- Christian
Il manie les mots avec autant de talent qu'il pétrit le pain. Adriano Farano est à la fois journaliste et boulanger. Il est le fondateur de la typique boulangerie Pané Vivo, 49 rue de la Chine, dans le 20e arrondissement à Paris. Il a fait de Pané Vivo un véritable laboratoire de panification engagé. Ce napolitain d'origine est un véritable explorateur de nos temps modernes. Il nous racontera comment son aventure entrepreneuriale a démarré à Stanford. En 2010, et comment ? Il est devenu, en quelques années, professeur Spoon. Il est aussi l'auteur d'un livre extraordinaire que vous devez obligatoirement acheter, Je ne mangerai pas de ce pain-là après une enquête de plus de trois ans sur les traces du véritable pain qui serait, selon lui, sans gluten. On va évidemment en parler. Alors, en diable ! Une émission présentée par Christian Regouby. Cher Adriano, raconte-nous un petit peu la source de ton identité. Elle vient d'où, bien sûr italien, mais toute cette dynamique que tu as.
- Adriano
Oui, alors j'étais à l'époque expatrié en Californie. Comme tu l'as dit, j'avais eu la chance de gagner, après une carrière dans le journalisme, une bourse de recherche sur ce sujet à l'université de Stanford. Et j'avais comme ça, un peu pour m'amuser, construit un four en argile. dans mon jardin, dans lequel je faisais des pizzas et du pain, puisqu'on avait beaucoup d'invités. Le dimanche, souvent, les gens voyaient ce pain et me disaient Ah, je ne mange plus de pain parce que ça me fait mal au ventre. D'autres qui n'en mangeaient plus pour des problèmes de diabète ou parce que le pain, aujourd'hui, fait grossir. Et donc là, je me suis dit Mais c'est quand même bizarre, alors que ça a été la base de notre alimentation pendant des siècles, voire des millénaires, que ce pauvre pain soit autant le... bouc émissaire, entre guillemets, peut-être, de cette alimentation qui a muté, d'une certaine façon, comme un mauvais virus. Et là, effectivement, j'ai commencé à faire des recherches. J'ai remis ma casquette de journaliste parce qu'entre-temps, j'étais devenu entrepreneur dans la tech. Et j'ai entrepris, sans vraiment me rendre compte, une enquête très personnelle qui a donné le livre Je ne mangerai pas de ce pain-là Et à l'issue de ça, entre-temps, on est revenu en France avec ma femme et mes enfants. J'ai décidé d'ouvrir Panévio pour... proposer un pain qui fait du bien.
- Christian
Donc tout un chemin, et tu as continué ta carrière de journaliste ?
- Adriano
Alors, pas vraiment, si ce n'est que j'enseigne à l'école de journalisme de Sciences Po, et que le journalisme reste comme ça, une fois qu'on l'a attrapé, une mauvaise maladie, j'ai toujours cette curiosité d'essayer de ne pas me contenter de ce qu'on me dit, mais de gratter un petit peu pour essayer de trouver un petit peu la vérité. sur cet amour aujourd'hui qui n'est plus tellement à la mode. Mais pour moi, à partir du moment où on fait une enquête, on fait des recherches, on peut encore aujourd'hui pouvoir distinguer le vrai du faux. Et force est de constater que dans le domaine de la boulangerie, il y a beaucoup de faux.
