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Une voix basque tournée vers les gens | Franck Dolosor cover
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On n'a qu'une voix

Une voix basque tournée vers les gens | Franck Dolosor

Une voix basque tournée vers les gens | Franck Dolosor

50min |09/12/2025
Play
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On n'a qu'une voix

Une voix basque tournée vers les gens | Franck Dolosor

Une voix basque tournée vers les gens | Franck Dolosor

50min |09/12/2025
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Description

Une voix posée et reconnaissable.
Un accent singulier qui intrigue.
Et une passion pour les voix qui chantent, improvisent et transmettent.

Dans cet épisode, vous allez découvrir Franck Dolosor, journaliste et présentateur de journaux télévisés à Euskal Telebista, grand média audiovisuel public du Pays basque.

Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao. Journaliste autodidacte, il a grandi bercé par les voix de la radio avant de trouver sa place devant le micro, puis devant la caméra. Sa voix, il l'utilise quotidiennement dans son métier, en jonglant entre le basque, l'espagnol et le français.


Avec Franck, nous allons évoquer :

- ce que sa voix singulière dit de lui et les réactions qu'elle suscite ;

- son parcours de journaliste passionné par la radio et fasciné par l'univers des voix ;

- le bertsuralisme, cet art de l'improvisation poétique chantée qui rassemble des milliers de personnes au Pays basque ;

- Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle, dont Franck a retracé l'histoire dans un livre.


Un épisode pour vous faire voyager au cœur du Pays basque et découvrir comment la voix peut être un pont entre les générations, les langues et les cultures.

Bonne écoute !

Pour retrouver les éléments évoqués avec Franck ou pour le suivre :


_____________________________


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📩 Contactez-moi à l’adresse suivante : christine.irabola.redac@gmail.com.


Crédits :

  • Réalisation, montage, mixage : Christine Irabola

  • Musiques et chants : Émilie Décla

  • Hébergement : Ausha



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Christine

    On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Franck Dolozor. Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao dans le Pays Basque. Le Pays Basque, c'est un territoire à cheval entre la France et l'Espagne qui compte aujourd'hui... 3 millions d'habitants. Franck travaille en tant que journaliste à la rédaction d'Euskal Televista, qui est un des plus grands médias audiovisuels publics du Pays Basque, avec 5 chaînes de télévision et 6 stations de radio. Et vous allez le comprendre, la voix dans la vie de Franck a une place immense. Déjà parce que sa voix en elle-même, il va le partager avec nous, suscite beaucoup de réactions et de questions. Ensuite, parce qu'en tant que journaliste, présentateur de journaux télévisés, Il l'utilise au quotidien, mais aussi parce qu'il est amateur de radio, de chant et de culture de manière générale. Et enfin parce qu'en tant qu'auteur, il a écrit un livre sur Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle. Alors un bertsulari, c'est un poète improvisateur basque, et vous l'avez peut-être perçu, je porte le même nom de famille que Matxin, dont nous allons parler dans cet épisode. Vous allez donc découvrir le lien qui m'unit à ce poète improvisateur, et celui que Franck entretient avec la voix et avec les autres. Bonne écoute !

  • Franck Dolosor

    Bonjour, je suis Franck Dolosor, je suis journaliste, Senpertar (habitant de Saint-Pée-sur-Nivelle). Alors journaliste et basque, je dis parfois que ça fait un peu beaucoup pour une seule personne, mais ça va, j'arrive à gérer, parce qu'en fait je suis très fier des deux. Je suis basque, je ne peux pas faire autrement, je suis de Saint-Pée, donc voilà, en plein le Pays basque. Et après journaliste, bon ça c'est venu un peu après. À partir de 18 ans, donc ça fait 30 ans maintenant, voilà, vous savez, j'ai 48 ans, et je suis fier des deux. Je suis fier d'être Senpertar, basque et journaliste aussi. Et puis j'aime bien, comment dire, faire ma profession dans plusieurs langues, donc en basque, en espagnol, en français, puis un peu de gascon aussi, puis de l'anglais aussi forcément, on ne peut pas faire autrement, et du catalan aussi de temps en temps, puis voilà.

  • Christine

    Merci Franck pour cette présentation. Donc Senpertar : Saint-Pée-sur-Nivelle, pour les gens qui ne connaîtraient pas, c'est dans le Pays basque, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Labourd, si on veut être précis, je ne me trompe pas, puisque moi aussi, je suis de Saint-Pée-sur-Nivelle. On est tous les deux du même village.

  • Franck Dolosor

    Ah, parce qu'on s'était déjà vus. Ah oui, maintenant ça me revient, oui, voilà !

  • Christine

    Est-ce que tu peux partager avec nous comment tu as eu l'envie de devenir journaliste ?

  • Franck Dolosor

    En fait, c'est une passion, parce que d'un côté... Ça m'a toujours intéressé, l'actualité, voir ce qui se passe chez nous, dans notre village, dans notre territoire, dans notre pays, au Pays basque, en France, en Europe, dans le monde. Ça m'a toujours intéressé, j'ai toujours suivi les actualités à la télé. Alors, je n'ai pas beaucoup lu quand j'étais gamin, ça c'est vrai, un peu plus maintenant. Et après, la radio. La radio, ça m'a toujours plu. Il y a vraiment un charme autour des voix. D'ailleurs, à l'époque, c'était génial parce que... On ne connaissait pas les personnes parce qu'on n'avait pas leurs photos, puis il n'y avait pas les pages web ou les retransmissions en vidéo comme maintenant. D'ailleurs, la radio l'a un peu perdue finalement pour le coup. Mais nous, à l'époque, on ne savait pas. Donc, on imaginait la personne. On ne connaissait pas Macha Méril. On ne connaissait pas Naro Agorostiaga. On ne savait pas qui étaient ces personnes qui nous parlaient tous les jours. Et en plus, dans des endroits intimes, puisqu'elles étaient dans la cuisine chez mes parents. Donc, voilà, la radio. C'est génial. Et puis, à partir de 18 ans, il a fallu décider. Bon, moi, je n'étais pas très, très bon à l'école. Et le jour où j'ai voulu être journaliste, ils ne m'ont pas pris deux années de suite. Donc, j'ai dit, vous êtes gonflés parce que je n'ai jamais aimé l'école et là, je veux y aller et vous ne me prenez pas. Du coup, je suis journaliste autodidacte. Donc, j'ai commencé à travailler ici dans une radio associative, une radio bascophone, Gure Irratia à Bayonne. Et de là, de fil en aiguille, je suis passé à Radio Euskadi, donc en espagnol, parce que j'avais envie, en fait, de travailler à Euskal Telebista, c'est la télévision publique du Pays basque, donc c'est à Saint Sébastien, Bilbao, et moi je suis un des correspondants à Bayonne, et en fait, depuis assez petit, je voulais travailler là. Donc c'est génial parce que j'ai réussi à faire ce que je veux. Je voulais travailler avec telle et telle personne j'ai réussi, on est devenu collègues, amis, etc. C'est venu de là parce que je me suis dit que d'un côté, cette profession est magnifique, c'est passionnant parce qu'en fait, vous êtes en contact toujours avec des passionnés, c'est-à-dire dans la culture, le sport, les sujets de société et la politique aussi. Il y a vraiment de tous les profils. Au début, au moins, ils en veulent, ils ont vraiment une ambition, ils ont envie de faire quelque chose. Donc en fait, vous êtes en contact avec des gens, c'est très gratifiant, c'est passionnant et c'est même un peu... Une petite drogue, quoi, des fois. Alors c'est bien de lever le pied quand tu travailles, t'as envie de t'arrêter, mais finalement... Des fois, quand tu ne bosses pas, tu te dis, j'aurais bien été là, j'aurais bien aimé accouvrir tel événement. Bon, maintenant, j'ai appris, de temps en temps, il faut faire des choix aussi. Et je m'étais rendu compte aussi, parce que pour moi, c'est important d'assurer la promotion de la langue basque. Et donc, je pensais qu'en étant journaliste bascophone, que c'était une façon, certains vont plutôt vers l'enseignement, d'autres vers d'autres disciplines ou professions, et moi je trouvais que les deux étaient assez intéressantes. Et j'aime bien exercer ma profession en basque, mais j'adore aussi être en contact avec des francophones, des hispanophones, ou aller voir aussi ailleurs, parce qu'on se nourrit de ça, on s'enrichit finalement. Enfin, moi je dis que je suis très riche, alors pas forcément le compte en banque, mais oui, cet échange, et en plus des fois tu te demandes, mais là c'est le journaliste qui parle ou qui s'intéresse ou la personne ? Voilà, j'écris des livres, je suis amené à être en contact avec certaines personnes. Et des fois, je me dis, mais j'ai fait ça pour le sujet ou pour être en contact avec eux ? Alors, je sais, j'étais là pour faire le documentaire, le livre ou le reportage, voilà, pour ma chaîne. Mais c'est vrai que ça va au-delà. Alors, on ne peut pas faire tous les sujets non plus de cette manière-là. On ne peut pas tous les tourner comme ça. Mais la plupart, oui. Et du coup, on arrive à tisser des liens avec les uns, avec les autres. Et ça aide. Et c'est... Ouais, c'est sympa, c'est gratifiant.

  • Christine

    Dans le cadre de ton parcours, tu disais que tu étais autodidacte. Est-ce que tu as pu rencontrer ou des personnes, ou côtoyer des outils, pour justement apprendre à... À manier ta voix, à l'utiliser par le média radio ? Est-ce que tu as à souvenir de ça, de moments ou de personnes marquantes dans ton parcours ?

  • Franck Dolosor

    Ça s'est fait petit à petit en étant en contact avec les uns et les autres. J'ai eu quelques formations, mais pas beaucoup. Et après, c'était surtout, alors pas en copiant, mais un petit peu en imitant ou en voyant ce qui se fait ailleurs, en allant voir les gens aussi, ça c'est important. Des fois, je faisais des demandes de stage, ils ne me prenaient pas, puis je disais, ne vous inquiétez pas, je viendrai quand même. Et voilà, je disais, je peux rester au fond du studio, je ne dirai rien, mais juste écouter, voir, apprendre, voilà. Ça, j'ai réussi à le faire. Et d'ailleurs, des fois, je croise maintenant des collègues qui me disent « Tu te rappelles que tu étais venu là quand même ? » Et ça, je dis « Oui, oui, je me rappelle très bien. » J'avais même des photos, on n'en prenait pas autant que maintenant. Mais enfin, j'ai des souvenirs. J'étais à telle Radio, à Saint-Sébastien, tout ça. Enfin, c'était des moments importants. Et puis, la voix, petit à petit. Bon, après, moi, je fais les choses de façon assez naturelle. Je ne vais pas chercher. Après, on a été amené à faire des sujets. très graves, d'autres un peu plus légers, donc du coup tu apprends un petit peu à moduler. Et puis là, admettons, moi ma voix, au début ça me faisait bizarre, parce que ça fait toujours bizarre quand on s'enregistre, quand on repasse la cassette, je dis « il y a un souci là, ça n'a pas bien enregistré en fait, parce qu'on n'est pas habitué à enregistrer sa voix » . Et puis moi ma voix, je sais qu'elle est comme ça. Bon, elle est comme ça maintenant, parce que moi j'ai eu plusieurs voix. On a une voix quand on est gamin. Après, elle change à 13-14 ans. Et d'ailleurs, c'est compliqué parce que des fois, il y a des pics comme ça. Et puis, quand on... Moi, je me souviens de ma voix quand j'étais gamin. D'ailleurs, j'ai un enregistrement que je ne te montrerai pas, d'ailleurs. Mais j'aime bien l'entendre parce que je sais qu'à l'époque, je parlais comme ça. Après, forcément, ben voilà, ça change. Et puis, à partir de 16-18 ans, 17-18 ans, j'ai la voix que j'ai maintenant, une voix. assez grave, assez posée. Je peux faire même plus grave. Je peux descendre encore plus bas, mais j'aime bien. Bon, après, je ne vais pas monter trop haut non plus. Et après, une voix un peu nasale. C'est embêtant quand je suis enrhumé, par exemple, parce que déjà que cette voix peut vous paraître insupportable. Je sais qu'il y en a beaucoup, certains, qui l'apprécient et d'autres qui n'aiment pas trop, parce qu'en plus de la voix, il y a l'accent, qui n'est pas forcément l'accent du Pays basque, pas l'accent de Saint Pée. Et des fois, on me fait la réflexion, on me dit, mais toi, avant, tu ne parlais pas comme ça. Bon, là, je dis, ça fait une paye que maintenant, c'est comme ça et ça ne va pas changer. Mais ça, ce n'est peut-être pas lié directement à la voix, c'est peut-être lié à l'utilisation quotidienne de plusieurs langues en même temps. Et des fois, on me dit, mais tu as un accent à couper au couteau. On me demande quelle est ma nationalité. Je suis juste du village d'à côté. Mais ça, on me l'a expliqué, en fait, depuis. Et d'ailleurs, c'était assez bien parce que... C'est gênant, c'est embêtant quand même, quand on te fait des réflexions par rapport à la voix que j'ai. Je n'ai pas l'impression qu'elle est aussi dérangeante, mais je voulais savoir pourquoi. Et en fait, un jour, un toubib m'a expliqué que c'est au niveau neurosensoriel qu'il y a un mélange des sons qui se fait. Et donc que je reproduis certains sons de la langue basque quand je parle en français ou certains sons de la langue espagnole. que j'utilise tous les jours en français ou en basque ou l'inverse. Après, c'est vrai qu'on a une façon de parler en basque quand on est de Saint Pée, puisqu'on a notre variante qui est une des plus belles de la langue basque, je dirais, mais on a aussi un basque unifié. Et le fait que sur la chaîne dans laquelle je travaille, c'est cette variante que je dois utiliser, du coup, il y a un mélange qui se fait, puisque je suis amené à parler, travailler, côtoyer tous les jours des gens de Saint-Sébastien, Bilbao, c'est peut-être pas... aussi courant pour toutes les personnes, tous les habitants de notre village. Mais voilà, donc en fait, c'est bien d'avoir l'explication, parce que c'est un peu désagréable d'aller dans un restaurant et on vous dit, ah, vous êtes américain, j'ai fait toutes les nationalités, je dis, ils auraient pu commencer par le Québec, ou non, mais je ne sais pas, c'est bizarre. Et un jour à Paris, le plus drôle, c'était, quelqu'un me demande une adresse, je dis, je ne sais pas, et on me dit, mais vous êtes polonais, Je lui ai dit, mais non, je suis basque. La bonne femme, elle m'a dit, mais moi, je suis d'Isturitz. Et j'ai dit, bon, voilà, donc on est partis dans une conversation. On ne s'est plus arrêtés. Mais c'est vrai que des fois, ça ne me dérange pas, mais des fois, tu vas juste acheter un truc. Donc, tu n'as pas envie qu'on te fasse une réflexion ou qu'on te dise, surtout qu'ici, il y a beaucoup de gens, enfin, au Pays basque, il y a beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur. Moi, ça ne me dérange pas. Si en plus, on doit avoir des... des commentaires un petit peu désobligeants comme ça, là, ça commence à me déranger un peu. Et surtout que des fois, tu vas juste acheter une baguette et tu te barres. Donc, voilà.

  • Christine

    Alors, c'est des remarques qu'on te fait quand tu parles en français. Est-ce que c'est le cas aussi quand tu parles en espagnol ou en basque ? On te parle de ton accent aussi ?

  • Franck Dolosor

    Oui.

  • Christine

    D'accord, c'est dans les trois langues.

  • Franck Dolosor

    Oui. Le mélange se fait dans les trois. C'est curieux, c'est comme ça. Après, je ne me formalise pas. Le seul souci que j'ai, et ça c'est un gros souci, c'est que je ne peux pas faire de canular, par exemple, parce que les gens reconnaissent ma voix. Donc ça, ça m'embête parce que moi, j'aime bien plaisanter et tout ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, ils me reconnaissent. Par rapport à mon travail, ça m'est arrivé d'appeler la gendarmerie. On me dit, oui, on sait qui vous êtes. Ou sinon, le plus drôle, c'était un jour, il y avait des grèves à l'aéroport de Bilbao, il fallait que je fasse une chronique, et le gars, il me dit, oui, c'est bon, on sait qui c'est. Bonjour, je voulais savoir, dans le cadre de mon reportage sur la grève aujourd'hui, les aiguillères du ciel, je voulais savoir. Ah, c'est bon, on te passe l'info, machin. Bon, voilà, c'est assez drôle, ou des fois. Et alors, ce qui est curieux, c'est que moi, maintenant, comme je travaille à la télévision, Euskal Telebista, la télévision du Pays Basque, j'apparais aussi à l'image. Mais les gens, ils ne me reconnaissent pas forcément au visage. Ils me reconnaissent à la voix. Et des fois, ça m'est arrivé, plein de fois, d'aller dans un restaurant ou comme ça, et les gens me disent « Mais d'où c'est que je vous connais ? » Je dis « Je ne sais pas. Moi, je ne vous connais pas. » Et après, je leur lance une piste. Je dis « Vous regardez les infos ? » Alors, en fonction de la langue, s'ils me parlent en espagnol dans le sud de la Navarre, je dis « Vous regardez les infos sur ETV2 ? Ah oui, c'est le gars de... C'est le gars de Bayonne. J'ai dit oui, oui, voilà, c'est moi.» Et voilà, donc c'est très drôle. Et après, un jour, à Elizondo, ça m'est arrivé aussi.

  • Christine

    C'est où Elizondo, explique-nous.

  • Franck Dolosor

    Oui, Elizondo, c'est un des plus beaux villages. C'est dans le nord de la Navarre, dans les montagnes. C'est la vallée du Bastan. C'est un des plus beaux endroits du Pays basque. Et là, j'étais dans un commerce. Et puis le gars, il me dit, ah, mais je vous reconnais. Mais tu ressembles énormément au gars qui fait les infos à Bayonne. Je lui dis, oui, bon, c'est moi. Il me dit, non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que déjà, il fait 15 kilos de plus que toi. Donc, ce n'est pas toi. Et la voix, elle ressemble assez, mais ce n'est pas toi. Je dis, bon, on va pas se lancer dans le débat, c'est moi. Et il me dit, bon, déjà, vous pouvez changer de caméra si c'est toi, parce que tu ne passes pas bien à l'image. Donc, dis au caméraman de changer. Moi, je dis, la voix, je ne vais pas la changer. Il me dit, bon, tu n'es pas mal parce que quand tu parles en basque, tu parles posément, tu parles... doucement, parce que pour parler vite, on a l'espagnol. Et maintenant, c'est vrai que les gens sont dérangés de par cette vitesse, ce volume d'infos qui arrive, qui nous assome, mais en plus, il faut dire les choses de plus en plus vite. Et donc, du coup, certains, au moins, ils apprécient ça, c'est-à-dire le fait d'être posé un petit peu. C'est vrai qu'on est tellement... stimulé. Alors c'est bien aussi. Maintenant, il y a plusieurs canaux. Avant, il n'y avait que trois chaînes de télévision en 1980. Mais là, maintenant, ça a changé. C'est très bien. Mais du coup, c'est peut-être un peu trop. Donc, voilà. On perd le fil de temps en temps.

  • Christine

    Mais tu vois, là, tu renvoyais ce que te disent certaines personnes puisque c'est pas... J'espère que c'est pas quotidien ce genre de remarques sur ton accent ou ta voix.

  • Franck Dolosor

    Mais il y en a aussi des jolies, des anecdotes. Avant, quand on allait au Pays basque Sud, à Saint-Sébastien, à Pampelune, quand tu payais avec la carte bleue, il fallait aussi présenter la carte d'identité. Et moi, ils me disaient, ne la présentez surtout pas. S'il y a un problème, on sait où vous trouver. C'est génial, quoi. Juste par la voix, quoi. Je me dis, c'est Franck. Je dis, voilà, c'est moi.

  • Christine

    Toi, ta carte d'identité, c'est ta voix. Voilà. C'est génial. Toi, depuis, on a inventé, je ne sais pas comment on appelle ça, là, je suis en train de te montrer mon doigt. Tu sais, l'empreinte digitale pour dévérouiller son téléphone. Tu n'en as pas besoin. Toi, tu as la voix, en fait.

  • Franck Dolosor

    Ben oui, au moins pour ceux qui me connaissent d'Euskal Telebista ou de ton podcast. C'est vrai. C'est drôle, quoi, en fait. Et en fait, ça me fait toujours bizarre parce que moi, je suis autodidacte, je viens d'une famille, d'un village, je serai avec beaucoup d'humilité et tout ça. Donc, le fait d'être un peu connu ou reconnu, ça me fait bizarre. Et du coup, je le tourne dans l'autre sens. Je dis, ah oui, et vous, vous êtes d'où, de quel village et tout ça, parce que ça m'intéresse. En plus, les gens m'intéressent. Après, c'est vrai qu'il y a aussi ce phénomène, c'est-à-dire... notre chaîne, elle est surtout regardée au Pays Basque Sud, et eux, ils ne connaissent pas forcément, donc ils aiment beaucoup le Pays basque Nord, c'est-à-dire le Pays Basque côté français, quoi, mais ils ne connaissent pas forcément, alors ils vont connaître qui, voilà, un chanteur, un joueur de rugby, et encore, parce que le rugby, c'est pas non plus, là-bas, c'est plutôt le foot et la pelote, et tout ça, donc ils ont envie de venir ici, ils ont envie de connaître Iparralde, mais ils ne connaissent pas forcément. Dans le top 5 ou top 10, je dois y être. De par les années. J'ai été amené à faire énormément de reportages, tous les jours dans une chaîne qui est quand même assez regardée. Et du coup, ils ont envie d'avoir ce contact-là. Mais moi aussi, j'ai envie de savoir qui sont les gens qui nous regardent. Parce que nous, c'est facile de parler. Tu arrives avec ta chronique que tu as préparée. Ou pas d'ailleurs, parce que la plupart du temps oui quand même, mais je veux dire des fois tu as ta technique maintenant t'arrives avec deux trois phrases, t'arrives à tenir une minute etc., mais la plupart du temps, dans 99% des cas on prépare bien quand même le reportage mais du coup, moi ce qui m'intéresse c'est de savoir qui sont ces gens, pourquoi est-ce qu'ils regardent cette chaîne, pourquoi ils ont tel attachement à la chaîne alors que ce soit à ETB en basque ou à ETB en espagnol, où je fais un petit peu de radio aussi sur Radio Euskadi, en espagnol. Et du coup, moi, ça m'intéresse. Je veux savoir qui sont les gens.

  • Christine

    Juste Ipparalde, je précise, parce que tu sais qu'il y a... Tu ne sais pas forcément, mais il y a des gens qui écoutent On n'a qu'une voix depuis l'Inde, les États-Unis, des endroits un peu loin d'ici. Aujourd'hui, on est à Bayonne. Hipparaldé, c'est le Pays basque nord, en fait. Voilà, juste, on est d'accord.

  • Franck Dolosor

    Voilà, c'est le Pays basque en France. Il n'y a 3 provinces en France. Il y en a quatre dans l'État espagnol, mais il y a un Pays basque avec 7 provinces, donc voilà. La contextualisation, c'est vrai que c'est important, cette pédagogie aussi, de créer des liens. C'est ce qu'on fait aussi, peut-être que je ne fais pas assez maintenant.

  • Christine

    Moi, c'est moi la garante aussi de ça, ne t'inquiète pas.

  • Franck Dolosor

    Tu as bien fait de venir.

  • Christine

    Oui, tu vois, finalement, j'ai bien fait d'arriver à ce micro. Là, tu as parlé du ressenti des personnes quand ils écoutent ta voix et ce qu'ils te renvoient de ta voix. Et toi, au final, qu'est-ce que tu en penses de ta voix ? Est-ce que tu l'aimes ?

  • Franck Dolosor

    Moi, je l'aime bien. Alors il y a des choses que j'aimerais peut-être changer, ailleurs ou parfois, mais ma voix, c'est ma voix. Moi, je l'aime. Elle est comme ça. J'arrive à la poser. J'arrive à... Voilà. Non, ça me convient. J'aime bien. Moi, j'aime bien. Alors, le souci que j'ai... C'est que je chante faux. Alors ça, c'est un gros souci quand même au Pays basque, parce qu'on est un pays qui chante, à St-Pée, d'autant plus. Et moi, en fait, pendant toute mon enfance, j'avais ma soeur qui me disait « tais-toi, tu chantes au fond » . Maintenant, c'est ma compagne qui me dit depuis quelques années « tais-toi, tu chantes faux » . Mais moi, j'adore chanter, donc je m'éclate. Et après, il y a des chanteurs qui me disent « waouh, mais avec cette voix, vous pourriez faire… » Je dis, je ne pense pas, parce que tout le monde me dit de me taire. Donc, mais non, ne les écoutez pas. En fait, je pense qu'il y a une technique à apprendre. Déjà, à respirer plus avec le ventre qu'avec la gorge. Forcer comme un âne quand on est au bistrot, par exemple. Mais du coup, c'est quelque chose que j'aimerais faire. Après, j'ai toujours voulu être chanteur. Mais on m'a tellement dit de me taire que... Mais j'ai un micro quand même toujours dans la main. Donc ce que je fais, c'est que je le passe. J'aime bien mettre en avant les artistes notamment. Donc moi, je traite tous les sujets, mais notamment la culture et la musique et les chanteurs. Peut-être qu'on en reparlera après. Mais voilà, moi, ma voix quand même, elle me convient. Et l'autre jour, admettons, je chantais avec quelqu'un qui me dit « Tiens, je connais telle chanson, tiens, on va y aller. » Et puis elle me dit « Mais tu chantes vachement bien. » Donc, du coup, peut-être, je me dis, il y a quelque chose à faire. Il y a toujours...

  • Christine

    Je suis sûre qu'il y a quelque chose à faire. Au-delà de la radio et de la curiosité dont tu as parlé, de l'élan que tu as vers les gens, on sent quand même que finalement, la voix, ça t'intéresse. Tu vois, puisque tu as parlé du fait que tu t'intéressais à des chanteurs, à la culture. Et bon, moi, je te suis un peu depuis quelques années. J'ai lu certains de tes livres, etc. Mais on sent que quand même, la voix, le chant, ça fait partie de ta vie, j'ai l'impression.

  • Franck Dolosor

    Ah oui, complètement. Chez nous, il y a toujours la musique. D'ailleurs, des fois, beaucoup la radio. Mais au bout d'un moment, ça me fatigue. Et du coup, j'ai des fils musicaux et j'ai même des musiques qui me relaxent. Quand j'ai des moments de stress, admettons. moi j'aime beaucoup Estitxu une des plus grandes chanteuses, une des plus belles voix au monde, on va appeler un chat,o, est de Saint-Pée, on a toujours fait comme ça. Et elle, c'était le Rossignol de Briscous, une chanteuse basque qui aurait pu avoir la carrière de son impresario que je connais, me disait, j'aurais pu en faire une Nana Mouskouri, une Mireille Mathieu. Elle maîtrisait six octaves et demi, donc elle pouvait aller très bas et monter très haut et en plus garder ses notes très aiguës pendant très longtemps parce qu'elle avait du coffre. Et moi, Estitxu, c'est quelqu'un qui me touche, sa famille aussi, les Robles, avec le Quatuor Aritzak notamment. Et ces musiques et ces voix-là, elles me relaxent. Alors il y a des gens qui vont aller faire du sport, qui vont aller consulter, qui vont essayer de s'aérer comme ils peuvent. Et moi, si j'ai un moment de stress ou une réunion vraiment très importante, ou une négociation, ou quelque chose de pas cool, ben du coup, je vais écouter ça. Et après, ça passe très bien. Et on me dit, tu t'en es sorti pas trop mal. Mais j'ai dit, oui, mais moi, j'ai ma technique. Je la garde.

