- Speaker #0
Bienvenue dans Liberté d'être femme. Je suis Marie-Laure Isette, coach, conférencière et consultante sur les questions de leadership et de culture d'entreprise. Ici, on se retrouve entre femmes, enfin la plupart du temps, pour parler vrai. Des parcours inspirants, des moments de doute, des expériences personnelles qui façonnent notre manière de prendre notre place tout en restant pleinement authentique. À travers ces conversations, c'est un espace que j'ai envie de t'offrir où tu peux te reconnaître, te nourrir et te sentir moins seule sur le chemin. Si cet épisode te touche, pense à le partager à une personne qui en a besoin. Et laisse un commentaire avec 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. C'est pas grand chose, mais c'est précieux pour faire grandir le podcast. Installe-toi,
- Speaker #1
on commence !
- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast Liberté d'être femme. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Sylvie Noury, membre du COMEX de UpCop. présidente de MAE, cofondatrice engagée dans l'économie sociale et solidaire, et puis tu es aussi enseignante à l'université Paris Dauphine. Tu as un parcours qui pour moi est fascinant, de l'édition jusqu'au militantisme auprès des plus exclus, jusqu'à aller à des postes de direction dans une grande coopérative. Tu explores aussi un sujet qui m'intrigue beaucoup, la place de l'âge en entreprise. On reviendra ensemble dessus. ensemble on va évoquer des sujets autour du sens, du leadership, de l'engagement et puis de ce que ça signifie aussi d'être une femme au pouvoir dans un univers qui change. Bienvenue Sylvie sur le podcast.
- Speaker #1
Merci Marie-Laure.
- Speaker #0
Écoute, je te propose de commencer par parler de certains éléments de ton parcours et de Sens, comme je l'évoquais juste avant. Tu m'avais expliqué, quand on a préparé cette interview, que tu as commencé ta carrière dans la presse et puis dans l'édition. et que tu as dit avoir ressenti une absence de sens. Est-ce que tu peux nous raconter ce moment où tu t'es dit « ce n'est pas pour moi, ce n'est pas ma place, il y a quelque chose qui ne va pas ? »
- Speaker #1
Ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Il n'y a pas eu un moment ou un déclic où je me suis dit « ce n'est pas là que je dois être » . Moi, quand j'ai fait des études, l'économie sociale et solidaire, ça ne s'enseignait pas. Donc, je ne connaissais pas du tout. tout cet univers-là dans lequel finalement j'ai atterri bien plus tard. Et donc c'était relativement normal de commencer dans des secteurs qu'on aime bien, mais dans des milieux assez classiques on va dire. Et mes études m'avaient un peu préparée à ça. Donc j'ai juste ressenti à côté de cet univers professionnel, j'ai ressenti le besoin de m'investir dans quelque chose peut-être d'un peu plus grand que moi. Et ça s'est vraiment accentué quand j'ai eu mes premiers enfants. Alors, ce n'est pas vraiment un déclic, mais ça a été un phénomène d'accélération où là, je me suis vraiment dit quelque part, non, ce n'est pas possible, Sylvie, tu ne vas pas leur dire quand ils seront grands que ta contribution au monde, c'est de faire que des oui-oui et des babarres, ça se vende plus. Même si j'adore les lire pour enfants, même si j'adore les babarres et les oui-oui, ce n'est pas comme ça que je voyais ma contribution au monde. Et donc, à cette époque-là, en fait, j'ai beaucoup milité à côté dans des causes qui m'étaient chères. et qu'importe les causes qu'on choisit, comme une volonté d'apporter quelque chose d'autre et de différent que ce que je pouvais faire dans mon univers professionnel, sachant que je n'avais aucune conscience du fait que les deux pouvaient à un moment se rejoindre dans un univers professionnel différent. Donc voilà un peu comment ça s'est fait. Et le moment où j'ai finalement switché, c'est un moment où une de mes amies a fait un reportage sur un journal qui était vendu par des SDF à Londres, qui s'appelait The Big Issue, qui est passé sur Envoyé Spécial. Je ne sais pas si ça existe encore aujourd'hui, mais à l'époque, il y avait une émission qui s'appelait comme ça. Et quand il s'est passé, elle nous a regroupés en disant « Si on faisait la même chose à Paris, en France, ça n'existe pas du tout. Il y a quand même quelque chose de vraiment intéressant et qui a du sens. » Et c'est là où je me suis dit « Ah, mais je vais réussir à concilier ce qui me paraissait inconciliable, c'est-à-dire un… » Un univers professionnel où j'apprenais beaucoup de choses, où je prenais beaucoup de plaisir, parce que ce n'est pas vrai qu'on ne prend pas du plaisir dans ces endroits-là. Je prenais beaucoup de plaisir intellectuel, professionnel, etc. Et puis un univers militant où je retrouvais quelque chose qui, moi, m'a toujours été cher, c'est une sorte de contribution au monde. Et l'idée que les deux puissent se réunir en un seul engagement, ça, ça a été une découverte à ce moment-là, quand j'ai rejoint l'aventure de la création de ce journal qui s'est appelé La Rue. Bonne nuit.
- Speaker #0
Et donc, quand on voit encore aujourd'hui des personnes dans la rue qui vendent les journaux, c'est celui que tu as participé à créer ? Non,
- Speaker #1
je pense que c'est une longue histoire. Et si on va vers ça, on va manger tout le podcast autour de cette aventure-là. Mais non, ça n'est plus du tout le journal qu'on a créé. C'est arrêté, comme beaucoup des journaux de rue. Et il en reste très peu. Et ce qui reste n'a pas grand-chose à voir avec l'insertion sociale.
- Speaker #0
Oui. Et qu'est-ce qui a fait ? Je comprends effectivement ce besoin de sens qui a l'air d'être quelque chose de très profond, qui t'anime vraiment. Je comprends aussi d'ailleurs le lien avec les enfants parce que je ne sais pas si c'est spécifique aux femmes. Si les hommes vivent ça aussi, je ne saurais pas le dire. Mais en tout cas, j'ai aussi eu des prises de conscience à chaque fois que j'ai eu un enfant. Je comprends ça. Qu'est-ce qui t'a fait aller spécifiquement vers ces problématiques d'exclusion, à l'époque on appelait ça plutôt de SDF, de personnes dans la rue ? C'est quoi, c'est une affaire de rencontre en fait ?