- Christian
Ce qui est extraordinaire dans ce que tu dis, c'est que tu touches aussi à quelque chose de fondamental. qui est justement le vrai du faux, et Dieu sait si dans l'information aussi, aujourd'hui, c'est difficile, et toute la démarche, qui est celle d'ailleurs que je retrouve dans ce que vous faites au Collège Culière de France, qui est avant tout de se poser des questions, d'être curieux, à la fois du métier des autres, et c'est véritablement la base même du journalisme, c'est du vrai journalisme, en tout cas. Oui,
- Adriano
c'est l'idée de refuser la facilité. Voilà. Et je pense que c'est vrai pour la plupart des informations, en général, et c'est d'autant plus... plus vrai quand on parle de bonne chair, de nourriture, de gastronomie, d'alimentation. Ce qu'on veut nous vendre comme la doxa, souvent ce sont des foutaises. Prenons un exemple. Aujourd'hui, vous rentrez dans une boulangerie artisanale. Déjà, le mot artisanal devrait nous donner des informations. Il nous donne des informations sur la démarche qui est celle du boulanger ou de la boulangère. Or... Aujourd'hui, tout ce que cela représente en vrai, quand on a vraiment gratté, ce n'est que le fait que le pain soit fait sur place. Très bien, sauf que moi sur place, je peux faire plein de choses, je peux faire aussi du poison. Et effectivement, quand on voit aujourd'hui, par exemple, on analyse l'indice glycémique même du pain complet, il est à 85, c'est-à-dire supérieur à celui du Coca-Cola. Je rappelle que l'indice glycémique mesure la vitesse avec laquelle le glucose arrive dans le sang, donc plus... Cet indice est élevé, moins on est rassasié parce qu'il y a le glucose qui va bombarder nos vaisseaux sanguins. Et donc, on développe tout un tas, ou on peut développer en tout cas tout un tas de maladies, dont le diabète par exemple. Donc, quel pain est-ce celui-là qu'on nous propose aujourd'hui s'il a un indice glycémique supérieur du Coca-Cola ? Et je parle du pain complet. Figurez-vous le pain blanc.
- Christian
Oui, c'est encore pire.
- Adriano
Donc, c'est encore pire. Donc, ça pose tout un tas de problèmes qui sont non seulement de l'ordre, on va dire, médical et nutritionnel, mais culturel également. Bien sûr. Parce qu'on n'est pas en train de parler de n'importe quel aliment. On est en train de parler de l'aliment de base qui est celui d'ailleurs qui, dans notre culture et dans la religion de beaucoup de personnes en France, c'est l'aliment qui est censé rassasier. Or… Voilà, aujourd'hui, il ne ressaisit plus et c'est un vrai problème.
- Christian
C'est certainement le symbole de l'évolution de notre société, voire de la dégradation de notre société, parce que tu dis, c'est très intéressant, surtout au Collège Julien de France, où vous vous appelez artisan, militant de la qualité. Vous avez redéfini ce que veut dire le mot artisan. Or, c'est tout sauf la facilité et la rapidité. Or, ce que tu décris magnifiquement dans ton livre, Je ne mangerai pas de ce pain-là, c'est que dans les boulangers qui travaillent beaucoup, c'est aussi une façon de faire rapidement du pain.
- Adriano
Oui, tout à fait. Et je pense que ce n'est pas un hasard si on a rajouté militant de la qualité, parce que le mot artisan, tout seul, n'aurait pas conféré suffisamment de valeur à la démarche qui est celle des hommes et des femmes qui animent ce réseau. Ce que nous retrouvons par exemple aujourd'hui dans... La plupart des restaurants, par exemple, c'est une utilisation absolument scandaleuse de sachets prêts à l'emploi pour faire un gâteau au chocolat, une pomme de terre, etc. Un purée de pommes de terre rapide. Et c'est souvent caché par une image d'un restaurant typique, etc. Sauf qu'après, en douce, on va utiliser ces préparations. De la même façon, en boulangerie, on a parlé de l'anis glycémique, mais je pourrais faire tout un tas d'exemples. On va utiliser souvent des mix de farine. Donc vous allez retrouver des pains, par exemple, aux graines. Les gens vont se dire, super, c'est un pain aux graines, c'est un pain healthy, un pain santé. C'est tout le contraire, parce que déjà le boulanger perd la liaison avec la terre, avec le producteur, dans ce mix de farine immonde dans lequel il y a plein d'ingrédients dedans. Et après, c'est la solution de la facilité. Donc, vous allez vous retrouver avec le pain viking, le pain nordique et toutes ces cochonneries. Et vous vous posez la question au boulanger, mais viennent d'où vos graines ? C'est quoi ? Bon, on ne sait pas. Et c'est un vrai problème. Alors qu'il y a encore aujourd'hui, et j'en connais d'autres évidemment, dans le collège culinaire, qui se démènent pour trouver des ingrédients de qualité à mettre dans leur pain. Et c'est ça qu'il faut rechercher dans un vrai artisan.
