- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur Objectif Mental, le podcast où l'on explore le coaching et la préparation mentale. Je suis Kevin et chaque semaine je partage des conseils pratiques, des interviews d'experts, ainsi que des témoignages inspirants d'entrepreneurs, de sportifs et d'artistes. Mon objectif est de vous aider à débloquer votre potentiel pour performer en toute sérénité, que ce soit dans votre vie professionnelle ou... extra-professionnel. Je vous souhaite une excellente écoute. Bonjour Stéphane, comment allez-vous ?
- Speaker #1
Très bien, je vous remercie vous-même.
- Speaker #0
Très bien, merci. Merci d'avoir accepté l'invitation, de me faire l'honneur de venir sur le podcast Objectif Mental. Alors on parlait en dehors avant l'enregistrement de Confiance en Soi. Je veux bien qu'on attaque ce sujet-là. Avant ça, est-ce que vous pourriez vous présenter ?
- Speaker #1
Je me bagarre, le petit Stéphane André, depuis maintenant 50 ans, pour réinstaurer la parole publique en France. Et aujourd'hui, c'est plus que jamais nécessaire, et il se trouve qu'après avoir travaillé dans un petit cabinet de formation que j'avais formé, que j'avais constitué, il se trouve qu'en 2008, j'arrivais à l'âge de la retraite, et on m'a proposé de... de reprendre mon cabinet et je l'ai vendu, mon cabinet, à des gens capables de créer une école d'art oratoire parce que je sentais que l'enseignement que j'avais construit peu à peu au fil de mes années d'enseignement était admissible dans une école et qu'on pouvait effectivement former des professeurs pour avoir cette approche et cette technique. Et cette école d'art oratoire aujourd'hui existe. J'en suis très heureux. C'est peut-être grâce à ça également que nous avons la chance. d'être interviewé par vous aujourd'hui.
- Speaker #0
Tout à fait. J'ai eu la chance de suivre le stage intensif sur 4 jours, qui est intensif comme son nom l'indique. Et ce qui m'a marqué, c'est ce que je vous ai dit quand on vient de se rencontrer, c'est qu'on prend confiance en soi et ce terme-là ne vous plaît pas forcément. Je veux bien qu'on approfondisse ce sujet.
- Speaker #1
Alors oui, cette notion de la confiance en soi, pour moi... C'est un centrage sur soi-même, on recherche beaucoup ça dans le développement personnel, etc. Et donc on arrive à acquérir la confiance en soi, mais sans savoir, et on se dit, le regard sur les autres, je l'aurai après. En réalité, pour moi, la confiance en soi, pour être très clair, est un bobard. Parce que, d'abord, la recherche sur soi, le connais-toi toi-même, moi je me connais à peine plus que je ne vous connais, monsieur qui m'interviewait, je n'ai jamais fait le tour de moi-même. Chaque individu est d'une complexité incroyable. Il faut repenser à Edgar Morin qui plaide pour le retour à la complexité des êtres. Et cette complexité, finalement, il faut l'admettre. Donc la confiance en soi, pour moi, est une idiotie parce que c'est un centrage d'abord sur soi et pas sur les autres. À l'École de l'art oratoire, ce que nous enseignons, c'est d'abord la décision de la confiance dans l'autre. Le propre d'un orateur, là je vous regarde en ce moment, pourquoi ? Parce que j'ai confiance dans votre présence pour réveiller ma propre présence. J'ai confiance dans votre façon d'être pour guider la façon dont je dois être de manière à pouvoir être respecté par vous en tant qu'orateur, de manière à pouvoir me faire entendre, même si par exemple je développe une idée inverse à la vôtre, eh bien il faut que mon idée trouve sa place dans votre cerveau sans heurter. les idées qui s'y trouvent déjà et qui sont peut-être contradictoires. Et c'est ça le propre d'un bon orateur, c'est en partant de la confiance décidée dans l'autre, ce qui l'amène à un regard profond, décidé, intéressé, passionné par la présence de l'autre. Tout d'un coup, mon cerveau sait trouver les mots, les tons et les rythmes pour ne pas vous heurter lorsque je m'explique. Autrement dit, tout part de la confiance dans l'autre. Et à ce moment-là, je n'ai même plus le problème de la confiance en moi. Je suis dans l'action, j'agis, je ne me pose pas le problème du centrage sur moi, je ne me le pose jamais, cher monsieur, jamais.
- Speaker #0
Donc le regard, quand on parle d'éloquence, en fait, tout commence par le regard, c'est la base même en fait d'un bon art oratoire.
- Speaker #1
Voilà, et tout commence, vous avez raison, tout commence par le regard, mais le regard est un instrument d'écoute. Or, je dis souvent que, et c'est ce que j'entends partout, quand on s'occupe d'enseigner aux élèves en art oratoire, La posture et la voix, tant qu'on n'a pas en signé le regard, on perd son temps. Tout commence par l'écoute, mais l'écoute physique, l'écoute totale, l'écoute complexe de tout ce qu'est la présence de quelqu'un. physiquement en face de moi. Quand on réussit le corps à corps avec son public, et ça commence par le regard de l'orateur sur le public, le public ne peut pas prendre la place de l'orateur à ce niveau-là, et bien à ce moment-là, on réussit le corps à corps, et puisqu'on réussit le corps à corps, on réussit le cerveau à cerveau. Le cerveau est un sous-ensemble du corps. Si mon corps s'adapte au vôtre parce que je commence par vous regarder, et tout d'un coup, ça me met en face de vous, et bien à ce moment-là, mon cerveau... est également en face du vôtre et nous réussirons notre rencontre.
- Speaker #0
Intéressant. Le regard permet de saisir la manière dont l'autre nous perçoit aussi et nous donne des informations à travers ce regard. Et c'est intéressant, je viens de perdre le regard et je me suis perdu dans ma pensée. Mais c'est hyper intéressant. Et en fait, on se rend compte que quand on veut parler à l'oral, on vous le disait, on se centre sur soi. On a peur en amont avant d'entrer sur scène, par exemple en réunion. Parce qu'on a peur de dire des bêtises.
- Speaker #1
Oui, oui, oui, on a peur de dire des bêtises. Et cette peur est en réalité, nous ne l'avions pas à l'âge de 5 ans. Regardez les enfants de 5 ans, quand ils parlent, ils parlent sans peur. Et puis, c'est en l'âge de raison, ça y est. Attention à ce que je vais dire. Pourquoi ? Parce que l'éducateur prédateur, qui est le parent ou le maître français, croyant bien faire, passe leur temps à dire, attention à ce que tu vas dire, tu as encore dit une bêtise, etc. Je comprends qu'il y a de l'amour aussi là-dedans. C'est-à-dire que... Je t'avertis, mon enfant, qu'il faudra que tu parles correctement dans la vie et que tu ne dises pas de bêtises, sinon tu vas te faire écrabouiller. Je comprends pourquoi le père dit ça, je ne lui reproche pas. Mais n'empêche que la culture française, globalement, a tendance à prendre la peur de parler à l'enfant sur l'attention à ce que tu vas dire. Et du coup, adulte, il a peur, comme vous venez de le dire, il a peur de dire des bêtises. En fait, il faut récupérer la confiance dans l'autre. C'est ce que disait mon maître à penser, Louis Jouvet. Là, je viens vers le théâtre. Mais la vie publique est un théâtre, n'est-ce pas ? Ce n'est pas le même théâtre tout à fait que celui de Molière, mais c'est aussi un théâtre. Et c'est vrai qu'il faut d'abord aimer le public. Et Jouvet disait ça à ses élèves. Quelle confiance il faut avoir dans le public ? Louis Jouvet disait ça à ses élèves en art dramatique. Quelle confiance ? Eh bien, cette confiance en art oratoire, il faut la décider. Et là, la peur disparaît. parce qu'on n'est plus sur soi. Et donc, on n'a plus peur de dire des bêtises, pour revenir à votre question.
- Speaker #0
C'est très intéressant de dire, le public, on est avec le public, c'est notre partenaire. Souvent, quand on vient sur scène, on a l'impression que le public est un ennemi et qu'il va nous faire du mal. Oui,
- Speaker #1
oui,
- Speaker #0
oui, oui, oui. C'est difficile de... Alors, le stage permet ça, mais c'est difficile de comprendre que le public, en fait, est un partenaire. C'est lui qui va nous donner les idées.
