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Les objets ont-ils du pouvoir ? Considérer la dimension matérielle de la domination. Avec Pierre-Yves Trouillet cover
Les objets ont-ils du pouvoir ? Considérer la dimension matérielle de la domination. Avec Pierre-Yves Trouillet cover
Le sens des mots, un podcast des Éditions de l'ENS de Lyon

Les objets ont-ils du pouvoir ? Considérer la dimension matérielle de la domination. Avec Pierre-Yves Trouillet

Les objets ont-ils du pouvoir ? Considérer la dimension matérielle de la domination. Avec Pierre-Yves Trouillet

12min |25/06/2025
Play
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Le sens des mots, un podcast des Éditions de l'ENS de Lyon

Les objets ont-ils du pouvoir ? Considérer la dimension matérielle de la domination. Avec Pierre-Yves Trouillet

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12min |25/06/2025
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Description

Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l’importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s’interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par les objets rituels en Inde ou la vychyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d’explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l’exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination ou, à l’inverse, de résistance, voire d’émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l’ouvrage collectif Le pouvoir des objets. La construction matérielle de la domination. Un ouvrage qu’il a codirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #ENS ÉDITIONS

    [♫ FOND SONORE ♫] Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • #EXTRAITS SONORES

    [♫ FOND SONORE ♫] Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, des tas de couverts et des pelles à gâteaux. Cet objet-là avait quelque chose à dire, il passait lui-même au-delà de son propre usage. En fixant un objet, Spoerri montre que l'objet n'est pas celui qu'on croit qu'il est. Cette chemise-là, c'est une Vyshyvanka, c'est le nom de la chemise, une pièce ancestrale en Ukraine là-bas... [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l'importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s'interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par des objets rituels en Inde, ou la Vyshyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d'explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l'exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination, ou à l'inverse de résistance voire d'émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du Sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l'ouvrage collectif « Le pouvoir des objets, la construction matérielle de la domination ». Un ouvrage qu'il a co-dirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace. Soyez indulgents pour la qualité sonore, cet entretien a été enregistré à distance.

