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De la terre à l'assiette - tous artisans du bien manger !

E20 - Lili de Montal - La sensibilité artistique au service de l’artisanat culinaire

E20 - Lili de Montal - La sensibilité artistique au service de l’artisanat culinaire

31min |05/09/2025
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Description

Dans cet épisode, nous partons à la découverte de ceux qui transforment leur passion en action. Aujourd’hui, c’est avec Lili de Montal que nous poursuivons ce voyage. 
Au cœur du Haut-Armagnac, dans sa propriété familiale de Château Arton, elle nous ouvre les portes de son univers, où la quête de l'excellence se mêle à une démarche éthique et créative.
En réinventant un terroir, en réaffirmant la place de l'humain et de l’environnement dans chaque geste, elle démontre que créer du beau, c’est aussi nourrir les corps et les âmes. 

Un voyage inspirant où chaque geste a du sens, chaque rencontre laisse une empreinte. Lili nous invite à une réflexion profonde sur l’agriculture, la production, la gastronomie et l’avenir de nos territoires.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

En cuisine :

Un foodcast mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Mojo (17éme arrondissement de Paris), lieu vivant et chaleureux.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans le podcast de La Terre à l'Assiette. Nous ouvrons aujourd'hui un nouvel épisode avec Lily Sheng de Montal. Lily est une figure clé du château Harton, un domaine familial situé dans le Haut-Armagnac en Gatscone. D'origine chinoise, elle est l'épouse de Jean de Montal. Elle apporte une vision artistique et stratégique au domaine. enrichi par son expérience internationale dans le développement des marques de luxe et de lifestyle de l'Europe à l'Asie. Château-Arton fait désormais partie du Collège Client de France depuis 2021 et le foisonnement de projets portés par Lili à partir de ce domaine familial de haute tradition n'a pas fini de nous étonner. Alors maintenant, laissons-nous conduire sur ce chemin de passion. Une émission présentée par Christian Rogubit. Alors cher Lili, dis-nous d'abord ce qui t'a fait choisir entre la vie confortable de Singapour et la reprise d'un vignoble en France. Toi qui a 19 ans, encore étudiante, à qui après un stage chez Lacoste, on a proposé d'ouvrir un bureau en Chine pour représenter la marque et où tu as fait merveille pendant 7 ans.

  • Speaker #1

    Bonjour Christian. Très bonne question. Qu'est-ce qui a fait que j'ai basculé ? Et je crois qu'il y a un petit peu de crise de quarantaine, mélangée avec le fait de devenir mère. Et puis, certainement, mes beaux-parents, qui ont été des gens extrêmement inspirants. Et donc, j'ai fait le choix de devenir rurale, de passer de citadine à rurale. Et ça, ça a été un bouleversement dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire parce que tu dis ça avec beaucoup de sérénité, mais tu avais développé une carrière internationale. Tu étais manifestement heureuse de ta vie à Singapour avec ton mari Jean de Montal, qui lui est ingénieur en sciences de l'environnement, qui avait une carrière également et qui a toujours une carrière remarquable. Et tes enfants qui étaient tous scolarisés. Et vous vous êtes installée à Lectour, donc dans le domaine familial, en 2021 à Château-Arton avec, comme tu dis, tes beaux-parents Patrick de Montal et Victoire de Montesquieu. Oui. Indépendamment de ce domaine familial, qu'est-ce qui t'a... attiré dans cette logique-là par rapport à toutes tes activités internationales ?

  • Speaker #1

    Alors, si tu veux bien, je vais te raconter une petite anecdote dont je suis très fière, personnellement. Donc, comme tu l'as dit, je suis vraiment née dans le béton. Moi, je suis parisienne d'origine chinoise et j'ai grandi, étudié dans des villes, dans des méga-villes. Paris, Londres, Shanghai, Pékin. Très rapidement, c'est vrai, je suis envoyée par Lacoste à 19 ans pour ouvrir un bureau de représentation là-bas. Donc tout s'est accéléré très vite, je suis rentrée dans le monde du travail assez rapidement. Un monde effréné, très très rapide. Et dans ce parcours-là, je rencontre Jean. Jean qui, lui, a grandi à Lectour, donc 3000 habitants.

  • Speaker #0

    Où tu l'as rencontré ?

  • Speaker #1

    Alors je l'ai rencontré à Paris, dans une fête, parce qu'il était étudiant en école d'ingénieur à Paris. On se rencontre là et puis on commence à se fréquenter, comme on dit, alors que je faisais mes études en Chine. Et puis, tu vois, quand je regarde son parcours à lui, donc il grandit à la campagne, il fait une partie de ses études justement d'environnement, de développement durable aux Etats-Unis et il choisit de déposer une Chinoise. Donc si tu regardes un peu visuellement cette planète, il ne pouvait pas aller plus loin pour échapper à sa destinée qui était Arton. Et donc, ma grande fierté, c'est que c'est vraiment moi qui l'ai ramené à l'Ectour, au domaine familial. Donc ça, c'est un petit peu pour te donner du contexte à pourquoi est-ce qu'on a décidé en 2021 de revenir. Après, il y a la vie qui a fait qu'il y a beaucoup de choses qui se sont accélérées. Ça faisait déjà sept ans qu'on était en Asie. Les cycles des sept ans, c'est connu. Sept ans, on se remet beaucoup en question. Soit on réenclenche un autre cycle de sept ans, ou alors on change. Et à ce moment-là, on a eu plein de signaux, des parents aussi qui étaient fatigués au domaine. Et on s'est dit que c'était le bon moment pour revenir en France. Donc, on a pris cette décision après cette année d'expatriation en Asie, Hong Kong, Singapour, où les enfants sont nés, de revenir en France, déjà à Paris. Et ensuite, il y a eu la Covid. Confinement à Arton parce que le cadre est tellement merveilleux. Et quand on est allé à Arton pour le confinement, on a été vraiment au centre du réacteur. On a vu ce que c'était le vignoble, les équipes, les opérations et les parents qui fatiguaient aussi. Et donc, si tu veux, après, c'était devenu une évidence qu'il fallait qu'on aide. On ne pouvait pas rester comme ça, témoin. Et on était au centre parce que moi, ça faisait 20 ans que j'étais plus ou moins dans la famille. On allait à la campagne pour le week-end, tu vois, les vacances, le week-end. C'était pas notre vie. Nous, notre vie, c'était les avions, c'était les réunions, c'était...

  • Speaker #0

    Bien sûr !

  • Speaker #1

    Moi, j'étais dans la mode, dans les accessoires, dans les maisons de luxe, et je n'étais pas du tout à la campagne, mais au point où je ne connaissais même pas les saisons. Donc là, en termes de parcours, j'ai envie de te dire que je suis aujourd'hui membre du Collège Culinaire de France et artisan militant de la qualité que je pense être aujourd'hui, maintenant depuis 4 ans. Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Je viens de très très loin.

  • Speaker #0

    Dans tout ce que tu racontes, il y a cette vie dans laquelle vous étiez très bien et vous étiez fait pour cette vie aussi, avec les qualités que vous aviez, de performance, etc. Ça me donne la sensation, il y a un mot qui me vient à l'esprit, vous êtes rentré en hybridation. C'est-à-dire hybridé avec l'essence même de la vie. Ce n'est pas simplement tes beaux-parents, c'est le lieu, c'est vos parcours communs. Et d'un seul coup... tout ça vient s'hybrider pour vous constituer. C'est pas parce que vous étiez dans une forme d'incomplétude, quelque part, malgré toute la réussite que vous puissiez avoir. Donc c'est cet élément-là que je ressens fortement dans ce que tu dis. C'est vraiment très intéressant, très passionnant. Alors, on va continuer, parce que aller plus dans le fond d'un certain nombre de choses. Mais je voudrais te proposer de te prêter à une petite interview, avant, qu'on a baptisée « Toc toc, qui est là ? » « Toc toc, qui est là ? » Alors tu vas voir, c'est très simple. Si tu étais un animal ?

