- Christine
On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Sarah Dubois. Vous allez découvrir que la voix occupe une place immense dans sa vie, tant sur le plan professionnel que personnel. Ensemble, nous allons apprendre à mieux connaître l'orthophonie et en particulier la rééducation vocale, comprendre pourquoi beaucoup d'entre nous n'aiment pas leur voix, évoquer des conseils précieux pour prendre soin de sa voix en apprenant notamment à se délimiter. Lors de cette interview, je n'ai pas vu le temps passer tellement Sarah est passionnante. J'ai donc décidé de réaliser deux épisodes pour vous proposer l'intégralité de notre échange. Un deuxième épisode avec Sarah sera donc en ligne le mois prochain. Bonne écoute !
- Sarah
Donc voilà, je suis Sarah Dubois, je suis orthophoniste depuis maintenant presque huit ans. J'ai d'abord été intéressée par les domaines artistiques en tout genre et puis j'ai trouvé un carrefour intéressant. avec l'orthophonie puisqu'on pouvait travailler sur la voix et la musique et donc c'était c'était la bonne aubaine pour moi. J'ai commencé le piano quand j'avais à peu près dix ans. J'ai touché un peu à plein d'instruments : à la guitare, j'ai entrepris d'apprendre l'alto, le violon alto depuis depuis deux ans mais bon avec une grande pause. Que dire ? Je suis l'heureuse maman d'un petit garçon d'un an voilà qui va avoir son premier anniversaire dimanche. Et je dirais que la créativité, c'est quelque chose qui me maintient heureuse et épanouie dans ma vie. Donc la musique, c'est une chose, la voix évidemment, mais aussi le dessin, aussi un peu de sculpture, un peu de peinture en fonction des époques de ma vie. Je ne suis pas une grande sportive. Mais finalement, chanter, c'est tellement sportif sur d'autres niveaux que... Voilà, je m'en sens bien comme ça.
- Christine
Alors moi j'aime commencer dans ce podcast par une question que j'aime bien poser à tous mes invités. Quelle place a la voix dans ta vie ?
- Sarah
Alors je dirais que depuis ma grossesse ça a changé un peu parce qu'il y a quelque chose qui est passé avant, mais sinon c'était absolument central. Je pratiquais peut-être 12 à 15 heures par semaine. Toute ma vie était organisée autour de ça, autour du chant, autour du chœur, autour même de la rééducation vocale dans l'orthophonie. Et le reste passait après. Donc vraiment au centre, pour quelque chose d'assez viscéral, c'est que ça fait du bien. C'est simplement ça. Donc ça devient un peu une drogue au bout d'un moment. Surtout que plus on s'entraîne et plus ça devient facile. Donc ça devient presque une dépendance au bout d'un moment, comme on pourrait être dépendant justement à un sport ou à quelqu'un. Si ça nous fait du bien, on continue tant qu'on peut.
- Christine
Et donc aujourd'hui, tu l'as dit dans ta présentation, tu es orthophoniste depuis huit ans. Qu'est-ce que tu peux nous partager de ce métier qu'on a peut-être tous l'impression de connaître, mais finalement qui peut prendre, je pense qu'il y a... Plein de façons d'être orthophoniste. Donc toi, quelle est ta façon à toi d'être orthophoniste aujourd'hui ?