- Christian
Alors on va y aller quand tu vas nous décrire dans la deuxième partie comment est constitué justement le panais de panais vivant. Mais avant, on va faire une petite pause. Toc toc, qui est là ? Toc toc, qui est là ? Si tu étais un animal ?
- Adriano
Si j'étais un animal, alors sans doute la lynx. Le lin. Le lin, c'est qu'il y a une très bonne vue pour essayer de comprendre, de dénicher le vrai du faux.
- Christian
Une saison.
- Adriano
Une saison, sans doute la saison des moissons, que j'adore quand le blé est bien haut.
- Christian
C'est-à-dire l'automne ?
- Adriano
Non, non, non, plutôt l'été. L'été. L'été, c'est vrai. Si tu vois, il y a un très beau tableau, Les moissonneurs de Peter van Brugel, où on voit la taille des blés qui est très haute. Et ça, ce sont les vrais blés. Alors qu'aujourd'hui, les blés modernes, ce sont les blés nains. Et c'est avec ce blé nain... qu'on fait le pain qu'on retrouve dans la plupart des boulangers artisanaux. Pourquoi ? Parce qu'en étant petit, il ne va pas s'affaisser et donc les rendements sont plus élevés. Moi, j'aime bien quand le blé est haut.
- Christian
Oui, c'est très, très intéressant.
- Adriano
En plus, on peut jouer à cache-cache.
- Christian
Si tu étais un mot ?
- Adriano
Si j'étais un mot, pain, pané, si possible vivant.
- Christian
Un des cinq sens.
- Adriano
Un des cinq sens, alors le toucher. Le toucher parce que j'ai toujours aimé le côté tactile et c'est d'ailleurs grâce à cette... cette matière vivante que j'ai pu, justement, à un moment donné de ma vie, me reconvertir et récupérer, retrouver ce goût des choses et de la matière.
- Christian
Pétrir le pain.
- Adriano
Voilà, c'est ça. Il n'y a rien de plus beau.
- Christian
J'aime bien, tu as une formule, tu dis maintenant j'enfourne.
- Adriano
Et j'enforme.
- Christian
Et j'informe.
- Adriano
Exactement,
- Christian
exactement. Si tu étais une boisson ?
- Adriano
Si j'étais une boisson, alors je dirais le bon café, celui qui est... Italien. Alors, issu d'une machine italienne, pourquoi pas ? Il faut savoir que récemment, justement, l'adresse que tu mentionnais tout à l'heure, le 49 février à Chine, on l'a transformée dans un coffee shop où on sert un café de spécialité qui, moi avant, je le prenais avec du sucre. Il n'y a pas besoin de mettre du sucre parce qu'il y a un équilibre parfait entre amertume et acidité.
- Christian
Alors, on va passer maintenant à la deuxième partie, justement, sur l'explication de tout ce qui est une des valeurs clés du collège, de la transparence. et qui est vraiment ton chemin. Là, tu as commencé à nous expliquer. Est-ce que tu peux nous dire... Comment le pain des vivots est fabriqué ? D'où viennent les graines, etc. ? Puisque c'est toute une recherche, c'est une démarche qui n'est pas évidente, parce qu'il a fallu que tu ailles chercher à tous les niveaux.
- Adriano
C'est ça. Une fois que j'ai décidé de comprendre comment faire un pain qui fasse du bien, je n'avais pas encore décidé de me reconvertir. Je faisais du pain à la maison. Ma femme était ravie parce que la cuisine explosait avec toutes les farines possibles et imaginables. Et en fait, je testais et puis je me disais, mais moi, j'ai beau tester moi-même au niveau du goût, des parfums, de l'aspect fermentation, mais il faut que je puisse savoir qu'est-ce qu'il y a dedans. Donc là, j'ai fait une chose qui, moi, me paraissait complètement banale, qui était tout simplement d'aller voir un laboratoire pour leur demander d'effectuer des analyses sur le gluten. présent dans ces échantillons de pain. Et donc là, surprise, on prend les 35 variétés de blé anciennes, les plus cultivées en Italie et en France, et on va analyser et on va voir qu'en fait, il n'y a plus qu'une seule dont le gluten se dégrade vraiment complètement. Elle s'appelle Rousselo, et c'est cette farine qu'après, j'ai utilisée, j'utilise toujours pour faire mon pain.