  • Speaker #1

    Un oiseau.

  • Speaker #0

    Quel oiseau ?

  • Speaker #1

    N'importe lequel, tous ceux qui savent chanter, parce que je suis nulle en chant.

  • Speaker #0

    Ah, c'est le chant, c'est pas le fait de t'envoler.

  • Speaker #1

    Plein de choses.

  • Speaker #0

    Plein de choses. Il y a de ça aussi. Aussi. De surplomber les choses.

  • Speaker #1

    Prendre de la hauteur.

  • Speaker #0

    Prendre de la hauteur, exactement. Si tu étais une saison ?

  • Speaker #1

    Printemps.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Parce que je suis une femme et que le printemps, c'est la renaissance.

  • Speaker #0

    De la vie, oui, bien sûr. C'est le cycle. Une ville, soit qui t'a marquée, soit dans laquelle tu as une affection particulière ?

  • Speaker #1

    Je dirais Hong Kong.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que représente Hong Kong ?

  • Speaker #1

    Beaucoup de bordel. Énormément d'odeurs qui se mélangent. C'est très cosmopolite. Hong Kong est en train de vivre une transition historique aussi.

  • Speaker #0

    Qu'on ressent quand on est là-bas ?

  • Speaker #1

    J'y ai vécu pendant la révolution des parapluies. Donc oui, il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Une grande énergie. Et puis sur la scène culinaire, une sorte de destination. Voilà, un carrefour de plein de civilisations.

  • Speaker #0

    Rentrons peut-être un peu plus dans ce qui est maintenant votre vie. Si on parle de Château-Arton, la famille de ton mari est, semble-t-il, descendante du mousquetaire d'Artagnan. On remonte jusqu'au Xe siècle à travers ta belle-mère, qui s'appelle Victoire de Montesquieu, et ton beau-père, qui lui a été, dès le départ, au cœur même de ce terroir. Donc, je crois que c'est à peu près 88 hectares. Oui. 98 hectares. De vignes qui sont aujourd'hui des vignes en majorité haussées au Armagnac ?

  • Speaker #1

    98 hectares, c'est le domaine dans son intégralité avec les parcs, les forêts. En vignes, on en a 60 qui sont dédiées à la vigne. Et sur les 70, 17 sont dédiées à l'Armagnac, au Haut-Armagnac. D'accord. Parce que ce ne sont pas les mêmes cépages que l'on cultive pour le vin ou pour l'Armagnac.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est absolument génial parce que... J'ai découvert ce que beaucoup de gens ne savent pas et que vous expliquez très très bien. La différence entre le cognac, l'armagnac ou tout ça, pour les gens en général, on voit la même chose. Vous expliquez très bien que l'armagnac, c'est un vin. Ça relève plus de la notion du vin que de la notion que peut relever le cognac.

  • Speaker #1

    Ça a été l'œuvre de mon beau-père. C'est ça. D'avoir établi ce lien entre matière première, qui est le vin, de distillation et la qualité de l'armagnac. Donc il faut bien repositionner l'Armagnac dans la culture du vin, qui est aussi la culture des millésimes et la culture des saisons, du fruit, en fait du vivant.

  • Speaker #0

    À la différence du cognac, qui lui n'est pas sur les mêmes...

  • Speaker #1

    Alors tu sais, je suis très prudente là-dessus parce que je pense que le cognac est un autre savoir-faire. Merveilleux en termes d'assemblage, de connaissance des déchets, justement de ces assemblages, de l'art de l'assemblage. Et je crois que l'Armagnac doit beaucoup au cognac aussi, parce que c'est aussi grâce au cognac que l'Armagnac est devenu plus connu. C'est encore très, très niche, beaucoup trop niche à mon sens. Moi, ce que j'essaie de raconter à mes visiteurs, parce que comme tu le dis, on a beaucoup développé ce qu'on appelle le spiritourisme. C'est une nouvelle dénomination qui a été suggérée par notre interprofession. Et moi je...

  • Speaker #0

    En rapport à l'onotourisme.

  • Speaker #1

    A l'onotourisme, tout à fait. Donc le spiritourisme est ce que l'onotourisme est au vin, mais pour les spirituels.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Nous, on a décidé d'orienter toutes nos visites et nos découvertes autour de ce terme de spiritourisme. pour raconter plus par la technique comment est-ce que l'armagnac se différencie des autres spirituels en général. Alors c'est vrai que la plupart de mes visiteurs font cette confusion entre cognac et armagnac. Je vais, moi, les différencier d'une manière technique. Je ne suis pas là pour dire lequel est le meilleur. Ça, chacun va pouvoir juger, tu vois. Et heureusement, chacun ses goûts. Il y a de tout pour faire un monde. Mais là, je reviens un petit peu à mon... mon passé dans la mode. Parce que j'aime faire souvent cette analogie entre les maisons de couture, les maisons de créateurs, avec les maisons d'Armagnac et puis de spiritueux. Il y a autant de maisons d'Armagnac qu'il y a de créateurs. Et ce qui est formidable, tu peux aimer un créateur, tu peux aimer de la croix et ça ne t'empêche pas d'aimer aussi le maire ou Isseymeake. En fait, ce que l'on apprécie dans la couture, ce sont les expertises de chacun. C'est le style de chacun. Et on va les apprécier, les aimer pour ça, pour leur talent unique. En Armagnac, tu as exactement la même chose. Tu as énormément de paramètres qui peuvent changer. On a le choix entre 10 cépages, donc 10 raisins différents. On a 3 différents terroirs, ça veut dire des sols différents, des biotopes, des parcelles différentes. Et ensuite, on a le choix dans la manière dont on assemble ou pas. Et puis le choix d'agriculture aussi. Donc ça fait quand même énormément de paramètres qui font que le résultat, au bout du compte, est complètement unique et singulier.

  • Speaker #0

    C'est passionnant parce que, effectivement, d'abord, ça éclaire beaucoup parce que ça ne vient pas à l'esprit immédiatement. Il faut vraiment chercher et tu l'expliques très, très bien. Et en fait, tout ça est aussi le travail de 40 dernières années de tes beaux-parents. Ou si mes informations sont exactes, ton beau-père, Patrick de Montal, a repris... la culture après la crise du phylloxéra, qui avait détruit énormément de vignes. Et il a replanté, il a été un des premiers à replanter et à travailler ce cépage. Et on dit souvent d'ailleurs, j'ai entendu dire que ton beau-père, lui, s'était occupé justement de la vigne. Et ton mari, avec sa connaissance d'ingénieur des sciences de l'environnement, s'occupe des sols. C'est une complémentarité absolument extraordinaire. Parce que c'est deux univers complémentaires, mais extrêmement techniques aussi.

  • Speaker #1

    Oui, je vais aller plus loin que ça. Ça a été notre réponse. Parce que, si tu veux, je te disais au début que Jean avait tout fait pour fuir, tu vois, le vignoble, au début. C'est aussi parce qu'on avait...

  • Speaker #0

    Pourquoi fuir ? Parce qu'il avait besoin de se détacher pour exister.