- Sarah
Effectivement, souvent quand on demande à un tout venant pour toi c'est quoi l'orthophonie, les gens répondent par leur expérience. Un grand-père qui a eu une maladie neurodégénérative ou quelqu'un qui a fait un AVC ou un enfant petit. Moi j'en ai fait, j'étais dyslexique. Et c'est assez rare finalement que l'on connaisse le... penchant vraiment vocal oro-myo-facial de l'orthophonie avec tout ce que ça considère. Peut-être qu'aujourd'hui, j'aime particulièrement faire confiance à mon intuition, puisque à chaque personne qui passe la porte et qui a une problématique vocale, finalement on y trouve plein d'aspects différents. D'abord des aspects psychologiques évidents, parce que la voix, je ne sais plus qui disait que c'est comme le miroir de l'âme. Le reflet de l'âme, et c'est très vrai, on a des personnes qui sont en vraie détresse, qui détestent leur voix ou qui l'avaient bien aimée et puis qui l'ont perdue suite à quelque chose, un choc émotionnel, une opération qui a mal tourné, des fois même juste les dents de sagesse. Enfin bon, ça peut être plein d'histoires tout à fait uniques les unes les autres, mais aussi tout un aspect des tensions, qui sont peut-être les tensions liées à un travail qui n'est peut-être pas adapté. Ni dans l'emploi du temps, peut-être qui court, qui court, qui court, ou alors dans la posture. J'imagine par exemple quelqu'un qui serait sur un ordinateur toute la journée, pourrait avoir mal au cervical, pourrait avoir la voix fatiguée à la fin de la journée sans pour autant l'avoir utilisée. Ou alors tous ces métiers qui sont des métiers de voix, vraiment. Je pense aux enseignants, je pense aux guides touristiques, je pense aux chanteurs évidemment, qui finalement ont besoin de cette voix comme un outil fiable, une alliée et qui se trouve parfois complètement abandonnée par celle-ci. Donc le plan vraiment, je dirais, rééducatif, il est tout à fait pluridisciplinaire, finalement. On peut très bien faire une séance qui ressemble à une séance de psy, on peut très bien faire une séance qui ressemble à une séance de musique, en tout cas chez moi. Ça peut arriver aussi d'être, voilà, si la personne, je ressens que ce dont elle a besoin, c'est un protocole, quelque chose de très programmé avec, ben voilà, le premier objectif, c'est celui-là. Une fois qu'il est atteint, on en discute, est-ce qu'on continue, on continue pas, on voit pour faire un deuxième objectif, est-ce qu'il est réalisable ou pas, est-ce qu'il est complètement onirique ou est-ce que c'est possible, quoi. Je reçois des gens qui, à l'issue d'opérations chirurgicales ou... autour de cancer, par exemple, ont eu une section du nerf moteur d'une des cordes vocales. En général, en libéral, on ne reçoit pas les personnes qui sont paralysées des deux cordes vocales. Ces personnes-là le vont à l'hôpital. Mais, en tout cas, moi, ça ne m'est pas arrivé encore. Mais quand il y a une paralysie d'une corde vocale, déjà, selon dans quel sens elle est paralysée, si elle est paralysée au centre ou si elle est paralysée sur un côté, ça ne fait pas du tout les mêmes problématiques. On peut avoir quelqu'un qui a une voix qui sonne, qui téléphone quand même, mais qui n'est pas tout à fait satisfait de ce qu'il peut faire, qui ne peut pas crier, qui ne peut pas chanter, mais ma foi, qui peut vivre avec sa voix. Et puis on a des gens qui n'arrivent qu'à chuchoter. Et donc voilà, le travail n'est pas le même, l'approche n'est pas la même. Ce sont des gens qui parfois sont encore en chimio, ou en immunothérapie, ou qui ont des rayons, qui du coup sont amenés aussi à annuler leurs séances, alors qu'elles sont importantes pour eux, mais ils sont trop fatigués. Donc voilà, c'est vraiment quelque chose de très varié, mais très cocooning en fait. C'est ce que j'aime aussi dans cette manière d'exercer, c'est que ce ne sont pas des numéros, ce ne sont pas des numéros de sécurité sociale qui font que je mange à la fin du mois. C'est sûr, ça participe, mais en même temps, ce n'est vraiment pas l'objet. L'objet, c'est d'aider ces personnes qui sont démunies, qui ne peuvent plus s'exprimer ou pas comme elles voudraient. Et que ça soit sur un plan de, je dirais, professionnel ou sur un plan de loisir. Je pense à quelqu'un, par exemple, qui fait un métier tout à fait alimentaire, mais pour qui chanter, c'est vital. Et si cette personne ne peut pas accéder au chant, parce qu'autrefois c'était possible et maintenant ça n'est plus assez. Mais il y a un vieillissement de la voix, ça c'est naturel, il y a un vieillissement de tout, de toute façon, de toute la structure. Et la voix c'est le corps, on a un instrument avant, avant d'être un instrument à cordes. On a besoin d'air, on a besoin de tonicité, d'énergie dans le corps. Donc quand on est fatigué, soit par des traitements, soit par la vie qui file à vitesse grand V, la voix des fois elle peut juste se mettre en RTT quelque part. Et c'est pas toujours bien vécu.
- Christine
Ça peut être un baromètre, finalement, la voix.
- Sarah
Oui, complètement.
