autrui pour les générations à venir. Pourquoi il y a encore de la pauvreté, le carmon, de la pauvreté au sein de la richesse ? C'est parce qu'il manque de considération d'autrui. La bienveillance, c'est une solution pragmatique. La considération d'autrui. J'ai écrit ce bouquin pour essayer de démontrer ça. Il fait une sorte de plaidoyer, un monde idéal. Mais non, c'est très pragmatique. C'est favoriser la coopération, favoriser la solidarité. et tout ce qui fait qu'une société est plus harmonieuse. Donc, c'est vrai que les jeunes, moi, je me rappelle avoir, au moment où on a pu voir le truie, ça fait, je ne sais pas combien, 10 ans ou 12 ans, parler à un groupe de jeunes, et à la fin, il me dit, votre truc, c'est quand même, c'est flippant, il me dit. J'avais du mal à comprendre pourquoi c'était flippant, parce que on est un peu dans l'hyper-individualisme, surtout dans les sociétés très individualistes comme en Occident. En Orient, c'est beaucoup plus collectiviste, les familles restent ensemble, ils sont complètement choquées qu'on mette les... Les parents dans des... Alors ici, c'est parce que les familles sont dispersées. Il y en a un à Marseille, l'autre à Paris. Il faut qu'ils travaillent tout le temps, donc ils ne peuvent pas s'occuper de la mer. Mais là-bas, les trois générations restent ensemble. On n'imaginerait pas... Bon, c'est différent. Mais bon, hyper collectiviste, évidentiste, ça veut dire que vous êtes finalement... en vous-même. On devient très vulnérable parce que moi et le monde entier à côté, donc moi, moi, moi, du matin au soir, on est très fragile parce que tout vient soit un instrument pour promouvoir notre bien-être soit une menace. Donc ça polarise le monde considérablement si on n'a pas ce sentiment d'appartenance à une communauté. Donc c'est vrai que l'hyperindividualisme joue beaucoup. Il y a aussi l'isolement. On sait maintenant que les enfants jouent 30 fois moins dans la rue qu'il y a 15 ans, 20 ans. Parce qu'ils vont à la maison, c'est là où il y a les appareils. Donc il y a une diminution du lien. Des enfants notamment qui très tôt communiquent uniquement par SMS ou autre chose, on leur demandait, mais vous ne pouvez pas avoir une vraie conversation ? Ils disaient, oui, peut-être plus tard, mais je ne me sens pas prêt et tout. Donc il y a une sorte d'isolement dans l'ultra-communication. Si vous avez 500 amis sur Facebook, ce n'est pas des amis, c'est une vitrine pour le narcissisme. Vous vous montrez, vous envoyez une photo de ce que vous êtes en train de manger, tout le monde dit, qu'est-ce qu'on s'en fout ? moi j'ai vu des gens à Hong Kong ils arrêtaient pas de photographier ce qu'ils mangeaient pour envoyer à leurs copains franchement il y a cet hyper individualisme qui vous isole des autres et sentir seul c'est pas bon je vous l'ai dit au début, le sentiment de solitude est très délétère pour la santé mentale il y a aussi le manque de sens finalement, pourquoi continuer pourquoi simplement gagner de l'argent on va de toute façon en train de détruire la planète donc je me dis à quoi ça sert tout ça, donc c'était un peu la question que je me posais Je ne voulais pas que mon existence soit, mais je ne savais pas ce que je voulais vraiment qu'elle soit. Moi, j'ai parlé une fois à des jeunes au Canada. Ils me disaient, voilà, on a fait des études, on a rempli des tests, on a vu des psychologues, des orientateurs professionnels, on a essayé deux, trois boulots. On n'est pas motivés. On ne sait pas ce qu'on veut faire. J'allais écouter. Le Canada, c'est des beaux pays. Il faut aller seul ou avec des copains ou des copines au bord d'un lac. Vous asseyez là une petite heure. Vous n'essayez pas de faire marcher l'ordinateur dans votre tête. Et puis, à un moment donné, vous voyez qu'il monte à la surface. Qu'est-ce que vous voulez vraiment, vraiment faire ? Il y a peut-être quelque chose qui apparaîtra. Et à ce moment-là, après, comme on dit en anglais, If there is a wish, if there is a will, there is a way Donc, si vous avez vraiment un souhait, il y a toujours une manière de le faire. Même si c'est réaliste ou pas, vous arrivez finalement à le faire. Donc, Aristophanes disait, l'éducation, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer une flamme. C'est vrai que cette idée d'avoir un idéal, quelque chose qui compte, quelque chose qui vaut la peine d'être accompli... après les hauts et les bas de l'existence vous les passez beaucoup mieux tandis que si vous ne savez pas où vous allez vous irez un peu à droite à gauche dès que c'est un obstacle ça y est ça ne marche pas je suis coincé il n'y a aucun espoir donc c'est vrai que c'est

