- Speaker #0
On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Christophe Barruet. Longtemps, Christophe a considéré sa voix comme étant une ennemie, jusqu'à ce que le chant lui ouvre d'autres perspectives. Alors ensemble, nous allons évoquer en quoi la voix révèle une partie de notre identité, quelle place il a pu lui donner dans le soin en tant qu'infirmier, et enfin, la manière dont on peut se réconcilier avec cette voix pour en faire une amie. Bonne écoute !
- Speaker #1
Moi c'est Christophe Barruet. Christophe Barruet, j'ai passé 30 ans en tant qu'infirmier à domicile. Je dis toujours à domicile, je trouve que c'est plus parlant que dire infirmier libéral. Et voilà, je trouve que c'est ce qui me qualifie le mieux l'infirmier à domicile. Et je dirais oui, en parallèle, un chanteur tout à fait en humilité, puisque je chantais avec mes parents depuis tout petit. J'ai chanté depuis tout petit dans des conservatoires, au conservatoire de Pau. Voilà où j'étais en cours au conservatoire de Pau et j'ai toujours évolué dans la chorale de Jurançon où je réside. Voilà.
- Speaker #0
Super, merci Christophe. Alors moi j'aime bien commencer le podcast avec une question que je pose à tous mes invités, donc je vais te la poser aussi. Quelle place a la voix dans ta vie ? Et petite question supplémentaire, est-ce que cette place elle a évolué avec le temps ?
- Speaker #1
Alors, tout à fait, j'ai envie de répondre spontanément, si je qualifie ma voix, c'est très particulier comment je vais dire, c'est une amie et c'est une ennemie. Alors ce rapport, c'est un rapport que je peux avoir avec cette voix, il a évolué aujourd'hui avec l'âge, puisque près de 60 ans, donc je pense avoir, pas apprivoisé, je ne l'ai pas apprivoisé, c'est toujours ma voix. Je fais avec, je vais dire, je fais avec et oui aujourd'hui je suis en adéquation, en adéquation et je vais dire apaisé vis-à-vis de celle-ci.
- Speaker #0
D'accord, donc ça veut dire que tu ne l'as pas toujours été ?
- Speaker #1
Non, pas du tout.
- Speaker #0
Est-ce que tu veux nous partager en quoi elle n'a pas toujours été ton amie ?
- Speaker #1
Cette voix n'a pas mué. En fait, elle est toujours restée très aiguë et petite. Elle était très aiguë. Elle était aiguë enfant, donc je n'en avais pas confiance. Mais ça m'a valu depuis le tout jeune âge. Donc, des moqueries, des moqueries, des moqueries toujours, toujours, toujours, toujours à visée sexuelle. C'était toujours. Ouais, c'était c'était violent. C'était c'était violent. C'était toi le pédé ou et ça, ça a suivi toute ma vie. Toute ma vie, ça a été ça, sur ce toit aigu. Et même aujourd'hui, si je me mets en colère, je sens bien que cette voix qui est aiguë n'amène pas une écoute ou n'amène pas l'effet que je voudrais avoir, c'est-à-dire de pouvoir m'imposer ou de pouvoir être... Ben oui, de pouvoir m'imposer en tant qu'être humain, en tant qu'homme, cette voie, oui, oui, cette voie, pour moi, masculine, me fait défaut. Et donc je qualifiais cette voix d'ami et d'ennemi. Donc ennemi, oui, parce qu'elle me trahit dans ce que... Oui, je voudrais montrer autre chose de moi. Et en plus, bon, elle fait partie de ma personnalité, et puis elle est la mienne, et puis voilà, elle est, elle est, elle est. Et par contre, elle est devenue amie parce que cette voix m'a permis effectivement de chanter et de toujours entendre que j'avais une jolie voix, donc chanter. Et ça me rassurait et donc j'ai beaucoup évolué dans le chant avec cette voix aiguë. Et justement, j'ai appris au fil des années, j'ai rencontré une fauniatre. Et cette fauniatre m'a appris que mes cordes vocales n'avaient pas mué. Voilà, donc d'où l'aiguë de cette voix. et en fait que j'ai une voix, alors ça je le savais de par un parcours plus parallèle dans le chant, d'avoir une voix de haute contre. Voilà, je suis devenu ami avec cette voix, où j'ai pu chanter en haute contre, j'ai eu un parcours complètement extraordinaire, je le qualifie de loufoque quelquefois, parce que j'ai pris des cours auprès d'une professeure à Paris, qui était... qui était professeure à la comédie française et qui faisait évoluer les plus grands qu'elle mettait en scène