- Christine
Donc toi, dans ton activité d'orthophoniste, on a souvent la représentation de l'orthophoniste qui accueille essentiellement des enfants. Pour le coup, toi, tu es plutôt dans la rééducation vocale. Est-ce que tu n'accueilles que des adultes ?
- Sarah
Alors non, du coup, j'ai quand même à cœur de répondre un peu à la demande régionale, même en plus petit, départementale. Les enfants, en fait, les difficultés scolaires, lecture, écriture, c'est ce qu'on a le plus. de toute façon en demande donc voilà j'accueille des enfants depuis que je suis installée ici je suis installée dans la région depuis novembre 2023 avant ça j'étais dans les Alpes mon endroit de coeur depuis que je suis petite. J'ai grandi dans Provence et puis la montagne ça me gagne et donc en arrivant ici pour suivre mon conjoint dans son projet professionnel. J'ai dû me réinstaller, j'ai fait comme tout le monde, j'ai envoyé mes courriers aux médecins et j'ai surtout reçu à ce moment-là des enfants. Maintenant j'ai fait le choix, là depuis janvier, de laisser à mes consoeurs le soin de prendre en charge les nouveaux patients concernant le côté scolaire et de garder moi ce que je sais faire le mieux. Donc voilà, je n'ouvre maintenant mes portes que... que pour les rééducations vocales, les rééducations de la déglutition aussi, parce que souvent, les mécanismes, je dirais, articulaires, articulatoires, vraiment au niveau de la mâchoire, par exemple, anatomiques de manière globale, au niveau laryngée, au niveau des lèvres, au niveau de tout ça, c'est assez conjoint. Donc voilà, pour moi, tant qu'on reste dans l'anatomie, je m'y retrouve. Et voilà, en fait, tout ce qui est oro-myo-faciale. Mais j'aime particulièrement aider les chanteurs parce que je me retrouve aussi un petit peu en eux. Donc c'est presque des vacances en fait, de prendre en soin des chanteurs et de voir au cours d'une séance, par exemple une séance de 30 minutes ou une séance d'une heure ne se déroule pas évidemment de la même manière. Et voir à la fin de la séance l'évolution, pouvoir finalement montrer à cette personne qui peut être sceptique même quant à ses progrès. Attends, ça c'était pas facile, au début de la séance, tu te rends compte, là t'as réussi à faire ça, et en fait les gens repartent avec quelque chose d'un peu positif, j'ai la sensation en tout cas qu'ils sont contents de venir, sans que ça soit inhérent à ma personne, mais en tout cas la séance en elle-même elle est organisée de sorte qu'ils se sentent au centre vraiment de leur séance, de leurs objectifs, de leur voix, qu'ils puissent se la réapproprier, et finalement moi je me sens un peu comme un guide. Je propose des exercices, je propose une nouvelle manière de voir les choses, de faire attention à sa voix, de savoir repérer les petites difficultés, les petits troubles, les choses qui pourraient l'abîmer, mais finalement les gens sont autonomes là-dedans. A eux de voir s'ils ont envie de suivre mes conseils ou mes exercices ou pas, et c'est d'accord en fait.
- Christine
Tu leur donnes des clés finalement et puis après ils s'en saisissent ou pas.
- Sarah
Oui, c'est ça. Alors à voir après, il y a quand même une certaine régularité à adopter, surtout en début de rééducation, parce que les mécanismes doivent s'automatiser. On doit réapprendre à utiliser cette voix, à contrôler ce geste vocal pour qu'il soit toujours, je dirais, sécurisé. C'est pas très beau comme mot, mais en tout cas que notre voix soit en sécurité face à une mauvaise posture, face à... à une mauvaise soufflerie, en fait, on doit rééquilibrer toutes les chaînes qui permettent à cette voix d'être juste exprimante, juste simple, et juste aussi avec la personne, par rapport à ce qu'elle est. Ça m'est arrivé dans le passé, c'est pas le cas ici, mais quand j'étais dans les Alpes, ça m'est arrivé d'aider des personnes, par exemple, qui ont changé d'identité sexuelle. C'est aussi extrêmement intéressant. Qu'est-ce que j'ai pu apprendre humainement et même vocalement sur les possibles ? Sur ce qu'on est possible de faire, plus ou moins avec un jeu hormonal quand même, et des aides de l'articulation, des aides de la posture, des aides même de l'imaginaire aussi. Mais qu'est-ce que c'était vraiment... plus qu'intéressant, je ne trouve pas le terme exact mais enrichissant, je dirais que c'était enrichissant. Parce que même si aujourd'hui, je n'ai pas des personnes à aider dans ces objectifs-là, ça m'a permis de me rendre compte que c'est possible de dépasser ces limites. Les limites qu'on croit être vraiment nos limites, finalement avec de la détente, de la confiance, parfois un mélange des deux et parfois rien des deux, on arrive quand même à faire un peu des choses. Et c'est assez magique en fait. Il y a de l'inattendu, il y a de la surprise dans les résultats, et c'est ça qu'on aime aussi. C'est qu'on ne sait pas à l'avance combien de temps ça va durer, on ne sait pas à l'avance quels vont être les résultats. Il y a des personnes qui ne font rien à la maison et pour qui la voie change quand même, parce qu'en fait elles se sentent accompagnées et c'est tout ce dont elles avaient besoin. Et il y a des personnes qui ont besoin vraiment d'avoir leur programme et d'être confiants plutôt dans quelque chose de très très... Très ordonnée, c'est assez magique, oui.