- Christian
Et Rousselo, c'est issu de quel type de graines, qui est cultivée où ?
- Adriano
C'est cultivé en Sicile.
- Christian
D'accord.
- Adriano
Et c'est donc une variété ancienne de blé dur.
- Christian
Elle est toujours cultivée ?
- Adriano
Toujours cultivée. Alors, il faut savoir qu'en Sicile, aujourd'hui, tu as 52 variétés de blé ancien qui sont toujours cultivées, c'est-à-dire plus que le reste de l'Italie et la France ensemble. D'accord. Et pourquoi ? Parce qu'il y a une vraie tradition de biodiversité céréalière qui n'est pas nouvelle. et qui remonte même à l'époque grecque, voire un peu avant. D'ailleurs, dans le parc archéologique de Sérinunte, donc dans la province de Trapani, on va bientôt replanter du roussel. Ce sera une belle opération qu'on va faire avec eux, avec notre meunier là-bas, pour pouvoir donner à voir, quand les gens vont se promener et voir ces temples grecs qui sont parmi les plus beaux du monde, aussi le blé que pouvaient manger leurs ancêtres. D'accord.
- Christian
Donc, tu es parti de ces graines-là ?
- Adriano
Exactement.
- Christian
Et ensuite, alors, c'est le début, parce que comment tu fais après ?
- Adriano
Alors ensuite, il faut moudre. Donc ça, c'est la deuxième étape dans la filière blé-farine-pain, c'est la mouture. Alors aujourd'hui, la mouture, pareil, vous avez la voie de la facilité, qui est donc celle de ce qu'on appelle les cylindres métalliques, qui ont été inventés vers la fin du 19e siècle pour produire de la farine blanche en masse, de façon beaucoup plus rapide. Nous, on ne va pas faire ça, on va faire une mouture à la meule de pierre. La mouture à lamelles de pierre va permettre de mieux préserver tous les bienfaits du grain de blé. Notamment ce qu'on peut retrouver dans le son et surtout dans les germes de blé. Et là, on en vient à une autre arnaque, entre guillemets. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui en boulangerie artisanale le pain complet. Parce que moi, je te dis complet, ça devrait vouloir dire ce que ça veut dire. C'est-à-dire prendre l'intégralité du grain de blé. En fait, on va amputer. du grain de blé, ce qu'on appelle le germe de blé, qui est sa partie, comme par hasard, la plus précieuse. Et après, ce même germe de blé, on va se le retrouver sous forme de complément alimentaire, de produit pour les cheveux, pour la peau, parce que c'est un super aliment qui contient des huiles essentielles pour le bon fonctionnement de l'organisme et du cerveau. C'est pour ça qu'on est tous bêtes aujourd'hui. C'est parce qu'il n'y a plus de germes de blé dans notre pain. Et donc, nous, bien évidemment, on va demander à notre meunier, tu gardes le germe de blé dans la farine, même s'il faut payer plus cher, parce qu'il y a toutes ces propriétés. Et in fine, la troisième étape, ça va être la fermentation. Donc, au niveau de la fermentation, pareil, vous avez la voie de la facilité, qui est celle d'utiliser la levure de boulanger fraîche. Nous, on va utiliser... du levain naturel. Donc la différence, c'est quoi ? C'est que la lévure, c'est un seul micro-organisme standardisé reproduit en laboratoire, qui permet au pain de lever en une heure. Le levain naturel, c'est un peu plus le bordel, c'est un peu anarchique, c'est jusqu'à 200 micro-organismes différents, d'espèces différentes, qui vont être en compétition entre eux. pour pouvoir donc manger les sucres, extraire les sucres des amidons du blé. Après, comme toute fermentation, il faut savoir que la fermentation, disait un grand bûchimiste, est une forme de digestion par des êtres minuscules. Bien sûr. Ils vont manger. Et qu'est-ce qu'on fait, toi et moi et eux, après avoir mangé ? On fait des petits rocs ou des petits pets. Et ça, c'est la fermentation. Donc, l'air est éjecté et ça permet ensuite, le gluten va la piéger, cet air, et ça permet à l'amide de lever. Donc c'est magnifique, sauf que ça prend au moins 10 heures.
