Speaker #1suite de notre série sur les comportements humains face aux changements. Et aujourd'hui, je vous propose deux exemples très concrets de transformation numérique qui échoue et une autre transformation numérique qui réussit. La première entreprise dont je veux vous parler, c'est une entreprise qui probablement ne parlera pas aux plus jeunes d'entre nous, qui est l'entreprise Kodak. Personnellement, j'ai grandi avec les publicités clic-clac, merci Kodak, mais étant donné que l'entreprise a fait faillite en 2012, après 124 ans d'existence, il est probable... que les plus jeunes d'entre nous n'en aient jamais entendu parler. Kodak, c'est le géant de la photo argentique, donc le géant de la photo à développement, soit des beaux appareils photo avec pellicule, soit, comme quand j'étais petite, des appareils photo jetables qui nous donnaient un certain nombre de photos à faire, sans que l'on puisse prévisualiser la photo que l'on venait de faire, ce qui, aujourd'hui, nous paraît peut-être totalement aberrant. En 1973, Steven Sasson invente le premier appareil photo numérique. alors qu'il travaille chez Kodak. C'est peut-être le plus hallucinant dans cette histoire, c'est que l'invention de l'appareil photonumérique vient de chez Kodak. Et là, il fait face à deux objections majeures. Personne ne pense que l'appareil photonumérique sera l'appareil photo de demain. Dans l'histoire, il y en a eu plein, des gens qui ont raté des innovations majeures, qui partent de Apple beaucoup trop tôt, avant que l'entreprise n'explose, ou de Facebook, on en a plein des histoires. Mais c'est aussi le cas chez Kodak. Et aussi, l'autre objection, qui est peut-être beaucoup plus naturelle, c'est que cet appareil est une menace directe par rapport au business model de l'entreprise. L'entreprise, elle vend des pellicules, elle vend des consommables pour appareils photo. Demain, si l'appareil photo numérique remportait le marché, ça veut dire qu'il y a tout un pan de l'activité de Kodak qui disparaît. Donc, au-delà de ne pas croire aux besoins, Il y a aussi un côté de ne pas avoir envie d'y croire, parce que c'est le business model traditionnel de l'entreprise qui serait menacé si le produit qu'ils viennent eux-mêmes d'inventer gagnait le marché. Donc Kodak décide de ne pas investir, mais néanmoins dépose le brevet de l'invention. Le brevet va leur apporter sans surprise des milliards, mais ils décident de prendre le pas du numérique trop tard et n'arrivent pas à suivre la déferlante du besoin de l'appareil photonumérique. et la disparition finalement du besoin des consommables. Ils font faillite en 2012, après 124 ans d'existence. Je passe maintenant à une entreprise qui a fait beaucoup mieux et qui a beaucoup mieux géré sa transition numérique, c'est Lego. Donc Lego, grand géant du jouet, mais dans les années 2000, ils font face à de grosses pertes financières et la faillite est possible à ce moment-là. Il n'y a pas de certitude, mais s'il n'y a pas de décisions importantes qui sont prises à ce moment-là, il y a une possibilité de faillite. C'est à ce moment-là que Jørgen Vig Knudstorp, excusez-moi pour la prononciation, en tout cas le leader de Lego, réoriente l'entreprise en 2004 autour de cinq axes. Déjà, il y a la réduction des coûts. On rationalise les opérations, on réduit le nombre de pièces uniques et on se concentre sur le cœur de métier. Une des problématiques que Lego a rencontrées, c'est de trop se dissiper et de vouloir faire tellement de choses que ils produisaient des pièces uniques pour seulement un petit nombre de sets Lego, voire un seul set Lego. Tout ça, ça fait des moules en plus, ça fait plus de production, qui forcément a mis à mal la possibilité de rationaliser les opérations. Donc tout ça, on supprime, on supprime le superflu. On met à ce moment-là aussi en pause des projets qui sont très annexes par rapport au cœur de métier de Lego, qui est la construction de briques