  • Speaker #1

    Je vais te dire, parce qu'en fait, c'est très, très difficile de prendre la suite des parents. quand ils ont... Alors, pour un petit peu synthétiser, je disais qu'ils ont accompli trois prouesses. D'accord, pour vraiment résumer, parce que bien sûr, tu ne résumes pas 40 ans de culture, mais ils ont accompli trois prouesses et c'est très difficile ensuite de prendre la suite et de se dire, mais quelle va être ma contribution ? Comment je vais faire pour être à la hauteur ? Le premier, il ressuscite un terroir. Donc le Haut-Armagnac, tu sais, avait complètement disparu après le phylloxéra pour une raison qui est complètement d'environnement. Donc en AOC, tu sais, on n'a pas le droit d'irriguer, puisque l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, c'est une charte qui est très stricte, qui nécessite qu'on réunisse toutes les conditions optimales, naturelles, pour la culture de quelque chose. Donc tu peux, bon voilà, donc toi tu le sais très bien, il y a des AOC à peu près dans toutes les catégories alimentaires. Et nous en Armagnac, donc, on n'a pas le droit d'irriguer. Donc lorsque tu as une sécheresse comme en 2022 par exemple, eh bien tu n'as pas, tu as... un millimètre de pluie en quatre mois, tu fais avec. Ça veut dire que tu n'as pas... Les raisins, les baies sont minuscules, tu n'as pas de jus, tu n'as pas de vin, tu n'as pas d'Armagnac. Tous ceux qui sont dans des appellations contrôlées comme ça suivent ces règles-là. Eux, dans là où c'est haute Armagnac, tu es en altitude, c'est pour ça que ça s'appelle le haut Armagnac. Ce n'est pas une question de nord-sud, c'est une question d'altitude. Nous, on est très haut pour de l'Armagnac, on est à au moins 200 mètres d'altitude. Et tu as beaucoup moins d'eau que dans le bas armagnac. Donc, au début du XXe siècle, tout est arraché. Parce que le phylloxéra sévit. Le seul moyen de l'évacuer, de l'évincer, c'est de noyer les pieds de vigne dans de l'eau. Et il n'y en a pas assez dans le haut armagnac. Parce qu'on est en altitude. Notre sol, c'est une pierre calcaire. Ça s'appelle le perusquet. Donc, ça veut dire que la vigne est plantée dans de la pierre. Et ensuite, on doit aller trouver l'eau en dessous de la pierre. Il n'y en a pas assez. Et il faut tout arracher. On remplace ça par la polyculture. Patrick de Montal, mon beau-père, décide de tout replanter. Aujourd'hui... Ça reste extrêmement confidentiel. Le Haut-Armagnac, ce n'est même pas 2% de toute la production d'Armagnac. Mais comme il l'a replacé, il était le premier à le faire, aujourd'hui, on détient 70% de ce terroir. Donc, première chose, il ressuscite un terroir. Deuxième chose, je vais être plus rapide, il crée une catégorie de spiritueux, la Blanche-Armagnac, qui naît à Harton. C'est pur ?

  • Speaker #0

    Pur, pur.

  • Speaker #1

    Alors pur, mais qui n'a pas d'élevage en fait, qui ne rentre pas dans la barrique en chaîne. Donc oui, elle est cristalline C'est de l'eau de vie de vin Qui existe depuis 700 ans Puisque c'est une étape obligatoire pour faire de l'Armagnac Seulement Patrick Isole cette étape-là Et la met en bouteille Et explique que si on comprend Ce produit, on comprend sa filiation Avec le vin, parce qu'il y a tous les arômes C'est le substrat du vin Et il n'y a pas de possibilité de camoufler ça Avec du bois Donc il établit ce lien entre qualité de l'Armagnac et qualité du vin. Et puis, troisième chose qu'il réussit, en 2017, il n'y a pas si longtemps que ça, au Salon de l'Agriculture, il décroche le prix d'excellence du concours général agricole dans la catégorie de tous les spiritueux de France. Donc, tu te retrouves là, avec une petite maison d'Armagnac, du terroir le plus confidentiel, en face de tous les Cognacs, tous les Calvados et toutes les autres villes de France. et c'est lui qui remporte ce titre. On arrive là. La deuxième génération, tu vois, on est là avec mon mari, mais aussi avec Fabrice, qui est notre chronologue, qui a travaillé avec Patrick pendant 23 ans et qui, au moment de la transmission familiale, Patrick lui donne des parts de la société et aujourd'hui, nous sommes les trois mousquetaires d'Arton.

  • Speaker #0

    Bravo, c'est très bien. Alors, c'est passionnant. On t'écouterait pendant des heures là-dessus et je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire également. Mais je voudrais qu'on passe aussi à un autre aspect qui est justement tout ce que tu génères, toi, dans ce domaine d'arton. Avant, juste un petit jeu que nos invités redoutent quelquefois. Fromage ou dessert ? C'est fromage ou dessert ? Je vais te poser des questions très rapides et tu me réponds spontanément. Est-ce que tu préférerais renaître dans le passé ou dans le futur ?

  • Speaker #1

    Futur. Pourquoi ? Parce que je suis optimiste.

  • Speaker #0

    Tu préfères la vie personnelle ou la vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    Alors, les enfants, il faut fermer les oreilles, professionnelle.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce n'est pas un peu ta vie personnelle aussi ?

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je sais que tout le monde me parlera.

  • Speaker #0

    Tu as parlé aussi des villes dans lesquelles tu as vécu. Vivre dans une grande ville ou dans une petite ville ?

  • Speaker #1

    Eh bien, ça dépend à quel moment de vie, mais là, c'est petite ville en ce moment.

  • Speaker #0

    D'accord. La grande ville ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    Non, j'y vais quand j'en ai envie. Voilà,

  • Speaker #0

    c'est ça. Tu peux choisir d'y aller. Travail ou vacances ?

  • Speaker #1

    Travail, forcément.

  • Speaker #0

    Qui sont des vacances pour toi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc là, tu nous as bien expliqué, et c'est vraiment encore une fois passionnant, ce qui se passe sur ce vignoble avec l'affiliation de tes beaux-parents, de ton beau-père et de ta belle-mère, qui, Victoire, a joué un rôle aussi dans la notion qui doit complètement être concernante avec toi, du beau. Elle a ce sens du beau dans la manière de voir les choses. Depuis que vous êtes revenu, tu as toute une démarche, qui est une démarche que je vais qualifier de culturelle. de créative, d'artistique. Donc à partir de ce lieu, qui est un lieu unique pour plein de raisons et qui résonne pour vous d'une manière encore plus importante, tu veux en faire vraiment un monde culturel qui va venir s'intégrer complètement dans ces sources dont tu viens de nous parler tout à l'heure. Tu peux nous en dire un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    Notre réponse à la deuxième génération qui a été de... de faire la continuité. Mon beau-père qui a fait le lien entre l'Armagnac et le vin. Donc mon mari, notre associé onologue et moi-même, avons décidé d'aller encore plus en amont, c'est-à-dire d'aller dans le sol. Donc pour faire un bon vin, il faut d'abord avoir un bon sol, sain. Et en réalité, c'est quelque chose, c'est une vision que mes beaux-parents partageaient depuis le début. Donc c'est cette notion de paysage, et cette notion de sublimer le paysage. Et c'est là où je dirais que ma compétence... de direction artistique, il vient trouver tout son sens, parce qu'il y a un moment où il y a un alignement entre le front et la forme. J'ai presque envie de te dire que même pour mon beau-père, il y a 45 ans, le fait d'avoir choisi l'Armagnac n'a été qu'un prétexte. C'est-à-dire que c'est comme si le vin et l'Armagnac étaient un véhicule d'expression de ce sol. Il se trouve qu'on est dans le Haut-Armagnac et que là aussi, Haut-Armagnac, c'est de l'Armagnac. Si on avait été ailleurs, moi qui suis d'origine chinoise, si j'avais été en Chine, ça aurait peut-être été de la soie ou du thé. Mais là, on est en Gascogne, à Lectour, dans le Haut-Armagnac. Et pour pouvoir sublimer ce terroir-là et ce paysage-là, c'est l'Armagnac qui est le meilleur véhicule d'expression.

