- Speaker #0
laBienvenue dans Mosaïque Salsa, le podcast qui t'emmène au cœur de la salsa et de toutes ses facettes. Dans cet épisode, j'ai de nouveau le plaisir d'accueillir Yegor pour une conversation passionnante sur le niveau en danse, un sujet qui revient souvent dans les discussions. Comment définir son niveau ? On parle de confiance, d'évolution et de ces moments où l'on stagne avant de faire un bond en avant. Yégor explore aussi l'importance du confort dans la danse, de la connexion avec ses partenaires et du regard des autres. Pour tout ça, nous nous sommes retrouvés dans son salon à Toulouse. Alors installe-toi confortablement et laisse-toi emporter par cette réflexion autour du parcours du danseur et de tout ce qui le rend unique.
- Speaker #1
Bonjour Yegor.
- Speaker #2
Bonjour Manon.
- Speaker #1
On a déjà fait un épisode ensemble, mais je vais te laisser te représenter.
- Speaker #2
Je m'appelle Yegor, je suis danseur de salsa et prof de danse à Toulouse.
- Speaker #1
On va parler ensemble aujourd'hui du niveau de danse.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu entends par là ?
- Speaker #2
Alors, je voulais en parler parce que c'est quelque chose qui revient très souvent dans la discussion, que ce soit avec les élèves ou entre nous, entre danseurs, après une soirée, après un cours, après un show. Et justement, j'ai l'impression que différentes personnes y mettent différentes... significations. Donc je trouvais ça intéressant, notamment pour les gens qui se sont pas encore lancés ou qui débutent dans la salsa, c'est quelque chose d'assez flou et qui fait un peu peur. On entend souvent, ah non mais trop de niveaux, j'ai pas le niveau pour ça ou ce genre de choses là. La seule définition que j'ai trouvé moi un peu concrète du niveau on va dire, c'est le nombre d'éléments que tu peux réaliser et que tu peux réaliser confortablement ou proprement on va dire. Au final, c'est la seule chose qui est objective, sinon tout le reste est subjectif. Et ce niveau-là, forcément, il évolue tout au cours de notre carrière de danseuse, de danseur ou d'artiste. Mais aussi, dès qu'on le définit comme ça, on voit qu'il y a plusieurs niveaux, en fait. Chaque personne a plusieurs niveaux, on a le niveau en tant que danseurs sociaux, de son social. en tant que danseur-danseuse solo et en tant qu'artiste sur scène. Et c'est des niveaux qui peuvent être très différents chez la même personne parce que ce sont des compétences qu'on développe qui sont assez différentes. Tu en a déjà parlé avec des intervenants et intervenantes dans d'autres épisodes. Ce ne sont pas forcément les mêmes compétences qu'on développe pour la piste de danse ou pour la scène par exemple. Du coup, on peut avoir un niveau incroyable dans l'un et un niveau débutant en pratique.
- Speaker #1
Et là tu commençais à parler dans la définition, il y aurait une caractéristique assez quantitative, le nombre d'éléments, donc c'est quoi ? C'est le nombre de passes, le nombre de pas, ce sont des éléments appris, et un côté plus qualitatif pour le faire confortablement, correctement ?
- Speaker #2
Oui je pense, parce que le même mouvement, on peut le développer tout au long de... sa vie, selon son expérience, un Suzy Q peut avoir plein de niveaux différents.
- Speaker #1
Parce que finalement, il y a un aspect, le côté un peu quantitatif de combien de choses je sais faire, que ce soit quand je suis en solo pour faire des shines, ça c'est assez concret, je pense que c'est beaucoup plus facile à évaluer que est-ce que je le fais correctement ou est-ce que je le fais confortablement.
- Speaker #2
Alors pour moi, pas forcément, parce que pour moi, la qualité en solo, ça revient de la quantité. Parce qu'en fait, un SuzyQ, il y a 15 façons de le faire. Si tu sais le faire que de 5 manières, tu en as encore 10 à apprendre, je dis toujours à des élèves qui ont déjà appris ailleurs, qui disent "ah oui, mais moi je fais comme ça" je dis c'est bien, apprends à le faire comme nous on l'enseigne, et après tu pourras choisir, tu pourras le faire, et tu auras la version qui toi te plaît. Mais tu seras capable de faire n'importe quelle version. Et après, c'est une question de choix. Donc en solo, pour moi, ça reste de la quantité, parce que tu vas avoir des grands artistes qui vont faire des mouvements assez similaires, enfin le même mouvement fondamental, mais de façon très différente. Tu peux apprendre le style Karel, le style Bercy, le style Ella. Je pensais plutôt au couple.
- Speaker #1
Mais si on parle de ton exemple du solo, je peux aussi faire un SuzyQ, peu importe le style, est-ce que je mets plus les hanches, est-ce que je mets plus les épaules, enfin peu importe. Mais entre le moment où je l'apprends et le moment où je le fais correctement avec les bons appuis, tu vois, ça aussi c'est assez subjectif.
- Speaker #2
Oui, ça c'est entre toi et toi, on va dire.
- Speaker #1
Comment j'ai gagné ou j'ai venu ?