  • #PIERRE-YVES TROUILLET

    Alors, le premier mot que nous avons choisi est effectivement le terme « pouvoir », car derrière le titre du livre « Le pouvoir des objets », nous souhaitons avant tout examiner les rapports que les objets entretiennent avec le pouvoir. Et il peut y avoir deux façons d'envisager cette question. La première est de considérer que les objets peuvent eux-mêmes avoir du pouvoir. On sait en effet que certains objets sont considérés comme ayant du pouvoir, ou du moins un certain pouvoir. On peut penser par exemple dans le champ religieux aux objets rituels ou aux talismans, qui sont considérés comme pouvant protéger des mauvais sorts ou permettre de communiquer avec le divin ou avec des ancêtres. Dans le champ économique, on peut songer à certains objets marchands qui peuvent exercer une force d'attraction consumériste sur les individus, comme par exemple un téléphone dernier cri. Ou encore dans le domaine plus psychologique, on peut penser aux pouvoirs émotionnels qu'ont certains objets dotés d'une valeur sentimentale, voire affective, comme par exemple les doudous des enfants. Il y a d'ailleurs toute une littérature dans les sciences sociales qui considère que les non-humains comme les objets peuvent avoir un certain pouvoir, ou plutôt une certaine capacité d'action sur le monde social. Ensuite, la seconde façon de penser les rapports entre les objets et le pouvoir, c'est de considérer que les objets participent à l'expression des rapports de pouvoir grâce à leur matérialité et à leur symbolique. Et c'est surtout cette dimension qui est traitée dans le livre, d'où son titre « La construction matérielle de la domination », parce qu'il peut être intéressant en effet de se demander comment les objets sont mobilisés dans les rapports de pouvoir et de domination, comment ils interviennent dans l'exercice et dans la construction du pouvoir, qu'ils soient individuels ou collectifs, et comment les objets peuvent être des instruments de domination. Parce qu'en effet, les objets sont partout dans nos sociétés. Donc ils s'inscrivent forcément dans les relations sociales. Et puis, les formes matérielles des objets et leurs significations sociales peuvent être très variables d'un objet à l'autre et même d'une société à l'autre. Si bien que le rôle des objets dans l'expression des rapports de pouvoir se manifeste dans une grande variété de registres. Ça peut concerner par exemple la matérialité d'un pouvoir institutionnel, qui peut s'exprimer à travers les barreaux d'une prison, les murs des centres de rétention ou même l'estrade d'un professeur dans une salle de classe, comme cela est traité dans plusieurs chapitres du livre. Mais ça peut aussi concerner un pouvoir beaucoup plus individuel et symbolique, s'exprimant par exemple à travers la possession ostentatoire d'objets chers, d'objets d'art ou encore d'objets rituels, qui peuvent tous participer à la construction du statut individuel, à sa distinction, voire à l'exhibition d'un rang social dominant, comme l'avaient bien compris notamment Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu. Et puis, les objets peuvent aussi intervenir dans l'expression d'un pouvoir sur un territoire. Et là, le meilleur exemple est probablement le drapeau, dont la symbolique sociale et identitaire transcendent largement son aspect matériel, comme cela est traité dans un autre chapitre du livre. Donc en d'autres termes, l'idée de ce livre est d'examiner comment le pouvoir se construit et s'exprime par la matérialité, et en particulier par les objets. [♫ FOND SONORE ♫] Le deuxième terme que nous avons choisi est le mot « résistante ». Parce que si les objets interviennent dans la construction du pouvoir et de la domination, ils peuvent aussi être mobilisés dans la résistance à la domination et dans la fabrique du contre-pouvoir. Et les mouvements contestataires peuvent produire toute une panoplie d'objets pour affirmer publiquement leurs revendications, comme par exemple des banderoles ou des affiches politiques. Et ces mouvements peuvent aussi générer certains emblèmes matériels, au point de composer parfois une véritable « contre-culture matérielle ». Et il est assez frappant de voir que certains de ces objets, emblèmes de contre-pouvoir, sont souvent détournés de leurs premiers usages. Ce fut par exemple le cas lors de la révolution des Œillets au Portugal, durant laquelle les conjurés arboraient cette fleur qui se vendait sur le marché central de Lisbonne en signe de ralliement. Et puis bien sûr, plus près de nous, c'est aussi le cas du mouvement des Gilets jaunes, dans lequel un objet d'équipement automobile on ne peut plus banal est devenu un véritable symbole de lutte sociale hautement politisé. Et c'est aussi le cas de la chemise brodée ukrainienne qui est devenue un vêtement national, symbole de la résistance à l'hégémonie russe, comme le montre un des contributeurs dans le livre. Donc dans l'expression matérielle des rapports de pouvoir, la valeur symbolique et politique de certains objets peut aussi être mobilisée par des groupes dominés ou se considérant comme dominés. Et derrière les détournements politiques des usages et du sens même des objets, on voit non seulement que les objets peuvent être politisés, mais aussi que leur symbolique sociale peut évoluer. Et l'exemple du gilet jaune montre bien que le sens politique des objets est en fait assez malléable, et donc que la symbolique sociale et politique d'un objet est loin d'être figée. Et cela, à tel point que parfois le sens politique des objets peut même être retourné contre les dominants au gré des changements sociaux et des contestations politiques. Notamment le cas du durag aux États-Unis, qui est un foulard à l'origine imposé par les esclavagistes aux femmes noires esclaves pour cacher leur chevelure. qui devint plus tard un signe de stigmatisation associé aux ghettos afro-américains et aux détenus noirs dans les prisons. Mais le durag est surtout devenu aujourd'hui un objet identitaire opposé à la culture blanche dominante, arboré d'abord par des rappeurs noirs dans les années 90, puis par des gravures de mode afro-américaines, et qui fut aussi très présent dans les manifestations du mouvement Black Lives Matter à la suite du décès de George Floyd en 2020. Le durag est donc finalement devenu un symbole d'émancipation et de résistance afro-américaine. Donc la vie sociale de cet objet, pour reprendre une expression de l'anthropologue Arjun Appadurai, montre ainsi combien la valeur politique des objets est loin d'être immuable, et peut même se retourner contre ceux qui exercent du pouvoir. [♫ FOND SONORE ♫] Et le dernier terme que nous avons retenu est le mot « espace ». Cela tout d'abord parce que la majorité des contributeurs de cet ouvrage sont des géographes, et cela se retrouve dans le propos du livre qui s'appuie sur des enquêtes de terrain menées dans des pays et des sociétés très variées, mais aussi parce que nous portons une attention très particulière à l'espace des sociétés, pour comprendre comment les objets interviennent dans le social et dans les rapports de pouvoir. En effet, étudier les objets revient à étudier la matérialité, et étudier la matérialité nécessite de prendre en compte l'espace des sociétés. Les objets sont disposés, conservés, déplacés et échangés dans l'espace, donc on ne peut pas vraiment ignorer l'espace pour examiner le rôle des objets dans les relations sociales. D'ailleurs, plusieurs auteurs, comme le géographe Milton Santos, considèrent l'espace comme un système d'objets associé à un système d'actions dans lequel les objets jouent un rôle dans le processus social. Donc s'intéresser au pouvoir des objets et à la matérialité des faits sociaux oblige à considérer l'espace, et cette idée est également traitée dans un chapitre du livre. Ensuite, cette prise en compte de l'espace permet aussi de mesurer l'étendue de la vie sociale des objets, depuis leur production jusqu'à leur mort, voire leur deuxième vie en cas de recyclage, en passant bien sûr par les différentes étapes de leur usage ou de leur consommation. On peut par exemple suivre la chaîne de production et d'approvisionnement d'un fruit exotique, comme l'avait fait Ian Cook au sujet d'une papaye depuis une ferme en Jamaïque jusqu'à un appartement de consommateur à Londres, en passant par les rayons d'un supermarché. Il avait suivi ces différentes étapes de la vie de la papaye pour mieux comprendre les rouages d'une filière mondialisée dominée par les pays du Nord. Plusieurs chapitres du livre s'intéressent précisément aux circulations des objets tout au long de leur vie sociale, notamment les chapitres consacrés aux œuvres d'art, aux statues rituelles hindoues, au vêtement national ukrainien ou même à l'invention d'un drapeau guyanais. Et puis, la prise en compte de l'espace pour comprendre le rôle des objets dans les rapports de pouvoir envoie aussi à la question des régimes de visibilité, puisqu'en effet, la question de la matérialité du pouvoir renvoie d'abord à celle de sa mise en scène. Michel Foucault avait d'ailleurs expliqué que « le pouvoir c’est ce qui se voit, ce qui se montre, ce qui se manifeste ». Et à l'inverse, on sait combien l'invisibilisation, notamment dans l'espace public, est un moyen de domination. Et derrière ces questions de visibilité du pouvoir, s'opèrent des stratégies de légitimation et d'institutionnalisation de la domination. Par exemple, dans l'espace public, le pouvoir politique se montre notamment dans le décor urbain, par l'intermédiaire d'une multitude d'objets, comme des affiches, des statues, ou encore des monuments, ou des œuvres d'art. Et puis enfin, les logiques de distinction exprimées à travers l'affichage de certains objets prisés montrent bien que les objets peuvent participer à construire ou à reproduire des statuts sociaux inégaux entre les personnes. Donc tout cela illustre la valeur sociale et politique des objets qui est régulièrement mise en scène dans l'espace et dans l'interaction sociale. [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Le pouvoir des objets, est issu des activités conduites dans le cadre d'un atelier de recherche du laboratoire Passages, une UMR CNRS des universités de l'ENSAP de Bordeaux. Ce livre est à retrouver en version papier sur le site de'ENS Éditions et chez votre libraire. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme Open Edition Books. C'était Le Sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et à la réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition. [♫ FOND SONORE ♫]