- Christine
Les personnes avec lesquelles j'échange autour de la voix, majoritairement me disent qu'elles n'aiment pas leur voix. C'est quelque chose, quand il s'agit du podcast ou d'autres choses, qu'on me dit souvent: "M ais moi je ne supporte pas de m'entendre". Est-ce que toi, dans les gens que tu accompagnes, est-ce qu'il y a ce rapport-là à leur voix ? Est-ce qu'en général, quand elles arrivent, tu sens qu'elles ne sont pas très à l'aise avec leur voix, qu'elles ont du mal à l'aimer, ou ça ne se joue pas comme ça ?
- Sarah
Alors, c'est un peu biaisé parce que les personnes qui arrivent en cabinet sont quasiment toutes adultes. Je dirais que mon plus jeune actuellement, c'est un jeune homme qui a 15 ans et qui est en mutardive. Mais la demande, elle vient presque des parents, en fin de compte. Mais en mettant ce jeune homme de côté, parce que c'est un petit peu différent, quoique on pourrait en parler quand même, les personnes qui atterrissent en tout cas dans un cabinet, quels qu'ils soient, pour leur voix, En général, c'est parce qu'ils ne l'aiment pas. Soit parce qu'elle n'est pas agréable, mais surtout souvent parce qu'elle n'est pas fiable. Elle n'est pas efficace par rapport à ce qu'ils voudraient en faire. Alors, je crois très fort presque aux synchronicités. Donc, moi, j'ai la chance d'accueillir surtout des personnes qui ont une problématique avec laquelle j'ai de l'émotionnel aussi. Moi, de mon côté, où je peux comprendre un peu mieux, que ce soit musical, que ce soit autour d'une maladie, autour de tout ça. Par conséquent, elle est souvent un peu faible et raillée. On entend des gens qui disent « Moi à la fin de la journée, j'ai plus de voix » ou alors « Les vacances ça va, mais quand je reprends l'enseignement, ça marche plus, qu'est-ce que je peux faire ? Je voudrais qu'elle marche en fait ». Après il y a un phénomène tout à fait naturel en termes de physique acoustique, c'est qu'on a tous fait l'expérience d'entendre notre voix sur un... Un message vocal ou quelque chose comme ça. Et en général, on n'aime pas. Mais parce qu'on n'aime pas trop ce qui n'est pas connu, en fait. Et nous, quand on entend notre voix, là, telle que moi, je m'entends, j'ai un mélange entre ma boucle audiophonatoire, c'est-à-dire ce que mon oreille perçoit de ce que ma bouche sort, mais aussi ce que, intérieurement, je ressens au travers de mes os et au travers de ces vibrations-là. On parle de conduction aérienne et de conduction osseuse. Chaque individu, avec soi-même, a un mélange des deux. Donc on s'entend toujours un peu plus grave. La conduction osseuse va attirer des harmoniques un peu plus graves dans ce que l'on perçoit. Du coup, quand on enregistre un message vocal, on n'a plus cette conduction osseuse. Donc on n'entend que notre voix perçue par les autres. Et donc là, on se dit, mais ce n'est pas moi ça. Et donc on ne s'identifie plus du tout à ça. Alors que la voix, comme on disait tout à l'heure, si c'est le reflet de l'âme, c'est le reflet de la personnalité surtout. On reconnaît quelqu'un à son timbre, alors il y a des histoires génétiques où... On peut reconnaître quelqu'un de la même famille qu'une autre personne, par exemple une fille et une mère qui pourraient avoir à peu près la même voix, pareil pour un fils, un père, ou pour deux sœurs, enfin voilà. Il y a quelque chose de génétique dans la voix qui fait qu'on peut avoir un timbre qui se ressemble, mais sinon, et c'est le cas aussi finalement dans les instruments, on reconnaît le timbre d'un violon, ou d'une guitare, ou d'un piano, alors que ça peut être la même fréquence. Ce qui change, c'est la richesse des harmoniques, et ce timbre qui est unique en fonction de l'instrument. Et donc, toi, tu es un instrument, ta voix, elle est différente de moi, avec ma voix, mon instrument. Voilà, c'est comme ça. On n'a pas la même anatomie exactement, on est globalement fait pareil, et pour autant, on n'a peut-être pas les cordes vocales aussi longues, peut-être pas aussi profondes, peut-être que la science des cartilages n'est pas la même, peut-être qu'on n'a pas la même dose de collagène, et donc peut-être pas la même capacité au niveau de l'élasticité. Voilà, peut-être que... Peut-être que finalement, et c'est tant mieux comme ça, c'est ce qui nous permet de nous identifier et d'être vraiment quelqu'un à part entière grâce aussi à cette voie-là. Ce qui fait que quand finalement la voix déraille, je dirais, quand elle n'est plus comme avant, quand elle n'est plus aussi aiguë, ou elle n'est plus aussi jolie, ou elle n'est plus aussi claire, on entend un peu souvent ces adjectifs-là, et bien finalement la personne, ce n'est pas que sa voix qu'elle a perdue, elle a perdu son identité vis-à-vis de la société, au travail, à la maison. en autorité parentale, en autorité filiale aussi, en fonction des âges. Et c'est vraiment problématique. Et c'est en ce sens que le côté psychologique, il est énorme. C'est qu'on ne traite pas juste la voix. On ne change pas les pneus de notre voix. Et ça roule, c'est parti comme avant. Ça ne marche pas du tout comme ça. C'est vraiment la machine en elle-même qui fait défaut. Et du coup, tout ce qu'il y a autour. toute la vibration qu'il y a autour qui a changé en fait. La fréquence globale de la personne, elle a changé.
- Christine
Tu as partagé l'importance de la voix, notamment chez les enseignants. Je pense que tu en accompagnes. À titre personnel, j'ai été concernée il y a quelques années par ça. Je n'avais aucune notion de la manière dont il fallait prendre soin de sa voix, en particulier quand c'est sn outil principal. Quand tu es prof, clairement, si tu ne peux pas parler, c'est très, très compliqué. Il y a d'autres moyens, on peut trouver des subterfuges, mais ça tourne court assez vite. Donc, au-delà du métier de professeur, comment on peut prendre soin de sa voix quand on sent que peut-être il y a une petite fragilité ou que, tout simplement, on a envie de prendre soin de sa voix parce qu'on a, enfin, dis-moi si je me trompe, mais en règle générale, on n'apprend pas à prendre soin de sa voix.
- Sarah
Ben non, on n'apprend pas parce que déjà, en fait, on n'y pense pas. Tout comme on ne pense pas à comment on respire, tout comme on ne pense pas à comment on marche. En fait, c'est quelque chose qui vient tellement jeune. En général, vraiment, allez, on commence à babiller, on a quelques mois. Je dirais même les précoces, ils ont un mois et demi, deux mois, ils commencent à déjà faire des sons avec leur gorge, à s'étonner de ce qui peut sortir. Donc, c'est tellement ancré en nous qu'on n'y fait pas gaffe du tout. Et puis, c'est quand même un truc un peu... procédural, une fois que c'est là, c'est là, et puis voilà, c'est censé durer quoi. Alors je dirais que déjà ça dépend un peu de la région et de comment est l'humidité et la sécheresse, on n'a pas tout à fait les mêmes conditions, puisque au travers des cordes vocales passe l'air que l'on respire, et bien voilà, si on est dans une zone très sèche. très froide, comme ça pouvait être le cas avant quand j'étais dans les Alpes, ça pose un peu plus de soucis parce que les cordes vocales adorent le tropical. Donc, chanter sous la douche, c'est aussi très flatteur parce que c'est là qu'elles sont le plus gorgées d'humidité et donc c'est l'éclate. Alors qu'ici, dans les Pyrénées-Atlantiques, mais sûrement dans d'autres endroits, j'ai déjà vécu à Nantes, puisque j'y ai fait mes études. La sensation qu'en Bretagne, c'est un peu ça. Alors, ce n'est pas chaud, mais c'est humide. C'était déjà mieux. Mais voilà, le chaud et l'humide, c'est parfait pour elle. Donc, je dirais que si on est exposé à des climatisations ou à des chauffages, en tout cas des choses qui assèchent l'air, il faut faire attention à quand même hydrater les cordes vocales. Boire, c'est très bien, mais ça ne va pas aller jusqu'aux cordes vocales. Sinon, on fait des fausses routes. Alors, il faut boire quand même de l'eau de préférence. On la préfère tiède. La tisane qu'on oublie, c'est la meilleure des températures. Si c'est trop froid, selon les gens, ça peut générer un peu des tensions. Si c'est trop chaud, ça peut brûler. Enfin, voilà, ça c'est des choses que chacun peut gérer en fonction de ses préférences. Mais voilà, de manière générale, le tempéré, le tiède, c'est le plus... Comment je vais dire ? Ce qui détend le plus. Les tissus. Donc, boire c'est bien, mais on peut faire des inhalations, tout simplement. Alors à l'ancienne, un bol d'eau chaude, une serviette sur la tête, hop, 10 minutes. Et puis pourquoi pas y mettre trois petites huiles essentielles si on aime ça, et puis si on a un petit rhume ou quelque chose qui traîne, on peut en profiter. Mais le fait de respirer de l'eau, de la vapeur, ça fait un peu sauna. Ça fait un peu comme un... C'est pas tout à fait vrai, le sauna c'est sec, mais plutôt comme un hammam. Et donc déjà, ça, ça permet d'hydrater. Parce que même si on est dans une région humide, en fait, par exemple, moi dans mon cabinet, j'ai une soufflerie de plafond. Concrètement, si je ne fais pas un peu attention à où est-ce que j'ai mis mon bureau, je me la prends toute la journée. En pleine tête et à la fin de la journée, je me sens sèche. Donc voilà, si on est en usine, si on est en milieu scolaire, si on est en bureau, souvent on est quand même dans un milieu fermé, assez sec, et il faut tenir compte de ça. Malgré la région, encore une fois. Après, il y a aussi juste sentir les premiers effets, c'est-à-dire ça me gratte, ça me serre. Tiens, je voudrais parler plus fort, j'y arrive pas. En fait, des symptômes qui sont assez... Propres à chacun finalement, en fonction de ses sensibilités, de ses fragilités personnelles. Des choses qu'on peut faire d'habitude, qu'on ne peut pas, qui en fait montrent une fatigabilité de la voix. Et alors en général, on ne fait pas attention assez vite, assez tôt, et donc ça s'installe. Et le souci c'est ce côté un peu cercle vicieux. où on veut quand même que la voix sorte, donc on va forcer, et du coup on va s'abîmer un peu la voix, et les cordes vocales ne vont pas enregistrer qu'il y a un problème, en tout cas elles font comme elles peuvent pour que le cerveau soit satisfait du son qu'on veut sortir, et donc elles forcent encore, et en fait on crée un peu des choses qui sont de l'ordre de la chronicité, et ça c'est le plus dur à enrayer finalement. Donc avant d'arriver dans cette chronicité, justement avant d'arriver dans la pathologie, vraiment, moi j'encourage tout le monde à déjà éviter de racler sa gorge, parce que ça c'est assez terrible, tout le monde le