- Speaker #2
Ça, ça reste plus personnel, oui. Pour moi, c'est ça, c'est en fait, tu as le pas de base, puis tu as le pas de base avec les hanches, puis tu as le pas de base avec les hanches et les épaules, et en gros, c'est chaque fois des versions différentes, entre guillemets, du pas de base. Une fois qu'il est maîtrisé, ça veut dire que tu le fais de façon tout à fait, encore une fois, confortable et naturelle pour toi, et ça, ça veut dire que c'est maîtrisé. Pour moi, c'est comme en couple, le facteur déterminant, c'est vraiment... Il y a le nombre de passes, d'éléments qu'on sait faire, et le confort, le sien, et celui de la personne avec qui on est. Du coup,
- Speaker #1
c'est quelque chose à quoi il faut réfléchir, ou en tout cas à quoi il faut s'intéresser ?
- Speaker #2
Pour moi, oui, c'est ce qui fait la différence entre deux niveaux à ce niveau-là. Ce n'est pas est-ce que tu sais faire cet élément, c'est est-ce que tu sais le faire confortablement. Si tu fais un élément et que tu casses le cou de quelqu'un au passage, c'est probablement que tu ne sais pas vraiment le faire.
- Speaker #1
C'est évident, il y a beaucoup de choses qui peuvent être inconfortables et qui sont moins évidentes.
- Speaker #2
Mais il faut en parler.
- Speaker #1
C'est là où je voulais en venir, c'est qu'en fait, il faut en parler, parce que parfois c'est difficile de se rendre compte que quelque chose n'est pas confortable, que ce soit en suivi ou en guide d'ailleurs.
- Speaker #2
Oui, tout à fait, et c'est pour ça que la communication est super importante, c'est pas forcément facile d'en parler avec toute personne avec qui on danse en soirée, mais c'est une compétence qu'on développe. Et on se rend compte, au fur et à mesure, justement, en discutant avec des amis qui dansent l'autre rôle, de ce qui peut être confortable ou pas. Et même en soirée, ça peut arriver de faire un élément, de se dire peut-être que c'était inconfortable, et de poser la question, est-ce que ça, ça allait ? Et au final, ces quelques secondes, et c'est une phrase en échange, la personne va souvent dire soit « ah bon, non, non, moi ça allait» soit elle va dire « ah oui, c'était pas top » .
- Speaker #1
Ca on arrive même parfois à la faire pendant la danse en fait. Et les expressions du visage aussi ça compte. Oui,ça compte. Mais pour ça, il faut faire attention à l'autre personne avec qui on danse. En tant que guide, on développe des critères selon lesquels on peut voir si l'autre personne, si elle est stable, si ça tire sur les bras ou pas, s'il y a plein de choses. Et en tant que partenaire aussi, plus on y porte son attention, à son confort et au confort de l'autre, on le conscientise, plus ça devient facile de comprendre, même sans poser la question. mais ça aide beaucoup de travailler, de continuer à s'entraîner avec quelqu'un à qui on a confiance, avec qui on peut avoir ce dialogue. Et là, tu commences à parler tout à l'heure de l'évolution du niveau. Comment ça se passe ? Qu'est-ce qu'il y a derrière tout ça ?
- Speaker #2
Alors, le niveau, ça peut évoluer de façon très différente, et ça dépend beaucoup des gens. Le niveau effectif va vraiment dépendre du passif d'une personne. Une personne arrive en salsa avec... dix ans d'autres danses avant, si la personne arrive sans avoir jamais dansé et en étant, par exemple, comme moi, quand je suis arrivé, complètement persuadé d'être incapable de danser, ce sera un frein d'autant plus à la danse et à l'évolution. Donc déjà, ça, c'est la première chose. Et puis, Rayan en parlait, il y a des paliers d'évolution, etc. Enfin, on va tous avoir des moments où on arrête d'évoluer, où on régresse, ou alors... On a l'impression d'arrêter d'évoluer, mais c'est juste qu'il y a des choses qui sont en train de macérer en fond dans notre corps, dans notre cerveau, et qui ont juste besoin de temps pour se réaliser. Mais nous, on a l'impression qu'en fait, on stagne, que je pense que ce n'est pas forcément toujours le cas, même si on en a l'air. Toi,
- Speaker #1
ça fait dix ans, enfin dix ans même plus.
- Speaker #2
Ça fait treize ans.
- Speaker #1
Treize ans que tu danses, est-ce que tu as encore cette impression ?
- Speaker #2
En permanence. Selon ce sur quoi on se focalise aussi par exemple, si on se focalise sur du show et qu'on ne fait plus du tout de social parce qu'on n'a plus le temps, parce qu'on est en entraînement tous les soirs, peut-être qu'on va retourner sur la piste, on va avoir l'impression d'avoir régressé, d'avoir perdu certains réflexes. Ou inversement, si on faisait plein de shows et après on a raté pendant trois ans, quand on va y arriver, on va probablement avoir du mal. Oui, c'est permanent. Pareil, quand on se focalise sur l'enseignement, on a tendance à moins danser, sauf si on a plein de temps libre, ce qui n'est pas mon cas. Du coup, ça crée une frustration à ce niveau-là.
- Speaker #1
C'est bien d'avoir conscience que chaque élément peut se décliner sur plusieurs niveaux et qu'en fait, effectivement, il y a tellement de domaines différents qu'on a tous des forces, des faiblesses et de garder en tête peut-être qu'il y a aussi des des éléments dans lesquels on est plus à l'aise.