  • Speaker #0

    Un vecteur, en fait.

  • Speaker #1

    C'est un vecteur. Et ce vecteur-là, il s'exprime par sa substance, donc la manière, le choix d'agriculture, et puis évidemment sa palette aromatique, et puis toute cette dégustation, le produit. Mais aussi ensuite, dans sa présentation, son rayonnement, son esthétique. Et tu vois, cet alignement entre le fond et la forme va toucher aussi la manière dont le domaine, lui, est pensé, tu vois, dans son paysage, dans la manière dont nos chais sont intégrés dans ce paysage-là. Si tu viens à la maison, d'ailleurs tu es venu, tu verrais que tu ne saurais même pas où se trouvent les chais, tellement ils sont complètement pensés et intégrés dans le paysage. Donc ça, c'est quelque chose, je me suis vraiment retrouvée, parce que c'est vrai qu'il n'y avait rien qui me prédestinait à reprendre. cette exploitation familiale. Aujourd'hui, j'assume totalement le fait que c'est vraiment moi, la pièce rapportée, la belle-fille qui a repris cette entreprise-là, cette aventure, et j'ai entraîné mon mari dedans. Et après, je l'ai exploité pour, tu vois, ses connaissances et ses compétences techniques, qui étaient le sol. Donc lui, le développement durable, tu sais, c'est trois choses très concrètes. C'est la gestion de l'eau, les déchets et les sols. Donc à partir du moment où tu as ces trois-là, ce qui était parfait, ça me rendait service en plus, donc lui peut continuer à œuvrer dans la scène internationale, à identifier les meilleures technologies pour pouvoir avancer dans ces domaines-là. Et moi, il va m'aider avec le domaine à pouvoir repenser tout ça pour que ce soit vertueux. Et pour qu'on arrive à notre grand projet, qui est d'en faire un lieu culturel, une destination, un temple ouvert au monde entier.

  • Speaker #0

    C'est encore plus sublimé. Ce qu'avait fait dans l'ancien temps et qui existe encore, la Villa Medici en Italie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est exactement ça. Des résidences, une expression. En fait, c'est de l'accubation, mais toujours en lien avec l'idée de sublimer un territoire, en lien avec l'artisanat et l'agriculture.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une totalité dans ce que tu dis. C'est pour ça que quand je parlais d'hybridation tout à l'heure, on s'y retrouve encore. Il y a une captation de tout ce qui vous entoure. Que ce soit sur le vivant, que ce soit sur la terre, que ce soit sur les gens autour. Tu m'as parlé encore ce matin de tous les gens qui étaient autour et sur lesquels, ce n'est pas simplement des réseaux, c'est des captations de vivants, de vies, de chemins qu'on va retrouver dans ce temple. C'est génial, c'est absolument génial. On a hâte de le voir évoluer.

  • Speaker #1

    Alors, il y a quand même une raison pour laquelle Jean ne voulait pas venir tout seul. Ah oui. Tu vois, c'est que tout ça, c'est extrêmement compliqué. à faire vivre de manière économique, il faut avoir, j'allais dire, cette fibre d'entrepreneur que Jean n'a pas tout seul. Oui. Et je crois qu'il avait l'humilité aussi de le savoir.

  • Speaker #0

    De le savoir. Oui, de savoir qui on est et ce pour quoi on est fait.

  • Speaker #1

    Oui. Alors que moi, pour le coup, je ne suis pas née en campagne, mais j'ai cette fibre-là. Et tu vois, s'il y a une chose que j'ai vue dans ce domaine-là, c'est son potentiel extraordinaire. Et je crois que j'ai vu ce qu'avaient fait mes grands-parents, qui sont extrêmement visionnaires. Et donc c'est ça qu'on a envie de déployer aujourd'hui. Mais il faut que économiquement ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Bien sûr, l'équation économique n'est pas évidente, surtout dans le système où nous nous trouvons. Donc pour garder la ligne, mais c'est un des grands enjeux d'ailleurs de tous les artisans militants de la qualité, à des degrés divers, c'est trouver le modèle économique. qui est généré par ça et pas le modèle économique du système dans lequel nous nous trouvons qui viendrait se plaquer dessus. Parce que là, c'est pas possible. Écoute, merci. Dernière petite séquence. La moutarde qui te monte au nez. La moutarde me monte au nez. Est-ce qu'il y a une chose particulière qui t'indigne aujourd'hui autour de toi ?

  • Speaker #1

    Il y en a deux.

  • Speaker #0

    Ah, ça m'étonne pas.

  • Speaker #1

    La première, c'est en tant que maman, je m'occupe pas mal des repas, de l'intendance. Et je ne sais pas comment résoudre l'équation entre que ce soit bon, manger bon, des circuits courts, si possible en bio, de saison et qui rentrent dans mon budget. C'est vraiment cinq paramètres. J'ai beau demander à Chadipidi comment résoudre cette équation-là, c'est très, très, très difficile. Je veux manger de saison, je veux manger en circuit court, je veux me fournir. Je n'y arrive pas. Je vais te donner un exemple extrêmement concret pour te dire à quel point j'ai ce coup de gueule. J'ai un jour fait mes courses et j'ai fait deux caddies. Je suis allée au supermarché normal, comme plein de familles. J'ai constitué mon caddie. Ensuite, je suis allée dans des circuits bio et j'ai fait exactement le même caddie. Est-ce que tu sais quel était le rapport ? Combien est-ce que le panier bio était plus cher que le non bio normal ? C'était 100% plus cher, Christian. C'était 100% plus cher. Je vais te dire pourquoi. Ce n'est pas que je prenais le même produit en version bio. Quand tu vas dans un supermarché et qu'il y a des promotions, tu vas prendre des promotions. Les promotions ne sont jamais sur des produits bio. Donc, si tu fais des courses comme une famille normale, tu te retrouves entre les promotions et puis ensuite le caddie, il y a 100% de différence. C'est deux fois plus cher. Donc, comment on fait quand on n'a pas assez de revenus ? Bien sûr. Comment on fait pour pouvoir bien manger ? Et pour nourrir bien sa famille. J'ai trois enfants, j'ai des adolescents, mais ce n'est pas un repas qu'ils prennent, c'est trois repas en un. Je fais comment ? Donc, j'ai un vrai coup de gueule là-dessus. Et puis, je vais même... plus loin que ça. Et ça, c'est quelque chose que j'ai découvert grâce à la cousine de mon mari qui s'appelle Valentine de Gannet, qui a fait aussi un séminaire là-dessus. Mais non seulement il y a l'accès au bio, déjà c'est un luxe, mais ensuite derrière, il y a l'accès au temps. Comment tu fais quand tu as des produits qui, en deux jours, tu vois, il faut les cuisiner en deux jours, ils ne tiennent pas plus que deux jours, tu vois, parce que... Parce qu'ils sont bio. Et là, tu as des familles qui en fait, en général, travaillent à 10h pas possible, rentrent chez elles, sont fatiguées et tu vois, n'ont pas la capacité.