- Speaker #1
Oui, mais là, vous posez une question qui débouche sur la chose essentielle. Si cette... Cette peur que j'ai quand j'entre sur scène, comment vais-je la juguler ? En travaillant mon corps, c'est-à-dire quelle qualité de regard je dois porter sur mon public. C'est la notion de victime. Quelqu'un nous disait à l'école, quelqu'un nous disait un jour, moi je veux bien regarder le public. Mais quand je regarde le public, finalement je vois des gens qui n'ont pas envie de me voir. Ils sont là parce qu'on leur a demandé de venir. Je vois même qu'ils ne sont pas contents que je sois là, etc. parce qu'ils ne sont pas d'accord avec moi, ils le savent déjà. Et cette dame disait, moi, je veux bien regarder. Et vous posez vraiment la question, la centrale. Mais si je regarde la tête des gens en face de moi, j'augmente ma peur. Et l'un de nos professeurs, je le dis souvent, je raconte cette anecdote, mais elle est essentielle pour moi. L'un de nos professeurs répondait à cet élève, Madame, le problème n'est pas de savoir comment les gens vous regardent. Le problème est plutôt de comment vous, vous décidez de regarder les gens. Comment vous décidez de regarder les gens ? Il y a un moment donné où on arrête d'être victime et on décide de sa façon de regarder le monde. Louis Jouvet, que je viens d'évoquer, disait à ses acteurs au théâtre, la situation est première. La situation, c'est quoi ? C'est l'autre qui arrive en face de moi. Et cette situation, l'autre en face de moi, est première. Et donc, comment est-ce que je décide, moi, orateur, parlant dans la vie publique, pas dans la vie privée, ce n'est pas ça le problème. L'art oratoire ne concerne que la vie publique. Comment je décide de gérer mon propre regard ? Le regard est un instrument dont je peux prendre la maîtrise. Comme dans n'importe quel sport, on prend la maîtrise de son regard, de son bras, de son dos, etc. Mais l'art oratoire est un sport. Et je sais que vous intervenez souvent et vous vous intéressez beaucoup au sport, mais c'est... L'art oratoire n'est pas différent d'un sport. Une réplique, les répliques que je vous donne maintenant, sont des mouvements du cerveau. Aussi simplement qu'un geste est un mouvement du bras au tennis. C'est la même chose. Et donc c'est la situation sur laquelle je vais décider de regarder avec un regard d'intérêt décidé. Parce que ce n'est pas un regard bovin, ce n'est pas un regard méchamment inquisiteur. Ce que je veux voir dans le regard de nos élèves orateurs, c'est un regard d'intérêt pour leur public, quel qu'il soit, gentil ou méchant, je m'intéresse à la situation et je le décide et je technicise mon regard. Si on ne passe pas, et je viens là répondre à votre question, si on ne passe pas par... techniciser le travail de l'œil, le travail du corps, le travail de la voix, on n'y arrivera jamais.
- Speaker #0
Le regard, il y a beaucoup de choses, j'ai envie de rebondir sur beaucoup de points. Le premier, c'est sur la technicité du regard. C'est vrai que parfois, c'est difficile de regarder quelqu'un dans les yeux. Alors là, c'est très agréable, c'est très fluide, mais parfois, avec certaines personnes, on a du mal à tenir ce regard. Comme s'il y avait une forme de jugement, parfois. Ou inversement, c'est peut-être nous aussi qui projetons un regard de méfiance. en arrivant sur scène. Et ce que je comprends, c'est qu'en fait, on est responsable, à partir du moment où nous prenons la parole, ce que vous dites, que dès qu'on est dans l'espace public, on est responsable de ce qu'on propose comme prestation.
- Speaker #1
On est responsable. Et vous venez de dire quelque chose. Vous venez de dire, regardez l'autre dans les yeux. Mais quelquefois, vous vous trouvez devant quelqu'un qui ne vous regarde pas. Votre cerveau enregistre cette silhouette, qui a un sens pour votre cerveau, dans laquelle il y a des expériences emmagasinées par milliers. Par milliards depuis que vous êtes né, n'est-ce pas ? Et votre cerveau sait analyser le sens de cette silhouette. Est-ce que ce type prend des notes parce qu'il est passionné ou est-ce que ce type s'emmerde ? Ça, mon cerveau le sait, moi je ne le sais pas. Mais c'est toutes les expériences qu'on a emmagasinées dans notre propre cerveau qui font qu'un instant plus tard, on regarde quelqu'un d'autre qui, lui, nous regarde. Le cerveau fait la synthèse entre les deux. Et c'est notre expérience de vie qui diagnostique globalement l'état d'un public de deux, trois ou cent personnes. Et c'est à partir de là qu'intuitivement, avec sa puissance de calcul, 10 à 100 milliards de neurones dans le cerveau humain, le cerveau prend la décision du mot, du ton et du rythme que je vais dire. Mais surtout, surtout, évitons de se dire « Ah oui, d'accord, je comprends ce que vous voulez dire, M. André. Quand on regarde l'autre, on voit ce qui se passe en lui. » Non. Toute la complexité de l'autre, je l'intègre dans ma propre complexité. Mon regard sur vous est un regard d'intérêt qui aspire. Tout ce que vous êtes en ce moment, à l'intérieur de ce que je suis, et c'est mon cerveau qui fait le travail. Moi, je ne fais vocalement que servir ce qu'il me demande de dire. Mais c'est l'intuition, ce n'est pas la réflexion, parce que je suis dans l'action. Donc, ce regard, il enregistre la situation de gens qui me regardent ou qui ne me regardent pas. Et c'est une pompe aspirante, si vous voulez. J'emploie une image physique, mais générée par l'intérêt que je décide d'avoir. Compris.
- Speaker #0
Donc, la technicité. Alors, je parlais de peur avant. Donc, si on veut... maîtriser cette peur avant de prendre la parole. Alors, ça peut être sur scène ou en réunion. La technique peut pallier, en tout cas, nous donne confiance. Désolé de le répéter.
- Speaker #1
Oui, oui,
- Speaker #0
oui. En tout cas, nous rassure sur la prise de parole. Voilà,
- Speaker #1
voilà. Mais alors, cette peur avant, cette peur avant, nous, à l'école de l'art oratoire, on n'enseigne pas à la corriger. On a peur parce qu'on nous a flanqué la trouille. Un adulte américain a moins peur. Et nous, dans la culture française, on a cette peur avant d'entrer. Là-dessus, moi, je ne peux rien pour vous. Ou alors, faites du yoga, etc. Il y a d'autres choses intéressantes, mais ce n'est pas nous ce qui nous intéresse. C'est la disparition de la peur avant de prononcer le premier mot, une fois que je suis dans l'entretien ou sur scène, sur un podium. Et cette peur avant de prononcer le premier mot, oui, elle doit disparaître. Comment je la fais disparaître ? Eh bien, en entrant en scène, en entrant dans la pièce de bureau, mon regard commence à travailler et tout d'un coup, mon corps s'installe. Mon corps arrive à une certaine verticalité qui est obtenue par le regard d'intérêt décidé sur l'autre. Là, je suis un peu technique et cette verticalité est une sérénité. Et donc, la peur disparaît. Et au premier mot que je prononce, la peur a disparu. D'où l'importance en art oratoire de l'entrée en scène devant 100 personnes comme dans un bureau face à quelqu'un.
- Speaker #0
L'entrée en scène est très importante. Je l'ai ressenti ça dès le premier jour. Souvent, on a tendance à se précipiter. quand on commence un discours ou une présentation, sûrement par peur et par volonté de terminer très vite l'échéance. Mais prendre le temps, et c'est assez contre-intuitif, permet de faire descendre la pression et de commencer calmement son...
- Speaker #1
C'est-à-dire prendre le temps de regarder l'autre. C'est-à-dire que souvent, quelqu'un qui rentre en scène, rentre trop précipitamment, tord les micros, dispose ses notes, fait un vague regard sur le public et paf, il démarre. En fait, il fantasme la situation, mais il n'a pas... observer la situation réelle, il l'imagine, donc il est encore dans la peur. N'est-ce pas ? Donc, simplement le fait de regarder... va en conséquence créer le fait que je prenne le temps. Mais ce n'est pas je décide de prendre le temps, c'est je décide de regarder. Et quand je regarde en entrant, eh bien tout d'un coup, ça me freine. Et tout d'un coup, le public sur lequel j'appuie mon regard me ralentit. C'est pour ça que si je fais un petit peu de technique là-dedans, le regard maîtrise le temps. Pourquoi ? Parce que là, je vous regarde quand je vous parle, mais je vous regarde autant quand je vous parle que quand je me tais, sur mes silences comme sur mes paroles. Or, il n'y a en art oratoire que des temps de parole ou de silence. Il n'y a pas d'autre temps. Donc, le regard de l'orateur couvre le temps, tant qu'il le maîtrise. Et le temps maîtrisé s'appelle le rythme. Je ne peux pas avoir de rythme si je n'ai pas de regard. Et c'est le public, en fait, qui me donne mes départs, mes arrêts, et qui fait que je reprends et que je m'arrête, etc. Le rythme est calé sur le public. Autrement dit, en ce moment, je cale ma vie parlante sur votre vie écoutante. Je vais plus loin. En ce moment, monsieur, je cale ma vie sur la vôtre. C'est total, c'est total. On existe, vous existez, j'existe. Notre vie aujourd'hui se réduit à cette petite pièce dans laquelle nous sommes.