Description

Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l’importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s’interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par les objets rituels en Inde ou la vychyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d’explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l’exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination ou, à l’inverse, de résistance, voire d’émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l’ouvrage collectif Le pouvoir des objets. La construction matérielle de la domination. Un ouvrage qu’il a codirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #ENS ÉDITIONS

    [♫ FOND SONORE ♫] Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • #EXTRAITS SONORES

    [♫ FOND SONORE ♫] Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, des tas de couverts et des pelles à gâteaux. Cet objet-là avait quelque chose à dire, il passait lui-même au-delà de son propre usage. En fixant un objet, Spoerri montre que l'objet n'est pas celui qu'on croit qu'il est. Cette chemise-là, c'est une Vyshyvanka, c'est le nom de la chemise, une pièce ancestrale en Ukraine là-bas... [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l'importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s'interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par des objets rituels en Inde, ou la Vyshyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d'explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l'exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination, ou à l'inverse de résistance voire d'émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du Sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l'ouvrage collectif « Le pouvoir des objets, la construction matérielle de la domination ». Un ouvrage qu'il a co-dirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace. Soyez indulgents pour la qualité sonore, cet entretien a été enregistré à distance.

  • #PIERRE-YVES TROUILLET

    Alors, le premier mot que nous avons choisi est effectivement le terme « pouvoir », car derrière le titre du livre « Le pouvoir des objets », nous souhaitons avant tout examiner les rapports que les objets entretiennent avec le pouvoir. Et il peut y avoir deux façons d'envisager cette question. La première est de considérer que les objets peuvent eux-mêmes avoir du pouvoir. On sait en effet que certains objets sont considérés comme ayant du pouvoir, ou du moins un certain pouvoir. On peut penser par exemple dans le champ religieux aux objets rituels ou aux talismans, qui sont considérés comme pouvant protéger des mauvais sorts ou permettre de communiquer avec le divin ou avec des ancêtres. Dans le champ économique, on peut songer à certains objets marchands qui peuvent exercer une force d'attraction consumériste sur les individus, comme par exemple un téléphone dernier cri. Ou encore dans le domaine plus psychologique, on peut penser aux pouvoirs émotionnels qu'ont certains objets dotés d'une valeur sentimentale, voire affective, comme par exemple les doudous des enfants. Il y a d'ailleurs toute une littérature dans les sciences sociales qui considère que les non-humains comme les objets peuvent avoir un certain pouvoir, ou plutôt une certaine capacité d'action sur le monde social. Ensuite, la seconde façon de penser les rapports entre les objets et le pouvoir, c'est de considérer que les objets participent à l'expression des rapports de pouvoir grâce à leur matérialité et à leur symbolique. Et c'est surtout cette dimension qui est traitée dans le livre, d'où son titre « La construction matérielle de la domination », parce qu'il peut être intéressant en effet de se demander comment les objets sont mobilisés dans les rapports de pouvoir et de domination, comment ils interviennent dans l'exercice et dans la construction du pouvoir, qu'ils soient individuels ou collectifs, et comment les objets peuvent être des instruments de domination. Parce qu'en effet, les objets sont partout dans nos sociétés. Donc ils s'inscrivent forcément dans les relations sociales. Et puis, les formes matérielles des objets et leurs significations sociales peuvent être très variables d'un objet à l'autre et même d'une société à l'autre. Si bien que le rôle des objets dans l'expression des rapports de pouvoir se manifeste dans une grande variété de registres. Ça peut concerner par exemple la matérialité d'un pouvoir institutionnel, qui peut s'exprimer à travers les barreaux d'une prison, les murs des centres de rétention ou même l'estrade d'un professeur dans une salle de classe, comme cela est traité dans plusieurs chapitres du livre. Mais ça peut aussi concerner un pouvoir beaucoup plus individuel et symbolique, s'exprimant par exemple à travers la possession ostentatoire d'objets chers, d'objets d'art ou encore d'objets rituels, qui peuvent tous participer à la construction du statut individuel, à sa distinction, voire à l'exhibition d'un rang social dominant, comme l'avaient bien compris notamment Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu. Et puis, les objets peuvent aussi intervenir dans l'expression d'un pouvoir sur un territoire. Et là, le meilleur exemple est probablement le drapeau, dont la symbolique sociale et identitaire transcendent largement son aspect matériel, comme cela est traité dans un autre chapitre du livre. Donc en d'autres termes, l'idée de ce livre est d'examiner comment le pouvoir se construit et s'exprime par la matérialité, et en particulier par les objets. [♫ FOND SONORE ♫] Le deuxième terme que nous avons choisi est le mot « résistante ». Parce que si les objets interviennent dans la construction du pouvoir et de la domination, ils peuvent aussi être mobilisés dans la résistance à la domination et dans la fabrique du contre-pouvoir. Et les mouvements contestataires peuvent produire toute une panoplie d'objets pour affirmer publiquement leurs revendications, comme par exemple des banderoles ou des affiches politiques. Et ces mouvements peuvent aussi générer certains emblèmes matériels, au point de composer parfois une véritable « contre-culture matérielle ». Et il est assez frappant de voir que certains de ces objets, emblèmes de contre-pouvoir, sont souvent détournés de leurs premiers usages. Ce fut par exemple le cas lors de la révolution des Œillets au Portugal, durant laquelle les conjurés arboraient cette fleur qui se vendait sur le marché central de Lisbonne en signe de ralliement. Et puis bien sûr, plus près de nous, c'est aussi le cas du mouvement des Gilets jaunes, dans lequel un objet d'équipement automobile on ne peut