  • Speaker #0

    Ça t'a posé une problématique essentielle.

  • Speaker #1

    Ça c'est vraiment incroyable. Donc ça c'est mon premier et si tu veux bien un deuxième très rapidement alors ça c'est parce que j'ai des enfants aussi petits mais tu vois, donc j'ai réussi je crois je suis très fière d'avoir les avoir convaincus que finalement ce qui est cuisiné avec amour et ce qui est cuisiné soi-même finalement est meilleur que les fast-foods et la cuisine industrielle et tout ce que tu défends dans le collège. Néanmoins, mon souci c'est que tu sais tu as quand même envie d'avoir des petits jokers. C'est-à-dire que tu as envie, c'est celui qui te fait manger les légumes toute la semaine qui doit être celui qui t'emmène au restaurant ou alors à quelque chose dans l'indulgence. Très souvent, mes enfants me réclament.

  • Speaker #0

    Au moment où je veux leur faire plaisir, ils me réclament des fast-foods. Et tu vois, c'est terrible parce que je pense qu'ils sont convaincus qu'à la maison, c'est bien meilleur que le fast-food, mais ils n'y vont pas pour le goût. Ils y vont parce que c'est associé à des moments de joie et de plaisir.

  • Speaker #1

    C'est la relation sociale, c'est la construction sociale qui se fait par le fast-food.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, mais ça, même moi, mes enfants qui préfèrent quand c'est bon, le plat, le poids est bien meilleur. Mais le fait qu'ils associent ça à un moment de joie fait que...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simplement un enjeu de bien manger ou de choisir ou d'éduquer. C'est un enjeu culturel, sociétal et politique.

  • Speaker #0

    Et je suis tombée dans mon propre bien. C'est normal. Donc toute la semaine, je vais bien les nourrir, bien les alimenter. Parce que c'est comme ça que je vais les rendre heureux aussi plus tard. Néanmoins, quand il y a un moment de joie et de fête, ils me réclament des fast-food. Et ça, ça me révolte.

  • Speaker #1

    Bon, il faut absolument qu'on fasse un autre podcast, que tu développes tout ça, parce que c'est vraiment passionnant. Écoute, je te remercie vraiment, merci de tout ce que tu nous as apporté. Je pense que nos auditeurs vont être vraiment très très intéressés. Est-ce que tu aurais en confidence une ou deux adresses à nous donner, qui soient de producteurs, qui te viennent à l'esprit, que tu aimes bien, soit de restaurants même ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai envie de passer un message à tous ces restaurateurs du collège. C'est vrai que j'aime beaucoup le restaurant Racine à Lectour. Donc ils sont nos voisins. Mais je dirais que ce qui est formidable chez lui, c'est qu'il fait plein d'expérimentations. Et qu'en fait, en goûtant ses assiettes, on a l'impression de goûter un peu de sa personnalité. Et ça, c'est formidable. Donc moi, j'ai été élevée, aller au restaurant quand j'étais enfant, c'était un luxe. Et donc ma mère me disait, choisissez quelque chose que vous n'avez pas à la maison. Quand je vais au restaurant et quand je choisis un lieu, j'aime bien déguster un petit peu de sa personnalité. Et ce qui fait que c'est un grand créateur.

  • Speaker #1

    Formidable, c'est ce qu'on appelle le supplément d'âme Merci Lily, merci pour toutes ces anecdotes toutes ces expériences que tu nous as retraduites et je te dis à très vite bien sûr toujours à travers toutes tes activités et puis à l'Hectour qui va devenir très vite une destination vraiment mondiale même Là je te donne un tout petit teaser le temple,

  • Speaker #0

    c'est le temple du cocktail qu'on est en train de construire Magnifique,

  • Speaker #1

    merci à toi Merci Dans 15 jours, vous aurez un invité qui s'appelle Stéphane Gallon, qui œuvre à travers ses deux restaurants en Bretagne, à Fougères, et qui a une expérience à nous raconter qui est absolument extraordinaire. Dans sa relation avec ses producteurs, il a développé une communauté qui est absolument unique en son genre, et dont il nous rencontrera avec passion les différents détails.

  • Speaker #2

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment à notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

Description

Dans cet épisode, nous partons à la découverte de ceux qui transforment leur passion en action. Aujourd’hui, c’est avec Lili de Montal que nous poursuivons ce voyage. 
Au cœur du Haut-Armagnac, dans sa propriété familiale de Château Arton, elle nous ouvre les portes de son univers, où la quête de l'excellence se mêle à une démarche éthique et créative.
En réinventant un terroir, en réaffirmant la place de l'humain et de l’environnement dans chaque geste, elle démontre que créer du beau, c’est aussi nourrir les corps et les âmes. 

Un voyage inspirant où chaque geste a du sens, chaque rencontre laisse une empreinte. Lili nous invite à une réflexion profonde sur l’agriculture, la production, la gastronomie et l’avenir de nos territoires.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

En cuisine :

Un foodcast mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Mojo (17éme arrondissement de Paris), lieu vivant et chaleureux.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans le podcast de La Terre à l'Assiette. Nous ouvrons aujourd'hui un nouvel épisode avec Lily Sheng de Montal. Lily est une figure clé du château Harton, un domaine familial situé dans le Haut-Armagnac en Gatscone. D'origine chinoise, elle est l'épouse de Jean de Montal. Elle apporte une vision artistique et stratégique au domaine. enrichi par son expérience internationale dans le développement des marques de luxe et de lifestyle de l'Europe à l'Asie. Château-Arton fait désormais partie du Collège Client de France depuis 2021 et le foisonnement de projets portés par Lili à partir de ce domaine familial de haute tradition n'a pas fini de nous étonner. Alors maintenant, laissons-nous conduire sur ce chemin de passion. Une émission présentée par Christian Rogubit. Alors cher Lili, dis-nous d'abord ce qui t'a fait choisir entre la vie confortable de Singapour et la reprise d'un vignoble en France. Toi qui a 19 ans, encore étudiante, à qui après un stage chez Lacoste, on a proposé d'ouvrir un bureau en Chine pour représenter la marque et où tu as fait merveille pendant 7 ans.

  • Speaker #1

    Bonjour Christian. Très bonne question. Qu'est-ce qui a fait que j'ai basculé ? Et je crois qu'il y a un petit peu de crise de quarantaine, mélangée avec le fait de devenir mère. Et puis, certainement, mes beaux-parents, qui ont été des gens extrêmement inspirants. Et donc, j'ai fait le choix de devenir rurale, de passer de citadine à rurale. Et ça, ça a été un bouleversement dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire parce que tu dis ça avec beaucoup de sérénité, mais tu avais développé une carrière internationale. Tu étais manifestement heureuse de ta vie à Singapour avec ton mari Jean de Montal, qui lui est ingénieur en sciences de l'environnement, qui avait une carrière également et qui a toujours une carrière remarquable. Et tes enfants qui étaient tous scolarisés. Et vous vous êtes installée à Lectour, donc dans le domaine familial, en 2021 à Château-Arton avec, comme tu dis, tes beaux-parents Patrick de Montal et Victoire de Montesquieu. Oui. Indépendamment de ce domaine familial, qu'est-ce qui t'a... attiré dans cette logique-là par rapport à toutes tes activités internationales ?

