- Christine
On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Cet épisode a été enregistré dans le cadre du Podcaston. Il s'agit d'un événement qui réunit cette année environ 1600 podcasteurs et podcasteuses du monde entier avec le même objectif. mettre en avant l'association de leur choix pour créer une vague de contenu inspirant de manière coordonnée à la mi-mars 2025. Pour ma part, j'ai choisi de mettre en lumière l'association des donneurs de voix qui gère une centaine de bibliothèques sonores en France. J'ai été accueillie par des membres de la bibliothèque sonore de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques. Vous allez donc entendre la voix de Sonia et découvrir avec elle ... les missions et les valeurs de l'association. Puis, quatre donneurs de voix vont partager leur expérience. Enfin, nous allons terminer cet épisode avec la question que je pose habituellement à mes invités. Quelle place a la voix dans votre vie ? Bonne écoute !
- Sonia
Je m'appelle Sonia Dietrich, je suis la présidente de l'ADVBS, puisque c'est l'acronyme sur lequel on travaille, qui est l'Association des donneurs de voix Bibliothèques Sonores. Notre association à PAU existe depuis plus de 40 ans, au national depuis plus de 50 ans. Ici on a une équipe de donneurs de temps qui sont les bénévoles qui nous aident à gérer l'association et on a également, et le plus important, des donneurs de voix qui sont ceux qui vont enregistrer pour nous des livres au profit des malvoyants dans un premier temps puisque c'était l'origine de l'association et depuis quelques années. On a rentré dans notre cheptel, dirais-je. Toutes les personnes atteintes de problèmes cognitifs, aussi bien adultes qu'enfants. Quand on parle de problèmes cognitifs chez l'adulte, c'est quelqu'un qui a eu un AVC, quelqu'un qui a un Parkinson. Ce sont des gens qui sont empêchés de lire par une maladie. Chez l'enfant, c'est plutôt les troubles dys, la dyslexie, la dysorthographie, la dyspraxie. Voilà, tous les dys. Donc on travaille aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte. Notre association permet à nos adhérents d'avoir accès à de la littérature tout genre. On a du grand classique, on a du beaucoup plus moderne, on a du roman, on a du policier, on a du thriller, on a des biographies. Voilà, on essaie d'avoir un panel le plus large possible pour que tout le monde y trouve son bonheur. On a de la littérature jeunesse, bien entendu, et également tous ces livres sont en prêt gratuit, puisque nous, notre but aussi, c'est que nos adhérents n'aient aucun frais. Voilà, l'adhésion se fait simplement par un petit questionnaire qu'on fait remplir pour avoir les éléments essentiels. Et à partir de ce moment-là, soit pour les plus jeunes, c'est du téléchargement directement sur le site national, soit pour les personnes qui sont plus âgées ou qui n'ont pas de facilité avec l'informatique, il y a un prêt de CD numérique. On emploie leur langage, c'est-à-dire qu'on parle de lire et on parle de livres. Il s'agit bien entendu de CD numérique, CD MP3. On les fait pour les gens qui sont un peu éloignés ou donc les gens qui n'ont pas le moyen de venir à la bibliothèque retirer ces fameux CD. On les envoie avec une franchise postale, on a un accord avec la Poste. Tous les envois se font gratuitement et les retours également se font gratuitement pour nos adhérents.
- Christine
Si tu devais résumer les missions de la bibliothèque sonore, tu dirais quoi ?
- Sonia
Alors je dirais, retrouver le plaisir de lire pour tous les gens qui n'ont malheureusement plus cette facilité.
- Christine
Et alors j'ai vu sur votre site que vous avez des valeurs fortes. J'ai vu qu'il y avait la valeur respect.