- Christian
Là où ça prenait une heure.
- Adriano
Voilà, donc évidemment...
- Christian
À tous les stades, on voit qu'il y a la voie de la facilité, c'est-à-dire l'industrialisation, et la voie naturelle.
- Adriano
Mais je dirais, Christian, que c'est toujours dans la vie, c'est comme ça. Bien sûr. On a toujours un...
- Christian
On est au cœur de...
- Adriano
Voilà, c'est dans la vie, dans l'artisanat. Et donc, le problème, là pareil, tu regardes, mais c'est quand même embêtant. Tu as là aussi une autre arnaque, c'est ce qu'on appelle le pain au levain. Parce que toi, tu vas à une boulangerie artisanale, dis-je bonjour, je voudrais du pain au levain, on va te le donner. Sauf que, quasiment dans la totalité des boulangeries françaises, le pain au levain est un faux pain au levain. C'est-à-dire, c'est un pain dans lequel, oui, il y a du levain, bien sûr, monsieur, mais ils vont rajouter aussi de la levure derrière. Pourquoi ? Pour aller plus vite. Bien sûr. Alors après, si tu vois le revers de la médaille, parce qu'on pourrait dire, non mais attends, il y a des gens encore qui font du levain naturel, bien sûr. Donc à Paris, sur 2500 artisans, tu vois, ceux qui vont faire du levain naturel exclusivement, sans ajout de levure, on les compte sur les doigts d'une main. D'une main. Avant, je disais de deux mains. Mais j'ai découvert depuis qu'il y en a plusieurs, je ne vais pas faire des noms, qui ont cédé à la voie de la facilité. Et d'ailleurs, on le retrouve dans la filière éducative. Depuis les années 70, ce n'est plus demandé pour obtenir son CAP boulanger de maîtriser l'art du levain 100% naturel. depuis les années 70. Donc, on a perdu quasiment deux générations de boulangers. Alors, encore une fois, il y a des passionnés encore qui le font. Mais en France, c'est peut-être une cinquantaine sur 35 000 boulangeries.
- Christian
Initialement, tu avais voulu proposer ça, et tu as proposé ça d'ailleurs au grand chef de la gastronomie. Et puis, le Covid est arrivé par là. Tu continues, il continue. Je sais qu'il y en a beaucoup qui utilisent ton pain aujourd'hui. Tu continues, mais il a fallu aussi, pour des raisons tout simplement économiques, que tu élargisses un petit peu. Tu as ouvert au grand public. Tu as la boutique dans le 20ème.
- Adriano
Dans le 20ème, 49 Fruits de la Chine, qui aujourd'hui ne fabrique plus de pain, mais qui est devenu un petit peu un coffee shop dans lequel on va servir du café de spécialité, dont je parlais tout à l'heure. 49 Fruits de la Chine. Ensuite, on a déplacé la fabrication, mais aussi on fait de la vente au 20 rue Albert Thomas, près de République. Nous avons également la boutique que tu connais. Très bien,
- Christian
puisque moi je dois dire juste un témoignage. Je ne mange plus que ton pain réellement. Non. Non mais c'est pas simplement pour te faire plaisir, mais alors, constat vraiment époustouflant, ton pain m'a fait maigrir. Non mais c'est époustouflant. Alors qu'on dit, tiens, il fallait que je perde un tout petit peu de poids, ton pain m'a fait maigrir.