  • Christine

    Tu ne l'as partagée qu'aujourd'hui, avec nous en exclusivité mondiale ?

  • Franck Dolosor

    C'est écouter en boucle, juste avant un moment compliqué, ces voix, ces chants a cappella. Voilà,

  • Christine

    oui. Donc, a cappella, c'est vraiment la voix que tu aimes.

  • Franck Dolosor

    Oui, oui. Et surtout, des voix féminines. alors il y a des voix masculines aussi qui sont magnifiques, autant un chanteur qu'un présentateur un journaliste je vais dire mais c'est vrai que je vais plutôt aller vers enfin je vais plutôt aller ça se trouve comme ça celle qui me touche c'est plus celle-là

  • Speaker #2

    Et alors,

  • Christine

    dans les voix qui te touchent, est-ce que les voix des Bertsulaïs ont une place particulière ?

  • Franck Dolosor

    Oui. Ou pas.

  • Christine

    Alors, il faut expliquer. Parce que là, pour le coup, on parlait de contexte tout à l'heure. Est-ce que tu pourrais déjà définir ce que c'est que le bertoulalisme ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que tu peux définir pour les gens qui ne connaissent pas du tout, qui ne sont pas basques, et peut-être même qu'il y a des basques qui ne connaissent pas, enfin des gens qui vivent au Pays Basque et qui ne connaissent peut-être pas ?

  • Franck Dolosor

    Alors, c'est vrai que c'est très particulier. C'est l'improvisation de vers chantés. en basque vers chanter et rimer sur un sujet imposé. Donc il vous reste 20 secondes. Je vous donne le sujet et en 20 secondes ou une minute grand max vous devez chanter donc l'équivalent d'une poésie on pourrait dire. Et en fait alors c'est très particulier c'est propre au pays basque Je sais que ça existe un petit peu dans les îles Canaries aussi et à Cuba. J'imagine que ça doit exister peut-être aussi ailleurs, dans des cultures anciennes, autochtones. Ça doit bien exister, peut-être pas sous ce format-là ou sous cette envergure-là. Et moi, je trouve que le bertularisme, en fait, c'est la réponse à la question « c'est quoi être basque ? » .

  • Christine

    D'accord.

  • Franck Dolosor

    Et basque qui veut, comme il veut, on est bien d'accord. Mais dans le vertularisme, il me semble qu'il y a tous les ingrédients de notre identité. L'improvisation déjà, parce que la culture basque n'a jamais été figée, elle est toujours en mouvement, donc tu peux toujours rajouter, improviser quelque chose, ça c'est pas mal quand même. Le chant, forcément, la voix. Le partage, la langue basque aussi, forcément, il faut avoir une maîtrise totale. On peut être basque sans maîtriser la langue, mais c'est quand même un ingrédient important de l'identité. Et après, en même temps, il y a aussi ce défi de défier, parce que vous chantez à deux ou à trois ou à plusieurs. Et d'ailleurs, c'est une discipline très bizarre, dans le sens où, parce qu'il y a des concours aussi. Et dans un concours, ou dans une joute de Bertullali, pour que tu chantes bien, que tu crées de façon pertinente, il faut que l'autre aussi chante bien. Alors c'est curieux, parce que dans le sport, admettons, c'est pas comme ça. À un moment donné, si tu joues au tennis, ou à la pelote, ou au foot, il faut que l'autre soit un peu moins bon, et tu marques un point. Sauf que là, tu marques des points, plus l'autre chante mieux, plus ton adversaire est meilleur. mieux tu vas chanter, mieux tu vas être inspiré. Donc c'est génial et il t'amène d'un univers à l'autre. Ça peut être une parodie, ça peut être une critique, ça peut être pire, je ne vais pas dire qu'un assassinat, mais on peut t'assassiner avec un Berthoud qui n'est vraiment pas cool, qui dénonce quelque chose. Et en même temps, on peut surtout te rendre hommage, mettre en valeur quelque chose ou quelqu'un. donc je pense que Pour moi, en tout cas, la réponse à la question c'est quoi être basque ? Je pense qu'une partie de la réponse, au moins, c'est être bertulali ou amateur de bertulali. Moi, je ne les suis pas beaucoup non plus. Je ne suis pas toutes les joutes, je ne suis pas tous les championnats. Par contre, il y a des championnats par province, sur les sept provinces du Pays Basque. Après, il y a le championnat de tout le Pays Basque. Et la finale, là, j'assiste à tout. toutes les finales, c'est tous les 4 ans, donc ou à Bilbao ou à Pampelune, il y a entre 15 et 20 000 personnes, ça dure 8 heures, et quand tu termines, tu te dis mince, c'est passé très vite, parce qu'en fait, on t'amène dans un monde par la voix, par le chant, par la création, je vais te donner juste un exemple, Amé Tcharsayouz, qui est un grand berthoulaline, qui a été champion ici, Annie Parralde, au Pays Vasque Nord, qui a été champion aussi de tout le Pays Vasque, on lui impose un thème

  • Christine

    Et c'est des thèmes très actuels. Tu es dans un bus, tu t'appelles Mohamed, tu es migrant, tu assis dans un bus, et à chaque station le bus s'arrête, mais personne ne s'assoit à côté de toi. Et là, le type, en 20 secondes, il t'amène comme Spielberg t'amènerait dans un film, dans une autre galaxie, dans une autre dimension, alors que tu es toujours assis sur ton canapé chez toi. Il t'amène, il te raconte une histoire. Telle personne ne s'est pas assise à côté de toi parce que ceci, parce que cela. Et après, finalement, il y en a une qui arrive là. Bon, je n'ai pas tout le vertu en tête. Et à la fin, il dit, mais le souci, c'est qu'on est tous dans le même bus, mais on ne va pas dans la même direction. Donc là, tu as les 15 000 personnes qui se lèvent et qui se disent, voilà. Il y a un autre exemple, c'est Mayalen Lujambio, une autre grande vertu, qui le sujet imposé, c'est ... Ausha, le feu. Mais t'imagines, c'est même pas une question. Le feu. Bon. Eh bien, tu racontes avec ça ce que tu veux. Mais il y a plusieurs strophes. Il y a toute une technique. Tu dois le faire. Tu arrives là, c'est la finale. Moi, d'ailleurs, j'ai toujours dit, si je ne peux pas aller à la finale, je ne veux pas la voir à la télé. Parce que ça n'a rien à voir. Ça n'a rien à voir. Il faut être là-bas. Et le feu. Et donc, elle commence avec Homo sapiens, machin, le feu. le silex, le feu, et à la fin, elle arrive et elle dit et aussi ce que deux regards peuvent créer. Mais c'est génial, tu vois. Et quand on nous dit, des fois parce qu'on l'entend ça aussi, oh, les basques, machin, vous n'êtes pas un peu fermés et tout ça, mais je me dis, mais vous avez mis le miroir, parce que nous, là, les gens qui chantent ou qui créent ou qui font des choses, mais c'est des messages universels. Quand tu prends Salvador, Fernando Aire, le berger du repère. Tu lis ses textes, mais tu te dis, mais lui, il était en avance de 100 ans. Et voilà. Donc, voilà, moi, je veux bien Molière, Beaumarchais, Cervantes, Shakespeare. Oui, évidemment. Mais enfin, il y a les autres aussi.

  • Franck Dolosor

    Parce qu'en fait, au-delà de la prouesse, puisque je pense que les gens ont bien compris que c'est de l'improvisation et que c'est en vers, et que c'est des rimes. Donc, c'est quand même... Incroyable. Au-delà de ça, il y a aussi le côté engagement quand même. Il y a souvent, tu vois là, le feu, on peut partir dans plein de sens. Mais souvent, moi je ne connais pas comme toi, mais souvent quand même autour du virtualisme, il y a une notion de message fort. Tu es d'accord avec ça ou pas ?

  • Christine

    Oui. Et des fois, ça peut être très festif. Il y a plusieurs registres aussi. Mais oui, c'est vraiment faire passer un message. C'est être aussi... Le Berthoud, c'est un peu comme le chant, c'est la voix, c'est la communion d'une communauté à un moment donné. Et il y a plusieurs registres, c'est-à-dire que tu peux chanter au coin du bistrot, sur la place lors des fêtes du village. Et après, les concours sont un peu plus techniques, ils sont un peu plus tendus. Du coup, c'est mieux d'aller dans un repas où il y a des gens qui vont chanter. Et puis, c'est très populaire, c'est très festif, ça résonne dans ta tête. Donc il y a les bertsus d'un côté, puis il y a les bertsularis, qui créent des bertsus, et il y a aussi les dicholaris, c'est-à-dire des fois tu te réponds en faisant des rimes. Donc ça c'est très basque aussi, tu vois cet esprit où on te dit « ah, t'es venu, oui, dès que je t'ai aperçu » . Et là du coup on va passer l'après-midi, on va se répondre toujours en « u » , tu vois, ou en « ou » , ou en « o » . Et du coup, voyons, est-ce qu'on arrive à tenir une conversation sensée, drôle ? C'est toujours le goût du défi, un peu de la provoque aussi. Pourquoi pas, tu sais, il y en a qui nous embêtent, donc il faut les hop et rentrer dans le... Et après, tu vois, toujours répondre, et un peu cet esprit-là de convivialité.

  • Franck Dolosor

    Et toi, en 2010, tu as écrit un livre sur un Bertschoulali. Est-ce que c'est... Alors, tu vas nous expliquer un peu la démarche, mais dans l'idée, est-ce que c'est parce que tu connaissais ce Bertschoulali, dont tu vas nous parler juste après, ou parce que tu étais intéressé par le bertschoulalisme ? C'est dans quel sens que ça s'est opéré, cette affaire ?

  • Christine

    Alors, pour parler de Machinida Bola, un des plus grands bertschoulalis qu'on a eu au Pays Basque, mais quand je dis grand, c'est... immense, c'est un monument. Mais même nous, à Sempé, on n'a pas pris la mesure. Déjà, on parle de quelqu'un qui est né en 1879, qui est décédé en 1935. Donc même nous, les anciens qu'on a connus, ils n'ont pas forcément connu, ils n'ont pas pu apprécier la portée de ces créations. Il se trouve que j'ai un lien direct avec Machinilabola, puisque c'était le parrain de mon grand-père paternel. Il se trouve que Aitachi était mon parrain, donc c'est le parrain de mon parrain. et matching était mariée à une sœur de notre arrière-grand-mère. Donc on a un lien direct, c'était l'oncle par alliance de mon grand-père. Bref, quand j'ai commencé à faire du journalisme, en 1996, à Itachi, mon grand-père me disait toujours « Ah, c'est chouette, tu passes des disques à la radio, tu présentes des trucs. » Et moi, mon parrain, c'était ma chine. Mon parrain, c'était ma chine. Bon. Et en fait, il en était très fier. Et on n'a pas... Forcément beaucoup échangé mais je sais qu'il avait un attachement comme avait cette génération qui était baignée dans l'oralité, dans l'humilité, dans le respect des valeurs que nous on a vu mais qu'on retrouve pas forcément. Je suis pas nostalgique mais je dis juste que qu'est-ce que c'est chouette de les avoir connus. Et du coup... Aitachi n'avait pas connu Machin pendant longtemps parce qu'il était né en 1921, donc 1935 le décès de Machin. Il avait à peine 14 ans. Je pense qu'à 14 ans, il n'a pas pu bien comprendre tous les messages. Mais qu'importe, il avait un attachement, il aimait beaucoup et il en était fier. Et il m'en parlait pratiquement tous les jours. Et en 2008, j'étais amené à faire un recueil de témoignages dans mon village. à la gente à revivre neuf femmes et neuf hommes, donc les plus anciens du village à ce moment-là. Et quand je les ai fait parler, donc interroger sur la culture, toutes les questions étaient bien ciblées. Et concernant l'improvisation, le virtualisme, j'ai laissé la question ouverte. Et je dis, et le virtualisme ? Et tous les 18 m'ont répondu, « Ma chérie, la voilà, c'est un peu... » Je dis, mais vous ne l'avez pas connu ? « Oui, mais quand même... » Et là, ils ont commencé à me raconter. Quelques anecdotes qu'ils avaient entendues, eux-mêmes avaient baigné dans cette oralité, et ils étaient très fiers de Machin, mais qui avait été un peu oublié. Mais c'est logique, c'est des choses qui arrivent. Il peut y avoir une rupture de transmission, les gens changent, les municipalités aussi, on passe à autre chose. Mais pourtant, on n'en empêche pas l'autre. On peut parler des Bertullari de maintenant, ou des acteurs, ou du surf, on peut aller surfer. Mais ça n'empêche pas, tu peux surfer l'après-midi et quand même parler. Parce que quand tu regardes, et du coup, moi j'ai eu énormément de chance, parce que ça, je le reconnais tout le temps. En fait, mon travail, c'est un travail de réseau. Moi, je ne travaille pas tout seul. Et donc, je suis toujours tombé sur des gens qui m'ont aidé, parce qu'ils savaient, ah oui, le type de Bayonne, le type de TB, tout ça, bon, on t'aime bien, machin. « Du coup, on va te donner un coup de main. » Et du coup, c'est eux qui m'ont amené, donc Ausha Ligondo, l'un des plus grands journalistes du Pays Basque pour ne pas le nommer, lui qui a travaillé. Alors lui, pour le coup, il a bien connu Chalvador, Machin, Estichou, enfin voilà, il les a bien connus. Moi, quand je suis né, ils étaient déjà tous décédés pratiquement, enfin pas Machin Daez, mais... Et donc, c'est lui qui m'a amené, il m'a dit « Là, tu vas trouver... » En fait, on a retrouvé les dates des manifestations auxquelles Machin avait participé. Et donc, quand tu vas chercher ces journaux à Saint-Sébastien, à Villebao, il suffisait juste d'avoir la date et tu as les avant-sujets, la chronique du jour, le lendemain, le surlendemain, et tu retrouves quelques perles, quelques berchoux, quelques photos. C'est une satisfaction immense. Mais d'autant plus qu'il se trouve que je connais ses descendants.

  • Franck Dolosor

    C'est vrai.

  • Christine

    J'en ai une devant moi.

  • Franck Dolosor

    déjà et oui moi c'est mon arrière-grand-père donc je suis hyper émue de t'entendre parler de tout ça forcément parce que moi c'est grâce à toi que j'ai appris plein de choses parce que nous pour le coup on n'en parlait pas à la maison tu vois ça fait écho à ce que tu disais avant et voilà

  • Christine

    je te laisse continuer comme ça j'ai donné un petit contexte très personnel avec une petite touche d'émotion dans la voix mais je te laisse continuer non mais c'est des moments très gratifiants comme je te disais tout à l'heure parce qu'en fait moi quand je fais ça je le fais pour les autres là je l'ai fait pour vous aussi pour les chimpartards, pour les gens qui aiment le virtualisme en général ou les gens qui veulent connaître la culture basque mais dans la culture basque tu as tout tu as la pelote, tu as la gastronomie tu as tout ce que tu veux la danse, oui et il y a ça aussi et il y a des pointures, il y a des gens et alors là pour le coup, lui c'est un pionnier je vais faire court parce que le livre il vaut mieux le lire, d'autant plus qu'il est publié en basque et en français, parce que je me suis dit bon, moi je publie surtout en Neuschkara, en basque, et quelques années après, je publie en français ou en espagnol aussi. Mais là, je me dis, une histoire comme ça, il faut que tout le monde puisse le savoir, parce que c'est des parcours exceptionnels. Bon, 1879, 1935, il a été... amené à chanter dans des émissions radio à Saint-Sébastien. Pour l'époque, ce n'est pas tous les agriculteurs de Saint-Pé qui étaient amenés en taxi à aller chanter à la radio. Il a paré dans deux films, il a participé à des grandes manifestations. En 1935, juste avant de décéder, il aurait dû remporter le concours parce qu'on voit les points, les notes, et c'est lui qui aurait dû gagner. Finalement, ils ont donné... le premier prix à Bachari, bon, qu'importe, de toute façon il est là. Et c'est à nous aussi, comment dire, on a un patrimoine, alors le patrimoine, oui, c'est les pierres, les poutres, les châteaux, on aime beaucoup, mais il y a aussi le patrimoine linguistique, le patrimoine immatériel, comme on dit maintenant, et là, alors bon, finalement, je suis sur un créneau, mais je n'occupe pas ce créneau juste pour l'occuper, c'est-à-dire, c'était très gratifiant. Moi, quelqu'un m'a dit, et pourtant je l'adore cette personne, un livre sur Machin, ça ne va pas le faire. Tu n'auras pas assez. Je lui ai dit, écoute, qu'importe, je ferai une feuille recto verso. Puisque je savais qu'il y avait très peu d'archives, puisqu'il était dans l'oralité, qu'il ne savait pas lire et écrire. Mais ça, ça ne veut rien dire. Il faut remettre dans le contexte. Et donc, le souci de Machin, Enfin, ce n'est pas que le sien, d'ailleurs. C'est que... Qui écrivait dans la presse locale ? En l'occurrence, c'était le curé. Et il ne s'entendait pas trop. Alors que lui-même, il était croyant, pratiquant, mais enfin, qu'importe. Et du coup, on en retrouvait comme ça. Donc, il n'en parlait pas dans ses chroniques. Dans les chroniques de Saint-Pé,

  • Franck Dolosor

    le curé ne parlait pas de machine.

  • Christine

    Tu as le plus grand mertchouladi de tout le Pays Vasque dans ton village, mais il n'est cité à aucun moment. Sauf le jour où il tombe gravement malade, et la semaine d'après, où il décède. Et après, il y a quelques hommages, point barre, parce que moi, par politesse, on parle en bien des morts. Mais je me dis, il y a une erreur. Surtout que dans les autres journaux publiés à Saint-Sébastien, ou publiés par d'autres personnes, qui ont... Mais bon, ça... Est-ce que ça s'appelle la censure ? Oui. Bon, voilà, c'est dit. Et puis après, censuré aussi, parce qu'il y a des prises de position à un moment donné. Mais qu'importe la prise de position. Mais heureusement qu'il n'y en a pas. On ne va pas rester les bras croisés toute la vie. Et à un moment donné, il a vécu la Grande Guerre. Enfin, il a vécu, il a subi, puisqu'il a été gazé là-bas. Donc il est parti, je crois que son fils aîné était déjà né, et que les suivants sont nés après la guerre. Ça aussi, c'est un traumatisme, on n'en parle pas. Qu'est-ce qu'ils ont vu, tous ces... type, enfin quand je dis ce type, c'est quand même Aitachi, nos grands-parents, qu'est-ce qu'ils ont ? Alors maintenant, oui, on fait des grandes cérémonies, et c'est très bien, mais moi j'y suis, le 11 novembre. Mais le 11 novembre, il y a les deux côtés de la médaille. Il y a le côté, oui, forcément, voilà, c'est très bien, et voilà. Mais il y a aussi l'autre côté, c'est-à-dire c'était la grande boucherie. Donc lui, il a dénoncé ça dans les berchoux qui ont été pour le coup écrits. par d'autres personnes qui les avaient entendues, parce qu'à l'époque, ils avaient cette capacité. Ils ne savaient pas lire et écrire. On s'en fout. Ils savaient écouter. Déjà, c'est pas mal.

  • Franck Dolosor

    Et mémoriser, non ?

  • Christine

    On ne le fait plus, ça. Ça n'existe plus. Maintenant, il faut aller vite, vite, vite. Même si tu dis des conneries, il faut y aller. Mais ils étaient sur un autre registre complètement. Et donc, les personnes qui ont mémorisé, à un moment donné, se laissent en... passé ses vertus ses poésies et il ya quelqu'un qui l'a écrit et heureusement qu'on a là et ça ça va au delà du vertu l'anisme ça va c'est à dire la chronique des gens qui n'étaient pas d'accord avec certaines choses qui a jamais été écrite on la retrouve là donc pour moi ça va au delà mais ça va au delà de la culture basque c'est pareil c'est je suis pas enfermé dans la tranchée Et donc ça, c'est chouette que ça existe et qu'on ait pu avoir accès, le publier, le diffuser. Ça marche encore d'ailleurs, parce que j'en parle à 2010, quand même, ça passe.

  • Franck Dolosor

    Mais justement, tu ne veux pas nous lire un petit extrait ?

  • Christine

    Oui, le Berthoud dont je parlais, là, de 14-18, c'est « En espiritouan achtenais penchatsen, gisonaren bissia sergichetanden » Et à la fin, il termine « Batbertia ilsen, odolaychursen, bertia initsurundik irisachetsen » Mais là, ça veut tout dire, alors je vous le dis. Dans mon esprit, je commence à penser de quelle façon est la vie de l'homme. Alors, ce n'est pas simple à expliquer parce qu'on connaît beaucoup de justice. Nous, en train d'être broyés dans la peine, En train de se fatiguer les uns les autres, en train de se tuer, de s'entretuer, de verser notre sang, alors qu'il y en a d'autres qui rigolent bien, mais en nous regardant de loin. Tu regardes l'actualité, c'est quoi ? Eh bien c'est ça. Il est en plein, et ça c'est, ça il a écrit.

  • Franck Dolosor

    Dans les années 1930, quelque chose comme ça ?

  • Christine

    Oui, oui, entre... Les années 20, les années 30,

  • Franck Dolosor

    je crois.

  • Christine

    Et donc là, tu te dis, et puis ça continue, quoi. Mais c'est tellement joliment dit. D'ailleurs, c'est mon côté journalistique, mais tu ne peux même pas être contre. Comment dire ? Même s'il y a un message qui ne me convient pas, j'aime l'écouter, parce qu'il faut qu'il soit publié. Il faut pouvoir le dire. Sauf que lui, il n'a pas pu. Et ça, c'est important, parce que... Mais forcément qu'il faut faire les commémorations, mais... Vous imaginez qu'il y a quelques temps, il y a un élu qui a voulu supprimer le 8 mai. Mais le 8 mai, il ne faut pas le supprimer, il faut l'étoffer. Et le 11 novembre, pareil. Mais avec les deux, les trois, les quatre visions. Ça ne sert à rien de sortir d'agiter un drapeau pour en faire une utilisation. Mais n'utilisez pas ça. Mais vous imaginez la boucherie. Ici, dans un village à Bas-Sussari, il y a une dame, elle avait perdu... Cinq fils. Bon, et sur 14-18, on en aurait beaucoup à dire. Mais c'est pour ça que ça m'intéressait de voir aussi l'œuvre de Machin. Et après, des engagements aussi très forts par rapport à la langue basque, par rapport à l'unité du pays basque, par rapport à un certain... Alors toujours avec un respect. Ce n'est pas parce qu'on revendique qu'on n'est pas meilleur que les autres. On n'est pas moins que les autres. C'est juste ça. Et de vivre notre culture dans la convivialité. Et puis aussi, beaucoup d'humour. Il faut apporter beaucoup d'humour. Et ça, ils savaient le faire, les Hiverculades. C'est-à-dire, à un moment donné, ils vont te dire deux phrases ou ils vont t'amener, je ne sais pas où, et plaf ! Juste après, ils vont te dire... Mais tu vois, tout le monde rigole. Et voilà, c'est très drôle. Et ma chine était très drôle. Très drôle. Et donc, c'était compliqué parce qu'il n'y avait pas grand-chose à Sempé. la famille n'avait pas beaucoup d'archives, forcément, les inondations étaient passées par là aussi. Donc, les photos d'archives. Mais, en fait, moi, j'ai retrouvé pas mal de photos de Machin parce qu'il était invité dans les mariages, comme les accordéonistes à l'époque. Donc, les accordéonistes, tu les vois, ils sont sur le côté avec l'accordéon. Mais si tu regardes bien les photos de groupe, il y a Machin aussi sur le côté parce qu'il est invité, imagine, en mariage avec Machin, tu ne devais pas t'ennuyer. Et voilà. Donc c'est génial, et c'est très gratifiant, et puis ça me fait énormément plaisir de faire ça, parce que les années, elles passent aussi. Mais quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis, bon, c'est pas mal, j'ai quand même fait ça, j'ai fait des recueils de témoignages, sur les 18, il ne m'en reste plus que 2 en vie. Mais c'est normal, c'était en 2008, c'était déjà les plus âgés, les plus anciens du village. Mais t'imagines tous ces enregistrements ? Donc en 2008, en 2010, après j'ai été amené à faire des documentaires, d'autres livres aussi. Et puis quelqu'un m'a dit un jour, ah mais vous, finalement, vous travaillez avec du diamant. J'ai dit, non, encore plus précieux que du diamant. Je travaille avec les gens. Donc c'est passionnant.

  • Franck Dolosor

    Alors, je vais faire une petite confidence, on va se quitter bientôt, mais je vais faire une petite confidence à nos auditeurs et auditrices, c'est que tu m'avais partagé que tu n'étais pas très chaud à l'idée d'être interviewée, mais vraiment, moi, je te remercie parce que tu as joué le jeu pleinement. Franchement, tu as partagé énormément d'éléments extrêmement intéressants autour de la voix. Et puis moi, à titre personnel, j'ai appris plein de petites choses nouvelles sur mon arrière-grand-père, donc ça m'a beaucoup touchée. J'espère que ça intéressera d'autres personnes aussi. Donc vraiment, merci beaucoup d'avoir participé à On n'a qu'une voix. En plus, toi, on peut dire, je crois, que tu as vraiment une voix, même si tu as dit qu'elle avait eu plusieurs chemins. Je pense qu'on peut dire que tu as une voix qu'on connaît, qui est assumée, mais qui est vraiment tournée vers les autres. C'est ça qui m'a marquée pendant cette interview. Donc je te remercie beaucoup, Franck. Et puis je mettrai toutes les informations pour qu'on te retrouve sur les réseaux, sur ton site, etc., pour qu'on puisse aller voir. Parce que là, on a parlé du livre de Machini Rabola, mais il y a d'autres livres qui existent. que tu as écrits. Donc les personnes intéressées pourront accéder à tout ça dans la description de l'épisode de ce podcast. Donc merci beaucoup, Franck.

  • Christine

    Merci à toi. Et comme je disais, la voix, c'est important et c'est pour ça que j'aime bien cet espace d'échange parce que la voix, c'est une partie de l'identité. Tu arrives à voir « Tiens, aujourd'hui, ça va, ça ne va pas. Rien qu'à la voix, on peut savoir. » Et puis après, je pense qu'il faut soigner la voix et apprendre à la à la poser et à l'apprécier.

  • Franck Dolosor

    Merci Franck.