- Speaker #2
Oui, et moi, ce qui m'a beaucoup aidé, c'est qu'au bout d'un moment, je me suis rendu compte qu'après une phase de stagnation, de frustration, il y a toujours... En tout cas chez moi ça n'a jamais raté et j'ai appris à faire confiance à ce processus. C'est qu'il y a toujours un moment où ça rentre, toujours, toujours, toujours. Le nombre de fois où j'ai eu, je pensais beaucoup, beaucoup, beaucoup, 3, 4, 5 fois par semaine je sortais danser et j'avais des semaines où vraiment j'avais l'impression d'arriver à rien. Et bien il suffisait d'arrêter de danser pendant une semaine ou juste de continuer, il suffit d'une soirée, d'une danse pour que la perception change et qu'il y ait des choses qui se développent d'un coup, qui nous donnent des clés etc. Donc c'est ça qui est chouette aussi je trouve, c'est que j'ai l'impression que on se fait confiance et on continue à rester ouvert, à chercher un peu à évoluer etc. ça revient toujours.
- Speaker #1
Et quand on est dans le cas inverse ou qu'on débute et qu'on n'a pas cette expérience de "je sais qu'un jour ça va débloquer" et tu commencais à en parler parfois du côté impressionnant de certains endroits, ou de certaines personnes, et on se dit, je n'ai pas le niveau. Du coup, comment on peut faire pour garder une perception bienveillante et assez juste de notre niveau ?
- Speaker #2
Alors j'ai un élève qui est une grande inspiration pour moi, il s'appelle Pierre, si tu nous entends. Il est arrivé, il n'avait jamais dansé, il n'avait pas forcément de facilité, mais il était très motivé, il s'est lancé et au bout d'un mois, il est allé au festival. Et à ce festival, il a invité tout le monde, y compris toutes les artistes. Et je le voyais danser avec un sourire très sincère de joie, faire des choses qu'il ne maîtrisait pas encore. Mais avec cette joie de la découverte et du partage, j'avais l'impression, je ne veux pas parler pour lui, j'avais l'impression, je veux m'imaginer en tout cas, qu'il se disait que je suis débutant, c'est normal, on est là pour danser et pas pour faire du show ou de la performance. Donc, il n'y a aucun problème à ce que j'invite toute personne avec qui j'ai envie de danser. Parce que moi, pour le coup, j'ai beaucoup été dans cette situation où, au début, je n'osais pas inviter parce que j'avais l'impression d'ennuyer l'autre personne ou quoi. Mais en fait, ça, c'est une logique où on est dans une logique de performance. Et d'à priori, sur le fait que la danse doit être une performance. Alors que non, le fond de la danse, ça reste un partage. Dans les échanges que j'ai eus avec un grand nombre de danseurs et danseuses de très haut niveau, en fait, le niveau est très loin en bas de la liste des critères pour une bonne danse. J'ai pu avoir des danses très chouettes avec des personnes qui débutaient, même des personnes dont c'était le premier cours. La danse, c'est avant tout un moment de partage. Si la personne est présente, si elle sourit, si elle s'amuse et elle partage son plaisir de ce qui se passe, en fait on peut passer un excellent moment. C'est très difficile de l'entendre quand on a ce côté un peu stressé au début, mais j'essaie vraiment d'encourager les personnes qui commencent à moins se poser de questions et à aussi faire la grande différence entre le cours et le social. Parce qu'en cours, on a tendance à se faire beaucoup corriger et du coup, on voit ses défauts et on a tendance à transposer ça quand on arrive à garder ce bagage-là. Quand on arrive sur la piste de danse, c'est se dire toute personne avec qui je vais danser va avoir ses défauts. Certains ont la malheureuse habitude de corriger les autres sur la piste de danse. La personne se retrouve d'autant plus dans ces dynamiques-là. Alors que non, on apprend en cours pour pouvoir justement être plus confortable, plus à l'aise, prendre plus de plaisir tout simplement et donner plus de plaisir à l'autre pendant la danse. Mais sur la piste, on est avec le niveau qu'on a et c'est normal. Une chose dont je me suis rendu compte aussi, beaucoup en enseignant, c'est que chaque personne a le niveau maximal qu'elle peut avoir. C'est comme l'idée qu'on est la meilleure personne qu'on peut être à un moment donné, y compris en niveau de danse. C'est-à-dire que oui, il y a une personne qui va mettre deux cours, il y a une personne qui va mettre dix cours à apprendre la même chose. En fait, celle qui a mis dix cours, c'est pas qu'elle est moins bonne, c'est que à ce moment-là, à cette période-là de sa vie, avec son passé, avec son vécu, c'est le maximum que cette personne-là peut faire. Et ce n'est pas grave, parce qu'on est là pour s'amuser. C'est un peu différent si la personne s'engage dans une démarche semi-professionnelle ou professionnelle, si tu rentres dans une troupe, si tu rentres justement dans une dynamique où il y a un besoin de résultat, de performance... On te donne des règles à l'avance et tu t'engages à fournir un travail, etc... Et bien là c'est à toi de trouver la façon d'arriver à ce résultat mais ce n'est pas du tout le cas pour toutes les personnes qui sont sur une piste de danse et si l'autre personne n'est pas contente de mon niveau en danse, en fait, ses attentes sont de sa responsabilité et pas de la mienne mais ça c'est la danse par rapport à toute interaction sociale on prend conscience de ce fait là, que là je fais le maximum que je peux. J e peux faire ce que je veux, je n'aurai pas un meilleur niveau que j'ai à la maison. Je continue à aller en cours, donc mon niveau va s'améliorer, mais là, pendant notre danse, mon niveau est de ce qu'il est. Donc soit on s'amuse avec ce qu'on a, soit on va passer cinq minutes très malheureuses tous les deux. Donc si on accepte ça, on peut juste se laisser aller à jouer. On a tendance à oublier surtout au début les dimensions de jeu qu'il peut y avoir dans la danse.