  • Speaker #1

    Alors, si tu veux bien, je vais te raconter une petite anecdote dont je suis très fière, personnellement. Donc, comme tu l'as dit, je suis vraiment née dans le béton. Moi, je suis parisienne d'origine chinoise et j'ai grandi, étudié dans des villes, dans des méga-villes. Paris, Londres, Shanghai, Pékin. Très rapidement, c'est vrai, je suis envoyée par Lacoste à 19 ans pour ouvrir un bureau de représentation là-bas. Donc tout s'est accéléré très vite, je suis rentrée dans le monde du travail assez rapidement. Un monde effréné, très très rapide. Et dans ce parcours-là, je rencontre Jean. Jean qui, lui, a grandi à Lectour, donc 3000 habitants.

  • Speaker #0

    Où tu l'as rencontré ?

  • Speaker #1

    Alors je l'ai rencontré à Paris, dans une fête, parce qu'il était étudiant en école d'ingénieur à Paris. On se rencontre là et puis on commence à se fréquenter, comme on dit, alors que je faisais mes études en Chine. Et puis, tu vois, quand je regarde son parcours à lui, donc il grandit à la campagne, il fait une partie de ses études justement d'environnement, de développement durable aux Etats-Unis et il choisit de déposer une Chinoise. Donc si tu regardes un peu visuellement cette planète, il ne pouvait pas aller plus loin pour échapper à sa destinée qui était Arton. Et donc, ma grande fierté, c'est que c'est vraiment moi qui l'ai ramené à l'Ectour, au domaine familial. Donc ça, c'est un petit peu pour te donner du contexte à pourquoi est-ce qu'on a décidé en 2021 de revenir. Après, il y a la vie qui a fait qu'il y a beaucoup de choses qui se sont accélérées. Ça faisait déjà sept ans qu'on était en Asie. Les cycles des sept ans, c'est connu. Sept ans, on se remet beaucoup en question. Soit on réenclenche un autre cycle de sept ans, ou alors on change. Et à ce moment-là, on a eu plein de signaux, des parents aussi qui étaient fatigués au domaine. Et on s'est dit que c'était le bon moment pour revenir en France. Donc, on a pris cette décision après cette année d'expatriation en Asie, Hong Kong, Singapour, où les enfants sont nés, de revenir en France, déjà à Paris. Et ensuite, il y a eu la Covid. Confinement à Arton parce que le cadre est tellement merveilleux. Et quand on est allé à Arton pour le confinement, on a été vraiment au centre du réacteur. On a vu ce que c'était le vignoble, les équipes, les opérations et les parents qui fatiguaient aussi. Et donc, si tu veux, après, c'était devenu une évidence qu'il fallait qu'on aide. On ne pouvait pas rester comme ça, témoin. Et on était au centre parce que moi, ça faisait 20 ans que j'étais plus ou moins dans la famille. On allait à la campagne pour le week-end, tu vois, les vacances, le week-end. C'était pas notre vie. Nous, notre vie, c'était les avions, c'était les réunions, c'était...

  • Speaker #0

    Bien sûr !

  • Speaker #1

    Moi, j'étais dans la mode, dans les accessoires, dans les maisons de luxe, et je n'étais pas du tout à la campagne, mais au point où je ne connaissais même pas les saisons. Donc là, en termes de parcours, j'ai envie de te dire que je suis aujourd'hui membre du Collège Culinaire de France et artisan militant de la qualité que je pense être aujourd'hui, maintenant depuis 4 ans. Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Je viens de très très loin.

  • Speaker #0

    Dans tout ce que tu racontes, il y a cette vie dans laquelle vous étiez très bien et vous étiez fait pour cette vie aussi, avec les qualités que vous aviez, de performance, etc. Ça me donne la sensation, il y a un mot qui me vient à l'esprit, vous êtes rentré en hybridation. C'est-à-dire hybridé avec l'essence même de la vie. Ce n'est pas simplement tes beaux-parents, c'est le lieu, c'est vos parcours communs. Et d'un seul coup... tout ça vient s'hybrider pour vous constituer. C'est pas parce que vous étiez dans une forme d'incomplétude, quelque part, malgré toute la réussite que vous puissiez avoir. Donc c'est cet élément-là que je ressens fortement dans ce que tu dis. C'est vraiment très intéressant, très passionnant. Alors, on va continuer, parce que aller plus dans le fond d'un certain nombre de choses. Mais je voudrais te proposer de te prêter à une petite interview, avant, qu'on a baptisée « Toc toc, qui est là ? » « Toc toc, qui est là ? » Alors tu vas voir, c'est très simple. Si tu étais un animal ?

  • Speaker #1

    Un oiseau.

  • Speaker #0

    Quel oiseau ?

  • Speaker #1

    N'importe lequel, tous ceux qui savent chanter, parce que je suis nulle en chant.

  • Speaker #0

    Ah, c'est le chant, c'est pas le fait de t'envoler.

  • Speaker #1

    Plein de choses.

  • Speaker #0

    Plein de choses. Il y a de ça aussi. Aussi. De surplomber les choses.

  • Speaker #1

    Prendre de la hauteur.

  • Speaker #0

    Prendre de la hauteur, exactement. Si tu étais une saison ?

  • Speaker #1

    Printemps.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Parce que je suis une femme et que le printemps, c'est la renaissance.

  • Speaker #0

    De la vie, oui, bien sûr. C'est le cycle. Une ville, soit qui t'a marquée, soit dans laquelle tu as une affection particulière ?

  • Speaker #1

    Je dirais Hong Kong.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que représente Hong Kong ?

  • Speaker #1

    Beaucoup de bordel. Énormément d'odeurs qui se mélangent. C'est très cosmopolite. Hong Kong est en train de vivre une transition historique aussi.

  • Speaker #0

    Qu'on ressent quand on est là-bas ?

  • Speaker #1

    J'y ai vécu pendant la révolution des parapluies. Donc oui, il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Une grande énergie. Et puis sur la scène culinaire, une sorte de destination. Voilà, un carrefour de plein de civilisations.

  • Speaker #0

    Rentrons peut-être un peu plus dans ce qui est maintenant votre vie. Si on parle de Château-Arton, la famille de ton mari est, semble-t-il, descendante du mousquetaire d'Artagnan. On remonte jusqu'au Xe siècle à travers ta belle-mère, qui s'appelle Victoire de Montesquieu, et ton beau-père, qui lui a été, dès le départ, au cœur même de ce terroir. Donc, je crois que c'est à peu près 88 hectares. Oui. 98 hectares. De vignes qui sont aujourd'hui des vignes en majorité haussées au Armagnac ?

  • Speaker #1

    98 hectares, c'est le domaine dans son intégralité avec les parcs, les forêts. En vignes, on en a 60 qui sont dédiées à la vigne. Et sur les 70, 17 sont dédiées à l'Armagnac, au Haut-Armagnac. D'accord. Parce que ce ne sont pas les mêmes cépages que l'on cultive pour le vin ou pour l'Armagnac.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est absolument génial parce que... J'ai découvert ce que beaucoup de gens ne savent pas et que vous expliquez très très bien. La différence entre le cognac, l'armagnac ou tout ça, pour les gens en général, on voit la même chose. Vous expliquez très bien que l'armagnac, c'est un vin. Ça relève plus de la notion du vin que de la notion que peut relever le cognac.

  • Speaker #1

    Ça a été l'œuvre de mon beau-père. C'est ça. D'avoir établi ce lien entre matière première, qui est le vin, de distillation et la qualité de l'armagnac. Donc il faut bien repositionner l'Armagnac dans la culture du vin, qui est aussi la culture des millésimes et la culture des saisons, du fruit, en fait du vivant.