- Adriano
Alors il y a deux raisons pour ça. Alors déjà, au niveau de l'indice glycémique. Parce qu'en fait, l'indice glycémique, nous sommes la seule boulangerie en France à avoir mesuré in vivo, c'est-à-dire avec des prises de sang, la finitude clinique, l'indice glycémique est faible. On est à 48,6 contre 85 pour le pain complet. Deuxième chose, c'est le gluten. C'est un gluten qui va se dégrader, donc il est moins inflammatoire. Souvent, on a des problèmes de gonflement de ventre qui ne sont pas forcément dus à une prise de poids, c'est plutôt le ventre qui gonfle. Et ça peut être léger. Mais en fait, là, on va donner un peu d'une trêve à notre membrane intestinale qui en a marre franchement d'être bombardée tous les jours par notre même système immunitaire. parce qu'en fait ce qui se passe c'est des réactions auto-immunes qui des fois peuvent être entre guillemets bénignes mais qui sont quand même des réactions auto-immunes c'est-à-dire le système immunitaire va se retourner contre soi-même parce qu'il est inflammé.
- Christian
Écoute, passionnant passionnant, il faut qu'on vienne de suivre tes cours, j'invite les auditeurs auditrices à aller sinon à Sciences Po,
- Adriano
je sais pas tu donnes des cours Non mais en fait c'est sur Instagram sur Instagram, je partage des petites vidéos éducatives
- Christian
C'est passionnant.
- Adriano
Panébibo
- Christian
On va passer maintenant à une deuxième rubrique, justement en toute transparence, pour te poser rapidement quelques questions. C'est fromage ou dessert ? Renaitre dans le passé ou dans le futur ?
- Adriano
Souvent notre pain c'est un peu, on va l'appeler un pain ancestral, mais moi faire un pain du passé ne m'intéresse pas. Je veux que ce soit le pain du futur qu'on fasse et pour ce faire il faut... une alliance entre sémences ancestrales, panification au levain naturel, mais aussi la science moderne pour faire les analyses et pouvoir trouver comment faire ce pain.
- Christian
Logique ou émotion ?
- Adriano
En tant que journaliste, je dirais surtout la logique, pour pouvoir essayer. Mais en même temps, quand on fait les choses bien, je pense qu'on peut aussi remobiliser des sens, une expérience sensorielle parfois oubliée. Souvent, les gens, quand ils vont manger mon pain, vont me dire que ça me rappelle le goût du pain de mon enfant.
- Christian
vie personnelle ou vie professionnelle ?
- Adriano
il faut trouver le bon équilibre et aujourd'hui j'ai trois enfants je suis très content avec aussi quatre boutiques et la boulangerie mais c'est bon, il faut y aller, la vie est courte d'accord,
- Christian
temps court ou temps long ?
- Adriano
Tant long. Tant long, je pense que dans la ville, les bonnes choses, il faut savoir prendre le temps. Bien sûr. C'est comme le levain.
- Christian
Ta cuisine étrangère préférée ?
- Adriano
Alors là, j'ai du mal. J'ai du mal parce que je mange la cuisine des pays où je vais, mais j'ai toujours du mal à aller dans des restaurants, entre guillemets, ethniques, parce que jusqu'à maintenant, j'ai toujours été déçu.
- Christian
Tu n'as pas l'authenticité du territoire qui correspond.
- Adriano
C'est ça. Donc moi, quand je suis à Paris, il faut que je mange vraiment une cuisine bien française, bien franchouillarde. J'adore. Et quand je vais chez moi à Naples, je vais aller vers une pizza napolitaine même si elle me donne souvent mal au ventre. Mais ça, c'est un autre problème.
- Christian
Alors, pour terminer, une dernière partie. Comment est-ce que tu conçois tes relations de coopération avec tes producteurs ? Enfin, ceux qui font les graines, etc. Comment tu conçois ? Est-ce que tu as des collaborateurs aujourd'hui ? Et comment tu conçois la relation avec eux ?