plus banal est devenu un véritable symbole de lutte sociale hautement politisé. Et c'est aussi le cas de la chemise brodée ukrainienne qui est devenue un vêtement national, symbole de la résistance à l'hégémonie russe, comme le montre un des contributeurs dans le livre. Donc dans l'expression matérielle des rapports de pouvoir, la valeur symbolique et politique de certains objets peut aussi être mobilisée par des groupes dominés ou se considérant comme dominés. Et derrière les détournements politiques des usages et du sens même des objets, on voit non seulement que les objets peuvent être politisés, mais aussi que leur symbolique sociale peut évoluer. Et l'exemple du gilet jaune montre bien que le sens politique des objets est en fait assez malléable, et donc que la symbolique sociale et politique d'un objet est loin d'être figée. Et cela, à tel point que parfois le sens politique des objets peut même être retourné contre les dominants au gré des changements sociaux et des contestations politiques. Notamment le cas du durag aux États-Unis, qui est un foulard à l'origine imposé par les esclavagistes aux femmes noires esclaves pour cacher leur chevelure. qui devint plus tard un signe de stigmatisation associé aux ghettos afro-américains et aux détenus noirs dans les prisons. Mais le durag est surtout devenu aujourd'hui un objet identitaire opposé à la culture blanche dominante, arboré d'abord par des rappeurs noirs dans les années 90, puis par des gravures de mode afro-américaines, et qui fut aussi très présent dans les manifestations du mouvement Black Lives Matter à la suite du décès de George Floyd en 2020. Le durag est donc finalement devenu un symbole d'émancipation et de résistance afro-américaine. Donc la vie sociale de cet objet, pour reprendre une expression de l'anthropologue Arjun Appadurai, montre ainsi combien la valeur politique des objets est loin d'être immuable, et peut même se retourner contre ceux qui exercent du pouvoir. [♫ FOND SONORE ♫] Et le dernier terme que nous avons retenu est le mot « espace ». Cela tout d'abord parce que la majorité des contributeurs de cet ouvrage sont des géographes, et cela se retrouve dans le propos du livre qui s'appuie sur des enquêtes de terrain menées dans des pays et des sociétés très variées, mais aussi parce que nous portons une attention très particulière à l'espace des sociétés, pour comprendre comment les objets interviennent dans le social et dans les rapports de pouvoir. En effet, étudier les objets revient à étudier la matérialité, et étudier la matérialité nécessite de prendre en compte l'espace des sociétés. Les objets sont disposés, conservés, déplacés et échangés dans l'espace, donc on ne peut pas vraiment ignorer l'espace pour examiner le rôle des objets dans les relations sociales. D'ailleurs, plusieurs auteurs, comme le géographe Milton Santos, considèrent l'espace comme un système d'objets associé à un système d'actions dans lequel les objets jouent un rôle dans le processus social. Donc s'intéresser au pouvoir des objets et à la matérialité des faits sociaux oblige à considérer l'espace, et cette idée est également traitée dans un chapitre du livre. Ensuite, cette prise en compte de l'espace permet aussi de mesurer l'étendue de la vie sociale des objets, depuis leur production jusqu'à leur mort, voire leur deuxième vie en cas de recyclage, en passant bien sûr par les différentes étapes de leur usage ou de leur consommation. On peut par exemple suivre la chaîne de production et d'approvisionnement d'un fruit exotique, comme l'avait fait Ian Cook au sujet d'une papaye depuis une ferme en Jamaïque jusqu'à un appartement de consommateur à Londres, en passant par les rayons d'un supermarché. Il avait suivi ces différentes étapes de la vie de la papaye pour mieux comprendre les rouages d'une filière mondialisée dominée par les pays du Nord. Plusieurs chapitres du livre s'intéressent précisément aux circulations des objets tout au long de leur vie sociale, notamment les chapitres consacrés aux œuvres d'art, aux statues rituelles hindoues, au vêtement national ukrainien ou même à l'invention d'un drapeau guyanais. Et puis, la prise en compte de l'espace pour comprendre le rôle des objets dans les rapports de pouvoir envoie aussi à la question des régimes de visibilité, puisqu'en effet, la question de la matérialité du pouvoir renvoie d'abord à celle de sa mise en scène. Michel Foucault avait d'ailleurs expliqué que « le pouvoir c’est ce qui se voit, ce qui se montre, ce qui se manifeste ». Et à l'inverse, on sait combien l'invisibilisation, notamment dans l'espace public, est un moyen de domination. Et derrière ces questions de visibilité du pouvoir, s'opèrent des stratégies de légitimation et d'institutionnalisation de la domination. Par exemple, dans l'espace public, le pouvoir politique se montre notamment dans le décor urbain, par l'intermédiaire d'une multitude d'objets, comme des affiches, des statues, ou encore des monuments, ou des œuvres d'art. Et puis enfin, les logiques de distinction exprimées à travers l'affichage de certains objets prisés montrent bien que les objets peuvent participer à construire ou à reproduire des statuts sociaux inégaux entre les personnes. Donc tout cela illustre la valeur sociale et politique des objets qui est régulièrement mise en scène dans l'espace et dans l'interaction sociale. [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Le pouvoir des objets, est issu des activités conduites dans le cadre d'un atelier de recherche du laboratoire Passages, une UMR CNRS des universités de l'ENSAP de Bordeaux. Ce livre est à retrouver en version papier sur le site de'ENS Éditions et chez votre libraire. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme Open Edition Books. C'était Le Sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et à la réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition. [♫ FOND SONORE ♫]

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Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l’importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s’interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par les objets rituels en Inde ou la vychyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d’explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l’exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination ou, à l’inverse, de résistance, voire d’émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l’ouvrage collectif Le pouvoir des objets. La construction matérielle de la domination. Un ouvrage qu’il a codirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace.


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  • #ENS ÉDITIONS

    [♫ FOND SONORE ♫] Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • #EXTRAITS SONORES

    [♫ FOND SONORE ♫] Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, des tas de couverts et des pelles à gâteaux. Cet objet-là avait quelque chose à dire, il passait lui-même au-delà de son propre usage. En fixant un objet, Spoerri montre que l'objet n'est pas celui qu'on croit qu'il est. Cette chemise-là, c'est une Vyshyvanka, c'est le nom de la chemise, une pièce ancestrale en Ukraine là-bas... [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l'importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s'interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par des objets rituels en Inde, ou la Vyshyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d'explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l'exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination, ou à l'inverse de résistance voire d'émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du Sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l'ouvrage collectif « Le pouvoir des objets, la construction matérielle de la domination ». Un ouvrage qu'il a co-dirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace. Soyez indulgents pour la qualité sonore, cet entretien a été enregistré à distance.

  • #PIERRE-YVES TROUILLET

    Alors, le premier mot que nous avons choisi est effectivement le terme « pouvoir », car derrière le titre du livre « Le pouvoir des objets », nous souhaitons avant tout examiner les rapports que les objets entretiennent avec le pouvoir. Et il peut y avoir deux façons d'envisager cette question. La première est de considérer que les objets peuvent eux-mêmes avoir du pouvoir. On sait en effet que certains objets sont considérés comme ayant du pouvoir, ou du moins un certain pouvoir. On peut penser par exemple dans le champ religieux aux objets rituels ou aux talismans, qui sont considérés comme pouvant protéger des mauvais sorts ou permettre de communiquer avec le divin ou avec des ancêtres. Dans le champ économique, on peut songer à certains objets marchands qui peuvent exercer une force d'attraction consumériste sur les individus, comme par exemple un téléphone dernier cri. Ou encore dans le domaine plus psychologique, on peut penser aux pouvoirs émotionnels qu'ont certains objets dotés d'une valeur sentimentale, voire affective, comme par exemple les doudous des enfants. Il y a d'ailleurs toute une littérature dans les sciences sociales qui considère que les non-humains comme les objets peuvent avoir un certain pouvoir, ou plutôt une certaine capacité d'action sur le monde social. Ensuite, la seconde façon de penser les rapports entre les objets et le pouvoir, c'est de considérer que les objets participent à l'expression des rapports de pouvoir grâce à leur matérialité et à leur symbolique. Et c'est surtout cette dimension qui est traitée dans le livre, d'où son titre « La construction matérielle de la domination », parce qu'il peut être intéressant en effet de se demander comment les objets sont mobilisés dans les rapports de pouvoir et de domination, comment ils interviennent dans l'exercice et dans la construction du pouvoir, qu'ils soient individuels ou collectifs, et comment les objets peuvent être des instruments de domination. Parce qu'en effet, les objets sont partout dans nos sociétés. Donc ils s'inscrivent forcément dans les relations sociales. Et puis, les formes matérielles des objets et leurs significations sociales peuvent être très variables d'un objet à l'autre et même d'une société à l'autre. Si bien que le rôle des objets dans l'expression des rapports de pouvoir se manifeste dans une grande variété de registres. Ça peut concerner par exemple la matérialité d'un pouvoir institutionnel, qui peut s'exprimer à travers les barreaux d'une prison, les murs des centres de rétention ou même l'estrade d'un professeur dans une salle de classe, comme cela est traité dans plusieurs chapitres du livre. Mais ça peut aussi concerner un pouvoir beaucoup plus individuel et symbolique, s'exprimant par exemple à travers la possession ostentatoire d'objets chers, d'objets d'art ou encore d'objets rituels, qui peuvent tous participer à la construction du statut individuel, à sa distinction, voire à l'exhibition d'un rang social dominant, comme l'avaient bien compris notamment Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu. Et puis, les objets peuvent aussi intervenir dans l'expression d'un pouvoir sur un territoire. Et là, le meilleur exemple est probablement le drapeau, dont la symbolique sociale et identitaire transcendent largement son aspect matériel, comme cela est traité dans un autre chapitre du livre. Donc en d'autres termes, l'idée de ce livre est d'examiner comment le pouvoir se construit et s'exprime par la matérialité, et en particulier par les objets. [♫ FOND SONORE ♫] Le deuxième terme que nous avons choisi est le mot « résistante ». Parce que si les objets interviennent dans la construction du pouvoir et de la domination, ils peuvent aussi être mobilisés dans la résistance à la domination et dans la fabrique du contre-pouvoir. Et les mouvements contestataires peuvent produire toute une panoplie d'objets pour affirmer publiquement leurs revendications, comme par exemple des banderoles ou des affiches politiques. Et ces mouvements peuvent aussi générer certains emblèmes matériels, au point de composer parfois une véritable « contre-culture matérielle ». Et il est assez frappant de voir que certains de ces objets, emblèmes de contre-pouvoir, sont souvent détournés de leurs premiers usages. Ce fut par exemple le cas lors de la révolution des Œillets au Portugal, durant laquelle les conjurés arboraient cette fleur qui se vendait sur le marché central de Lisbonne en signe de ralliement. Et puis bien sûr, plus près de nous, c'est aussi le cas du mouvement des Gilets jaunes, dans lequel un objet d'équipement automobile on ne peut plus banal est devenu un véritable symbole de lutte sociale hautement politisé. Et c'est aussi le cas de la chemise brodée ukrainienne qui est devenue un vêtement national, symbole de la résistance à l'hégémonie russe, comme le montre un des contributeurs dans le livre. Donc dans l'expression matérielle des rapports de pouvoir, la valeur symbolique et politique de certains objets peut aussi être mobilisée par des groupes dominés ou se considérant comme dominés. Et derrière les détournements politiques des usages et du sens même des objets, on voit non seulement que les objets peuvent être politisés, mais aussi que leur symbolique sociale peut évoluer. Et l'exemple du gilet jaune montre bien que le sens politique des objets est en fait assez malléable, et donc que la symbolique sociale et politique d'un objet est loin d'être figée. Et cela, à tel point que parfois le sens politique des objets peut même être retourné contre les dominants au gré des changements sociaux et des contestations politiques. Notamment le cas du durag aux États-Unis, qui est un foulard à l'origine imposé par les esclavagistes aux femmes noires esclaves pour cacher leur chevelure. qui devint plus tard un signe de stigmatisation associé aux ghettos afro-américains et aux détenus noirs dans les prisons. Mais le durag est surtout devenu aujourd'hui un objet identitaire opposé à la culture blanche dominante, arboré d'abord par des rappeurs noirs dans les années 90, puis par des gravures de mode afro-américaines, et qui fut aussi très présent dans les manifestations du mouvement Black Lives Matter à la suite du décès de George Floyd en 2020. Le durag est donc finalement devenu un symbole d'émancipation et de résistance afro-américaine. Donc la vie sociale de cet objet, pour reprendre une expression de l'anthropologue Arjun Appadurai, montre ainsi combien la valeur politique des objets est loin d'être immuable, et peut même se retourner contre ceux qui exercent du pouvoir. [♫ FOND SONORE ♫] Et le dernier terme que nous avons retenu est le mot « espace ». Cela tout d'abord parce que la majorité des contributeurs de cet ouvrage sont des géographes, et cela se retrouve dans le propos du livre qui s'appuie sur des enquêtes de terrain menées dans des pays et des sociétés très variées, mais aussi parce que nous portons une attention très particulière à l'espace des sociétés, pour comprendre comment les objets interviennent dans le social et dans les rapports de pouvoir. En effet, étudier les objets revient à étudier la matérialité, et étudier la matérialité nécessite de prendre en compte l'espace des sociétés. Les objets sont disposés, conservés, déplacés et échangés dans l'espace, donc on ne peut pas vraiment ignorer l'espace pour examiner le rôle des objets dans les relations sociales. D'ailleurs, plusieurs auteurs, comme le géographe Milton Santos, considèrent l'espace comme un système d'objets associé à un système d'actions dans lequel les objets jouent un rôle dans le processus social. Donc s'intéresser au pouvoir des objets et à la matérialité des faits sociaux oblige à considérer l'espace, et cette idée est également traitée dans un chapitre du livre. Ensuite, cette prise en compte de l'espace permet aussi de mesurer l'étendue de la vie sociale des objets, depuis leur production jusqu'à leur mort, voire leur deuxième vie en cas de recyclage, en passant bien sûr par les différentes étapes de leur usage ou de leur consommation. On peut par exemple suivre la chaîne de production et d'approvisionnement d'un fruit exotique, comme l'avait fait Ian Cook au sujet d'une papaye depuis une ferme en Jamaïque jusqu'à un appartement de consommateur à Londres, en passant par les rayons d'un supermarché. Il avait suivi ces différentes étapes de la vie de la papaye pour mieux comprendre les rouages d'une filière mondialisée dominée par les pays du Nord. Plusieurs chapitres du livre s'intéressent précisément aux circulations des objets tout au long de leur vie sociale, notamment les chapitres consacrés aux œuvres d'art, aux statues rituelles hindoues, au vêtement national ukrainien ou même à l'invention d'un drapeau guyanais. Et puis, la prise en compte de l'espace pour comprendre le rôle des objets dans les rapports de pouvoir envoie aussi à la question des régimes de visibilité, puisqu'en effet, la question de la matérialité du pouvoir renvoie d'abord à celle de sa mise en scène. Michel Foucault avait d'ailleurs expliqué que « le pouvoir c’est ce qui se voit, ce qui se montre, ce qui se manifeste ». Et à l'inverse, on sait combien l'invisibilisation, notamment dans l'espace public, est un moyen de domination. Et derrière ces questions de visibilité du pouvoir, s'opèrent des stratégies de légitimation et d'institutionnalisation de la domination. Par exemple, dans l'espace public, le pouvoir politique se montre notamment dans le décor urbain, par l'intermédiaire d'une multitude d'objets, comme des affiches, des statues, ou encore des monuments, ou des œuvres d'art. Et puis enfin, les logiques de distinction exprimées à travers l'affichage de certains objets prisés montrent bien que les objets peuvent participer à construire ou à reproduire des statuts sociaux inégaux entre les personnes. Donc tout cela illustre la valeur sociale et politique des objets qui est régulièrement mise en scène dans l'espace et dans l'interaction sociale. [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Le pouvoir des objets, est issu des activités conduites dans le cadre d'un atelier de recherche du laboratoire Passages, une UMR CNRS des universités de l'ENSAP de Bordeaux. Ce livre est à retrouver en version papier sur le site de'ENS Éditions et chez votre libraire. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme Open Edition Books. C'était Le Sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et à la réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition. [♫ FOND SONORE ♫]

Description

Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l’importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s’interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par les objets rituels en Inde ou la vychyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d’explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l’exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination ou, à l’inverse, de résistance, voire d’émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l’ouvrage collectif Le pouvoir des objets. La construction matérielle de la domination. Un ouvrage qu’il a codirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #ENS ÉDITIONS

    [♫ FOND SONORE ♫] Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • #EXTRAITS SONORES

    [♫ FOND SONORE ♫] Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, des tas de couverts et des pelles à gâteaux. Cet objet-là avait quelque chose à dire, il passait lui-même au-delà de son propre usage. En fixant un objet, Spoerri montre que l'objet n'est pas celui qu'on croit qu'il est. Cette chemise-là, c'est une Vyshyvanka, c'est le nom de la chemise, une pièce ancestrale en Ukraine là-bas... [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    Faut-il prendre les objets au sérieux ? Une multitude de recherches engagées dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler le « tournant matériel » des sciences sociales soulignent toute l'importance des objets dans nos sociétés. On en vient alors à s'interroger sur un éventuel pouvoir reconnu aux objets. Du lit, objet apparemment banal, dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile en Roumanie, au téléphone portable en prison, en passant par des objets rituels en Inde, ou la Vyshyvanka, la fameuse chemise brodée ukrainienne, il est intéressant d'explorer la façon dont ces objets interviennent dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir. Comment les objets interviennent-ils dans l'exercice du pouvoir ? En quoi peuvent-ils être des instruments de domination, ou à l'inverse de résistance voire d'émancipation ? Pour répondre à ces questions, nous recevons dans ce nouvel épisode du Sens des mots Pierre-Yves Trouillet, géographe et chercheur au CNRS, qui vient nous parler de l'ouvrage collectif « Le pouvoir des objets, la construction matérielle de la domination ». Un ouvrage qu'il a co-dirigé avec Lucie Bony, Sylvain Guyot et Bénédicte Michalon. Ils ont ensemble choisi de nous en parler en trois mots : pouvoir, résistance et espace. Soyez indulgents pour la qualité sonore, cet entretien a été enregistré à distance.

  • #PIERRE-YVES TROUILLET

    Alors, le premier mot que nous avons choisi est effectivement le terme « pouvoir », car derrière le titre du livre « Le pouvoir des objets », nous souhaitons avant tout examiner les rapports que les objets entretiennent avec le pouvoir. Et il peut y avoir deux façons d'envisager cette question. La première est de considérer que les objets peuvent eux-mêmes avoir du pouvoir. On sait en effet que certains objets sont considérés comme ayant du pouvoir, ou du moins un certain pouvoir. On peut penser par exemple dans le champ religieux aux objets rituels ou aux talismans, qui sont considérés comme pouvant protéger des mauvais sorts ou permettre de communiquer avec le divin ou avec des ancêtres. Dans le champ économique, on peut songer à certains objets marchands qui peuvent exercer une force d'attraction consumériste sur les individus, comme par exemple un téléphone dernier cri. Ou encore dans le domaine plus psychologique, on peut penser aux pouvoirs émotionnels qu'ont certains objets dotés d'une valeur sentimentale, voire affective, comme par exemple les doudous des enfants. Il y a d'ailleurs toute une littérature dans les sciences sociales qui considère que les non-humains comme les objets peuvent avoir un certain pouvoir, ou plutôt une certaine capacité d'action sur le monde social. Ensuite, la seconde façon de penser les rapports entre les objets et le pouvoir, c'est de considérer que les objets participent à l'expression des rapports de pouvoir grâce à leur matérialité et à leur symbolique. Et c'est surtout cette dimension qui est traitée dans le livre, d'où son titre « La construction matérielle de la domination », parce qu'il peut être intéressant en effet de se demander comment les objets sont mobilisés dans les rapports de pouvoir et de domination, comment ils interviennent dans l'exercice et dans la construction du pouvoir, qu'ils soient individuels ou collectifs, et comment les objets peuvent être des instruments de domination. Parce qu'en effet, les objets sont partout dans nos sociétés. Donc ils s'inscrivent forcément dans les relations sociales. Et puis, les formes matérielles des objets et leurs significations sociales peuvent être très variables d'un objet à l'autre et même d'une société à l'autre. Si bien que le rôle des objets dans l'expression des rapports de pouvoir se manifeste dans une grande variété de registres. Ça peut concerner par exemple la matérialité d'un pouvoir institutionnel, qui peut s'exprimer à travers les barreaux d'une prison, les murs des centres de rétention ou même l'estrade d'un professeur dans une salle de classe, comme cela est traité dans plusieurs chapitres du livre. Mais ça peut aussi concerner un pouvoir beaucoup plus individuel et symbolique, s'exprimant par exemple à travers la possession ostentatoire d'objets chers, d'objets d'art ou encore d'objets rituels, qui peuvent tous participer à la construction du statut individuel, à sa distinction, voire à l'exhibition d'un rang social dominant, comme l'avaient bien compris notamment Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu. Et puis, les objets peuvent aussi intervenir dans l'expression d'un pouvoir sur un territoire. Et là, le meilleur exemple est probablement le drapeau, dont la symbolique sociale et identitaire transcendent largement son aspect matériel, comme cela est traité dans un autre chapitre du livre. Donc en d'autres termes, l'idée de ce livre est d'examiner comment le pouvoir se construit et s'exprime par la matérialité, et en particulier par les objets. [♫ FOND SONORE ♫] Le deuxième terme que nous avons choisi est le mot « résistante ». Parce que si les objets interviennent dans la construction du pouvoir et de la domination, ils peuvent aussi être mobilisés dans la résistance à la domination et dans la fabrique du contre-pouvoir. Et les mouvements contestataires peuvent produire toute une panoplie d'objets pour affirmer publiquement leurs revendications, comme par exemple des banderoles ou des affiches politiques. Et ces mouvements peuvent aussi générer certains emblèmes matériels, au point de composer parfois une véritable « contre-culture matérielle ». Et il est assez frappant de voir que certains de ces objets, emblèmes de contre-pouvoir, sont souvent détournés de leurs premiers usages. Ce fut par exemple le cas lors de la révolution des Œillets au Portugal, durant laquelle les conjurés arboraient cette fleur qui se vendait sur le marché central de Lisbonne en signe de ralliement. Et puis bien sûr, plus près de nous, c'est aussi le cas du mouvement des Gilets jaunes, dans lequel un objet d'équipement automobile on ne peut plus banal est devenu un véritable symbole de lutte sociale hautement politisé. Et c'est aussi le cas de la chemise brodée ukrainienne qui est devenue un vêtement national, symbole de la résistance à l'hégémonie russe, comme le montre un des contributeurs dans le livre. Donc dans l'expression matérielle des rapports de pouvoir, la valeur symbolique et politique de certains objets peut aussi être mobilisée par des groupes dominés ou se considérant comme dominés. Et derrière les détournements politiques des usages et du sens même des objets, on voit non seulement que les objets peuvent être politisés, mais aussi que leur symbolique sociale peut évoluer. Et l'exemple du gilet jaune montre bien que le sens politique des objets est en fait assez malléable, et donc que la symbolique sociale et politique d'un objet est loin d'être figée. Et cela, à tel point que parfois le sens politique des objets peut même être retourné contre les dominants au gré des changements sociaux et des contestations politiques. Notamment le cas du durag aux États-Unis, qui est un foulard à l'origine imposé par les esclavagistes aux femmes noires esclaves pour cacher leur chevelure. qui devint plus tard un signe de stigmatisation associé aux ghettos afro-américains et aux détenus noirs dans les prisons. Mais le durag est surtout devenu aujourd'hui un objet identitaire opposé à la culture blanche dominante, arboré d'abord par des rappeurs noirs dans les années 90, puis par des gravures de mode afro-américaines, et qui fut aussi très présent dans les manifestations du mouvement Black Lives Matter à la suite du décès de George Floyd en 2020. Le durag est donc finalement devenu un symbole d'émancipation et de résistance afro-américaine. Donc la vie sociale de cet objet, pour reprendre une expression de l'anthropologue Arjun Appadurai, montre ainsi combien la valeur politique des objets est loin d'être immuable, et peut même se retourner contre ceux qui exercent du pouvoir. [♫ FOND SONORE ♫] Et le dernier terme que nous avons retenu est le mot « espace ». Cela tout d'abord parce que la majorité des contributeurs de cet ouvrage sont des géographes, et cela se retrouve dans le propos du livre qui s'appuie sur des enquêtes de terrain menées dans des pays et des sociétés très variées, mais aussi parce que nous portons une attention très particulière à l'espace des sociétés, pour comprendre comment les objets interviennent dans le social et dans les rapports de pouvoir. En effet, étudier les objets revient à étudier la matérialité, et étudier la matérialité nécessite de prendre en compte l'espace des sociétés. Les objets sont disposés, conservés, déplacés et échangés dans l'espace, donc on ne peut pas vraiment ignorer l'espace pour examiner le rôle des objets dans les relations sociales. D'ailleurs, plusieurs auteurs, comme le géographe Milton Santos, considèrent l'espace comme un système d'objets associé à un système d'actions dans lequel les objets jouent un rôle dans le processus social. Donc s'intéresser au pouvoir des objets et à la matérialité des faits sociaux oblige à considérer l'espace, et cette idée est également traitée dans un chapitre du livre. Ensuite, cette prise en compte de l'espace permet aussi de mesurer l'étendue de la vie sociale des objets, depuis leur production jusqu'à leur mort, voire leur deuxième vie en cas de recyclage, en passant bien sûr par les différentes étapes de leur usage ou de leur consommation. On peut par exemple suivre la chaîne de production et d'approvisionnement d'un fruit exotique, comme l'avait fait Ian Cook au sujet d'une papaye depuis une ferme en Jamaïque jusqu'à un appartement de consommateur à Londres, en passant par les rayons d'un supermarché. Il avait suivi ces différentes étapes de la vie de la papaye pour mieux comprendre les rouages d'une filière mondialisée dominée par les pays du Nord. Plusieurs chapitres du livre s'intéressent précisément aux circulations des objets tout au long de leur vie sociale, notamment les chapitres consacrés aux œuvres d'art, aux statues rituelles hindoues, au vêtement national ukrainien ou même à l'invention d'un drapeau guyanais. Et puis, la prise en compte de l'espace pour comprendre le rôle des objets dans les rapports de pouvoir envoie aussi à la question des régimes de visibilité, puisqu'en effet, la question de la matérialité du pouvoir renvoie d'abord à celle de sa mise en scène. Michel Foucault avait d'ailleurs expliqué que « le pouvoir c’est ce qui se voit, ce qui se montre, ce qui se manifeste ». Et à l'inverse, on sait combien l'invisibilisation, notamment dans l'espace public, est un moyen de domination. Et derrière ces questions de visibilité du pouvoir, s'opèrent des stratégies de légitimation et d'institutionnalisation de la domination. Par exemple, dans l'espace public, le pouvoir politique se montre notamment dans le décor urbain, par l'intermédiaire d'une multitude d'objets, comme des affiches, des statues, ou encore des monuments, ou des œuvres d'art. Et puis enfin, les logiques de distinction exprimées à travers l'affichage de certains objets prisés montrent bien que les objets peuvent participer à construire ou à reproduire des statuts sociaux inégaux entre les personnes. Donc tout cela illustre la valeur sociale et politique des objets qui est régulièrement mise en scène dans l'espace et dans l'interaction sociale. [♫ FOND SONORE ♫]

  • #ENS ÉDITIONS

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Le pouvoir des objets, est issu des activités conduites dans le cadre d'un atelier de recherche du laboratoire Passages, une UMR CNRS des universités de l'ENSAP de Bordeaux. Ce livre est à retrouver en version papier sur le site de'ENS Éditions et chez votre libraire. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme Open Edition Books. C'était Le Sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et à la réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition. [♫ FOND SONORE ♫]

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