  • Speaker #0

    À la différence du cognac, qui lui n'est pas sur les mêmes...

  • Speaker #1

    Alors tu sais, je suis très prudente là-dessus parce que je pense que le cognac est un autre savoir-faire. Merveilleux en termes d'assemblage, de connaissance des déchets, justement de ces assemblages, de l'art de l'assemblage. Et je crois que l'Armagnac doit beaucoup au cognac aussi, parce que c'est aussi grâce au cognac que l'Armagnac est devenu plus connu. C'est encore très, très niche, beaucoup trop niche à mon sens. Moi, ce que j'essaie de raconter à mes visiteurs, parce que comme tu le dis, on a beaucoup développé ce qu'on appelle le spiritourisme. C'est une nouvelle dénomination qui a été suggérée par notre interprofession. Et moi je...

  • Speaker #0

    En rapport à l'onotourisme.

  • Speaker #1

    A l'onotourisme, tout à fait. Donc le spiritourisme est ce que l'onotourisme est au vin, mais pour les spirituels.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Nous, on a décidé d'orienter toutes nos visites et nos découvertes autour de ce terme de spiritourisme. pour raconter plus par la technique comment est-ce que l'armagnac se différencie des autres spirituels en général. Alors c'est vrai que la plupart de mes visiteurs font cette confusion entre cognac et armagnac. Je vais, moi, les différencier d'une manière technique. Je ne suis pas là pour dire lequel est le meilleur. Ça, chacun va pouvoir juger, tu vois. Et heureusement, chacun ses goûts. Il y a de tout pour faire un monde. Mais là, je reviens un petit peu à mon... mon passé dans la mode. Parce que j'aime faire souvent cette analogie entre les maisons de couture, les maisons de créateurs, avec les maisons d'Armagnac et puis de spiritueux. Il y a autant de maisons d'Armagnac qu'il y a de créateurs. Et ce qui est formidable, tu peux aimer un créateur, tu peux aimer de la croix et ça ne t'empêche pas d'aimer aussi le maire ou Isseymeake. En fait, ce que l'on apprécie dans la couture, ce sont les expertises de chacun. C'est le style de chacun. Et on va les apprécier, les aimer pour ça, pour leur talent unique. En Armagnac, tu as exactement la même chose. Tu as énormément de paramètres qui peuvent changer. On a le choix entre 10 cépages, donc 10 raisins différents. On a 3 différents terroirs, ça veut dire des sols différents, des biotopes, des parcelles différentes. Et ensuite, on a le choix dans la manière dont on assemble ou pas. Et puis le choix d'agriculture aussi. Donc ça fait quand même énormément de paramètres qui font que le résultat, au bout du compte, est complètement unique et singulier.

  • Speaker #0

    C'est passionnant parce que, effectivement, d'abord, ça éclaire beaucoup parce que ça ne vient pas à l'esprit immédiatement. Il faut vraiment chercher et tu l'expliques très, très bien. Et en fait, tout ça est aussi le travail de 40 dernières années de tes beaux-parents. Ou si mes informations sont exactes, ton beau-père, Patrick de Montal, a repris... la culture après la crise du phylloxéra, qui avait détruit énormément de vignes. Et il a replanté, il a été un des premiers à replanter et à travailler ce cépage. Et on dit souvent d'ailleurs, j'ai entendu dire que ton beau-père, lui, s'était occupé justement de la vigne. Et ton mari, avec sa connaissance d'ingénieur des sciences de l'environnement, s'occupe des sols. C'est une complémentarité absolument extraordinaire. Parce que c'est deux univers complémentaires, mais extrêmement techniques aussi.

  • Speaker #1

    Oui, je vais aller plus loin que ça. Ça a été notre réponse. Parce que, si tu veux, je te disais au début que Jean avait tout fait pour fuir, tu vois, le vignoble, au début. C'est aussi parce qu'on avait...

  • Speaker #0

    Pourquoi fuir ? Parce qu'il avait besoin de se détacher pour exister.

  • Speaker #1

    Je vais te dire, parce qu'en fait, c'est très, très difficile de prendre la suite des parents. quand ils ont... Alors, pour un petit peu synthétiser, je disais qu'ils ont accompli trois prouesses. D'accord, pour vraiment résumer, parce que bien sûr, tu ne résumes pas 40 ans de culture, mais ils ont accompli trois prouesses et c'est très difficile ensuite de prendre la suite et de se dire, mais quelle va être ma contribution ? Comment je vais faire pour être à la hauteur ? Le premier, il ressuscite un terroir. Donc le Haut-Armagnac, tu sais, avait complètement disparu après le phylloxéra pour une raison qui est complètement d'environnement. Donc en AOC, tu sais, on n'a pas le droit d'irriguer, puisque l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, c'est une charte qui est très stricte, qui nécessite qu'on réunisse toutes les conditions optimales, naturelles, pour la culture de quelque chose. Donc tu peux, bon voilà, donc toi tu le sais très bien, il y a des AOC à peu près dans toutes les catégories alimentaires. Et nous en Armagnac, donc, on n'a pas le droit d'irriguer. Donc lorsque tu as une sécheresse comme en 2022 par exemple, eh bien tu n'as pas, tu as... un millimètre de pluie en quatre mois, tu fais avec. Ça veut dire que tu n'as pas... Les raisins, les baies sont minuscules, tu n'as pas de jus, tu n'as pas de vin, tu n'as pas d'Armagnac. Tous ceux qui sont dans des appellations contrôlées comme ça suivent ces règles-là. Eux, dans là où c'est haute Armagnac, tu es en altitude, c'est pour ça que ça s'appelle le haut Armagnac. Ce n'est pas une question de nord-sud, c'est une question d'altitude. Nous, on est très haut pour de l'Armagnac, on est à au moins 200 mètres d'altitude. Et tu as beaucoup moins d'eau que dans le bas armagnac. Donc, au début du XXe siècle, tout est arraché. Parce que le phylloxéra sévit. Le seul moyen de l'évacuer, de l'évincer, c'est de noyer les pieds de vigne dans de l'eau. Et il n'y en a pas assez dans le haut armagnac. Parce qu'on est en altitude. Notre sol, c'est une pierre calcaire. Ça s'appelle le perusquet. Donc, ça veut dire que la vigne est plantée dans de la pierre. Et ensuite, on doit aller trouver l'eau en dessous de la pierre. Il n'y en a pas assez. Et il faut tout arracher. On remplace ça par la polyculture. Patrick de Montal, mon beau-père, décide de tout replanter. Aujourd'hui... Ça reste extrêmement confidentiel. Le Haut-Armagnac, ce n'est même pas 2% de toute la production d'Armagnac. Mais comme il l'a replacé, il était le premier à le faire, aujourd'hui, on détient 70% de ce terroir. Donc, première chose, il ressuscite un terroir. Deuxième chose, je vais être plus rapide, il crée une catégorie de spiritueux, la Blanche-Armagnac, qui naît à Harton. C'est pur ?

  • Speaker #0

    Pur, pur.