  • Christine

    Merci à toi.

  • Franck Dolosor

    Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin... Un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. A bientôt !

Description

Une voix posée et reconnaissable.
Un accent singulier qui intrigue.
Et une passion pour les voix qui chantent, improvisent et transmettent.

Dans cet épisode, vous allez découvrir Franck Dolosor, journaliste et présentateur de journaux télévisés à Euskal Telebista, grand média audiovisuel public du Pays basque.

Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao. Journaliste autodidacte, il a grandi bercé par les voix de la radio avant de trouver sa place devant le micro, puis devant la caméra. Sa voix, il l'utilise quotidiennement dans son métier, en jonglant entre le basque, l'espagnol et le français.


Avec Franck, nous allons évoquer :

- ce que sa voix singulière dit de lui et les réactions qu'elle suscite ;

- son parcours de journaliste passionné par la radio et fasciné par l'univers des voix ;

- le bertsuralisme, cet art de l'improvisation poétique chantée qui rassemble des milliers de personnes au Pays basque ;

- Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle, dont Franck a retracé l'histoire dans un livre.


Un épisode pour vous faire voyager au cœur du Pays basque et découvrir comment la voix peut être un pont entre les générations, les langues et les cultures.

Bonne écoute !

Pour retrouver les éléments évoqués avec Franck ou pour le suivre :


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📩 Contactez-moi à l’adresse suivante : christine.irabola.redac@gmail.com.


Crédits :

  • Réalisation, montage, mixage : Christine Irabola

  • Musiques et chants : Émilie Décla

  • Hébergement : Ausha



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Christine

    On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Franck Dolozor. Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao dans le Pays Basque. Le Pays Basque, c'est un territoire à cheval entre la France et l'Espagne qui compte aujourd'hui... 3 millions d'habitants. Franck travaille en tant que journaliste à la rédaction d'Euskal Televista, qui est un des plus grands médias audiovisuels publics du Pays Basque, avec 5 chaînes de télévision et 6 stations de radio. Et vous allez le comprendre, la voix dans la vie de Franck a une place immense. Déjà parce que sa voix en elle-même, il va le partager avec nous, suscite beaucoup de réactions et de questions. Ensuite, parce qu'en tant que journaliste, présentateur de journaux télévisés, Il l'utilise au quotidien, mais aussi parce qu'il est amateur de radio, de chant et de culture de manière générale. Et enfin parce qu'en tant qu'auteur, il a écrit un livre sur Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle. Alors un bertsulari, c'est un poète improvisateur basque, et vous l'avez peut-être perçu, je porte le même nom de famille que Matxin, dont nous allons parler dans cet épisode. Vous allez donc découvrir le lien qui m'unit à ce poète improvisateur, et celui que Franck entretient avec la voix et avec les autres. Bonne écoute !

  • Franck Dolosor

    Bonjour, je suis Franck Dolosor, je suis journaliste, Senpertar (habitant de Saint-Pée-sur-Nivelle). Alors journaliste et basque, je dis parfois que ça fait un peu beaucoup pour une seule personne, mais ça va, j'arrive à gérer, parce qu'en fait je suis très fier des deux. Je suis basque, je ne peux pas faire autrement, je suis de Saint-Pée, donc voilà, en plein le Pays basque. Et après journaliste, bon ça c'est venu un peu après. À partir de 18 ans, donc ça fait 30 ans maintenant, voilà, vous savez, j'ai 48 ans, et je suis fier des deux. Je suis fier d'être Senpertar, basque et journaliste aussi. Et puis j'aime bien, comment dire, faire ma profession dans plusieurs langues, donc en basque, en espagnol, en français, puis un peu de gascon aussi, puis de l'anglais aussi forcément, on ne peut pas faire autrement, et du catalan aussi de temps en temps, puis voilà.

  • Christine

    Merci Franck pour cette présentation. Donc Senpertar : Saint-Pée-sur-Nivelle, pour les gens qui ne connaîtraient pas, c'est dans le Pays basque, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Labourd, si on veut être précis, je ne me trompe pas, puisque moi aussi, je suis de Saint-Pée-sur-Nivelle. On est tous les deux du même village.

  • Franck Dolosor

    Ah, parce qu'on s'était déjà vus. Ah oui, maintenant ça me revient, oui, voilà !

  • Christine

    Est-ce que tu peux partager avec nous comment tu as eu l'envie de devenir journaliste ?

  • Franck Dolosor

    En fait, c'est une passion, parce que d'un côté... Ça m'a toujours intéressé, l'actualité, voir ce qui se passe chez nous, dans notre village, dans notre territoire, dans notre pays, au Pays basque, en France, en Europe, dans le monde. Ça m'a toujours intéressé, j'ai toujours suivi les actualités à la télé. Alors, je n'ai pas beaucoup lu quand j'étais gamin, ça c'est vrai, un peu plus maintenant. Et après, la radio. La radio, ça m'a toujours plu. Il y a vraiment un charme autour des voix. D'ailleurs, à l'époque, c'était génial parce que... On ne connaissait pas les personnes parce qu'on n'avait pas leurs photos, puis il n'y avait pas les pages web ou les retransmissions en vidéo comme maintenant. D'ailleurs, la radio l'a un peu perdue finalement pour le coup. Mais nous, à l'époque, on ne savait pas. Donc, on imaginait la personne. On ne connaissait pas Macha Méril. On ne connaissait pas Naro Agorostiaga. On ne savait pas qui étaient ces personnes qui nous parlaient tous les jours. Et en plus, dans des endroits intimes, puisqu'elles étaient dans la cuisine chez mes parents. Donc, voilà, la radio. C'est génial. Et puis, à partir de 18 ans, il a fallu décider. Bon, moi, je n'étais pas très, très bon à l'école. Et le jour où j'ai voulu être journaliste, ils ne m'ont pas pris deux années de suite. Donc, j'ai dit, vous êtes gonflés parce que je n'ai jamais aimé l'école et là, je veux y aller et vous ne me prenez pas. Du coup, je suis journaliste autodidacte. Donc, j'ai commencé à travailler ici dans une radio associative, une radio bascophone, Gure Irratia à Bayonne. Et de là, de fil en aiguille, je suis passé à Radio Euskadi, donc en espagnol, parce que j'avais envie, en fait, de travailler à Euskal Telebista, c'est la télévision publique du Pays basque, donc c'est à Saint Sébastien, Bilbao, et moi je suis un des correspondants à Bayonne, et en fait, depuis assez petit, je voulais travailler là. Donc c'est génial parce que j'ai réussi à faire ce que je veux. Je voulais travailler avec telle et telle personne j'ai réussi, on est devenu collègues, amis, etc. C'est venu de là parce que je me suis dit que d'un côté, cette profession est magnifique, c'est passionnant parce qu'en fait, vous êtes en contact toujours avec des passionnés, c'est-à-dire dans la culture, le sport, les sujets de société et la politique aussi. Il y a vraiment de tous les profils. Au début, au moins, ils en veulent, ils ont vraiment une ambition, ils ont envie de faire quelque chose. Donc en fait, vous êtes en contact avec des gens, c'est très gratifiant, c'est passionnant et c'est même un peu... Une petite drogue, quoi, des fois. Alors c'est bien de lever le pied quand tu travailles, t'as envie de t'arrêter, mais finalement... Des fois, quand tu ne bosses pas, tu te dis, j'aurais bien été là, j'aurais bien aimé accouvrir tel événement. Bon, maintenant, j'ai appris, de temps en temps, il faut faire des choix aussi. Et je m'étais rendu compte aussi, parce que pour moi, c'est important d'assurer la promotion de la langue basque. Et donc, je pensais qu'en étant journaliste bascophone, que c'était une façon, certains vont plutôt vers l'enseignement, d'autres vers d'autres disciplines ou professions, et moi je trouvais que les deux étaient assez intéressantes. Et j'aime bien exercer ma profession en basque, mais j'adore aussi être en contact avec des francophones, des hispanophones, ou aller voir aussi ailleurs, parce qu'on se nourrit de ça, on s'enrichit finalement. Enfin, moi je dis que je suis très riche, alors pas forcément le compte en banque, mais oui, cet échange, et en plus des fois tu te demandes, mais là c'est le journaliste qui parle ou qui s'intéresse ou la personne ? Voilà, j'écris des livres, je suis amené à être en contact avec certaines personnes. Et des fois, je me dis, mais j'ai fait ça pour le sujet ou pour être en contact avec eux ? Alors, je sais, j'étais là pour faire le documentaire, le livre ou le reportage, voilà, pour ma chaîne. Mais c'est vrai que ça va au-delà. Alors, on ne peut pas faire tous les sujets non plus de cette manière-là. On ne peut pas tous les tourner comme ça. Mais la plupart, oui. Et du coup, on arrive à tisser des liens avec les uns, avec les autres. Et ça aide. Et c'est... Ouais, c'est sympa, c'est gratifiant.

  • Christine

    Dans le cadre de ton parcours, tu disais que tu étais autodidacte. Est-ce que tu as pu rencontrer ou des personnes, ou côtoyer des outils, pour justement apprendre à... À manier ta voix, à l'utiliser par le média radio ? Est-ce que tu as à souvenir de ça, de moments ou de personnes marquantes dans ton parcours ?

  • Franck Dolosor

    Ça s'est fait petit à petit en étant en contact avec les uns et les autres. J'ai eu quelques formations, mais pas beaucoup. Et après, c'était surtout, alors pas en copiant, mais un petit peu en imitant ou en voyant ce qui se fait ailleurs, en allant voir les gens aussi, ça c'est important. Des fois, je faisais des demandes de stage, ils ne me prenaient pas, puis je disais, ne vous inquiétez pas, je viendrai quand même. Et voilà, je disais, je peux rester au fond du studio, je ne dirai rien, mais juste écouter, voir, apprendre, voilà. Ça, j'ai réussi à le faire. Et d'ailleurs, des fois, je croise maintenant des collègues qui me disent « Tu te rappelles que tu étais venu là quand même ? » Et ça, je dis « Oui, oui, je me rappelle très bien. » J'avais même des photos, on n'en prenait pas autant que maintenant. Mais enfin, j'ai des souvenirs. J'étais à telle Radio, à Saint-Sébastien, tout ça. Enfin, c'était des moments importants. Et puis, la voix, petit à petit. Bon, après, moi, je fais les choses de façon assez naturelle. Je ne vais pas chercher. Après, on a été amené à faire des sujets. très graves, d'autres un peu plus légers, donc du coup tu apprends un petit peu à moduler. Et puis là, admettons, moi ma voix, au début ça me faisait bizarre, parce que ça fait toujours bizarre quand on s'enregistre, quand on repasse la cassette, je dis « il y a un souci là, ça n'a pas bien enregistré en fait, parce qu'on n'est pas habitué à enregistrer sa voix » . Et puis moi ma voix, je sais qu'elle est comme ça. Bon, elle est comme ça maintenant, parce que moi j'ai eu plusieurs voix. On a une voix quand on est gamin. Après, elle change à 13-14 ans. Et d'ailleurs, c'est compliqué parce que des fois, il y a des pics comme ça. Et puis, quand on... Moi, je me souviens de ma voix quand j'étais gamin. D'ailleurs, j'ai un enregistrement que je ne te montrerai pas, d'ailleurs. Mais j'aime bien l'entendre parce que je sais qu'à l'époque, je parlais comme ça. Après, forcément, ben voilà, ça change. Et puis, à partir de 16-18 ans, 17-18 ans, j'ai la voix que j'ai maintenant, une voix. assez grave, assez posée. Je peux faire même plus grave. Je peux descendre encore plus bas, mais j'aime bien. Bon, après, je ne vais pas monter trop haut non plus. Et après, une voix un peu nasale. C'est embêtant quand je suis enrhumé, par exemple, parce que déjà que cette voix peut vous paraître insupportable. Je sais qu'il y en a beaucoup, certains, qui l'apprécient et d'autres qui n'aiment pas trop, parce qu'en plus de la voix, il y a l'accent, qui n'est pas forcément l'accent du Pays basque, pas l'accent de Saint Pée. Et des fois, on me fait la réflexion, on me dit, mais toi, avant, tu ne parlais pas comme ça. Bon, là, je dis, ça fait une paye que maintenant, c'est comme ça et ça ne va pas changer. Mais ça, ce n'est peut-être pas lié directement à la voix, c'est peut-être lié à l'utilisation quotidienne de plusieurs langues en même temps. Et des fois, on me dit, mais tu as un accent à couper au couteau. On me demande quelle est ma nationalité. Je suis juste du village d'à côté. Mais ça, on me l'a expliqué, en fait, depuis. Et d'ailleurs, c'était assez bien parce que... C'est gênant, c'est embêtant quand même, quand on te fait des réflexions par rapport à la voix que j'ai. Je n'ai pas l'impression qu'elle est aussi dérangeante, mais je voulais savoir pourquoi. Et en fait, un jour, un toubib m'a expliqué que c'est au niveau neurosensoriel qu'il y a un mélange des sons qui se fait. Et donc que je reproduis certains sons de la langue basque quand je parle en français ou certains sons de la langue espagnole. que j'utilise tous les jours en français ou en basque ou l'inverse. Après, c'est vrai qu'on a une façon de parler en basque quand on est de Saint Pée, puisqu'on a notre variante qui est une des plus belles de la langue basque, je dirais, mais on a aussi un basque unifié. Et le fait que sur la chaîne dans laquelle je travaille, c'est cette variante que je dois utiliser, du coup, il y a un mélange qui se fait, puisque je suis amené à parler, travailler, côtoyer tous les jours des gens de Saint-Sébastien, Bilbao, c'est peut-être pas... aussi courant pour toutes les personnes, tous les habitants de notre village. Mais voilà, donc en fait, c'est bien d'avoir l'explication, parce que c'est un peu désagréable d'aller dans un restaurant et on vous dit, ah, vous êtes américain, j'ai fait toutes les nationalités, je dis, ils auraient pu commencer par le Québec, ou non, mais je ne sais pas, c'est bizarre. Et un jour à Paris, le plus drôle, c'était, quelqu'un me demande une adresse, je dis, je ne sais pas, et on me dit, mais vous êtes polonais, Je lui ai dit, mais non, je suis basque. La bonne femme, elle m'a dit, mais moi, je suis d'Isturitz. Et j'ai dit, bon, voilà, donc on est partis dans une conversation. On ne s'est plus arrêtés. Mais c'est vrai que des fois, ça ne me dérange pas, mais des fois, tu vas juste acheter un truc. Donc, tu n'as pas envie qu'on te fasse une réflexion ou qu'on te dise, surtout qu'ici, il y a beaucoup de gens, enfin, au Pays basque, il y a beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur. Moi, ça ne me dérange pas. Si en plus, on doit avoir des... des commentaires un petit peu désobligeants comme ça, là, ça commence à me déranger un peu. Et surtout que des fois, tu vas juste acheter une baguette et tu te barres. Donc, voilà.

  • Christine

    Alors, c'est des remarques qu'on te fait quand tu parles en français. Est-ce que c'est le cas aussi quand tu parles en espagnol ou en basque ? On te parle de ton accent aussi ?

  • Franck Dolosor

    Oui.

  • Christine

    D'accord, c'est dans les trois langues.

  • Franck Dolosor

    Oui. Le mélange se fait dans les trois. C'est curieux, c'est comme ça. Après, je ne me formalise pas. Le seul souci que j'ai, et ça c'est un gros souci, c'est que je ne peux pas faire de canular, par exemple, parce que les gens reconnaissent ma voix. Donc ça, ça m'embête parce que moi, j'aime bien plaisanter et tout ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, ils me reconnaissent. Par rapport à mon travail, ça m'est arrivé d'appeler la gendarmerie. On me dit, oui, on sait qui vous êtes. Ou sinon, le plus drôle, c'était un jour, il y avait des grèves à l'aéroport de Bilbao, il fallait que je fasse une chronique, et le gars, il me dit, oui, c'est bon, on sait qui c'est. Bonjour, je voulais savoir, dans le cadre de mon reportage sur la grève aujourd'hui, les aiguillères du ciel, je voulais savoir. Ah, c'est bon, on te passe l'info, machin. Bon, voilà, c'est assez drôle, ou des fois. Et alors, ce qui est curieux, c'est que moi, maintenant, comme je travaille à la télévision, Euskal Telebista, la télévision du Pays Basque, j'apparais aussi à l'image. Mais les gens, ils ne me reconnaissent pas forcément au visage. Ils me reconnaissent à la voix. Et des fois, ça m'est arrivé, plein de fois, d'aller dans un restaurant ou comme ça, et les gens me disent « Mais d'où c'est que je vous connais ? » Je dis « Je ne sais pas. Moi, je ne vous connais pas. » Et après, je leur lance une piste. Je dis « Vous regardez les infos ? » Alors, en fonction de la langue, s'ils me parlent en espagnol dans le sud de la Navarre, je dis « Vous regardez les infos sur ETV2 ? Ah oui, c'est le gars de... C'est le gars de Bayonne. J'ai dit oui, oui, voilà, c'est moi.» Et voilà, donc c'est très drôle. Et après, un jour, à Elizondo, ça m'est arrivé aussi.

  • Christine

    C'est où Elizondo, explique-nous.

  • Franck Dolosor

    Oui, Elizondo, c'est un des plus beaux villages. C'est dans le nord de la Navarre, dans les montagnes. C'est la vallée du Bastan. C'est un des plus beaux endroits du Pays basque. Et là, j'étais dans un commerce. Et puis le gars, il me dit, ah, mais je vous reconnais. Mais tu ressembles énormément au gars qui fait les infos à Bayonne. Je lui dis, oui, bon, c'est moi. Il me dit, non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que déjà, il fait 15 kilos de plus que toi. Donc, ce n'est pas toi. Et la voix, elle ressemble assez, mais ce n'est pas toi. Je dis, bon, on va pas se lancer dans le débat, c'est moi. Et il me dit, bon, déjà, vous pouvez changer de caméra si c'est toi, parce que tu ne passes pas bien à l'image. Donc, dis au caméraman de changer. Moi, je dis, la voix, je ne vais pas la changer. Il me dit, bon, tu n'es pas mal parce que quand tu parles en basque, tu parles posément, tu parles... doucement, parce que pour parler vite, on a l'espagnol. Et maintenant, c'est vrai que les gens sont dérangés de par cette vitesse, ce volume d'infos qui arrive, qui nous assome, mais en plus, il faut dire les choses de plus en plus vite. Et donc, du coup, certains, au moins, ils apprécient ça, c'est-à-dire le fait d'être posé un petit peu. C'est vrai qu'on est tellement... stimulé. Alors c'est bien aussi. Maintenant, il y a plusieurs canaux. Avant, il n'y avait que trois chaînes de télévision en 1980. Mais là, maintenant, ça a changé. C'est très bien. Mais du coup, c'est peut-être un peu trop. Donc, voilà. On perd le fil de temps en temps.

  • Christine

    Mais tu vois, là, tu renvoyais ce que te disent certaines personnes puisque c'est pas... J'espère que c'est pas quotidien ce genre de remarques sur ton accent ou ta voix.

  • Franck Dolosor

    Mais il y en a aussi des jolies, des anecdotes. Avant, quand on allait au Pays basque Sud, à Saint-Sébastien, à Pampelune, quand tu payais avec la carte bleue, il fallait aussi présenter la carte d'identité. Et moi, ils me disaient, ne la présentez surtout pas. S'il y a un problème, on sait où vous trouver. C'est génial, quoi. Juste par la voix, quoi. Je me dis, c'est Franck. Je dis, voilà, c'est moi.

  • Christine

    Toi, ta carte d'identité, c'est ta voix. Voilà. C'est génial. Toi, depuis, on a inventé, je ne sais pas comment on appelle ça, là, je suis en train de te montrer mon doigt. Tu sais, l'empreinte digitale pour dévérouiller son téléphone. Tu n'en as pas besoin. Toi, tu as la voix, en fait.

  • Franck Dolosor

    Ben oui, au moins pour ceux qui me connaissent d'Euskal Telebista ou de ton podcast. C'est vrai. C'est drôle, quoi, en fait. Et en fait, ça me fait toujours bizarre parce que moi, je suis autodidacte, je viens d'une famille, d'un village, je serai avec beaucoup d'humilité et tout ça. Donc, le fait d'être un peu connu ou reconnu, ça me fait bizarre. Et du coup, je le tourne dans l'autre sens. Je dis, ah oui, et vous, vous êtes d'où, de quel village et tout ça, parce que ça m'intéresse. En plus, les gens m'intéressent. Après, c'est vrai qu'il y a aussi ce phénomène, c'est-à-dire... notre chaîne, elle est surtout regardée au Pays Basque Sud, et eux, ils ne connaissent pas forcément, donc ils aiment beaucoup le Pays basque Nord, c'est-à-dire le Pays Basque côté français, quoi, mais ils ne connaissent pas forcément, alors ils vont connaître qui, voilà, un chanteur, un joueur de rugby, et encore, parce que le rugby, c'est pas non plus, là-bas, c'est plutôt le foot et la pelote, et tout ça, donc ils ont envie de venir ici, ils ont envie de connaître Iparralde, mais ils ne connaissent pas forcément. Dans le top 5 ou top 10, je dois y être. De par les années. J'ai été amené à faire énormément de reportages, tous les jours dans une chaîne qui est quand même assez regardée. Et du coup, ils ont envie d'avoir ce contact-là. Mais moi aussi, j'ai envie de savoir qui sont les gens qui nous regardent. Parce que nous, c'est facile de parler. Tu arrives avec ta chronique que tu as préparée. Ou pas d'ailleurs, parce que la plupart du temps oui quand même, mais je veux dire des fois tu as ta technique maintenant t'arrives avec deux trois phrases, t'arrives à tenir une minute etc., mais la plupart du temps, dans 99% des cas on prépare bien quand même le reportage mais du coup, moi ce qui m'intéresse c'est de savoir qui sont ces gens, pourquoi est-ce qu'ils regardent cette chaîne, pourquoi ils ont tel attachement à la chaîne alors que ce soit à ETB en basque ou à ETB en espagnol, où je fais un petit peu de radio aussi sur Radio Euskadi, en espagnol. Et du coup, moi, ça m'intéresse. Je veux savoir qui sont les gens.

  • Christine

    Juste Ipparalde, je précise, parce que tu sais qu'il y a... Tu ne sais pas forcément, mais il y a des gens qui écoutent On n'a qu'une voix depuis l'Inde, les États-Unis, des endroits un peu loin d'ici. Aujourd'hui, on est à Bayonne. Hipparaldé, c'est le Pays basque nord, en fait. Voilà, juste, on est d'accord.

  • Franck Dolosor

    Voilà, c'est le Pays basque en France. Il n'y a 3 provinces en France. Il y en a quatre dans l'État espagnol, mais il y a un Pays basque avec 7 provinces, donc voilà. La contextualisation, c'est vrai que c'est important, cette pédagogie aussi, de créer des liens. C'est ce qu'on fait aussi, peut-être que je ne fais pas assez maintenant.

  • Christine

    Moi, c'est moi la garante aussi de ça, ne t'inquiète pas.

  • Franck Dolosor

    Tu as bien fait de venir.

  • Christine

    Oui, tu vois, finalement, j'ai bien fait d'arriver à ce micro. Là, tu as parlé du ressenti des personnes quand ils écoutent ta voix et ce qu'ils te renvoient de ta voix. Et toi, au final, qu'est-ce que tu en penses de ta voix ? Est-ce que tu l'aimes ?

  • Franck Dolosor

    Moi, je l'aime bien. Alors il y a des choses que j'aimerais peut-être changer, ailleurs ou parfois, mais ma voix, c'est ma voix. Moi, je l'aime. Elle est comme ça. J'arrive à la poser. J'arrive à... Voilà. Non, ça me convient. J'aime bien. Moi, j'aime bien. Alors, le souci que j'ai... C'est que je chante faux. Alors ça, c'est un gros souci quand même au Pays basque, parce qu'on est un pays qui chante, à St-Pée, d'autant plus. Et moi, en fait, pendant toute mon enfance, j'avais ma soeur qui me disait « tais-toi, tu chantes au fond » . Maintenant, c'est ma compagne qui me dit depuis quelques années « tais-toi, tu chantes faux » . Mais moi, j'adore chanter, donc je m'éclate. Et après, il y a des chanteurs qui me disent « waouh, mais avec cette voix, vous pourriez faire… » Je dis, je ne pense pas, parce que tout le monde me dit de me taire. Donc, mais non, ne les écoutez pas. En fait, je pense qu'il y a une technique à apprendre. Déjà, à respirer plus avec le ventre qu'avec la gorge. Forcer comme un âne quand on est au bistrot, par exemple. Mais du coup, c'est quelque chose que j'aimerais faire. Après, j'ai toujours voulu être chanteur. Mais on m'a tellement dit de me taire que... Mais j'ai un micro quand même toujours dans la main. Donc ce que je fais, c'est que je le passe. J'aime bien mettre en avant les artistes notamment. Donc moi, je traite tous les sujets, mais notamment la culture et la musique et les chanteurs. Peut-être qu'on en reparlera après. Mais voilà, moi, ma voix quand même, elle me convient. Et l'autre jour, admettons, je chantais avec quelqu'un qui me dit « Tiens, je connais telle chanson, tiens, on va y aller. » Et puis elle me dit « Mais tu chantes vachement bien. » Donc, du coup, peut-être, je me dis, il y a quelque chose à faire. Il y a toujours...

  • Christine

    Je suis sûre qu'il y a quelque chose à faire. Au-delà de la radio et de la curiosité dont tu as parlé, de l'élan que tu as vers les gens, on sent quand même que finalement, la voix, ça t'intéresse. Tu vois, puisque tu as parlé du fait que tu t'intéressais à des chanteurs, à la culture. Et bon, moi, je te suis un peu depuis quelques années. J'ai lu certains de tes livres, etc. Mais on sent que quand même, la voix, le chant, ça fait partie de ta vie, j'ai l'impression.

  • Franck Dolosor

    Ah oui, complètement. Chez nous, il y a toujours la musique. D'ailleurs, des fois, beaucoup la radio. Mais au bout d'un moment, ça me fatigue. Et du coup, j'ai des fils musicaux et j'ai même des musiques qui me relaxent. Quand j'ai des moments de stress, admettons. moi j'aime beaucoup Estitxu une des plus grandes chanteuses, une des plus belles voix au monde, on va appeler un chat,o, est de Saint-Pée, on a toujours fait comme ça. Et elle, c'était le Rossignol de Briscous, une chanteuse basque qui aurait pu avoir la carrière de son impresario que je connais, me disait, j'aurais pu en faire une Nana Mouskouri, une Mireille Mathieu. Elle maîtrisait six octaves et demi, donc elle pouvait aller très bas et monter très haut et en plus garder ses notes très aiguës pendant très longtemps parce qu'elle avait du coffre. Et moi, Estitxu, c'est quelqu'un qui me touche, sa famille aussi, les Robles, avec le Quatuor Aritzak notamment. Et ces musiques et ces voix-là, elles me relaxent. Alors il y a des gens qui vont aller faire du sport, qui vont aller consulter, qui vont essayer de s'aérer comme ils peuvent. Et moi, si j'ai un moment de stress ou une réunion vraiment très importante, ou une négociation, ou quelque chose de pas cool, ben du coup, je vais écouter ça. Et après, ça passe très bien. Et on me dit, tu t'en es sorti pas trop mal. Mais j'ai dit, oui, mais moi, j'ai ma technique. Je la garde.

  • Christine

    Tu ne l'as partagée qu'aujourd'hui, avec nous en exclusivité mondiale ?

  • Franck Dolosor

    C'est écouter en boucle, juste avant un moment compliqué, ces voix, ces chants a cappella. Voilà,

  • Christine

    oui. Donc, a cappella, c'est vraiment la voix que tu aimes.

  • Franck Dolosor

    Oui, oui. Et surtout, des voix féminines. alors il y a des voix masculines aussi qui sont magnifiques, autant un chanteur qu'un présentateur un journaliste je vais dire mais c'est vrai que je vais plutôt aller vers enfin je vais plutôt aller ça se trouve comme ça celle qui me touche c'est plus celle-là

  • Speaker #2

    Et alors,

  • Christine

    dans les voix qui te touchent, est-ce que les voix des Bertsulaïs ont une place particulière ?

  • Franck Dolosor

    Oui. Ou pas.

  • Christine

    Alors, il faut expliquer. Parce que là, pour le coup, on parlait de contexte tout à l'heure. Est-ce que tu pourrais déjà définir ce que c'est que le bertoulalisme ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que tu peux définir pour les gens qui ne connaissent pas du tout, qui ne sont pas basques, et peut-être même qu'il y a des basques qui ne connaissent pas, enfin des gens qui vivent au Pays Basque et qui ne connaissent peut-être pas ?

  • Franck Dolosor

    Alors, c'est vrai que c'est très particulier. C'est l'improvisation de vers chantés. en basque vers chanter et rimer sur un sujet imposé. Donc il vous reste 20 secondes. Je vous donne le sujet et en 20 secondes ou une minute grand max vous devez chanter donc l'équivalent d'une poésie on pourrait dire. Et en fait alors c'est très particulier c'est propre au pays basque Je sais que ça existe un petit peu dans les îles Canaries aussi et à Cuba. J'imagine que ça doit exister peut-être aussi ailleurs, dans des cultures anciennes, autochtones. Ça doit bien exister, peut-être pas sous ce format-là ou sous cette envergure-là. Et moi, je trouve que le bertularisme, en fait, c'est la réponse à la question « c'est quoi être basque ? » .

  • Christine

    D'accord.

  • Franck Dolosor

    Et basque qui veut, comme il veut, on est bien d'accord. Mais dans le vertularisme, il me semble qu'il y a tous les ingrédients de notre identité. L'improvisation déjà, parce que la culture basque n'a jamais été figée, elle est toujours en mouvement, donc tu peux toujours rajouter, improviser quelque chose, ça c'est pas mal quand même. Le chant, forcément, la voix. Le partage, la langue basque aussi, forcément, il faut avoir une maîtrise totale. On peut être basque sans maîtriser la langue, mais c'est quand même un ingrédient important de l'identité. Et après, en même temps, il y a aussi ce défi de défier, parce que vous chantez à deux ou à trois ou à plusieurs. Et d'ailleurs, c'est une discipline très bizarre, dans le sens où, parce qu'il y a des concours aussi. Et dans un concours, ou dans une joute de Bertullali, pour que tu chantes bien, que tu crées de façon pertinente, il faut que l'autre aussi chante bien. Alors c'est curieux, parce que dans le sport, admettons, c'est pas comme ça. À un moment donné, si tu joues au tennis, ou à la pelote, ou au foot, il faut que l'autre soit un peu moins bon, et tu marques un point. Sauf que là, tu marques des points, plus l'autre chante mieux, plus ton adversaire est meilleur. mieux tu vas chanter, mieux tu vas être inspiré. Donc c'est génial et il t'amène d'un univers à l'autre. Ça peut être une parodie, ça peut être une critique, ça peut être pire, je ne vais pas dire qu'un assassinat, mais on peut t'assassiner avec un Berthoud qui n'est vraiment pas cool, qui dénonce quelque chose. Et en même temps, on peut surtout te rendre hommage, mettre en valeur quelque chose ou quelqu'un. donc je pense que Pour moi, en tout cas, la réponse à la question c'est quoi être basque ? Je pense qu'une partie de la réponse, au moins, c'est être bertulali ou amateur de bertulali. Moi, je ne les suis pas beaucoup non plus. Je ne suis pas toutes les joutes, je ne suis pas tous les championnats. Par contre, il y a des championnats par province, sur les sept provinces du Pays Basque. Après, il y a le championnat de tout le Pays Basque. Et la finale, là, j'assiste à tout. toutes les finales, c'est tous les 4 ans, donc ou à Bilbao ou à Pampelune, il y a entre 15 et 20 000 personnes, ça dure 8 heures, et quand tu termines, tu te dis mince, c'est passé très vite, parce qu'en fait, on t'amène dans un monde par la voix, par le chant, par la création, je vais te donner juste un exemple, Amé Tcharsayouz, qui est un grand berthoulaline, qui a été champion ici, Annie Parralde, au Pays Vasque Nord, qui a été champion aussi de tout le Pays Vasque, on lui impose un thème

  • Christine

    Et c'est des thèmes très actuels. Tu es dans un bus, tu t'appelles Mohamed, tu es migrant, tu assis dans un bus, et à chaque station le bus s'arrête, mais personne ne s'assoit à côté de toi. Et là, le type, en 20 secondes, il t'amène comme Spielberg t'amènerait dans un film, dans une autre galaxie, dans une autre dimension, alors que tu es toujours assis sur ton canapé chez toi. Il t'amène, il te raconte une histoire. Telle personne ne s'est pas assise à côté de toi parce que ceci, parce que cela. Et après, finalement, il y en a une qui arrive là. Bon, je n'ai pas tout le vertu en tête. Et à la fin, il dit, mais le souci, c'est qu'on est tous dans le même bus, mais on ne va pas dans la même direction. Donc là, tu as les 15 000 personnes qui se lèvent et qui se disent, voilà. Il y a un autre exemple, c'est Mayalen Lujambio, une autre grande vertu, qui le sujet imposé, c'est ... Ausha, le feu. Mais t'imagines, c'est même pas une question. Le feu. Bon. Eh bien, tu racontes avec ça ce que tu veux. Mais il y a plusieurs strophes. Il y a toute une technique. Tu dois le faire. Tu arrives là, c'est la finale. Moi, d'ailleurs, j'ai toujours dit, si je ne peux pas aller à la finale, je ne veux pas la voir à la télé. Parce que ça n'a rien à voir. Ça n'a rien à voir. Il faut être là-bas. Et le feu. Et donc, elle commence avec Homo sapiens, machin, le feu. le silex, le feu, et à la fin, elle arrive et elle dit et aussi ce que deux regards peuvent créer. Mais c'est génial, tu vois. Et quand on nous dit, des fois parce qu'on l'entend ça aussi, oh, les basques, machin, vous n'êtes pas un peu fermés et tout ça, mais je me dis, mais vous avez mis le miroir, parce que nous, là, les gens qui chantent ou qui créent ou qui font des choses, mais c'est des messages universels. Quand tu prends Salvador, Fernando Aire, le berger du repère. Tu lis ses textes, mais tu te dis, mais lui, il était en avance de 100 ans. Et voilà. Donc, voilà, moi, je veux bien Molière, Beaumarchais, Cervantes, Shakespeare. Oui, évidemment. Mais enfin, il y a les autres aussi.

  • Franck Dolosor

    Parce qu'en fait, au-delà de la prouesse, puisque je pense que les gens ont bien compris que c'est de l'improvisation et que c'est en vers, et que c'est des rimes. Donc, c'est quand même... Incroyable. Au-delà de ça, il y a aussi le côté engagement quand même. Il y a souvent, tu vois là, le feu, on peut partir dans plein de sens. Mais souvent, moi je ne connais pas comme toi, mais souvent quand même autour du virtualisme, il y a une notion de message fort. Tu es d'accord avec ça ou pas ?

  • Christine

    Oui. Et des fois, ça peut être très festif. Il y a plusieurs registres aussi. Mais oui, c'est vraiment faire passer un message. C'est être aussi... Le Berthoud, c'est un peu comme le chant, c'est la voix, c'est la communion d'une communauté à un moment donné. Et il y a plusieurs registres, c'est-à-dire que tu peux chanter au coin du bistrot, sur la place lors des fêtes du village. Et après, les concours sont un peu plus techniques, ils sont un peu plus tendus. Du coup, c'est mieux d'aller dans un repas où il y a des gens qui vont chanter. Et puis, c'est très populaire, c'est très festif, ça résonne dans ta tête. Donc il y a les bertsus d'un côté, puis il y a les bertsularis, qui créent des bertsus, et il y a aussi les dicholaris, c'est-à-dire des fois tu te réponds en faisant des rimes. Donc ça c'est très basque aussi, tu vois cet esprit où on te dit « ah, t'es venu, oui, dès que je t'ai aperçu » . Et là du coup on va passer l'après-midi, on va se répondre toujours en « u » , tu vois, ou en « ou » , ou en « o » . Et du coup, voyons, est-ce qu'on arrive à tenir une conversation sensée, drôle ? C'est toujours le goût du défi, un peu de la provoque aussi. Pourquoi pas, tu sais, il y en a qui nous embêtent, donc il faut les hop et rentrer dans le... Et après, tu vois, toujours répondre, et un peu cet esprit-là de convivialité.

  • Franck Dolosor

    Et toi, en 2010, tu as écrit un livre sur un Bertschoulali. Est-ce que c'est... Alors, tu vas nous expliquer un peu la démarche, mais dans l'idée, est-ce que c'est parce que tu connaissais ce Bertschoulali, dont tu vas nous parler juste après, ou parce que tu étais intéressé par le bertschoulalisme ? C'est dans quel sens que ça s'est opéré, cette affaire ?

  • Christine

    Alors, pour parler de Machinida Bola, un des plus grands bertschoulalis qu'on a eu au Pays Basque, mais quand je dis grand, c'est... immense, c'est un monument. Mais même nous, à Sempé, on n'a pas pris la mesure. Déjà, on parle de quelqu'un qui est né en 1879, qui est décédé en 1935. Donc même nous, les anciens qu'on a connus, ils n'ont pas forcément connu, ils n'ont pas pu apprécier la portée de ces créations. Il se trouve que j'ai un lien direct avec Machinilabola, puisque c'était le parrain de mon grand-père paternel. Il se trouve que Aitachi était mon parrain, donc c'est le parrain de mon parrain. et matching était mariée à une sœur de notre arrière-grand-mère. Donc on a un lien direct, c'était l'oncle par alliance de mon grand-père. Bref, quand j'ai commencé à faire du journalisme, en 1996, à Itachi, mon grand-père me disait toujours « Ah, c'est chouette, tu passes des disques à la radio, tu présentes des trucs. » Et moi, mon parrain, c'était ma chine. Mon parrain, c'était ma chine. Bon. Et en fait, il en était très fier. Et on n'a pas... Forcément beaucoup échangé mais je sais qu'il avait un attachement comme avait cette génération qui était baignée dans l'oralité, dans l'humilité, dans le respect des valeurs que nous on a vu mais qu'on retrouve pas forcément. Je suis pas nostalgique mais je dis juste que qu'est-ce que c'est chouette de les avoir connus. Et du coup... Aitachi n'avait pas connu Machin pendant longtemps parce qu'il était né en 1921, donc 1935 le décès de Machin. Il avait à peine 14 ans. Je pense qu'à 14 ans, il n'a pas pu bien comprendre tous les messages. Mais qu'importe, il avait un attachement, il aimait beaucoup et il en était fier. Et il m'en parlait pratiquement tous les jours. Et en 2008, j'étais amené à faire un recueil de témoignages dans mon village. à la gente à revivre neuf femmes et neuf hommes, donc les plus anciens du village à ce moment-là. Et quand je les ai fait parler, donc interroger sur la culture, toutes les questions étaient bien ciblées. Et concernant l'improvisation, le virtualisme, j'ai laissé la question ouverte. Et je dis, et le virtualisme ? Et tous les 18 m'ont répondu, « Ma chérie, la voilà, c'est un peu... » Je dis, mais vous ne l'avez pas connu ? « Oui, mais quand même... » Et là, ils ont commencé à me raconter. Quelques anecdotes qu'ils avaient entendues, eux-mêmes avaient baigné dans cette oralité, et ils étaient très fiers de Machin, mais qui avait été un peu oublié. Mais c'est logique, c'est des choses qui arrivent. Il peut y avoir une rupture de transmission, les gens changent, les municipalités aussi, on passe à autre chose. Mais pourtant, on n'en empêche pas l'autre. On peut parler des Bertullari de maintenant, ou des acteurs, ou du surf, on peut aller surfer. Mais ça n'empêche pas, tu peux surfer l'après-midi et quand même parler. Parce que quand tu regardes, et du coup, moi j'ai eu énormément de chance, parce que ça, je le reconnais tout le temps. En fait, mon travail, c'est un travail de réseau. Moi, je ne travaille pas tout seul. Et donc, je suis toujours tombé sur des gens qui m'ont aidé, parce qu'ils savaient, ah oui, le type de Bayonne, le type de TB, tout ça, bon, on t'aime bien, machin. « Du coup, on va te donner un coup de main. » Et du coup, c'est eux qui m'ont amené, donc Ausha Ligondo, l'un des plus grands journalistes du Pays Basque pour ne pas le nommer, lui qui a travaillé. Alors lui, pour le coup, il a bien connu Chalvador, Machin, Estichou, enfin voilà, il les a bien connus. Moi, quand je suis né, ils étaient déjà tous décédés pratiquement, enfin pas Machin Daez, mais... Et donc, c'est lui qui m'a amené, il m'a dit « Là, tu vas trouver... » En fait, on a retrouvé les dates des manifestations auxquelles Machin avait participé. Et donc, quand tu vas chercher ces journaux à Saint-Sébastien, à Villebao, il suffisait juste d'avoir la date et tu as les avant-sujets, la chronique du jour, le lendemain, le surlendemain, et tu retrouves quelques perles, quelques berchoux, quelques photos. C'est une satisfaction immense. Mais d'autant plus qu'il se trouve que je connais ses descendants.

  • Franck Dolosor

    C'est vrai.

  • Christine

    J'en ai une devant moi.

  • Franck Dolosor

    déjà et oui moi c'est mon arrière-grand-père donc je suis hyper émue de t'entendre parler de tout ça forcément parce que moi c'est grâce à toi que j'ai appris plein de choses parce que nous pour le coup on n'en parlait pas à la maison tu vois ça fait écho à ce que tu disais avant et voilà

  • Christine

    je te laisse continuer comme ça j'ai donné un petit contexte très personnel avec une petite touche d'émotion dans la voix mais je te laisse continuer non mais c'est des moments très gratifiants comme je te disais tout à l'heure parce qu'en fait moi quand je fais ça je le fais pour les autres là je l'ai fait pour vous aussi pour les chimpartards, pour les gens qui aiment le virtualisme en général ou les gens qui veulent connaître la culture basque mais dans la culture basque tu as tout tu as la pelote, tu as la gastronomie tu as tout ce que tu veux la danse, oui et il y a ça aussi et il y a des pointures, il y a des gens et alors là pour le coup, lui c'est un pionnier je vais faire court parce que le livre il vaut mieux le lire, d'autant plus qu'il est publié en basque et en français, parce que je me suis dit bon, moi je publie surtout en Neuschkara, en basque, et quelques années après, je publie en français ou en espagnol aussi. Mais là, je me dis, une histoire comme ça, il faut que tout le monde puisse le savoir, parce que c'est des parcours exceptionnels. Bon, 1879, 1935, il a été... amené à chanter dans des émissions radio à Saint-Sébastien. Pour l'époque, ce n'est pas tous les agriculteurs de Saint-Pé qui étaient amenés en taxi à aller chanter à la radio. Il a paré dans deux films, il a participé à des grandes manifestations. En 1935, juste avant de décéder, il aurait dû remporter le concours parce qu'on voit les points, les notes, et c'est lui qui aurait dû gagner. Finalement, ils ont donné... le premier prix à Bachari, bon, qu'importe, de toute façon il est là. Et c'est à nous aussi, comment dire, on a un patrimoine, alors le patrimoine, oui, c'est les pierres, les poutres, les châteaux, on aime beaucoup, mais il y a aussi le patrimoine linguistique, le patrimoine immatériel, comme on dit maintenant, et là, alors bon, finalement, je suis sur un créneau, mais je n'occupe pas ce créneau juste pour l'occuper, c'est-à-dire, c'était très gratifiant. Moi, quelqu'un m'a dit, et pourtant je l'adore cette personne, un livre sur Machin, ça ne va pas le faire. Tu n'auras pas assez. Je lui ai dit, écoute, qu'importe, je ferai une feuille recto verso. Puisque je savais qu'il y avait très peu d'archives, puisqu'il était dans l'oralité, qu'il ne savait pas lire et écrire. Mais ça, ça ne veut rien dire. Il faut remettre dans le contexte. Et donc, le souci de Machin, Enfin, ce n'est pas que le sien, d'ailleurs. C'est que... Qui écrivait dans la presse locale ? En l'occurrence, c'était le curé. Et il ne s'entendait pas trop. Alors que lui-même, il était croyant, pratiquant, mais enfin, qu'importe. Et du coup, on en retrouvait comme ça. Donc, il n'en parlait pas dans ses chroniques. Dans les chroniques de Saint-Pé,

  • Franck Dolosor

    le curé ne parlait pas de machine.

  • Christine

    Tu as le plus grand mertchouladi de tout le Pays Vasque dans ton village, mais il n'est cité à aucun moment. Sauf le jour où il tombe gravement malade, et la semaine d'après, où il décède. Et après, il y a quelques hommages, point barre, parce que moi, par politesse, on parle en bien des morts. Mais je me dis, il y a une erreur. Surtout que dans les autres journaux publiés à Saint-Sébastien, ou publiés par d'autres personnes, qui ont... Mais bon, ça... Est-ce que ça s'appelle la censure ? Oui. Bon, voilà, c'est dit. Et puis après, censuré aussi, parce qu'il y a des prises de position à un moment donné. Mais qu'importe la prise de position. Mais heureusement qu'il n'y en a pas. On ne va pas rester les bras croisés toute la vie. Et à un moment donné, il a vécu la Grande Guerre. Enfin, il a vécu, il a subi, puisqu'il a été gazé là-bas. Donc il est parti, je crois que son fils aîné était déjà né, et que les suivants sont nés après la guerre. Ça aussi, c'est un traumatisme, on n'en parle pas. Qu'est-ce qu'ils ont vu, tous ces... type, enfin quand je dis ce type, c'est quand même Aitachi, nos grands-parents, qu'est-ce qu'ils ont ? Alors maintenant, oui, on fait des grandes cérémonies, et c'est très bien, mais moi j'y suis, le 11 novembre. Mais le 11 novembre, il y a les deux côtés de la médaille. Il y a le côté, oui, forcément, voilà, c'est très bien, et voilà. Mais il y a aussi l'autre côté, c'est-à-dire c'était la grande boucherie. Donc lui, il a dénoncé ça dans les berchoux qui ont été pour le coup écrits. par d'autres personnes qui les avaient entendues, parce qu'à l'époque, ils avaient cette capacité. Ils ne savaient pas lire et écrire. On s'en fout. Ils savaient écouter. Déjà, c'est pas mal.

  • Franck Dolosor

    Et mémoriser, non ?

  • Christine

    On ne le fait plus, ça. Ça n'existe plus. Maintenant, il faut aller vite, vite, vite. Même si tu dis des conneries, il faut y aller. Mais ils étaient sur un autre registre complètement. Et donc, les personnes qui ont mémorisé, à un moment donné, se laissent en... passé ses vertus ses poésies et il ya quelqu'un qui l'a écrit et heureusement qu'on a là et ça ça va au delà du vertu l'anisme ça va c'est à dire la chronique des gens qui n'étaient pas d'accord avec certaines choses qui a jamais été écrite on la retrouve là donc pour moi ça va au delà mais ça va au delà de la culture basque c'est pareil c'est je suis pas enfermé dans la tranchée Et donc ça, c'est chouette que ça existe et qu'on ait pu avoir accès, le publier, le diffuser. Ça marche encore d'ailleurs, parce que j'en parle à 2010, quand même, ça passe.

  • Franck Dolosor

    Mais justement, tu ne veux pas nous lire un petit extrait ?

  • Christine

    Oui, le Berthoud dont je parlais, là, de 14-18, c'est « En espiritouan achtenais penchatsen, gisonaren bissia sergichetanden » Et à la fin, il termine « Batbertia ilsen, odolaychursen, bertia initsurundik irisachetsen » Mais là, ça veut tout dire, alors je vous le dis. Dans mon esprit, je commence à penser de quelle façon est la vie de l'homme. Alors, ce n'est pas simple à expliquer parce qu'on connaît beaucoup de justice. Nous, en train d'être broyés dans la peine, En train de se fatiguer les uns les autres, en train de se tuer, de s'entretuer, de verser notre sang, alors qu'il y en a d'autres qui rigolent bien, mais en nous regardant de loin. Tu regardes l'actualité, c'est quoi ? Eh bien c'est ça. Il est en plein, et ça c'est, ça il a écrit.

  • Franck Dolosor

    Dans les années 1930, quelque chose comme ça ?

  • Christine

    Oui, oui, entre... Les années 20, les années 30,

  • Franck Dolosor

    je crois.

  • Christine

    Et donc là, tu te dis, et puis ça continue, quoi. Mais c'est tellement joliment dit. D'ailleurs, c'est mon côté journalistique, mais tu ne peux même pas être contre. Comment dire ? Même s'il y a un message qui ne me convient pas, j'aime l'écouter, parce qu'il faut qu'il soit publié. Il faut pouvoir le dire. Sauf que lui, il n'a pas pu. Et ça, c'est important, parce que... Mais forcément qu'il faut faire les commémorations, mais... Vous imaginez qu'il y a quelques temps, il y a un élu qui a voulu supprimer le 8 mai. Mais le 8 mai, il ne faut pas le supprimer, il faut l'étoffer. Et le 11 novembre, pareil. Mais avec les deux, les trois, les quatre visions. Ça ne sert à rien de sortir d'agiter un drapeau pour en faire une utilisation. Mais n'utilisez pas ça. Mais vous imaginez la boucherie. Ici, dans un village à Bas-Sussari, il y a une dame, elle avait perdu... Cinq fils. Bon, et sur 14-18, on en aurait beaucoup à dire. Mais c'est pour ça que ça m'intéressait de voir aussi l'œuvre de Machin. Et après, des engagements aussi très forts par rapport à la langue basque, par rapport à l'unité du pays basque, par rapport à un certain... Alors toujours avec un respect. Ce n'est pas parce qu'on revendique qu'on n'est pas meilleur que les autres. On n'est pas moins que les autres. C'est juste ça. Et de vivre notre culture dans la convivialité. Et puis aussi, beaucoup d'humour. Il faut apporter beaucoup d'humour. Et ça, ils savaient le faire, les Hiverculades. C'est-à-dire, à un moment donné, ils vont te dire deux phrases ou ils vont t'amener, je ne sais pas où, et plaf ! Juste après, ils vont te dire... Mais tu vois, tout le monde rigole. Et voilà, c'est très drôle. Et ma chine était très drôle. Très drôle. Et donc, c'était compliqué parce qu'il n'y avait pas grand-chose à Sempé. la famille n'avait pas beaucoup d'archives, forcément, les inondations étaient passées par là aussi. Donc, les photos d'archives. Mais, en fait, moi, j'ai retrouvé pas mal de photos de Machin parce qu'il était invité dans les mariages, comme les accordéonistes à l'époque. Donc, les accordéonistes, tu les vois, ils sont sur le côté avec l'accordéon. Mais si tu regardes bien les photos de groupe, il y a Machin aussi sur le côté parce qu'il est invité, imagine, en mariage avec Machin, tu ne devais pas t'ennuyer. Et voilà. Donc c'est génial, et c'est très gratifiant, et puis ça me fait énormément plaisir de faire ça, parce que les années, elles passent aussi. Mais quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis, bon, c'est pas mal, j'ai quand même fait ça, j'ai fait des recueils de témoignages, sur les 18, il ne m'en reste plus que 2 en vie. Mais c'est normal, c'était en 2008, c'était déjà les plus âgés, les plus anciens du village. Mais t'imagines tous ces enregistrements ? Donc en 2008, en 2010, après j'ai été amené à faire des documentaires, d'autres livres aussi. Et puis quelqu'un m'a dit un jour, ah mais vous, finalement, vous travaillez avec du diamant. J'ai dit, non, encore plus précieux que du diamant. Je travaille avec les gens. Donc c'est passionnant.

  • Franck Dolosor

    Alors, je vais faire une petite confidence, on va se quitter bientôt, mais je vais faire une petite confidence à nos auditeurs et auditrices, c'est que tu m'avais partagé que tu n'étais pas très chaud à l'idée d'être interviewée, mais vraiment, moi, je te remercie parce que tu as joué le jeu pleinement. Franchement, tu as partagé énormément d'éléments extrêmement intéressants autour de la voix. Et puis moi, à titre personnel, j'ai appris plein de petites choses nouvelles sur mon arrière-grand-père, donc ça m'a beaucoup touchée. J'espère que ça intéressera d'autres personnes aussi. Donc vraiment, merci beaucoup d'avoir participé à On n'a qu'une voix. En plus, toi, on peut dire, je crois, que tu as vraiment une voix, même si tu as dit qu'elle avait eu plusieurs chemins. Je pense qu'on peut dire que tu as une voix qu'on connaît, qui est assumée, mais qui est vraiment tournée vers les autres. C'est ça qui m'a marquée pendant cette interview. Donc je te remercie beaucoup, Franck. Et puis je mettrai toutes les informations pour qu'on te retrouve sur les réseaux, sur ton site, etc., pour qu'on puisse aller voir. Parce que là, on a parlé du livre de Machini Rabola, mais il y a d'autres livres qui existent. que tu as écrits. Donc les personnes intéressées pourront accéder à tout ça dans la description de l'épisode de ce podcast. Donc merci beaucoup, Franck.

  • Christine

    Merci à toi. Et comme je disais, la voix, c'est important et c'est pour ça que j'aime bien cet espace d'échange parce que la voix, c'est une partie de l'identité. Tu arrives à voir « Tiens, aujourd'hui, ça va, ça ne va pas. Rien qu'à la voix, on peut savoir. » Et puis après, je pense qu'il faut soigner la voix et apprendre à la à la poser et à l'apprécier.

  • Franck Dolosor

    Merci Franck.

  • Christine

    Merci à toi.

  • Franck Dolosor

    Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin... Un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. A bientôt !

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Description

Une voix posée et reconnaissable.
Un accent singulier qui intrigue.
Et une passion pour les voix qui chantent, improvisent et transmettent.

Dans cet épisode, vous allez découvrir Franck Dolosor, journaliste et présentateur de journaux télévisés à Euskal Telebista, grand média audiovisuel public du Pays basque.

Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao. Journaliste autodidacte, il a grandi bercé par les voix de la radio avant de trouver sa place devant le micro, puis devant la caméra. Sa voix, il l'utilise quotidiennement dans son métier, en jonglant entre le basque, l'espagnol et le français.


Avec Franck, nous allons évoquer :

- ce que sa voix singulière dit de lui et les réactions qu'elle suscite ;

- son parcours de journaliste passionné par la radio et fasciné par l'univers des voix ;

- le bertsuralisme, cet art de l'improvisation poétique chantée qui rassemble des milliers de personnes au Pays basque ;

- Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle, dont Franck a retracé l'histoire dans un livre.


Un épisode pour vous faire voyager au cœur du Pays basque et découvrir comment la voix peut être un pont entre les générations, les langues et les cultures.

Bonne écoute !

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Crédits :

  • Réalisation, montage, mixage : Christine Irabola

  • Musiques et chants : Émilie Décla

  • Hébergement : Ausha



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Christine

    On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Franck Dolozor. Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao dans le Pays Basque. Le Pays Basque, c'est un territoire à cheval entre la France et l'Espagne qui compte aujourd'hui... 3 millions d'habitants. Franck travaille en tant que journaliste à la rédaction d'Euskal Televista, qui est un des plus grands médias audiovisuels publics du Pays Basque, avec 5 chaînes de télévision et 6 stations de radio. Et vous allez le comprendre, la voix dans la vie de Franck a une place immense. Déjà parce que sa voix en elle-même, il va le partager avec nous, suscite beaucoup de réactions et de questions. Ensuite, parce qu'en tant que journaliste, présentateur de journaux télévisés, Il l'utilise au quotidien, mais aussi parce qu'il est amateur de radio, de chant et de culture de manière générale. Et enfin parce qu'en tant qu'auteur, il a écrit un livre sur Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle. Alors un bertsulari, c'est un poète improvisateur basque, et vous l'avez peut-être perçu, je porte le même nom de famille que Matxin, dont nous allons parler dans cet épisode. Vous allez donc découvrir le lien qui m'unit à ce poète improvisateur, et celui que Franck entretient avec la voix et avec les autres. Bonne écoute !

  • Franck Dolosor

    Bonjour, je suis Franck Dolosor, je suis journaliste, Senpertar (habitant de Saint-Pée-sur-Nivelle). Alors journaliste et basque, je dis parfois que ça fait un peu beaucoup pour une seule personne, mais ça va, j'arrive à gérer, parce qu'en fait je suis très fier des deux. Je suis basque, je ne peux pas faire autrement, je suis de Saint-Pée, donc voilà, en plein le Pays basque. Et après journaliste, bon ça c'est venu un peu après. À partir de 18 ans, donc ça fait 30 ans maintenant, voilà, vous savez, j'ai 48 ans, et je suis fier des deux. Je suis fier d'être Senpertar, basque et journaliste aussi. Et puis j'aime bien, comment dire, faire ma profession dans plusieurs langues, donc en basque, en espagnol, en français, puis un peu de gascon aussi, puis de l'anglais aussi forcément, on ne peut pas faire autrement, et du catalan aussi de temps en temps, puis voilà.

  • Christine

    Merci Franck pour cette présentation. Donc Senpertar : Saint-Pée-sur-Nivelle, pour les gens qui ne connaîtraient pas, c'est dans le Pays basque, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Labourd, si on veut être précis, je ne me trompe pas, puisque moi aussi, je suis de Saint-Pée-sur-Nivelle. On est tous les deux du même village.

  • Franck Dolosor

    Ah, parce qu'on s'était déjà vus. Ah oui, maintenant ça me revient, oui, voilà !

  • Christine

    Est-ce que tu peux partager avec nous comment tu as eu l'envie de devenir journaliste ?

  • Franck Dolosor

    En fait, c'est une passion, parce que d'un côté... Ça m'a toujours intéressé, l'actualité, voir ce qui se passe chez nous, dans notre village, dans notre territoire, dans notre pays, au Pays basque, en France, en Europe, dans le monde. Ça m'a toujours intéressé, j'ai toujours suivi les actualités à la télé. Alors, je n'ai pas beaucoup lu quand j'étais gamin, ça c'est vrai, un peu plus maintenant. Et après, la radio. La radio, ça m'a toujours plu. Il y a vraiment un charme autour des voix. D'ailleurs, à l'époque, c'était génial parce que... On ne connaissait pas les personnes parce qu'on n'avait pas leurs photos, puis il n'y avait pas les pages web ou les retransmissions en vidéo comme maintenant. D'ailleurs, la radio l'a un peu perdue finalement pour le coup. Mais nous, à l'époque, on ne savait pas. Donc, on imaginait la personne. On ne connaissait pas Macha Méril. On ne connaissait pas Naro Agorostiaga. On ne savait pas qui étaient ces personnes qui nous parlaient tous les jours. Et en plus, dans des endroits intimes, puisqu'elles étaient dans la cuisine chez mes parents. Donc, voilà, la radio. C'est génial. Et puis, à partir de 18 ans, il a fallu décider. Bon, moi, je n'étais pas très, très bon à l'école. Et le jour où j'ai voulu être journaliste, ils ne m'ont pas pris deux années de suite. Donc, j'ai dit, vous êtes gonflés parce que je n'ai jamais aimé l'école et là, je veux y aller et vous ne me prenez pas. Du coup, je suis journaliste autodidacte. Donc, j'ai commencé à travailler ici dans une radio associative, une radio bascophone, Gure Irratia à Bayonne. Et de là, de fil en aiguille, je suis passé à Radio Euskadi, donc en espagnol, parce que j'avais envie, en fait, de travailler à Euskal Telebista, c'est la télévision publique du Pays basque, donc c'est à Saint Sébastien, Bilbao, et moi je suis un des correspondants à Bayonne, et en fait, depuis assez petit, je voulais travailler là. Donc c'est génial parce que j'ai réussi à faire ce que je veux. Je voulais travailler avec telle et telle personne j'ai réussi, on est devenu collègues, amis, etc. C'est venu de là parce que je me suis dit que d'un côté, cette profession est magnifique, c'est passionnant parce qu'en fait, vous êtes en contact toujours avec des passionnés, c'est-à-dire dans la culture, le sport, les sujets de société et la politique aussi. Il y a vraiment de tous les profils. Au début, au moins, ils en veulent, ils ont vraiment une ambition, ils ont envie de faire quelque chose. Donc en fait, vous êtes en contact avec des gens, c'est très gratifiant, c'est passionnant et c'est même un peu... Une petite drogue, quoi, des fois. Alors c'est bien de lever le pied quand tu travailles, t'as envie de t'arrêter, mais finalement... Des fois, quand tu ne bosses pas, tu te dis, j'aurais bien été là, j'aurais bien aimé accouvrir tel événement. Bon, maintenant, j'ai appris, de temps en temps, il faut faire des choix aussi. Et je m'étais rendu compte aussi, parce que pour moi, c'est important d'assurer la promotion de la langue basque. Et donc, je pensais qu'en étant journaliste bascophone, que c'était une façon, certains vont plutôt vers l'enseignement, d'autres vers d'autres disciplines ou professions, et moi je trouvais que les deux étaient assez intéressantes. Et j'aime bien exercer ma profession en basque, mais j'adore aussi être en contact avec des francophones, des hispanophones, ou aller voir aussi ailleurs, parce qu'on se nourrit de ça, on s'enrichit finalement. Enfin, moi je dis que je suis très riche, alors pas forcément le compte en banque, mais oui, cet échange, et en plus des fois tu te demandes, mais là c'est le journaliste qui parle ou qui s'intéresse ou la personne ? Voilà, j'écris des livres, je suis amené à être en contact avec certaines personnes. Et des fois, je me dis, mais j'ai fait ça pour le sujet ou pour être en contact avec eux ? Alors, je sais, j'étais là pour faire le documentaire, le livre ou le reportage, voilà, pour ma chaîne. Mais c'est vrai que ça va au-delà. Alors, on ne peut pas faire tous les sujets non plus de cette manière-là. On ne peut pas tous les tourner comme ça. Mais la plupart, oui. Et du coup, on arrive à tisser des liens avec les uns, avec les autres. Et ça aide. Et c'est... Ouais, c'est sympa, c'est gratifiant.

  • Christine

    Dans le cadre de ton parcours, tu disais que tu étais autodidacte. Est-ce que tu as pu rencontrer ou des personnes, ou côtoyer des outils, pour justement apprendre à... À manier ta voix, à l'utiliser par le média radio ? Est-ce que tu as à souvenir de ça, de moments ou de personnes marquantes dans ton parcours ?

  • Franck Dolosor

    Ça s'est fait petit à petit en étant en contact avec les uns et les autres. J'ai eu quelques formations, mais pas beaucoup. Et après, c'était surtout, alors pas en copiant, mais un petit peu en imitant ou en voyant ce qui se fait ailleurs, en allant voir les gens aussi, ça c'est important. Des fois, je faisais des demandes de stage, ils ne me prenaient pas, puis je disais, ne vous inquiétez pas, je viendrai quand même. Et voilà, je disais, je peux rester au fond du studio, je ne dirai rien, mais juste écouter, voir, apprendre, voilà. Ça, j'ai réussi à le faire. Et d'ailleurs, des fois, je croise maintenant des collègues qui me disent « Tu te rappelles que tu étais venu là quand même ? » Et ça, je dis « Oui, oui, je me rappelle très bien. » J'avais même des photos, on n'en prenait pas autant que maintenant. Mais enfin, j'ai des souvenirs. J'étais à telle Radio, à Saint-Sébastien, tout ça. Enfin, c'était des moments importants. Et puis, la voix, petit à petit. Bon, après, moi, je fais les choses de façon assez naturelle. Je ne vais pas chercher. Après, on a été amené à faire des sujets. très graves, d'autres un peu plus légers, donc du coup tu apprends un petit peu à moduler. Et puis là, admettons, moi ma voix, au début ça me faisait bizarre, parce que ça fait toujours bizarre quand on s'enregistre, quand on repasse la cassette, je dis « il y a un souci là, ça n'a pas bien enregistré en fait, parce qu'on n'est pas habitué à enregistrer sa voix » . Et puis moi ma voix, je sais qu'elle est comme ça. Bon, elle est comme ça maintenant, parce que moi j'ai eu plusieurs voix. On a une voix quand on est gamin. Après, elle change à 13-14 ans. Et d'ailleurs, c'est compliqué parce que des fois, il y a des pics comme ça. Et puis, quand on... Moi, je me souviens de ma voix quand j'étais gamin. D'ailleurs, j'ai un enregistrement que je ne te montrerai pas, d'ailleurs. Mais j'aime bien l'entendre parce que je sais qu'à l'époque, je parlais comme ça. Après, forcément, ben voilà, ça change. Et puis, à partir de 16-18 ans, 17-18 ans, j'ai la voix que j'ai maintenant, une voix. assez grave, assez posée. Je peux faire même plus grave. Je peux descendre encore plus bas, mais j'aime bien. Bon, après, je ne vais pas monter trop haut non plus. Et après, une voix un peu nasale. C'est embêtant quand je suis enrhumé, par exemple, parce que déjà que cette voix peut vous paraître insupportable. Je sais qu'il y en a beaucoup, certains, qui l'apprécient et d'autres qui n'aiment pas trop, parce qu'en plus de la voix, il y a l'accent, qui n'est pas forcément l'accent du Pays basque, pas l'accent de Saint Pée. Et des fois, on me fait la réflexion, on me dit, mais toi, avant, tu ne parlais pas comme ça. Bon, là, je dis, ça fait une paye que maintenant, c'est comme ça et ça ne va pas changer. Mais ça, ce n'est peut-être pas lié directement à la voix, c'est peut-être lié à l'utilisation quotidienne de plusieurs langues en même temps. Et des fois, on me dit, mais tu as un accent à couper au couteau. On me demande quelle est ma nationalité. Je suis juste du village d'à côté. Mais ça, on me l'a expliqué, en fait, depuis. Et d'ailleurs, c'était assez bien parce que... C'est gênant, c'est embêtant quand même, quand on te fait des réflexions par rapport à la voix que j'ai. Je n'ai pas l'impression qu'elle est aussi dérangeante, mais je voulais savoir pourquoi. Et en fait, un jour, un toubib m'a expliqué que c'est au niveau neurosensoriel qu'il y a un mélange des sons qui se fait. Et donc que je reproduis certains sons de la langue basque quand je parle en français ou certains sons de la langue espagnole. que j'utilise tous les jours en français ou en basque ou l'inverse. Après, c'est vrai qu'on a une façon de parler en basque quand on est de Saint Pée, puisqu'on a notre variante qui est une des plus belles de la langue basque, je dirais, mais on a aussi un basque unifié. Et le fait que sur la chaîne dans laquelle je travaille, c'est cette variante que je dois utiliser, du coup, il y a un mélange qui se fait, puisque je suis amené à parler, travailler, côtoyer tous les jours des gens de Saint-Sébastien, Bilbao, c'est peut-être pas... aussi courant pour toutes les personnes, tous les habitants de notre village. Mais voilà, donc en fait, c'est bien d'avoir l'explication, parce que c'est un peu désagréable d'aller dans un restaurant et on vous dit, ah, vous êtes américain, j'ai fait toutes les nationalités, je dis, ils auraient pu commencer par le Québec, ou non, mais je ne sais pas, c'est bizarre. Et un jour à Paris, le plus drôle, c'était, quelqu'un me demande une adresse, je dis, je ne sais pas, et on me dit, mais vous êtes polonais, Je lui ai dit, mais non, je suis basque. La bonne femme, elle m'a dit, mais moi, je suis d'Isturitz. Et j'ai dit, bon, voilà, donc on est partis dans une conversation. On ne s'est plus arrêtés. Mais c'est vrai que des fois, ça ne me dérange pas, mais des fois, tu vas juste acheter un truc. Donc, tu n'as pas envie qu'on te fasse une réflexion ou qu'on te dise, surtout qu'ici, il y a beaucoup de gens, enfin, au Pays basque, il y a beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur. Moi, ça ne me dérange pas. Si en plus, on doit avoir des... des commentaires un petit peu désobligeants comme ça, là, ça commence à me déranger un peu. Et surtout que des fois, tu vas juste acheter une baguette et tu te barres. Donc, voilà.

  • Christine

    Alors, c'est des remarques qu'on te fait quand tu parles en français. Est-ce que c'est le cas aussi quand tu parles en espagnol ou en basque ? On te parle de ton accent aussi ?

  • Franck Dolosor

    Oui.

  • Christine

    D'accord, c'est dans les trois langues.

  • Franck Dolosor

    Oui. Le mélange se fait dans les trois. C'est curieux, c'est comme ça. Après, je ne me formalise pas. Le seul souci que j'ai, et ça c'est un gros souci, c'est que je ne peux pas faire de canular, par exemple, parce que les gens reconnaissent ma voix. Donc ça, ça m'embête parce que moi, j'aime bien plaisanter et tout ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, ils me reconnaissent. Par rapport à mon travail, ça m'est arrivé d'appeler la gendarmerie. On me dit, oui, on sait qui vous êtes. Ou sinon, le plus drôle, c'était un jour, il y avait des grèves à l'aéroport de Bilbao, il fallait que je fasse une chronique, et le gars, il me dit, oui, c'est bon, on sait qui c'est. Bonjour, je voulais savoir, dans le cadre de mon reportage sur la grève aujourd'hui, les aiguillères du ciel, je voulais savoir. Ah, c'est bon, on te passe l'info, machin. Bon, voilà, c'est assez drôle, ou des fois. Et alors, ce qui est curieux, c'est que moi, maintenant, comme je travaille à la télévision, Euskal Telebista, la télévision du Pays Basque, j'apparais aussi à l'image. Mais les gens, ils ne me reconnaissent pas forcément au visage. Ils me reconnaissent à la voix. Et des fois, ça m'est arrivé, plein de fois, d'aller dans un restaurant ou comme ça, et les gens me disent « Mais d'où c'est que je vous connais ? » Je dis « Je ne sais pas. Moi, je ne vous connais pas. » Et après, je leur lance une piste. Je dis « Vous regardez les infos ? » Alors, en fonction de la langue, s'ils me parlent en espagnol dans le sud de la Navarre, je dis « Vous regardez les infos sur ETV2 ? Ah oui, c'est le gars de... C'est le gars de Bayonne. J'ai dit oui, oui, voilà, c'est moi.» Et voilà, donc c'est très drôle. Et après, un jour, à Elizondo, ça m'est arrivé aussi.

  • Christine

    C'est où Elizondo, explique-nous.

  • Franck Dolosor

    Oui, Elizondo, c'est un des plus beaux villages. C'est dans le nord de la Navarre, dans les montagnes. C'est la vallée du Bastan. C'est un des plus beaux endroits du Pays basque. Et là, j'étais dans un commerce. Et puis le gars, il me dit, ah, mais je vous reconnais. Mais tu ressembles énormément au gars qui fait les infos à Bayonne. Je lui dis, oui, bon, c'est moi. Il me dit, non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que déjà, il fait 15 kilos de plus que toi. Donc, ce n'est pas toi. Et la voix, elle ressemble assez, mais ce n'est pas toi. Je dis, bon, on va pas se lancer dans le débat, c'est moi. Et il me dit, bon, déjà, vous pouvez changer de caméra si c'est toi, parce que tu ne passes pas bien à l'image. Donc, dis au caméraman de changer. Moi, je dis, la voix, je ne vais pas la changer. Il me dit, bon, tu n'es pas mal parce que quand tu parles en basque, tu parles posément, tu parles... doucement, parce que pour parler vite, on a l'espagnol. Et maintenant, c'est vrai que les gens sont dérangés de par cette vitesse, ce volume d'infos qui arrive, qui nous assome, mais en plus, il faut dire les choses de plus en plus vite. Et donc, du coup, certains, au moins, ils apprécient ça, c'est-à-dire le fait d'être posé un petit peu. C'est vrai qu'on est tellement... stimulé. Alors c'est bien aussi. Maintenant, il y a plusieurs canaux. Avant, il n'y avait que trois chaînes de télévision en 1980. Mais là, maintenant, ça a changé. C'est très bien. Mais du coup, c'est peut-être un peu trop. Donc, voilà. On perd le fil de temps en temps.

  • Christine

    Mais tu vois, là, tu renvoyais ce que te disent certaines personnes puisque c'est pas... J'espère que c'est pas quotidien ce genre de remarques sur ton accent ou ta voix.

  • Franck Dolosor

    Mais il y en a aussi des jolies, des anecdotes. Avant, quand on allait au Pays basque Sud, à Saint-Sébastien, à Pampelune, quand tu payais avec la carte bleue, il fallait aussi présenter la carte d'identité. Et moi, ils me disaient, ne la présentez surtout pas. S'il y a un problème, on sait où vous trouver. C'est génial, quoi. Juste par la voix, quoi. Je me dis, c'est Franck. Je dis, voilà, c'est moi.

  • Christine

    Toi, ta carte d'identité, c'est ta voix. Voilà. C'est génial. Toi, depuis, on a inventé, je ne sais pas comment on appelle ça, là, je suis en train de te montrer mon doigt. Tu sais, l'empreinte digitale pour dévérouiller son téléphone. Tu n'en as pas besoin. Toi, tu as la voix, en fait.

  • Franck Dolosor

    Ben oui, au moins pour ceux qui me connaissent d'Euskal Telebista ou de ton podcast. C'est vrai. C'est drôle, quoi, en fait. Et en fait, ça me fait toujours bizarre parce que moi, je suis autodidacte, je viens d'une famille, d'un village, je serai avec beaucoup d'humilité et tout ça. Donc, le fait d'être un peu connu ou reconnu, ça me fait bizarre. Et du coup, je le tourne dans l'autre sens. Je dis, ah oui, et vous, vous êtes d'où, de quel village et tout ça, parce que ça m'intéresse. En plus, les gens m'intéressent. Après, c'est vrai qu'il y a aussi ce phénomène, c'est-à-dire... notre chaîne, elle est surtout regardée au Pays Basque Sud, et eux, ils ne connaissent pas forcément, donc ils aiment beaucoup le Pays basque Nord, c'est-à-dire le Pays Basque côté français, quoi, mais ils ne connaissent pas forcément, alors ils vont connaître qui, voilà, un chanteur, un joueur de rugby, et encore, parce que le rugby, c'est pas non plus, là-bas, c'est plutôt le foot et la pelote, et tout ça, donc ils ont envie de venir ici, ils ont envie de connaître Iparralde, mais ils ne connaissent pas forcément. Dans le top 5 ou top 10, je dois y être. De par les années. J'ai été amené à faire énormément de reportages, tous les jours dans une chaîne qui est quand même assez regardée. Et du coup, ils ont envie d'avoir ce contact-là. Mais moi aussi, j'ai envie de savoir qui sont les gens qui nous regardent. Parce que nous, c'est facile de parler. Tu arrives avec ta chronique que tu as préparée. Ou pas d'ailleurs, parce que la plupart du temps oui quand même, mais je veux dire des fois tu as ta technique maintenant t'arrives avec deux trois phrases, t'arrives à tenir une minute etc., mais la plupart du temps, dans 99% des cas on prépare bien quand même le reportage mais du coup, moi ce qui m'intéresse c'est de savoir qui sont ces gens, pourquoi est-ce qu'ils regardent cette chaîne, pourquoi ils ont tel attachement à la chaîne alors que ce soit à ETB en basque ou à ETB en espagnol, où je fais un petit peu de radio aussi sur Radio Euskadi, en espagnol. Et du coup, moi, ça m'intéresse. Je veux savoir qui sont les gens.

  • Christine

    Juste Ipparalde, je précise, parce que tu sais qu'il y a... Tu ne sais pas forcément, mais il y a des gens qui écoutent On n'a qu'une voix depuis l'Inde, les États-Unis, des endroits un peu loin d'ici. Aujourd'hui, on est à Bayonne. Hipparaldé, c'est le Pays basque nord, en fait. Voilà, juste, on est d'accord.

  • Franck Dolosor

    Voilà, c'est le Pays basque en France. Il n'y a 3 provinces en France. Il y en a quatre dans l'État espagnol, mais il y a un Pays basque avec 7 provinces, donc voilà. La contextualisation, c'est vrai que c'est important, cette pédagogie aussi, de créer des liens. C'est ce qu'on fait aussi, peut-être que je ne fais pas assez maintenant.

  • Christine

    Moi, c'est moi la garante aussi de ça, ne t'inquiète pas.

  • Franck Dolosor

    Tu as bien fait de venir.

  • Christine

    Oui, tu vois, finalement, j'ai bien fait d'arriver à ce micro. Là, tu as parlé du ressenti des personnes quand ils écoutent ta voix et ce qu'ils te renvoient de ta voix. Et toi, au final, qu'est-ce que tu en penses de ta voix ? Est-ce que tu l'aimes ?

  • Franck Dolosor

    Moi, je l'aime bien. Alors il y a des choses que j'aimerais peut-être changer, ailleurs ou parfois, mais ma voix, c'est ma voix. Moi, je l'aime. Elle est comme ça. J'arrive à la poser. J'arrive à... Voilà. Non, ça me convient. J'aime bien. Moi, j'aime bien. Alors, le souci que j'ai... C'est que je chante faux. Alors ça, c'est un gros souci quand même au Pays basque, parce qu'on est un pays qui chante, à St-Pée, d'autant plus. Et moi, en fait, pendant toute mon enfance, j'avais ma soeur qui me disait « tais-toi, tu chantes au fond » . Maintenant, c'est ma compagne qui me dit depuis quelques années « tais-toi, tu chantes faux » . Mais moi, j'adore chanter, donc je m'éclate. Et après, il y a des chanteurs qui me disent « waouh, mais avec cette voix, vous pourriez faire… » Je dis, je ne pense pas, parce que tout le monde me dit de me taire. Donc, mais non, ne les écoutez pas. En fait, je pense qu'il y a une technique à apprendre. Déjà, à respirer plus avec le ventre qu'avec la gorge. Forcer comme un âne quand on est au bistrot, par exemple. Mais du coup, c'est quelque chose que j'aimerais faire. Après, j'ai toujours voulu être chanteur. Mais on m'a tellement dit de me taire que... Mais j'ai un micro quand même toujours dans la main. Donc ce que je fais, c'est que je le passe. J'aime bien mettre en avant les artistes notamment. Donc moi, je traite tous les sujets, mais notamment la culture et la musique et les chanteurs. Peut-être qu'on en reparlera après. Mais voilà, moi, ma voix quand même, elle me convient. Et l'autre jour, admettons, je chantais avec quelqu'un qui me dit « Tiens, je connais telle chanson, tiens, on va y aller. » Et puis elle me dit « Mais tu chantes vachement bien. » Donc, du coup, peut-être, je me dis, il y a quelque chose à faire. Il y a toujours...

  • Christine

    Je suis sûre qu'il y a quelque chose à faire. Au-delà de la radio et de la curiosité dont tu as parlé, de l'élan que tu as vers les gens, on sent quand même que finalement, la voix, ça t'intéresse. Tu vois, puisque tu as parlé du fait que tu t'intéressais à des chanteurs, à la culture. Et bon, moi, je te suis un peu depuis quelques années. J'ai lu certains de tes livres, etc. Mais on sent que quand même, la voix, le chant, ça fait partie de ta vie, j'ai l'impression.

  • Franck Dolosor

    Ah oui, complètement. Chez nous, il y a toujours la musique. D'ailleurs, des fois, beaucoup la radio. Mais au bout d'un moment, ça me fatigue. Et du coup, j'ai des fils musicaux et j'ai même des musiques qui me relaxent. Quand j'ai des moments de stress, admettons. moi j'aime beaucoup Estitxu une des plus grandes chanteuses, une des plus belles voix au monde, on va appeler un chat,o, est de Saint-Pée, on a toujours fait comme ça. Et elle, c'était le Rossignol de Briscous, une chanteuse basque qui aurait pu avoir la carrière de son impresario que je connais, me disait, j'aurais pu en faire une Nana Mouskouri, une Mireille Mathieu. Elle maîtrisait six octaves et demi, donc elle pouvait aller très bas et monter très haut et en plus garder ses notes très aiguës pendant très longtemps parce qu'elle avait du coffre. Et moi, Estitxu, c'est quelqu'un qui me touche, sa famille aussi, les Robles, avec le Quatuor Aritzak notamment. Et ces musiques et ces voix-là, elles me relaxent. Alors il y a des gens qui vont aller faire du sport, qui vont aller consulter, qui vont essayer de s'aérer comme ils peuvent. Et moi, si j'ai un moment de stress ou une réunion vraiment très importante, ou une négociation, ou quelque chose de pas cool, ben du coup, je vais écouter ça. Et après, ça passe très bien. Et on me dit, tu t'en es sorti pas trop mal. Mais j'ai dit, oui, mais moi, j'ai ma technique. Je la garde.

  • Christine

    Tu ne l'as partagée qu'aujourd'hui, avec nous en exclusivité mondiale ?

  • Franck Dolosor

    C'est écouter en boucle, juste avant un moment compliqué, ces voix, ces chants a cappella. Voilà,

  • Christine

    oui. Donc, a cappella, c'est vraiment la voix que tu aimes.

  • Franck Dolosor

    Oui, oui. Et surtout, des voix féminines. alors il y a des voix masculines aussi qui sont magnifiques, autant un chanteur qu'un présentateur un journaliste je vais dire mais c'est vrai que je vais plutôt aller vers enfin je vais plutôt aller ça se trouve comme ça celle qui me touche c'est plus celle-là

  • Speaker #2

    Et alors,

  • Christine

    dans les voix qui te touchent, est-ce que les voix des Bertsulaïs ont une place particulière ?

  • Franck Dolosor

    Oui. Ou pas.

  • Christine

    Alors, il faut expliquer. Parce que là, pour le coup, on parlait de contexte tout à l'heure. Est-ce que tu pourrais déjà définir ce que c'est que le bertoulalisme ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que tu peux définir pour les gens qui ne connaissent pas du tout, qui ne sont pas basques, et peut-être même qu'il y a des basques qui ne connaissent pas, enfin des gens qui vivent au Pays Basque et qui ne connaissent peut-être pas ?

  • Franck Dolosor

    Alors, c'est vrai que c'est très particulier. C'est l'improvisation de vers chantés. en basque vers chanter et rimer sur un sujet imposé. Donc il vous reste 20 secondes. Je vous donne le sujet et en 20 secondes ou une minute grand max vous devez chanter donc l'équivalent d'une poésie on pourrait dire. Et en fait alors c'est très particulier c'est propre au pays basque Je sais que ça existe un petit peu dans les îles Canaries aussi et à Cuba. J'imagine que ça doit exister peut-être aussi ailleurs, dans des cultures anciennes, autochtones. Ça doit bien exister, peut-être pas sous ce format-là ou sous cette envergure-là. Et moi, je trouve que le bertularisme, en fait, c'est la réponse à la question « c'est quoi être basque ? » .

  • Christine

    D'accord.

  • Franck Dolosor

    Et basque qui veut, comme il veut, on est bien d'accord. Mais dans le vertularisme, il me semble qu'il y a tous les ingrédients de notre identité. L'improvisation déjà, parce que la culture basque n'a jamais été figée, elle est toujours en mouvement, donc tu peux toujours rajouter, improviser quelque chose, ça c'est pas mal quand même. Le chant, forcément, la voix. Le partage, la langue basque aussi, forcément, il faut avoir une maîtrise totale. On peut être basque sans maîtriser la langue, mais c'est quand même un ingrédient important de l'identité. Et après, en même temps, il y a aussi ce défi de défier, parce que vous chantez à deux ou à trois ou à plusieurs. Et d'ailleurs, c'est une discipline très bizarre, dans le sens où, parce qu'il y a des concours aussi. Et dans un concours, ou dans une joute de Bertullali, pour que tu chantes bien, que tu crées de façon pertinente, il faut que l'autre aussi chante bien. Alors c'est curieux, parce que dans le sport, admettons, c'est pas comme ça. À un moment donné, si tu joues au tennis, ou à la pelote, ou au foot, il faut que l'autre soit un peu moins bon, et tu marques un point. Sauf que là, tu marques des points, plus l'autre chante mieux, plus ton adversaire est meilleur. mieux tu vas chanter, mieux tu vas être inspiré. Donc c'est génial et il t'amène d'un univers à l'autre. Ça peut être une parodie, ça peut être une critique, ça peut être pire, je ne vais pas dire qu'un assassinat, mais on peut t'assassiner avec un Berthoud qui n'est vraiment pas cool, qui dénonce quelque chose. Et en même temps, on peut surtout te rendre hommage, mettre en valeur quelque chose ou quelqu'un. donc je pense que Pour moi, en tout cas, la réponse à la question c'est quoi être basque ? Je pense qu'une partie de la réponse, au moins, c'est être bertulali ou amateur de bertulali. Moi, je ne les suis pas beaucoup non plus. Je ne suis pas toutes les joutes, je ne suis pas tous les championnats. Par contre, il y a des championnats par province, sur les sept provinces du Pays Basque. Après, il y a le championnat de tout le Pays Basque. Et la finale, là, j'assiste à tout. toutes les finales, c'est tous les 4 ans, donc ou à Bilbao ou à Pampelune, il y a entre 15 et 20 000 personnes, ça dure 8 heures, et quand tu termines, tu te dis mince, c'est passé très vite, parce qu'en fait, on t'amène dans un monde par la voix, par le chant, par la création, je vais te donner juste un exemple, Amé Tcharsayouz, qui est un grand berthoulaline, qui a été champion ici, Annie Parralde, au Pays Vasque Nord, qui a été champion aussi de tout le Pays Vasque, on lui impose un thème

  • Christine

    Et c'est des thèmes très actuels. Tu es dans un bus, tu t'appelles Mohamed, tu es migrant, tu assis dans un bus, et à chaque station le bus s'arrête, mais personne ne s'assoit à côté de toi. Et là, le type, en 20 secondes, il t'amène comme Spielberg t'amènerait dans un film, dans une autre galaxie, dans une autre dimension, alors que tu es toujours assis sur ton canapé chez toi. Il t'amène, il te raconte une histoire. Telle personne ne s'est pas assise à côté de toi parce que ceci, parce que cela. Et après, finalement, il y en a une qui arrive là. Bon, je n'ai pas tout le vertu en tête. Et à la fin, il dit, mais le souci, c'est qu'on est tous dans le même bus, mais on ne va pas dans la même direction. Donc là, tu as les 15 000 personnes qui se lèvent et qui se disent, voilà. Il y a un autre exemple, c'est Mayalen Lujambio, une autre grande vertu, qui le sujet imposé, c'est ... Ausha, le feu. Mais t'imagines, c'est même pas une question. Le feu. Bon. Eh bien, tu racontes avec ça ce que tu veux. Mais il y a plusieurs strophes. Il y a toute une technique. Tu dois le faire. Tu arrives là, c'est la finale. Moi, d'ailleurs, j'ai toujours dit, si je ne peux pas aller à la finale, je ne veux pas la voir à la télé. Parce que ça n'a rien à voir. Ça n'a rien à voir. Il faut être là-bas. Et le feu. Et donc, elle commence avec Homo sapiens, machin, le feu. le silex, le feu, et à la fin, elle arrive et elle dit et aussi ce que deux regards peuvent créer. Mais c'est génial, tu vois. Et quand on nous dit, des fois parce qu'on l'entend ça aussi, oh, les basques, machin, vous n'êtes pas un peu fermés et tout ça, mais je me dis, mais vous avez mis le miroir, parce que nous, là, les gens qui chantent ou qui créent ou qui font des choses, mais c'est des messages universels. Quand tu prends Salvador, Fernando Aire, le berger du repère. Tu lis ses textes, mais tu te dis, mais lui, il était en avance de 100 ans. Et voilà. Donc, voilà, moi, je veux bien Molière, Beaumarchais, Cervantes, Shakespeare. Oui, évidemment. Mais enfin, il y a les autres aussi.

  • Franck Dolosor

    Parce qu'en fait, au-delà de la prouesse, puisque je pense que les gens ont bien compris que c'est de l'improvisation et que c'est en vers, et que c'est des rimes. Donc, c'est quand même... Incroyable. Au-delà de ça, il y a aussi le côté engagement quand même. Il y a souvent, tu vois là, le feu, on peut partir dans plein de sens. Mais souvent, moi je ne connais pas comme toi, mais souvent quand même autour du virtualisme, il y a une notion de message fort. Tu es d'accord avec ça ou pas ?

  • Christine

    Oui. Et des fois, ça peut être très festif. Il y a plusieurs registres aussi. Mais oui, c'est vraiment faire passer un message. C'est être aussi... Le Berthoud, c'est un peu comme le chant, c'est la voix, c'est la communion d'une communauté à un moment donné. Et il y a plusieurs registres, c'est-à-dire que tu peux chanter au coin du bistrot, sur la place lors des fêtes du village. Et après, les concours sont un peu plus techniques, ils sont un peu plus tendus. Du coup, c'est mieux d'aller dans un repas où il y a des gens qui vont chanter. Et puis, c'est très populaire, c'est très festif, ça résonne dans ta tête. Donc il y a les bertsus d'un côté, puis il y a les bertsularis, qui créent des bertsus, et il y a aussi les dicholaris, c'est-à-dire des fois tu te réponds en faisant des rimes. Donc ça c'est très basque aussi, tu vois cet esprit où on te dit « ah, t'es venu, oui, dès que je t'ai aperçu » . Et là du coup on va passer l'après-midi, on va se répondre toujours en « u » , tu vois, ou en « ou » , ou en « o » . Et du coup, voyons, est-ce qu'on arrive à tenir une conversation sensée, drôle ? C'est toujours le goût du défi, un peu de la provoque aussi. Pourquoi pas, tu sais, il y en a qui nous embêtent, donc il faut les hop et rentrer dans le... Et après, tu vois, toujours répondre, et un peu cet esprit-là de convivialité.

  • Franck Dolosor

    Et toi, en 2010, tu as écrit un livre sur un Bertschoulali. Est-ce que c'est... Alors, tu vas nous expliquer un peu la démarche, mais dans l'idée, est-ce que c'est parce que tu connaissais ce Bertschoulali, dont tu vas nous parler juste après, ou parce que tu étais intéressé par le bertschoulalisme ? C'est dans quel sens que ça s'est opéré, cette affaire ?

  • Christine

    Alors, pour parler de Machinida Bola, un des plus grands bertschoulalis qu'on a eu au Pays Basque, mais quand je dis grand, c'est... immense, c'est un monument. Mais même nous, à Sempé, on n'a pas pris la mesure. Déjà, on parle de quelqu'un qui est né en 1879, qui est décédé en 1935. Donc même nous, les anciens qu'on a connus, ils n'ont pas forcément connu, ils n'ont pas pu apprécier la portée de ces créations. Il se trouve que j'ai un lien direct avec Machinilabola, puisque c'était le parrain de mon grand-père paternel. Il se trouve que Aitachi était mon parrain, donc c'est le parrain de mon parrain. et matching était mariée à une sœur de notre arrière-grand-mère. Donc on a un lien direct, c'était l'oncle par alliance de mon grand-père. Bref, quand j'ai commencé à faire du journalisme, en 1996, à Itachi, mon grand-père me disait toujours « Ah, c'est chouette, tu passes des disques à la radio, tu présentes des trucs. » Et moi, mon parrain, c'était ma chine. Mon parrain, c'était ma chine. Bon. Et en fait, il en était très fier. Et on n'a pas... Forcément beaucoup échangé mais je sais qu'il avait un attachement comme avait cette génération qui était baignée dans l'oralité, dans l'humilité, dans le respect des valeurs que nous on a vu mais qu'on retrouve pas forcément. Je suis pas nostalgique mais je dis juste que qu'est-ce que c'est chouette de les avoir connus. Et du coup... Aitachi n'avait pas connu Machin pendant longtemps parce qu'il était né en 1921, donc 1935 le décès de Machin. Il avait à peine 14 ans. Je pense qu'à 14 ans, il n'a pas pu bien comprendre tous les messages. Mais qu'importe, il avait un attachement, il aimait beaucoup et il en était fier. Et il m'en parlait pratiquement tous les jours. Et en 2008, j'étais amené à faire un recueil de témoignages dans mon village. à la gente à revivre neuf femmes et neuf hommes, donc les plus anciens du village à ce moment-là. Et quand je les ai fait parler, donc interroger sur la culture, toutes les questions étaient bien ciblées. Et concernant l'improvisation, le virtualisme, j'ai laissé la question ouverte. Et je dis, et le virtualisme ? Et tous les 18 m'ont répondu, « Ma chérie, la voilà, c'est un peu... » Je dis, mais vous ne l'avez pas connu ? « Oui, mais quand même... » Et là, ils ont commencé à me raconter. Quelques anecdotes qu'ils avaient entendues, eux-mêmes avaient baigné dans cette oralité, et ils étaient très fiers de Machin, mais qui avait été un peu oublié. Mais c'est logique, c'est des choses qui arrivent. Il peut y avoir une rupture de transmission, les gens changent, les municipalités aussi, on passe à autre chose. Mais pourtant, on n'en empêche pas l'autre. On peut parler des Bertullari de maintenant, ou des acteurs, ou du surf, on peut aller surfer. Mais ça n'empêche pas, tu peux surfer l'après-midi et quand même parler. Parce que quand tu regardes, et du coup, moi j'ai eu énormément de chance, parce que ça, je le reconnais tout le temps. En fait, mon travail, c'est un travail de réseau. Moi, je ne travaille pas tout seul. Et donc, je suis toujours tombé sur des gens qui m'ont aidé, parce qu'ils savaient, ah oui, le type de Bayonne, le type de TB, tout ça, bon, on t'aime bien, machin. « Du coup, on va te donner un coup de main. » Et du coup, c'est eux qui m'ont amené, donc Ausha Ligondo, l'un des plus grands journalistes du Pays Basque pour ne pas le nommer, lui qui a travaillé. Alors lui, pour le coup, il a bien connu Chalvador, Machin, Estichou, enfin voilà, il les a bien connus. Moi, quand je suis né, ils étaient déjà tous décédés pratiquement, enfin pas Machin Daez, mais... Et donc, c'est lui qui m'a amené, il m'a dit « Là, tu vas trouver... » En fait, on a retrouvé les dates des manifestations auxquelles Machin avait participé. Et donc, quand tu vas chercher ces journaux à Saint-Sébastien, à Villebao, il suffisait juste d'avoir la date et tu as les avant-sujets, la chronique du jour, le lendemain, le surlendemain, et tu retrouves quelques perles, quelques berchoux, quelques photos. C'est une satisfaction immense. Mais d'autant plus qu'il se trouve que je connais ses descendants.

  • Franck Dolosor

    C'est vrai.

  • Christine

    J'en ai une devant moi.

  • Franck Dolosor

    déjà et oui moi c'est mon arrière-grand-père donc je suis hyper émue de t'entendre parler de tout ça forcément parce que moi c'est grâce à toi que j'ai appris plein de choses parce que nous pour le coup on n'en parlait pas à la maison tu vois ça fait écho à ce que tu disais avant et voilà

  • Christine

    je te laisse continuer comme ça j'ai donné un petit contexte très personnel avec une petite touche d'émotion dans la voix mais je te laisse continuer non mais c'est des moments très gratifiants comme je te disais tout à l'heure parce qu'en fait moi quand je fais ça je le fais pour les autres là je l'ai fait pour vous aussi pour les chimpartards, pour les gens qui aiment le virtualisme en général ou les gens qui veulent connaître la culture basque mais dans la culture basque tu as tout tu as la pelote, tu as la gastronomie tu as tout ce que tu veux la danse, oui et il y a ça aussi et il y a des pointures, il y a des gens et alors là pour le coup, lui c'est un pionnier je vais faire court parce que le livre il vaut mieux le lire, d'autant plus qu'il est publié en basque et en français, parce que je me suis dit bon, moi je publie surtout en Neuschkara, en basque, et quelques années après, je publie en français ou en espagnol aussi. Mais là, je me dis, une histoire comme ça, il faut que tout le monde puisse le savoir, parce que c'est des parcours exceptionnels. Bon, 1879, 1935, il a été... amené à chanter dans des émissions radio à Saint-Sébastien. Pour l'époque, ce n'est pas tous les agriculteurs de Saint-Pé qui étaient amenés en taxi à aller chanter à la radio. Il a paré dans deux films, il a participé à des grandes manifestations. En 1935, juste avant de décéder, il aurait dû remporter le concours parce qu'on voit les points, les notes, et c'est lui qui aurait dû gagner. Finalement, ils ont donné... le premier prix à Bachari, bon, qu'importe, de toute façon il est là. Et c'est à nous aussi, comment dire, on a un patrimoine, alors le patrimoine, oui, c'est les pierres, les poutres, les châteaux, on aime beaucoup, mais il y a aussi le patrimoine linguistique, le patrimoine immatériel, comme on dit maintenant, et là, alors bon, finalement, je suis sur un créneau, mais je n'occupe pas ce créneau juste pour l'occuper, c'est-à-dire, c'était très gratifiant. Moi, quelqu'un m'a dit, et pourtant je l'adore cette personne, un livre sur Machin, ça ne va pas le faire. Tu n'auras pas assez. Je lui ai dit, écoute, qu'importe, je ferai une feuille recto verso. Puisque je savais qu'il y avait très peu d'archives, puisqu'il était dans l'oralité, qu'il ne savait pas lire et écrire. Mais ça, ça ne veut rien dire. Il faut remettre dans le contexte. Et donc, le souci de Machin, Enfin, ce n'est pas que le sien, d'ailleurs. C'est que... Qui écrivait dans la presse locale ? En l'occurrence, c'était le curé. Et il ne s'entendait pas trop. Alors que lui-même, il était croyant, pratiquant, mais enfin, qu'importe. Et du coup, on en retrouvait comme ça. Donc, il n'en parlait pas dans ses chroniques. Dans les chroniques de Saint-Pé,

  • Franck Dolosor

    le curé ne parlait pas de machine.

  • Christine

    Tu as le plus grand mertchouladi de tout le Pays Vasque dans ton village, mais il n'est cité à aucun moment. Sauf le jour où il tombe gravement malade, et la semaine d'après, où il décède. Et après, il y a quelques hommages, point barre, parce que moi, par politesse, on parle en bien des morts. Mais je me dis, il y a une erreur. Surtout que dans les autres journaux publiés à Saint-Sébastien, ou publiés par d'autres personnes, qui ont... Mais bon, ça... Est-ce que ça s'appelle la censure ? Oui. Bon, voilà, c'est dit. Et puis après, censuré aussi, parce qu'il y a des prises de position à un moment donné. Mais qu'importe la prise de position. Mais heureusement qu'il n'y en a pas. On ne va pas rester les bras croisés toute la vie. Et à un moment donné, il a vécu la Grande Guerre. Enfin, il a vécu, il a subi, puisqu'il a été gazé là-bas. Donc il est parti, je crois que son fils aîné était déjà né, et que les suivants sont nés après la guerre. Ça aussi, c'est un traumatisme, on n'en parle pas. Qu'est-ce qu'ils ont vu, tous ces... type, enfin quand je dis ce type, c'est quand même Aitachi, nos grands-parents, qu'est-ce qu'ils ont ? Alors maintenant, oui, on fait des grandes cérémonies, et c'est très bien, mais moi j'y suis, le 11 novembre. Mais le 11 novembre, il y a les deux côtés de la médaille. Il y a le côté, oui, forcément, voilà, c'est très bien, et voilà. Mais il y a aussi l'autre côté, c'est-à-dire c'était la grande boucherie. Donc lui, il a dénoncé ça dans les berchoux qui ont été pour le coup écrits. par d'autres personnes qui les avaient entendues, parce qu'à l'époque, ils avaient cette capacité. Ils ne savaient pas lire et écrire. On s'en fout. Ils savaient écouter. Déjà, c'est pas mal.

  • Franck Dolosor

    Et mémoriser, non ?

  • Christine

    On ne le fait plus, ça. Ça n'existe plus. Maintenant, il faut aller vite, vite, vite. Même si tu dis des conneries, il faut y aller. Mais ils étaient sur un autre registre complètement. Et donc, les personnes qui ont mémorisé, à un moment donné, se laissent en... passé ses vertus ses poésies et il ya quelqu'un qui l'a écrit et heureusement qu'on a là et ça ça va au delà du vertu l'anisme ça va c'est à dire la chronique des gens qui n'étaient pas d'accord avec certaines choses qui a jamais été écrite on la retrouve là donc pour moi ça va au delà mais ça va au delà de la culture basque c'est pareil c'est je suis pas enfermé dans la tranchée Et donc ça, c'est chouette que ça existe et qu'on ait pu avoir accès, le publier, le diffuser. Ça marche encore d'ailleurs, parce que j'en parle à 2010, quand même, ça passe.

  • Franck Dolosor

    Mais justement, tu ne veux pas nous lire un petit extrait ?

  • Christine

    Oui, le Berthoud dont je parlais, là, de 14-18, c'est « En espiritouan achtenais penchatsen, gisonaren bissia sergichetanden » Et à la fin, il termine « Batbertia ilsen, odolaychursen, bertia initsurundik irisachetsen » Mais là, ça veut tout dire, alors je vous le dis. Dans mon esprit, je commence à penser de quelle façon est la vie de l'homme. Alors, ce n'est pas simple à expliquer parce qu'on connaît beaucoup de justice. Nous, en train d'être broyés dans la peine, En train de se fatiguer les uns les autres, en train de se tuer, de s'entretuer, de verser notre sang, alors qu'il y en a d'autres qui rigolent bien, mais en nous regardant de loin. Tu regardes l'actualité, c'est quoi ? Eh bien c'est ça. Il est en plein, et ça c'est, ça il a écrit.

  • Franck Dolosor

    Dans les années 1930, quelque chose comme ça ?

  • Christine

    Oui, oui, entre... Les années 20, les années 30,

  • Franck Dolosor

    je crois.

  • Christine

    Et donc là, tu te dis, et puis ça continue, quoi. Mais c'est tellement joliment dit. D'ailleurs, c'est mon côté journalistique, mais tu ne peux même pas être contre. Comment dire ? Même s'il y a un message qui ne me convient pas, j'aime l'écouter, parce qu'il faut qu'il soit publié. Il faut pouvoir le dire. Sauf que lui, il n'a pas pu. Et ça, c'est important, parce que... Mais forcément qu'il faut faire les commémorations, mais... Vous imaginez qu'il y a quelques temps, il y a un élu qui a voulu supprimer le 8 mai. Mais le 8 mai, il ne faut pas le supprimer, il faut l'étoffer. Et le 11 novembre, pareil. Mais avec les deux, les trois, les quatre visions. Ça ne sert à rien de sortir d'agiter un drapeau pour en faire une utilisation. Mais n'utilisez pas ça. Mais vous imaginez la boucherie. Ici, dans un village à Bas-Sussari, il y a une dame, elle avait perdu... Cinq fils. Bon, et sur 14-18, on en aurait beaucoup à dire. Mais c'est pour ça que ça m'intéressait de voir aussi l'œuvre de Machin. Et après, des engagements aussi très forts par rapport à la langue basque, par rapport à l'unité du pays basque, par rapport à un certain... Alors toujours avec un respect. Ce n'est pas parce qu'on revendique qu'on n'est pas meilleur que les autres. On n'est pas moins que les autres. C'est juste ça. Et de vivre notre culture dans la convivialité. Et puis aussi, beaucoup d'humour. Il faut apporter beaucoup d'humour. Et ça, ils savaient le faire, les Hiverculades. C'est-à-dire, à un moment donné, ils vont te dire deux phrases ou ils vont t'amener, je ne sais pas où, et plaf ! Juste après, ils vont te dire... Mais tu vois, tout le monde rigole. Et voilà, c'est très drôle. Et ma chine était très drôle. Très drôle. Et donc, c'était compliqué parce qu'il n'y avait pas grand-chose à Sempé. la famille n'avait pas beaucoup d'archives, forcément, les inondations étaient passées par là aussi. Donc, les photos d'archives. Mais, en fait, moi, j'ai retrouvé pas mal de photos de Machin parce qu'il était invité dans les mariages, comme les accordéonistes à l'époque. Donc, les accordéonistes, tu les vois, ils sont sur le côté avec l'accordéon. Mais si tu regardes bien les photos de groupe, il y a Machin aussi sur le côté parce qu'il est invité, imagine, en mariage avec Machin, tu ne devais pas t'ennuyer. Et voilà. Donc c'est génial, et c'est très gratifiant, et puis ça me fait énormément plaisir de faire ça, parce que les années, elles passent aussi. Mais quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis, bon, c'est pas mal, j'ai quand même fait ça, j'ai fait des recueils de témoignages, sur les 18, il ne m'en reste plus que 2 en vie. Mais c'est normal, c'était en 2008, c'était déjà les plus âgés, les plus anciens du village. Mais t'imagines tous ces enregistrements ? Donc en 2008, en 2010, après j'ai été amené à faire des documentaires, d'autres livres aussi. Et puis quelqu'un m'a dit un jour, ah mais vous, finalement, vous travaillez avec du diamant. J'ai dit, non, encore plus précieux que du diamant. Je travaille avec les gens. Donc c'est passionnant.

  • Franck Dolosor

    Alors, je vais faire une petite confidence, on va se quitter bientôt, mais je vais faire une petite confidence à nos auditeurs et auditrices, c'est que tu m'avais partagé que tu n'étais pas très chaud à l'idée d'être interviewée, mais vraiment, moi, je te remercie parce que tu as joué le jeu pleinement. Franchement, tu as partagé énormément d'éléments extrêmement intéressants autour de la voix. Et puis moi, à titre personnel, j'ai appris plein de petites choses nouvelles sur mon arrière-grand-père, donc ça m'a beaucoup touchée. J'espère que ça intéressera d'autres personnes aussi. Donc vraiment, merci beaucoup d'avoir participé à On n'a qu'une voix. En plus, toi, on peut dire, je crois, que tu as vraiment une voix, même si tu as dit qu'elle avait eu plusieurs chemins. Je pense qu'on peut dire que tu as une voix qu'on connaît, qui est assumée, mais qui est vraiment tournée vers les autres. C'est ça qui m'a marquée pendant cette interview. Donc je te remercie beaucoup, Franck. Et puis je mettrai toutes les informations pour qu'on te retrouve sur les réseaux, sur ton site, etc., pour qu'on puisse aller voir. Parce que là, on a parlé du livre de Machini Rabola, mais il y a d'autres livres qui existent. que tu as écrits. Donc les personnes intéressées pourront accéder à tout ça dans la description de l'épisode de ce podcast. Donc merci beaucoup, Franck.

  • Christine

    Merci à toi. Et comme je disais, la voix, c'est important et c'est pour ça que j'aime bien cet espace d'échange parce que la voix, c'est une partie de l'identité. Tu arrives à voir « Tiens, aujourd'hui, ça va, ça ne va pas. Rien qu'à la voix, on peut savoir. » Et puis après, je pense qu'il faut soigner la voix et apprendre à la à la poser et à l'apprécier.

  • Franck Dolosor

    Merci Franck.

  • Christine

    Merci à toi.

  • Franck Dolosor

    Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin... Un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. A bientôt !

Description

Une voix posée et reconnaissable.
Un accent singulier qui intrigue.
Et une passion pour les voix qui chantent, improvisent et transmettent.

Dans cet épisode, vous allez découvrir Franck Dolosor, journaliste et présentateur de journaux télévisés à Euskal Telebista, grand média audiovisuel public du Pays basque.

Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao. Journaliste autodidacte, il a grandi bercé par les voix de la radio avant de trouver sa place devant le micro, puis devant la caméra. Sa voix, il l'utilise quotidiennement dans son métier, en jonglant entre le basque, l'espagnol et le français.


Avec Franck, nous allons évoquer :

- ce que sa voix singulière dit de lui et les réactions qu'elle suscite ;

- son parcours de journaliste passionné par la radio et fasciné par l'univers des voix ;

- le bertsuralisme, cet art de l'improvisation poétique chantée qui rassemble des milliers de personnes au Pays basque ;

- Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle, dont Franck a retracé l'histoire dans un livre.


Un épisode pour vous faire voyager au cœur du Pays basque et découvrir comment la voix peut être un pont entre les générations, les langues et les cultures.

Bonne écoute !

Pour retrouver les éléments évoqués avec Franck ou pour le suivre :


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📩 Contactez-moi à l’adresse suivante : christine.irabola.redac@gmail.com.


Crédits :

  • Réalisation, montage, mixage : Christine Irabola

  • Musiques et chants : Émilie Décla

  • Hébergement : Ausha



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Christine

    On n'a qu'une voix, un podcast pour découvrir ce que cache notre voix. Chaque mois, venez à la rencontre de mes invités qui lèvent le voile sur l'histoire singulière de leur voix. Au programme, des voix parlées, des voix chantées, des voix jouées et des voix parfois malmenées. L'intention ? Vous procurer des émotions, vous faire voyager, vous apporter des conseils et vous proposer un pas de côté pour vous inviter à aimer votre voix. Dans cet épisode, vous allez entendre la voix de Franck Dolozor. Franck partage sa vie entre Bayonne et Bilbao dans le Pays Basque. Le Pays Basque, c'est un territoire à cheval entre la France et l'Espagne qui compte aujourd'hui... 3 millions d'habitants. Franck travaille en tant que journaliste à la rédaction d'Euskal Televista, qui est un des plus grands médias audiovisuels publics du Pays Basque, avec 5 chaînes de télévision et 6 stations de radio. Et vous allez le comprendre, la voix dans la vie de Franck a une place immense. Déjà parce que sa voix en elle-même, il va le partager avec nous, suscite beaucoup de réactions et de questions. Ensuite, parce qu'en tant que journaliste, présentateur de journaux télévisés, Il l'utilise au quotidien, mais aussi parce qu'il est amateur de radio, de chant et de culture de manière générale. Et enfin parce qu'en tant qu'auteur, il a écrit un livre sur Matxin Irabola, grand bertsulari du début du XXe siècle. Alors un bertsulari, c'est un poète improvisateur basque, et vous l'avez peut-être perçu, je porte le même nom de famille que Matxin, dont nous allons parler dans cet épisode. Vous allez donc découvrir le lien qui m'unit à ce poète improvisateur, et celui que Franck entretient avec la voix et avec les autres. Bonne écoute !

  • Franck Dolosor

    Bonjour, je suis Franck Dolosor, je suis journaliste, Senpertar (habitant de Saint-Pée-sur-Nivelle). Alors journaliste et basque, je dis parfois que ça fait un peu beaucoup pour une seule personne, mais ça va, j'arrive à gérer, parce qu'en fait je suis très fier des deux. Je suis basque, je ne peux pas faire autrement, je suis de Saint-Pée, donc voilà, en plein le Pays basque. Et après journaliste, bon ça c'est venu un peu après. À partir de 18 ans, donc ça fait 30 ans maintenant, voilà, vous savez, j'ai 48 ans, et je suis fier des deux. Je suis fier d'être Senpertar, basque et journaliste aussi. Et puis j'aime bien, comment dire, faire ma profession dans plusieurs langues, donc en basque, en espagnol, en français, puis un peu de gascon aussi, puis de l'anglais aussi forcément, on ne peut pas faire autrement, et du catalan aussi de temps en temps, puis voilà.

  • Christine

    Merci Franck pour cette présentation. Donc Senpertar : Saint-Pée-sur-Nivelle, pour les gens qui ne connaîtraient pas, c'est dans le Pays basque, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Labourd, si on veut être précis, je ne me trompe pas, puisque moi aussi, je suis de Saint-Pée-sur-Nivelle. On est tous les deux du même village.

  • Franck Dolosor

    Ah, parce qu'on s'était déjà vus. Ah oui, maintenant ça me revient, oui, voilà !

  • Christine

    Est-ce que tu peux partager avec nous comment tu as eu l'envie de devenir journaliste ?

  • Franck Dolosor

    En fait, c'est une passion, parce que d'un côté... Ça m'a toujours intéressé, l'actualité, voir ce qui se passe chez nous, dans notre village, dans notre territoire, dans notre pays, au Pays basque, en France, en Europe, dans le monde. Ça m'a toujours intéressé, j'ai toujours suivi les actualités à la télé. Alors, je n'ai pas beaucoup lu quand j'étais gamin, ça c'est vrai, un peu plus maintenant. Et après, la radio. La radio, ça m'a toujours plu. Il y a vraiment un charme autour des voix. D'ailleurs, à l'époque, c'était génial parce que... On ne connaissait pas les personnes parce qu'on n'avait pas leurs photos, puis il n'y avait pas les pages web ou les retransmissions en vidéo comme maintenant. D'ailleurs, la radio l'a un peu perdue finalement pour le coup. Mais nous, à l'époque, on ne savait pas. Donc, on imaginait la personne. On ne connaissait pas Macha Méril. On ne connaissait pas Naro Agorostiaga. On ne savait pas qui étaient ces personnes qui nous parlaient tous les jours. Et en plus, dans des endroits intimes, puisqu'elles étaient dans la cuisine chez mes parents. Donc, voilà, la radio. C'est génial. Et puis, à partir de 18 ans, il a fallu décider. Bon, moi, je n'étais pas très, très bon à l'école. Et le jour où j'ai voulu être journaliste, ils ne m'ont pas pris deux années de suite. Donc, j'ai dit, vous êtes gonflés parce que je n'ai jamais aimé l'école et là, je veux y aller et vous ne me prenez pas. Du coup, je suis journaliste autodidacte. Donc, j'ai commencé à travailler ici dans une radio associative, une radio bascophone, Gure Irratia à Bayonne. Et de là, de fil en aiguille, je suis passé à Radio Euskadi, donc en espagnol, parce que j'avais envie, en fait, de travailler à Euskal Telebista, c'est la télévision publique du Pays basque, donc c'est à Saint Sébastien, Bilbao, et moi je suis un des correspondants à Bayonne, et en fait, depuis assez petit, je voulais travailler là. Donc c'est génial parce que j'ai réussi à faire ce que je veux. Je voulais travailler avec telle et telle personne j'ai réussi, on est devenu collègues, amis, etc. C'est venu de là parce que je me suis dit que d'un côté, cette profession est magnifique, c'est passionnant parce qu'en fait, vous êtes en contact toujours avec des passionnés, c'est-à-dire dans la culture, le sport, les sujets de société et la politique aussi. Il y a vraiment de tous les profils. Au début, au moins, ils en veulent, ils ont vraiment une ambition, ils ont envie de faire quelque chose. Donc en fait, vous êtes en contact avec des gens, c'est très gratifiant, c'est passionnant et c'est même un peu... Une petite drogue, quoi, des fois. Alors c'est bien de lever le pied quand tu travailles, t'as envie de t'arrêter, mais finalement... Des fois, quand tu ne bosses pas, tu te dis, j'aurais bien été là, j'aurais bien aimé accouvrir tel événement. Bon, maintenant, j'ai appris, de temps en temps, il faut faire des choix aussi. Et je m'étais rendu compte aussi, parce que pour moi, c'est important d'assurer la promotion de la langue basque. Et donc, je pensais qu'en étant journaliste bascophone, que c'était une façon, certains vont plutôt vers l'enseignement, d'autres vers d'autres disciplines ou professions, et moi je trouvais que les deux étaient assez intéressantes. Et j'aime bien exercer ma profession en basque, mais j'adore aussi être en contact avec des francophones, des hispanophones, ou aller voir aussi ailleurs, parce qu'on se nourrit de ça, on s'enrichit finalement. Enfin, moi je dis que je suis très riche, alors pas forcément le compte en banque, mais oui, cet échange, et en plus des fois tu te demandes, mais là c'est le journaliste qui parle ou qui s'intéresse ou la personne ? Voilà, j'écris des livres, je suis amené à être en contact avec certaines personnes. Et des fois, je me dis, mais j'ai fait ça pour le sujet ou pour être en contact avec eux ? Alors, je sais, j'étais là pour faire le documentaire, le livre ou le reportage, voilà, pour ma chaîne. Mais c'est vrai que ça va au-delà. Alors, on ne peut pas faire tous les sujets non plus de cette manière-là. On ne peut pas tous les tourner comme ça. Mais la plupart, oui. Et du coup, on arrive à tisser des liens avec les uns, avec les autres. Et ça aide. Et c'est... Ouais, c'est sympa, c'est gratifiant.

  • Christine

    Dans le cadre de ton parcours, tu disais que tu étais autodidacte. Est-ce que tu as pu rencontrer ou des personnes, ou côtoyer des outils, pour justement apprendre à... À manier ta voix, à l'utiliser par le média radio ? Est-ce que tu as à souvenir de ça, de moments ou de personnes marquantes dans ton parcours ?

  • Franck Dolosor

    Ça s'est fait petit à petit en étant en contact avec les uns et les autres. J'ai eu quelques formations, mais pas beaucoup. Et après, c'était surtout, alors pas en copiant, mais un petit peu en imitant ou en voyant ce qui se fait ailleurs, en allant voir les gens aussi, ça c'est important. Des fois, je faisais des demandes de stage, ils ne me prenaient pas, puis je disais, ne vous inquiétez pas, je viendrai quand même. Et voilà, je disais, je peux rester au fond du studio, je ne dirai rien, mais juste écouter, voir, apprendre, voilà. Ça, j'ai réussi à le faire. Et d'ailleurs, des fois, je croise maintenant des collègues qui me disent « Tu te rappelles que tu étais venu là quand même ? » Et ça, je dis « Oui, oui, je me rappelle très bien. » J'avais même des photos, on n'en prenait pas autant que maintenant. Mais enfin, j'ai des souvenirs. J'étais à telle Radio, à Saint-Sébastien, tout ça. Enfin, c'était des moments importants. Et puis, la voix, petit à petit. Bon, après, moi, je fais les choses de façon assez naturelle. Je ne vais pas chercher. Après, on a été amené à faire des sujets. très graves, d'autres un peu plus légers, donc du coup tu apprends un petit peu à moduler. Et puis là, admettons, moi ma voix, au début ça me faisait bizarre, parce que ça fait toujours bizarre quand on s'enregistre, quand on repasse la cassette, je dis « il y a un souci là, ça n'a pas bien enregistré en fait, parce qu'on n'est pas habitué à enregistrer sa voix » . Et puis moi ma voix, je sais qu'elle est comme ça. Bon, elle est comme ça maintenant, parce que moi j'ai eu plusieurs voix. On a une voix quand on est gamin. Après, elle change à 13-14 ans. Et d'ailleurs, c'est compliqué parce que des fois, il y a des pics comme ça. Et puis, quand on... Moi, je me souviens de ma voix quand j'étais gamin. D'ailleurs, j'ai un enregistrement que je ne te montrerai pas, d'ailleurs. Mais j'aime bien l'entendre parce que je sais qu'à l'époque, je parlais comme ça. Après, forcément, ben voilà, ça change. Et puis, à partir de 16-18 ans, 17-18 ans, j'ai la voix que j'ai maintenant, une voix. assez grave, assez posée. Je peux faire même plus grave. Je peux descendre encore plus bas, mais j'aime bien. Bon, après, je ne vais pas monter trop haut non plus. Et après, une voix un peu nasale. C'est embêtant quand je suis enrhumé, par exemple, parce que déjà que cette voix peut vous paraître insupportable. Je sais qu'il y en a beaucoup, certains, qui l'apprécient et d'autres qui n'aiment pas trop, parce qu'en plus de la voix, il y a l'accent, qui n'est pas forcément l'accent du Pays basque, pas l'accent de Saint Pée. Et des fois, on me fait la réflexion, on me dit, mais toi, avant, tu ne parlais pas comme ça. Bon, là, je dis, ça fait une paye que maintenant, c'est comme ça et ça ne va pas changer. Mais ça, ce n'est peut-être pas lié directement à la voix, c'est peut-être lié à l'utilisation quotidienne de plusieurs langues en même temps. Et des fois, on me dit, mais tu as un accent à couper au couteau. On me demande quelle est ma nationalité. Je suis juste du village d'à côté. Mais ça, on me l'a expliqué, en fait, depuis. Et d'ailleurs, c'était assez bien parce que... C'est gênant, c'est embêtant quand même, quand on te fait des réflexions par rapport à la voix que j'ai. Je n'ai pas l'impression qu'elle est aussi dérangeante, mais je voulais savoir pourquoi. Et en fait, un jour, un toubib m'a expliqué que c'est au niveau neurosensoriel qu'il y a un mélange des sons qui se fait. Et donc que je reproduis certains sons de la langue basque quand je parle en français ou certains sons de la langue espagnole. que j'utilise tous les jours en français ou en basque ou l'inverse. Après, c'est vrai qu'on a une façon de parler en basque quand on est de Saint Pée, puisqu'on a notre variante qui est une des plus belles de la langue basque, je dirais, mais on a aussi un basque unifié. Et le fait que sur la chaîne dans laquelle je travaille, c'est cette variante que je dois utiliser, du coup, il y a un mélange qui se fait, puisque je suis amené à parler, travailler, côtoyer tous les jours des gens de Saint-Sébastien, Bilbao, c'est peut-être pas... aussi courant pour toutes les personnes, tous les habitants de notre village. Mais voilà, donc en fait, c'est bien d'avoir l'explication, parce que c'est un peu désagréable d'aller dans un restaurant et on vous dit, ah, vous êtes américain, j'ai fait toutes les nationalités, je dis, ils auraient pu commencer par le Québec, ou non, mais je ne sais pas, c'est bizarre. Et un jour à Paris, le plus drôle, c'était, quelqu'un me demande une adresse, je dis, je ne sais pas, et on me dit, mais vous êtes polonais, Je lui ai dit, mais non, je suis basque. La bonne femme, elle m'a dit, mais moi, je suis d'Isturitz. Et j'ai dit, bon, voilà, donc on est partis dans une conversation. On ne s'est plus arrêtés. Mais c'est vrai que des fois, ça ne me dérange pas, mais des fois, tu vas juste acheter un truc. Donc, tu n'as pas envie qu'on te fasse une réflexion ou qu'on te dise, surtout qu'ici, il y a beaucoup de gens, enfin, au Pays basque, il y a beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur. Moi, ça ne me dérange pas. Si en plus, on doit avoir des... des commentaires un petit peu désobligeants comme ça, là, ça commence à me déranger un peu. Et surtout que des fois, tu vas juste acheter une baguette et tu te barres. Donc, voilà.

  • Christine

    Alors, c'est des remarques qu'on te fait quand tu parles en français. Est-ce que c'est le cas aussi quand tu parles en espagnol ou en basque ? On te parle de ton accent aussi ?

  • Franck Dolosor

    Oui.

  • Christine

    D'accord, c'est dans les trois langues.

  • Franck Dolosor

    Oui. Le mélange se fait dans les trois. C'est curieux, c'est comme ça. Après, je ne me formalise pas. Le seul souci que j'ai, et ça c'est un gros souci, c'est que je ne peux pas faire de canular, par exemple, parce que les gens reconnaissent ma voix. Donc ça, ça m'embête parce que moi, j'aime bien plaisanter et tout ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, ils me reconnaissent. Par rapport à mon travail, ça m'est arrivé d'appeler la gendarmerie. On me dit, oui, on sait qui vous êtes. Ou sinon, le plus drôle, c'était un jour, il y avait des grèves à l'aéroport de Bilbao, il fallait que je fasse une chronique, et le gars, il me dit, oui, c'est bon, on sait qui c'est. Bonjour, je voulais savoir, dans le cadre de mon reportage sur la grève aujourd'hui, les aiguillères du ciel, je voulais savoir. Ah, c'est bon, on te passe l'info, machin. Bon, voilà, c'est assez drôle, ou des fois. Et alors, ce qui est curieux, c'est que moi, maintenant, comme je travaille à la télévision, Euskal Telebista, la télévision du Pays Basque, j'apparais aussi à l'image. Mais les gens, ils ne me reconnaissent pas forcément au visage. Ils me reconnaissent à la voix. Et des fois, ça m'est arrivé, plein de fois, d'aller dans un restaurant ou comme ça, et les gens me disent « Mais d'où c'est que je vous connais ? » Je dis « Je ne sais pas. Moi, je ne vous connais pas. » Et après, je leur lance une piste. Je dis « Vous regardez les infos ? » Alors, en fonction de la langue, s'ils me parlent en espagnol dans le sud de la Navarre, je dis « Vous regardez les infos sur ETV2 ? Ah oui, c'est le gars de... C'est le gars de Bayonne. J'ai dit oui, oui, voilà, c'est moi.» Et voilà, donc c'est très drôle. Et après, un jour, à Elizondo, ça m'est arrivé aussi.

  • Christine

    C'est où Elizondo, explique-nous.

  • Franck Dolosor

    Oui, Elizondo, c'est un des plus beaux villages. C'est dans le nord de la Navarre, dans les montagnes. C'est la vallée du Bastan. C'est un des plus beaux endroits du Pays basque. Et là, j'étais dans un commerce. Et puis le gars, il me dit, ah, mais je vous reconnais. Mais tu ressembles énormément au gars qui fait les infos à Bayonne. Je lui dis, oui, bon, c'est moi. Il me dit, non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible parce que déjà, il fait 15 kilos de plus que toi. Donc, ce n'est pas toi. Et la voix, elle ressemble assez, mais ce n'est pas toi. Je dis, bon, on va pas se lancer dans le débat, c'est moi. Et il me dit, bon, déjà, vous pouvez changer de caméra si c'est toi, parce que tu ne passes pas bien à l'image. Donc, dis au caméraman de changer. Moi, je dis, la voix, je ne vais pas la changer. Il me dit, bon, tu n'es pas mal parce que quand tu parles en basque, tu parles posément, tu parles... doucement, parce que pour parler vite, on a l'espagnol. Et maintenant, c'est vrai que les gens sont dérangés de par cette vitesse, ce volume d'infos qui arrive, qui nous assome, mais en plus, il faut dire les choses de plus en plus vite. Et donc, du coup, certains, au moins, ils apprécient ça, c'est-à-dire le fait d'être posé un petit peu. C'est vrai qu'on est tellement... stimulé. Alors c'est bien aussi. Maintenant, il y a plusieurs canaux. Avant, il n'y avait que trois chaînes de télévision en 1980. Mais là, maintenant, ça a changé. C'est très bien. Mais du coup, c'est peut-être un peu trop. Donc, voilà. On perd le fil de temps en temps.

  • Christine

    Mais tu vois, là, tu renvoyais ce que te disent certaines personnes puisque c'est pas... J'espère que c'est pas quotidien ce genre de remarques sur ton accent ou ta voix.

  • Franck Dolosor

    Mais il y en a aussi des jolies, des anecdotes. Avant, quand on allait au Pays basque Sud, à Saint-Sébastien, à Pampelune, quand tu payais avec la carte bleue, il fallait aussi présenter la carte d'identité. Et moi, ils me disaient, ne la présentez surtout pas. S'il y a un problème, on sait où vous trouver. C'est génial, quoi. Juste par la voix, quoi. Je me dis, c'est Franck. Je dis, voilà, c'est moi.

  • Christine

    Toi, ta carte d'identité, c'est ta voix. Voilà. C'est génial. Toi, depuis, on a inventé, je ne sais pas comment on appelle ça, là, je suis en train de te montrer mon doigt. Tu sais, l'empreinte digitale pour dévérouiller son téléphone. Tu n'en as pas besoin. Toi, tu as la voix, en fait.

  • Franck Dolosor

    Ben oui, au moins pour ceux qui me connaissent d'Euskal Telebista ou de ton podcast. C'est vrai. C'est drôle, quoi, en fait. Et en fait, ça me fait toujours bizarre parce que moi, je suis autodidacte, je viens d'une famille, d'un village, je serai avec beaucoup d'humilité et tout ça. Donc, le fait d'être un peu connu ou reconnu, ça me fait bizarre. Et du coup, je le tourne dans l'autre sens. Je dis, ah oui, et vous, vous êtes d'où, de quel village et tout ça, parce que ça m'intéresse. En plus, les gens m'intéressent. Après, c'est vrai qu'il y a aussi ce phénomène, c'est-à-dire... notre chaîne, elle est surtout regardée au Pays Basque Sud, et eux, ils ne connaissent pas forcément, donc ils aiment beaucoup le Pays basque Nord, c'est-à-dire le Pays Basque côté français, quoi, mais ils ne connaissent pas forcément, alors ils vont connaître qui, voilà, un chanteur, un joueur de rugby, et encore, parce que le rugby, c'est pas non plus, là-bas, c'est plutôt le foot et la pelote, et tout ça, donc ils ont envie de venir ici, ils ont envie de connaître Iparralde, mais ils ne connaissent pas forcément. Dans le top 5 ou top 10, je dois y être. De par les années. J'ai été amené à faire énormément de reportages, tous les jours dans une chaîne qui est quand même assez regardée. Et du coup, ils ont envie d'avoir ce contact-là. Mais moi aussi, j'ai envie de savoir qui sont les gens qui nous regardent. Parce que nous, c'est facile de parler. Tu arrives avec ta chronique que tu as préparée. Ou pas d'ailleurs, parce que la plupart du temps oui quand même, mais je veux dire des fois tu as ta technique maintenant t'arrives avec deux trois phrases, t'arrives à tenir une minute etc., mais la plupart du temps, dans 99% des cas on prépare bien quand même le reportage mais du coup, moi ce qui m'intéresse c'est de savoir qui sont ces gens, pourquoi est-ce qu'ils regardent cette chaîne, pourquoi ils ont tel attachement à la chaîne alors que ce soit à ETB en basque ou à ETB en espagnol, où je fais un petit peu de radio aussi sur Radio Euskadi, en espagnol. Et du coup, moi, ça m'intéresse. Je veux savoir qui sont les gens.

  • Christine

    Juste Ipparalde, je précise, parce que tu sais qu'il y a... Tu ne sais pas forcément, mais il y a des gens qui écoutent On n'a qu'une voix depuis l'Inde, les États-Unis, des endroits un peu loin d'ici. Aujourd'hui, on est à Bayonne. Hipparaldé, c'est le Pays basque nord, en fait. Voilà, juste, on est d'accord.

  • Franck Dolosor

    Voilà, c'est le Pays basque en France. Il n'y a 3 provinces en France. Il y en a quatre dans l'État espagnol, mais il y a un Pays basque avec 7 provinces, donc voilà. La contextualisation, c'est vrai que c'est important, cette pédagogie aussi, de créer des liens. C'est ce qu'on fait aussi, peut-être que je ne fais pas assez maintenant.

  • Christine

    Moi, c'est moi la garante aussi de ça, ne t'inquiète pas.

  • Franck Dolosor

    Tu as bien fait de venir.

  • Christine

    Oui, tu vois, finalement, j'ai bien fait d'arriver à ce micro. Là, tu as parlé du ressenti des personnes quand ils écoutent ta voix et ce qu'ils te renvoient de ta voix. Et toi, au final, qu'est-ce que tu en penses de ta voix ? Est-ce que tu l'aimes ?

  • Franck Dolosor

    Moi, je l'aime bien. Alors il y a des choses que j'aimerais peut-être changer, ailleurs ou parfois, mais ma voix, c'est ma voix. Moi, je l'aime. Elle est comme ça. J'arrive à la poser. J'arrive à... Voilà. Non, ça me convient. J'aime bien. Moi, j'aime bien. Alors, le souci que j'ai... C'est que je chante faux. Alors ça, c'est un gros souci quand même au Pays basque, parce qu'on est un pays qui chante, à St-Pée, d'autant plus. Et moi, en fait, pendant toute mon enfance, j'avais ma soeur qui me disait « tais-toi, tu chantes au fond » . Maintenant, c'est ma compagne qui me dit depuis quelques années « tais-toi, tu chantes faux » . Mais moi, j'adore chanter, donc je m'éclate. Et après, il y a des chanteurs qui me disent « waouh, mais avec cette voix, vous pourriez faire… » Je dis, je ne pense pas, parce que tout le monde me dit de me taire. Donc, mais non, ne les écoutez pas. En fait, je pense qu'il y a une technique à apprendre. Déjà, à respirer plus avec le ventre qu'avec la gorge. Forcer comme un âne quand on est au bistrot, par exemple. Mais du coup, c'est quelque chose que j'aimerais faire. Après, j'ai toujours voulu être chanteur. Mais on m'a tellement dit de me taire que... Mais j'ai un micro quand même toujours dans la main. Donc ce que je fais, c'est que je le passe. J'aime bien mettre en avant les artistes notamment. Donc moi, je traite tous les sujets, mais notamment la culture et la musique et les chanteurs. Peut-être qu'on en reparlera après. Mais voilà, moi, ma voix quand même, elle me convient. Et l'autre jour, admettons, je chantais avec quelqu'un qui me dit « Tiens, je connais telle chanson, tiens, on va y aller. » Et puis elle me dit « Mais tu chantes vachement bien. » Donc, du coup, peut-être, je me dis, il y a quelque chose à faire. Il y a toujours...

  • Christine

    Je suis sûre qu'il y a quelque chose à faire. Au-delà de la radio et de la curiosité dont tu as parlé, de l'élan que tu as vers les gens, on sent quand même que finalement, la voix, ça t'intéresse. Tu vois, puisque tu as parlé du fait que tu t'intéressais à des chanteurs, à la culture. Et bon, moi, je te suis un peu depuis quelques années. J'ai lu certains de tes livres, etc. Mais on sent que quand même, la voix, le chant, ça fait partie de ta vie, j'ai l'impression.

  • Franck Dolosor

    Ah oui, complètement. Chez nous, il y a toujours la musique. D'ailleurs, des fois, beaucoup la radio. Mais au bout d'un moment, ça me fatigue. Et du coup, j'ai des fils musicaux et j'ai même des musiques qui me relaxent. Quand j'ai des moments de stress, admettons. moi j'aime beaucoup Estitxu une des plus grandes chanteuses, une des plus belles voix au monde, on va appeler un chat,o, est de Saint-Pée, on a toujours fait comme ça. Et elle, c'était le Rossignol de Briscous, une chanteuse basque qui aurait pu avoir la carrière de son impresario que je connais, me disait, j'aurais pu en faire une Nana Mouskouri, une Mireille Mathieu. Elle maîtrisait six octaves et demi, donc elle pouvait aller très bas et monter très haut et en plus garder ses notes très aiguës pendant très longtemps parce qu'elle avait du coffre. Et moi, Estitxu, c'est quelqu'un qui me touche, sa famille aussi, les Robles, avec le Quatuor Aritzak notamment. Et ces musiques et ces voix-là, elles me relaxent. Alors il y a des gens qui vont aller faire du sport, qui vont aller consulter, qui vont essayer de s'aérer comme ils peuvent. Et moi, si j'ai un moment de stress ou une réunion vraiment très importante, ou une négociation, ou quelque chose de pas cool, ben du coup, je vais écouter ça. Et après, ça passe très bien. Et on me dit, tu t'en es sorti pas trop mal. Mais j'ai dit, oui, mais moi, j'ai ma technique. Je la garde.