  • Speaker #1

    un problème de société mais ça s'est accentué dans ces dernières années bien sûr est-ce que si ce n'est pas indiscret je peux te demander si tu as vécu des périodes difficiles et des périodes qu'on peut appeler dépressives

  • Speaker #0

    Moi j'ai une amie qui m'a dit, qui va venir me chercher, t'es la dernière personne pour qui un livre sur le bonheur parce que t'as jamais vraiment souffert. J'ai pas vécu des souffrances directes qui peuvent complètement déstabiliser une vie. J'ai beaucoup aimé mes parents, ma mère est partie à 100 ans, on a célébré une belle vie, mon père aussi. Donc en gros... Voilà, mais simplement la souffrance, même si on ne l'a pas vécue intimement dans des drames terribles qui vous déchirent, moi ce qu'on peut dire c'est que je l'ai vue, j'en ai des témoins. Je veux dire parce que tous les témoignages, j'ai entendu des gens au Tibet, qui étaient dans les camps de travaux forcés, où tous les matins ils sortaient 10-15 cadavres qui meurent de faim ou de maladie ou d'épuisement ou de froid. Je veux dire, en Inde, ce n'est pas difficile d'être confronté à la souffrance, il y en a partout. Moi, je travaillais dans le vieux délit pour imprimer des textes. J'avais des gens qui dorment dans la rue, des veuves musulmans habillées en blanc qui mendient avec un voile devant leur figure. Et si elles mendient, c'est qu'elles n'ont plus personne. Donc, elles ne voient plus personne parce qu'on ne les voit pas et elles sont derrière le voile. Dans quelle situation vous vous rendez compte ? Dans tout ça, j'en ai vu de la souffrance. Je sais ce que c'est. Dans le bouddhisme, on parle tout le temps de la souffrance. Moi, je n'ai pas vécu de drame. En plus, j'ai eu la chance d'avoir très tôt des outils. pour construire en soi les ressources pour gérer les hauts et les bas de l'existant, d'être moins déstabilisé par des choses qui peuvent déstabiliser beaucoup de personnes. Donc, à force, il y a une certaine faculté comme un chat qui retombe sur ses pattes. Tout ça fait que, effectivement, je pense... La mort, c'est naturel. La maladie, ça vient. Donc, il y a une façon de gérer ces souffrances physiques, mentales, la souffrance de la séparation. Donc, à un moment donné, un état qui... C'est un état par défaut qui perdure. Le fond du fond n'est pas perturbé. C'est comme le fond de l'océan. Il peut y avoir une tempête terrible avec des vagues de 20 mètres de haut, mais le fond de l'océan ne bouge pas. Si vous avez cette faculté-là, si vous êtes au bord de la côte, vous pouvez surfer une vague en état d'allégresse incroyable et puis dix secondes plus tard, comme au Portugal, vous tapez un caillou. Donc vous passez de l'état d'euphorie totale à vous casser le dos. mais si vous êtes en pleine mer la même vague de 20 mètres de haut vous surfez,

