Speaker #04 mois que je suis en Australie, dont 2 mois en zone reculée. On appelle aussi le bush ou l'outback, qui est encore plus loin que le bush. Et j'ai passé le mois d'octobre 100% au campement, donc sur mon lieu de travail, qui est, comme je vous l'explique dans les 2 épisodes précédents de août et de septembre, au milieu de rien, dans une zone isolée, plus, plus, plus. Et plusieurs choses en sont ressorties. Donc dans cet épisode, on va surtout parler de routine, de vie dans le bush et aussi de privilèges. Donc on va parler de sujets un petit peu différents, mais vivre ici ça donne l'occasion de réfléchir à pas mal de choses. Et commençons par le commencement, c'est-à-dire mon quotidien. Donc je bosse plus ou moins chaque jour et chaque jour ressemble au précédent. Je me lève, je fais les petits-déj au client, je fais le ménage dans les logements. Ensuite j'ai un break et le soir je retourne bosser pour faire servir le dîner au client. Et pendant mon break, je fais plus ou moins les mêmes choses. Bref, la routine c'est installer. Et c'est... assez marrant de voir comme on reprend vite nos petites habitudes dès qu'on se pose quelque part. Genre les petits trucs du quotidien, nos petites routines du soir, etc. Et en vrai, ça fait du bien. On entend pas mal de critiques de la routine, mais je suis qu'à moitié d'accord. Je pense que à moindre mesure, elle est nécessaire à se sentir bien et qu'elle nous apaise. Et j'ai lu un livre qui s'appelle Où est le sens ? de Sébastien Boller qui explique vraiment en gros que ces rituels et ces routines calment notre esprit parce que En faisant une suite logique de mouvements, ça réduit l'incertitude du futur qui, elle, agite notre cerveau. Par exemple, un tennisman, avant de commencer la partie, qui est totalement inconnu pour lui, il ne sait pas comment vont se dérouler les choses, il fait une petite série de rituels, bon pas tous mais certains, vont faire une série de rituels, par exemple, taper trois fois la balle sur le sol, deux fois sa raquette, se toucher deux fois le nez, et ensuite lancer sa balle. De faire ça, c'est créer une suite logique de mouvements qui sont... prédictible et ça va venir calmer le cerveau qui va voir que il y a des choses qui sont dans un ordre et du coup, la suite peut bien se passer. C'est expliqué de manière grossie, j'espère que c'est clair, mais dans le quotidien, par exemple, personnellement, le matin, je me prépare toujours dans le même ordre. Je me brosse les cheveux, je me coiffe, eau sur le visage, petit-déj, laver les dents et c'est toujours dans le même ordre. Et du coup, quand je vais aller ailleurs, c'est pareil. Je reprends ma routine et mes enchaînements de suite logiques. Et je trouve ça intéressant à observer parce qu'au final, même si on est de l'autre côté de la Terre, dans un tout autre environnement, on en revient à ce qu'on a l'habitude de faire. Et finalement, à partir du moment où on se pose quelque part, on reprend nos gestes. Et le quotidien n'est pas si différent de notre quotidien de base, notamment en France, par exemple. Et avant de partir à l'étranger, on peut avoir un peu peur de se dire comment vont se passer les choses ? etc. Mais au final, vraiment, on... On en revient à des petits gestes du quotidien qui sont les mêmes. Donc il n'y a pas vraiment de différence dans la manière de vivre, surtout quand on est posé quelque part. Et du coup, je pense que c'est un peu pour ça qu'on est fatigué quand on est en road trip ou quand on est sans cesse dans la nouveauté. C'est qu'on n'a pas nos rituels, on n'a pas nos routines, on se réadapte à chaque fois et on ne sait pas trop comment les choses vont se dérouler. Donc du coup, voilà, prendre le temps à un endroit, ça aide à se sentir bien. Un autre gros calmant dans un endroit comme le bush, c'est qu'on n'a plus... aucune stimulation externe. Il n'y a pas de voiture, pas de route de circulation, pas d'inconnus autour de nous, mais il n'y a pas aussi de pancartes publicitaires, il n'y a pas d'enseignes de magasins, tous les petits stimuli marketing qu'on peut avoir sans trop se rendre compte tout le temps autour de nous, ici, il n'y a rien du tout. Et du coup, notre attention va se porter ailleurs, sur les oiseaux qui chantent, le