  • Christine

    Tu ne l'as partagée qu'aujourd'hui, avec nous en exclusivité mondiale ?

  • Franck Dolosor

    C'est écouter en boucle, juste avant un moment compliqué, ces voix, ces chants a cappella. Voilà,

  • Christine

    oui. Donc, a cappella, c'est vraiment la voix que tu aimes.

  • Franck Dolosor

    Oui, oui. Et surtout, des voix féminines. alors il y a des voix masculines aussi qui sont magnifiques, autant un chanteur qu'un présentateur un journaliste je vais dire mais c'est vrai que je vais plutôt aller vers enfin je vais plutôt aller ça se trouve comme ça celle qui me touche c'est plus celle-là

  • Speaker #2

    Et alors,

  • Christine

    dans les voix qui te touchent, est-ce que les voix des Bertsulaïs ont une place particulière ?

  • Franck Dolosor

    Oui. Ou pas.

  • Christine

    Alors, il faut expliquer. Parce que là, pour le coup, on parlait de contexte tout à l'heure. Est-ce que tu pourrais déjà définir ce que c'est que le bertoulalisme ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que tu peux définir pour les gens qui ne connaissent pas du tout, qui ne sont pas basques, et peut-être même qu'il y a des basques qui ne connaissent pas, enfin des gens qui vivent au Pays Basque et qui ne connaissent peut-être pas ?

  • Franck Dolosor

    Alors, c'est vrai que c'est très particulier. C'est l'improvisation de vers chantés. en basque vers chanter et rimer sur un sujet imposé. Donc il vous reste 20 secondes. Je vous donne le sujet et en 20 secondes ou une minute grand max vous devez chanter donc l'équivalent d'une poésie on pourrait dire. Et en fait alors c'est très particulier c'est propre au pays basque Je sais que ça existe un petit peu dans les îles Canaries aussi et à Cuba. J'imagine que ça doit exister peut-être aussi ailleurs, dans des cultures anciennes, autochtones. Ça doit bien exister, peut-être pas sous ce format-là ou sous cette envergure-là. Et moi, je trouve que le bertularisme, en fait, c'est la réponse à la question « c'est quoi être basque ? » .

  • Christine

    D'accord.

  • Franck Dolosor

    Et basque qui veut, comme il veut, on est bien d'accord. Mais dans le vertularisme, il me semble qu'il y a tous les ingrédients de notre identité. L'improvisation déjà, parce que la culture basque n'a jamais été figée, elle est toujours en mouvement, donc tu peux toujours rajouter, improviser quelque chose, ça c'est pas mal quand même. Le chant, forcément, la voix. Le partage, la langue basque aussi, forcément, il faut avoir une maîtrise totale. On peut être basque sans maîtriser la langue, mais c'est quand même un ingrédient important de l'identité. Et après, en même temps, il y a aussi ce défi de défier, parce que vous chantez à deux ou à trois ou à plusieurs. Et d'ailleurs, c'est une discipline très bizarre, dans le sens où, parce qu'il y a des concours aussi. Et dans un concours, ou dans une joute de Bertullali, pour que tu chantes bien, que tu crées de façon pertinente, il faut que l'autre aussi chante bien. Alors c'est curieux, parce que dans le sport, admettons, c'est pas comme ça. À un moment donné, si tu joues au tennis, ou à la pelote, ou au foot, il faut que l'autre soit un peu moins bon, et tu marques un point. Sauf que là, tu marques des points, plus l'autre chante mieux, plus ton adversaire est meilleur. mieux tu vas chanter, mieux tu vas être inspiré. Donc c'est génial et il t'amène d'un univers à l'autre. Ça peut être une parodie, ça peut être une critique, ça peut être pire, je ne vais pas dire qu'un assassinat, mais on peut t'assassiner avec un Berthoud qui n'est vraiment pas cool, qui dénonce quelque chose. Et en même temps, on peut surtout te rendre hommage, mettre en valeur quelque chose ou quelqu'un. donc je pense que Pour moi, en tout cas, la réponse à la question c'est quoi être basque ? Je pense qu'une partie de la réponse, au moins, c'est être bertulali ou amateur de bertulali. Moi, je ne les suis pas beaucoup non plus. Je ne suis pas toutes les joutes, je ne suis pas tous les championnats. Par contre, il y a des championnats par province, sur les sept provinces du Pays Basque. Après, il y a le championnat de tout le Pays Basque. Et la finale, là, j'assiste à tout. toutes les finales, c'est tous les 4 ans, donc ou à Bilbao ou à Pampelune, il y a entre 15 et 20 000 personnes, ça dure 8 heures, et quand tu termines, tu te dis mince, c'est passé très vite, parce qu'en fait, on t'amène dans un monde par la voix, par le chant, par la création, je vais te donner juste un exemple, Amé Tcharsayouz, qui est un grand berthoulaline, qui a été champion ici, Annie Parralde, au Pays Vasque Nord, qui a été champion aussi de tout le Pays Vasque, on lui impose un thème

  • Christine

    Et c'est des thèmes très actuels. Tu es dans un bus, tu t'appelles Mohamed, tu es migrant, tu assis dans un bus, et à chaque station le bus s'arrête, mais personne ne s'assoit à côté de toi. Et là, le type, en 20 secondes, il t'amène comme Spielberg t'amènerait dans un film, dans une autre galaxie, dans une autre dimension, alors que tu es toujours assis sur ton canapé chez toi. Il t'amène, il te raconte une histoire. Telle personne ne s'est pas assise à côté de toi parce que ceci, parce que cela. Et après, finalement, il y en a une qui arrive là. Bon, je n'ai pas tout le vertu en tête. Et à la fin, il dit, mais le souci, c'est qu'on est tous dans le même bus, mais on ne va pas dans la même direction. Donc là, tu as les 15 000 personnes qui se lèvent et qui se disent, voilà. Il y a un autre exemple, c'est Mayalen Lujambio, une autre grande vertu, qui le sujet imposé, c'est ... Ausha, le feu. Mais t'imagines, c'est même pas une question. Le feu. Bon. Eh bien, tu racontes avec ça ce que tu veux. Mais il y a plusieurs strophes. Il y a toute une technique. Tu dois le faire. Tu arrives là, c'est la finale. Moi, d'ailleurs, j'ai toujours dit, si je ne peux pas aller à la finale, je ne veux pas la voir à la télé. Parce que ça n'a rien à voir. Ça n'a rien à voir. Il faut être là-bas. Et le feu. Et donc, elle commence avec Homo sapiens, machin, le feu. le silex, le feu, et à la fin, elle arrive et elle dit et aussi ce que deux regards peuvent créer. Mais c'est génial, tu vois. Et quand on nous dit, des fois parce qu'on l'entend ça aussi, oh, les basques, machin, vous n'êtes pas un peu fermés et tout ça, mais je me dis, mais vous avez mis le miroir, parce que nous, là, les gens qui chantent ou qui créent ou qui font des choses, mais c'est des messages universels. Quand tu prends Salvador, Fernando Aire, le berger du repère. Tu lis ses textes, mais tu te dis, mais lui, il était en avance de 100 ans. Et voilà. Donc, voilà, moi, je veux bien Molière, Beaumarchais, Cervantes, Shakespeare. Oui, évidemment. Mais enfin, il y a les autres aussi.

  • Franck Dolosor

    Parce qu'en fait, au-delà de la prouesse, puisque je pense que les gens ont bien compris que c'est de l'improvisation et que c'est en vers, et que c'est des rimes. Donc, c'est quand même... Incroyable. Au-delà de ça, il y a aussi le côté engagement quand même. Il y a souvent, tu vois là, le feu, on peut partir dans plein de sens. Mais souvent, moi je ne connais pas comme toi, mais souvent quand même autour du virtualisme, il y a une notion de message fort. Tu es d'accord avec ça ou pas ?

  • Christine

    Oui. Et des fois, ça peut être très festif. Il y a plusieurs registres aussi. Mais oui, c'est vraiment faire passer un message. C'est être aussi... Le Berthoud, c'est un peu comme le chant, c'est la voix, c'est la communion d'une communauté à un moment donné. Et il y a plusieurs registres, c'est-à-dire que tu peux chanter au coin du bistrot, sur la place lors des fêtes du village. Et après, les concours sont un peu plus techniques, ils sont un peu plus tendus. Du coup, c'est mieux d'aller dans un repas où il y a des gens qui vont chanter. Et puis, c'est très populaire, c'est très festif, ça résonne dans ta tête. Donc il y a les bertsus d'un côté, puis il y a les bertsularis, qui créent des bertsus, et il y a aussi les dicholaris, c'est-à-dire des fois tu te réponds en faisant des rimes. Donc ça c'est très basque aussi, tu vois cet esprit où on te dit « ah, t'es venu, oui, dès que je t'ai aperçu » . Et là du coup on va passer l'après-midi, on va se répondre toujours en « u » , tu vois, ou en « ou » , ou en « o » . Et du coup, voyons, est-ce qu'on arrive à tenir une conversation sensée, drôle ? C'est toujours le goût du défi, un peu de la provoque aussi. Pourquoi pas, tu sais, il y en a qui nous embêtent, donc il faut les hop et rentrer dans le... Et après, tu vois, toujours répondre, et un peu cet esprit-là de convivialité.

  • Franck Dolosor

    Et toi, en 2010, tu as écrit un livre sur un Bertschoulali. Est-ce que c'est... Alors, tu vas nous expliquer un peu la démarche, mais dans l'idée, est-ce que c'est parce que tu connaissais ce Bertschoulali, dont tu vas nous parler juste après, ou parce que tu étais intéressé par le bertschoulalisme ? C'est dans quel sens que ça s'est opéré, cette affaire ?

  • Christine

    Alors, pour parler de Machinida Bola, un des plus grands bertschoulalis qu'on a eu au Pays Basque, mais quand je dis grand, c'est... immense, c'est un monument. Mais même nous, à Sempé, on n'a pas pris la mesure. Déjà, on parle de quelqu'un qui est né en 1879, qui est décédé en 1935. Donc même nous, les anciens qu'on a connus, ils n'ont pas forcément connu, ils n'ont pas pu apprécier la portée de ces créations. Il se trouve que j'ai un lien direct avec Machinilabola, puisque c'était le parrain de mon grand-père paternel. Il se trouve que Aitachi était mon parrain, donc c'est le parrain de mon parrain. et matching était mariée à une sœur de notre arrière-grand-mère. Donc on a un lien direct, c'était l'oncle par alliance de mon grand-père. Bref, quand j'ai commencé à faire du journalisme, en 1996, à Itachi, mon grand-père me disait toujours « Ah, c'est chouette, tu passes des disques à la radio, tu présentes des trucs. » Et moi, mon parrain, c'était ma chine. Mon parrain, c'était ma chine. Bon. Et en fait, il en était très fier. Et on n'a pas... Forcément beaucoup échangé mais je sais qu'il avait un attachement comme avait cette génération qui était baignée dans l'oralité, dans l'humilité, dans le respect des valeurs que nous on a vu mais qu'on retrouve pas forcément. Je suis pas nostalgique mais je dis juste que qu'est-ce que c'est chouette de les avoir connus. Et du coup... Aitachi n'avait pas connu Machin pendant longtemps parce qu'il était né en 1921, donc 1935 le décès de Machin. Il avait à peine 14 ans. Je pense qu'à 14 ans, il n'a pas pu bien comprendre tous les messages. Mais qu'importe, il avait un attachement, il aimait beaucoup et il en était fier. Et il m'en parlait pratiquement tous les jours. Et en 2008, j'étais amené à faire un recueil de témoignages dans mon village. à la gente à revivre neuf femmes et neuf hommes, donc les plus anciens du village à ce moment-là. Et quand je les ai fait parler, donc interroger sur la culture, toutes les questions étaient bien ciblées. Et concernant l'improvisation, le virtualisme, j'ai laissé la question ouverte. Et je dis, et le virtualisme ? Et tous les 18 m'ont répondu, « Ma chérie, la voilà, c'est un peu... » Je dis, mais vous ne l'avez pas connu ? « Oui, mais quand même... » Et là, ils ont commencé à me raconter. Quelques anecdotes qu'ils avaient entendues, eux-mêmes avaient baigné dans cette oralité, et ils étaient très fiers de Machin, mais qui avait été un peu oublié. Mais c'est logique, c'est des choses qui arrivent. Il peut y avoir une rupture de transmission, les gens changent, les municipalités aussi, on passe à autre chose. Mais pourtant, on n'en empêche pas l'autre. On peut parler des Bertullari de maintenant, ou des acteurs, ou du surf, on peut aller surfer. Mais ça n'empêche pas, tu peux surfer l'après-midi et quand même parler. Parce que quand tu regardes, et du coup, moi j'ai eu énormément de chance, parce que ça, je le reconnais tout le temps. En fait, mon travail, c'est un travail de réseau. Moi, je ne travaille pas tout seul. Et donc, je suis toujours tombé sur des gens qui m'ont aidé, parce qu'ils savaient, ah oui, le type de Bayonne, le type de TB, tout ça, bon, on t'aime bien, machin. « Du coup, on va te donner un coup de main. » Et du coup, c'est eux qui m'ont amené, donc Ausha Ligondo, l'un des plus grands journalistes du Pays Basque pour ne pas le nommer, lui qui a travaillé. Alors lui, pour le coup, il a bien connu Chalvador, Machin, Estichou, enfin voilà, il les a bien connus. Moi, quand je suis né, ils étaient déjà tous décédés pratiquement, enfin pas Machin Daez, mais... Et donc, c'est lui qui m'a amené, il m'a dit « Là, tu vas trouver... » En fait, on a retrouvé les dates des manifestations auxquelles Machin avait participé. Et donc, quand tu vas chercher ces journaux à Saint-Sébastien, à Villebao, il suffisait juste d'avoir la date et tu as les avant-sujets, la chronique du jour, le lendemain, le surlendemain, et tu retrouves quelques perles, quelques berchoux, quelques photos. C'est une satisfaction immense. Mais d'autant plus qu'il se trouve que je connais ses descendants.

  • Franck Dolosor

    C'est vrai.

  • Christine

    J'en ai une devant moi.

  • Franck Dolosor

    déjà et oui moi c'est mon arrière-grand-père donc je suis hyper émue de t'entendre parler de tout ça forcément parce que moi c'est grâce à toi que j'ai appris plein de choses parce que nous pour le coup on n'en parlait pas à la maison tu vois ça fait écho à ce que tu disais avant et voilà

  • Christine

    je te laisse continuer comme ça j'ai donné un petit contexte très personnel avec une petite touche d'émotion dans la voix mais je te laisse continuer non mais c'est des moments très gratifiants comme je te disais tout à l'heure parce qu'en fait moi quand je fais ça je le fais pour les autres là je l'ai fait pour vous aussi pour les chimpartards, pour les gens qui aiment le virtualisme en général ou les gens qui veulent connaître la culture basque mais dans la culture basque tu as tout tu as la pelote, tu as la gastronomie tu as tout ce que tu veux la danse, oui et il y a ça aussi et il y a des pointures, il y a des gens et alors là pour le coup, lui c'est un pionnier je vais faire court parce que le livre il vaut mieux le lire, d'autant plus qu'il est publié en basque et en français, parce que je me suis dit bon, moi je publie surtout en Neuschkara, en basque, et quelques années après, je publie en français ou en espagnol aussi. Mais là, je me dis, une histoire comme ça, il faut que tout le monde puisse le savoir, parce que c'est des parcours exceptionnels. Bon, 1879, 1935, il a été... amené à chanter dans des émissions radio à Saint-Sébastien. Pour l'époque, ce n'est pas tous les agriculteurs de Saint-Pé qui étaient amenés en taxi à aller chanter à la radio. Il a paré dans deux films, il a participé à des grandes manifestations. En 1935, juste avant de décéder, il aurait dû remporter le concours parce qu'on voit les points, les notes, et c'est lui qui aurait dû gagner. Finalement, ils ont donné... le premier prix à Bachari, bon, qu'importe, de toute façon il est là. Et c'est à nous aussi, comment dire, on a un patrimoine, alors le patrimoine, oui, c'est les pierres, les poutres, les châteaux, on aime beaucoup, mais il y a aussi le patrimoine linguistique, le patrimoine immatériel, comme on dit maintenant, et là, alors bon, finalement, je suis sur un créneau, mais je n'occupe pas ce créneau juste pour l'occuper, c'est-à-dire, c'était très gratifiant. Moi, quelqu'un m'a dit, et pourtant je l'adore cette personne, un livre sur Machin, ça ne va pas le faire. Tu n'auras pas assez. Je lui ai dit, écoute, qu'importe, je ferai une feuille recto verso. Puisque je savais qu'il y avait très peu d'archives, puisqu'il était dans l'oralité, qu'il ne savait pas lire et écrire. Mais ça, ça ne veut rien dire. Il faut remettre dans le contexte. Et donc, le souci de Machin, Enfin, ce n'est pas que le sien, d'ailleurs. C'est que... Qui écrivait dans la presse locale ? En l'occurrence, c'était le curé. Et il ne s'entendait pas trop. Alors que lui-même, il était croyant, pratiquant, mais enfin, qu'importe. Et du coup, on en retrouvait comme ça. Donc, il n'en parlait pas dans ses chroniques. Dans les chroniques de Saint-Pé,

  • Franck Dolosor

    le curé ne parlait pas de machine.

  • Christine

    Tu as le plus grand mertchouladi de tout le Pays Vasque dans ton village, mais il n'est cité à aucun moment. Sauf le jour où il tombe gravement malade, et la semaine d'après, où il décède. Et après, il y a quelques hommages, point barre, parce que moi, par politesse, on parle en bien des morts. Mais je me dis, il y a une erreur. Surtout que dans les autres journaux publiés à Saint-Sébastien, ou publiés par d'autres personnes, qui ont... Mais bon, ça... Est-ce que ça s'appelle la censure ? Oui. Bon, voilà, c'est dit. Et puis après, censuré aussi, parce qu'il y a des prises de position à un moment donné. Mais qu'importe la prise de position. Mais heureusement qu'il n'y en a pas. On ne va pas rester les bras croisés toute la vie. Et à un moment donné, il a vécu la Grande Guerre. Enfin, il a vécu, il a subi, puisqu'il a été gazé là-bas. Donc il est parti, je crois que son fils aîné était déjà né, et que les suivants sont nés après la guerre. Ça aussi, c'est un traumatisme, on n'en parle pas. Qu'est-ce qu'ils ont vu, tous ces... type, enfin quand je dis ce type, c'est quand même Aitachi, nos grands-parents, qu'est-ce qu'ils ont ? Alors maintenant, oui, on fait des grandes cérémonies, et c'est très bien, mais moi j'y suis, le 11 novembre. Mais le 11 novembre, il y a les deux côtés de la médaille. Il y a le côté, oui, forcément, voilà, c'est très bien, et voilà. Mais il y a aussi l'autre côté, c'est-à-dire c'était la grande boucherie. Donc lui, il a dénoncé ça dans les berchoux qui ont été pour le coup écrits. par d'autres personnes qui les avaient entendues, parce qu'à l'époque, ils avaient cette capacité. Ils ne savaient pas lire et écrire. On s'en fout. Ils savaient écouter. Déjà, c'est pas mal.

  • Franck Dolosor

    Et mémoriser, non ?

  • Christine

    On ne le fait plus, ça. Ça n'existe plus. Maintenant, il faut aller vite, vite, vite. Même si tu dis des conneries, il faut y aller. Mais ils étaient sur un autre registre complètement. Et donc, les personnes qui ont mémorisé, à un moment donné, se laissent en... passé ses vertus ses poésies et il ya quelqu'un qui l'a écrit et heureusement qu'on a là et ça ça va au delà du vertu l'anisme ça va c'est à dire la chronique des gens qui n'étaient pas d'accord avec certaines choses qui a jamais été écrite on la retrouve là donc pour moi ça va au delà mais ça va au delà de la culture basque c'est pareil c'est je suis pas enfermé dans la tranchée Et donc ça, c'est chouette que ça existe et qu'on ait pu avoir accès, le publier, le diffuser. Ça marche encore d'ailleurs, parce que j'en parle à 2010, quand même, ça passe.

  • Franck Dolosor

    Mais justement, tu ne veux pas nous lire un petit extrait ?

  • Christine

    Oui, le Berthoud dont je parlais, là, de 14-18, c'est « En espiritouan achtenais penchatsen, gisonaren bissia sergichetanden » Et à la fin, il termine « Batbertia ilsen, odolaychursen, bertia initsurundik irisachetsen » Mais là, ça veut tout dire, alors je vous le dis. Dans mon esprit, je commence à penser de quelle façon est la vie de l'homme. Alors, ce n'est pas simple à expliquer parce qu'on connaît beaucoup de justice. Nous, en train d'être broyés dans la peine, En train de se fatiguer les uns les autres, en train de se tuer, de s'entretuer, de verser notre sang, alors qu'il y en a d'autres qui rigolent bien, mais en nous regardant de loin. Tu regardes l'actualité, c'est quoi ? Eh bien c'est ça. Il est en plein, et ça c'est, ça il a écrit.

  • Franck Dolosor

    Dans les années 1930, quelque chose comme ça ?

  • Christine

    Oui, oui, entre... Les années 20, les années 30,

  • Franck Dolosor

    je crois.

  • Christine

    Et donc là, tu te dis, et puis ça continue, quoi. Mais c'est tellement joliment dit. D'ailleurs, c'est mon côté journalistique, mais tu ne peux même pas être contre. Comment dire ? Même s'il y a un message qui ne me convient pas, j'aime l'écouter, parce qu'il faut qu'il soit publié. Il faut pouvoir le dire. Sauf que lui, il n'a pas pu. Et ça, c'est important, parce que... Mais forcément qu'il faut faire les commémorations, mais... Vous imaginez qu'il y a quelques temps, il y a un élu qui a voulu supprimer le 8 mai. Mais le 8 mai, il ne faut pas le supprimer, il faut l'étoffer. Et le 11 novembre, pareil. Mais avec les deux, les trois, les quatre visions. Ça ne sert à rien de sortir d'agiter un drapeau pour en faire une utilisation. Mais n'utilisez pas ça. Mais vous imaginez la boucherie. Ici, dans un village à Bas-Sussari, il y a une dame, elle avait perdu... Cinq fils. Bon, et sur 14-18, on en aurait beaucoup à dire. Mais c'est pour ça que ça m'intéressait de voir aussi l'œuvre de Machin. Et après, des engagements aussi très forts par rapport à la langue basque, par rapport à l'unité du pays basque, par rapport à un certain... Alors toujours avec un respect. Ce n'est pas parce qu'on revendique qu'on n'est pas meilleur que les autres. On n'est pas moins que les autres. C'est juste ça. Et de vivre notre culture dans la convivialité. Et puis aussi, beaucoup d'humour. Il faut apporter beaucoup d'humour. Et ça, ils savaient le faire, les Hiverculades. C'est-à-dire, à un moment donné, ils vont te dire deux phrases ou ils vont t'amener, je ne sais pas où, et plaf ! Juste après, ils vont te dire... Mais tu vois, tout le monde rigole. Et voilà, c'est très drôle. Et ma chine était très drôle. Très drôle. Et donc, c'était compliqué parce qu'il n'y avait pas grand-chose à Sempé. la famille n'avait pas beaucoup d'archives, forcément, les inondations étaient passées par là aussi. Donc, les photos d'archives. Mais, en fait, moi, j'ai retrouvé pas mal de photos de Machin parce qu'il était invité dans les mariages, comme les accordéonistes à l'époque. Donc, les accordéonistes, tu les vois, ils sont sur le côté avec l'accordéon. Mais si tu regardes bien les photos de groupe, il y a Machin aussi sur le côté parce qu'il est invité, imagine, en mariage avec Machin, tu ne devais pas t'ennuyer. Et voilà. Donc c'est génial, et c'est très gratifiant, et puis ça me fait énormément plaisir de faire ça, parce que les années, elles passent aussi. Mais quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis, bon, c'est pas mal, j'ai quand même fait ça, j'ai fait des recueils de témoignages, sur les 18, il ne m'en reste plus que 2 en vie. Mais c'est normal, c'était en 2008, c'était déjà les plus âgés, les plus anciens du village. Mais t'imagines tous ces enregistrements ? Donc en 2008, en 2010, après j'ai été amené à faire des documentaires, d'autres livres aussi. Et puis quelqu'un m'a dit un jour, ah mais vous, finalement, vous travaillez avec du diamant. J'ai dit, non, encore plus précieux que du diamant. Je travaille avec les gens. Donc c'est passionnant.

  • Franck Dolosor

    Alors, je vais faire une petite confidence, on va se quitter bientôt, mais je vais faire une petite confidence à nos auditeurs et auditrices, c'est que tu m'avais partagé que tu n'étais pas très chaud à l'idée d'être interviewée, mais vraiment, moi, je te remercie parce que tu as joué le jeu pleinement. Franchement, tu as partagé énormément d'éléments extrêmement intéressants autour de la voix. Et puis moi, à titre personnel, j'ai appris plein de petites choses nouvelles sur mon arrière-grand-père, donc ça m'a beaucoup touchée. J'espère que ça intéressera d'autres personnes aussi. Donc vraiment, merci beaucoup d'avoir participé à On n'a qu'une voix. En plus, toi, on peut dire, je crois, que tu as vraiment une voix, même si tu as dit qu'elle avait eu plusieurs chemins. Je pense qu'on peut dire que tu as une voix qu'on connaît, qui est assumée, mais qui est vraiment tournée vers les autres. C'est ça qui m'a marquée pendant cette interview. Donc je te remercie beaucoup, Franck. Et puis je mettrai toutes les informations pour qu'on te retrouve sur les réseaux, sur ton site, etc., pour qu'on puisse aller voir. Parce que là, on a parlé du livre de Machini Rabola, mais il y a d'autres livres qui existent. que tu as écrits. Donc les personnes intéressées pourront accéder à tout ça dans la description de l'épisode de ce podcast. Donc merci beaucoup, Franck.

  • Christine

    Merci à toi. Et comme je disais, la voix, c'est important et c'est pour ça que j'aime bien cet espace d'échange parce que la voix, c'est une partie de l'identité. Tu arrives à voir « Tiens, aujourd'hui, ça va, ça ne va pas. Rien qu'à la voix, on peut savoir. » Et puis après, je pense qu'il faut soigner la voix et apprendre à la à la poser et à l'apprécier.

  • Franck Dolosor

    Merci Franck.

  • Christine

    Merci à toi.

  • Franck Dolosor

    Merci à vous d'avoir écouté cet épisode d'On n'a qu'une voix jusqu'au bout. S'il vous a plu, abonnez-vous dès maintenant pour ne pas manquer la voix de mes prochains invités. Et pour soutenir mon podcast, je vous propose de le noter et de le commenter sur votre application d'écoute préférée. Enfin... Un merci tout particulier à Émilie Décla, qui a créé et interprété toutes les musiques d'On n'a qu'une voix. Retrouvez l'actualité du podcast sur le compte Instagram ou LinkedIn, entre voix et mots. A bientôt !

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