- Speaker #0
Il y a une notion de respect là-dedans qui me parle beaucoup. C'est-à-dire qu'on échange avec une personne, on est à 100%, voire à 200% avec elle. Et j'ai trop de conversations, en public ou en privé, où en fait les personnes sont à 30%, c'est des statistiques complètement... On met à la volée, mais qui ne sont pas totalement là. Et en fait, dans ce que vous dites, de ce que je comprends, il y a une forme de respect total à avoir de l'autre. Oui,
- Speaker #1
oui, oui, oui. Et vous voyez, ce respect, vous avez parfaitement raison de le souligner, respecter le public, c'est intégrer son existence dans la nôtre, c'est l'admettre en nous, vous voyez. Mais moi, je vais l'enseigner techniquement et le public sentira en conséquence qu'on le respecte. Mais au départ, mon but n'est pas de respecter. Mon but au départ n'est pas de vous respecter. Mon but est de vous intégrer physiquement. Il se trouve qu'on peut appeler ça le respect de l'autre. Mais je fais cette nuance parce que je ne voudrais surtout pas qu'on retienne le fait que l'art oratoire, c'est quelque chose d'abord de moral. N'est-ce pas ? Nous ne sommes à l'école de l'art oratoire pas les directeurs de conscience de qui que ce soit. Il se trouve que ce que nous enseignons donne le respect de l'autre, mais c'est ce que j'appellerais moi... de l'écologie sociale. C'est-à-dire, si je respecte mon corps quand je parle en public, j'utilise l'orgas tel que la nature a voulu que je l'utilise, mon dos et ma voix, à ce moment-là, mon cerveau fonctionne bien, et à ce moment-là, eh bien, je suis écologiquement dans le respect de mon propre corps, et du coup, dans le respect du vôtre, et par conséquent, nous aboutissons collectivement à une véritable écologie sociale. Pour moi, la formule est un petit peu extrême. Seuls les orateurs peuvent sauver le monde. Les grands orateurs, parce qu'ils sont justement, et je reviens à ce que vous disiez, dans le respect de l'autre, sans l'avoir décidé, parce qu'ils respectent leur propre nature et la nature du monsieur qui est en face d'eux. Donc, on est dans une écologie sociale et la disparition des conflits.
- Speaker #0
Cette écologie sociale, j'ai eu un flash à l'université, donc moi j'étais à la Sorbonne, et en fait il y avait des professeurs qui venaient et qui avaient cette... sans le savoir peut-être, cette technique. qui arrivaient à nous captiver sans lire leurs notes, zéro note, des cours de droit social, quand même assez...
- Speaker #1
Formidable.
- Speaker #0
Enfin, littéraire, en fait, et il fallait connaître tous les articles, et en fait, ils nous racontaient des histoires. C'était bien plus captivant qu'un professeur qui venait et qui lisait. Et finalement, je me rends compte aussi qu'on culpabilise souvent les étudiants ou les élèves de ne pas écouter, mais au final, c'est au professeur aussi de faire l'effort d'eux.
- Speaker #1
Oui, oui. Oui, c'est absolument... Et ça, de bonne foi encore, quand des professeurs disent aux parents d'élèves, j'ai été parent, disent aux élèves, aux parents d'élèves, la classe est chahuteuse, vos enfants doivent faire l'effort d'écouter. Non, non, pas du tout. Mais je n'en veux pas à ce prof, encore une fois, il n'y a pas de procès. La culture française, on lui met ça dans la tête. En réalité, tout orateur, fut-il professeur, doit créer... pour l'élève le confort d'écoute. Et le confort d'écoute, ce n'est pas seulement le regard et la voix, c'est comme vous venez de le dire, en regardant le professeur dont vous avez parlé, en regardant l'amphithéâtre de ces jeunes élèves. Eh bien, tout d'un coup, son cerveau lui a dit, passe par leur raconter des histoires. Autrement dit, effectivement, il vous a créé un confort d'écoute qui n'est pas seulement physique et vocal, qui est aussi intellectuel. Son cerveau, tout d'un coup, est passé par des mouvements intellectuels qui ont été des histoires qu'il vous racontait. Et tout d'un coup, le droit se greffait sur les histoires. Et tout d'un coup, vous appreniez le droit sans effort. Autrement dit, il avait réussi à créer le confort d'écoute. La charge de tout orateur, s'il veut être entendu par un élève motivé ou non motivé, adversaire politique ou allié politique, s'il veut être entendu, c'est de créer le confort d'écoute pour les gens qui l'écoutent. Vous avez raison.
- Speaker #0
Et ça, en entreprise, c'est très important. Alors, je vais prendre un cas personnel, mais en entreprise, j'étais dans le comité exécutif d'une entreprise il y a deux, trois ans. Et en fait, quand on arrive dans ces réunions-là, c'est souvent en fait une bagarre entre cinq ou six personnes. Il y a plusieurs profils de personnes. Il y a ceux qui vont, un peu comme une mitraillette, enchaîner des arguments, des arguments, des arguments, qu'on n'écoute pas au final. Puis il y a ceux qui vont parler très fort. En fait, excusez-moi du terme, mais gueuler. Et c'est eux qu'on va écouter. Est-ce que ce point-là, on peut parler en dehors, mais est-ce que ce point-là n'est pas problématique, finalement, en entreprise ou dans le monde, de manière générale ?
- Speaker #1
Il est problématique parce que c'est celui qui gueule le plus fort, si je peux. Dire aussi des mots très clairs là-dessus, qui est écouté, pour moi, c'est le drame. C'est M. Trump. Mais pour moi, à l'extrême, c'est Hitler. Et des orateurs comme ça, finalement, par rapport à ceux qui dévident à toute vitesse et qu'on entend à peine, ces orateurs-là ne peuvent gagner des élections ou gagner la confiance d'un public. que quand le public est en grande difficulté. Par exemple, en Allemagne, la république de Weimar, qui succédait directement à la crise de 1929, l'Allemagne était dans une grande crise. Et à ce moment-là, des gens hyper tendus, gueulants très forts, ont une chance, effectivement, de gagner des élections de manière très démocratique, comme M. Trump a gagné ses élections aux États-Unis, parce que le pays est en crise, parce qu'aux États-Unis, déficit... considérable parce que balance commerciale épouvantable et parce que les démocrates se sont écroulés donc autrement dit à ce moment-là, Obama a disparu. Obama bien sûr bon orateur mais j'ajoute autre chose peut-être c'est une digression mais je rappelle simplement qu'Obama au moment de la crise en Syrie quand Al-Faisal Assad a gazé son propre peuple, Obama avec Hollande, c'était entendu, Hollande était président pour que effectivement, on intervienne militairement en Syrie. Parce que c'était la ligne rouge. Dépassé, c'était les gaz contre le peuple. Et qu'est-ce qu'a fait Obama ? Il a lâché. Et ça me permet de faire une petite digression. Ce n'est pas parce qu'on est un bon orateur, il faut encore décider d'entrer dans l'action qu'il avait décidée, Obama. Il ne l'a pas décidée. Un peu comme Mme Taubira, finalement, elle disparaît. Si elle ne veut plus être candidate, ok, elle ne l'est plus. C'était une bonne oratrice. On se souvient de son discours sur le mariage pour tous, qui a un grand discours, même à l'article des félicitations des opposants, de M. Gosselin, entre autres.
- Speaker #0
Je me souviens de cette vidéo.
- Speaker #1
Dans le Parti gaulliste. Oui. Elle a été félicitée. Et Gosselin a dit, vous avez fait honneur au Parlement, parce que c'était une grande oratrice. Bon, mais encore faut-il que... Bon, mais c'est vrai qu'il faut absolument que ce ne soit pas ceux qui gueulent le plus fort qui gagnent.
- Speaker #0
Parce que ce ne sont pas toujours les meilleures idées.
- Speaker #1
Parce que ce ne sont pas des chefs, ce ne sont pas des leaders. Ce sont des gens qui s'imposent, qui imposent et qui divisent. Alors qu'un véritable leader, un véritable orateur, expose, s'expose et rassemble. C'est totalement différent. Et aujourd'hui, il n'y a plus que des mollusques, des gens avachis qui discutent, qui débattent, mais avachis sur leur table et parlant à toute vitesse, ou des chefs. Et moi, je trouve que le monde aujourd'hui manque de leaders. À droite comme à gauche, de Gaulle au Mitterrand. Peu importe. On peut dire, mais Mitterrand est un Machiavel. C'était un homme d'État. C'était un leader.
- Speaker #0
Peu importe le choix politique. Peu importe le choix politique. Il était leader, en tout cas.
- Speaker #1
C'est peut-être un petit peu long quand je vous réponds.
- Speaker #0
Non, non, je comprends. Je comprends. J'écoute. C'est vraiment être leader, en tout cas, dans sa ligne de conduite.