  • Speaker #1

    vous descendez vous tapez pas le fond la profondeur est là donc c'est ça qui finalement résulte d'un entraînement spirituel pour avoir un monde meilleur on a parlé des individus il y a les états aussi qui peuvent aider mais il y a aussi les entreprises est-ce que tu penses que l'entreprise et notamment en horizon 2030, 2040, 2050 elle doit avoir un rôle sociétal qui est plus important ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Donc, moi, j'avais participé à une conférence en visio du Népal au Vatican. René par le Vatican avec des grands chefs d'entreprise, justement, sur la question de l'environnement. Il était question d'avoir une sorte de notation, quand vous avez une notation en bourse, sur votre impact environnemental. Parce que les entreprises qui avaient un impact sur l'environnement négatif, 20 fois plus grand en coût que leur chiffre d'affaires. Vous vous rendez compte ? Ça, ça devrait être publié. les rapports annuels. Donc, si vous voulez, il y a plein de choses qui font qu'une entreprise vertueuse, c'est finalement celle qui se met au service de la société et aussi qui tient compte du sort de génération à venir. Sinon, c'est des machines à faire des ultra-milliardaires qui sont fondamentalement égoïstes. Donc ça, c'est un choix et c'est très difficile parfois de changer, mais je me souviens d'une anecdote. Donc aux États-Unis, au Texas, il y a toujours ce déni du changement climatique. Et un directeur d'une grande entreprise qui ne voulait pas entendre parler du réchauffement climatique. et un jour sa fille rentre de l'école et dit papa on m'a dit que c'était des gens comme toi qui allaient détruire la planète elle se pose comment ça a fait clic et il a mis la question de la responsabilité environnementale et sociale sincèrement au coeur de son entreprise sans que ça soit juste dans les brochures pour faire bien on met un tout petit truc quand ça va bien et on met rien quand ça va mal Il a dit, c'était ça qui m'a fait le point de bascule.

  • Speaker #1

    C'est excellent de ces enfants.

  • Speaker #0

    Donc, à un moment donné, il faut que les gens... Il y ait le déclic. Il faut qu'il y ait un déclic et qu'ils se rendent compte qu'humainement, donc c'est les investissements responsables environnementalement et socialement, ça existe, ça augmente. Apparaît-il une des secteurs d'investissement qui relativement croît le plus vite, même si ça représente que, je ne sais pas, 10%, même pas 10%, mais c'est en croissance. Mais c'est toujours une course contre la montre. Surtout pour l'environnement, on a 7-8 ans pour changer les choses de façon importante et on n'en prend pas le chemin. Donc voilà, c'est un vrai défi. Les souffrances peuvent être immenses. Là, j'ai vu dans les kiosques, il y avait censé y avoir Qu'est-ce qui se passera en France avec 4 degrés de plus ? Ça peut être frais. Il fait 52 degrés en ce moment au Pakistan. 52 degrés ! Ce n'est pas la température du sol, c'est la température de l'air. 52 degrés et s'il fait 50 degrés dans les Vosges en été pas rigolé 2050 donc c'est demain pas longtemps, pas si longtemps et des fois ça va encore plus vite si ça se trouve on l'aura en 2040

  • Speaker #1

    Mathieu on arrive à la fin de ce podcast j'ai encore quelques petites questions dans la vie des fois on dit qu'on a tous un peu une béquille des petits péchés pour certains un peu inavouables parfois c'est, alors il y a des gens, c'est l'alcool.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Un défaut particulier.

  • Speaker #1

    Oui, voilà, il y a des choses dont peut-être on aimerait se séparer, mais qui nous font du bien malgré tout. Est-ce que toi, tu as une béquille ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, moi j'ai tous les défauts possibles et imaginables. Simplement, j'essaie de m'en occuper. J'essaie de les aménuiser au fil du temps. Bon, il y en a certains qui sont moins puissants que les autres. Je ne crois pas que j'ai beaucoup d'animosité. Je ne me rappelle pas m'être mis en colère depuis un certain nombre d'années. Vingtaine peut-être. La haine, ça me paraît inconcevable. La jalousie, ça me paraît pas malin. L'orgueil, ça me paraît stupide. L'obsession, c'est pas une affaire. Mais enfin, ce que j'ai dit, il y a quand même des germes de ces choses-là qui apparaissent de temps en temps. Et l'entraînement, c'est précisément de ne pas attendre qu'il s'est envahi dans l'esprit, mais d'évoquer. Parce que c'est très facile de gérer une étincelle. Quand l'étincelle est tombée sur un paquet d'herbes sèches et que la forêt a pris feu, c'est plus compliqué. C'est plus long. Donc ce qu'il faut, c'est justement l'entraînement, permet de reconnaître... C'est comme, on donne un exemple, si dans une pièce, on vous dit, il y a un pickpocket. Mais si on vous dit, c'est celui-là le pickpocket, vous le surveillez de l'œil, s'il s'approche de vous. Donc si on est préparé... à reconnaître attention, ça c'est l'orgueil qui arrive ah, oh là là, ça j'ai du ressentiment au moment où ça arrive, c'est facile de le gérer et quand il y a après des proportions impossibles on n'est plus maître de la situation comme tout le monde,

  • Speaker #1

    t'es mortel est-ce qu'il y a un souvenir que t'aimerais bien que les gens gardent de toi ?

  • Speaker #0

    en quoi est-ce que vous voulez qu'on se rappelle de vous et qu'on écrive sur votre ton mais rien ça me fait quand même quelque chose mais je vous dis rien non je ne cherche pas à laisser une trace j'ai écrit des livres un peu par la force des circonstances je n'avais pas l'intention de le faire et si ça peut être utile si j'ai un tout petit peu utile c'est très bien, je suis content merci Donc mon idéal c'est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde, si j'y ai à contribuer un tout petit peu. Quand j'ai fondé Karuna, on était une bande de copains, on avait très peu de moyens. Maintenant il y a 200 personnes qui travaillent en Inde, 50 en Népal, on est à 1 000 000 personnes chaque année, c'est génial. on ne s'est pas organisé particulièrement bien, mais ça a marché au bout de 25 ans, c'est comme ça. Je m'en réjouis. Je crois que je mourrai en paix, principalement grâce à rencontrer mes maîtres, parce qu'ils ont tout apporté dans ma vie. J'ai une reconnaissance immense. J'aurais pu pratiquer avec beaucoup plus de diligence, passer ma vie dans une grotte, etc. Mais bon, au moins ça, c'est un trésor inestimable qui me permet de mourir en paix. Maintenant, j'aurais pu faire beaucoup mieux, mais bon, chacun a... chacun fait ce qu'il peut donc je voulais faire un t-shirt pardonnez-moi et derrière j'ai fait de mon mieux il est très marrant ce t-shirt qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour les jours,

  • Speaker #1

    les mois les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    la vie est précieuse, je suis encore en bonne santé je voudrais maintenant passer du temps à traduire des textes à pratiquer, remettre à la pratique spirituelle ça m'a un peu c'est vrai que j'étais pris dans la tourbillon avec tous ces bouquins toutes ces conférences parce que les choses marchaient enfin je veux dire C'est pas que j'étais grisé par le succès, mais c'était des opportunités pour partager des idées. Je serais jamais là devant toi si j'avais pas écrit ces malheureux bouquins. Donc, ça veut pas dire que c'est mauvais. C'est un côté... C'est du bon d'un certain côté. Mais c'est un peu le maelstrom, quoi. Maintenant, j'ai 78 ans, je vais pas mourir dans un aéroport. Donc, je voudrais retourner à ma vocation première qui est d'être un traducteur, d'en traduire des textes. C'est pour le temps qui me reste. Passer 10 ans dans mon hermitage. J'ai passé 7 mois au Népal en partie dans mon hermitage. finir ma vie en paix. Faire de la photo, je continue à photographier les belles choses. Donc là, je fais un livre sur la lumière. Ça, ça m'amuse. C'est ma façon favorite de perdre mon temps, d'un certain point de vue. Mais j'aime bien ça. Et puis, je suis heureux de partager mes images aussi.

  • Speaker #1

    Voilà. Merci beaucoup, Mathieu.

  • Speaker #0

    Je t'en prie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir écouté Les Sages. Vous êtes de plus en plus à nous écouter pour cette première saison. C'est vraiment très encourageant pour toute l'équipe. Alors, encore une fois, un grand merci. Vous avez le pouvoir de donner de la force à ce podcast avec juste une minute de votre temps. C'est simple, si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, vous avez juste à vous abonner et mettre 5 étoiles. Un grand merci et à bientôt.

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