sur les festivals d'Aix, d'Orange, des artistes internationaux qu'on a vus, que j'ai croisés. En fait, avec ma voix de haute contre, c'était complètement loufoque. J'ai évolué là au milieu où j'ai été accepté rien que par la voix. Ce n'était pas par une connaissance. musicale. Oui, certes, j'avais cette connaissance musicale, mais je n'avais pas après la théorie, puisque j'ai arrêté le conservatoire à Cédobonneur. Donc, c'était par la voix. Et cette voix m'a permis d'évoluer quand même une dizaine, oui, dix à quinze ans auprès de Nicole Faliens. Et donc là, je suis devenu ami avec ma voix parce que, oui, cette voix chantée était reconnue et j'ai travaillé voix Donc une voix de haute contre, une voix de contre-ténor, haute contre ou contre-ténor. Après, nous sommes revenus sur un travail de la voix de ténor, puisqu'elle trouvait que j'avais aussi une jolie voix de ténor. Et tout ça m'a permis de me réconcilier avec ma voix. C'est pour ça que je dis « ami et ennemi » , parce que je sais très bien entraîner encore des moqueries. Elle est toujours ennemie. d'un certain moment. D'accord.
- Speaker #0
Et donc, la question que j'avais envie de te poser, c'était justement comment tu as fait en sorte qu'elles deviennent amies. Tu as commencé à y répondre. J'ai l'impression que le chant a beaucoup contribué à ce passage, en fait, d'ennemi à ami.
- Speaker #1
C'est le chant exclusivement qui m'a permis de devenir amie avec ma voix. Parce que ma voix me servait à chanter et me permettait, ben oui, des hauteurs de notes, me permettait donc une tessiture, une tessiture de voix. celle de Haute Contre. Et oui, tiens, ça me mettait sur un ailleurs. Et ça m'a... C'est juste... Oui, oui, c'est effectivement la voix chantée qui m'a permis d'être apaisée.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
C'était pas... Alors, quand je dis apaisée, oui, c'était cette voix chantée qui me permet d'être plus en accord, plus en accord avec ma voix, puisque cette voix m'a parlé. D'abord, je n'ai jamais eu... Personne ne m'a jamais dit que ma voix parlée était jolie. ou que je pouvais entraîner quelque chose d'agréable sur ma voix parlée, personne. Et donc j'étais heureux parce que oui, c'était avec la voix chantée que j'allais toucher les gens, qu'on allait pouvoir me dire tiens, waouh, c'est joli où ta voix chantée, où ton timbre chanté est beau. Oui, et c'est par le chant, c'est par le chant que j'ai été apaisé avec ma voix.
- Speaker #0
Est-ce que c'est peut-être le chant qui t'a autorisé à prendre une place finalement ? que tu n'avais peut-être pas dans la voix parlée, en tout cas qui n'était pas conforme à ce que les autres attendaient. Surtout quand on est enfant, on peut être assez terrible quand on a l'impression que la personne n'est pas conforme à ce qu'on attend, ou qu'elle est différente. Les enfants ont du mal avec ça.
- Speaker #1
Certainement.
- Speaker #0
Parce qu'il n'y a pas une question de place. Et en même temps, tu vois, si tu as dit que tu faisais du chant choral, moi j'ai l'impression que... Il y a la place pour toutes les voix dans la chorale, je me trompe ou pas ?
- Speaker #1
Non, pas dans la chorale, parce que justement quand tu es dans une chorale ou dans un chœur, on attend, tout le monde a besoin de cette... Chaque voix amène une pierre à l'édifice et donc le nombre fait masse dans un chœur et donc oui, oui, tout chef de chœur ou de chorale attend, attend avec impatience toujours un nouveau choriste. La place sociale que j'avais en tant qu'infirmier, je me rappelle très bien dans mes interventions ou dans ce que je faisais, j'essayais toujours de parler plus grave. Donc j'essayais de parler, oui, plus grave, pour avoir une... Oui, pour être... Pour me donner plus... Comment dire ? Pour me sentir... Pour qu'on me prenne plus au sérieux. Pour être plus légitime auprès des patients, plus légitime dans mes interventions, plus légitime dans mes explications, dans mes soins, dans ce que j'allais faire. Mais voilà, c'était terrible. J'ai toujours fait ça. Et c'est à ce sujet que j'ai rencontré une fauniatre parce que le fait de vouloir parler plus grave m'a entraîné des problèmes vocaux.
- Speaker #0
C'est-à-dire que tu étais peut-être affone à des moments ? Tout à fait.
- Speaker #1
C'était être affone à des moments, c'était une voix qui raclait, c'était une voix chantée qui claquait, qui était voilée. Et donc il a fallu que je consulte. Et donc sur l'interrogatoire et sur ce qu'on a fait, enfin, il y avait quand même des saccages sur les cordes vocales. Donc il a fallu traiter.
- Speaker #0
Et donc tu as fait une rééducation, c'est passé par quoi ?
- Speaker #1
Non, c'est passé par un traitement. D'accord. C'est passé par un traitement et c'est passé par cette prise de conscience aussi. Oui, certainement d'arrêter, de devoir jouer, de devoir accepter finalement qui l'on est et de devoir accepter qui je suis avec ce que j'ai. Donc c'est ce que j'ai dû faire et je l'ai fait. Mais c'était très intéressant parce que... Pour la petite anecdote, quand les gens me téléphonaient, j'avais un répondeur dans ma profession. Mais quand j'étais en direct, que je répondais au téléphone, on me disait « Bonjour madame, est-ce que je pourrais parler à monsieur Barruet ? » Et je répondais souvent « Mais je suis monsieur Barruet » . Et les gens y répondaient « Mais non, non, on voudrait vraiment parler à monsieur Barruet » . Et puis je laissais tomber au bout d'un moment parce qu'effectivement ça revenait régulièrement. On insistait toujours pour... parler à M. Barruet. Et puis finalement, j'en jouais au bout du compte, parce que ce n'est plus la peine d'insister. Et puis au bout du compte, c'était très rigolo, parce que quand je rencontrais mes nouveaux patients, ils me disaient « Ah, elle était vachement sympa, votre secrétaire ! » Eh oui ! Donc j'ai... Bon, voilà. Donc j'ai appris à rire aussi quelques fois, des situations comiques, qui entraînaient ma voix.
- Speaker #0
Alors justement, si on est sur le côté du soin, tu accueilles les gens au téléphone par la voix, c'est le premier contact en général j'imagine avec tes patients, mais après quand tu vas au-delà, justement comme tu as été infirmier à domicile, est-ce que tu as souvenir de la place de la voix dans le soin, de ta voix à toi dans le soin ? Est-ce que peut-être que tu n'étais pas conscient à ce moment-là, mais aujourd'hui avec le recul de la pratique ? Qu'est-ce qui te revient comme ça, comme souvenir ? Est-ce que ta voix pouvait apaiser à des moments les patients ? Ou est-ce que tu en jouais ? Ou est-ce que c'est quelque chose qui faisait partie de toi et tu n'as pas forcément de souvenirs particuliers ? Je t'amène dans ce chemin-là, on va voir si tu as envie d'y aller.
- Speaker #1
Comme je dis toujours, j'adore la voix, j'adore les voix. C'est très curieux parce qu'effectivement, ça fait partie de... c'est intrinsèque. Donc la voix est... Oui, comme je dis toujours, j'en reviens à Mianemi, donc j'ai toujours parlé des voix, parce que j'aime les voix. Et cette voix, effectivement, m'a permis de fonctionner. Et spontanément, ma prise en charge avec les gens passait toujours par de l'humour. Je disais, et je disais toujours, que je faisais le clown, que je jouais le clown. Si je réfléchis, je ne sais pas pourquoi je jouais le clown. Peut-être que c'était ma façon de... moi. d'être et qui me permettait de moins se rentrer dans le détail ou peut-être de faire le clown oui, en faisant le clown la voix était naturelle, en fait, voilà merci pour cette question parce qu'il y a des choses que je réalise c'est ça, en fait, quand je faisais le clown et que j'arrivais oui, en fait la voix était naturelle, oui, c'est ça C'était la voie naturelle.
- Speaker #0
Elle était amie finalement à ce moment-là.
- Speaker #1
C'était celle-là. Je ne trafiquais pas ma voie. Alors bien sûr, après, dans le soin, ce n'est pas enjoué. Je l'adaptais, je pense, comme chaque soignant qui adapte sa voie dans chaque situation. Oui, j'adaptais ma voie, évidemment, dans chaque situation. Mais c'est très intéressant ce que tu me poses comme question. Parce qu'effectivement, je faisais toujours les soins avec beaucoup d'humour, je faisais l'andouille, je faisais rire, je faisais rire les gens. Mais parce que justement, c'était là où ma voix était naturelle. Et je ne me posais pas la question de... Au moment où je parlais, je faisais rire les gens, et la voix était la mienne.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui te renvoyait, les patients ? Aujourd'hui, nous, on parle de la voix, mais bien sûr, toi, en tant que soignant, on te prend dans ton entièreté. Qu'est-ce qui renvoyait de ça, justement, de cet humour, de cette énergie que tu mets ? Est-ce que c'est quelque chose dont on te faisait part, en retour ?
- Speaker #1
Oui, Les gens étaient heureux, donc... Alors, oui, ils étaient heureux, donc... Je n'ai pas eu, juste une fois, une fois j'ai eu un retour à celui que je ne voulais pas, à celui que j'essaie toujours d'éviter, hein. Ne venez plus chez moi, j'ai horreur des homosexuels, effectivement, c'est tombé comme ça. Ça, c'était d'une extrême violence, et c'est toujours ce que j'avais... Puisque j'ai toujours entendu ça toute ma vie, hein, par rapport à cette voix. Et qui, c'est quand même arrivé, c'est arrivé violemment, et c'est très violent à entendre, mais ça a été une fois, mais la fois de trop, parce que ça restait très présent, c'est toujours... Et par contre, oui, les gens ont toujours été très heureux, voilà, ils savaient que j'allais aller souvent, en toute humilité. Même encore quand je rencontre régulièrement des gens, ils arrivent, ils sont toujours très heureux et puis ils disent souvent « Qu'est-ce que tu as pu me faire rire ? Tu as ensoleillé nos journées. » Parce que oui, je faisais le pitre. Voilà, je faisais le pitre.
- Speaker #0
Oui, alors moi j'ai envie d'en témoigner parce que j'ai eu la chance d'être l'une de tes patientes, pas très longtemps, mais suite à une opération chirurgicale, tu as dû venir ici, chez moi, à domicile. me soigner et forcément j'y ai repensé avant qu'on se voit là aujourd'hui et ta voix m'a marqué, vraiment, ta voix, ta présence au-delà de la voix, mais j'y ai repensé, je me suis reconcentrée sur la question de la voix et en fait vraiment, en toute sincérité, je crois qu'elle est enveloppante, ta voix, tu vois, elle a un côté sécurisant et alors J'ai eu d'autres infirmiers à d'autres moments de ma vie qui sont venus à la maison. Je ne m'en souviens pas. Franchement, je ne m'en souviens pas. Mais toi, je me souviens très, très bien de toi, de ta présence. Tu vois, tu disais le côté solaire que les patients te renvoyaient. Moi, j'ai vraiment vécu ça comme ça. Une présence extrêmement solaire, une voix très sécurisante. Comme si pendant les quelques instants où tu étais là, on oublie sa pathologie, on oublie ce qui nous arrive. Parce que tu nous ancres dans le présent avec ce côté gai, joyeux, solaire, tu vois. Et c'est vraiment, c'est un souvenir fort, ça date d'il y a six ans maintenant, tu vois. Et je m'en souviens très bien. Donc je me doute qu'il y a d'autres patients qui ont dû ressentir la même chose que toi, que moi, pardon. D'ailleurs, c'est ce que tu viens de partager un petit peu. Et pour moi, c'est quand même lié, bien sûr, à ta personnalité, à ta façon de te déplacer, d'être présent, etc. Mais en particulier à ta voix, sincèrement. Qu'est-ce que ça t'évoque, ce que je te dis là ?
- Speaker #1
Déjà, c'est beaucoup de plaisir. C'est un énorme plaisir que tu puisses me dire que la voix parlée, cette voix parlée te touchait et te sécurisait. Alors oui, j'essayais de le faire sur une présence, mais je n'avais pas conscience de cette voix. La voix parlée, non, je n'étais pas du tout sûre de ma voix parlée et je ne savais pas. Non, je n'avais pas du tout conscience. Alors je pouvais chuchoter ou comme je dis, je sais que je faisais plus, oui, c'était plus dans le... Oui, peut-être plus dans... Oui. C'est très touchant que tu puisses me dire que ma voix parlée, donc, était sécurisante, c'est ça ? Oui.
- Speaker #0
Mais parce que tu as aussi une grande capacité d'écoute. J'entends le côté clown, pitre, tout ça, je l'ai ressenti moi aussi et ça m'a fait du bien. Mais à côté de ça, tu as aussi une grande capacité d'écoute.
- Speaker #1
Oui, j'écoute.
- Speaker #0
Donc tu es aussi capable de silence quand il faut, de joie quand il faut. Et voilà, moi ce souvenir est très présent encore dans mon esprit, donc j'avais besoin de te le partager là, aujourd'hui. Et peut-être que tu n'as jamais discuté de ça finalement avec tes patients, parce que toi tu es là, tu es dans l'opérationnel, tu es présent, etc. Puis après, tu pars ailleurs, et puis en fait, le lien que tu as avec tes patients, même s'il est fort, il est court finalement. Moi, en tout cas, je me rappelle de ça, mais ça passe vite finalement. Tu as des journées chargées, tu avais des journées chargées quand même. Donc est-ce qu'il y a le temps aussi de prendre le recul par rapport à ça ? Je pense que ça se fait en fait, naturellement. Voilà, mais je te dis, moi, avec le recul des années, c'est encore très présent dans mon esprit.
- Speaker #1
Oui, c'est très touchant. C'est très touchant, d'autant plus que je n'ai... C'est très touchant, je n'ai jamais... Autant, oui, j'ai marqué les gens. Et je suis très heureux parce que je les côtoie, puisque je suis ronçonnée, donc je revois mes anciens patients et toujours, tout le monde, on continue à discuter, on est heureux de se retrouver. Et c'est vrai que... parler de... Tu es la première personne, donc il va me parler de ma voix parlée. Et ça me touche. Et de me dire, surtout, que ma voix parlée, donc avec laquelle j'ai peut-être plus de mal, de me dire que cette voix parlée est une voix qui t'a touchée, qui t'a apaisée. J'en suis très heureux. Vraiment. C'est un bonheur pour moi de savoir que malgré tout, cette voix... permettaient, au-delà de mon geste technique, ou au-delà de la présence, au-delà de ce que j'allais apporter, je suis vraiment heureux, mais heureux. Ah oui, ça fait du bien. C'est chouette de savoir que la voix était avec.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Oui, mais après, comme tu dis, je pense que tu as su trouver le chemin pour la rendre naturelle. Et je pense que toi, tu étais pleinement toi, tu vois, quand tu soignais les gens. tu es arrivé à être pleinement toi. Peut-être contrairement à les années où tu étais plus jeune, où tu cherchais peut-être un peu plus ta place.
- Speaker #1
C'est une évidence, oui, c'est une évidence.
- Speaker #0
Je te remercie Christophe, parce que tu as parlé d'éléments qui sont très touchants. Ce n'est pas facile d'évoquer le fait que sa voix était parfois une ennemie. et en particulier des moqueries que tu as pu recevoir. Donc je te remercie pour cette confiance. Et si on revient sur ce qui t'a permis de passer de cette voie ennemie à plus amie, tu as beaucoup parlé du chant. Donc le chant, est-ce que tu peux nous partager en quoi il a été peut-être, le mot est peut-être un peu fort, je ne sais pas, salvateur, ou en tout cas il t'a permis d'emprunter un autre chemin ? Est-ce que tu as souvenir des étapes que tu as franchies pour essayer de... Comme tu as dit un peu au début, apprivoiser cette voix, en tout cas la connaître sous la forme du chant et l'appréhender autrement que la voix parlée.
- Speaker #1
De tout petit, je chantais, on me faisait chanter et il y avait déjà cette voix qui était aiguë. Et donc, quelques personnes peut-être repéraient cette voix à l'époque parce qu'elles la trouvaient jolie, mais on en est resté là. on en est resté là après quand j'étais sur l'époque du conservatoire Donc j'ai eu la chance d'avoir des professeurs très touchants qui allaient au-devant, qui nous poussaient. Donc j'ai travaillé, la question ne s'est pas posée. J'ai évolué comme ça. Après je chantais certainement avec une voix de ténor, avec une voix non travaillée. Mais quand même il y avait cette tessiture toujours un peu aiguë. Jusqu'à ce qu'il ressortait toujours. Et peut-être que chaque, c'est pas peut-être, chaque chef de chœur que j'ai pu rencontrer avait envie toujours d'aller chercher l'aigu, d'aller chercher l'aigu de cette voix et sans trop peut-être y arriver parce que, voilà, à cause peut-être de compétences différentes pour aller trouver et faire sortir cette voix aiguë. Et à force d'entendre ces chefs de chœur, oui, toujours me parler de cette voix aiguë, et ça me titillait d'aller ailleurs, et ça me titillait, parce qu'effectivement, on a parlé de légitimité, cette voix, c'était, oui, je pense que je voulais certainement aller sur un ailleurs, parce qu'elle allait me donner cette légitimité sur autre chose. Et je suis quelqu'un de très, pourtant très discret, très timide. Alors, le côté clown, je cache beaucoup de choses et je suis très réservé en fait. Je peux facilement discuter, mais non, je suis très réservé. Et malgré tout, j'ai bousculé, oui, j'ai bousculé des portes parce que c'est effectivement ce qu'elle m'a, la chose qu'elle m'a dite. Donc j'ai vu un CD de Philippe Jarouski, et Philippe Jarouski, cette voix de haute contre, de contre-ténor, donc internationalement connue, qui parcourt le monde, et ce Philippe Jarouski remercie sa prof de chant, qui est donc Nicole Faliens, il remercie sa prof de chant. Qu'est-ce qu'il m'a appris ? Je ne sais pas. J'ai trouvé les coordonnées de Nicole Faliens et je me suis autorisé à téléphoner à Nicole Faliens. Ça a été... Je me suis fait jeter comme un malpropre. Et puis, dans le discours, elle me dit « mais vous avez une voix d'autre contre » . Je passe tous les détails et c'est pour ça que je suis arrivée pendant 8-15 ans auprès de Nicole Faliens dans le travail de cette voix. et en fait ce qui l'a séduite à elle ce fut cette voix de haute rencontre qu'elle a qu'elle a travaillé et qu'elle est allée chercher. Et c'est cette loi d'autre contre que nous avons travaillé pendant plusieurs années. Et j'ai rencontré dans mon parcours de chant auprès d'elle, j'ai rencontré d'autres autres contres. Et puisque tout d'un coup je suis tombée dans un milieu... Attention, c'est... parisiens entre guillemets. Donc, il n'y avait plus, il n'y avait aucun souci. Chaque chanteur est dans sa partie. Et puis, ce sont des rencontres où tout le monde est là pour venir chanter, pour venir, j'allais dire, sucer la substantifique moelle. Mais c'était ça. Puis tout le monde se dit bonjour, se fait la bise. Il n'y a rien à faire de qui tu es. qui on est, et en fait, le seul but, c'est la voix. Et ça, ça a été génial, parce que, ben oui, tout le monde se tutoie, et puis on part sur un autre domaine, c'est le travail de la voix, c'est d'apprendre à aller chercher sa voix, parce que justement, cette Nicole disait toujours, et elle a raison, dit toujours, la voix parlée est une voix naturelle, alors que la voix chantée... n'est pas une voix naturelle. Et elle disait, quand on apprend à chanter, le prof de chant est un formateur qui va t'amener sur des aigus, qui va t'amener sur des graves. Elle disait toujours et elle dit toujours, la voix chantée n'est pas une voix naturelle, c'est une voix que l'on formate. Et voilà, je pense que je me suis laissée aller, alors ce n'est pas se prendre au jeu. J'étais heureux de comprendre que ma voix, elle était là, cette voix chantée. Donc elle était dans ses hauteurs et j'ai développé cette voix chantée. Mais il y a quelque chose quand même qui est très intéressant. C'est-à-dire que je n'ai pas dit facilement à mes parents que je dépensais l'argent pour aller... Prendre des cours de chant à Paris, surtout que j'ai mis ça en place un peu tardivement dans ma vie. Et quand, à un moment donné, on en a parlé et que j'ai pu leur faire entendre ce que c'était la voix de votre contre-ténor, donc j'ai eu une réaction très négative de ma mère qui a dit « Mais quelle horreur, cette voix aiguë, c'est épouvantable ! » Et là, tu te sens une fois de plus ! Voilà, complètement, tu ne te fais pas, tu te dis tiens, il y a vraiment quelque chose de loupé. Bon, mais ça n'a pas cessé, ça n'a pas enlevé ce bonheur que j'avais de continuer dans ce travail vocal.
- Speaker #0
Elle a pu changer d'avis au fil du temps ou pas ?
- Speaker #1
Je n'en suis pas persuadée. D'accord. Alors au fil du temps, elle a vu une évolution dans les cœurs dans lesquels je peux évoluer. dans une qualité, je veux dire, de cœur. Alors après, je n'évolue pas avec une voix de haute contrainte, je chante avec une voix de ténor.
- Speaker #0
Donc, je pense que oui, il y a une fierté par rapport au chœur dans lequel j'ai voulu, par rapport aux petites formations dans lesquelles on peut me demander d'aller chanter. Oui, ça reste une fierté. Mais je ne suis pas persuadée que si je chantais en haute contre, cette fierté serait la même.
- Speaker #1
Parce que haute contre, pour les gens qui ne connaissent pas du tout, c'est extrêmement aigu.
- Speaker #0
C'est extrêmement aigu, oui. Disons que c'est peut-être pas... Il y a extrêmement aigu avec les voix de femmes, mais c'est une voix d'hommes qui est extrêmement aigu, donc c'est les voix de castras. Et je pense qu'il faut, oui, c'est une écoute un peu particulière, et c'est une écoute qui peut être dérangeante, je pense que oui, oui, ça peut déranger. Oui, effectivement. On reconnaît très vite un castra qui chante, et peut-être, peut-être que oui, oui, oui, l'écoute d'un CD, d'un castra... Ça peut peut-être être agaçant, oui, peut-être.
- Speaker #1
En tout cas, je trouve ça génial de ce parcours-là, où tu vois, plus jeune, tu as dit avoir reçu des moqueries par rapport au fait que ta voix était aiguë, et que pour un garçon, on l'a trouvé trop aiguë, etc. Et qu'en fait, tu pousses ça dans le champ, et que tu assumes cette voix de haute contre, finalement. Je trouve ça génial, en fait. C'est un peu, pour reprendre l'image du clown, un petit pied de nez, quand même, je trouve.
- Speaker #0
Oui ! Oui, oui, et tout d'un coup, c'est ce que tu t'es dit, ah ben tiens, mais voilà, en fait, c'est pour ça, et je suis allée la chercher cette voie, oui, oui, et c'est pour ça que je pense, consciemment ou pas, oui, certainement consciemment, que j'ai bousculé les portes de cette femme, et ça m'a donné cette force, oui, d'aller la bousculer, et ça m'a, oui, oui, je pense que c'est... Oui, psychologiquement parlant, il y a quelque chose qui était très fort là-dessous. Et je suis allé travailler dans cette voie. Et fier finalement, fier de me dire, ben oui, c'est normal, je suis un haute-contre ou un contre-ténor, mais c'est normal.
- Speaker #1
Écoute, je te remercie vraiment pour la sincérité de tout ce que tu as partagé. La bonne humeur aussi que tu as partagée derrière le micro, c'était un mélange d'émotions, de bonne humeur, c'était un chouette moment pour moi. Donc merci beaucoup pour ta confiance et pour tout ce que tu as partagé avec nous à ce micro.
- Speaker #0
Un grand merci à toi aussi de m'avoir sollicité. Tu m'as posé cette question d'accord de venir parler de la voix. Alors bien sûr, ça m'a titillé et bien sûr, je me suis posé des questions et bien sûr, j'ai réfléchi. Tu m'as demandé si j'étais en accord et si j'étais apaisée avec ma voix. Et ta démarche m'a contribué encore à rajouter un apaisement sur cet édifice d'apaisement que je mets sur ma voix. En fait, c'est moi qui te remercie, Christine, d'être allée me chercher, parce que tu m'as fait me poser des questions, tu m'as là aussi posé des questions très précises. très pertinentes et qui vont toucher ma sensibilité et qui m'ont fait réfléchir et qui m'ont fait te donner des réponses auxquelles je n'avais certainement pas pensé, non. Et c'est très intéressant d'avoir quelqu'un en face qui rentre directement dans le vif du sujet. Je n'ai pas le droit de fuir et donc j'y suis allée. Merci Christine, c'est moi qui te remercie.
- Speaker #1
Bon ben on se remercie tous les deux alors, c'est parfait.
- Speaker #2
Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin, un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn Entre Voix et Mots. À bientôt !