- Adriano
Alors, c'est... Et pour moi, un pain qui fait du bien doit se baser sur des relations basées sur le bien aussi, sur le bien-être. Donc, que ce soit au niveau de l'équipe, il faut le plus possible que cette équipe soit bien et qu'en même temps, elle soit compétitive. Les deux choses ne sont pas à exclure. Et de l'autre côté, avec les producteurs, on essaye de faire les choses vraiment en s'y prenant à l'avance. Parce qu'il faut savoir que dans les marchés aujourd'hui, surtout des matières premières, il y a... tellement de fluctuations, il y a vraiment le principe des vases communicants. Pour te donner un exemple, quand tu as une sécheresse au Canada, les Canadiens vont débarquer en Sicile et vont débarquer sur tous les marchés du blé mondiaux et vont rafler tout ce qu'il y a. Donc si toi, tu n'as pas fait ton boulot avec les producteurs à l'avance, évidemment, tes prix vont augmenter énormément. Surtout pour un pain comme le nôtre, qui est un pain plus cher que la moyenne. 20-30% à peu près. Quand on a commencé, c'était 50%. Mais en fait, pourquoi le prix de notre pain a augmenté beaucoup moins que les autres ? C'est parce qu'on a fait ce travail avec les producteurs.
- Christian
Et tu arrives à développer avec les producteurs des relations différentes, personnalisées ?
- Adriano
Oui, en fait, aujourd'hui, nous, on n'achète pas dans les arrangisses, chez Métro. On n'est quasiment qu'un circuit court. Pour les épices, par exemple, on passe par les épices Shira, qui eux-mêmes ont des fournisseurs. Donc parfois, sur les épices, on n'est pas directement en contact avec les producteurs. Mais pour le blé, oui. Pour la fleur de fenouil sauvage, qui est dans notre pain Esmeralda, qui est une vraie merveille. Et ça, c'est l'ingrédient le plus cher qu'on a. C'est un produit, la fleur de fenouil sauvage, c'est comme le safran. On l'appelle un peu le safran vert parce qu'il faut l'accueillir à la main. C'est une production. hyper confidentielles, on est obligé de faire ça.
- Christian
Dans les relations avec les producteurs, avec les collaborateurs, il y a aussi la relation avec le grand public. Tu sais qu'on a l'association Manger Citoyen qui est parallèle au Collège Culinaire de France, qui s'adresse aux citoyens sur mangercitoyen.org En fait, moi je m'aperçois et là il y a plein de choses évidemment à faire, que quand j'achète du pain chez toi je peux le garder 15 jours. Et ça c'est époustouflant, c'est-à-dire le pain ne rassit pas. il durcit un petit peu etc bon, conserver et donc là il y a vraiment toute une sensibilisation et qui ne passe que par l'utilisation c'est ça,
- Adriano
et là dessus il faut vraiment expliquer aux gens parce que souvent ils ont été habitués à acheter du pain trancher avec la trancheuse et après le mettre au congélateur et il faut batailler tous les jours parce que très souvent j'ai des gens qui me disent je le veux trancher Alors, on a un couteau, on peut vous le trancher, mais ce serait dommage. C'est comme aller chez son primeur, acheter un kilo de pommes et dire, vous pouvez m'éplucher les pommes. C'est tellement dommage parce qu'il va s'oxyder, il va sécher, il faut le trancher au fur et à mesure. Mais c'est des mécanismes comme ça, de l'habitude. Et pareil, la facilité. Non, ok, c'est facile, mais c'est tellement meilleur à partir du moment où on peut réintégrer, réapprendre ces habitudes que nos ancêtres connaissaient hyper bien.
- Christian
Bien sûr. Je voudrais aborder un dernier moment qu'on appelle nous la moutarde montonnée. La moutarde montonnée. En ouvrant le pot de moutarde, est-ce qu'il y a quelque chose qui te scandalise, sur lequel tu as, justement, que ce soit dans la société, que ce soit dans l'univers dont tu parles, il y a plusieurs choses là que tu as évoquées d'ailleurs, sur lesquelles tu aimerais mettre l'accent ?