- Speaker #1
Alors, c'est deux choses à la fois. C'est une recherche de sens qui a toujours été profonde chez moi. C'est comme ça, c'est ni bien ni pas bien. Je pense qu'on a tous besoin de savoir pourquoi. pourquoi on est là sur cette terre ? Et les réponses sont toutes valables. Ça peut être, je ne sais pas, gagner très bien sa vie pour protéger sa famille, ça peut être être utile au monde, ça peut être la cause des femmes, il y a des tonnes, ça peut être enseigner, faire de l'éducation, quelque chose de réellement puissant pour les générations suivantes. Il y a vraiment plein, plein, plein de réponses. Moi, ma réponse, c'était quelque chose de l'ordre de l'utilité au monde, de... peut-être à travers ma présence faire en sorte que le monde que je lègue à mes enfants soit un petit peu meilleur que celui que j'ai chopé en arrivant. Je ne suis pas sûre vraiment du tout qu'on y soit arrivé, mais ça c'est un autre sujet. Ensuite, c'est une deuxième caractéristique, c'est l'époque dans laquelle j'ai grandi. L'époque dans laquelle j'aurais grandi, les sujets vraiment qui étaient là et prégnants, c'était l'accès au travail, c'était le moment où le chômage commençait à prendre de l'ampleur. Et puis, la lutte contre l'exclusion sociale, c'était les grands sujets. On parlait très peu de la planète à l'époque, donc ce n'est pas un sujet qui m'a effleurée. Peut-être que si jamais j'avais 30 ans aujourd'hui, c'est vers ça que je me dirigerais, je ne sais pas. Et moi, l'humain aussi a toujours été très important pour moi. Donc, je pense que dans ces grandes causes autour de l'exclusion, la notion d'humain était très importante. Et à ça, tu rajoutes la troisième, qui est primordiale, qui sont les rencontres. Mais je crois que les rencontres n'arrivent que quand on est aligné sur ce qu'on cherche. Donc moi, j'étais très claire sur mon besoin de contribuer au monde. J'étais très claire sur le fait que c'était un alignement important pour moi. Et oui, j'ai fait des rencontres qui ont été absolument déterminantes et il y en a eu plusieurs. Mais quelque part, je considère que c'est cet alignement qui provoque ces rencontres-là à un moment donné et qui fait que je suis arrivée autour de l'aventure de la rue qui a été… un basculement dans ma vie professionnelle, ça aurait pu probablement être une autre cause. Je me suis pas levée un matin en me disant c'est absolument ça ma contribution au monde. Mais ça devait être quelque chose de l'ordre de l'utilité sociale, parce que c'est ça qui m'est chère. Et encore une fois, il n'y a absolument aucun jugement de quoi que ce soit, parce qu'on est tous différents. Et l'important, c'est je pense, d'arriver à comprendre ce pourquoi en effet.
- Speaker #0
C'est une belle vision. J'aime beaucoup ta façon de l'expliquer, de le présenter. J'imagine bien que quand tu étais à cette époque où tu as fait des choix successifs, ce n'est pas une décision qui change tout, ça ne devait pas être évident, mais de voir une ligne directrice. Mais j'imagine qu'aujourd'hui, quand tu te retournes sur ton parcours, tu arrives à voir une forme de ligne directrice dans tout ce que tu as fait ?
- Speaker #1
Oui, je pense que je la vois. très bien, mais que je l'ai vu assez vite à partir du moment où j'ai réussi à basculer dans un univers qui me correspondait probablement beaucoup mieux et que j'ai toujours pris soin de cette ligne directrice, je l'ai toujours bichonné quelque part. À chaque fois, en changeant de travail, à partir de ce moment-là, ça a toujours été une question essentielle pour moi. Est-ce que tu es bien dans ce pourquoi tu penses que tu dois être ? Est-ce que c'est bien le sens que tu veux donner à ta vie ? et ça a toujours été mon critère numéro 1. Il y en a eu plein d'autres, évidemment, mais ça a toujours été celui qui arrivait sur le dessus de la pile. Et oui, c'est ce que je disais, c'est vraiment autour de… toute cette humanité et se vivre ensemble sans laisser des gens sur le bord de la route ou en essayant d'en laisser le moins possible, en donnant sa chance à chacun d'une façon ou d'une autre. C'est vraiment ça, je pense, la ligne directrice de mon parcours de vie, professionnel et personnel, avec des hauts et des bas, des réussites et des moins réussites, ça c'est la vie, mais c'est vraiment ma colonne vertébrale. Et c'est toujours celle à laquelle je suis très attentive, même dans cette nouvelle tranche de vie qui s'ouvrira à moi quand la vie professionnelle salariale s'arrêtera. Ça reste quelque chose d'important dans ma réflexion.
- Speaker #0
J'aimerais bien qu'on aille maintenant sur le sujet du modèle coopératif. C'est des sujets que j'aime bien aborder sur le podcast, à comprendre les modèles d'entreprise, les modèles d'organisation. la précédente fois l'épisode qui te précèdera qui n'est pas encore sorti ce sera le prochain qui va sortir d'ailleurs ce sera une personne qui a créé une structure de gestion de la paie qui parle de sa façon de voir les choses avant ça c'était le modèle Shodo une ESN qui fonctionne avec un modèle très particulier et très axé sur l'humain donc j'aimerais bien aller avec toi sur le sujet du modèle coopératif, j'ai compris cet alignement fort que tu as trouvé dans l'économie sociale et solidaire, comme on dit maintenant. Qu'est-ce qui change selon toi ? Qu'est-ce qui distingue vraiment le modèle coopératif des modèles d'entreprises plus traditionnelles, on va dire ?
- Speaker #1
Pour moi, c'est pareil. La ligne directrice ou la notion fondamentale, c'est que la coopérative, comme toutes les structures de l'économie sociale et solidaire, d'ailleurs, dans des formats et des statuts différents, Elles mettent quelque part l'humain ou l'individu au centre de l'organisation. Et ça, c'est vraiment essentiel pour moi. Et d'ailleurs, mon envie personnelle de travailler dans ce secteur-là, c'est une envie militante. Bien avant de choisir un secteur d'activité, etc., c'est une envie militante qui est celle de montrer qu'il y a une alternative au capitalisme pur et dur, si on prend des grands mots, ou à l'entreprise classique, si on veut dire les choses en douceur, mais qu'il y a une alternative. à ce capitalisme dont on connaît aujourd'hui quand même les ravages, notamment humains. En tout cas, c'est vraiment ma façon de voir les choses. Et donc, la coopérative de salariés, puisque c'est la coopération dans laquelle je travaille. Il y a des coopératives d'agriculteurs, de commerçants. Celle dans laquelle je travaille, c'est une coopérative de salariés, c'est-à-dire qu'on est tous associés à notre entreprise. Évidemment, ça donne des choses qui sont radicalement différentes. la première chose c'est que Ce sont des entreprises dans lesquelles la démocratie a été implantée, la citoyenneté a été implantée. Donc, dans les coopératives, la règle de décision, c'est une personne égale une voix. Donc, que vous ayez 80% du capital ou 3% du capital, vous aurez une voix dans les décisions qui sont, dans les grandes décisions qui sont prises dans l'entreprise. Évidemment, c'est les grandes décisions. Au quotidien, il y a une direction, les affaires tournent, on ne peut pas se réunir à 800 pour aller prendre toutes les décisions. donc il y a notamment le vote pour le conseil d'administration qui nous gouverne, qui va prendre les décisions au quotidien avec un COMEX salarié. Donc tout ça c'est une notion qui est très proche de la démocratie qu'on connaît quand on va élire nos maires, on les lie pour un mandat de 4 ans, on ne va pas tous les jours l'emmerder parce qu'il a planté un arbre à gauche ou à droite. Mais par contre au bout de 4 ans il va présenter un bilan et on va décider si jamais on continue à faire confiance à ce maire-là. On est exactement dans la même chose dans une coopération. Dans une coopérative, on va élire un conseiller d'administration, on va élire un gérant, si c'est une plus petite coopérative, qui va diriger au quotidien avec un comité de direction ou avec un comex de taille plus importante, mais il va rendre des comptes à ses actionnaires, et ses actionnaires, ce sont ses salariés. Donc quand on rend des comptes à ses salariés, on a des préoccupations qui ne sont pas tout à fait les mêmes que quand on rend des comptes à des actionnaires extérieurs, dont l'objectif, c'est de faire de la rentabilité et de la rémunération de part sociale. Dans une coopérative, l'objectif, c'est que l'entreprise soit rentable, c'est qu'elle se développe et qu'on y vive bien. Et ça, ça fait une notion qui est radicalement différente. Et puis, il y a une deuxième chose à laquelle je suis très sensible, qui est un petit peu technique, tu verras si tu le gardes ou pas, mais dans une entreprise coopérative, quand il y a des résultats, ce qui est l'objectif, c'est-à-dire des bénéfices, il y a une partie qui est rétrocédée. aux salariés, parce qu'on considère qu'il faut du capital pour faire vivre une entreprise, mais il faut aussi des salariés pour la faire tourner. Et donc, on reconnaît le travail au même titre que le capital. On ne crache pas sur le capital, mais on remet les choses un peu en balance. Il faut les deux pour faire vivre une entreprise. Et quand il y a des bénéfices, il y en a aussi une partie qui est mise en réserve. Et ces réserves, elles sont impartageables. Donc, elles appartiennent pour toute la vie à la coopérative. Là où dans une entreprise classique, les réserves, elles appartiennent aux actionnaires. Donc si j'ai 80% du capital dans une entreprise classique et que je m'en vais, je vais prendre 80% des réserves. Et ça, ça met au tapis pas mal d'entreprises. Et le fait que ces réserves soient infartageables, ça inscrit les entreprises coopératives dans du long terme. Donc on a aussi le temps de tester des idées, d'explorer des sujets. On n'est pas dans une course au court terme comme le sont toutes les entreprises qui sont notamment cotées, etc. Et chez nous aussi, dernière chose qui ne va pas être négligeable, les ressources humaines ne sont pas une variable d'ajustement. Donc évidemment, tout le monde ne reste pas dans une coopérative, il faut bien faire son travail, etc. C'est la vie professionnelle, mais à aucun moment on va faire des plans sociaux pour améliorer la rentabilité d'une entreprise, pour que les actionnaires soient mieux servis, puisque les actionnaires, c'est nous. Donc, on n'y a absolument aucun intérêt. Donc, c'est vraiment une alternative qui place l'être humain, l'individu au cœur du système, au même titre que le capital, et qui donne des choses très différentes dans l'attention qui est portée aux ressources humaines dans l'entreprise. Et pour moi, c'est vraiment ce que j'ai voulu faire en y allant et en y contribuant, c'est participer à la démonstration. que c'est possible parce que nous, on est une coopérative, on a 3500 salariés, on est présent dans 20 pays, on se développe, on va bien. Donc montrer qu'il y a d'autres façons de faire entreprise et qu'il y a des alternatives qui sont crédibles et qui sont beaucoup plus durables.
- Speaker #0
Merci pour ces explications, c'était très pédagogique, je pense que c'est bien clair pour tout le monde et pour moi aussi au passage. Donc, merci. Donc tu as parlé de COMEX, donc vous, vu la taille, c'est un COMEX que vous avez ?
- Speaker #1
Chez UP, oui, le conseil d'administration est élu, ce conseil d'administration va élire un président qui, pour diriger au quotidien, va choisir, constituer un COMEX, dont je fais partie.
- Speaker #0
Et justement, quel type de défi spécifique à votre situation de coopérative rencontre un COMEX ? Est-ce que la gouvernance, elle diffère d'un groupe classique ou pas ?
- Speaker #1
Il y a des composantes en plus. Mais après, on est dans le monde dans lequel on vit. Donc, évidemment, il faut faire du chiffre d'affaires, il faut se développer, il faut faire de la croissance externe, il faut trouver les bons salariés. Tout ça, c'est des logiques économiques qui sont les mêmes. Mais on va avoir peut-être des... des dimensions supplémentaires qui vont amener aussi des effets supplémentaires. Je dirais que le premier, c'est une nécessité de formation. Si on veut que les salariés dont je fais partie se retrouvent en Assemblée Générale pour donner un quitus à une gouvernance, approuver les comptes, bref, ce qui se fait dans une Assemblée Générale d'entreprise, il faut qu'ils aient la capacité de comprendre et de lire. les comptes de l'entreprise, se poser les bonnes questions, savoir prendre du recul sur ça, et ça, ça nécessite de l'information, parce qu'on n'arrive pas tous avec ce bagage-là. Évidemment, ceux qui vont arriver avec des fonctions financières vont l'avoir peut-être plus facilement, mais il y a des tas d'autres fonctions indispensables dans une entreprise, comme le commercial, comme le service client, comme le marketing, etc., qui ne sont pas forcément armés pour savoir lire les comptes d'une entreprise, poser les bonnes questions, pour pouvoir ensuite faire des votes en toute connaissance de tout. Donc je dirais que ça c'est une première exigence qui est importante, qui est la formation. La deuxième c'est évidemment la transparence. Pour gouverner une entreprise coopérative, il faut avoir un minimum de transparence pour que l'ensemble des salariés comprennent ce vers quoi on va, comprennent l'univers dans lequel on vit, comprennent les choix et les décisions qui sont sont faites et comprennent quand on... On revient devant eux, donc quand la gouvernance revient devant nous pour nous faire un bilan de l'année passée et les perspectives des années suivantes. Mais ces questions de formation, de transparence, de pédagogie… d'embarquer, etc., qui sont probablement bien plus importantes et exigeantes que dans une entreprise classique, elles ont un revers de la médaille. C'est une implication qui est bien plus grande. Si je suis dans une entreprise qui m'explique ce qui se passe, qui m'explique ce qu'on fait, qui sur les grandes décisions va me poser des questions et me demander mon avis, qui va avoir une attention particulière à la formation et au bien-être en entreprise, alors il y a quand même toutes les chances, si c'est bien fait, que je sois vachement plus impliquée dans mon entreprise et que j'ai très envie qu'elle fonctionne. Et ce, d'autant plus que quand elle dégage des bénéfices, il y en a une partie qui va revenir dans mon porte-monnaie. Donc, je suis motivée absolument à tous les égards. Voilà un peu les différences. On dit souvent, oh là là, mais c'est long les décisions dans une coopérative. Non, parce qu'il y a une gouvernance qui est mise en place tous les jours pour pouvoir prendre des décisions. Mais cette gouvernance va avoir une attention au fait que ce soit bien compris. et bien expliquer à l'ensemble des salariés. Je ne sais pas si j'ai été claire, mais c'est un peu ça que je voulais expliquer.
- Speaker #0
Oui, je comprends bien, effectivement. À partir du moment où on a la capacité à prendre des décisions, il faut être vraiment informé, pleinement informé, et pleinement comprendre les conséquences des décisions. Ça paraît très cohérent. Tu as utilisé le mot coopération tout à l'heure, donc de toute façon coopérative, coopération. C'est au cœur de ton métier aujourd'hui. Qu'est-ce que ça change dans ta manière à toi d'exercer ton leadership ?
- Speaker #1
Je pense que c'est la même chose, vraiment. Pour moi, c'est la même question. On va être dans la nécessité peut-être plus importante d'embarquer, d'expliquer, de former. Membre de COMEX ou à mon poste de direction, je pense que c'est exactement la même réponse que je te fais.
- Speaker #0
À partir du moment où tu as déjà fait de toute façon le choix de mettre l'humain au cœur, coopératif ou pas coopératif, c'est au cœur de toi, de tes valeurs. Allons un petit peu sur le côté plus féminin, on ne l'a pas encore abordé. Tu es membre d'un comex, je ne sais pas s'il est très masculin ou pas, tu vas nous le dire. Comment est-ce que toi tu as trouvé ta place et qu'est-ce que ça demande ? Je vais utiliser le terme de posture intérieure, tu me diras si ça te parle ou pas.
- Speaker #1
Oui, ça c'est un long chemin. Donc quand je suis arrivée, le comex était très très masculin, il l'est un peu moins, même s'il est toujours majoritairement masculin, mais c'est vraiment un long chemin. En tout cas pour moi ça a été un long chemin dans lequel il y a des pièges, pour moi, ceux que j'ai identifiés, et je vais mettre tout de suite un bémol, je trouve que les choses évoluent quand même plutôt bien. de façon générale et pas uniquement dans l'entreprise dans laquelle je suis. Le premier piège, c'est celle de prendre tous les codes masculins du pouvoir et d'exercer ça à la mode masculine, un peu en mec. C'est simple à faire. Sûrement, ça marche assez bien, mais je trouve qu'on y perd beaucoup en authenticité et qu'on s'y perd soi-même. Donc, moi, ce n'est pas un chemin que j'ai voulu prendre. Le second, c'est de se... transformer. Alors, j'aime bien cette image un peu en sorte de harpie, on utilise beaucoup dans les livres le mot sorcière. Il y a eu plein de bouquins, Mona Cholet, les sorcières, une espèce de sorcière, de hausser la voix pour se faire entendre, parce qu'on se fait souvent couper la parole, il faut quand même qu'on se le dise. Il y a dans un article du Monde, je crois que c'est hier, j'ai pensé à toi justement, il y a une étude de Mediapart de 2024 qui dit les femmes se font couper la parole deux fois plus souvent que les hommes et plus on va dans les instances de direction, plus ça s'accentue. Bon, c'est exactement ça. Et du coup, pour se faire entendre, on hausse le ton, on se transforme un peu en mégère, etc. Et alors après, ça te fait une réputation de nana pas commode qui circule partout, qui n'est pas forcément évidente ni à assumer, ni à porter. Enfin bref, c'est un long chemin, je ne suis pas sûre qu'il y ait une seule recette. Pour moi, c'est beaucoup passé par l'humour, un humour un peu gentiment taquin. Je pense que j'ai eu une première phase un petit peu mégère, un peu haussé le ton avant de me rendre compte que ça ne marchait pas du tout bien. Et puis finalement, je suis venue à une sorte d'humour un peu taquin parce que je crois vraiment, et c'est mon regard qui a changé, qui m'a permis… d'adoucir peut-être la position. Je crois que ces modèles, on en est tous, les héritiers et les héritières, hommes comme femmes, et qu'on se dépatouille avec ça et que c'est naturel, ni pour les uns ni pour les autres. J'ai une petite anecdote que j'aime beaucoup. Je ne sais pas si je te l'avais raconté quand on avait préparé, mais il n'y a pas très longtemps, il y a un an ou deux ans, j'étais dans une toute petite réunion avec… On était quatre membres du COMEX. Ce n'est pas moi qui avais provoqué la réunion. Et j'étais la seule femme. Donc, on fait la réunion qui dure trois quarts d'heure. Et à la fin, celui qui a organisé la réunion se tourne vers moi et dit « Qu'est-ce qui pourrait faire un mini compte-rendu, Sylvie ? Est-ce que tu veux bien t'en occuper ? » Et... Et donc, je lui dis « Bon, mais pourquoi tu penses à moi ? » Et il me répond « Parce que tu le fais super bien. » Et alors, ma réponse à l'humour a été de lui dire « Ah, écoute, je fais aussi très, très bien le ménage. Donc, si tu veux, je peux aussi aller nettoyer ton bureau. » Donc, il est devenu tout rouge. Les autres se sont rigolés un peu jaunes. Et ce qui est intéressant, c'est la suite. Parce qu'il m'a regardée avec beaucoup de sincérité. Il m'a dit « Mais ce n'est pas… » du tout ce que je voulais dire. Et je lui ai répondu, oui, je te crois. Ce qui est intéressant, c'est que tu entendes que c'est comme ça que moi, je l'ai pris. Et c'est là où je dis, on est tous un peu les héritiers et les héritières. C'est-à-dire qu'effectivement, je suis persuadée qu'il n'a pas pensé qu'il me mettait dans un rôle féminin très caricatural et que j'aurais pu lui dire ce que j'aurais fait il y a dix ans. Mais tu te fous de moi ! c'est incroyable, t'en es encore là, propose un compte-rendu parce que je suis une nana, il y en a marre, voilà. J'aurais fait ça il y a 10 ans. Et je pense que le message, il est mieux passé là, parce que ça a fait sourire tout le monde, parce que je l'ai dit avec beaucoup de gentillesse, et parce que je pense qu'il ne me proposera plus jamais de faire un compte-rendu.
- Speaker #0
Non, c'est certain, je crois. Je crois que c'est certain, effectivement. Ça me fait penser à l'art du feedback, parce que c'est aussi un peu... Oui,
- Speaker #1
bien sûr.
- Speaker #0
En fait, c'est des choses que j'ai d'ailleurs apprises dans mes formations de coaching. Comment pouvoir dire quelque chose ? Parce qu'effectivement, quand on va de toute façon sous l'angle de la colère et de l'énervement, on rentre dans des systèmes de toute façon… Ah, tu as perdu la lumière. Oui,
- Speaker #1
j'ai la lumière. Voilà, ça y est, elle est revenue. C'est autre chose.
- Speaker #0
Voilà, on rentre dans un système avec l'autre personne. De toute façon, ça ne va pas être gagnant. Alors qu'effectivement, de formaliser les choses… parvenant à rester calme et puis en pouvant faire comprendre à l'autre ce que nous, on vit, en fait. C'est une façon intéressante. Mais je comprends que ça nécessite un petit peu de pratique pour y arriver.
- Speaker #1
Oui, c'est du temps de sortir du combat, en fait, parce que c'est vrai que moi, je n'ai pas eu énormément de modèles féminins devant moi, des postes de direction, et que j'ai un petit peu été élevée sur si tu veux, ta place m'a fini dans un monde d'hommes, il va falloir fighter. Et mon premier réflexe, c'était le combat. Et moi, ça ne m'a pas convenu. J'aspire à plus de douceur dans la vie. Et donc, l'humour a été un chemin qui m'a permis de dire les choses différemment.
- Speaker #0
De toute façon, à partir du moment où on arrive avec l'idée que ça fait du bien aux entreprises, aux organisations de manière générale, d'avoir des femmes dedans, c'est bien pour qu'on y apporte quelque chose de complémentaire et pas pour qu'on aille faire la même chose. Sinon, si on fait des copiés-collés de ce que font actuellement les hommes qui sont en place, je ne vois pas ce qu'on va y apporter. L'idée, c'est justement que la mixité va avoir un intérêt. Sinon, on vient avec des façons de faire différentes et que chacun profite les uns et les autres. Et que les hommes aussi, ça les fait réfléchir. Tu parles de modèles, etc. Eux aussi. Alors, nous, on n'a pas eu beaucoup de modèles féminins, mais eux, ils ont eu des modèles masculins qui fonctionnaient d'une certaine façon et ce n'est pas facile non plus pour eux de les faire évoluer et d'accepter que ça peut être différent ou même tout simplement de le savoir, en fait, qu'on peut faire autrement.
- Speaker #1
Et quand on a ce regard-là et qu'on comprend qu'on est tous hommes et femmes, héritiers et héritières de cette situation, de cette éducation, etc., alors la douceur peut arriver. ça dure on est moins dans le combat, on est plutôt dans comment est-ce que je peux me positionner avec douceur sans tomber dans les pièges des générations précédentes. Donc ça devient intéressant. Mais il faut attraper ce regard-là et ne pas être dans un fight qui, je pense, a été assez fort sur ma génération. J'espère que ça l'est moins sur les générations suivantes, et notamment la tienne. On verra.
- Speaker #0
Voilà, ça commence à progresser. Mais il y a d'autres problématiques qui apparaissent, parce que beaucoup d'hommes qui, finalement, se sentent déstabilisés, parfois remis en question ou agressés. Donc, c'est d'autres façons de faire. Ou certains qui pensent bien faire en voulant changer, et puis ce n'est pas toujours... On apprend toutes et tous de toute façon. Et l'idée, c'est qu'effectivement, on fasse progresser la société de manière globale. Mais il y a encore du travail. Sylvie, tu es aussi mère de deux filles. Quel message souhaites-tu leur transmettre à travers ta propre trajectoire ?
- Speaker #1
Alors, petit rectificatif, j'ai trois enfants. J'ai deux filles et un fils.
- Speaker #0
Ah, tu as un fils aussi, OK.
- Speaker #1
Qui a sa place comme ses sœurs. Et j'ai réfléchi à cette question que tu m'avais posée. Pas facile, mais en tout cas, ce que j'ai essayé de faire, il faudrait leur demander si c'est ce que j'ai réussi à faire, mais ce que j'ai essayé de faire, c'est de leur dire en premier, ayez le courage d'être vous, c'est-à-dire, cherchez à connaître vraiment vos besoins profonds. en séparant des dictates sociaux, parentaux, etc., qui existent toujours, malgré tout ce qu'on essaye de faire. Ayez le courage de chercher ce pourquoi vous êtes là et quelle va être votre colonne vertébrale. Et je pense qu'ensuite, ce que je leur ai dit, c'est quand vous avez l'impression d'avoir trouvé ça, et continuez à chercher tant que vous ne l'avez pas. Mais après, donnez-vous les moyens. Donnez-vous les moyens, restez authentiques et allez-y. La vie ne s'arrête jamais tant qu'on est curieux des autres, du monde, etc. Il n'y a aucun âge qui va stopper ça. Et je pense qu'à travers mon parcours, c'est cette volonté que j'ai eue de garder ce sens et cette ligne directrice de vie authentique, même si ce n'était pas facile. Et puis, c'est aussi cette curiosité et ouverture que je garde toujours et qui fait que... Je n'ai pas l'impression d'avoir l'âge que j'ai. Ils me disent souvent qu'ils n'ont pas l'impression que j'ai l'âge que j'ai. Et je pense que ça donne envie, particulièrement à mes filles, de faire péter un peu ce plafond de verre avec lequel moi j'ai beaucoup grandi, en leur disant que tout est possible, si vous êtes bien alignées à ce que vous voulez faire, les rencontres arriveront, la vie vous présentera. ce que vous devez accomplir et à ce moment-là, continuez allez jusqu'au bout, donnez-vous les moyens de le faire et ne vous arrêtez jamais d'être curieux du monde et de ce qui vous entoure parce que c'est ça qui vous restera qui vous laissera en vie en fait pour moi, j'ai cette impression que la vie s'éteindra le jour où j'arrêterai d'être curieuse
- Speaker #0
Jolie perspective, tu es aussi formée au coaching Merci. tu as bien fait des formations oui je suis certifiée coach est-ce que ça influence ta façon de diriger d'accompagner tes équipes oui je pense que ça a considérablement modifié il y
- Speaker #1
a plusieurs choses je dirais la première chose c'est probablement Euh... Euh... Le mot m'échappe, mais bon, tant pis. La première chose, c'est probablement de chercher ce pourquoi chacun est fait dans la vie professionnelle. C'est un peu la zone de génie. Tu en dis que tu as une zone de compétence, tu as une zone d'excellence, mais tu as la suivante, dont on parle beaucoup moins, qui est cette zone de génie, qui est que c'est là où tu es très bon, mais en plus où tu t'éclates. Et moi, j'ai toujours pensé que quand on s'éclate, on fait d'autant mieux ce pourquoi en effet. Donc... Donc, d'essayer de comprendre quelle est la bonne place dans une équipe de chacun. Je pense que j'ai des outils que je n'avais pas à une époque. Je pense aussi qu'il y a beaucoup d'empathie dans la façon de manager quand on a les outils du coaching, beaucoup d'empathie vis-à-vis des équipes. Je crois aussi que par rapport aux femmes, qui n'est pas un sujet primordial quand on dirige une équipe, mais qui fait partie. du sujet, j'ai une vigilance beaucoup plus forte que je n'avais avant, parce que