- Speaker #1
Je pense que c'est la comparaison aussi aux autres. Parce que dans les variations qu'on fait de notre niveau, ça entre beaucoup en jeu. Je ne sais pas si ça devrait,
- Speaker #2
mais... Oui, ça entre énormément en jeu. Je pense que c'est la façon dont on est éduqué. Mais c'est vrai qu'il y a deux sortes d'approches. En fait, soit tu vas voir quelqu'un qui danse incroyablement et tu vas dire, j'ai envie de danser comme cette personne-là. Et du coup, ça va nous pousser. Soit on va se dire... elle est incroyable et en plus elle ou lui il a 21 ans et moi j'en ai déjà 36 et je vais jamais y arriver et du coup on baisse les bras et on est autant dans l'autoflagellation de je suis pas assez bon ou assez bonne mais oui la comparaison est très très toxique à ce niveau là pour ça parce que ça tue le plaisir en fait on oublie qu'on danse pour soi et pas pour quelqu'un d'autre. Et c'est très pareil, surtout au début, on arrive en festival, on se dit qu'il y a tellement de bons danseurs, pourquoi est-ce que les gens auraient envie de danser avec moi ? Et en fait, c'est une erreur de prendre la décision à la place de l'autre. Si l'autre personne n'a pas envie de danser avec nous parce qu'on a un niveau qui ne lui convient pas, c'est à cette personne-là d'apprendre à le dire et éventuellement... On espère apprendre à le dire de façon bienveillante, encore une fois, pour ne pas brusquer les gens. Mais je ne vois pas de souci à ne pas vouloir danser avec quelqu'un alors qu'on a envie de quelqu'un d'un bon niveau. Par exemple, moi, ça va m'arriver sur des chansons très rapides, que j'aime beaucoup, de plutôt refuser une danse à quelqu'un qui débute. Parce que je sais que cette personne-là, sur une musique rapide, va juste galérer à garder son pas de base et que moi peut-être que cette chanson-là, spécifiquement à ce moment-là de la soirée, j'ai vraiment envie d'en profiter avec quelqu'un avec qui on va pouvoir plus s'exprimer dans un vocabulaire, salsa plus développé. Ce qui ne m'empêche pas que je pourrais avoir beaucoup de plaisir à danser avec la même personne à un autre moment, tant que je le communique gentiment. Cette comparaison, elle est dangereuse.
- Speaker #1
Et en plus elle peux, je pense, complètement influencer, influer, sur l'expérience de danse. Des fois on va se mettre la pression justement, par la comparaison et du coup on arrive dans la danse tendu, du coup avec une connexion qui se fait mal. Et je pense que c'est bénéfique à personne. Mais c'est vrai que culturellement ça fait partie vraiment des automatismes, et je pense que parfois ça peut être très difficile de lutter contre ça, et de voir les autres comme source d'inspiration, plus que comme une... prétexte pour se dévaloriser.
- Speaker #2
Et les deux ne sont pas incompatibles. Des fois, on s'inspire et à la fois, on se sent inférieur et du coup, ça crispe. Les deux peuvent tout à fait coexister.
- Speaker #1
C'est possible que, de toute façon, il y a des personnes de qui on égalera jamais le niveau. C'est aussi une réalité. Je pense qu'il faut se tranquilliser avec ça. Après, ça dépend des objectifs qu'on a aussi.
- Speaker #2
Mais l'autre chose qui, moi, m'a beaucoup aidé, c'est aussi de me rendre compte que chaque soirée, à chaque cours, mon niveau évolue invariablement. C'est mathématique. Si on y va et qu'on est un minimum conscient pendant le processus, si on fait attention au confort de l'autre, si en cours on fait attention à ce qui est dit, ça va évoluer. Ça va peut-être pas évoluer autant que ce qu'on aimerait, mais ça va évoluer. Je dis toujours à mes élèves, s'il y a un cours, il y a un 8 que vous apprenez, au bout de l'année, ça fait déjà 50 8, et au bout de 10 ans, ça fait... 500 8 et 500 8 c'est beaucoup de chansons, c'est beaucoup de combinaisons possibles. Alors que des fois on se dit j'ai pas la passe. Oui mais la passe c'est quelque chose de long et de complexe. Il y a plein de facettes différentes, si sur cette passe il y a un élément que t'as compris... C'est déjà ça dans ta besace et après tu vas dans l'enchaînement des chahis. En fait, s'il y a une chose qu'on se débloque, c'est une chose qu'on n'aura plus à se débloquer. Le vocabulaire, ça, ça n'est pas infini non plus. Il y a énormément de choses qui reviennent très régulièrement. Donc justement, chacun de ces petits éléments, on le prend et une fois qu'on l'a, on l'a. Je repense à un truc d'hier soir. Et ça,
- Speaker #1
je sais que je ne suis pas la seule à le faire. Il y a des danseurs et des danseuses pour qui on ne veut pas passer après. Parce que justement, t'as l'impression que le contraste de niveau, va être tel... pour le même danseur.
- Speaker #2
T'as déjà entendu ça ou pas ? Ah oui, même moi, même nous, entre potes. Mais en vrai, c'est assez faux. Je me suis rendu compte aussi. Parce que souvent, si c'était une bonne danse avant, si c'était une très bonne danse, t'es encore dans l'exaltation de cette danse-là. dans l'euphorie de cette danse. Et la danse d'après, elle est forcément bien. En fait, si la danse, elle était incroyable, t'as tellement d'endorphines dans ton cerveau, la danse d'après, même si tu fais que des crossbody, elle va être cool. C'est pas aussi parce qu'on a dansé avec quelqu'un d'un très bon niveau qu'on a vraiment profité de cette danse. Le niveau... encore une fois, c'est vraiment pas tout. Et ça dépend beaucoup de l'autre personne. Si la personne est présente avec toi, peu importe ton niveau, ça serait une danse chouette. Si elle est présente, t'es dans le partage. Et sinon, si ça se trouve, si elle n'est pas présente avec toi, elle peut avoir le meilleur niveau. On peut avoir le meilleur niveau du monde. Ça ne va pas fonctionner. Donc ce n'est pas tant une question de qui on danse avant ou après. C'est l'état d'esprit des deux personnes.
- Speaker #1
Oui, donc on voulait bien, en fait, la connexion, sourire, être disponible, et aller avec lâcher prise. Ça, c'est l'état d'esprit.
- Speaker #2
J'ai parlé de sourire, et c'est vrai qu'on peut souvent entendre, et malheureusement, souvent, on va dire ça plutôt aux femmes, mais sourire plus. J'ai déjà entendu ça.
- Speaker #1
Ce qui généralement ne donne pas du tout envie de sourire.
- Speaker #2
Mais même moi aussi, j'ai tendance à être quelqu'un avec un visage très sérieux et très fermé, assez peu expressif. Et des fois, même si je m'amuse, ça ne se voit pas.
- Speaker #1
Tu as le sourire intérieur ?
- Speaker #2
Oui, j'ai des amis proches qui, pendant des années, m'ont dit souris, souris, souris. Mais pour le coup, c'était avec bienveillance. Parce qu'ils savaient justement que j'aimais ce que je faisais. Mais il ne faut pas le voir comme une obligation de sourire si on n'en a pas envie. Mais plutôt, moi, j'invite les gens à se poser la question, si on n'a pas envie de sourire, pourquoi est-ce qu'on est en train de faire cette danse ? Et si on a envie de sourire, du tout, comme moi, apprendre à le laisser sortir ce sourire. Oui, il faut se concentrer. Oui, mais je ne souris pas parce que je suis concentré. Oui, OK, mais en fait, je m'en fiche si tu fais des erreurs, on va en rigoler. Mais là, j'ai vraiment l'impression. tu t'ennuies pendant 5 minutes et je me pose beaucoup de questions sur moi et de pourquoi est-ce qu'on est en train de danser. On a cet outil pour montrer à l'autre qu'on aime ce qui se passe, donc il faut pas hésiter à l'utiliser et conscientiser un peu plus, je pense, pourquoi on danse.
- Speaker #1
Comme quand on a pas envie de sortir ?
- Speaker #2
Alors ça, c'est différent. Dans mon ressenti, certaines des meilleures soirées que j'ai faites, j'avais pas envie d'y aller à la base. Donc ça, justement...
- Speaker #1
ça fait partie des choses où je me dis fais confiance au processus parce qu'une soirée où tu n'avais pas envie d'y aller tu arrives au moins avec zéro attentes et du coup tu ne peux avoir que des bonnes surprises. C'est là où il faut venir pour t'inviter mais plutôt vers la fin de soirée du coup
- Speaker #2
ah bah non justement des fois même au début, c'est un vrai côté magique énormément de soirées où j'étais vraiment de très mauvaise humeur et où j'arrivais, par le partage, par les gens, le fait de retrouver des amis, ça passait complètement, mais au final c'était une très très bonne soirée. Donc ce n'est pas toujours le cas, des fois on n'arrive pas à en sortir.
- Speaker #1
Et pour revenir au niveau, est-ce que tu penses que cette évaluation qu'on fait de notre niveau, elle est la même en tant que guide ou en tant que diplôme ?