- Speaker #1
Oui, voilà. Avoir un comportement de leader. Et donc, techniciser. Ça, ça prend l'oratoire. Comment on apprend le violon ou le piano ? Les gens n'y croient pas. Les gens croient qu'on est doué. On est doué. Moi, je me permets de rapporter une conversation. Tant pis, je le fais. Je me souviens d'avoir été reçu par M. Sarkozy à la mairie de Neuilly. Et parce que mes élèves avaient obtenu que je le rencontre. Et il avait la gentillesse d'avoir mon livre à la main. Mais sans doute, lui aussi, bluffé par la culture française. Je ne le reproche pas. Je ne le traite pas d'orgueilleux. Mais bluffé par la culture française, il m'a dit, M. André, ça ne s'apprend pas. Moi, j'ai de la chance, je suis doué. Et il est effectivement doué pour parler en public. Mais comme il est doué, il n'a pas travaillé les techniques. Donc, il est très tendu sur la face.
- Speaker #0
Assez maniéré aussi.
- Speaker #1
Les coups d'épaule, les tics verbaux. Alors, pourquoi j'ai dit ça ? Eh bien, je vais vous le dire. Et tout ça, ce sont des parasites physiques et intellectuels qui interviennent parce qu'il met l'énergie en haut du corps, il la passe devant. Bien sûr, il est doué. Mais il n'a pas l'humilité de travailler la technique. Je pense que l'art oratoire se travaille. Comme le comédien travaille au théâtre et comme le sportif travaille avec son entraîneur. Mais très souvent, les orateurs doués, ce n'est pas qu'ils sont orgueilleux, mais on leur a dit « tu es doué, donc ça va aller tout seul, ce n'est pas la peine que tu travailles, toi, ça va aller tout seul » . M. Montebourg, c'est l'exemple de ça. Je suis persuadé que M. Montebourg, quand il était étudiant à la fac de droit, on lui disait « toi, tu parles bien, vas-y » . Mais il a été bluffé par ça et du coup, il a plafonné. Et M. Montebourg... n'est plus maniériste qu'élégant quand il parle en public. Ce sont des gens qui sont maniérés, qui ne sont pas élégants.
- Speaker #0
Et on prend ça pour du style.
- Speaker #1
On prend ça pour du style au sens noble. Alors qu'ils sont brillants. Mais c'est tout. Ils ne montrent que leur brio. Et il y a un film français qui s'appelait Le Brio. Un film formidable qui est sur autre chose. C'est sur le thème de l'art d'avoir toujours raison.
- Speaker #0
Daniel Oteig.
- Speaker #1
Donc c'est une autre question. Mais le titre, Le Brio, Ne cherchez pas le brio, cherchez l'équilibre et la puissance. Ne cherchez pas le brio. Montebourg, Sarkozy sont des gens brillants. Ce n'est pas de ça, ce n'est pas des gens dont on a besoin. C'est des personnages de présidents, de députés, etc. Donc de plus que les personnes. Et là, ces gens-là ne montrent que leur personne. M. Mélenchon ne montre que sa personne. Nous sommes, c'est une tragédie en France. C'est pour ça que ce sondage du Célipof... parfaitement justifié. Les Français n'aiment plus leur politique, mais personne ne voit pourquoi, parce qu'il n'y a plus de leader.
- Speaker #0
On voit que leur personne. Mélenchon, très intéressant, quand on parle à monsieur, madame, tout le monde, Mélenchon a cette image de personne très éloquente, mais techniquement, maintenant qu'on peut analyser ses discours, c'est pas si technique que ça. Il a son style, certes, mais en fait... finalement, il n'a pas forcément une grande capacité à être leader, puisque finalement, plus grand monde ne le suit.
- Speaker #1
Il faut regarder, quand on observe un discours de Mélenchon devant un public, il faut voir comment fonctionne son regard. Son regard balaye le public. Il n'a pas un regard d'un individu intéressé par un... Parce que le regard est condamné au singulier. La voix s'occupe du pluriel chez l'orateur et le regard du singulier. Même devant 100 personnes, mon regard est toujours sur un seul individu, parce que Mère Nature a voulu que... Le regard travaille dans le singulier. Mais le regard de Mélenchon est un regard balayant. Il ne s'intéresse pas aux détails des gens qui sont en face de lui. Et c'est un orateur qui adulte son propre don. Donc, qui fait des démonstrations de son propre don. C'est-à-dire, comme on dirait au théâtre, je reviens souvent au théâtre. Oui,
- Speaker #0
oui.
- Speaker #1
Beaucoup de professeurs d'art dramatique ont dit à leurs élèves, tu n'es pas là pour te servir du théâtre, tu es là pour servir le théâtre. N'est-ce pas ? Mélenchon n'est pas là. pour, enfin, je dirais que Mélenchon, pour être plus direct, je m'interromps, Mélenchon se sert de la politique plus qu'il ne la sert. Pour sa propre personne. Comment ?
- Speaker #0
Pour sa propre personne.
- Speaker #1
Pour sa propre personne, voilà. Il a dû le son propre don et il se sert de la politique, mais il ne sert pas la politique, au contraire, il la dessert. Et quand on pense que ce type-là, effectivement, c'est un orateur très doué, effectivement, il a, mais maintenant... C'est intéressant, il est de plus en plus isolé. C'est-à-dire que je crois que le public, au bout d'un moment, et il lui faut un certain temps, peut-être fasciné au début par un orateur comme Mélenchon, mais au bout d'un moment, le public va lâcher Mélenchon. Parce qu'au bout d'un moment, le public a compris comment fonctionne Mélenchon. Et du coup, en tant que public, il décroche.
- Speaker #0
Oui, complètement. C'est le sentiment que j'ai aussi sur lui. Ce qui est intéressant quand même, c'est qu'on a l'impression que le niveau d'éloquence, ou en tout cas d'art oratoire, a diminué. Même en entreprise, je trouve aussi. Alors, de ma jeune carrière de 10 ans, mais j'ai vu peut-être le niveau aussi diminuer. D'où ça peut venir ?
- Speaker #1
Alors, vous avez raison de parler de l'entreprise. On parle beaucoup des politiques tous les deux. Mais c'est vrai que la plupart de nos élèves sont dans l'entreprise. Et c'est le même phénomène. Bon, si je parle souvent de politique, c'est parce que c'est la partie émergée de l'iceberg. Et donc, nos élèves ont tous vu à la télévision. les politiques. Donc, ils voient très bien la différence entre un Borloo, un Mitterrand, un Sarkozy, etc. Bon, mais c'est vrai qu'en entreprise comme en politique, on a cette baisse du niveau des orateurs depuis des années. On en parlait tout à l'heure, effectivement, hors antenne, si je puis dire. C'est dû au fait qu'aujourd'hui, les orateurs sont devenus paresseux. Pourquoi ? Parce qu'il y a des micros. En entreprise, il y a des slides. Les gens se disent, bon, les slides sont là, donc ils vont tout comprendre. Un message par slide, etc. On fait des cours là-dessus, enfin bon, on n'en sort plus. Alors que le slide, si vous me permettez une digression sur le slide, qu'est-ce que c'est que le slide quand il est bien fait, qu'il y a les points sur le slide, etc. Le slide, pour moi, c'est de la bouche séchée qui fait que le pantalon tient debout tout seul quand le gars n'est plus dedans. Et le gars, c'est l'orateur. L'orateur, lui, il remet finalement la transmission du message aux slides. Mais lui, ce n'est plus un orateur. Donc, il regarde ses slides, il bafouille de trois trucs, il fait quelques commentaires et ne parle plus en public. Et c'est la bouche séchée et c'est le pantalon qui vient de bout seul. Donc, à cause de ça, ça rejoint effectivement les slides, les micros. Maintenant, on est filmé partout. Et maintenant, comme je vous le disais, maintenant, on peut être filmé dans son lit, chez soi, et être entendu par le monde entier. Donc, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Les orateurs ne se posent plus le problème de franchir la rampe, de se faire entendre par la voix, etc. Et les orateurs pensent que la voix ne se réduit qu'au son, puisque le micro est là et que même si je chuchote, on m'entend. Alors qu'à ce moment-là, ma voix n'est plus musicale, n'a plus d'harmonique à l'intérieur, ma voix n'est plus belle du tout. C'est si on l'a écrit. L'orateur doit désirer une belle voix. Or, parler pianissimo et avoir une belle voix, c'est extrêmement difficile. On apprend aux débutants pour essayer de leur faire travailler la voix. parle un peu plus fort. Là, je pourrais te faire travailler le placement de la voix, le voile du palais, qu'est-ce que c'est qu'une harmonique, je te l'apprendrai, comment une voix résonne et comment une voix porte l'émotion. Parce qu'on a commencé par le regard, mais finalement, on arrive à la voix. Et la voix, c'est ce qui porte l'émotion de l'orateur, qu'il ressent lui à dire ce qu'il est en train de dire, donc à vivre son projet en le parlant. Et cette émotion-là, par les harmoniques de la voix, arrive à faire vibrer le corps de l'auditeur. son tympan, mais tout son corps aussi. Et à ce moment-là, l'auditeur ressent l'émotion que l'orateur ressent lui-même. L'orateur reconnaît son projet en le vivant, et comme vocalement les mêmes ondes arrivent sur le corps du public, le public connaît à ce moment-là le projet de l'orateur. Et là, c'est une connaissance qu'au trait d'union du savoir. Chez moi, il renaît pendant que je vous parle sur la parole en public. Et chez vous, pendant que je vous parle, ce même savoir est en train de naître. Autrement dit, il y a une connaissance du savoir. Pour moi, la connaissance qu'autre est d'union. Naissance, c'est la vision dynamique du savoir. Il y a là où le savoir prend toute sa dimension, là où effectivement, il s'échange dans le collectif. Là, il n'est plus fossilisé, il n'est plus mort, il est vivant.
- Speaker #0
Je comprends. Sur le regard, je vois très bien, parce que c'est plutôt facile de regarder quelqu'un. Sur la voix, est-ce qu'on est tous égaux quand même par rapport à la voix ? pour avoir fait la séance de coaching vocal avec Pierre. Il m'avait dit en début de séance que j'avais une voix plutôt nasiarde, que j'ai aussi là de temps en temps, enfin que j'ai toujours pendant le podcast. Est-ce qu'on est tous égaux par rapport à cette voix ? Parce que certaines personnes ont une voix grave, d'autres plus aiguë. Est-ce que c'est facile, en fait, de transmettre des émotions par la voix quand on a une voix qui peut être parfois différente ?
- Speaker #1
Alors, la voix, on va être un peu technique, parce que votre question m'y amène, mais je pense que c'est important pour vos éditeurs. La voix peut être aiguë ou grave, ça c'est une tessiture, n'est-ce pas ? C'est comme à l'opéra. Vous voyez, je parle du théâtre et de l'opéra, il faut aller chercher là-bas les solutions. La voix peut être aiguë ou grave, c'est formidable. Une voix aiguë n'est pas forcément moins entendue qu'une voix grave. Je rappelle qu'à l'opéra, les stars sont les sopranes et les ténors. Donc une voix aiguë peut être magnifique quand elle est bien placée. Donc ce qui est important dans la voix, c'est la texture du son, aiguë ou grave. C'est-à-dire... La texture harmonique, quand une voix est bien placée, elle fait résonner dans chaque son des centaines d'harmoniques différentes, depuis les plus graves jusqu'aux plus aigus. Et chacune des harmoniques, pourrait-on dire... porte une des nuances de la pensée, que j'ai du mot au moment où je le vocalise. Bon, et il y en a des centaines d'harmoniques dans chaque son. C'est ça la complexité dont parlait Edgar Morin. Ma pensée est complexe et elle va arriver dans toute sa complexité, avec toutes les vibrations vocales qui ne sont que des vecteurs des nuances de ma pensée, arriver dans votre cerveau qui va saisir en même temps toutes ces nuances. C'est-à-dire que vous aurez le même vécu que moi, c'est-à-dire la même compréhension. profonde parce que passant par l'émotion de ce que je suis en train de vous dire. Et là nous avons un partage d'émotions qui n'existerait pas si la voix était inexistante. Quand on a une voix, je veux dire, si je parle comme ça, que j'appuie ma voix sur mon larynx et je parle un peu comme une voix comme celle de monsieur Trump, je veux dire, monsieur Trump, il a une voix, on dirait une voix de machine, c'est même plus une voix humaine. Elle est tellement... et puis c'est un bruit, c'est même plus un son, il n'y a plus aucune nuance là-dedans. C'est-à-dire que là, il n'y a plus aucune émotion, c'est-à-dire qu'il y a au mieux des mots, vous comprenez, des mots, des arguments. Mais vous ne comprenez absolument pas mon vécu. Voilà, c'est un ensemble d'informations que vous recevez, mais ce n'est pas des messages, parce qu'il n'y a aucune émotion revendiquée derrière. Donc c'est de l'info, ce n'est pas du message. Il n'y a plus que ma tête, si je veux aller jusqu'au bout de M. Trump, un blindage facial, le visage contracté, et la voix qui est le point, et les mains qui font ça, qui repoussent le public. Et là, c'est une espèce de robot, mais qui fait peur. Et donc il y a de l'énergie là-dedans, il y a de l'énergie. Mais c'est tout. S'il y a énergie brute, l'énergie d'une machine, par conséquent, ça fait des dictateurs. Terminé ! Non, non, non,
- Speaker #0
mais j'aimerais tout ça filmer pour que les...
- Speaker #1
Moi, ça me fout une trouille terrible. Ça me fout une trouille terrible. Je me dis... Et c'est pas le problème... J'aurais même pas sur Trump un discours moral. Sur Hitler, j'aurais un discours de psychiatre. Je veux dire, la voix d'Hitler, c'est le cri de souffrance d'un grand psychotique. Je ne vais pas vous mettre à reprocher moralement Hitler quoi que ce soit. C'est un grand psychotique qui a réussi, en une période de crise tragique en Allemagne, qui a fini par prendre le pouvoir parce qu'on s'est jeté dans ses bras, parce que c'était un puissant chef, donc un danger.
- Speaker #0
D'ailleurs, quand on entend des passages sur Arte d'Hitler, c'est horrible à l'oreille, c'est horrible. Ça fait mal aux oreilles.
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Mais vous voyez, quand vous m'y ramenez... Quand Cicéron dit, il écrit ça, Cicéron, dans son Déoratoré, en 55 avant Jésus-Christ, il écrit, excusez-moi, vous voyez, je me suis abîmé la voix en évitant le bruit. Il écrit, l'orateur doit désirer une belle voix. On parlait de décider du regard d'intérêt pour le public. Vous voyez, la décision qui est toujours importante. L'orateur doit décider une belle voix. Cicéron n'a pas écrit, il doit vouloir. Il a écrit, il doit décider d'une belle voix. Donc ça veut dire que la voix, ça se travaille. Alors, il n'était ni comédien, ni chanteur. C'était un avocat. Et vous voyez, il avait le sens de l'art oratoire, décider une belle voix. C'est-à-dire une voix qui est belle, c'est une voix qui est riche en harmonie, qui est musicale. C'est pour ça que je peux dire aussi, dans une formule saisissante, l'art peut sauver le monde. L'art oratoire sauvera le monde. Si l'art oratoire est perdu, si on n'est plus dirigé que par des Poutines ou des Trumps, Nous allons dans la perte de l'humanité.
- Speaker #0
D'ailleurs, je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui ont des idées brillantes, qui n'arrivent pas à les exprimer, et c'est pour ça que c'est important de...
- Speaker #1
Oui, ça revient à votre question tout à l'heure sur l'égalité.
- Speaker #0
Voilà, c'était ça, sur l'égalité.
- Speaker #1
Votre question qui est vraiment passionnante, et je dis souvent ça, j'en parle avec mon épouse qui est violoniste, et mon épouse remarque très souvent que des élèves très doués ont tendance à moins travailler. et des élèves qui ne sont pas doués pour le violon travaillent beaucoup plus et vont beaucoup plus loin. C'est-à-dire que souvent, celui qui n'est pas doué, apparemment, travaille plus. L'important, c'est l'envie, ce n'est pas le don. Si vous avez envie de progresser dans l'art oratoire, alors vous travaillerez. Et à ce moment-là, vous deviendrez un orateur. Donc, de même que je vous disais, ne vous interrogez pas sur la confiance en vous-même. Ne vous interrogez pas sur vos propres dons. Arrêtons de nous regarder le nombril. Et commençons à travailler. Et commençons à faire de l'art. Ce serait tellement beau si tout le monde... Pour moi, un art oratoire... Pour moi, un grand orateur est un artiste. C'est un artiste, comme un grand comédien. Ou un musicien. Ou un grand musicien. C'est un artiste. C'est l'art qui sauvera le monde. Je suis désolé de dire ça de manière un peu... Mais personne ne pense à ça. Personne n'y pense. Et c'est quelque chose, pour moi, de douloureux. De voir que personne... Ne se rends compte de ce que c'est que l'art. Et Daesh et tout ont commencé par massacrer des statues. Et massacrer le site en Jordanie. On sait très bien que les dictateurs et les chefs massacrent d'abord l'art, que Hitler a massacré des artistes.
- Speaker #0
Mais parce que l'art fait réfléchir.
- Speaker #1
Parce que l'art, oui, c'est magnifique. Parce que l'art fait réfléchir. Vous avez raison, cher monsieur, l'art fait réfléchir.
- Speaker #0
Et réfléchir, ce n'est pas bon pour ces...
- Speaker #1
Et quand on a su un chef, on ne réfléchit pas.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Quand on a su un Hitler, on réfléchit. Et Hitler ne voudrait surtout pas qu'on réfléchisse.
- Speaker #0
Exactement. C'est une population moins docile.
- Speaker #1
C'est fou,
- Speaker #0
Passionnant. Alors, on a vu le regard, la voix, il reste le dos. En quoi le dos aide dans l'expression orale, dans la transmission de ces idées ? Puisque je pourrais me mettre au fond de ma chaise et avoir une voix et un regard. Qu'est-ce que ça change réellement ?
- Speaker #1
Si votre regard n'est pas de qualité, vous n'aurez pas de verticalité. C'est-à-dire, moi, je prends souvent l'exemple d'un type qui est... Dans un pays étranger, j'en parle dans mon Dalai Lama, si vous me permettez de donner le titre, une éloquence naturelle, j'en parle, je donne cet exemple d'un type qui est avachi à l'étranger, il a le cafard, il a le mal du pays, et puis tout d'un coup, alors qu'il est avachi, donc le dos est rond, il est à une terrasse de café, il voit les gens passer, il a le cafard, et puis tout d'un coup, il voit un de ses copains qu'il aime bien qui passe, qu'est-ce qu'il fait ? Alors qu'il a le dos avachi, il le regarde dans le vague, tout d'un coup, il a un regard qui balaye un peu le puli, il voit son copain, Et tout d'un coup, évidemment, il n'y a pas de caméra, mais tout d'un coup, j'ai d'abord regardé. Le dos se redresse tout de suite et ma voix est partie. Vous voyez, regard, dos, voix. Le regard et le dos est arrivé parce que je me suis intéressé tout d'un coup au monde extérieur. Et tout d'un coup, mon dos s'est redressé. Donc, il faut oublier l'idée tiens-toi droit.
- Speaker #0
OK, c'est le regard.
- Speaker #1
Vous l'avez dit tout à l'heure, travailler la posture sans travailler le regard, c'est une aberration. Parce que le dos va être rigide. mal placé. Dans le yoga, la verticalité, c'est la sérénité. En médecine chinoise, le dos est yang. Bon, c'est des choses qui se travaillent physiquement. On n'obtient pas une verticalité écologiquement juste, comme chez les médecins chinois, si on ne travaille pas. D'abord le regard, et vous voyez que le travail du regard, qui aspire, si je m'intéresse à l'autre, j'ai un regard qui prend, c'est un flux entrant, généré par ma curiosité. J'interroge le monde et tout d'un coup, mon dos se place. Et à ce moment-là, l'architecture du corps prépare le passage de la colonne d'air. Et là, prépare le passage de la voix. Et ma voix, avec les harmoniques aiguës et graves, boîte crânienne, cage thoracique, ma voix va être produite parce que je suis dans la verticalité. Et la voix est une sortie alors que le regard est une entrée. Le regard est dans l'horizontale, la voix est dans la verticale, colonne d'air. Le regard est dans le singulier, la voix prend la salle dans le pluriel. Le regard, c'est de l'image, la voix, c'est des sons. Et voyez ce couple, regard et voix, qui tient le dos tout seul. Et je ne pense même plus à mon dos. En revanche, pendant que je vous parle en ce moment, et je mime le fait de parler devant vous à un amphithéâtre, eh bien pendant que je vous parle, mon regard travaille en flux entrant continu, ma voix en flux sortant discontinu, et mon dos tient tout seul. Parce qu'il est tenu. Le regard qui est un système d'appui, donc un système inerte, il est tenu par ces deux systèmes vivants que sont le flux entrant du regard et le flux sortant de la voix. C'est la vie qui tient mon dos. Ce qui est essentiel, c'est le regard et la voix. Et le dos tient tout seul. C'est pour ça que le « tiens-toi droit » , ça ne sert à rien de dire aux gens qu'il faut se tenir droit. Et je demande aux parents, dont certains enfants sont déjà très grands, plus que la moyenne des gens de leur âge, d'arrêter de leur dire « tiens-toi droit » . Parce qu'au bout d'un moment, se tenir droit pour se tenir droit, ce n'est pas un projet flatteur. Il vaudrait peut-être mieux que quand ils font réciter leurs enfants, quand ils font réciter les récitations pour l'école, qu'ils apprennent à leurs enfants à les regarder quand ils répètent leurs récitations devant eux, qu'ils disent à leurs enfants « Regarde-moi quand tu dis ta femme de la fontaine » et l'enfant se tiendra beaucoup plus droit.
- Speaker #0
C'est intéressant ces récitations et poésie. On préférait quand on était enfant, enfin les instituteurs ou les professeurs préféraient quand on donnait le bon mot, exactement le bon mot, que la forme en tout cas ou que la manière dont on prononçait cette poésie-là. Et finalement, est-ce qu'il vaut mieux pas se tromper peut-être sur un mot, mais donner le maximum sur la forme en tout cas ? Et oui, et oui, et oui.
- Speaker #1
Mais vous savez, je pense souvent que le professeur qui demandait à l'élève... de réciter et qui mettait 20 sur 20 quand tous les mots étaient présents, alors que c'était une récitation qui était monotone. Il donnait 20 sur 20. Mais la question à se poser, c'est est-ce que le professeur lui-même aurait été capable de dire cette fable ? Non. Non. Et c'est pour ça que quand on se moque un peu de Fabrice Lucchini, parce que tout d'un coup, sur un plateau de télévision, il donne une fable de La Fontaine, on dit que c'est de l'exhibition. Non, ce n'est pas de l'exhibition. Il est en train de montrer comment. Et lui, il prend le risque à ce moment-là. Sur le plateau et devant des millions de Français, il prend le risque de dire du La Fontaine. Et ça, c'est ça, le service d'un auteur, le service de La Fontaine. Il enseigne La Fontaine à tous les Français à ce moment-là. Donc, il faut évidemment... Le problème, ce n'est pas le mot. Et vous avez raison, je peux très bien me tromper de mot. Et à un moment donné, on a compris le message de La Fontaine, alors que je me suis gouré sur dix mots, alors qu'il y en a peut-être 50 ou 100 dans cette fable. Il y a dix mots que j'ai dit à côté, mais on a compris le renard et le corbeau, ou le corbeau et le renard, on les a compris. Et il y a eu trois mots oubliés, mais on sait à ce moment-là que l'enfant a compris. Il est entré dans le cerveau de La Fontaine et il a parlé au niveau de la pensée de La Fontaine. Et il a oublié quatre mots et on lui mettra, je te donne, il y a deux points en moins. C'est pas possible, c'est pas possible.
- Speaker #0
Et donc pour revenir, bon désolé,
- Speaker #1
je reviens à des choses très basiques.
- Speaker #0
Mais en entreprise, on a tendance à vouloir apprendre par cœur. Et d'ailleurs, en stage, on nous a tout de suite arrêté d'écrire vos scripts. Et d'ailleurs, pour le podcast, moi, ce que je faisais au début, je ne le fais plus du tout. J'écrivais des introductions et je les lisais devant l'invité. Mais en fait, on perd le naturel, on perd la spontanéité. Et en entreprise, en fait, pareil, on se surprépare. Et si on rate un mot, on a l'impression que tout est fichu. Et là, on commence à rougir, à paniquer et on a envie de précipiter. En fait, c'est un cercle vicieux qui fait qu'on gâche le reste alors qu'on a loupé un mot ou une phrase qu'on avait prévu de dire.
- Speaker #1
Et exactement, exactement. Et là, ça revient à ce qu'on disait. Moi, je dis trop souvent, trop d'orateurs se prennent pour des auteurs. C'est incroyable. Il y a une devise qui se trouve à l'entrée de notre école. Parler en public ne consiste pas à dire ce qu'on a prévu de dire, mais à aller au-delà grâce au public. C'est-à-dire que grâce au regard que j'ai sur vous, en ce moment, vous m'amenez plus loin que tout ce que j'aurais pu prévoir de dire. dans l'interview, avant de vous rencontrer. Vous m'emmenez plus loin, parce que je me nourris à votre présence et du coup, il y a ce qu'on appelle une synergie. On appellera ça une convivialité, mais ça va bien au-delà. C'est une co-créativité. Et à ce moment-là, je vais plus loin que ce que j'aurais prévu de dire tout seul.
- Speaker #0
C'est vertigineux.
- Speaker #1
Les auteurs se prennent pour des auteurs. Je veux bien, mais alors, il faut, quand on entre en scène... Pardonnez-moi, je vous ai embauché de parler.
- Speaker #0
Non, non, pas du tout.
- Speaker #1
Quand on entre en scène, De Gaulle apprenait ses discours par cœur. Pourquoi ? Parce qu'au moment où il entrait en scène, il les écrivait d'abord lui-même. Ce n'est pas des conseillers politiques. Il les écrivait lui-même. Et quand il entrait en scène, il avait une telle identité physique qu'en regardant le public, il oubliait ce qu'il avait en tête et au contact du public, il le réinventait. Et que De Gaulle faisait des chintes entières d'improvisation. à l'intérieur des discours par cœur. Mais parce que De Gaulle était un véritable orateur. Son identité d'orateur, physique et vocale, était telle qu'il reboussait très loin dans sa tête, dans le passé, le texte qu'il avait appris. Donc il n'en était plus esclave. Et en regardant son public, le texte nourri au public revenait formater différemment. C'est ça un orateur. Mais la plupart des élèves, y compris moi-même, je n'apprends pas par cœur mes propres discours. Parce que je ne suis pas De Gaulle. J'essaie. Comme un débutant en face de vous, d'appliquer le regard, le dos et la voix, mais je ne suis pas de Gaulle. Donc je travaille. Et même après 50 ans, quand je fais un discours, et même moi devant vous maintenant, je travaille la base de la technique. Travailler la technique, c'est accéder à l'humilité.
- Speaker #0
Est-ce que pour vous, cette technique, c'est toujours aussi un sport, un combat ? Le mot est un peu dur, ce n'est pas un combat, mais c'est un effort de tout instant. Parce que pour moi, ça l'est en ce moment, de me concentrer à...
- Speaker #1
Vous avez cherché un sport, vous avez dit sport, vous avez dit travail. Non, vous avez dit combat, combat et autre chose. Et en fait, c'est le mot travail que vous avez oublié. C'est un travail, c'est un travail. Et on travaille ces gammes quand on est en scène et on est dans la technique. Et c'est formidable parce que je peux à la fois être dans la technique et en même temps dans l'émotion elle-même. C'est un tout. Je peux être à la fois complètement impliqué dans ce que je vous dis, Et en même temps, j'ai la maîtrise de ma technique et je travaille ma technique en vous parlant. Mélenchon ne travaille pas sa technique. C'est pour ça qu'il déborde. Son don déborde. Son don dégueule dans la salle. Parce qu'il n'a pas l'humilité du travail technique et que lui, il s'en fout de la technique. Il dit « je m'en fous, je suis doué » , comme d'autres l'ont dit. Voilà. Mais la technique, nous sommes dissociables. Je peux très bien être totalement impliqué dans le service de la cause et dans ma relation à vous, tout en étant totalement désimpliqué au point de... travailler ma technique pendant que je vous parle. C'est ça un grand sportif. Il est sur le terrain totalement impliqué dans le match et en même temps, il a son coach dans la tête. Et il sait ce qu'il fait quand il place son pied là et quand il va chercher sa préparation de raquette, il sait ce qu'il fait à ce moment-là. Alors qu'il est en plein dans la passion du match, en même temps, il est dans la technique. Nous sommes les seuls animaux, les êtres humains, capables de nous dissocier. Il faut en profiter. Mais ça aussi, ça s'apprend.
- Speaker #0
Je ne savais pas ça qu'on était...
- Speaker #1
Le fait qu'on soit... On peut... Se regarder passer dans la rue et être à la fenêtre.
- Speaker #0
C'est intéressant.
- Speaker #1
Nous sommes dissociables, évidemment. Ça veut dire que le problème de la confiance en soi dont on parlait au début est une absurdité. Je veux dire, je vous parle là en tant qu'enseignant d'art oratoire. Donc, je vous dois un personnage d'enseignant, donc un masque d'enseignant. Je ne vous donne pas ma personne. Pas ma personne que vous êtes venu chercher.
- Speaker #0
Non, ce n'est pas pour ça que je suis venu.
- Speaker #1
C'est un message sur l'art oratoire que vous êtes venu chercher. Tout à fait. Donc je vous dois ce message. Ce message, c'est le personnage. Mais une fois que le personnage est là, il y a un masque. Il faut revenir à cette notion du masque. Ma personne est derrière, donc elle est protégée.
- Speaker #0
Vous n'êtes jamais tenté de le faire dans la vie privée ?
- Speaker #1
Non, parce que dans la vie privée, je ne dois pas un personnage. La différence là, alors là on ouvre tout un grand chapitre, mais qui m'est cher, c'est que dans la vie privée, je suis père ou grand-père. Ça, c'est un poste que je dirais prévu par la nature. Père, mère, cousin, ami. La nature a écrit ses rôles. Et par conséquent, Dieu merci, il n'y a pas besoin de technique pour les tenir. En revanche, et là, je voudrais vous expliquer quelque chose qui, pour moi, est fondamental. La nature nous a créé des réseaux sociaux que j'appelle des structures parentales. Les vistroses, des structures parentales. Les ethnologues en parlent. Bon, les cousins, les beaux-frères, etc. La nature a écrit tous ces rôles. Mais en même temps, elle nous a donné la possibilité, à nous, et nous sommes les seuls, les êtres humains, pas les autres animaux. Les autres animaux ont des réseaux sociaux aussi. Les dauphins, on sait qu'il y a des animaux qui sont fidèles à leur épouse. Bien évidemment, les animaux ont des structures sociales. Mais la nature nous a donné, à nous, les êtres humains, la possibilité de créer des structures sociales. Organigramme d'entreprise, organigramme d'État. clubs de sport, etc. Et nous avons la possibilité, ce que n'ont pas les autres animaux, parce que nous avons la pensée, de créer des structures sociales. Et donc, il y a un organigramme. Il y a un patron, il y a un manager et il y a un collaborateur. Et c'est écrit, mais ces rôles sont écrits non pas par la nature, mais il est naturel aux êtres humains d'écrire ces rôles sous forme d'organigramme. Autrement dit, ça nous est naturel, mais au second degré. Et ces structures-là... Nous avons la responsabilité de les construire et donc nous écrivons des rôles. Et par conséquent, comme au théâtre, nous devons ensuite incarner ces rôles. Dans le mot « incarner » , il y a le mot « carne » . Et c'est là que l'art oratoire trouve tout son sens. Chez l'agent de maîtrise, comme chez le grand PDG, on doit incarner ces personnages théâtralement. La théâtralité, c'est l'incarnation du rôle, de la définition du poste. Et les gens qui viennent attendent. de me voir incarner le poste. Et cette incarnation ne peut pas se faire sans l'art oratoire. Ne peut pas se faire.
- Speaker #0
Vous avez touché à un point très important, qui est que ça concerne tout le monde, en fait. On a l'impression que l'art oratoire, quand on s'est réservé à des grands poétiques, des grands dirigeants ou dirigeantes, en fait, ça peut toucher tout le monde. Vous l'avez dit, agent de maîtrise, n'importe qui dans la vie publique qui a un rôle professionnel se doit de respecter ce rôle pris.
- Speaker #1
Exactement. À partir du moment où je parle au titre de ma vie publique, je suis vendeur, je suis démonstrateur de je ne sais pas quoi, je suis PDG, je suis manager, je suis avocat. À partir du moment où je parle au titre de ma vie publique, je parle au titre d'un rôle écrit par la société, par les hommes. Demain, je quitte ce rôle, j'en prends un autre, comme au théâtre. Alors l'art orataire n'est pas l'art dramatique. C'est encore une autre question. Qu'on ne se dise pas que... Un orateur est un comédien, je vous en supplie. Leur place dans la société n'est pas la même, on pourra en parler si vous voulez. Mais à partir du moment où je tiens un rôle... public écrit par la société alors et par le cerveau des hommes et non pas directement par la nature père mère ou cousin à partir de ce moment là je dois devenir un orateur quel que soit mon niveau dans l'entreprise c'est une évidence je peux aller plus loin sur cette nuance avec l'orateur et les arts avec plaisir j'allais rebondir c'est c'est le L'orateur et le comédien ont deux rôles différents dans la société l'orateur plutôt le comédien, commençons par lui, grâce à l'auteur dramatique Shakespeare ou Molière, le comédien propose un miroir à la société. Et quand le public rentre dans la salle de théâtre et s'amoncèle derrière la rampe ou devant la rampe et que le rideau s'ouvre, la société est venue dans ce théâtre, le public, pour se regarder dans un miroir et pleurer sur elle-même ou rire d'elle-même, sans être agressée. par Molière, et sortir du théâtre un peu plus sage. Ça s'appelle la culture. C'est ça le rôle d'un acteur, c'est de proposer un miroir, grâce aux grands auteurs dramatiques, miroir à la société. Alors que l'orateur, lui, son boulot n'est pas de proposer un miroir à la société, c'est de la construire. C'est de construire la société. Et on ne peut pas construire un bâtiment sans technique. L'illusion des Français, c'est de croire qu'on peut... construire un organigramme vivant, agissant, une entreprise collectivement agissante, sans technique, mais c'est une aberration totale. D'où les réunionites. D'où les compétences non reconnues. D'où les collaborateurs qui en ont marre et qui décident finalement de se taire dans les réunions. Parce que ça devient insupportable. Parce que l'expression des managers est insupportable. Alors évidemment, tout le monde doit parler dans la publique en tant qu'orateur, quel que soit son niveau dans l'entreprise. Mais on peut aussi admettre qu'un second rôle ne peut pas sauver la pièce quand le premier rôle ne fonctionne pas.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Quand on a affaire à un patron qui est innommable, soit parce qu'il n'arrive pas à parler et que tout le monde s'emmerde quand il parle, soit c'est un chef qui agresse tout le monde, il est évident que moi, je peux être dans son entreprise et être un bon orateur. Je peux peut-être sauver mon service. Je peux peut-être... aider l'entreprise, mais jamais à la place où je suis, parce que je n'ai pas, par exemple, toute l'information que mon PDG a au niveau où il se trouve dans l'entreprise. Il est alimenté dans un tas de choses que moi, je n'ai pas et je n'ai pas conscience de l'objectif de l'entreprise. Par conséquent, second rôle, je ne sauverai pas l'entreprise qui est tenue par un premier rôle qui, elle, lui, pardon, ne fonctionne pas. Les plus hauts placés dans l'entreprise ont quand même une responsabilité un peu supérieure. à celles des gens qui sont en dessous.