coucher du soleil, la chaleur sur la peau, et ça a ses avantages parce que c'est vraiment... apaisant, vraiment on se sent plus relax. Mais l'inconvénient c'est que on peut vite être pris dans un tourbillon de pensée et avoir des coups de mou, des baisses de morale parce qu'on remet des choses en question où on va s'ennuyer, on va penser à nos proches et c'est un petit peu étrange. Perso je passe régulièrement par des petites crises existentielles où vraiment rien n'a de sens et je pense que moins on a de stimulation externe peut-être plus on a de la place pour nos pensées. Je ne sais pas trop, je ne saurais pas l'expliquer, mais il y a vraiment ces phases de up and down quand on habite ici, quand on bosse dans le bush. Et en en parlant avec une collègue qui est australienne, qui a l'habitude de ça, parce qu'elle, elle bosse en zone éloignée depuis longtemps, elle disait que ouais, en effet, c'est des phases. Et sa mentalité, elle, face à ça, elle aborde vraiment la chose en mode, ben voilà, tu sais que c'est une phase, tu sais que ça va passer, tu sais que demain, ça ira mieux. Donc, tu avances, tu attends la prochaine vague et puis voilà, tu laisses couler. Et ce que je remarque, c'est que dans un environnement qui peut être un peu difficile à vivre à la longue, avec un taf qui n'est pas le meilleur du monde... personne ne se plaint. Vraiment, j'entends personne se plaindre. Et je peux vous dire qu'en France, ça râlerait à longueur de journée. Il fait trop chaud, je m'ennuie et ça c'est dur et nanana. Et j'en ai parlé du coup avec cette même collègue qui me disait Je suppose que nous, les Australiens, on se dit Allez, on traverse cette période, on avance et puis voilà, on fait le taf et puis basta. Vraiment simple, juste, t'avances à travers les journées. Et franchement, j'ai trouvé cette mentalité plutôt cool. Et ça fait du bien de juste ne pas entendre se plaindre. Tout le monde fait sa life et puis c'est tout. Et j'ai surtout eu le temps de prendre du recul sur pas mal de choses. Je me répète surtout très souvent que vraiment, je n'ai pas à me plaindre du tout et je n'ai rien pour me plaindre en vrai. Déjà de 1, je suis là où je voulais être il y a 5 ans. Et ça, c'est un bon reminder d'apprécier ce qu'on a, ce que j'ai. Et de 2, en fait, je suis vraiment totalement libre de tout, de la vie que je veux et je peux vraiment... tout faire, quoi. Et j'ai une chanson à laquelle je pense souvent. Les paroles, ça dit Rich people cross the border and the poor people cannot En français, les riches traversent les frontières et les pauvres ne peuvent pas. Et après, ça dit T'as de la chance si tu as le passeport, tu vas à l'aéroport le plus proche. Pas comme les boat people, donc les gens sur les bateaux. Si t'as de la chance, t'es libre, sinon tu peux pas quitter ton pays. C'est une chanson de Stain High Patrol qui s'appelle Boat people Et ça, aussi, je pense que c'est un bon reminder de se dire que je ne peux pas me plaindre. Quand on pense à ça, je me dis vraiment que je suis libre de tout. Et ce n'est pas le cas de tout le monde. Il y a beaucoup d'inégalités au niveau des privilèges. Déjà, juste là où je suis, il y a un contraste énorme qui souligne les inégalités entre les aborigènes et les blancs. Les clients de mon campement, en gros, ce sont des clients blancs très riches. Et dans la zone où on est, il y a beaucoup d'aborigènes qui vivent, notamment dans le village de Manin-Gerida. C'est le village le plus proche du campement. C'est le village d'où nos clients partent pour aller pêcher. Et dans ce village, vraiment, les maisons ne sont pas ouf. Elles sont un petit peu détruites. Il y a des détritus partout dans les rues, dans les jardins des maisons. Il y a des voitures complètement pouraves, rouillées à la mort, qui sont laissées partout. Ça fait vraiment très pauvre. Et c'est vraiment un contraste énorme entre nos clients riches et les locaux qui sont dans la pauvreté. Et je trouve que c'est un petit peu représentatif de la situation ici. Parce qu'en Australie, je trouve qu'on sent un peu une gêne autour de la situation avec les aborigènes. Donc pour vous faire un mini-mini-cours d'histoire, attention, très grossi et très résumé, les aborigènes, ils sont en Australie