- Speaker #2
Dans les discussions, dans ce que je vois dans mes élèves, et sur la piste, non. Malheureusement, les rôles, comme on en parlait la dernière fois étant genrés. En plus, vu notre société patriarcale, malheureusement, je vois énormément d'hommes qui guident, qui sont très sûrs d'eux, qui ne devraient peut-être pas l'être. Je vois énormément de femmes qui se suivent, en général, et qui ont un niveau incroyable, et qui sont extrêmement critiques et négatives à sous-évaluer leur niveau. Elles sont drastiques. Et c'est dommage. Parce que oui, on pense beaucoup aux hommes, à ce qu'ils font est très bien, et c'est eux qui guident, et du coup, si ça se passe bien, c'est un peu grâce à eux. Et on leur apprend moins à justement être dans l'écoute de l'autre. Comme parfois, il peut y avoir ce culte du niveau, mais d'un niveau justement... quantitatif et pas qualitatif. Et du coup, des fois, on oublie que le confort de l'autre et le plaisir de l'autre est tout aussi important que la quantité. Alors qu'on a tendance à apprendre aux femmes de faire attention à l'autre, de prendre soin des autres, etc. Et du coup, les femmes vont avoir tendance à... En plus, elles sont dans un rôle de suivi où il faut lâcher le contrôle et se laisser suivre. Et du coup, dès que ça va mal se passer... ils vont se dire que ça va être de leur faute. Enfin, je le vois en permanence. Moi, après 13 ans de danse, ça m'arrive de guider des choses des fois très approximatives, parfois complètement fausses. Je vais avoir ma partenaire qui va dire pardon, systématiquement, alors que je sais pertinemment que non, c'était mon guidage qui était très mauvais.
- Speaker #1
Il y a aussi des fois des situations où il y a quelque chose qui marche. On va dire pardon, c'est moi, et l'autre dit non, c'est moi. C'est mignon.
- Speaker #2
Mais du coup, par cette différence de rôle, de notre genre et de notre éducation, malheureusement, ce n'est pas systématique, mais c'est ce que je vois statistiquement à force de discussions avec des gens, notamment avec mes danseuses préférées, qui ont tendance à être très surprises, donc on leur fait des compliments.
- Speaker #1
Est-ce que ça veut dire, presque, aussi, qu'on pourrait prendre plus l'habitude de se faire des feedbacks, des retours positifs ?
- Speaker #2
Oui, des retours positifs, c'est très important.
- Speaker #1
Nous, on danse ensemble souvent. Mais je ne suis pas sûre qu'à chaque danse, on se dise que c'est trop bien, on le fait, mais peut-être qu'on pourrait le faire un peu plus.
- Speaker #2
C'est important, mais aussi de le apprendre à faire confiance aux autres, que c'est sincère et que c'est réel. Je pense que c'est ça qui est dur pour beaucoup de gens. C'est d'accepter la réalité de ces retours face à l'image qu'on a de soi, intérieure qui des fois est tellement présent qu'en fait, on se dévalue antérieurement et on n'accepte pas. On se dit que l'autre personne, c'est un hasard par exemple. C'est juste cette danse-là ou peut-être c'est l'autre personne qui... Mais en fait, je ne me laisse pas toucher. Moi, j'étais très critique pendant très longtemps sur mon niveau. J'ai eu des périodes... Au début, en général, on a souvent surévalué son niveau et très souvent. C'est pour ça notamment qu'on voit que... La plupart des professeurs des pistes de danse, comme on les appelle, sont des hommes à donner des leçons sur la piste. Il ne faut absolument pas faire, si vous êtes dans ce cas, arrêtez. Parce qu'on a tendance, et c'est souvent des gens qui dansent depuis pas très longtemps ou qui n'ont pas finalement un niveau particulier. Parce qu'on a tendance à le surévaluer. Justement, on commence à avoir du vocabulaire, on commence à sentir qu'on réussit des choses alors qu'avant ce n'était pas le cas. Tout de suite, on surévalue, ce qui était aussi mon cas. Mais après, il y a souvent... justement quand on commence à devenir bon, quand on commence à aussi ouvrir un peu son horizon et à voir tout ce qu'il reste encore à apprendre, on se dit « ah là là là là là, j'en ai en 30 ans et ça va être compliqué » . Du coup, on commence à être plutôt critique. Moi, ce qui m'a aidé, c'est juste d'entendre les retours des gens, de voir et de me dire « ok, peut-être que ces gens-là ne sont pas complètement… » . mais qu'il y a vraiment quelque chose et construisons sur les bons retours qu'on m'a fait profitons-en, continuons à poser dans cette direction là, c'est peut-être que je tiens quelque chose en fait, et rester à l'écoute faut jamais prendre pour acquis bah là ça fait 13 ans que je danse en ce moment je travaille sur mon crossbody qui est quand même l'élément numéro 1 de la danse de foot, il y a toujours des choses à travailler, mais il m'empêche que
- Speaker #0
on peut se dire que, ok, il y a des choses qui sont déjà là. Quand on fait un solo, on peut se focaliser sur « ah j'ai pas réussi ça, ça, ça » et on peut aussi se focaliser sur « à ce mouvement là, ça fait 15 mois que je le fais, enfin là je l'ai fait et je l'ai senti et je n'ai pas dû réfléchir » mais en fait ça, ça montre que c'est rentré, ça y est, il y a un truc qui a fait déclic, ça dépend de son attention. Mais c'est la même remise en question.
- Speaker #1
A quel moment il faut qu'on la fasse ?
- Speaker #0
Est-ce qu'on la fait tout le temps ? Et comment on la fait ? Je pense qu'il faut la faire tout le temps. Je pense que c'est un processus qui ne s'arrête jamais. Et puis, de ce que je vois de toutes les personnes qui, moi, m'inspirent, c'est des gens qui se sont en remise en question permanente. J'ai eu des discussions avec des professeurs internationaux de renommée mondiale, qui n'ont plus aucune preuve à faire. On avait des discussions techniques sur des éléments de base qui cherchent comment le faire mieux, comment l'expliquer mieux, comment s'assurer qu'il y a toujours quelqu'un qui va trouver d'autres façons de faire. Et on a toujours à apprendre de tout le monde en fait. Et de chaque danse, c'est un gros débat qu'on avait eu aussi un peu, je crois la dernière fois, c'est que est-ce que c'est la faute au guide ou est-ce que c'est la faute à leur partenaire ? Et pour moi, ça reste toujours là. Pourquoi j'insiste sur le fait que tout est la responsabilité du guide, même quand ça se passe mal, c'est que beaucoup trop souvent, les guides pensent, souvent des hommes, que c'est la faute des partenaires. Alors que 99% des cas, ce n'est pas le cas. Et ensuite, parce que justement, pour moi, le vrai challenge, c'est de pouvoir guider ça. Si tu sais réellement le guider, tu sais le guider à quelqu'un qui théoriquement n'aurait pas le niveau. Et justement, cette danse-là, elle permet aussi d'améliorer son niveau. Parce que ça nous oblige, l'autre personne ne va pas rattraper ce qu'on va faire. Donc ça nous oblige à être d'autant plus dans l'écoute et la perfection du mouvement.
- Speaker #2
Ça arrive aussi de danser avec quelqu'un qui a un niveau supérieur et qui a un guidage tel, qu'on se retrouve complètement euphorique en se disant « mais effectivement, j'arrive à faire ce que je n'arrive pas à faire d'habitude» . Et c'est un sentiment très chouette aussi.
- Speaker #0
Oui. Complètement, moi ça m'est arrivé quand je suivais, et ça m'est arrivé aussi de penser d'avoir les mêmes éléments faits par deux personnes différentes. Là je comprends, ok c'est comme ça que ça doit être guidé maintenant, merci. Du coup je le récupère quand je guide, mais aussi souvent en cours c'est systématique, on va apprendre un élément qui est nouveau pour tout le monde, on va avoir une des filles qui suit, qui va nous dire « ah mais je ne comprends pas, je n'arrive pas à faire ce mouvement-là, je ne comprends pas ce qu'il faut faire, je fais n'importe quoi » . Je fais « attends, viens, je lui guide, ça passe » , parce que moi j'ai maîtrisé ce mouvement depuis longtemps, c'est pour ça que je l'enseigne, je dis « t'inquiète pas, ce n'est pas toi » . Et c'est un peu caricatural, et ce n'est pas pour mettre la faute sur les guides, mais eux c'est normal qu'ils ne maîtrisent pas, ils sont en train d'apprendre. S'ils maîtrisaient, moi je ne servirais à rien. C'est tout le principe du processus d'évolution. Mais c'est là qu'on voit aussi cette dynamique… les filles vont avoir tendance à se dire c'est moi, alors que très très très très souvent, pas du tout.
- Speaker #2
On a beaucoup parlé de l'expérience des enseignants, mais justement par rapport à l'enseignement, la question c'est aussi à partir de quel moment, de quel niveau on s'autorise à enseigner où est-ce qu'on est légitime à enseigner ?
- Speaker #0
C'est une grande question et que chacun, chacune finalement doit répondre pour soi. Moi j'ai commencé à enseigner beaucoup trop tôt, j'avais ce sentiment au début parce que quand on commence on a une vision assez limitée de ce qu'est la salsa et de ce qu'est le monde de la salsa. Donc quand on découvre des passes par exemple, on a l'impression, en fait on redécouvre la roue 150 fois, c'est tout, et on a l'impression qu'il faut que je partage ça avec les gens, alors que non pas du tout, il y a déjà énormément de passes et de gens qui les enseignent très bien. C'est pas enseigner des passes, c'est enseigner des passes bien. Pour savoir les enseigner bien, ça prend beaucoup plus de temps que juste d'apprendre à soi les faire. Mais voilà, j'avais cette envie-là. Mais c'était une envie de partage très sincère, finalement, et que beaucoup de gens ont. Je pense que pour enseigner, il faut l'envie de le faire, et l'envie de le faire pour les bonnes raisons, pas pour se prouver qu'on sait, mais pour l'envie de partage. La première question, c'est est-ce que quelqu'unte demande de leur enseigner quelque chose ou pas ? Si c'est le cas, fais-le. Si ce n'est pas le cas, peut-être pas. Et la deuxième question, c'est... effectivement, à partir duquel moment on est légitime à le faire. Et pour moi, j'ai beaucoup évolué sur cette question-là. Et aujourd'hui, je pense que tout professeur est légitime à enseigner à partir du moment où il en sait plus que ses élèves. Le professeur ne doit être qu'un pas plus loin sur le chemin que ses élèves. Tant que la personne qui enseigne est consciente du fait que... il va falloir soi-même encore beaucoup évoluer. C ontinuer à évoluer et continuer à s'améliorer, continuer à chercher. Le danger c'est de se dire c'est bon je sais et d'enseigner la même chose pendant dix ans ce qui ne fonctionne pas. On le voit, il y a des écoles comme ça et c'est un peu malheureux parce que on voit que ça stagne et qu'on a tous notre méa culpa de choses qu'on a enseigné qui étaient fausses ce qui est normal pour devenir un bon professeur, une bonne professeure, il faut beaucoup le pratiquer et au début quand tu pratiques tu fais mal c'est normal mais par contre faut continuer à évoluer. Mais pour moi si on a envie de le faire c'est si on a envie de le faire pour les autres vraiment pour le partage pas pour soi pas pour se relever soi, se prouver qu'on sait, pas pour montrer aux autres ou avoir un statut de professeur. Des gens qui cherchent un statut de professeur, ce que peut-être j'ai eu aussi je pense au début parce qu'on a envie de faire ses preuves auprès des autres c 'est naturel, mais ce n'est pas les bonnes raisons pour enseigner. Parce que ce n'est pas ça l'essence d'un cours. À partir du moment où on le fait pour les bonnes raisons, et qu'on a des choses à enseigner, enseignons-les. En fait, parce qu'au final, ça va augmenter la communauté. Pour moi, c'est une des raisons principales d'enseigner aujourd'hui. C'est qu'il y ait plus de gens qui dansent. J'habite à Toulouse, on a une très chouette communauté, mais elle est petite pour le moment. On a des soirées, on a 40, 50. 80 personnes pour une bonne soirée. J'ai envie d'avoir déjà plus de gens qui connaissent cette joie que j'ai, parce que là, ça a changé ma vie en bien. J'ai vraiment changé de cardinal. Et plus de gens avec qui je peux le partager, et plus de gens avec qui mes élèves peuvent le partager. Donc voilà, tant que j'ai des choses à leur enseigner, ben, allons-y. Et même s'il y a un prof... ce qui a changé ma vie, c'est que je me suis posé la question des premiers profs. En fait, dans n'importe quelle ville, ils ont commencé, ils avaient très très peu, souvent, ils avaient un niveau finalement très bas. Les profs qui ont commencé à enseigner il y à 20 ans, en France, ils avaient un niveau qui, par rapport au niveau qu'ils ont aujourd'hui, ou le niveau d'un prof aujourd'hui, était très très bas finalement. Mais ils ont commencé, ils ont enseigné, ils ont évolué, et ils ont construit cette communauté de gens parce qu'ils avaient... même s'ils avaient peu de choses à enseigner, l'autre personne ne sait zéro. Donc, elle a déjà ses chances de l'apprendre. Pour moi, maintenant, si une personne a la bonne démarche, même si ça fait un an qu'elle danse, elle peut commencer à enseigner. C'est juste qu'il faut qu'elle soit consciente qu'il y aura beaucoup de travail derrière. Et inversement, je pense qu'il faut se poser, encore une fois, la question de pourquoi on veut enseigner. Et demander conseil à d'autres professeurs. C'est bien de ne pas se lancer tout seul, de faire des formations professionnels. Il y a des écoles qui cherchent à grandir, mais ça fait partie du processus. Il faut accepter qu'on est prof, mais on continue à apprendre. Les meilleurs profs que je connais, à tous les festivals, je les vois à des cours d'autres profs. C'est ça qui fait qu'ils sont aussi bons que ce qu'ils sont. Parce qu'ils continuent à apprendre et à être dans une position de « j'ai encore des choses à apprendre » . À partir du moment où on se dit « je sais » , c'est fini.
- Speaker #2
Moi, j'ai une dernière question. Oui ?
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a quelque chose que tu as appris dans lasalsa et dont tu te sers dans ta vie? Oui, ce point-là dont je parlais, le jour où j'ai eu un déclic sur le fait que je n'ai pas besoin d'être parfait dans l'instant, j'ai juste besoin de faire un demi-centimètre dans le sens où je veux aller et que c'est déjà bien, ça a changé ma vie. Vraiment. Je me souviens encore, comme si c'était hier, d'un cours avec Fred de Dancefloor, où je rageais. C'était un cours de salsa hip-hop et je ne connaissais pas du tout et je ne dansais depuis pas très longtemps. Et je crois que je suis sorti de ce cours en jurant contre moi-même de frustration. Et maintenant, ça ne m'arrive plus d'être frustré. Et du coup, j'ai récupéré ça dans l'apprentissage de n'importe quoi d'autre. Et ça n'a rien à voir avec la danse, mais je suis extrêmement heureux d'avoir ce chemin-là grâce à la salsa. Parce que c'est accepter la réalité de qui on est, de où on en est. Et que tout ce qu'on peut faire, c'est vouloir avancer. On ne peut pas se téléporter si on n'est pas prêt. Ça, ça m'a vraiment changé. Et j'utilise ça au quotidien au final. On est tout le temps en train d'apprendre quelque chose. Merci Yegor. Merci beaucoup Manon de m'avoir invité. Avec plaisir.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté cet épisode. J'espère qu'il t'a plu. Moi c'est Manon, et on se retrouve dans 15 jours avec un nouvel invité. Nous discuterons ensemble d'estime de soi et de santé mentale, et de leur lien avec la danse. En attendant, n'hésite pas à soutenir le podcast, partage l'épisode autour de toi, ou laisse un commentaire, ça aide énormément. Et si tu veux découvrir les bonus de l'épisode, rendez-vous sur Instagram. A bientôt !