jouets. Typiquement, c'est l'époque où ils ont arrêté le développement des parcs d'attractions Lego, qui a repris depuis, mais à l'époque, on met ça en pause, il y avait du textile, il y avait des montres, tout ça, on réduit drastiquement pour se concentrer sur le vrai métier. Ensuite, on se concentre sur les forces. Donc, le retour aux sets de construction classiques en améliorant leur qualité et la créativité des sets. Chose que j'ai trouvée hyper intéressante dans leur choix, c'est que, par exemple, ils se sont servis du fait qu'ils pouvaient accéder facilement à leur communauté. en organisant des concours pour que les fans de Lego créent leurs propres sets avec des briques classiques. Et les vainqueurs de concours avaient la chance. Alors, chance pour qui ? Bonne question à mon avis, parce que c'est un petit peu du travail déguisé du coup. Mais ils pouvaient recréer des sets à l'infini avec les idées de leurs fans, avec des briques qui existaient déjà. Donc ça aussi, ils ont décuplé leur créativité en mobilisant leur communauté. Un des problèmes de Lego dans les années 2000, au-delà de leur dissipation des coûts et de leur trop grande diversité de produits, c'est qu'ils se confrontent directement à la montée en flèche des jeux vidéo. Les enfants ne sont plus sur des jouets physiques, ils sont de plus en plus sur des jouets numériques. Mais c'est là encore, idée géniale, ils décident au lieu de nier le problème et de dire que, oulala, si on croit aux jeux vidéo, ça va tuer notre business model comme a pu le faire Kodak, ils décident de se lancer dans des licences communes avec des franchises à succès, comme Star Wars, Harry Potter, Marvel. Donc, les enfants, certes, sont sur leurs écrans, mais aiment leurs héros et aiment les retrouver dans les boîtes de Lego. Donc, quelque part, le fait que les enfants soient sur les écrans a quand même permis de les ramener aux jouets physiques parce qu'ils retrouvent les codes qu'ils connaissent. On a aussi énormément d'innovations produits à ce moment-là. On lance des Lego Mindstorm qui sont pour l'éducation robotique. Finalement, Lego vit avec son temps et s'ils ont arrêté certains produits qui les sortaient de leur cœur de métier, ils arrivent quand même à développer des produits qui sont cohérents avec le monde dans lequel ils vivent actuellement. On a vu que Lego a ramené les franchises dans leur boîte, mais Lego va aussi s'exporter dans les jeux vidéo et dans les films pour être finalement partout. Et ils vont aussi augmenter l'engagement et la digitalisation en renforçant leur communauté en ligne. On a déjà vu que la communauté était très forte, qu'ils ont pu l'impliquer dans la création de nouvelles boîtes, mais au-delà de ça, Lego est très présent sur les réseaux sociaux, ils vont organiser des événements pour les fans, on est vraiment sur une grosse mobilisation là-dessus, et un service client aux petits oignons, parce que, par exemple, un set Lego auquel il manquera une pièce ou sur lequel on perdrait une pièce, il est toujours possible de la recommander. Donc, sur quelque chose où on a quand même souvent des toutes petites pièces, c'est aussi rassurant de se dire que ce n'est pas parce qu'on a perdu une pièce que notre set est foutu et qu'il faut le racheter. Donc, il y a ce côté un petit peu réparabilité que l'on cherche tellement actuellement que Lego a bien pris en compte dans son modèle. Donc, cette transformation, elle est parfaitement réussie. Lego redevient un leader mondial du jouet. Ils étendent leur influence bien au-delà des briques traditionnelles. Ils ont réussi à surmonter la crise tout en restant fidèles à leur marque. Personnellement, je trouve ça absolument génial. C'est tout pour aujourd'hui. Et dans le dernier épisode de cette série sur les comportements humains face au changement, je vous ferai un focus sur les différentes réactions que les gens peuvent avoir face au changement et comment on les appréhende.