- Speaker #0
Complètement. Ça se retrouve aussi dans la composition capitalistique d'une société. Et être leader, c'est prendre son rôle et ses responsabilités à bras le corps. Vous avez beaucoup parlé de théâtre. Je voulais rebondir là-dessus. Très important, le théâtre. Moi, je n'en ai pas fait, malheureusement, étant jeune. Je l'ai découvert presque ici, à l'école de l'art oratoire. Je me suis posé la question, pourquoi on n'en fait pas presque de manière imposée à l'école ? C'est un exercice très intéressant qui permettrait peut-être de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, dès l'enfance, sur être à l'aise à l'oral, être à l'aise de son corps aussi, puisque le théâtre c'est beaucoup le corps. Et je me suis posé la question vraiment du théâtre, est-ce que le théâtre on ne devrait pas en faire de manière presque obligatoire ?
- Speaker #1
Je vais vous répondre par une boutade. Une maman m'a dit un jour, est-ce qu'on donne des cours à nos enfants ? me dit un jour, est-ce que vous pensez que mon enfant devrait faire du théâtre ? Je lui dis, faites-lui faire de l'art oratoire. Je vous ai dit deux mots sur la différence entre le métier de l'acteur et le métier de l'orateur. Allez directement à l'art oratoire. C'est vrai que faire du théâtre fait du bien aux enfants, bien évidemment, et ça aide à ce qu'ils soient peut-être moins timides, etc.
- Speaker #0
C'est vrai.
- Speaker #1
Mais ce que je voudrais, c'est que les enseignants soient formés. à la parole en public. Parce qu'on parlait de performance sportive, diriger une classe avec le défi. Moi, je me fous de la courbe de Gauss. Il y en a qui vont me suivre, qui sont passionnés, d'autres qui sont nuls, etc. Non, non, l'idée, c'est qu'on arrive, quand on est professeur, à intéresser toute la classe. Autant les doués que les moins doués. Autant les fils d'ouvriers que les fils de bourgeois. Autant que les enfants d'immigrés que les enfants de pas immigrés. Le professeur, lui, il a une classe devant lui pendant une heure. Sa mission est d'intéresser tous les moums en même temps.
- Speaker #0
Et cela, à chaque heure, c'est-à-dire toute l'année. C'est une performance sportive incroyable. C'est une course de fond qui doit être faite. C'est un sport, on en a parlé tout à l'heure. Formons les professeurs. Et à ce moment-là, les professeurs, en apprenant, notamment les professeurs de français, déjà en étant un exemple, en tant que prof de maths, prof d'anglais ou de géographie, ils vont savoir parler à leur classe. Et quand les enfants prendront la parole à leur tour, instinctivement, ils les guideront. pour, quand ils feront leurs exposés, faire des bons exposés. Et le professeur de français, pour y revenir, saura faire dire une femme de La Fontaine. Et à ce moment-là, ce sera plus nécessaire de faire faire du théâtre aux enfants. Parce qu'ils auront le théâtre dans le théâtre de la vie publique. Ils n'ont pas le théâtre de Molière. Le théâtre constructeur de la société. Ils n'ont pas le théâtre miroir dans leur propre école. Et par conséquent, ils deviendront des orateurs.
- Speaker #1
Très intéressant. On a passé une heure déjà. On a fait une heure.
- Speaker #0
Le temps passe vite avec vous.
- Speaker #1
C'est l'inverse. Si on devait résumer, peut-être que vous avez quelque chose à ajouter, un thème que je n'ai pas abordé. J'ai essayé d'être assez large quand même pour que les auditeurs comprennent que signifie l'oratoire et ce que ça peut être comme discipline. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose ?
- Speaker #0
Oui, on a fait le tour de beaucoup de choses. Je vous en remercie parce que toutes vos questions m'ont aussi beaucoup... orienté, vous m'écoutiez, donc vous me relanciez, etc. Vous m'avez respecté et en même temps, on a fait le tour de beaucoup de choses. Je voudrais simplement rappeler ce regard, ce dos et cette voix, mais aussi quelque chose qu'on a frôlé, mais qui était là présent, les trois lois du contrat entre l'orateur et le public. Le contrat de la rampe, c'est-à-dire que c'est à moi de prendre les charges devant le public, comme au théâtre, l'acteur prend toutes les charges et c'est le public qui est là pour écouter. Mais ce n'est pas le public qui a les charges, ce qu'on appelle le contrat de la rampe. Le respect du masque, je dois un personnage à l'autre. Mélenchon ne donne que sa personne, c'est le respect du masque. C'est-à-dire savoir construire le personnage. Et troisièmement, l'obligation scénique. Contrat de la rampe, respect du masque, obligation scénique. Parler en public, c'est théâtraliser ce qu'on dit, c'est-à-dire proposer un personnage. Et là, aucune société n'est possible sans théâtralité.
- Speaker #1
L'obligation scénique, ça peut être difficile pour beaucoup de personnes. De théâtraliser justement le propos ?
- Speaker #0
Non, qu'il travaille le regard et le dos et la voix et apparaîtra un personnage.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Et tout d'un coup, ils vont construire, sans le savoir.
- Speaker #1
Je rebondis sur le style. Pierre me disait, quand on a fait la séance où on est filmé, il me disait, Kevin, tu utilises le style de quelqu'un d'autre, mais ce n'est pas ton style. Oui. Et c'est vrai, en fait. Je pense qu'inconsciemment, j'avais vu des vidéos d'entrepreneurs qui faisaient des discours et donc je les copiais. Oui. Et en utilisant la technique, on crée son propre style ?
- Speaker #0
Oui, oui, oui. C'est-à-dire qu'on confond souvent le brio avec des mots parasites. Par exemple, je vous dis, écoutez, cher M. Lachaud, c'est vachement passionnant. Ce que je voudrais d'ailleurs ajouter, c'est finalement, ce que pense M. Mélenchon, tout le monde s'en fout. Ça, ce n'est pas du style, c'est du maniérisme. C'est bien parce que je m'appuie sur la technique que tout d'un coup va émerger quelque chose qui est mon style. Et mon style m'est toujours personnel parce qu'il raconte ce que je suis. Et le style, pour moi, c'est simplement la signature en bas du personnage qui est une création artistique. Et je dois, l'art sauvera le monde, je dois mon personnage en tant que manager et mon style, c'est ma signature en bas de la création artistique que j'ai proposée à mes collaborateurs.
- Speaker #1
On peut terminer là-dessus, je pense. Merci Stéphane. Merci Stéphane pour cet échange, c'était passionnant.
- Speaker #0
Passionnant, merci.
- Speaker #1
pour donner envie aux auditeurs pendant l'heure. L'école de l'art oratoire, allez voir le site internet. Il y a plusieurs typologies de formation proposées. Moi, je conseille le stage intensif qui est complet sur une semaine. Et sinon, vous faites aussi les jeudis soirs, je crois, des scènes libres où on peut venir s'exprimer.
- Speaker #0
Oui, des ateliers.
- Speaker #1
Des ateliers,
- Speaker #0
voilà. Oui,
- Speaker #1
oui. Je conseille aussi, si vous êtes sur Paris ou de passage, de venir voir à quoi ça ressemble.
- Speaker #0
Il y a une masterclass gratuite par mois. C'est un jeudi dans le mois, mais il y a aussi des ateliers où il y a moins de personnes et qui ne sont vraiment pas onéreux du tout. Et ça vaut le coup de venir travailler aussi.
- Speaker #1
Ça peut être déjà un début, je pense. Merci Stéphane. Au revoir.
- Speaker #0
Merci beaucoup. Au revoir.
- Speaker #2
Merci d'avoir écouté cet épisode jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu et que vous avez appris des choses. Si c'est le cas, merci de mettre 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify et surtout de partager cet épisode autour de vous. N'hésitez pas à me faire part de vos retours pour les prochains épisodes. Je vous dis à bientôt sur Objectif Mental.