depuis au moins 40 000 ans. Vraiment, je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que 40 000 ans, ça représente. Et il y a environ 250 ans, donc c'est-à-dire à peu près hier par rapport à 40 000 ans, les Européens et notamment les Britanniques... ont débarqué en Australie, se sont répandus et ont colonisé l'Australie. Et ils ont un peu tout chamboulé dans le mode de vie des aborigènes. Et aujourd'hui, la situation, elle est un peu tendue. Les aborigènes, ils n'ont pas vraiment de pouvoir, il y a du racisme un peu partout. Et pour vous donner une idée, les aborigènes n'ont été recensés comme citoyens australiens que depuis 1967. 1967, c'est genre les dates de naissance de nos parents à peu près. Donc c'est que dalle. Et avant ça, ils étaient classés comme... éléments de la faune et de la flore australienne. Vraiment je trouve ça fou. Enfin voilà du coup pour grossir la situation et bref du coup je suis là et je suis pas très à l'aise c'est un petit peu bizarre comme sentiment et j'aimerais pouvoir en parler plus en profondeur mais en étant dans ma position en fait je fais que constater la situation et je suis pas ici pour faire évoluer la condition des aborigènes et quoi que ce soit mais constater ça, ça fait réfléchir et ça fait un peu ouvrir les yeux sur certaines choses, notamment sur nos pratiques en voyage, mais également sur le privilège de l'homme blanc occidental, qui peut vraiment voyager à sa guise, faire ses activités à sa guise, où il veut, quand il veut, vraiment il y a zéro limite. Et je suis aussi tombée sur une page Insta qui parle bien de tout ça, et qui amène à réfléchir, elle s'appelle Descolonial Voyage, donc je vous mettrai toutes les références dans le descriptif, et elle parle justement, par exemple, des influenceurs au voyage, et des problématiques autour de tout ça. du fait que la planète, c'est un peu un accessoire qu'on met en avant et qu'on est déconnecté des réalités qui nous entourent. Mais voilà, j'aborde ces sujets parce que je m'en rends plus compte en étant ici et je ne rentre pas en profondeur dedans parce que clairement, je manque vraiment de connaissances sur le sujet. Mais mon but, c'est de vous montrer d'autres aspects que tout est beau, tout est rose quand on va dans un nouveau lieu, dans un lieu qui est très beau, qui est paradisiaque, etc. Donc bien sûr, le monde est très beau, il y a plein de choses à voir, plein de belles personnes à rencontrer. Mais il faut aussi considérer les gens qui y vivent et tout ce qui se passe autour. Et surtout, sur ce podcast, je fais la promotion de l'immersion à l'étranger, aller habiter dans un pays et vraiment s'imprégner d'un pays, d'une culture, etc. Parce que pour moi, c'est enrichissant. Et pour cette immersion, je pense que c'est important d'avoir conscience des différences de privilèges, de niveau de vie, de mode de vie, pour respecter ce qui est et ce qu'on ne connaît pas. Et ne pas arriver avec nos gros sabots, imposer son lifestyle et juste respecter ce qui est. Et pour moi, la finalité de cette conscientisation et de cette remise en contexte, c'est tout simplement un meilleur vivre ensemble. Et pour conclure, je peux dire que c'est un petit peu bizarre de vivre tout ça, mais ça vaut quand même la peine d'être vécu, même si c'est un peu bizarre, parce qu'à toujours avoir la tête dans le guidon, on peut se retrouver un petit peu en mode autopilote, sans trop avoir conscience de 1, du monde autour de soi et de tout ce qui se passe, et de 2, ne pas avoir conscience de soi. et de qui on est. Et lever la tête, ça fait un petit peu ouvrir les yeux sur certains trucs. Donc, je vous encourage à voir ce qui se passe et ce qui existe autour de vous. Et enfin, je vous dis rendez-vous en novembre où l'aventure va reprendre parce que je vais enfin quitter le campement dans précisément 18 jours. Et je suis bien décidée à prendre le temps de visiter le pays. J'aurai quasiment fini de faire mes 88 jours pour pouvoir renouveler mon visa derrière si jamais je le souhaite. Donc, je vais avoir du... pour des petits bacs donc je vous raconte tout ça fin novembre et si l'épisode vous a plu je vous invite à mettre 5 étoiles sur la plateforme d'écouté sur laquelle vous vous trouvez et je vous dis à bientôt