fait plus ou moins, dès qu'il y a un glaire, dès qu'on racle, ça s'abîme vraiment. On préfère tousser, il vaut mieux tousser une bonne fois. Et puis tout simplement prendre du temps aussi pour du repos vocal. Alors ce que je dis là ça s'adapte pas forcément au côté immobilité laryngée. Les personnes qui ont une immobilité laryngée, des paralysies au niveau des cordes vocales, quelle que soit la position de la corde vocale paralysée, là on n'arrête pas de parler. Il faut au contraire le faire un peu tout le temps pour que ça s'entraîne. Je laisse de côté ces personnes-là, mais ceux qui sont juste dans une dynamique de forçage vocal ou de surmenage vocal, la pause à la fin de la journée, notamment pour les enseignants comme tu peux l'avoir vécu, à la fin de la journée, on doit pouvoir se taire. Juste repos. C'est un muscle. C'est comme si on avait fait un marathon toute la journée et le soir, on court encore. C'est pas possible. Il faut savoir que les cordes vocales, elles vibrent autant de fois par seconde, en gros, que la fréquence est haute. Ça veut dire que si là, par exemple, ma voix conversationnelle, elle doit être à peu près à allez, je vais dire 110-120 Hz, ça veut dire que déjà, alors que c'est grave, elle vibre 110-120 fois par seconde. Donc imagine pour un chanteur qui chante toute la journée par exemple, ou une chanteuse même plus encore, qui chante sur des hauteurs des fois de 800 ou 900 hertz, elle vibre 800. ou 900 fois par seconde. L'œil ne peut pas capter ça. Donc, quand on voit chez les ORL ou les phoniatres, quand on voit avec la caméra les cordes vocales bouger, en fait, on capte, je crois, 21 images par seconde ou un truc comme ça. Donc, en fait, on voit un truc très... lent. On voit une image très lente, on a l'impression qu'elle bouge un peu comme les ailes d'une raie dans l'eau. Ça fait un peu ça. Alors que pas du tout, c'est toute autre chose, le sport qu'elles sont en train de faire. Donc le repos vocal, c'est à mon sens quelque chose qu'il ne faut pas du tout redouter. Et si on est accompagné de quelqu'un qui veut absolument qu'on lui raconte notre journée à la fin de la journée, qui ne comprend pas. peut-être qu'on peut juste lui poser des questions. Comme ça, c'est l'autre qui parle. Et nous, on se tait. Et c'est profitable, vraiment. Et puis la détente globale, en fait. Là, je parle d'une détente vraiment très locale. Mais la détente globale, elle fonctionne aussi sur la voix.
- Christine
Oui, parce que tu as parlé au tout début de notre entretien, de la vitesse de nos vies, du travail qui jouait aussi sur la voix. Donc ça rejoint ce que tu dis là.
- Sarah
C'est le mal du siècle. On doit tout faire. Tout en même temps, optimiser, envoyer des messages au volant parce qu'on n'a pas le temps de le faire, c'est terrible. Finalement, on se met en danger tout le temps. Jusque-là, ça va, mais c'est à une autre échelle. Exactement la même chose quand on rentre du travail, qu'on est obligé de sauter sur les devoirs des enfants ou le repas à préparer. Il faut pouvoir... En ce sens, finalement, les gens qui pratiquent la méditation ont tout compris. Le matin pour se préparer à ce marathon et puis le soir pour juste décompresser. C'est vraiment important. Dans la plupart des pathologies vocales, on a des grosses tensions au niveau cervical, des mâchoires serrées qui craquent, des gens qui mangent tellement sur le pouce en train de téléphoner avec la tête penchée sur l'épaule que finalement on a des tonnes de déséquilibres, des syndromes au niveau de la mâchoire, des gens qui commencent à faire des fausses routes à la salive alors qu'ils n'en faisaient pas avant, par exemple. Et on se rend compte que c'est en détendant la mâchoire, la langue, en reprenant finalement un temps qui est un temps juste pour soi, dans la mesure évidemment de ce qu'on a à faire aussi, on ne peut pas lambiner quand on a trop de choses à faire, mais il faut trouver un juste milieu. Et bien ces gens-là du coup commencent à moins voir ces symptômes juste par la détente, juste parce qu'à un moment donné on s'est posé une demi-heure en relaxation. où on a appris ce que c'était le larynx, comment ça marche, et juste de visualiser la mécanique bête et méchante de la déglutition ou de la voix, ça va un peu mieux. Peut-être pas tout parti, mais en tout cas, il y a des bienfaits, ne serait-ce que par cette détente globale. Alors, ça peut être se faire plaisir avec un repas entre copains à un moment donné, ça peut être téléphoner à quelqu'un. qu'on aime bien, ça peut être... même si on utilise la voix finalement, ça peut être écouter un podcast ça peut être ça peut être juste écouter de la musique prendre le plaisir d'aller d'aller chanter. Moi par exemple, ma soupape, c'est d'aller chanter même si je parle plus ou moins toute la journée finalement d'avoir des patients enfants aussi j'ai moins à parler puisqu'on est plus sur des jeux ou sur des activités à l'écrit ou des choses comme ça. Donc c'est beaucoup plus possible de se taire finalement. Dans la rééducation vocale, c'est moins le cas puisqu'on doit montrer des exemples, on doit diriger des relaxations. Je me rends bien compte que je fais partie de ceux qui parlent tout le temps. Et pourtant, ma soupape, c'est quand même encore d'aller chanter au moins une fois par semaine, en groupe, parce que c'est ce que je préfère, le partage, et l'alliance entre les voix, entre les timbres différents pour que ça fasse un gros son. Un gros son vraiment beau mais unique de par la voix individuelle de chacun. Voilà, il faut trouver sa soupape en fait. Peut-être que c'est de cuisiner le dimanche parce qu'on adore ça, peut-être que... C'est important parce qu'en fait, on n'a jamais eu autant de burn-out qu'à notre époque. Et encore une fois, étant donné que toute cette histoire vocale, c'est très émotionnel, très en lien avec l'émotionnel, si on ne chouchoute pas son émotionnel, ça a peu de chances de durer. On peut très bien faire de la mécanique. On peut très bien dire, là, on respire peut-être plus avec le ventre. Une sorte d'idée reçue, respirer avec le ventre, bah oui, mais tout le monde n'est pas capable et chez certains, ça crée des tensions. Donc il faut pouvoir se connaître aussi et apprendre à se délimiter pour être conscient des moments où on dépasse les limites et des moments où on est dans notre confort. Et c'est très bien comme ça aussi.
- Christine
En fait, ce qui est intéressant, je trouve, c'est qu'en tout cas, ça fait écho à la... La raison pour laquelle moi, j'ai eu envie de me lancer dans cette aventure du podcast autour de la voix, c'est que la voix, ce n'est pas un élément comme ça en suspension. En fait, bien sûr, comme tu as dit, ça fait partie de notre identité, mais c'est extrêmement lié à notre corps, à notre émotionnel finalement. Tu as une approche globale aussi dans ton métier, tu l'as dit à plusieurs reprises.
- Sarah
Oui, d'ailleurs, dans les dernières formations que j'ai pu faire, j'ai fait une formation qui... que j'ai faite à Lyon, qui se base sur des thérapies manuelles, un peu comme de l'ostéopathie qui est au service de la voix, de la phoniatrie. Ce qui me permet de pouvoir mieux ressentir aussi les désordres, c'est pas très beau comme mot, mais je vais l'utiliser quand même, les désordres au niveau justement menducateur, mandibulaire. Et puis au niveau du diaphragme, au niveau même des épaules trop hautes ou des choses comme ça, de pouvoir aider les gens aussi à ressentir dans leur corps cette fameuse détente et puis en fait de partir du global pour petit à petit arriver vers le local et pouvoir ressentir ces espèces de serrages, de forçages même, ne serait-ce que musculaires, vraiment autour des cordes vocales, autour du larynx, qui parfois sont là et on ne s'en rend même pas compte. Un peu comme quand on est chez l'ostéopathe et qu'on nous demande de nous lâcher le bras, mais on n'arrive pas. On garde le contrôle de notre bras, on n'arrive pas à lui donner. C'est un peu ça. Donc moi j'ai une approche aussi un peu manuelle là-dessus, qui, ma foi en tout cas, a bien profité à de nombreuses plaintes jusqu'à présent, qui au début n'étaient pas du tout orientées sur le corps.
- Christine
Je remercie infiniment Sarah pour la générosité avec laquelle elle a partagé son expertise et sa passion. Dans le prochain épisode, elle nous dira pourquoi et comment elle a choisi d'exercer le métier d'orthophoniste, pourquoi la prévention des risques autour de la voix est capitale et les outils qu'elle propose en regard. Enfin, nous évoquerons en quoi, aujourd'hui encore, la voix reste un sujet tabou dans nos sociétés. En attendant d'écouter la suite de l'interview de Sarah, je vous invite à suivre son actualité sur les réseaux sociaux, à découvrir son univers avec son site internet. Toutes les informations sont notées dans la description de cet épisode. Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, Abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin, un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. À bientôt !