globalement, je trouve que les femmes bossent plutôt très bien, mais qu'elles pêchent énormément sur le faire savoir. C'est-à-dire que les femmes, et moi j'ai commencé comme ça, elles ont l'impression que si jamais elles font super bien leur boulot, et bien ça y est, globalement. elles seront reconnues et puis elles auront les promotions qu'elles méritent. Mais en fait, ça ne marche pas comme ça. Certes, il faut bien faire son travail, mais il faut aussi le faire savoir. Et le faire savoir, les femmes ont beaucoup de mal, parce qu'elles ont l'impression que c'est aller écraser les autres, c'est être agressives, c'est revendiquer, c'est des choses avec lesquelles elles ne sont pas très à l'aise. Mais le faire savoir, ce n'est pas forcément ça. Ça peut se faire aussi en étant très authentique. Et c'est juste prendre sa place. et moi je constate quand même que les femmes ont du mal à prendre leur place et le fait d'avoir été sensibilisé à ça me permet d'avoir une attention aux femmes qui sont dans mes équipes Non pas pour les privilégier mais pour remettre un peu l'église au milieu du village et puis faut pas oublier que les femmes ce sont été d'abord des filles et que les filles sont éduquées de manière à être gentille attentionnée et pas faire trop de bruit Et quand on arrive avec ce petit sac à dos en entreprise et qu'on est en face des coéquipiers masculins qui, eux, ont été élevés non pas pour être gentils, à s'instentionner et faire trop de bruit, mais pour challenger, compétitionner et se mettre en avant, les armes sont très inégales. Et c'est ça que j'essaye de rééquilibrer. Le coaching m'a vraiment beaucoup appris sur ce sujet-là.
- Speaker #0
C'est vrai que ces notions d'éducation... On parle d'ailleurs de plus en plus aujourd'hui sur les changements. Il serait bon d'apporter l'éducation des filles et des garçons de deux côtés pour justement avoir davantage d'équilibre. Ça prend du temps et ça n'arrive pas tout de suite dans les entreprises après. J'aimerais bien conclure cette partie sur le leadership féminin avec ta définition du leadership et aussi du leadership authentique.
- Speaker #1
Alors, pour moi, la première chose dans le leadership, c'est donner du sens. Et c'est probablement là que se joue beaucoup l'authenticité. Pas que, mais probablement là. Donner du sens à ce qu'on fait, pourquoi on est là, pourquoi on est dans cette équipe, à quoi sert cette équipe, dans la stratégie de l'entreprise. Parce qu'on est dans le milieu professionnel, on est une entreprise qui a une stratégie. Dans la coopération, c'est beaucoup plus simple. parce qu'on adhère à cette stratégie de fait, puisqu'on en est partie prenante. Mais c'est donner du sens tout le temps. Pourquoi tu fais ça ? À quoi ça sert ? Quelle contribution ça apporte dans la réussite de l'entreprise ? Pour moi, c'est vraiment essentiel pour donner de la compréhension à chacun, donner la juste place à chacun, parce que chacun doit avoir une juste place dans cet écosystème. et puis embarquer derrière. Donc je dirais, c'est donner du sens, et il faut beaucoup d'authenticité pour donner du sens. Il y a l'empathie, j'y reviens. Là aussi, il y a beaucoup d'authenticité, être capable d'entendre, de reconnaître et de faire quelque chose, des compétences, des besoins des uns et des autres. Et puis après, là, plus technique, je dirais qu'il y a bien évidemment la capacité d'adaptation. Et ça, ça a pris beaucoup de place sur ces dernières années, puisque le monde bouge vraiment très, très, très vite. Quand j'ai démarré ma vie professionnelle, franchement, il n'y avait pas forcément besoin de la capacité d'adaptation dont il y a besoin aujourd'hui. Ça allait beaucoup plus lentement. Aujourd'hui, ça va vite, les technos changent, les usages changent, les façons d'y changer. Les générations viennent avec chacune des besoins différents. Donc, une forte capacité d'adaptation parce qu'il faut sans arrêt rester curieux, s'intéresser à ce qui se passe autour et modifier, adapter ce qu'on fait. Et puis le dernier, il est classique, c'est la capacité de décision. On est dirigeant pour décider, on ne peut pas l'oublier. On pourrait presque le mettre en premier, mais pour moi, c'est presque la boucle de tout ça.
- Speaker #0
Eh bien, merci. C'est très complet. Et ça m'amène au sujet suivant, qui est le sujet de l'âge. Je sais que c'est quelque chose qui est important pour toi. Tu m'as dit que tu réfléchissais à lancer un podcast sur l'âge au travail. Pourquoi ce sujet te paraît crucial aujourd'hui ?
- Speaker #1
Il y a sûrement une raison très nombriliste, qui est que je suis très concernée par le sujet. Je le vis au quotidien. Mais c'est vrai que c'est un de... C'est un bédada aujourd'hui. Pas le seul, mais c'en est un. Crucial, pourquoi crucial ? Parce que c'est un sujet qui est très peu pris en compte et qu'il y a beaucoup d'injonctions contradictoires. La première, c'est que ce n'est pas pris en compte alors qu'il y a massivement une génération qui va arriver sur la soixantaine et que donc ça va être un vrai enjeu pour les entreprises qui vont être confrontées à des jeunes de 25 ans et trois générations au-dessus, ou quatre, je n'ai pas calculé, dans la même entreprise. Comment ça marche tout ça ensemble ? Aujourd'hui, ce n'est pas un sujet qui est traité, donc je pense que c'est crucial pour les entreprises. Il y a une autre injonction qui est quand même assez contradictoire, c'est qu'avec l'allongement de la durée de vie professionnelle, il va falloir travailler plus longtemps dans des entreprises qui n'ont pas tellement envie de nous garder plus longtemps. Je parle de façon générique, parce que franchement, je suis hyper chanceuse. Mais de façon générique, quand je regarde autour de moi, les entreprises ne misent plus beaucoup à partir de 55-58. Oui, mais enfin, à 58, il reste encore 8 ans de vie professionnelle à se taper. Ce n'est pas rien, 8 ans. si on est plus motivé ça fait beaucoup de gens qui ne sont pas motivés donc il y a des injonctions contradictoires sur cette question de l'âge au travail qui me paraissent cruciales sur le plan sociétal comme sur le plan entrepreneurial et puis à titre individuel oui je suis dedans donc forcément ça m'impacte oui bien sûr,
- Speaker #0
c'est vrai on parle beaucoup de diversité de genre aujourd'hui, de diversité d'origine ce sont des choses qui sont très très et évoquées aujourd'hui. Mais c'est vrai que la diversité d'âge, on n'en parle pas beaucoup. Et pourtant, on voit bien qu'effectivement, il y a des difficultés. Alors, c'est vrai qu'on a utilisé souvent les termes d'intergénérationnel, mais on sait bien qu'il y a des difficultés pour les gens plus âgés, mais aussi pour les gens plus jeunes. Ce n'est pas un sujet simple. Et justement, pour les femmes en particulier, qu'est-ce qu'elles peuvent rencontrer comme difficultés qui, on va dire, la font tous... propres à elles en vieillissant.
- Speaker #1
Peut-être avant de parler des femmes, moi, ça m'intéresserait de dire deux, trois mots sur l'âge au travail. Qu'est-ce que ça apporte, l'âge au travail ? Et puis après, on va voir ce qui est plus complexe encore pour les femmes. L'âge au travail, évidemment, on va y penser en premier. Ça apporte de l'expérience. Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire pour moi qu'en dehors du savoir-faire, qu'évidemment, on a accumulé, on a plus d'intuition. on a une intuition qui est beaucoup plus grande plus aiguisé. On a une meilleure compréhension des contextes, des enjeux, notamment des enjeux politiques. On a plus de distance dans tout ce qui va être jeu de pouvoir, conflit, etc. Parce que bon, voilà, on a pris un peu de recul quand même. Et puis, on a plus de souplesse. Pour moi, là, j'apporte de la souplesse et non pas de la rigidité. Bref, tout ça, c'est des compétences qui sont super utiles pour les entreprises, d'avoir des personnes qui ont plus de souplesse, qui ont plus de distance par rapport. aux conflits, aux jeux de pouvoir, qui comprennent mieux les contextes, les enjeux. Et en plus, ils ont un savoir-faire, qui ont plus d'intuition, de situation. Il y a des choses qu'on a déjà vécues, donc on a des bouts d'intuition qui arrivent. Et tout ça, ça ne s'apprend qu'avec le temps. Je ne parle pas d'être un super comptable, d'être une super marketeuse digitale ou d'être une super stratégie. Je parle vraiment de toutes ces compétences qui s'apprennent avec le temps. Pour la plupart d'entre nous, il y a sûrement des petits génies qui n'en ont pas besoin. Pour les entreprises, pour moi, c'est une mine d'or. Ces personnes qui sont seniors, on va le dire comme ça, qui vont avoir peut-être moins d'enjeux de carrière, parce que la carrière, elle est en grande partie derrière. Les enjeux sont différents. C'est plutôt de contribuer, c'est plutôt de transmettre. Et puis, moins de contraintes parce que les enfants sont grands. Par exemple, mes trois enfants sont grands, ils n'ont plus besoin de moi au quotidien. Ce n'est pas vrai, j'ai connu les périodes où il fallait jongler avec les babysitters, les sorties d'école, les rendez-vous, les machins, j'ai vécu ça. Mais c'est fini, ils sont grands. Donc toute cette énergie que je leur ai consacrée, maintenant elle est pour moi. Donc ils ont beaucoup d'énergie, beaucoup de temps, une carrière qui est en partie faite et des envies de contribuer, de transmettre. Franchement, pour les entreprises, c'est que du bonheur. Donc l'enjeu pour moi, il est super important de ne pas passer à côté de tout ça. Alors les femmes, là-dedans, elles ont tout ça, comme les hommes, ni plus ni moins. Mais il y a une injustice qui se reproduit, qui est que les hommes vont mûrir dans la vie, et les femmes vont vieillir. On retrouve ça dans le travail. Les hommes vont, c'est un peu la double peine d'ailleurs, c'est pénible, mais bon, les hommes vont mûrir, ils vont être des experts. on va aller plus facilement les solliciter pour avoir des conseils, etc. Non, les femmes, elles vieillissent. Donc, elles deviennent invisibles beaucoup plus facilement que les hommes. D'ailleurs, regardez les femmes aux cheveux blancs et les hommes aux cheveux blancs dans une entreprise. Les hommes, ils ne cachent pas leurs cheveux blancs. Ça leur donne une assise. Les femmes, elles luttent contre les cheveux blancs tant qu'elles travaillent.
- Speaker #0
Il y a d'ailleurs quelques actrices qui ont essayé d'avoir les cheveux blancs et puis au bout de quelques mois, on les voit revenir de nouveau avec de la couleur dans les cheveux.
- Speaker #1
Avec de la couleur dans les cheveux, oui. Et en entreprise, c'est évident. Donc voilà. Et les femmes, elles, dans la... la vie de tous les jours, elles ont quand même la charge des enfants beaucoup plus que les hommes. Donc quand elles deviennent seniors, elles n'ont plus cette charge-là, par contre elles ont l'habitude de faire dix choses en même temps, d'être surbookées, parce que les enfants plus le boulot, plus parfois les parents âgés, ça fait beaucoup. Et donc quand il n'y a plus les parents âgés, les enfants sont devenus grands, il y a beaucoup de potentiel et la différence est encore plus forte pour moi, pour une femme que pour un homme, dans cette trajectoire de vie professionnelle. Mais on a cette double peine de vieillir aussi en entreprise par rapport à la maturité d'un homme. Donc, c'est quelque chose qu'il faut arriver à repositionner différemment.
- Speaker #0
Et par curiosité, ton podcast, tu l'envisageais plutôt comme un podcast solo ou tu envisageais des interviews ? Qu'est-ce que tu imagines ?
- Speaker #1
Alors non, on est deux femmes dirigeantes, seniors. à réfléchir, à lancer à ce podcast. Et ce qu'on veut faire, c'est des interviews plutôt de seniors qui vont combattre les idées reçues sur la séniorité et montrer qu'on peut être encore très engagé, très dynamique, avoir plein d'idées et continuer une vie professionnelle très épanouie. Donc, on voudrait un peu casser le plafond de verre pour montrer que tout ne s'arrête pas à la séniorité, sachant que je rappelle quand même que la définition légale de la séniorité, c'est 45 ans.
- Speaker #0
Voilà, j'y suis.
- Speaker #1
Voilà, il faut être un peu osé. Et nous, on a dit à partir de 50. Bon, voilà, on s'est mis là-dedans.
- Speaker #0
Ok, écoute, j'attends avec impatience que tu me donnes plus d'informations, puis je me ferai le relais.
- Speaker #1
Et quand même préciser que j'ai la chance de vivre professionnellement dans cette entreprise que je trouve passionnante sur beaucoup de plans et par moments très exemplaires. Je suis dans une entreprise qui vient de me faire une promotion vraiment très sympathique et intellectuellement passionnante, alors que je suis une femme de 60 ans. Je suis très reconnaissante parce que je vois autour de moi comment ça se passe majoritairement et très heureuse de pouvoir vivre ça.
- Speaker #0
Je suis ravie d'apprendre qu'il y a des entreprises qui ont quand même un peu de bon sens. Il nous reste un sujet, c'est la question de la transmission que tu évoquais. Et donc, toi, tu enseignes à Paris Dauphine.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Quels sont les messages essentiels que tu as envie de transmettre à ces nouvelles générations de futurs leaders, pour une partie d'entre eux en tout cas ? Euh...
- Speaker #1
Allô ? Bon, probablement un peu des choses comme pour mes enfants, mais dans une dimension qui n'est pas familiale. Donc, je vais peut-être moins leur parler, de chercher vraiment ce pourquoi ils sont faits, bien que c'est quelque chose que j'aborde quand même un tout petit peu. Mais ce que je leur dis beaucoup, donc c'est un master entrepreneuriat, donc c'est des gens qui ont envie d'entreprendre ou d'accompagner des entrepreneurs. Ce que je leur dis beaucoup, c'est qu'on n'avance jamais seul dans la vie. Il y a un adage un petit peu... un peu simpliste qui dit tout seul on avance vite mais à plusieurs on va beaucoup plus loin quelque chose comme ça mais on n'avance jamais seul dans la vie il faut savoir s'entourer de personnes positives qui ont confiance en vous et je pense que ça c'est vraiment super important ne pas s'entourer de gens négatifs qui sont tout le temps en train de vous tirer vers le bas mais s'entourer d'un genre positif qui ont confiance dans vous, dans vos projets et ne pas penser qu'on avance tout seul, parce que ce n'est pas vrai. Dans la vie, c'est une succession de rencontres, on n'avance jamais tout seul. Et puis après, il y a des tas de petits tips que j'aurais aimé avoir compris plus tôt, qui m'auraient fait gagner du temps, comme par exemple savoir vraiment écouter. Je leur fais faire beaucoup de jeux sur ce que ça veut dire d'écouter. Écouter son client, écouter ses équipes, écouter ses concurrents, savoir vraiment écouter. Ne pas tomber amoureux de ses idées, par exemple, aussi. Il y a des tas de choses comme ça, qui sont plutôt des petits tips. et puis savoir présenter et être convaincant, présenter ses projets, ses idées et être convaincant et savoir embarquer. Je pense que c'est vraiment des choses importantes dans les tips.
- Speaker #0
Oui, c'est intéressant, ça fût du domaine du savoir-être d'ailleurs, il y a un peu entre les deux. Ce sont des choses qui ne sont pas enseignées à l'école en général, qui sont peu transmises. Donc, c'est une chance de pouvoir bénéficier de ta séniorité et donc de tes compétences acquises et développées sur ces choses. Et pour finir, je sais que tu aimes lire. Quel livre est-ce que tu aimerais recommander aux personnes qui nous écoutent, qui veulent explorer ces sujets que tu as évoqués ? Et puis, le leadership ? Pourquoi pas les aspects modèle entreprise ?
- Speaker #1
Alors, moi je suis fille de libraire, donc je lis beaucoup, je lis beaucoup de romans, mais pas que. Donc j'ai réfléchi, j'ai choisi le premier, c'est Le rêve de Marc Aurel, de Daniel Lenoir, qui est un livre sur la vie de Marc Aurel, qui a été un stoïcien, qui a voulu appliquer... plutôt la pensée stoïcienne. Et il y a un certain nombre de choses de la pensée stoïcienne qui sont bien décrites dans Sivela et qui ont beaucoup parlé, y compris dans la vie professionnelle. Et par exemple, il y en a une que j'ai retenue, que j'ai choisie celle-ci pour partager avec toi. Ce n'est pas la réalité qui nous rend heureux ou malheureux, mais c'est la représentation que nous en avons. Et je pense que c'est quelque chose qui est tellement utile pour avancer dans la vie et dans la vie professionnelle. Le deuxième livre qui est en lien avec les femmes au travail, c'est le guide de l'autocoaching pour les femmes de Sheen Lansman, qui est quelqu'un qui m'a beaucoup apporté dans ma vie professionnelle. Et je trouve son livre plein de petits exercices, de petites choses à faire, très chouette. Sur l'âge, moi, le livre qui m'a beaucoup plu, c'est « Qui a peur des vieilles » de Marie Charelle. J'aime le titre. Mais quand même, c'est un livre qui met beaucoup en avant les injonctions contradictoires, ces fameuses injonctions contradictoires dans lesquelles on baigne tous. Comment est-ce qu'on peut... Il faut qu'on soit authentique, naturel, mais qu'on reste quand même mince et joli. Qu'est-ce que c'est que la peur de vieillir ? Qu'est-ce que c'est que la peur de vieillir au travail ? Voilà, c'est un livre qui est passionnant aussi. Et puis après, j'ai mis un roman parce que j'avais envie aussi Merci. J'ai un roman qui n'a rien à voir avec l'entreprise, le leadership, la transmission, etc. C'est le fameux livre « Madeleine avant l'aube » de Sandrine Collette, qui a eu je ne sais plus quel prix cette année, qui est un livre, pour moi, une écriture éblouissante, rappeuse, rugueuse, et un livre qui est à la fois violent, parce qu'il parle de soumission des hommes face à d'autres hommes, et en même temps plein d'humanité malgré tout et c'est toujours cet équilibre qui n'est pas facile à trouver dans la vie et c'est vraiment un très très beau roman
- Speaker #0
Écoute, je te remercie Merci déjà Sylvie pour cette plongée dans ton parcours dans tes réflexions dans tes prises de conscience on va retenir que le leadership peut être coopératif, qu'il peut être ancré dans le sens et qu'il y a un enjeu fort aussi à repenser l'âge en entreprise Merci aussi pour ton partage sincère de ce que ça signifie d'être une femme au pouvoir, sans renoncer à qui on est et à son intériorité. Merci aussi pour tes recommandations de lecture que je vais soigneusement mettre dans les notes de l'épisode.
- Speaker #1
Est-ce que tu en as lu un de ces quatre-là ?
- Speaker #0
Non, je suis très contente parce que j'ai tellement fait quatre nouveaux à lire.
- Speaker #1
Ça va allonger ta pile.
- Speaker #0
Voilà, exactement. je n'ose pas te la montrer donc merci je les mettrai dans les notes que ce soit sur Youtube ou que ce soit sur les plateformes de podcast ce sera accessible dans les notes de l'épisode avec les auteurs et les titres et puis pour toutes les personnes qui nous écoutent je vous invite aussi à partager cet épisode si vous pensez qu'il peut inspirer des femmes ou des hommes autour de vous donc merci Sylvie c'était un épisode extrêmement intéressant
- Speaker #1
Merci Marie-Laure et bonne continuation à toi.
- Speaker #0
Merci.