- Sonia
Je pense que c'est le premier. C'est respect de l'individu, respect de la différence. Parce que quand on s'adresse, et nous ça a été notre cas dernièrement, de manière très inclusive, d'avoir un contact avec des enfants dys, c'est de leur donner à eux la possibilité de se sentir importants, la possibilité justement de rentrer dans une normalité, puisque je pense qu'Alain en parlera encore mieux que moi, mais c'est un projet qu'on a monté avec une école, de faire lire un livre, enfin ce n'est pas un livre, c'est un texte, à des enfants d'ULIS, des enfants d'une unité ULIS, et c'est un très beau projet. Et ces enfants, nous, notre but, c'était surtout de leur redonner confiance en eux. Oui, le respect, effectivement. Respecter leurs différences sans les parquer dans une normalité, parce que leur différence, elle est toujours là. Mais leur donner, eux, le respect de l'adulte, parce qu'on s'est rendu compte en les contoyant régulièrement qu'il y avait une défiance énorme vis-à-vis de l'adulte. Et je pense qu'au bout du compte, nous aussi, on a acquis leur respect. Et ça, pour nous, ça a été le plus important.
- Christine
Ça va rejoindre les deux valeurs suivantes qui sont le soutien et solidarité.
- Sonia
Effectivement, nous on le fait au quotidien. Le soutien, je vais parler d'aller régulièrement à la rencontre de nos adhérents les plus isolés. Ceux qui ont une famille, ceux qui sont très entourés, on les connaît et on sait très bien que pour eux, je ne vais pas dire que la vie est plus facile. Simplement, il n'y a pas cet isolement et nous ce qu'on veut aussi au sein de l'association, c'est rompre l'isolement. Donc je sais que pour ma part, il m'arrive assez régulièrement d'aller boire un café avec mes adhérentes les plus âgées, celles qui sont les plus isolées, celles qui ont le moins l'occasion de sortir. Eh bien on se fait une petite après-midi filles, bon parce que j'ai beaucoup moins d'adhérents masculins, je parle de féminité parce que j'ai beaucoup moins d'adhérents masculins dans ce cas-là. Mais ça nous arrive très régulièrement d'aller prendre un café, quand il fait beau, on va sur le Boulevard (des Pyrénées), on va se promener un petit peu, on s'arrête, on discute. Et on rompt pendant un moment justement cette solitude qui est souvent très prégnante chez les gens d'un certain âge qui sont ou isolés géographiquement ou isolés par malheureusement le fait qu'à un certain âge on se retrouve souvent avec des gens qui se sont dispersés autour de nous. Donc voilà, pour moi c'est une valeur extrêmement importante de maintenir un lien.
- Christine
Ça rejoint aussi la générosité que j'ai vue. C'est votre quatrième valeur, donc là tu l'as bien citée. Et enfin il y en avait une dernière qui est la mobilisation.
- Sonia
Alors c'est le plus compliqué. Voilà, c'est le plus compliqué. Mobiliser, effectivement, je vais parler un peu égoïstement, mais mobiliser les bénévoles, c'est très très compliqué. Il y a des bonnes volontés. Je ne parle absolument pas de la bonne volonté des gens. Je vais juste donner un exemple qui est le Forum des Associations qu'on a eu lieu au mois de septembre, qui est un moment où on a beaucoup plus de visibilité effectivement au niveau local. Les gens viennent en masse s'inscrire pour être donneurs de voix. On a, oui, sur une journée, on a au moins 20, 25 inscriptions. Maintenant, au final, ça ne perdure pas dans le temps. On sait très bien qu'on va faire un 10 à 15 %. de personnes qui vont réellement devenir donneurs de voix. Et je ne mets pas en cause les gens qui viennent nous voir et qui ne donnent pas suite. Je le sens quand je les inscris que c'est vraiment de bonne foi. Simplement, la vie reprend ses droits à partir d'un certain moment. Et c'est compliqué, oui, être donneur de voix, c'est aussi donner sa voix, mais c'est donner son temps, donner son énergie. Alain vous expliquera là aussi beaucoup mieux que moi, et les autres donneurs de voix vous l'expliqueront mieux que moi. qu'une heure de lecture rendue, c'est trois à quatre heures de travail pour eux. Donc c'est long, il faut être disponible, et ce n'est pas toujours simple pour eux aussi. Donc la mobilisation, on essaie de l'avoir, on essaie d'avoir, on va faire notre réunion annuelle de la Bibliothèque Sonore de Pau, qui va rassembler nos adhérents, nos donneurs de voix et nos donneurs de temps. On sait qu'on va avoir une petite... On va dire une petite retombée médiatique, puisqu'on a un journaliste qui est assez gentil pour venir couvrir l'événement et faire un petit article dans le journal. Et on sait qu'à ce moment-là, on va avoir une visibilité plus importante et des gens qui vont venir nous rencontrer pour être donneurs de voix. Simplement, c'est ponctuel, c'est une fois par an. Donc on essaie de maintenir cette Ausha de temps en temps, quand on a un événement qui peut nous rapporter une visibilité. Mais la mobilisation, on l'a. Je dirais qu'à la limite, c'est presque le plus important de notre ADN, c'est de mobiliser les gens à notre cause et aux causes du handicap en général. Simplement, ce n'est pas toujours simple. Et trouver des bénévoles aussi, ce n'est pas toujours simple.
- Christine
Par rapport au public que vous accueillez à Pau, les adhérents que vous avez à Pau, quel profil ? Est-ce que c'est hyper varié ?
- Sonia
C'est très varié. Je vais dire qu'au niveau des adultes... on a adultes malvoyants ou ayant des problèmes cognitifs. On va de 40 à plus de 90 ans, puisque notre audiolectrice la plus ancienne a 93 ans cette année. Au niveau des enfants, c'est tous les âges. Là maintenant, quand on a commencé à s'occuper des troubles dys, on avait essentiellement école, groupe scolaire. On est passé au collège et maintenant on a des lycées. On a deux lycées pour l'instant. et on a un troisième qui est potentiellement en préparation, on a déjà pris des contacts avec eux. Voilà, on a un public qui est extrêmement varié. C'est pour ça qu'on se doit aussi d'avoir une bibliothèque extrêmement variée pour qu'elle puisse convenir à tout le monde.
- Christine
Justement, j'allais te poser la question de qui choisit les ouvrages de vos catalogues, sur quels critères ça se passe ?
- Sonia
Alors, sur quels critères ? Il y a plusieurs critères. On a des listes. je ne parle pas du moment des prix, des Renaudot, des Goncours, etc. Ceux-là, automatiquement, sont enregistrés. Après, souvent, c'est laissé à la discrétion de nos donneurs de voix de nous proposer des titres. À une époque lointaine, je dirais, on était à avoir, parce que nous sommes plusieurs antennes sur la France entière, il n'y a pas que la BS de Pau, et comme tout ça n'était pas bien réglé, bien régi, on était des fois avec le même titre qui était lu dans dix BS différentes, ce qui n'est pas l'intérêt à la base. Donc maintenant, ça y est, on a un programme qui est en collaboration avec les médiathèques, qui s'appelle Orphée, qui nous permet justement de savoir les livres qui sont en cours d'enregistrement, les livres bien sûr déjà lus, ça il n'y a pas de souci à ce niveau-là, les livres en cours d'enregistrement et les livres qui restent disponibles. Donc on met des options sur ces livres-là. Tout le monde peut nous les proposer et souvent ce sont aussi des propositions de nos audiolecteurs qui nous disent j'aimerais avoir ce titre. S'il n'est pas encore enregistré au National, qu'on ne le trouve pas dans notre banque nationale, on met une option dessus, on se procure le livre par l'intermédiaire souvent des médiathèques qui ont la gentillesse de nous les prêter et on enregistre ce titre. Mais je dirais que c'est à tout niveau, c'est aussi bien nos donneurs de voix que l'actualité. littéraires que nos audiolecteurs qui peuvent nous proposer des titres.
- Christine
On va passer la parole aux donneurs de voix qu'on a autour de la table. J'aimerais bien savoir pourquoi et comment on devient donneur de voix. Donc, qui a envie de se lancer ?
- Régine
Alors, je pensais à quelque chose comme ça depuis assez longtemps. et puis bon j'étais dans une vie professionnelle et je suis maintenant à la retraite et c'est un article c'est vraiment tout bête un article dans le journal local qui a parlé de la bibliothèque sonore et là immédiatement j'ai pris mon téléphone j'ai appelé. J'ai eu Sonia au téléphone qui m'a orientée sur Alain et voilà ça a démarré tout simplement comme ça.
- Michèle
Moi, le comment, c'est pareil. Sur un journal local, ça faisait un moment, enfin un moment, je cherchais à m'investir dans quelque chose qui avait du sens pour moi, pour les autres évidemment. Et ce mot, donneur de voix, ça m'a parlé tout de suite. Et voilà, donc j'ai rencontré Alain, j'ai fait un premier essai et ça continue depuis deux ans et demi. Alors pourquoi ? Ça, c'est une vaste question. Je crois que je continue ce que j'ai fait. Toute ma carrière, où j'ai appris à lire aux enfants, et là je reste dans la lecture et je transmets à des gens empêchés de lire ce grand plaisir, enfin cette nécessité.
- Michel
Alors Michel aussi. Moi je suis très récent comme donneur de voix, ça fait à peine six mois que je suis dans l'association. J'ai découvert ça en fait parce que j'avais dans l'idée, j'ai travaillé dans le domaine hospitalier, et j'avais eu dans l'idée de... pouvoir faire de la lecture auprès notamment d'enfants malades. Il me semblait avoir vu ça il y a quelques années et je me dis tiens c'est peut-être quelque chose d'intéressant à faire. Donc c'est en cherchant des associations dans ce domaine d'activité que je suis tombé sur les donneurs de voix. Et donc j'ai rencontré comme tout le monde Alain et Alain m'a dit non nous on ne fait pas ça du tout. On enregistre mais ce n'est pas du tout dans le domaine hospitalier. Alors je me suis lancé, j'ai trouvé ça intéressant, j'ai déjà fait l'enregistrement d'un premier livre qui semble-t-il a donné satisfaction, donc je poursuis. A la base, c'est vrai que c'était pour moi quelque chose de totalement différent. Je me suis aperçu aussi que de toute façon cette activité n'existe plus dans le domaine d'hospitalier. Depuis malheureusement la période du Covid, ce genre d'activité a cessé. Donc je suis très bien au sein de cette association. J'espère durer encore longtemps.
- Alain
Je m'appelle Alain. Moi j'ai voulu commencer alors que j'étais encore en activité. Arrivé sur Pau, j'ai cherché et j'ai trouvé sur internet une association parisienne qui faisait de l'enregistrement pour les personnes malvoyantes ou non-voyantes. Et je me suis aperçu que c'était complètement incompatible avec mes horaires de travail et autres parce que ça prenait un temps fou. Par contre, dès que je me suis retrouvé à la retraite, j'ai recherché et là... J'ai trouvé une association à Paris et j'ai commencé. Ça m'a moyennement plu parce que le contact était uniquement au téléphone. Et encore, c'était vraiment laisser votre CD devant l'Igiaphone et puis on vous en parlera, etc. Ce n'était pas ce que j'ai trouvé après. Quand un jour, mon épouse m'a dit « Mais boulevard Barbanègre, je suis passée devant un truc qui s'appelle Bibliothèque Sonore » . Je me suis précipité. C'était 4 heures de l'après-midi, il y avait les chouquettes pour tout le monde, etc. Enfin, c'était une autre ambiance complètement. Et donc, j'ai commencé à enregistrer et ça m'a beaucoup plu. Et puis, à un moment très triste de notre histoire, notre présidente, qui était la maman de Sonia, a commencé par avoir des difficultés et là, je lui ai dit, mais qu'est-ce que tu fais toi pour tout ça ? Pour les corrections et autres, moi, je pense que je pourrais t'aider. Et donc, je lui ai proposé mon aide. avec beaucoup de circonlocutions pour ne pas arriver en disant « je vais te remplacer tout de suite, tu vas voir, ça va être impeccable » . Ce n'était pas du tout l'idée d'ailleurs. Et donc depuis, j'ai continué à enregistrer parce que j'adore ça et puis parce que ça me permet d'être tout à fait au courant de tout ce qui se fait comme nouveauté dans tous les logiciels. Un petit greffon en plus, etc. Et donc ça, ça marche. Quand malheureusement, Arlette... a disparu. Ce n'est pas tout de suite Sonia d'ailleurs qui a pris la relève, il y a eu un intérim. Et moi, j'ai dit moi, je peux prendre, je pense, l'activité d'accueil, de formation et aussi de contrôle de la qualité du travail des donneurs de voix. Et c'est comme ça qu'on en est là aujourd'hui.
- Christine
Est-ce que vous pouvez me dire les uns les autres comment ça se passe concrètement d'être donneur de voix ? Et puis, quelle qualité ça demande, aussi bien sur le plan vocal que technique, pour être donneur de voix ? Est-ce qu'il y a des qualités particulières à avoir, ou juste l'envie suffit ?
- Michèle
C'est beaucoup de travail, mais agréable. Donc le plaisir de lire. Je pense qu'on est peut-être différent dans l'approche du livre que l'on va lire. On l'a choisi. On a lu un petit peu avant est-ce qu'on le prépare un petit peu ensuite il ya le donc le temps d'enregistrement avec Alain qui qui nous peaufine tout le logiciel qui nous qui nous prépare tout ça puis ensuite il ya le temps de correction de réécoute tant difficile enfin pour moi notamment parce que je ne suis jamais contente. j'aime pas ma voix, bon c'est compliqué, paradoxalement comme disait Sonia tout à l'heure une heure d'enregistrement quatre heures de correction de réécoute moi c'est un peu plus, encore ça fait deux ans et demi que j'enregistre surtout quand ce sont des chapitres longs et voilà, donc il faut une disponibilité certaine d'où l'activité pendant la retraite et ensuite les autres qualités au niveau de la voix alors là ... L'articulation, le flux, ne pas aller trop vite, le sens du texte. On peut imaginer quand on se lit pour soi-même à haute voix, ce qui est nécessaire pour que ça soit audible, agréable pour l'audiolecteur.
- Régine
La première question quand je rencontre Alain, qu'il m'installe le logiciel, c'est de dire déjà est-ce que ma voix convient ? Parce qu'au départ on n'en sait rien. Dans une vie professionnelle, on peut avoir participé à des réunions, des colloques, mais enfin c'est professionnel. On nous prend la voix comme elle est, c'est pas l'objet. Et là c'est de dire, déjà ma voix, est-ce qu'elle convient ? Après avoir été rassurée, je démarre. Je dirais que la qualité première, c'est peut-être l'envie. L'envie de lire un ouvrage, c'est la rigueur aussi. C'est-à-dire de... de respecter tout ce que la charte nous demande. Alors ça peut être un peu contraignant. Mais finalement, moi ça me convient parce que j'aime bien être sur des rails pour certaines choses que je fais. Et là, il y a une charte qui est très complète et donc ça me convient. Mais c'est surtout l'envie de découvrir un ouvrage aussi. Alors il y a deux cas de figure, soit on nous propose quelque chose, ça a été le cas. Alain m'a proposé plusieurs ouvrages et puis moi je lui en ai proposés. À chaque fois, pour moi, il faut quand même qu'il y ait un attrait. Alors ça peut être un petit peu égoïste, mais j'aurais du mal à lire quelque chose qui ne m'intéresse pas du tout. Il faut que je trouve quand même toujours quelque chose. Parce qu'il faut faire passer un ton, une émotion, une découverte, un désir d'emmener l'auditeur jusqu'à la fin du livre. Donc il faut qu'il y ait quand même un peu de passion. Tout ça réuni fait que ça fait trois ans que je poursuis ce... Enfin, c'est pas un travail, c'est... Je sais pas du tout même finalement comment l'appeler, une aventure. On partage avec des gens qu'on ne verra pas. Et ça c'est aussi quelque chose, je trouve, assez fabuleux finalement. Parce qu'on fait quelque chose dans l'anonymat. On délivre quelque chose. Et après, on ne sait plus, ça nous échappe complètement. J'aime bien cette notion de faire quelque chose qui après, pour nous, ça devient de l'éphémère. On transmet et ça s'arrête. Ça, ça me plaît bien.
- Michel
La première chose, c'est qu'on n'aime pas sa voix. Ça, c'est vrai. On est surpris de la découvrir parce qu'on entend sa voix de l'intérieur et ce n'est pas du tout la voix que l'on entend de l'extérieur. Donc on est toujours déçu par sa voix, on ne l'aime pas et on se dit mon Dieu c'est ça ma voix, pourquoi je me suis lancé dans cette aventure ? Mais effectivement Alain est là pour nous rassurer, nous dire tout ça se passe très bien. Et alors moi pour compléter ce qui vient d'être dit, je dirais qu'en fait on ne lit pas pour les autres comme on lit pour soi-même. Et c'est vrai que quand on se lit un livre, on peut d'abord revenir en arrière, on peut bafouiller, on peut... Voilà, c'est pour soi, ça n'a pas de conséquences. Tandis que quand on lit pour les autres, il faut rentrer de la concentration, de la rigueur. Il faut essayer de ne pas trop bafouiller, il faut essayer d'être audible tout le long de la phrase. Et puis on n'a pas le droit de théâtraliser. Donc il faut rester quand même dans un ton neutre, tout en donnant un peu d'émotion, de partage. Et ça devient, je dirais, quelque chose d'assez fin, d'assez compliqué. Et ça devient un jeu, pour moi en tout cas. Je laisse de côté la partie technique, qui n'est effectivement pour moi pas la plus intéressante, respecter les certains nombres de normes dont on parlait. Il faut le faire, c'est certain, mais le but est de livrer quelque chose qui soit intéressant et agréable pour les auditeurs.
- Alain
Je pense aux quelques cas où quelqu'un est venu nous voir en disant « j'ai envie d'enregistrer » et où finalement... On a dû lui dire, écoute, non, c'est pas ça. J'ai deux cas, un qui ne s'est pas passé ici, d'ailleurs, mais qui s'est passé à Paris, où j'avais envoyé à la bibliothèque, une des bibliothèques sonores de la région parisienne, une cousine à moi, qui fume énormément. Alors elle s'est présentée comme ça, et puis à ce moment-là, l'autre personne lui a dit, quand vous aurez arrêté de fumer, revenez nous voir, on pourra peut-être faire quelque chose ensemble. L'autre cas, ici, c'est quelqu'un qui m'a dit, Ah mais... Moi, ce que vous me racontez là, ce n'est pas du tout ce que je cherche. Moi, ce que je voudrais, c'est être en face d'un groupe et lire un livre. Alors à ce moment-là, je l'ai envoyé à une autre association à Pau, qui s'appelle l'association Valentin Haüy, qui elle aussi est présente dans toute la France, et qui organise des après-midis de lecture. Pour moi, le plus important, c'est le fait d'être très motivé à produire un discours qui s'entend bien. En le sens que, par exemple, on a parlé de l'articulation. les consonnes de fin de mot. Aujourd'hui, il fait un temps magnifique. Aujourd'hui, il fait un temps magnifi-que. On est presque obligé d'aller plus loin dans le patois local pour dire toutes les consonnes finales, sinon il manque quelque chose. Il y a d'autres choses du même genre. Mais l'idée, c'est là. Et si on fait ça, si on respecte assez bien après les... Les règles qu'on a, comme disait Michel, on a une charte qui nous explique tout ce qu'on doit faire. Comment est-ce qu'on fait quand, par exemple, il y a une note en bas de page ? Comment est-ce qu'on va la dire ? On nous explique. Comment est-ce qu'on fait en face d'un paragraphe qui est entièrement en italique et entre guillemets ? S'il n'est pas long, on peut le sortir par le ton simplement, mais d'autres fois, il est nécessaire de dire entre guillemets, fin des guillemets. Il y a comme ça une quantité de petites situations qui se trouvent. Ce que je constate d'ailleurs, c'est que plus les livres sont récents, et plus on a à réfléchir très fort à comment on va articuler ça. On en est au point qui n'était pas du tout le cas il y a trois ans, peut-être parce que je ne m'en étais pas rendu compte, c'est possible, où à l'époque on n'avait pas trop de problèmes, on prenait le livre, chapitre 1, chapitre 2, chapitre 3, maintenant on a première partie, chapitre 1, deuxième partie, où alors rien du tout, aucun titre, mais il faut quand même faire comprendre à la personne qui n'a pas le livre sous les yeux, et même si elle l'avait, s'il est aveugle, je ne sais pas, ça lui ferait une belle jambe, et donc il faut arriver à faire passer tout ça. Et là, maintenant, on a besoin pratiquement, quand on commence un livre, si c'est un policier classique par chapitre, c'est bu. Mais sinon, il faut qu'on se voit et qu'on regarde le livre ensemble et qu'on dise, tu vois, tu couperas là et tu couperas là. Et puis ça, ça sera du niveau 1, ça, ça sera du niveau 2. Il y a toute une dissection du livre avant de se mettre en marche qui est quelquefois nécessaire.
- Michèle
C'est vrai qu'il y a des écritures très modernes. Là, je pense à un premier roman où... L'autrice mettait en équation les sentiments, la vie, les accidents de vie. C'était magnifique. Mais traduire, lire les équations, ça a été passionnant. Et ça nous a surtout permis de rentrer en contact avec elle. Parce qu'à un moment donné, il y avait une clé de musique. Ça, on avait déchiffré. Mais il y avait un logo, en fait c'est elle qui l'avait inventé, qu'on appelle secrétariat de rédaction, qui carrément nous dit je lui fais part, enfin elle prendra contact avec vous. Et un matin, un mail arrive dans ma boîte aux lettres de cette autrice qui souhaitait savoir, et qui était complètement ravie de savoir ce que l'on faisait, pourquoi je l'ai contactée par rapport à ça et tout. Elle a eu plusieurs prix. Elle a eu le prix de la bibliothèque de Paris, etc. Et j'aurais aimé avoir un retour sur justement ce que nous... Elle, ça lui convenait. Parce que moi, j'avais ce roman et je ne voulais pas... Comment dire ?
- Christine
Le dénaturer.
- Michèle
Le dénaturer. Je ne voulais pas parce que c'était tellement personnel. Et donc, je lui ai fait des propositions. Et puis, il y en a une qui m'a dit, c'est tout à fait ça. Vous pouvez y aller, faites comme vous voulez. Je dis non, non, mais le but, c'est pas de nous... Je veux dire, on peut extérieurement continuer si vous voulez, mais voilà, donc on arrive à des choses comme ça, et ça, c'est passionnant, quoi. On le connaîtrait pas en liaison pour nous. Et je voulais également dire, par rapport à Régine, moi, sur la rencontre des audiolecteurs, je suis aussi donneuse de temps, c'est-à-dire que je suis à la médiathèque le jeudi, certains jeudis, pour... pour effectuer le prêt. Donc les gens se déplacent ou les gens téléphonent et nous avons leur valise avec les CD qui reviennent et on fait des retours et on renvoie les prêts. Et c'est intéressant de voir justement le genre de littérature qui plaît, qui est demandée. Ça peut aussi... Moi, ça m'a orientée sur des choix de livres et de... Bon, voilà.
- Christine
Quelle place a la voix dans votre vie ?
- Michèle
Moi, historiquement, elle a eu une place lorsque j'étais enseignante d'outils à gérer. Et maintenant que je suis donneuse de voix, elle a une place. J'y suis extrêmement sensible. J'écoute. J'écoute beaucoup plus de podcasts qu'avant. Je ne suis pas du tout auditive, je suis très visuelle. Je recommence à aimer la mienne parce que tout à l'heure Michel disait qu'il n'aimait pas moi au début, c'était une catastrophe. J'ai même eu la première piste de enregistrer, que j'avais enregistrée quand Alain me l'a renvoyée. Je lui ai dit c'est pas mal c'est qui ? Il m'a dit c'est toi. J'ai dit mais non, pour dire à quel point on a une distance par rapport à ça. Voilà, donc le fait d'être donneur de voix a complètement modifié mon rapport à même si on peut pas la changer. Enfin voilà, c'est nous-mêmes, c'est une identité. Je crois qu'il paraît que chacun a sa propre voix identique.
- Régine
Alors c'est la première chose qui fait qu'on se dit humain. Ça nous permet de... communiquer les uns aux autres, c'est primordial, c'est par la voix qu'on reçoit l'enseignement, qu'on reçoit toute la tradition de qui on est, de l'écriture, de l'écriture sainte, de tout ça, c'est la voix, l'oralité, tout s'est transmis par la voix avant qu'il y ait l'écrit. Et on a perdu cette faculté de tout retenir à l'oral. Moi, j'ai besoin d'écrire. Bon, à une époque très reculée, un texte était retransmis mot pour mot par les gens qui l'écoutaient. Mais ce n'étaient pas des savants, c'étaient des gens qui maniaient l'oralité de façon très naturelle. Et alors, de nos jours, moi la voix est importante. Je sais quand une personne va bien ou ne va pas bien. C'est la voix qui me le dit, je n'ai pas besoin de la voix. C'est sa voix, c'est l'intonation, voilà. Alors après, qu'est-ce que moi je transmets ? J'en sais rien, mais je sais ce que je reçois. Voilà, si c'est bien, si c'est pas bien. Oui, la voix c'est quelque chose qui est très sensible, qui vous rentre dans le corps, dans le cœur, et ça passe ou non.
- Alain
Moi, dans ma vie, le côté bibliothèque sonore représente en gros 75% du temps éveillé. Et les 15% qui restent... Ils sont consacrés à la musique et en particulier au chant. Donc la voix, c'est complètement, c'est 100% de mon temps disponible. Il m'arrive de rêver que je chante ou de rêver que je corrige un livre. Mais c'est très rare, heureusement.
- Michel
Alors effectivement, la voix c'est la personnalité. Avec une voix, on peut transporter les personnes, on peut faire rêver. J'ai une anecdote, j'avais, quand j'étais une activité commerciale, et au sein de mes équipes, j'avais une commerciale. Cédentaire, c'est-à-dire qu'elle faisait des ventes par téléphone. Et bien quand on rencontrait ensuite nos clients sur le terrain, et bien certains idéalisaient cette personne. Ils la projetaient au travers de sa voix, ils se l'imaginaient physiquement et ça n'avait rien à voir. Donc la voix c'est beaucoup de choses. C'est effectivement un signe de santé, de dynamisme, de personnalité. C'est essentiel.
- Sonia
Alors la... place de la voix dans ma vie, elle a beaucoup beaucoup d'importance, à plusieurs titres. Je suis quelqu'un qui chante tout le temps chez moi. Donc, la place de la voix est très importante. J'aime parler, donc la place de la voix est très importante. Et oui, la BS est très importante, parce que la BS elle m'a apporté à un moment de ma vie où je traversais un épisode pénible. C'était la perte de ma maman qui était déjà à la... bibliothèque depuis des années et des années. Elle m'a apporté un renouveau, elle m'a apporté un regain d'énergie. Alors je vivais en même temps le deuil de ma maman et ma mise à la retraite. J'étais quelqu'un de très actif, donc pour moi c'était... Je ne l'envisageais pas avec peur, mais j'avais un petit pincement quand même, de quitter une boîte dans laquelle j'avais passé 30 ans. Donc l'ABS, pour moi, ça a été aussi un renouveau. Donc la place de la voie, elle est primordiale dans mon existence. et l'ABS en fait partie forcément.
- Christine
Un grand merci à Sonia, Régine, aux deux Michèle et à Alain pour leur accueil chaleureux. Si vous souhaitez soutenir l'association des donneurs de voix, trois possibilités s'offrent à vous. Devenir vous-même donneur ou donneuse de voix, devenir donneur ou donneuse de temps ou bien faire un don direct à l'association. Retrouvez toutes les informations sur le site bibliothèquesonore.org Enfin, je vous invite à partager l'épisode aux personnes de votre entourage susceptibles d'être intéressées par le formidable travail de l'Association des donneurs de voix. Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin, un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. À bientôt !