- Adriano
Oui, je reviendrai sur le problème des pains aux graines. en expliquant que par exemple une imposture qui joue aussi sur l'envie de bien faire des gens qui se disent moi je vais acheter du pain aux graines, ça va être meilleur pour la santé, etc. Alors le problème avec la perte du lien avec le producteur quand on ne travaille pas en circuit court et qu'on achète ses sacs, ses mix de farine ça peut être aussi des fois que l'ingrédient non seulement il est entre guillemets industrialisé mais qu'il peut être dangereux Exemple, 2019, il y a eu 303 typologies de pain vendus en grande surface qui étaient contaminées à l'oxyde d'éthylène. L'oxyde d'éthylène, c'est quoi ? C'est l'ingrédient principal de l'arme chimique la plus utilisée pendant la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire le gaz moutarde. On parle de la moutarde ? Il y en avait beaucoup de stock qui était resté, donc on s'est dit, puisqu'il tue toute forme de vie, on va l'utiliser comme fongicide. Donc depuis les années 14-18, en fait, on utilise ça sous forme de spray. La Commission européenne s'est rendue compte, vers la fin des années 70, que si on consommait cet oxyde d'éthylène, même en petite quantité, n'importe quelle femme qui en mangeait, par exemple, tous les jours, serait devenue infertile. Donc il y a eu une législation pour interdire l'oxyde d'éthylène. Sauf qu'on s'est rendu compte en 2019 qu'il y avait 303 références de pain qui en contenaient. Pourquoi ? Parce qu'il y avait eu la contamination de la filière bio du sésame indien. Alors, à ton avis, pourquoi on va te vendre du pain multigraine avec 4 graines, 5 graines, 6 graines, 7 graines ? Qui dit mieux ? Parce que tout ingrédient, comme tu sais, en dessous de 5%, n'a pas besoin d'être déclaré au niveau de son origine. Bien sûr. Tu vois ? Oui, oui. Et alors, dans ces pains, tu en avais qui étaient signés par des meilleurs ouvriers de France pour Monoprix.
- Christian
Ah oui, bien sûr.
- Adriano
Voilà. Sauf qu'une chose, c'est de rappeler des voitures, parce que tu as la liste de tous les gens qui ont la voiture, s'il y a un problème technique, bonne chance pour rappeler des pains. Et donc, qui c'est, tous ces gens, toutes ces femmes qui ont mangé ces pains, entre guillemets, contaminés, qu'est-ce qui s'est passé ? Après, on se plaint des taux de fertilité. Personne ne peut... Voilà. Et là, attention ! On pouvait le déclarer sur les supermarchés, mais les mêmes fournisseurs de farine sont les mêmes que des boulangeries artisanales. Sauf que les boulangeries artisanales, évidemment, il y a beaucoup moins de traçabilité. Donc voilà, c'est un casse-tête. Et effectivement, la motard qui monte...
- Christian
Merci, merci en tout cas. De rien. Et merci à toi de toutes ces informations qui sont passionnantes. Est-ce qu'en confidence, avant de se quitter, tu aurais un restaurant à conseiller à nos auditeurs ? auditeur-auditrice ou un producteur qui te paraît très intéressant justement ?
- Adriano
Alors moi j'adore un peu si ils font partie du collège Habile, près de République d'ailleurs. Alors le seul défaut c'est qu'ils n'ont pas notre pain mais les produits sont extraordinaires et j'arrête pas d'envoyer des amis parce qu'en plus le rapport qualité-prix est extraordinaire. Le chef vient d'être médaillé pour le meilleur chou farci de France.
- Christian
Merci de cette information. Écoute Adriano, dans 15 jours, nous recevons Bénédicte Poiseau. Ce nom ne te dit peut-être pas grand-chose, et pourtant, c'est elle qui fournit les poulardes à toutes les grandes tables de France. Tiens-toi bien, elle s'est lancée dans cette aventure à 50 ans.
- Adriano
Ah oui ? Oui.
- Christian
Une trajectoire absolument passionnante que nous aurons le plaisir de découvrir lors du prochain épisode.
- Adriano
Génial, j'ai hâte.
- Christian
Merci.
- Adriano
J'ai hâte de saucer aussi dans la poularde. Ah oui,
- Christian
excellent. Merci. Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tinte, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous !