Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie cover
Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie cover
MIEUX, le podcast qui interroge le monde du travail

Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie

Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie

26min |05/09/2024|

295

Play
Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie cover
Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie cover
MIEUX, le podcast qui interroge le monde du travail

Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie

Personnalités toxiques : comment les repérer et accompagner les collaborateurs ? Avec Marie Pezé, Karine Clolus-Dupont et Sophie

26min |05/09/2024|

295

Play

Description

Toxique ! Voilà un mot que l’on entend, malheureusement, de plus en plus souvent dans le monde du travail. “Personnalités toxiques”, “management toxique”, “ambiance de travail toxique”. Lorsqu’on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi l’on parle, mais précisément… À quelles réalités ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxiques ? Comment agir aussi ? Et bien, c’est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode.

Aujourd’hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, ancien expert judiciaire, et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, Avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage.

Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l’œuvre lorsque la toxicité s’invite dans l’entreprise, et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif.

Vous écoutez Mieux, le podcast sur le monde du travail, proposé par Pluxee France


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marie Pézé

    "Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont faire autant. En fait, si ils le font, pourquoi pas moi."

  • Karine Clolus-Dupont

    "Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs, ou du management inadapté. C'est ce bon terme qui est employé, d'ailleurs, dans les décisions de cours d'appel."

  • Sophie

    "Le médecin du travail m'a dit, voilà, vous vous arrêtez. Si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête. Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus."

  • Mieux

    Toxique, voilà un mot que l'on entend malheureusement de plus en plus souvent dans le monde du travail. Personnalité toxique, management toxique, ambiance de travail toxiques. Lorsqu'on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi on parle. Mais précisément, à quelle réalité ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxique ? Comment agir aussi ? Eh bien, c'est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode. Aujourd'hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne experte judiciaire et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis, nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage. Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l'œuvre lorsque la toxicité s'invite dans l'entreprise et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif. Vous écoutez Mieux le podcast qui interroge le monde du travail. Pour entrer dans le sujet des personnalités toxiques dans l'entreprise, nous avons contacté Marie Pezé. Marie Pezé est docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne expert judiciaire et coordinatrice du réseau Souffrance et Travail. Nous lui avons demandé ce qui définit une personne toxique. Pour elle, c'est une dégradation globale de la situation de travail qui ouvre la porte aux personnalités toxiques.

  • Marie Pézé

    Quand un salarié se plaint d'une situation de travail, le plus souvent, au lieu de se plaindre de la situation de travail, il va se plaindre d'une personne. dans son environnement de travail. La plupart du temps, on tombe en fait sur des conditions de travail qui se sont dégradées, ça se dégrade et ça prend la tournure d'un conflit de personnes. L'année dernière, 47% des salariés se plaignent de souffrance éthique au travail parce qu'ils ne peuvent pas bien travailler. Ils ne se plaignent pas de personnalités toxiques, ils se plaignent que l'intensification du travail, le manque de personnel, l'accélération du temps de travail l'accélération des demandes, le travail à flux tendu, la dégradation des relations avec la clientèle trop exigeante, que tout ça fait qu'ils travaillent à la va-vite, pas bien, qu'ils font du sale boulot, qu'ils ne sont pas fiers de ce qu'ils font, dans tous les domaines, de l'hôpital à la poste, en passant par la restauration, par la police, dans absolument tous les métiers, et qu'aller chercher les personnalités toxiques qui sont en fait toutes les courroies de transmission qui, dans l'organigramme, en descendant, vont transmettre cette intensification, cette accélération, cette surveillance numérique des salariés qui s'est accrue avec la pandémie et avec le télétravail.

  • Mieux

    Des courroies de transmission donc, pour Marie Pezé. Nous avons rencontré Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social dans le cabinet Lexington. Elle nous explique comment les tribunaux appréhendent les cas de management toxique.

  • Karine Clolus-Dupont

    Ce qu'il faut peut-être souligner, c'est qu'il n'y a pas de définition du management toxique. Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, au cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs ou du management inadapté. C'est souvent le terme qui est employé d'ailleurs dans les décisions de cours d'appel. Mais il n'y a rien dans le code. Donc, en fait, on va venir sanctionner des comportements qui confinent au harcèlement. Le harcèlement, c'est l'ensemble d'agissements qui sont... répétées, qu'on pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'un collaborateur et des dégradations qui sont susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou à sa santé mentale et des dégradations qui sont aussi susceptibles de compromettre son avenir professionnel.

  • Mieux

    Avant d'aller plus loin dans les explications et les solutions possibles face au management toxique, nous vous proposons d'écouter le témoignage de Sophie, qui a vécu une expérience de management toxique. Son histoire illustre de façon frappante les mécanismes qui sont à l'œuvre.

  • Sophie

    Je travaillais dans cette société depuis 2008. Je suis restée dans le même service pendant sept ans. Ça se passait très bien, j'étais très bien vue par mes responsables, par ma hiérarchie, bien notée. avec les entretiens de fin d'année, il n'y avait aucune problématique par rapport à ça. Et comme ça faisait déjà quelques années que j'étais dans le même service, je n'avais pas de possibilité d'évolution. À un moment donné dans la société, il y a eu une opportunité de recrutement en interne pour pouvoir changer de service. J'ai rencontré bien évidemment la responsable du service ressources humaines à l'époque, que je connaissais, et ça a été validé. Mon recrutement en interne a été validé pour passer du service dans lequel j'étais au service ressources humaines. Conditionné bien évidemment à une formation RH que je devais faire pour être un peu plus opérationnelle.

  • Mieux

    Sophie prend son poste, la formation n'a pas lieu, mais tout se passe bien. Quelques mois plus tard pourtant, deux événements a priori sans conséquences possibles vont venir tout bouleverser.

  • Sophie

    La responsable de ce service-là qui m'avait recrutée est partie. Et donc, ma nouvelle responsable a été une collègue avec laquelle je travaillais depuis un an, que j'étais dans ce service ressources humaines. Ça se passait bien, il n'y avait pas d'animosité particulière. Je suis tombée enceinte, ma grossesse se passait très très bien, aucune contre-indication, rien du tout. Et je suis partie pour un congé maternité d'environ 8 mois. Pour me remplacer au cours de ces 8 mois, une personne... qui faisait une formation en ressources humaines, a été recrutée pendant mon congé maternité.

  • Mieux

    Après huit mois, Sophie reprend le travail.

  • Sophie

    Lors de cette reprise, j'ai bien évidemment passé une visite médicale, et le médecin du travail a rapidement dit, vous allez voir, ça va être difficile, le retour va être difficile, donc n'hésitez pas et je reste à l'affût. Et effectivement, le retour a été radicalement différent de ce que j'avais pu penser, à savoir que le premier jour... Tous les dossiers qui étaient sur cette personne qui avait été recrutée pendant mon projet maternité étaient transférés de son bureau à mon bureau. Et surtout, ma responsable me parlait de dossiers comme si je n'avais pas quitté la société depuis huit mois. Je devais être au courant de tout, connaître les derniers process. Tout devait être une évidence. Le jour même ou le lendemain, je ne me souviens plus, j'ai passé mon entretien de fin d'année, donc de l'année d'avant, puisque je n'avais pas eu l'occasion de le passer. Et là, l'entretien s'est très mal passé. Surtout la première chose que m'a dite ma responsable, elle m'a fait une remarque d'ordre personnel, en disant que j'avais osé appeler ma fille Marie, et je savais très bien que c'était le prénom qu'elle aurait donné à sa fille, dans l'hypothèse où elle était de nouveau enceinte. Donc suite à ça, tous les griefs de mon incompétence, j'étais la plus nulle, j'avais fait des... des fautes très importantes, c'était inadmissible. Ça n'a été que critique sur critique. Et puis voilà. Et après, s'en est suivie : "tu en es où de ça ?", "Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu n'as pas fait ?", "Viens avec moi en réunion". Enfin bref, vraiment, ça a été très très lourd. Et rapidement, je faisais toujours ce qu'il ne fallait pas.

  • Mieux

    Le temps passant, les remontrances s'accumulent et elles viennent aussi de plus haut dans la hiérarchie.

  • Sophie

    Une première fois, j'ai été convoquée d ans le bureau du directeur financier pour un recadrage, il m'a dit voilà, j'ai appris que ça n'allait pas depuis ton retour, il faut que tu mettes de l'eau dans ton vin, ça ne peut pas durer comme ça, etc. Bon, moi j'ai argumenté, disant que je n'étais pas d'accord avec la perception des choses, mais ok, très bien.

  • Mieux

    L'ambiance enfin se fait délétère pour Sophie.

  • Sophie

    Pendant ces deux mois où je suis revenue dans l'entreprise, il y avait un tel climat de défiance, de suspicion,... Autant avant, les portes étaient sans arrêt ouvertes, on était tous au courant des dossiers plus ou moins des uns des autres, autant là, les portes étaient fermées, il ne fallait plus me parler devant, plus aucun sujet n'était abordé devant moi. Et donc forcément, vous savez, c'est un peu l'escalade entre l'ambiance... Donc le matin, j'arrivais, je parlais à peine, je déjeunais. quasiment toute seule. Après, c'est un peu la spirale infernale. Les collègues que j'avais dans mon service précédent, on n'était pas du tout dans les mêmes locaux, donc ce n'est pas des gens que je voyais très souvent. Et voilà, même si je m'épanchais un peu sur eux, ils n'étaient pas forcément conscients de la gravité de tout ce qui pouvait se passer. Voilà, donc ça a duré quelque temps comme ça, c'était assez difficile. Et puis, jusqu'à un jour où le PDG de la société, le PDG me dit Tiens, Sophie, on n'a jamais eu l'occasion de déjeuner ensemble. ça serait bien qu'on déjeune ensemble. Sachant que je n'avais jamais déjeuné avec lui par le passé. Et c'est là qu'il m'explique qu'il est conscient qu'il a eu vent des difficultés dans le service depuis mon retour, que ça génère des tensions, que ça ne peut pas durer. Donc on est là pour essayer de trouver des solutions. Et puis donc il m'explique les trois options qui s'offrent à moi. La première option était que je retourne à mon poste précédent, mais que ce n'était pas possible puisque le poste était déjà pourvu. Et que voilà, la deuxième option c'était que je sois pour le coup formée en ressources humaines. Mais depuis mon retour dans l'entreprise, il y avait un tel climat de tension que ça allait être difficile ou alors il fallait vraiment que je mette de l'eau dans mon vin. Et la troisième option, c'était que l'entreprise m'accompagne dans un projet à l'extérieur de la société. Donc j'ai un peu accusé le coup. Après ce déjeuner, j'ai quand même sollicité les syndicats pour avoir leur point de vue, leur aide. Un des représentants m'a indiqué qu'il fallait que je mette par écrit les propositions qui m'avaient été faites par le DG. Chose que j'ai faite dans la foulée, de façon très factuelle, polie, etc. Et à réception de mon mail, le PDG m'a renvoyé un mail en me disant que c'était un tissu de mensonge, ce que je venais d'écrire, qu'il n'avait jamais dit ça, q u'il comprenait mieux pourquoi mes supérieurs hiérarchiques n'étaient pas satisfaits de mon travail, et que je ferais mieux de me concentrer sur mon travail plutôt que de passer du temps de cette façon-là, à raconter des mensonges. Donc voilà, ça, c'était le point ultime où j'ai perdu tous mes moyens. J'ai craqué complètement. Bien évidemment, j'ai appelé mon mari. J'ai aussi... J'ai fait un mail au médecin du travail qui m'a dit vous venez me voir, chose que j'ai faite. Et le médecin du travail m'a dit vous vous arrêtez, si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus. Donc le médecin m'a arrêtée pour un mois et après un deuxième mois et rapidement, je n'osais plus de toute façon sortir de chez moi. J'avais peur de rencontrer d'éventuels collègues, je me sentais fautive de ce qui se passait. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je ne comprenais pas ce qu'on pouvait me reprocher.

  • Mieux

    Sophie tente de remonter la pente. Malheureusement, un lien ponctuel avec l'entreprise demeure qui ne va pas dans le sens de l'apaisement.

  • Sophie

    Le médecin m'a orientée vers un psy pour me faire aider, pour me faire accompagner. Ça, ça a duré quelques mois aussi. Et je tenais à informer malgré tout mon employeur, ainsi que la sécurité sociale, de mes éventuels déplacements. Puisque comme j'ai été arrêtée plusieurs mois, je suis partie dans la famille me reposer. J'ai donc averti mon employeur et sur mon lieu de vacances dans ma famille, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur qui souhaitait faire vérifier mon état auprès d'un médecin local. À la suite de ça, j'ai consulté effectivement un avocat pour savoir ce qu'il était possible dans une démarche plutôt de harcèlement moral. J'ai sollicité de nouveau les représentants du personnel, les représentants syndicaux, pour avoir de l'aide de leur part. Personne n'était présent. Et quelques mois après le début de mon arrêt maladie, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur, me licenciant pour faute grave. Donc, rebelote, repartie dans des spirales de questionnements. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai pas fait ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Et ça n'allait pas du tout. encore plus. Bien évidemment, nous n'avons jamais su quelle était la raison de la faute grave évoquée, et je n'ai pas réussi à avoir d'aide de la société, enfin de personnes dans la société à l'époque, puisque les personnes qui auraient pu éventuellement m'aider avaient eu des promotions, donc ça leur était difficile pour eux de m'aider, de me représenter, sachant qu'elles avaient enfin obtenu les postes qu'elles voulaient, etc. Je savais que la société allait être prochainement en vente, je savais qu'il fallait que la mariée soit belle, qu'elle soit la plus attractive possible. Mais je ne voyais pas pourquoi j'étais un problème.

  • Mieux

    Notre invitée n'aura pas le fin mot de l'histoire. L'entreprise acceptera finalement de transiger.

  • Sophie

    Au bout de quelques mois, de plusieurs mois, je pense que la société a finir par dire ok, on accepte Après, ce ne sont que des suppositions. Mais ils ont fini par accepter ce que j'avais demandé en termes d'indemnisation quasiment huit mois plus tôt.

  • Mieux

    Ça s'est arrêté là. Mais il a fallu du temps à Sophie pour se reconstruire après cette expérience douloureuse.

  • Sophie

    J'étais vraiment très déstabilisée. J'ai coupé contact avec tous mes collègues, même ceux que j'appréciais sur les réseaux sociaux, par téléphone, etc. J'ai très longtemps été salariée. Je suis plutôt quelqu'un de très impliqué dans mon travail. J'ai toujours eu des bonnes évaluations, toujours impliquée dans mon travail, ne comptant jamais mes heures, etc. Et le fait d'avoir été licenciée de cette façon-là m'a complètement dégoûtée du monde du travail en tant que salariée. J'ai vraiment vécu ça comme une injustice. Donc c'est surtout ça aujourd'hui qui reste encore présent. Même si maintenant je mets tout ça en perspective en me disant que la société était en procédure de revente, donc il fallait valoriser, il fallait qu'elle soit attractive pour en sortir le meilleur prix possible, ceci étant, ça ne justifie d'aucune manière la façon dont on peut traiter les salariés comme je l'ai été. Et moi, je l'ai vécu, mais je n'ai pas été la seule.

  • Mieux

    L'histoire de Sophie fait écho à ce que Marie Pezé voit régulièrement dans son cabinet.

  • Marie Pézé

    Quand vous grattez derrière la chronologie de la dégradation de la situation de travail et la chronologie de la dégradation de la santé de ces différentes personnes qui ont fini par craquer, vous retrouvez toujours des étapes chronologiques très précises. L'entreprise a été vendue, le nouveau directeur a mis en place ses logiciels et puis veut faire partir les autres équipes, parce qu'il veut ses hommes et ses femmes, ce qui peut se comprendre. Simplement, il met en place des techniques très précises pour rendre la vie impossible aux gens qu'il veut faire partir. Et là, actuellement, dans les consultations, depuis environ cinq ans, on voit bien que, pour lisser la masse salariale, les seniors, les 50 ans et plus, qui sont souvent d'excellents seniors, dont en fait on ne devrait pas pouvoir se passer, mais dont les salaires sont très élevés, on va mettre en place toute une série de techniques de mise en place de leur disparition. On ne leur parle plus, on leur démantèle leur poste, on leur demande de former le successeur, on a publié le poste du successeur sans leur en parler, il est plus ou moins, entre guillemets, naturellement ignoré par les autres qui ont compris ce qui se passait et qui ne lui obéissent plus.

  • Mieux

    Alors comment repérer les personnalités toxiques avant d'en arriver là ? Pour Karine Clolus-Dupont, un des principaux signaux d'alerte est le turnover anormal dans une équipe.

  • Karine Clolus-Dupont

    Les signes qui peuvent inciter un DRH à être vigilant, c'est un turnover particulier dans une équipe alors qu'il n'existait pas avant. Imaginons une équipe à peu près stable qui change de manager et tout d'un coup, il y a des arrêts maladie à la pelle, des gens qui démissionnent, des gens qui donnent des ruptures conventionnelles sans expliquer pourquoi. ou qui demandent des mutations intra-groupes, alors que précédemment il ne se passait rien, c'était très fluide. Là on peut quand même se poser des questions sur ce qui se passe au sein d'une équipe. La même chose si on voit une équipe au sein d'une structure qui a un turnover beaucoup plus élevé que celle des autres, alors que les métiers ne sont pas forcément plus durs, plus compliqués, on peut quand même se poser la question de savoir pourquoi dans cette équipe, il y a des gens qui partent ou il y a des gens qui ne restent pas. Et ça peut inciter le manager, le HR VP à se poser des questions.

  • Mieux

    Notre invitée invite d'ailleurs les dirigeants et les RH à être vigilants.

  • Karine Clolus-Dupont

    Il ne faut pas faire l'autruche. Il ne faut pas se dire, là, j'ai du turnover dans une équipe, je ne sais pas pourquoi, mais c'est une équipe qui fait des super résultats et le manager est super en comex, il est incroyable, etc. Toujours quand on est RH, se poser des questions, savoir pourquoi on a des collaborateurs qui partent, pourquoi tout d'un coup autant d'arrêts maladie. Vraiment être aux aguets. Ne jamais se laisser... emporté par des apparences. Ça c'est vraiment important. Et puis être en phase avec ses valeurs. C'est-à-dire que quand il se passe quelque chose dans l'entreprise, eh bien il ne faut pas prendre de demi-mesure. Si on a du management toxique, on sanctionne. Si on a une suspicion de management toxique hyper forte, qu'on a du mal à démontrer, mais on sent qu'il y a une souffrance, on sent qu'il y a des conséquences psychosociales, Et bien c'est pareil, on ne prend pas de risque humain, on sanctionne, quitte à prendre un risque juridique. C'est là où il faut mettre le curseur du bon côté. Dans ces situations-là, on reste tenu à notre obligation de santé et de sécurité toujours. Donc on n'a pas le choix. Soit on préserve nos équipes et on se met peut-être en risque juridique parce qu'on a un risque que le management soit peut-être un peu dur et pas toxique, mais on n'a pas le choix, il faut préserver l'équipe. soit on fait un mauvais choix et là le mauvais choix peut vraiment conduire à des situations un petit peu compliquées parce que sans avoir la preuve ou la réalité d'un management toxique le jour J, on l'aura peut-être deux, trois, quatre mois plus tard et ça sera trop tard parce qu'on aura eu un burn out, on aura eu une tentative de suicide, on aura eu une plainte au pénal parce que le harcèlement peut aussi conduire à une plainte pénale et donc on sera dans une situation qui sera déjà trop avancée. pour être, non pas effacé, mais pour être soigné à l'intérieur. Ce qu'on conseille à nos interlocuteurs RH, c'est communiquer, être aux aguets, ne rien laisser passer. et toujours s'en tenir aux valeurs de l'entreprise, qu'en général on affiche au effort.

  • Mieux

    Par ailleurs, l'entreprise dispose de nombreux moyens d'action en termes de prévention.

  • Karine Clolus-Dupont

    On peut tout à fait imaginer qu'il y ait régulièrement au sein de l'entreprise des collaborateurs sensibilisés à ces méthodes de management toxiques ou déplacées, des managers évidemment coachés et sensibilisés à cela aussi. Quand on fait monter en puissance un manager dans une structure, quand un collaborateur... prend la responsabilité d'une équipe, ce n'est pas totalement incongru de le faire accompagner, de le faire coacher ou de le former aux méthodes de management pour qu'il ait bien en tête ce qu'il peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, quelles sont les limites, comment s'adresser de manière bienveillante à ses équipes pour les faire progresser. Il y a évidemment des informations aussi qui sont obligatoires sur ces sujets dans l'entreprise. Le règlement intérieur aujourd'hui, il doit faire une référence obligatoire au harcèlement. Dans les entreprises de plus de 250 personnes, il y a des référents harcèlement qui sont obligatoires. Ce qu'on voit aujourd'hui en pratique, c'est dans toutes les petites PME, les ETI, même à moins de 250, il y a des référents harcèlement. Des référents harcèlement qui sont soit des membres de l'équipe RH, soit des salariés d'ailleurs qui ont une appétence particulière pour ces sujets, qui ont des formations de psychologie, etc., et qui peuvent être désignés en référents harcèlement. De plus en plus, il y a des procédures d'alerte. aussi qui sont mises en place dans l'entreprise. Donc les procédures d'alerte, elles sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés, mais on peut tout à fait les mettre en place aussi dans les entreprises de moins de 50. Et ce sont des canaux qui sont hyper intéressants pour les collaborateurs pour venir dénoncer un comportement qu'ils subissent ou pour venir dénoncer un comportement qu'ils constatent dans leur équipe.

  • Mieux

    Enfin, il y a des actions possibles pour chaque collaborateur et chaque collaboratrice lorsque le management toxique est avéré.

  • Karine Clolus-Dupont

    On a... plein de moyens qui sont mis à notre disposition également quand on est collaborateur pour essayer de faire changer les choses. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dénonce par exemple une situation de harcèlement ou de management toxique, en principe immédiatement maintenant, il y a une enquête qui va être mise en place. Soit une enquête interne qui est menée par des personnes habilitées au sein de la société, voire des personnes d'autres sociétés du groupe qui sont un petit peu indépendants, qui vont venir avec un... un certain recul pour vérifier ce qui se passe au sein d'une équipe, qui vont entendre un certain nombre de salariés. Soit c'est fait carrément par un tiers extérieur, une société spécialisée, un cabinet d'avocats, qui va venir mener une enquête sur la base de faits qui ont été dénoncés. La Cour de cassation, elle impose quasiment l'enquête préalable avant la sanction dans le cadre du harcèlement. Et puis si on va plus loin, il y a aussi dans le Code du travail ce qu'on appelle une procédure de retrait, c'est-à-dire que le salarié, s'il est en danger, il peut se mettre en retrait, expliquer pourquoi. pourquoi il se met en retrait. Donc, il y a quand même un certain nombre d'éléments qui sont soit dans le code du travail, soit dans les bonnes pratiques, qui permettent au collaborateur, quand il subit quelque chose, de pouvoir essayer de se protéger. En tout cas, il est protégeable. Et puis, il y a aussi tout un arsenal répressif. C'est-à-dire qu'on ne peut pas sanctionner quelqu'un dans le cadre d'un harcèlement, et on ne peut pas non plus sanctionner quelqu'un parce qu'il a dénoncé un harcèlement. Donc, la victime est quand même protégée, la victime peut aussi... évidemment saisir les tribunaux, demander réparation du préjudice qu'elle a subi, etc. Et puis côté harceleur, tout acte considéré comme du harcèlement ou comme du management toxique, le management toxique ça confine au harcèlement, le manager toxique il est sanctionnable. Et la plupart du temps il est sanctionné. Et cette sanction ce n'est pas nécessairement un petit avertissement, ça peut aller jusqu'au licenciement ou jusqu'au licenciement pour faute grave. Donc globalement dans l'entreprise, l'arsenal préventif, l'arsenal répressif permet aux collaborateurs de se protéger quand même. contre le management toxique, quand il en subit un.

  • Mieux

    Marie Pezé, elle, conseille à chacun et chacune de connaître ses droits et de faire preuve de solidarité.

  • Marie Pézé

    La connaissance des droits, c'est un must absolu. On ne devrait pas rentrer dans le travail sans connaître ses droits et ses devoirs. La solidarité, elle doit être de principe. Elle est nécessaire pour que des cercles vertueux se remettent en route. En tout cas, sachez que quand vous mettez la main... sur le bras de quelqu'un qui ne va pas bien, vous le sortez de la solitude. Je suis désolée, je ne sais pas quoi faire pour toi, mais je vois que tu ne vas pas bien, si tu veux qu'on en parle. Le toxique, pour l'appeler entre guillemets comme ça, il est par capillarité un modèle pour le reste du collectif. Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont en faire autant. Mais tu vient de le faire, pourquoi pas moi ? C'est important de comprendre qu'on n'a pas tous ce qu'on appelle une autonomie morale subjective, c'est-à-dire la capacité dans des conditions épouvantables de garder son sens de l'équité. On l'a, mais la peur l'emporte. Et moi, je dis toujours, je serai la première si par exemple, un manager qui est noté sur ses objectifs inatteignables et qui doit être atteint, et qui attend un gros bonus, humilie dans une réunion, quelqu'un qui n'a pas fait ce qu'il fallait. Abruti, nul, incapable, et je suis polie en utilisant tous ces mots-là, parce que c'est souvent bien pire. Je serai comme tout le monde, je pense que je ne prendrai pas la parole pendant la réunion. Tout ce que je peux suggérer, c'est en quittant la réunion, la pauvre personne qui a été humiliée, et qui vit en plus de l'agression verbale publique, la solitude totale dans le couloir avec tout le monde qui se détourne, et ça s'appelle du harcèlement transversal, eh bien qu'est-ce qui empêche d'aller voir ? Écoute, je n'ai pas parlé parce que j'ai eu peur, mais je ne suis pas d'accord avec la manière dont on vient de te traiter. Là, je vois que tu es pâle, rouge, tu pleures. Ça peut être déclaré en accident du travail, je t'accompagne chez l'infirmière. Si tu vas chez ton généraliste, tu donnes mon nom, je serai témoin dans le couloir de ton malaise. C'est-à-dire de faire sa part citoyenne. Si tous les chénons de l'entreprise, avec intelligence et ruse, en connaissant bien leurs droits, savent s'y prendre, le toxique ne fait pas long feu.

  • Mieux

    On se retrouve bientôt dans Mieux, le podcast qui interroge le monde du travail.

Description

Toxique ! Voilà un mot que l’on entend, malheureusement, de plus en plus souvent dans le monde du travail. “Personnalités toxiques”, “management toxique”, “ambiance de travail toxique”. Lorsqu’on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi l’on parle, mais précisément… À quelles réalités ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxiques ? Comment agir aussi ? Et bien, c’est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode.

Aujourd’hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, ancien expert judiciaire, et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, Avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage.

Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l’œuvre lorsque la toxicité s’invite dans l’entreprise, et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif.

Vous écoutez Mieux, le podcast sur le monde du travail, proposé par Pluxee France


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marie Pézé

    "Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont faire autant. En fait, si ils le font, pourquoi pas moi."

  • Karine Clolus-Dupont

    "Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs, ou du management inadapté. C'est ce bon terme qui est employé, d'ailleurs, dans les décisions de cours d'appel."

  • Sophie

    "Le médecin du travail m'a dit, voilà, vous vous arrêtez. Si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête. Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus."

  • Mieux

    Toxique, voilà un mot que l'on entend malheureusement de plus en plus souvent dans le monde du travail. Personnalité toxique, management toxique, ambiance de travail toxiques. Lorsqu'on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi on parle. Mais précisément, à quelle réalité ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxique ? Comment agir aussi ? Eh bien, c'est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode. Aujourd'hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne experte judiciaire et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis, nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage. Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l'œuvre lorsque la toxicité s'invite dans l'entreprise et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif. Vous écoutez Mieux le podcast qui interroge le monde du travail. Pour entrer dans le sujet des personnalités toxiques dans l'entreprise, nous avons contacté Marie Pezé. Marie Pezé est docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne expert judiciaire et coordinatrice du réseau Souffrance et Travail. Nous lui avons demandé ce qui définit une personne toxique. Pour elle, c'est une dégradation globale de la situation de travail qui ouvre la porte aux personnalités toxiques.

  • Marie Pézé

    Quand un salarié se plaint d'une situation de travail, le plus souvent, au lieu de se plaindre de la situation de travail, il va se plaindre d'une personne. dans son environnement de travail. La plupart du temps, on tombe en fait sur des conditions de travail qui se sont dégradées, ça se dégrade et ça prend la tournure d'un conflit de personnes. L'année dernière, 47% des salariés se plaignent de souffrance éthique au travail parce qu'ils ne peuvent pas bien travailler. Ils ne se plaignent pas de personnalités toxiques, ils se plaignent que l'intensification du travail, le manque de personnel, l'accélération du temps de travail l'accélération des demandes, le travail à flux tendu, la dégradation des relations avec la clientèle trop exigeante, que tout ça fait qu'ils travaillent à la va-vite, pas bien, qu'ils font du sale boulot, qu'ils ne sont pas fiers de ce qu'ils font, dans tous les domaines, de l'hôpital à la poste, en passant par la restauration, par la police, dans absolument tous les métiers, et qu'aller chercher les personnalités toxiques qui sont en fait toutes les courroies de transmission qui, dans l'organigramme, en descendant, vont transmettre cette intensification, cette accélération, cette surveillance numérique des salariés qui s'est accrue avec la pandémie et avec le télétravail.

  • Mieux

    Des courroies de transmission donc, pour Marie Pezé. Nous avons rencontré Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social dans le cabinet Lexington. Elle nous explique comment les tribunaux appréhendent les cas de management toxique.

  • Karine Clolus-Dupont

    Ce qu'il faut peut-être souligner, c'est qu'il n'y a pas de définition du management toxique. Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, au cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs ou du management inadapté. C'est souvent le terme qui est employé d'ailleurs dans les décisions de cours d'appel. Mais il n'y a rien dans le code. Donc, en fait, on va venir sanctionner des comportements qui confinent au harcèlement. Le harcèlement, c'est l'ensemble d'agissements qui sont... répétées, qu'on pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'un collaborateur et des dégradations qui sont susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou à sa santé mentale et des dégradations qui sont aussi susceptibles de compromettre son avenir professionnel.

  • Mieux

    Avant d'aller plus loin dans les explications et les solutions possibles face au management toxique, nous vous proposons d'écouter le témoignage de Sophie, qui a vécu une expérience de management toxique. Son histoire illustre de façon frappante les mécanismes qui sont à l'œuvre.

  • Sophie

    Je travaillais dans cette société depuis 2008. Je suis restée dans le même service pendant sept ans. Ça se passait très bien, j'étais très bien vue par mes responsables, par ma hiérarchie, bien notée. avec les entretiens de fin d'année, il n'y avait aucune problématique par rapport à ça. Et comme ça faisait déjà quelques années que j'étais dans le même service, je n'avais pas de possibilité d'évolution. À un moment donné dans la société, il y a eu une opportunité de recrutement en interne pour pouvoir changer de service. J'ai rencontré bien évidemment la responsable du service ressources humaines à l'époque, que je connaissais, et ça a été validé. Mon recrutement en interne a été validé pour passer du service dans lequel j'étais au service ressources humaines. Conditionné bien évidemment à une formation RH que je devais faire pour être un peu plus opérationnelle.

  • Mieux

    Sophie prend son poste, la formation n'a pas lieu, mais tout se passe bien. Quelques mois plus tard pourtant, deux événements a priori sans conséquences possibles vont venir tout bouleverser.

  • Sophie

    La responsable de ce service-là qui m'avait recrutée est partie. Et donc, ma nouvelle responsable a été une collègue avec laquelle je travaillais depuis un an, que j'étais dans ce service ressources humaines. Ça se passait bien, il n'y avait pas d'animosité particulière. Je suis tombée enceinte, ma grossesse se passait très très bien, aucune contre-indication, rien du tout. Et je suis partie pour un congé maternité d'environ 8 mois. Pour me remplacer au cours de ces 8 mois, une personne... qui faisait une formation en ressources humaines, a été recrutée pendant mon congé maternité.

  • Mieux

    Après huit mois, Sophie reprend le travail.

  • Sophie

    Lors de cette reprise, j'ai bien évidemment passé une visite médicale, et le médecin du travail a rapidement dit, vous allez voir, ça va être difficile, le retour va être difficile, donc n'hésitez pas et je reste à l'affût. Et effectivement, le retour a été radicalement différent de ce que j'avais pu penser, à savoir que le premier jour... Tous les dossiers qui étaient sur cette personne qui avait été recrutée pendant mon projet maternité étaient transférés de son bureau à mon bureau. Et surtout, ma responsable me parlait de dossiers comme si je n'avais pas quitté la société depuis huit mois. Je devais être au courant de tout, connaître les derniers process. Tout devait être une évidence. Le jour même ou le lendemain, je ne me souviens plus, j'ai passé mon entretien de fin d'année, donc de l'année d'avant, puisque je n'avais pas eu l'occasion de le passer. Et là, l'entretien s'est très mal passé. Surtout la première chose que m'a dite ma responsable, elle m'a fait une remarque d'ordre personnel, en disant que j'avais osé appeler ma fille Marie, et je savais très bien que c'était le prénom qu'elle aurait donné à sa fille, dans l'hypothèse où elle était de nouveau enceinte. Donc suite à ça, tous les griefs de mon incompétence, j'étais la plus nulle, j'avais fait des... des fautes très importantes, c'était inadmissible. Ça n'a été que critique sur critique. Et puis voilà. Et après, s'en est suivie : "tu en es où de ça ?", "Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu n'as pas fait ?", "Viens avec moi en réunion". Enfin bref, vraiment, ça a été très très lourd. Et rapidement, je faisais toujours ce qu'il ne fallait pas.

  • Mieux

    Le temps passant, les remontrances s'accumulent et elles viennent aussi de plus haut dans la hiérarchie.

  • Sophie

    Une première fois, j'ai été convoquée d ans le bureau du directeur financier pour un recadrage, il m'a dit voilà, j'ai appris que ça n'allait pas depuis ton retour, il faut que tu mettes de l'eau dans ton vin, ça ne peut pas durer comme ça, etc. Bon, moi j'ai argumenté, disant que je n'étais pas d'accord avec la perception des choses, mais ok, très bien.

  • Mieux

    L'ambiance enfin se fait délétère pour Sophie.

  • Sophie

    Pendant ces deux mois où je suis revenue dans l'entreprise, il y avait un tel climat de défiance, de suspicion,... Autant avant, les portes étaient sans arrêt ouvertes, on était tous au courant des dossiers plus ou moins des uns des autres, autant là, les portes étaient fermées, il ne fallait plus me parler devant, plus aucun sujet n'était abordé devant moi. Et donc forcément, vous savez, c'est un peu l'escalade entre l'ambiance... Donc le matin, j'arrivais, je parlais à peine, je déjeunais. quasiment toute seule. Après, c'est un peu la spirale infernale. Les collègues que j'avais dans mon service précédent, on n'était pas du tout dans les mêmes locaux, donc ce n'est pas des gens que je voyais très souvent. Et voilà, même si je m'épanchais un peu sur eux, ils n'étaient pas forcément conscients de la gravité de tout ce qui pouvait se passer. Voilà, donc ça a duré quelque temps comme ça, c'était assez difficile. Et puis, jusqu'à un jour où le PDG de la société, le PDG me dit Tiens, Sophie, on n'a jamais eu l'occasion de déjeuner ensemble. ça serait bien qu'on déjeune ensemble. Sachant que je n'avais jamais déjeuné avec lui par le passé. Et c'est là qu'il m'explique qu'il est conscient qu'il a eu vent des difficultés dans le service depuis mon retour, que ça génère des tensions, que ça ne peut pas durer. Donc on est là pour essayer de trouver des solutions. Et puis donc il m'explique les trois options qui s'offrent à moi. La première option était que je retourne à mon poste précédent, mais que ce n'était pas possible puisque le poste était déjà pourvu. Et que voilà, la deuxième option c'était que je sois pour le coup formée en ressources humaines. Mais depuis mon retour dans l'entreprise, il y avait un tel climat de tension que ça allait être difficile ou alors il fallait vraiment que je mette de l'eau dans mon vin. Et la troisième option, c'était que l'entreprise m'accompagne dans un projet à l'extérieur de la société. Donc j'ai un peu accusé le coup. Après ce déjeuner, j'ai quand même sollicité les syndicats pour avoir leur point de vue, leur aide. Un des représentants m'a indiqué qu'il fallait que je mette par écrit les propositions qui m'avaient été faites par le DG. Chose que j'ai faite dans la foulée, de façon très factuelle, polie, etc. Et à réception de mon mail, le PDG m'a renvoyé un mail en me disant que c'était un tissu de mensonge, ce que je venais d'écrire, qu'il n'avait jamais dit ça, q u'il comprenait mieux pourquoi mes supérieurs hiérarchiques n'étaient pas satisfaits de mon travail, et que je ferais mieux de me concentrer sur mon travail plutôt que de passer du temps de cette façon-là, à raconter des mensonges. Donc voilà, ça, c'était le point ultime où j'ai perdu tous mes moyens. J'ai craqué complètement. Bien évidemment, j'ai appelé mon mari. J'ai aussi... J'ai fait un mail au médecin du travail qui m'a dit vous venez me voir, chose que j'ai faite. Et le médecin du travail m'a dit vous vous arrêtez, si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus. Donc le médecin m'a arrêtée pour un mois et après un deuxième mois et rapidement, je n'osais plus de toute façon sortir de chez moi. J'avais peur de rencontrer d'éventuels collègues, je me sentais fautive de ce qui se passait. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je ne comprenais pas ce qu'on pouvait me reprocher.

  • Mieux

    Sophie tente de remonter la pente. Malheureusement, un lien ponctuel avec l'entreprise demeure qui ne va pas dans le sens de l'apaisement.

  • Sophie

    Le médecin m'a orientée vers un psy pour me faire aider, pour me faire accompagner. Ça, ça a duré quelques mois aussi. Et je tenais à informer malgré tout mon employeur, ainsi que la sécurité sociale, de mes éventuels déplacements. Puisque comme j'ai été arrêtée plusieurs mois, je suis partie dans la famille me reposer. J'ai donc averti mon employeur et sur mon lieu de vacances dans ma famille, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur qui souhaitait faire vérifier mon état auprès d'un médecin local. À la suite de ça, j'ai consulté effectivement un avocat pour savoir ce qu'il était possible dans une démarche plutôt de harcèlement moral. J'ai sollicité de nouveau les représentants du personnel, les représentants syndicaux, pour avoir de l'aide de leur part. Personne n'était présent. Et quelques mois après le début de mon arrêt maladie, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur, me licenciant pour faute grave. Donc, rebelote, repartie dans des spirales de questionnements. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai pas fait ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Et ça n'allait pas du tout. encore plus. Bien évidemment, nous n'avons jamais su quelle était la raison de la faute grave évoquée, et je n'ai pas réussi à avoir d'aide de la société, enfin de personnes dans la société à l'époque, puisque les personnes qui auraient pu éventuellement m'aider avaient eu des promotions, donc ça leur était difficile pour eux de m'aider, de me représenter, sachant qu'elles avaient enfin obtenu les postes qu'elles voulaient, etc. Je savais que la société allait être prochainement en vente, je savais qu'il fallait que la mariée soit belle, qu'elle soit la plus attractive possible. Mais je ne voyais pas pourquoi j'étais un problème.

  • Mieux

    Notre invitée n'aura pas le fin mot de l'histoire. L'entreprise acceptera finalement de transiger.

  • Sophie

    Au bout de quelques mois, de plusieurs mois, je pense que la société a finir par dire ok, on accepte Après, ce ne sont que des suppositions. Mais ils ont fini par accepter ce que j'avais demandé en termes d'indemnisation quasiment huit mois plus tôt.

  • Mieux

    Ça s'est arrêté là. Mais il a fallu du temps à Sophie pour se reconstruire après cette expérience douloureuse.

  • Sophie

    J'étais vraiment très déstabilisée. J'ai coupé contact avec tous mes collègues, même ceux que j'appréciais sur les réseaux sociaux, par téléphone, etc. J'ai très longtemps été salariée. Je suis plutôt quelqu'un de très impliqué dans mon travail. J'ai toujours eu des bonnes évaluations, toujours impliquée dans mon travail, ne comptant jamais mes heures, etc. Et le fait d'avoir été licenciée de cette façon-là m'a complètement dégoûtée du monde du travail en tant que salariée. J'ai vraiment vécu ça comme une injustice. Donc c'est surtout ça aujourd'hui qui reste encore présent. Même si maintenant je mets tout ça en perspective en me disant que la société était en procédure de revente, donc il fallait valoriser, il fallait qu'elle soit attractive pour en sortir le meilleur prix possible, ceci étant, ça ne justifie d'aucune manière la façon dont on peut traiter les salariés comme je l'ai été. Et moi, je l'ai vécu, mais je n'ai pas été la seule.

  • Mieux

    L'histoire de Sophie fait écho à ce que Marie Pezé voit régulièrement dans son cabinet.

  • Marie Pézé

    Quand vous grattez derrière la chronologie de la dégradation de la situation de travail et la chronologie de la dégradation de la santé de ces différentes personnes qui ont fini par craquer, vous retrouvez toujours des étapes chronologiques très précises. L'entreprise a été vendue, le nouveau directeur a mis en place ses logiciels et puis veut faire partir les autres équipes, parce qu'il veut ses hommes et ses femmes, ce qui peut se comprendre. Simplement, il met en place des techniques très précises pour rendre la vie impossible aux gens qu'il veut faire partir. Et là, actuellement, dans les consultations, depuis environ cinq ans, on voit bien que, pour lisser la masse salariale, les seniors, les 50 ans et plus, qui sont souvent d'excellents seniors, dont en fait on ne devrait pas pouvoir se passer, mais dont les salaires sont très élevés, on va mettre en place toute une série de techniques de mise en place de leur disparition. On ne leur parle plus, on leur démantèle leur poste, on leur demande de former le successeur, on a publié le poste du successeur sans leur en parler, il est plus ou moins, entre guillemets, naturellement ignoré par les autres qui ont compris ce qui se passait et qui ne lui obéissent plus.

  • Mieux

    Alors comment repérer les personnalités toxiques avant d'en arriver là ? Pour Karine Clolus-Dupont, un des principaux signaux d'alerte est le turnover anormal dans une équipe.

  • Karine Clolus-Dupont

    Les signes qui peuvent inciter un DRH à être vigilant, c'est un turnover particulier dans une équipe alors qu'il n'existait pas avant. Imaginons une équipe à peu près stable qui change de manager et tout d'un coup, il y a des arrêts maladie à la pelle, des gens qui démissionnent, des gens qui donnent des ruptures conventionnelles sans expliquer pourquoi. ou qui demandent des mutations intra-groupes, alors que précédemment il ne se passait rien, c'était très fluide. Là on peut quand même se poser des questions sur ce qui se passe au sein d'une équipe. La même chose si on voit une équipe au sein d'une structure qui a un turnover beaucoup plus élevé que celle des autres, alors que les métiers ne sont pas forcément plus durs, plus compliqués, on peut quand même se poser la question de savoir pourquoi dans cette équipe, il y a des gens qui partent ou il y a des gens qui ne restent pas. Et ça peut inciter le manager, le HR VP à se poser des questions.

  • Mieux

    Notre invitée invite d'ailleurs les dirigeants et les RH à être vigilants.

  • Karine Clolus-Dupont

    Il ne faut pas faire l'autruche. Il ne faut pas se dire, là, j'ai du turnover dans une équipe, je ne sais pas pourquoi, mais c'est une équipe qui fait des super résultats et le manager est super en comex, il est incroyable, etc. Toujours quand on est RH, se poser des questions, savoir pourquoi on a des collaborateurs qui partent, pourquoi tout d'un coup autant d'arrêts maladie. Vraiment être aux aguets. Ne jamais se laisser... emporté par des apparences. Ça c'est vraiment important. Et puis être en phase avec ses valeurs. C'est-à-dire que quand il se passe quelque chose dans l'entreprise, eh bien il ne faut pas prendre de demi-mesure. Si on a du management toxique, on sanctionne. Si on a une suspicion de management toxique hyper forte, qu'on a du mal à démontrer, mais on sent qu'il y a une souffrance, on sent qu'il y a des conséquences psychosociales, Et bien c'est pareil, on ne prend pas de risque humain, on sanctionne, quitte à prendre un risque juridique. C'est là où il faut mettre le curseur du bon côté. Dans ces situations-là, on reste tenu à notre obligation de santé et de sécurité toujours. Donc on n'a pas le choix. Soit on préserve nos équipes et on se met peut-être en risque juridique parce qu'on a un risque que le management soit peut-être un peu dur et pas toxique, mais on n'a pas le choix, il faut préserver l'équipe. soit on fait un mauvais choix et là le mauvais choix peut vraiment conduire à des situations un petit peu compliquées parce que sans avoir la preuve ou la réalité d'un management toxique le jour J, on l'aura peut-être deux, trois, quatre mois plus tard et ça sera trop tard parce qu'on aura eu un burn out, on aura eu une tentative de suicide, on aura eu une plainte au pénal parce que le harcèlement peut aussi conduire à une plainte pénale et donc on sera dans une situation qui sera déjà trop avancée. pour être, non pas effacé, mais pour être soigné à l'intérieur. Ce qu'on conseille à nos interlocuteurs RH, c'est communiquer, être aux aguets, ne rien laisser passer. et toujours s'en tenir aux valeurs de l'entreprise, qu'en général on affiche au effort.

  • Mieux

    Par ailleurs, l'entreprise dispose de nombreux moyens d'action en termes de prévention.

  • Karine Clolus-Dupont

    On peut tout à fait imaginer qu'il y ait régulièrement au sein de l'entreprise des collaborateurs sensibilisés à ces méthodes de management toxiques ou déplacées, des managers évidemment coachés et sensibilisés à cela aussi. Quand on fait monter en puissance un manager dans une structure, quand un collaborateur... prend la responsabilité d'une équipe, ce n'est pas totalement incongru de le faire accompagner, de le faire coacher ou de le former aux méthodes de management pour qu'il ait bien en tête ce qu'il peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, quelles sont les limites, comment s'adresser de manière bienveillante à ses équipes pour les faire progresser. Il y a évidemment des informations aussi qui sont obligatoires sur ces sujets dans l'entreprise. Le règlement intérieur aujourd'hui, il doit faire une référence obligatoire au harcèlement. Dans les entreprises de plus de 250 personnes, il y a des référents harcèlement qui sont obligatoires. Ce qu'on voit aujourd'hui en pratique, c'est dans toutes les petites PME, les ETI, même à moins de 250, il y a des référents harcèlement. Des référents harcèlement qui sont soit des membres de l'équipe RH, soit des salariés d'ailleurs qui ont une appétence particulière pour ces sujets, qui ont des formations de psychologie, etc., et qui peuvent être désignés en référents harcèlement. De plus en plus, il y a des procédures d'alerte. aussi qui sont mises en place dans l'entreprise. Donc les procédures d'alerte, elles sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés, mais on peut tout à fait les mettre en place aussi dans les entreprises de moins de 50. Et ce sont des canaux qui sont hyper intéressants pour les collaborateurs pour venir dénoncer un comportement qu'ils subissent ou pour venir dénoncer un comportement qu'ils constatent dans leur équipe.

  • Mieux

    Enfin, il y a des actions possibles pour chaque collaborateur et chaque collaboratrice lorsque le management toxique est avéré.

  • Karine Clolus-Dupont

    On a... plein de moyens qui sont mis à notre disposition également quand on est collaborateur pour essayer de faire changer les choses. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dénonce par exemple une situation de harcèlement ou de management toxique, en principe immédiatement maintenant, il y a une enquête qui va être mise en place. Soit une enquête interne qui est menée par des personnes habilitées au sein de la société, voire des personnes d'autres sociétés du groupe qui sont un petit peu indépendants, qui vont venir avec un... un certain recul pour vérifier ce qui se passe au sein d'une équipe, qui vont entendre un certain nombre de salariés. Soit c'est fait carrément par un tiers extérieur, une société spécialisée, un cabinet d'avocats, qui va venir mener une enquête sur la base de faits qui ont été dénoncés. La Cour de cassation, elle impose quasiment l'enquête préalable avant la sanction dans le cadre du harcèlement. Et puis si on va plus loin, il y a aussi dans le Code du travail ce qu'on appelle une procédure de retrait, c'est-à-dire que le salarié, s'il est en danger, il peut se mettre en retrait, expliquer pourquoi. pourquoi il se met en retrait. Donc, il y a quand même un certain nombre d'éléments qui sont soit dans le code du travail, soit dans les bonnes pratiques, qui permettent au collaborateur, quand il subit quelque chose, de pouvoir essayer de se protéger. En tout cas, il est protégeable. Et puis, il y a aussi tout un arsenal répressif. C'est-à-dire qu'on ne peut pas sanctionner quelqu'un dans le cadre d'un harcèlement, et on ne peut pas non plus sanctionner quelqu'un parce qu'il a dénoncé un harcèlement. Donc, la victime est quand même protégée, la victime peut aussi... évidemment saisir les tribunaux, demander réparation du préjudice qu'elle a subi, etc. Et puis côté harceleur, tout acte considéré comme du harcèlement ou comme du management toxique, le management toxique ça confine au harcèlement, le manager toxique il est sanctionnable. Et la plupart du temps il est sanctionné. Et cette sanction ce n'est pas nécessairement un petit avertissement, ça peut aller jusqu'au licenciement ou jusqu'au licenciement pour faute grave. Donc globalement dans l'entreprise, l'arsenal préventif, l'arsenal répressif permet aux collaborateurs de se protéger quand même. contre le management toxique, quand il en subit un.

  • Mieux

    Marie Pezé, elle, conseille à chacun et chacune de connaître ses droits et de faire preuve de solidarité.

  • Marie Pézé

    La connaissance des droits, c'est un must absolu. On ne devrait pas rentrer dans le travail sans connaître ses droits et ses devoirs. La solidarité, elle doit être de principe. Elle est nécessaire pour que des cercles vertueux se remettent en route. En tout cas, sachez que quand vous mettez la main... sur le bras de quelqu'un qui ne va pas bien, vous le sortez de la solitude. Je suis désolée, je ne sais pas quoi faire pour toi, mais je vois que tu ne vas pas bien, si tu veux qu'on en parle. Le toxique, pour l'appeler entre guillemets comme ça, il est par capillarité un modèle pour le reste du collectif. Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont en faire autant. Mais tu vient de le faire, pourquoi pas moi ? C'est important de comprendre qu'on n'a pas tous ce qu'on appelle une autonomie morale subjective, c'est-à-dire la capacité dans des conditions épouvantables de garder son sens de l'équité. On l'a, mais la peur l'emporte. Et moi, je dis toujours, je serai la première si par exemple, un manager qui est noté sur ses objectifs inatteignables et qui doit être atteint, et qui attend un gros bonus, humilie dans une réunion, quelqu'un qui n'a pas fait ce qu'il fallait. Abruti, nul, incapable, et je suis polie en utilisant tous ces mots-là, parce que c'est souvent bien pire. Je serai comme tout le monde, je pense que je ne prendrai pas la parole pendant la réunion. Tout ce que je peux suggérer, c'est en quittant la réunion, la pauvre personne qui a été humiliée, et qui vit en plus de l'agression verbale publique, la solitude totale dans le couloir avec tout le monde qui se détourne, et ça s'appelle du harcèlement transversal, eh bien qu'est-ce qui empêche d'aller voir ? Écoute, je n'ai pas parlé parce que j'ai eu peur, mais je ne suis pas d'accord avec la manière dont on vient de te traiter. Là, je vois que tu es pâle, rouge, tu pleures. Ça peut être déclaré en accident du travail, je t'accompagne chez l'infirmière. Si tu vas chez ton généraliste, tu donnes mon nom, je serai témoin dans le couloir de ton malaise. C'est-à-dire de faire sa part citoyenne. Si tous les chénons de l'entreprise, avec intelligence et ruse, en connaissant bien leurs droits, savent s'y prendre, le toxique ne fait pas long feu.

  • Mieux

    On se retrouve bientôt dans Mieux, le podcast qui interroge le monde du travail.

Share

Embed

You may also like

Description

Toxique ! Voilà un mot que l’on entend, malheureusement, de plus en plus souvent dans le monde du travail. “Personnalités toxiques”, “management toxique”, “ambiance de travail toxique”. Lorsqu’on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi l’on parle, mais précisément… À quelles réalités ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxiques ? Comment agir aussi ? Et bien, c’est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode.

Aujourd’hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, ancien expert judiciaire, et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, Avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage.

Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l’œuvre lorsque la toxicité s’invite dans l’entreprise, et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif.

Vous écoutez Mieux, le podcast sur le monde du travail, proposé par Pluxee France


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marie Pézé

    "Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont faire autant. En fait, si ils le font, pourquoi pas moi."

  • Karine Clolus-Dupont

    "Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs, ou du management inadapté. C'est ce bon terme qui est employé, d'ailleurs, dans les décisions de cours d'appel."

  • Sophie

    "Le médecin du travail m'a dit, voilà, vous vous arrêtez. Si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête. Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus."

  • Mieux

    Toxique, voilà un mot que l'on entend malheureusement de plus en plus souvent dans le monde du travail. Personnalité toxique, management toxique, ambiance de travail toxiques. Lorsqu'on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi on parle. Mais précisément, à quelle réalité ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxique ? Comment agir aussi ? Eh bien, c'est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode. Aujourd'hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne experte judiciaire et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis, nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage. Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l'œuvre lorsque la toxicité s'invite dans l'entreprise et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif. Vous écoutez Mieux le podcast qui interroge le monde du travail. Pour entrer dans le sujet des personnalités toxiques dans l'entreprise, nous avons contacté Marie Pezé. Marie Pezé est docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne expert judiciaire et coordinatrice du réseau Souffrance et Travail. Nous lui avons demandé ce qui définit une personne toxique. Pour elle, c'est une dégradation globale de la situation de travail qui ouvre la porte aux personnalités toxiques.

  • Marie Pézé

    Quand un salarié se plaint d'une situation de travail, le plus souvent, au lieu de se plaindre de la situation de travail, il va se plaindre d'une personne. dans son environnement de travail. La plupart du temps, on tombe en fait sur des conditions de travail qui se sont dégradées, ça se dégrade et ça prend la tournure d'un conflit de personnes. L'année dernière, 47% des salariés se plaignent de souffrance éthique au travail parce qu'ils ne peuvent pas bien travailler. Ils ne se plaignent pas de personnalités toxiques, ils se plaignent que l'intensification du travail, le manque de personnel, l'accélération du temps de travail l'accélération des demandes, le travail à flux tendu, la dégradation des relations avec la clientèle trop exigeante, que tout ça fait qu'ils travaillent à la va-vite, pas bien, qu'ils font du sale boulot, qu'ils ne sont pas fiers de ce qu'ils font, dans tous les domaines, de l'hôpital à la poste, en passant par la restauration, par la police, dans absolument tous les métiers, et qu'aller chercher les personnalités toxiques qui sont en fait toutes les courroies de transmission qui, dans l'organigramme, en descendant, vont transmettre cette intensification, cette accélération, cette surveillance numérique des salariés qui s'est accrue avec la pandémie et avec le télétravail.

  • Mieux

    Des courroies de transmission donc, pour Marie Pezé. Nous avons rencontré Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social dans le cabinet Lexington. Elle nous explique comment les tribunaux appréhendent les cas de management toxique.

  • Karine Clolus-Dupont

    Ce qu'il faut peut-être souligner, c'est qu'il n'y a pas de définition du management toxique. Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, au cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs ou du management inadapté. C'est souvent le terme qui est employé d'ailleurs dans les décisions de cours d'appel. Mais il n'y a rien dans le code. Donc, en fait, on va venir sanctionner des comportements qui confinent au harcèlement. Le harcèlement, c'est l'ensemble d'agissements qui sont... répétées, qu'on pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'un collaborateur et des dégradations qui sont susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou à sa santé mentale et des dégradations qui sont aussi susceptibles de compromettre son avenir professionnel.

  • Mieux

    Avant d'aller plus loin dans les explications et les solutions possibles face au management toxique, nous vous proposons d'écouter le témoignage de Sophie, qui a vécu une expérience de management toxique. Son histoire illustre de façon frappante les mécanismes qui sont à l'œuvre.

  • Sophie

    Je travaillais dans cette société depuis 2008. Je suis restée dans le même service pendant sept ans. Ça se passait très bien, j'étais très bien vue par mes responsables, par ma hiérarchie, bien notée. avec les entretiens de fin d'année, il n'y avait aucune problématique par rapport à ça. Et comme ça faisait déjà quelques années que j'étais dans le même service, je n'avais pas de possibilité d'évolution. À un moment donné dans la société, il y a eu une opportunité de recrutement en interne pour pouvoir changer de service. J'ai rencontré bien évidemment la responsable du service ressources humaines à l'époque, que je connaissais, et ça a été validé. Mon recrutement en interne a été validé pour passer du service dans lequel j'étais au service ressources humaines. Conditionné bien évidemment à une formation RH que je devais faire pour être un peu plus opérationnelle.

  • Mieux

    Sophie prend son poste, la formation n'a pas lieu, mais tout se passe bien. Quelques mois plus tard pourtant, deux événements a priori sans conséquences possibles vont venir tout bouleverser.

  • Sophie

    La responsable de ce service-là qui m'avait recrutée est partie. Et donc, ma nouvelle responsable a été une collègue avec laquelle je travaillais depuis un an, que j'étais dans ce service ressources humaines. Ça se passait bien, il n'y avait pas d'animosité particulière. Je suis tombée enceinte, ma grossesse se passait très très bien, aucune contre-indication, rien du tout. Et je suis partie pour un congé maternité d'environ 8 mois. Pour me remplacer au cours de ces 8 mois, une personne... qui faisait une formation en ressources humaines, a été recrutée pendant mon congé maternité.

  • Mieux

    Après huit mois, Sophie reprend le travail.

  • Sophie

    Lors de cette reprise, j'ai bien évidemment passé une visite médicale, et le médecin du travail a rapidement dit, vous allez voir, ça va être difficile, le retour va être difficile, donc n'hésitez pas et je reste à l'affût. Et effectivement, le retour a été radicalement différent de ce que j'avais pu penser, à savoir que le premier jour... Tous les dossiers qui étaient sur cette personne qui avait été recrutée pendant mon projet maternité étaient transférés de son bureau à mon bureau. Et surtout, ma responsable me parlait de dossiers comme si je n'avais pas quitté la société depuis huit mois. Je devais être au courant de tout, connaître les derniers process. Tout devait être une évidence. Le jour même ou le lendemain, je ne me souviens plus, j'ai passé mon entretien de fin d'année, donc de l'année d'avant, puisque je n'avais pas eu l'occasion de le passer. Et là, l'entretien s'est très mal passé. Surtout la première chose que m'a dite ma responsable, elle m'a fait une remarque d'ordre personnel, en disant que j'avais osé appeler ma fille Marie, et je savais très bien que c'était le prénom qu'elle aurait donné à sa fille, dans l'hypothèse où elle était de nouveau enceinte. Donc suite à ça, tous les griefs de mon incompétence, j'étais la plus nulle, j'avais fait des... des fautes très importantes, c'était inadmissible. Ça n'a été que critique sur critique. Et puis voilà. Et après, s'en est suivie : "tu en es où de ça ?", "Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu n'as pas fait ?", "Viens avec moi en réunion". Enfin bref, vraiment, ça a été très très lourd. Et rapidement, je faisais toujours ce qu'il ne fallait pas.

  • Mieux

    Le temps passant, les remontrances s'accumulent et elles viennent aussi de plus haut dans la hiérarchie.

  • Sophie

    Une première fois, j'ai été convoquée d ans le bureau du directeur financier pour un recadrage, il m'a dit voilà, j'ai appris que ça n'allait pas depuis ton retour, il faut que tu mettes de l'eau dans ton vin, ça ne peut pas durer comme ça, etc. Bon, moi j'ai argumenté, disant que je n'étais pas d'accord avec la perception des choses, mais ok, très bien.

  • Mieux

    L'ambiance enfin se fait délétère pour Sophie.

  • Sophie

    Pendant ces deux mois où je suis revenue dans l'entreprise, il y avait un tel climat de défiance, de suspicion,... Autant avant, les portes étaient sans arrêt ouvertes, on était tous au courant des dossiers plus ou moins des uns des autres, autant là, les portes étaient fermées, il ne fallait plus me parler devant, plus aucun sujet n'était abordé devant moi. Et donc forcément, vous savez, c'est un peu l'escalade entre l'ambiance... Donc le matin, j'arrivais, je parlais à peine, je déjeunais. quasiment toute seule. Après, c'est un peu la spirale infernale. Les collègues que j'avais dans mon service précédent, on n'était pas du tout dans les mêmes locaux, donc ce n'est pas des gens que je voyais très souvent. Et voilà, même si je m'épanchais un peu sur eux, ils n'étaient pas forcément conscients de la gravité de tout ce qui pouvait se passer. Voilà, donc ça a duré quelque temps comme ça, c'était assez difficile. Et puis, jusqu'à un jour où le PDG de la société, le PDG me dit Tiens, Sophie, on n'a jamais eu l'occasion de déjeuner ensemble. ça serait bien qu'on déjeune ensemble. Sachant que je n'avais jamais déjeuné avec lui par le passé. Et c'est là qu'il m'explique qu'il est conscient qu'il a eu vent des difficultés dans le service depuis mon retour, que ça génère des tensions, que ça ne peut pas durer. Donc on est là pour essayer de trouver des solutions. Et puis donc il m'explique les trois options qui s'offrent à moi. La première option était que je retourne à mon poste précédent, mais que ce n'était pas possible puisque le poste était déjà pourvu. Et que voilà, la deuxième option c'était que je sois pour le coup formée en ressources humaines. Mais depuis mon retour dans l'entreprise, il y avait un tel climat de tension que ça allait être difficile ou alors il fallait vraiment que je mette de l'eau dans mon vin. Et la troisième option, c'était que l'entreprise m'accompagne dans un projet à l'extérieur de la société. Donc j'ai un peu accusé le coup. Après ce déjeuner, j'ai quand même sollicité les syndicats pour avoir leur point de vue, leur aide. Un des représentants m'a indiqué qu'il fallait que je mette par écrit les propositions qui m'avaient été faites par le DG. Chose que j'ai faite dans la foulée, de façon très factuelle, polie, etc. Et à réception de mon mail, le PDG m'a renvoyé un mail en me disant que c'était un tissu de mensonge, ce que je venais d'écrire, qu'il n'avait jamais dit ça, q u'il comprenait mieux pourquoi mes supérieurs hiérarchiques n'étaient pas satisfaits de mon travail, et que je ferais mieux de me concentrer sur mon travail plutôt que de passer du temps de cette façon-là, à raconter des mensonges. Donc voilà, ça, c'était le point ultime où j'ai perdu tous mes moyens. J'ai craqué complètement. Bien évidemment, j'ai appelé mon mari. J'ai aussi... J'ai fait un mail au médecin du travail qui m'a dit vous venez me voir, chose que j'ai faite. Et le médecin du travail m'a dit vous vous arrêtez, si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus. Donc le médecin m'a arrêtée pour un mois et après un deuxième mois et rapidement, je n'osais plus de toute façon sortir de chez moi. J'avais peur de rencontrer d'éventuels collègues, je me sentais fautive de ce qui se passait. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je ne comprenais pas ce qu'on pouvait me reprocher.

  • Mieux

    Sophie tente de remonter la pente. Malheureusement, un lien ponctuel avec l'entreprise demeure qui ne va pas dans le sens de l'apaisement.

  • Sophie

    Le médecin m'a orientée vers un psy pour me faire aider, pour me faire accompagner. Ça, ça a duré quelques mois aussi. Et je tenais à informer malgré tout mon employeur, ainsi que la sécurité sociale, de mes éventuels déplacements. Puisque comme j'ai été arrêtée plusieurs mois, je suis partie dans la famille me reposer. J'ai donc averti mon employeur et sur mon lieu de vacances dans ma famille, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur qui souhaitait faire vérifier mon état auprès d'un médecin local. À la suite de ça, j'ai consulté effectivement un avocat pour savoir ce qu'il était possible dans une démarche plutôt de harcèlement moral. J'ai sollicité de nouveau les représentants du personnel, les représentants syndicaux, pour avoir de l'aide de leur part. Personne n'était présent. Et quelques mois après le début de mon arrêt maladie, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur, me licenciant pour faute grave. Donc, rebelote, repartie dans des spirales de questionnements. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai pas fait ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Et ça n'allait pas du tout. encore plus. Bien évidemment, nous n'avons jamais su quelle était la raison de la faute grave évoquée, et je n'ai pas réussi à avoir d'aide de la société, enfin de personnes dans la société à l'époque, puisque les personnes qui auraient pu éventuellement m'aider avaient eu des promotions, donc ça leur était difficile pour eux de m'aider, de me représenter, sachant qu'elles avaient enfin obtenu les postes qu'elles voulaient, etc. Je savais que la société allait être prochainement en vente, je savais qu'il fallait que la mariée soit belle, qu'elle soit la plus attractive possible. Mais je ne voyais pas pourquoi j'étais un problème.

  • Mieux

    Notre invitée n'aura pas le fin mot de l'histoire. L'entreprise acceptera finalement de transiger.

  • Sophie

    Au bout de quelques mois, de plusieurs mois, je pense que la société a finir par dire ok, on accepte Après, ce ne sont que des suppositions. Mais ils ont fini par accepter ce que j'avais demandé en termes d'indemnisation quasiment huit mois plus tôt.

  • Mieux

    Ça s'est arrêté là. Mais il a fallu du temps à Sophie pour se reconstruire après cette expérience douloureuse.

  • Sophie

    J'étais vraiment très déstabilisée. J'ai coupé contact avec tous mes collègues, même ceux que j'appréciais sur les réseaux sociaux, par téléphone, etc. J'ai très longtemps été salariée. Je suis plutôt quelqu'un de très impliqué dans mon travail. J'ai toujours eu des bonnes évaluations, toujours impliquée dans mon travail, ne comptant jamais mes heures, etc. Et le fait d'avoir été licenciée de cette façon-là m'a complètement dégoûtée du monde du travail en tant que salariée. J'ai vraiment vécu ça comme une injustice. Donc c'est surtout ça aujourd'hui qui reste encore présent. Même si maintenant je mets tout ça en perspective en me disant que la société était en procédure de revente, donc il fallait valoriser, il fallait qu'elle soit attractive pour en sortir le meilleur prix possible, ceci étant, ça ne justifie d'aucune manière la façon dont on peut traiter les salariés comme je l'ai été. Et moi, je l'ai vécu, mais je n'ai pas été la seule.

  • Mieux

    L'histoire de Sophie fait écho à ce que Marie Pezé voit régulièrement dans son cabinet.

  • Marie Pézé

    Quand vous grattez derrière la chronologie de la dégradation de la situation de travail et la chronologie de la dégradation de la santé de ces différentes personnes qui ont fini par craquer, vous retrouvez toujours des étapes chronologiques très précises. L'entreprise a été vendue, le nouveau directeur a mis en place ses logiciels et puis veut faire partir les autres équipes, parce qu'il veut ses hommes et ses femmes, ce qui peut se comprendre. Simplement, il met en place des techniques très précises pour rendre la vie impossible aux gens qu'il veut faire partir. Et là, actuellement, dans les consultations, depuis environ cinq ans, on voit bien que, pour lisser la masse salariale, les seniors, les 50 ans et plus, qui sont souvent d'excellents seniors, dont en fait on ne devrait pas pouvoir se passer, mais dont les salaires sont très élevés, on va mettre en place toute une série de techniques de mise en place de leur disparition. On ne leur parle plus, on leur démantèle leur poste, on leur demande de former le successeur, on a publié le poste du successeur sans leur en parler, il est plus ou moins, entre guillemets, naturellement ignoré par les autres qui ont compris ce qui se passait et qui ne lui obéissent plus.

  • Mieux

    Alors comment repérer les personnalités toxiques avant d'en arriver là ? Pour Karine Clolus-Dupont, un des principaux signaux d'alerte est le turnover anormal dans une équipe.

  • Karine Clolus-Dupont

    Les signes qui peuvent inciter un DRH à être vigilant, c'est un turnover particulier dans une équipe alors qu'il n'existait pas avant. Imaginons une équipe à peu près stable qui change de manager et tout d'un coup, il y a des arrêts maladie à la pelle, des gens qui démissionnent, des gens qui donnent des ruptures conventionnelles sans expliquer pourquoi. ou qui demandent des mutations intra-groupes, alors que précédemment il ne se passait rien, c'était très fluide. Là on peut quand même se poser des questions sur ce qui se passe au sein d'une équipe. La même chose si on voit une équipe au sein d'une structure qui a un turnover beaucoup plus élevé que celle des autres, alors que les métiers ne sont pas forcément plus durs, plus compliqués, on peut quand même se poser la question de savoir pourquoi dans cette équipe, il y a des gens qui partent ou il y a des gens qui ne restent pas. Et ça peut inciter le manager, le HR VP à se poser des questions.

  • Mieux

    Notre invitée invite d'ailleurs les dirigeants et les RH à être vigilants.

  • Karine Clolus-Dupont

    Il ne faut pas faire l'autruche. Il ne faut pas se dire, là, j'ai du turnover dans une équipe, je ne sais pas pourquoi, mais c'est une équipe qui fait des super résultats et le manager est super en comex, il est incroyable, etc. Toujours quand on est RH, se poser des questions, savoir pourquoi on a des collaborateurs qui partent, pourquoi tout d'un coup autant d'arrêts maladie. Vraiment être aux aguets. Ne jamais se laisser... emporté par des apparences. Ça c'est vraiment important. Et puis être en phase avec ses valeurs. C'est-à-dire que quand il se passe quelque chose dans l'entreprise, eh bien il ne faut pas prendre de demi-mesure. Si on a du management toxique, on sanctionne. Si on a une suspicion de management toxique hyper forte, qu'on a du mal à démontrer, mais on sent qu'il y a une souffrance, on sent qu'il y a des conséquences psychosociales, Et bien c'est pareil, on ne prend pas de risque humain, on sanctionne, quitte à prendre un risque juridique. C'est là où il faut mettre le curseur du bon côté. Dans ces situations-là, on reste tenu à notre obligation de santé et de sécurité toujours. Donc on n'a pas le choix. Soit on préserve nos équipes et on se met peut-être en risque juridique parce qu'on a un risque que le management soit peut-être un peu dur et pas toxique, mais on n'a pas le choix, il faut préserver l'équipe. soit on fait un mauvais choix et là le mauvais choix peut vraiment conduire à des situations un petit peu compliquées parce que sans avoir la preuve ou la réalité d'un management toxique le jour J, on l'aura peut-être deux, trois, quatre mois plus tard et ça sera trop tard parce qu'on aura eu un burn out, on aura eu une tentative de suicide, on aura eu une plainte au pénal parce que le harcèlement peut aussi conduire à une plainte pénale et donc on sera dans une situation qui sera déjà trop avancée. pour être, non pas effacé, mais pour être soigné à l'intérieur. Ce qu'on conseille à nos interlocuteurs RH, c'est communiquer, être aux aguets, ne rien laisser passer. et toujours s'en tenir aux valeurs de l'entreprise, qu'en général on affiche au effort.

  • Mieux

    Par ailleurs, l'entreprise dispose de nombreux moyens d'action en termes de prévention.

  • Karine Clolus-Dupont

    On peut tout à fait imaginer qu'il y ait régulièrement au sein de l'entreprise des collaborateurs sensibilisés à ces méthodes de management toxiques ou déplacées, des managers évidemment coachés et sensibilisés à cela aussi. Quand on fait monter en puissance un manager dans une structure, quand un collaborateur... prend la responsabilité d'une équipe, ce n'est pas totalement incongru de le faire accompagner, de le faire coacher ou de le former aux méthodes de management pour qu'il ait bien en tête ce qu'il peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, quelles sont les limites, comment s'adresser de manière bienveillante à ses équipes pour les faire progresser. Il y a évidemment des informations aussi qui sont obligatoires sur ces sujets dans l'entreprise. Le règlement intérieur aujourd'hui, il doit faire une référence obligatoire au harcèlement. Dans les entreprises de plus de 250 personnes, il y a des référents harcèlement qui sont obligatoires. Ce qu'on voit aujourd'hui en pratique, c'est dans toutes les petites PME, les ETI, même à moins de 250, il y a des référents harcèlement. Des référents harcèlement qui sont soit des membres de l'équipe RH, soit des salariés d'ailleurs qui ont une appétence particulière pour ces sujets, qui ont des formations de psychologie, etc., et qui peuvent être désignés en référents harcèlement. De plus en plus, il y a des procédures d'alerte. aussi qui sont mises en place dans l'entreprise. Donc les procédures d'alerte, elles sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés, mais on peut tout à fait les mettre en place aussi dans les entreprises de moins de 50. Et ce sont des canaux qui sont hyper intéressants pour les collaborateurs pour venir dénoncer un comportement qu'ils subissent ou pour venir dénoncer un comportement qu'ils constatent dans leur équipe.

  • Mieux

    Enfin, il y a des actions possibles pour chaque collaborateur et chaque collaboratrice lorsque le management toxique est avéré.

  • Karine Clolus-Dupont

    On a... plein de moyens qui sont mis à notre disposition également quand on est collaborateur pour essayer de faire changer les choses. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dénonce par exemple une situation de harcèlement ou de management toxique, en principe immédiatement maintenant, il y a une enquête qui va être mise en place. Soit une enquête interne qui est menée par des personnes habilitées au sein de la société, voire des personnes d'autres sociétés du groupe qui sont un petit peu indépendants, qui vont venir avec un... un certain recul pour vérifier ce qui se passe au sein d'une équipe, qui vont entendre un certain nombre de salariés. Soit c'est fait carrément par un tiers extérieur, une société spécialisée, un cabinet d'avocats, qui va venir mener une enquête sur la base de faits qui ont été dénoncés. La Cour de cassation, elle impose quasiment l'enquête préalable avant la sanction dans le cadre du harcèlement. Et puis si on va plus loin, il y a aussi dans le Code du travail ce qu'on appelle une procédure de retrait, c'est-à-dire que le salarié, s'il est en danger, il peut se mettre en retrait, expliquer pourquoi. pourquoi il se met en retrait. Donc, il y a quand même un certain nombre d'éléments qui sont soit dans le code du travail, soit dans les bonnes pratiques, qui permettent au collaborateur, quand il subit quelque chose, de pouvoir essayer de se protéger. En tout cas, il est protégeable. Et puis, il y a aussi tout un arsenal répressif. C'est-à-dire qu'on ne peut pas sanctionner quelqu'un dans le cadre d'un harcèlement, et on ne peut pas non plus sanctionner quelqu'un parce qu'il a dénoncé un harcèlement. Donc, la victime est quand même protégée, la victime peut aussi... évidemment saisir les tribunaux, demander réparation du préjudice qu'elle a subi, etc. Et puis côté harceleur, tout acte considéré comme du harcèlement ou comme du management toxique, le management toxique ça confine au harcèlement, le manager toxique il est sanctionnable. Et la plupart du temps il est sanctionné. Et cette sanction ce n'est pas nécessairement un petit avertissement, ça peut aller jusqu'au licenciement ou jusqu'au licenciement pour faute grave. Donc globalement dans l'entreprise, l'arsenal préventif, l'arsenal répressif permet aux collaborateurs de se protéger quand même. contre le management toxique, quand il en subit un.

  • Mieux

    Marie Pezé, elle, conseille à chacun et chacune de connaître ses droits et de faire preuve de solidarité.

  • Marie Pézé

    La connaissance des droits, c'est un must absolu. On ne devrait pas rentrer dans le travail sans connaître ses droits et ses devoirs. La solidarité, elle doit être de principe. Elle est nécessaire pour que des cercles vertueux se remettent en route. En tout cas, sachez que quand vous mettez la main... sur le bras de quelqu'un qui ne va pas bien, vous le sortez de la solitude. Je suis désolée, je ne sais pas quoi faire pour toi, mais je vois que tu ne vas pas bien, si tu veux qu'on en parle. Le toxique, pour l'appeler entre guillemets comme ça, il est par capillarité un modèle pour le reste du collectif. Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont en faire autant. Mais tu vient de le faire, pourquoi pas moi ? C'est important de comprendre qu'on n'a pas tous ce qu'on appelle une autonomie morale subjective, c'est-à-dire la capacité dans des conditions épouvantables de garder son sens de l'équité. On l'a, mais la peur l'emporte. Et moi, je dis toujours, je serai la première si par exemple, un manager qui est noté sur ses objectifs inatteignables et qui doit être atteint, et qui attend un gros bonus, humilie dans une réunion, quelqu'un qui n'a pas fait ce qu'il fallait. Abruti, nul, incapable, et je suis polie en utilisant tous ces mots-là, parce que c'est souvent bien pire. Je serai comme tout le monde, je pense que je ne prendrai pas la parole pendant la réunion. Tout ce que je peux suggérer, c'est en quittant la réunion, la pauvre personne qui a été humiliée, et qui vit en plus de l'agression verbale publique, la solitude totale dans le couloir avec tout le monde qui se détourne, et ça s'appelle du harcèlement transversal, eh bien qu'est-ce qui empêche d'aller voir ? Écoute, je n'ai pas parlé parce que j'ai eu peur, mais je ne suis pas d'accord avec la manière dont on vient de te traiter. Là, je vois que tu es pâle, rouge, tu pleures. Ça peut être déclaré en accident du travail, je t'accompagne chez l'infirmière. Si tu vas chez ton généraliste, tu donnes mon nom, je serai témoin dans le couloir de ton malaise. C'est-à-dire de faire sa part citoyenne. Si tous les chénons de l'entreprise, avec intelligence et ruse, en connaissant bien leurs droits, savent s'y prendre, le toxique ne fait pas long feu.

  • Mieux

    On se retrouve bientôt dans Mieux, le podcast qui interroge le monde du travail.

Description

Toxique ! Voilà un mot que l’on entend, malheureusement, de plus en plus souvent dans le monde du travail. “Personnalités toxiques”, “management toxique”, “ambiance de travail toxique”. Lorsqu’on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi l’on parle, mais précisément… À quelles réalités ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxiques ? Comment agir aussi ? Et bien, c’est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode.

Aujourd’hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, ancien expert judiciaire, et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, Avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage.

Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l’œuvre lorsque la toxicité s’invite dans l’entreprise, et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif.

Vous écoutez Mieux, le podcast sur le monde du travail, proposé par Pluxee France


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marie Pézé

    "Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont faire autant. En fait, si ils le font, pourquoi pas moi."

  • Karine Clolus-Dupont

    "Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs, ou du management inadapté. C'est ce bon terme qui est employé, d'ailleurs, dans les décisions de cours d'appel."

  • Sophie

    "Le médecin du travail m'a dit, voilà, vous vous arrêtez. Si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête. Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus."

  • Mieux

    Toxique, voilà un mot que l'on entend malheureusement de plus en plus souvent dans le monde du travail. Personnalité toxique, management toxique, ambiance de travail toxiques. Lorsqu'on entend ces termes, on visualise tous à peu près de quoi on parle. Mais précisément, à quelle réalité ce mot fait-il référence ? Comment détecter un management, une situation, une personne toxique ? Comment agir aussi ? Eh bien, c'est ce que nous avons souhaité explorer tout au long de cet épisode. Aujourd'hui, nous discutons avec Marie Pezé, docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne experte judiciaire et coordinatrice du réseau souffrance et travail. Nous échangeons avec Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social qui travaille pour le cabinet Lexington. Et puis, nous discutons avec Sophie, qui a été confrontée à une situation de management toxique et qui nous apporte son témoignage. Avec nos trois invitées, nous souhaitons comprendre quels mécanismes sont à l'œuvre lorsque la toxicité s'invite dans l'entreprise et quelles sont les solutions qui existent, aussi bien d'un point de vue individuel que collectif. Vous écoutez Mieux le podcast qui interroge le monde du travail. Pour entrer dans le sujet des personnalités toxiques dans l'entreprise, nous avons contacté Marie Pezé. Marie Pezé est docteure en psychologie, psychanalyste, ancienne expert judiciaire et coordinatrice du réseau Souffrance et Travail. Nous lui avons demandé ce qui définit une personne toxique. Pour elle, c'est une dégradation globale de la situation de travail qui ouvre la porte aux personnalités toxiques.

  • Marie Pézé

    Quand un salarié se plaint d'une situation de travail, le plus souvent, au lieu de se plaindre de la situation de travail, il va se plaindre d'une personne. dans son environnement de travail. La plupart du temps, on tombe en fait sur des conditions de travail qui se sont dégradées, ça se dégrade et ça prend la tournure d'un conflit de personnes. L'année dernière, 47% des salariés se plaignent de souffrance éthique au travail parce qu'ils ne peuvent pas bien travailler. Ils ne se plaignent pas de personnalités toxiques, ils se plaignent que l'intensification du travail, le manque de personnel, l'accélération du temps de travail l'accélération des demandes, le travail à flux tendu, la dégradation des relations avec la clientèle trop exigeante, que tout ça fait qu'ils travaillent à la va-vite, pas bien, qu'ils font du sale boulot, qu'ils ne sont pas fiers de ce qu'ils font, dans tous les domaines, de l'hôpital à la poste, en passant par la restauration, par la police, dans absolument tous les métiers, et qu'aller chercher les personnalités toxiques qui sont en fait toutes les courroies de transmission qui, dans l'organigramme, en descendant, vont transmettre cette intensification, cette accélération, cette surveillance numérique des salariés qui s'est accrue avec la pandémie et avec le télétravail.

  • Mieux

    Des courroies de transmission donc, pour Marie Pezé. Nous avons rencontré Karine Clolus-Dupont, avocate en droit social dans le cabinet Lexington. Elle nous explique comment les tribunaux appréhendent les cas de management toxique.

  • Karine Clolus-Dupont

    Ce qu'il faut peut-être souligner, c'est qu'il n'y a pas de définition du management toxique. Le management toxique, c'est une constatation. Les cours commencent, au cas par cas, à sanctionner des managements déplacés, des managements agressifs ou du management inadapté. C'est souvent le terme qui est employé d'ailleurs dans les décisions de cours d'appel. Mais il n'y a rien dans le code. Donc, en fait, on va venir sanctionner des comportements qui confinent au harcèlement. Le harcèlement, c'est l'ensemble d'agissements qui sont... répétées, qu'on pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'un collaborateur et des dégradations qui sont susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou à sa santé mentale et des dégradations qui sont aussi susceptibles de compromettre son avenir professionnel.

  • Mieux

    Avant d'aller plus loin dans les explications et les solutions possibles face au management toxique, nous vous proposons d'écouter le témoignage de Sophie, qui a vécu une expérience de management toxique. Son histoire illustre de façon frappante les mécanismes qui sont à l'œuvre.

  • Sophie

    Je travaillais dans cette société depuis 2008. Je suis restée dans le même service pendant sept ans. Ça se passait très bien, j'étais très bien vue par mes responsables, par ma hiérarchie, bien notée. avec les entretiens de fin d'année, il n'y avait aucune problématique par rapport à ça. Et comme ça faisait déjà quelques années que j'étais dans le même service, je n'avais pas de possibilité d'évolution. À un moment donné dans la société, il y a eu une opportunité de recrutement en interne pour pouvoir changer de service. J'ai rencontré bien évidemment la responsable du service ressources humaines à l'époque, que je connaissais, et ça a été validé. Mon recrutement en interne a été validé pour passer du service dans lequel j'étais au service ressources humaines. Conditionné bien évidemment à une formation RH que je devais faire pour être un peu plus opérationnelle.

  • Mieux

    Sophie prend son poste, la formation n'a pas lieu, mais tout se passe bien. Quelques mois plus tard pourtant, deux événements a priori sans conséquences possibles vont venir tout bouleverser.

  • Sophie

    La responsable de ce service-là qui m'avait recrutée est partie. Et donc, ma nouvelle responsable a été une collègue avec laquelle je travaillais depuis un an, que j'étais dans ce service ressources humaines. Ça se passait bien, il n'y avait pas d'animosité particulière. Je suis tombée enceinte, ma grossesse se passait très très bien, aucune contre-indication, rien du tout. Et je suis partie pour un congé maternité d'environ 8 mois. Pour me remplacer au cours de ces 8 mois, une personne... qui faisait une formation en ressources humaines, a été recrutée pendant mon congé maternité.

  • Mieux

    Après huit mois, Sophie reprend le travail.

  • Sophie

    Lors de cette reprise, j'ai bien évidemment passé une visite médicale, et le médecin du travail a rapidement dit, vous allez voir, ça va être difficile, le retour va être difficile, donc n'hésitez pas et je reste à l'affût. Et effectivement, le retour a été radicalement différent de ce que j'avais pu penser, à savoir que le premier jour... Tous les dossiers qui étaient sur cette personne qui avait été recrutée pendant mon projet maternité étaient transférés de son bureau à mon bureau. Et surtout, ma responsable me parlait de dossiers comme si je n'avais pas quitté la société depuis huit mois. Je devais être au courant de tout, connaître les derniers process. Tout devait être une évidence. Le jour même ou le lendemain, je ne me souviens plus, j'ai passé mon entretien de fin d'année, donc de l'année d'avant, puisque je n'avais pas eu l'occasion de le passer. Et là, l'entretien s'est très mal passé. Surtout la première chose que m'a dite ma responsable, elle m'a fait une remarque d'ordre personnel, en disant que j'avais osé appeler ma fille Marie, et je savais très bien que c'était le prénom qu'elle aurait donné à sa fille, dans l'hypothèse où elle était de nouveau enceinte. Donc suite à ça, tous les griefs de mon incompétence, j'étais la plus nulle, j'avais fait des... des fautes très importantes, c'était inadmissible. Ça n'a été que critique sur critique. Et puis voilà. Et après, s'en est suivie : "tu en es où de ça ?", "Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu n'as pas fait ?", "Viens avec moi en réunion". Enfin bref, vraiment, ça a été très très lourd. Et rapidement, je faisais toujours ce qu'il ne fallait pas.

  • Mieux

    Le temps passant, les remontrances s'accumulent et elles viennent aussi de plus haut dans la hiérarchie.

  • Sophie

    Une première fois, j'ai été convoquée d ans le bureau du directeur financier pour un recadrage, il m'a dit voilà, j'ai appris que ça n'allait pas depuis ton retour, il faut que tu mettes de l'eau dans ton vin, ça ne peut pas durer comme ça, etc. Bon, moi j'ai argumenté, disant que je n'étais pas d'accord avec la perception des choses, mais ok, très bien.

  • Mieux

    L'ambiance enfin se fait délétère pour Sophie.

  • Sophie

    Pendant ces deux mois où je suis revenue dans l'entreprise, il y avait un tel climat de défiance, de suspicion,... Autant avant, les portes étaient sans arrêt ouvertes, on était tous au courant des dossiers plus ou moins des uns des autres, autant là, les portes étaient fermées, il ne fallait plus me parler devant, plus aucun sujet n'était abordé devant moi. Et donc forcément, vous savez, c'est un peu l'escalade entre l'ambiance... Donc le matin, j'arrivais, je parlais à peine, je déjeunais. quasiment toute seule. Après, c'est un peu la spirale infernale. Les collègues que j'avais dans mon service précédent, on n'était pas du tout dans les mêmes locaux, donc ce n'est pas des gens que je voyais très souvent. Et voilà, même si je m'épanchais un peu sur eux, ils n'étaient pas forcément conscients de la gravité de tout ce qui pouvait se passer. Voilà, donc ça a duré quelque temps comme ça, c'était assez difficile. Et puis, jusqu'à un jour où le PDG de la société, le PDG me dit Tiens, Sophie, on n'a jamais eu l'occasion de déjeuner ensemble. ça serait bien qu'on déjeune ensemble. Sachant que je n'avais jamais déjeuné avec lui par le passé. Et c'est là qu'il m'explique qu'il est conscient qu'il a eu vent des difficultés dans le service depuis mon retour, que ça génère des tensions, que ça ne peut pas durer. Donc on est là pour essayer de trouver des solutions. Et puis donc il m'explique les trois options qui s'offrent à moi. La première option était que je retourne à mon poste précédent, mais que ce n'était pas possible puisque le poste était déjà pourvu. Et que voilà, la deuxième option c'était que je sois pour le coup formée en ressources humaines. Mais depuis mon retour dans l'entreprise, il y avait un tel climat de tension que ça allait être difficile ou alors il fallait vraiment que je mette de l'eau dans mon vin. Et la troisième option, c'était que l'entreprise m'accompagne dans un projet à l'extérieur de la société. Donc j'ai un peu accusé le coup. Après ce déjeuner, j'ai quand même sollicité les syndicats pour avoir leur point de vue, leur aide. Un des représentants m'a indiqué qu'il fallait que je mette par écrit les propositions qui m'avaient été faites par le DG. Chose que j'ai faite dans la foulée, de façon très factuelle, polie, etc. Et à réception de mon mail, le PDG m'a renvoyé un mail en me disant que c'était un tissu de mensonge, ce que je venais d'écrire, qu'il n'avait jamais dit ça, q u'il comprenait mieux pourquoi mes supérieurs hiérarchiques n'étaient pas satisfaits de mon travail, et que je ferais mieux de me concentrer sur mon travail plutôt que de passer du temps de cette façon-là, à raconter des mensonges. Donc voilà, ça, c'était le point ultime où j'ai perdu tous mes moyens. J'ai craqué complètement. Bien évidemment, j'ai appelé mon mari. J'ai aussi... J'ai fait un mail au médecin du travail qui m'a dit vous venez me voir, chose que j'ai faite. Et le médecin du travail m'a dit vous vous arrêtez, si vous n'avez pas besoin de retourner dans l'entreprise, vous n'y retournez pas et vous allez directement voir votre médecin pour qu'il vous arrête Parce que j'étais en larmes, je ne pouvais plus. Donc le médecin m'a arrêtée pour un mois et après un deuxième mois et rapidement, je n'osais plus de toute façon sortir de chez moi. J'avais peur de rencontrer d'éventuels collègues, je me sentais fautive de ce qui se passait. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je ne comprenais pas ce qu'on pouvait me reprocher.

  • Mieux

    Sophie tente de remonter la pente. Malheureusement, un lien ponctuel avec l'entreprise demeure qui ne va pas dans le sens de l'apaisement.

  • Sophie

    Le médecin m'a orientée vers un psy pour me faire aider, pour me faire accompagner. Ça, ça a duré quelques mois aussi. Et je tenais à informer malgré tout mon employeur, ainsi que la sécurité sociale, de mes éventuels déplacements. Puisque comme j'ai été arrêtée plusieurs mois, je suis partie dans la famille me reposer. J'ai donc averti mon employeur et sur mon lieu de vacances dans ma famille, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur qui souhaitait faire vérifier mon état auprès d'un médecin local. À la suite de ça, j'ai consulté effectivement un avocat pour savoir ce qu'il était possible dans une démarche plutôt de harcèlement moral. J'ai sollicité de nouveau les représentants du personnel, les représentants syndicaux, pour avoir de l'aide de leur part. Personne n'était présent. Et quelques mois après le début de mon arrêt maladie, j'ai reçu une lettre recommandée de mon employeur, me licenciant pour faute grave. Donc, rebelote, repartie dans des spirales de questionnements. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai pas fait ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Et ça n'allait pas du tout. encore plus. Bien évidemment, nous n'avons jamais su quelle était la raison de la faute grave évoquée, et je n'ai pas réussi à avoir d'aide de la société, enfin de personnes dans la société à l'époque, puisque les personnes qui auraient pu éventuellement m'aider avaient eu des promotions, donc ça leur était difficile pour eux de m'aider, de me représenter, sachant qu'elles avaient enfin obtenu les postes qu'elles voulaient, etc. Je savais que la société allait être prochainement en vente, je savais qu'il fallait que la mariée soit belle, qu'elle soit la plus attractive possible. Mais je ne voyais pas pourquoi j'étais un problème.

  • Mieux

    Notre invitée n'aura pas le fin mot de l'histoire. L'entreprise acceptera finalement de transiger.

  • Sophie

    Au bout de quelques mois, de plusieurs mois, je pense que la société a finir par dire ok, on accepte Après, ce ne sont que des suppositions. Mais ils ont fini par accepter ce que j'avais demandé en termes d'indemnisation quasiment huit mois plus tôt.

  • Mieux

    Ça s'est arrêté là. Mais il a fallu du temps à Sophie pour se reconstruire après cette expérience douloureuse.

  • Sophie

    J'étais vraiment très déstabilisée. J'ai coupé contact avec tous mes collègues, même ceux que j'appréciais sur les réseaux sociaux, par téléphone, etc. J'ai très longtemps été salariée. Je suis plutôt quelqu'un de très impliqué dans mon travail. J'ai toujours eu des bonnes évaluations, toujours impliquée dans mon travail, ne comptant jamais mes heures, etc. Et le fait d'avoir été licenciée de cette façon-là m'a complètement dégoûtée du monde du travail en tant que salariée. J'ai vraiment vécu ça comme une injustice. Donc c'est surtout ça aujourd'hui qui reste encore présent. Même si maintenant je mets tout ça en perspective en me disant que la société était en procédure de revente, donc il fallait valoriser, il fallait qu'elle soit attractive pour en sortir le meilleur prix possible, ceci étant, ça ne justifie d'aucune manière la façon dont on peut traiter les salariés comme je l'ai été. Et moi, je l'ai vécu, mais je n'ai pas été la seule.

  • Mieux

    L'histoire de Sophie fait écho à ce que Marie Pezé voit régulièrement dans son cabinet.

  • Marie Pézé

    Quand vous grattez derrière la chronologie de la dégradation de la situation de travail et la chronologie de la dégradation de la santé de ces différentes personnes qui ont fini par craquer, vous retrouvez toujours des étapes chronologiques très précises. L'entreprise a été vendue, le nouveau directeur a mis en place ses logiciels et puis veut faire partir les autres équipes, parce qu'il veut ses hommes et ses femmes, ce qui peut se comprendre. Simplement, il met en place des techniques très précises pour rendre la vie impossible aux gens qu'il veut faire partir. Et là, actuellement, dans les consultations, depuis environ cinq ans, on voit bien que, pour lisser la masse salariale, les seniors, les 50 ans et plus, qui sont souvent d'excellents seniors, dont en fait on ne devrait pas pouvoir se passer, mais dont les salaires sont très élevés, on va mettre en place toute une série de techniques de mise en place de leur disparition. On ne leur parle plus, on leur démantèle leur poste, on leur demande de former le successeur, on a publié le poste du successeur sans leur en parler, il est plus ou moins, entre guillemets, naturellement ignoré par les autres qui ont compris ce qui se passait et qui ne lui obéissent plus.

  • Mieux

    Alors comment repérer les personnalités toxiques avant d'en arriver là ? Pour Karine Clolus-Dupont, un des principaux signaux d'alerte est le turnover anormal dans une équipe.

  • Karine Clolus-Dupont

    Les signes qui peuvent inciter un DRH à être vigilant, c'est un turnover particulier dans une équipe alors qu'il n'existait pas avant. Imaginons une équipe à peu près stable qui change de manager et tout d'un coup, il y a des arrêts maladie à la pelle, des gens qui démissionnent, des gens qui donnent des ruptures conventionnelles sans expliquer pourquoi. ou qui demandent des mutations intra-groupes, alors que précédemment il ne se passait rien, c'était très fluide. Là on peut quand même se poser des questions sur ce qui se passe au sein d'une équipe. La même chose si on voit une équipe au sein d'une structure qui a un turnover beaucoup plus élevé que celle des autres, alors que les métiers ne sont pas forcément plus durs, plus compliqués, on peut quand même se poser la question de savoir pourquoi dans cette équipe, il y a des gens qui partent ou il y a des gens qui ne restent pas. Et ça peut inciter le manager, le HR VP à se poser des questions.

  • Mieux

    Notre invitée invite d'ailleurs les dirigeants et les RH à être vigilants.

  • Karine Clolus-Dupont

    Il ne faut pas faire l'autruche. Il ne faut pas se dire, là, j'ai du turnover dans une équipe, je ne sais pas pourquoi, mais c'est une équipe qui fait des super résultats et le manager est super en comex, il est incroyable, etc. Toujours quand on est RH, se poser des questions, savoir pourquoi on a des collaborateurs qui partent, pourquoi tout d'un coup autant d'arrêts maladie. Vraiment être aux aguets. Ne jamais se laisser... emporté par des apparences. Ça c'est vraiment important. Et puis être en phase avec ses valeurs. C'est-à-dire que quand il se passe quelque chose dans l'entreprise, eh bien il ne faut pas prendre de demi-mesure. Si on a du management toxique, on sanctionne. Si on a une suspicion de management toxique hyper forte, qu'on a du mal à démontrer, mais on sent qu'il y a une souffrance, on sent qu'il y a des conséquences psychosociales, Et bien c'est pareil, on ne prend pas de risque humain, on sanctionne, quitte à prendre un risque juridique. C'est là où il faut mettre le curseur du bon côté. Dans ces situations-là, on reste tenu à notre obligation de santé et de sécurité toujours. Donc on n'a pas le choix. Soit on préserve nos équipes et on se met peut-être en risque juridique parce qu'on a un risque que le management soit peut-être un peu dur et pas toxique, mais on n'a pas le choix, il faut préserver l'équipe. soit on fait un mauvais choix et là le mauvais choix peut vraiment conduire à des situations un petit peu compliquées parce que sans avoir la preuve ou la réalité d'un management toxique le jour J, on l'aura peut-être deux, trois, quatre mois plus tard et ça sera trop tard parce qu'on aura eu un burn out, on aura eu une tentative de suicide, on aura eu une plainte au pénal parce que le harcèlement peut aussi conduire à une plainte pénale et donc on sera dans une situation qui sera déjà trop avancée. pour être, non pas effacé, mais pour être soigné à l'intérieur. Ce qu'on conseille à nos interlocuteurs RH, c'est communiquer, être aux aguets, ne rien laisser passer. et toujours s'en tenir aux valeurs de l'entreprise, qu'en général on affiche au effort.

  • Mieux

    Par ailleurs, l'entreprise dispose de nombreux moyens d'action en termes de prévention.

  • Karine Clolus-Dupont

    On peut tout à fait imaginer qu'il y ait régulièrement au sein de l'entreprise des collaborateurs sensibilisés à ces méthodes de management toxiques ou déplacées, des managers évidemment coachés et sensibilisés à cela aussi. Quand on fait monter en puissance un manager dans une structure, quand un collaborateur... prend la responsabilité d'une équipe, ce n'est pas totalement incongru de le faire accompagner, de le faire coacher ou de le former aux méthodes de management pour qu'il ait bien en tête ce qu'il peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, quelles sont les limites, comment s'adresser de manière bienveillante à ses équipes pour les faire progresser. Il y a évidemment des informations aussi qui sont obligatoires sur ces sujets dans l'entreprise. Le règlement intérieur aujourd'hui, il doit faire une référence obligatoire au harcèlement. Dans les entreprises de plus de 250 personnes, il y a des référents harcèlement qui sont obligatoires. Ce qu'on voit aujourd'hui en pratique, c'est dans toutes les petites PME, les ETI, même à moins de 250, il y a des référents harcèlement. Des référents harcèlement qui sont soit des membres de l'équipe RH, soit des salariés d'ailleurs qui ont une appétence particulière pour ces sujets, qui ont des formations de psychologie, etc., et qui peuvent être désignés en référents harcèlement. De plus en plus, il y a des procédures d'alerte. aussi qui sont mises en place dans l'entreprise. Donc les procédures d'alerte, elles sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés, mais on peut tout à fait les mettre en place aussi dans les entreprises de moins de 50. Et ce sont des canaux qui sont hyper intéressants pour les collaborateurs pour venir dénoncer un comportement qu'ils subissent ou pour venir dénoncer un comportement qu'ils constatent dans leur équipe.

  • Mieux

    Enfin, il y a des actions possibles pour chaque collaborateur et chaque collaboratrice lorsque le management toxique est avéré.

  • Karine Clolus-Dupont

    On a... plein de moyens qui sont mis à notre disposition également quand on est collaborateur pour essayer de faire changer les choses. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dénonce par exemple une situation de harcèlement ou de management toxique, en principe immédiatement maintenant, il y a une enquête qui va être mise en place. Soit une enquête interne qui est menée par des personnes habilitées au sein de la société, voire des personnes d'autres sociétés du groupe qui sont un petit peu indépendants, qui vont venir avec un... un certain recul pour vérifier ce qui se passe au sein d'une équipe, qui vont entendre un certain nombre de salariés. Soit c'est fait carrément par un tiers extérieur, une société spécialisée, un cabinet d'avocats, qui va venir mener une enquête sur la base de faits qui ont été dénoncés. La Cour de cassation, elle impose quasiment l'enquête préalable avant la sanction dans le cadre du harcèlement. Et puis si on va plus loin, il y a aussi dans le Code du travail ce qu'on appelle une procédure de retrait, c'est-à-dire que le salarié, s'il est en danger, il peut se mettre en retrait, expliquer pourquoi. pourquoi il se met en retrait. Donc, il y a quand même un certain nombre d'éléments qui sont soit dans le code du travail, soit dans les bonnes pratiques, qui permettent au collaborateur, quand il subit quelque chose, de pouvoir essayer de se protéger. En tout cas, il est protégeable. Et puis, il y a aussi tout un arsenal répressif. C'est-à-dire qu'on ne peut pas sanctionner quelqu'un dans le cadre d'un harcèlement, et on ne peut pas non plus sanctionner quelqu'un parce qu'il a dénoncé un harcèlement. Donc, la victime est quand même protégée, la victime peut aussi... évidemment saisir les tribunaux, demander réparation du préjudice qu'elle a subi, etc. Et puis côté harceleur, tout acte considéré comme du harcèlement ou comme du management toxique, le management toxique ça confine au harcèlement, le manager toxique il est sanctionnable. Et la plupart du temps il est sanctionné. Et cette sanction ce n'est pas nécessairement un petit avertissement, ça peut aller jusqu'au licenciement ou jusqu'au licenciement pour faute grave. Donc globalement dans l'entreprise, l'arsenal préventif, l'arsenal répressif permet aux collaborateurs de se protéger quand même. contre le management toxique, quand il en subit un.

  • Mieux

    Marie Pezé, elle, conseille à chacun et chacune de connaître ses droits et de faire preuve de solidarité.

  • Marie Pézé

    La connaissance des droits, c'est un must absolu. On ne devrait pas rentrer dans le travail sans connaître ses droits et ses devoirs. La solidarité, elle doit être de principe. Elle est nécessaire pour que des cercles vertueux se remettent en route. En tout cas, sachez que quand vous mettez la main... sur le bras de quelqu'un qui ne va pas bien, vous le sortez de la solitude. Je suis désolée, je ne sais pas quoi faire pour toi, mais je vois que tu ne vas pas bien, si tu veux qu'on en parle. Le toxique, pour l'appeler entre guillemets comme ça, il est par capillarité un modèle pour le reste du collectif. Si le toxique agresse une personne pour X raisons, les autres vont en faire autant. Mais tu vient de le faire, pourquoi pas moi ? C'est important de comprendre qu'on n'a pas tous ce qu'on appelle une autonomie morale subjective, c'est-à-dire la capacité dans des conditions épouvantables de garder son sens de l'équité. On l'a, mais la peur l'emporte. Et moi, je dis toujours, je serai la première si par exemple, un manager qui est noté sur ses objectifs inatteignables et qui doit être atteint, et qui attend un gros bonus, humilie dans une réunion, quelqu'un qui n'a pas fait ce qu'il fallait. Abruti, nul, incapable, et je suis polie en utilisant tous ces mots-là, parce que c'est souvent bien pire. Je serai comme tout le monde, je pense que je ne prendrai pas la parole pendant la réunion. Tout ce que je peux suggérer, c'est en quittant la réunion, la pauvre personne qui a été humiliée, et qui vit en plus de l'agression verbale publique, la solitude totale dans le couloir avec tout le monde qui se détourne, et ça s'appelle du harcèlement transversal, eh bien qu'est-ce qui empêche d'aller voir ? Écoute, je n'ai pas parlé parce que j'ai eu peur, mais je ne suis pas d'accord avec la manière dont on vient de te traiter. Là, je vois que tu es pâle, rouge, tu pleures. Ça peut être déclaré en accident du travail, je t'accompagne chez l'infirmière. Si tu vas chez ton généraliste, tu donnes mon nom, je serai témoin dans le couloir de ton malaise. C'est-à-dire de faire sa part citoyenne. Si tous les chénons de l'entreprise, avec intelligence et ruse, en connaissant bien leurs droits, savent s'y prendre, le toxique ne fait pas long feu.

  • Mieux

    On se retrouve bientôt dans Mieux, le podcast qui interroge le monde du travail.

Share

Embed

You may also like