  • Speaker #1

    Alors pur, mais qui n'a pas d'élevage en fait, qui ne rentre pas dans la barrique en chaîne. Donc oui, elle est cristalline C'est de l'eau de vie de vin Qui existe depuis 700 ans Puisque c'est une étape obligatoire pour faire de l'Armagnac Seulement Patrick Isole cette étape-là Et la met en bouteille Et explique que si on comprend Ce produit, on comprend sa filiation Avec le vin, parce qu'il y a tous les arômes C'est le substrat du vin Et il n'y a pas de possibilité de camoufler ça Avec du bois Donc il établit ce lien entre qualité de l'Armagnac et qualité du vin. Et puis, troisième chose qu'il réussit, en 2017, il n'y a pas si longtemps que ça, au Salon de l'Agriculture, il décroche le prix d'excellence du concours général agricole dans la catégorie de tous les spiritueux de France. Donc, tu te retrouves là, avec une petite maison d'Armagnac, du terroir le plus confidentiel, en face de tous les Cognacs, tous les Calvados et toutes les autres villes de France. et c'est lui qui remporte ce titre. On arrive là. La deuxième génération, tu vois, on est là avec mon mari, mais aussi avec Fabrice, qui est notre chronologue, qui a travaillé avec Patrick pendant 23 ans et qui, au moment de la transmission familiale, Patrick lui donne des parts de la société et aujourd'hui, nous sommes les trois mousquetaires d'Arton.

  • Speaker #0

    Bravo, c'est très bien. Alors, c'est passionnant. On t'écouterait pendant des heures là-dessus et je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire également. Mais je voudrais qu'on passe aussi à un autre aspect qui est justement tout ce que tu génères, toi, dans ce domaine d'arton. Avant, juste un petit jeu que nos invités redoutent quelquefois. Fromage ou dessert ? C'est fromage ou dessert ? Je vais te poser des questions très rapides et tu me réponds spontanément. Est-ce que tu préférerais renaître dans le passé ou dans le futur ?

  • Speaker #1

    Futur. Pourquoi ? Parce que je suis optimiste.

  • Speaker #0

    Tu préfères la vie personnelle ou la vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    Alors, les enfants, il faut fermer les oreilles, professionnelle.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce n'est pas un peu ta vie personnelle aussi ?

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je sais que tout le monde me parlera.

  • Speaker #0

    Tu as parlé aussi des villes dans lesquelles tu as vécu. Vivre dans une grande ville ou dans une petite ville ?

  • Speaker #1

    Eh bien, ça dépend à quel moment de vie, mais là, c'est petite ville en ce moment.

  • Speaker #0

    D'accord. La grande ville ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    Non, j'y vais quand j'en ai envie. Voilà,

  • Speaker #0

    c'est ça. Tu peux choisir d'y aller. Travail ou vacances ?

  • Speaker #1

    Travail, forcément.

  • Speaker #0

    Qui sont des vacances pour toi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc là, tu nous as bien expliqué, et c'est vraiment encore une fois passionnant, ce qui se passe sur ce vignoble avec l'affiliation de tes beaux-parents, de ton beau-père et de ta belle-mère, qui, Victoire, a joué un rôle aussi dans la notion qui doit complètement être concernante avec toi, du beau. Elle a ce sens du beau dans la manière de voir les choses. Depuis que vous êtes revenu, tu as toute une démarche, qui est une démarche que je vais qualifier de culturelle. de créative, d'artistique. Donc à partir de ce lieu, qui est un lieu unique pour plein de raisons et qui résonne pour vous d'une manière encore plus importante, tu veux en faire vraiment un monde culturel qui va venir s'intégrer complètement dans ces sources dont tu viens de nous parler tout à l'heure. Tu peux nous en dire un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    Notre réponse à la deuxième génération qui a été de... de faire la continuité. Mon beau-père qui a fait le lien entre l'Armagnac et le vin. Donc mon mari, notre associé onologue et moi-même, avons décidé d'aller encore plus en amont, c'est-à-dire d'aller dans le sol. Donc pour faire un bon vin, il faut d'abord avoir un bon sol, sain. Et en réalité, c'est quelque chose, c'est une vision que mes beaux-parents partageaient depuis le début. Donc c'est cette notion de paysage, et cette notion de sublimer le paysage. Et c'est là où je dirais que ma compétence... de direction artistique, il vient trouver tout son sens, parce qu'il y a un moment où il y a un alignement entre le front et la forme. J'ai presque envie de te dire que même pour mon beau-père, il y a 45 ans, le fait d'avoir choisi l'Armagnac n'a été qu'un prétexte. C'est-à-dire que c'est comme si le vin et l'Armagnac étaient un véhicule d'expression de ce sol. Il se trouve qu'on est dans le Haut-Armagnac et que là aussi, Haut-Armagnac, c'est de l'Armagnac. Si on avait été ailleurs, moi qui suis d'origine chinoise, si j'avais été en Chine, ça aurait peut-être été de la soie ou du thé. Mais là, on est en Gascogne, à Lectour, dans le Haut-Armagnac. Et pour pouvoir sublimer ce terroir-là et ce paysage-là, c'est l'Armagnac qui est le meilleur véhicule d'expression.

  • Speaker #0

    Un vecteur, en fait.

  • Speaker #1

    C'est un vecteur. Et ce vecteur-là, il s'exprime par sa substance, donc la manière, le choix d'agriculture, et puis évidemment sa palette aromatique, et puis toute cette dégustation, le produit. Mais aussi ensuite, dans sa présentation, son rayonnement, son esthétique. Et tu vois, cet alignement entre le fond et la forme va toucher aussi la manière dont le domaine, lui, est pensé, tu vois, dans son paysage, dans la manière dont nos chais sont intégrés dans ce paysage-là. Si tu viens à la maison, d'ailleurs tu es venu, tu verrais que tu ne saurais même pas où se trouvent les chais, tellement ils sont complètement pensés et intégrés dans le paysage. Donc ça, c'est quelque chose, je me suis vraiment retrouvée, parce que c'est vrai qu'il n'y avait rien qui me prédestinait à reprendre. cette exploitation familiale. Aujourd'hui, j'assume totalement le fait que c'est vraiment moi, la pièce rapportée, la belle-fille qui a repris cette entreprise-là, cette aventure, et j'ai entraîné mon mari dedans. Et après, je l'ai exploité pour, tu vois, ses connaissances et ses compétences techniques, qui étaient le sol. Donc lui, le développement durable, tu sais, c'est trois choses très concrètes. C'est la gestion de l'eau, les déchets et les sols. Donc à partir du moment où tu as ces trois-là, ce qui était parfait, ça me rendait service en plus, donc lui peut continuer à œuvrer dans la scène internationale, à identifier les meilleures technologies pour pouvoir avancer dans ces domaines-là. Et moi, il va m'aider avec le domaine à pouvoir repenser tout ça pour que ce soit vertueux. Et pour qu'on arrive à notre grand projet, qui est d'en faire un lieu culturel, une destination, un temple ouvert au monde entier.

  • Speaker #0

    C'est encore plus sublimé. Ce qu'avait fait dans l'ancien temps et qui existe encore, la Villa Medici en Italie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est exactement ça. Des résidences, une expression. En fait, c'est de l'accubation, mais toujours en lien avec l'idée de sublimer un territoire, en lien avec l'artisanat et l'agriculture.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une totalité dans ce que tu dis. C'est pour ça que quand je parlais d'hybridation tout à l'heure, on s'y retrouve encore. Il y a une captation de tout ce qui vous entoure. Que ce soit sur le vivant, que ce soit sur la terre, que ce soit sur les gens autour. Tu m'as parlé encore ce matin de tous les gens qui étaient autour et sur lesquels, ce n'est pas simplement des réseaux, c'est des captations de vivants, de vies, de chemins qu'on va retrouver dans ce temple. C'est génial, c'est absolument génial. On a hâte de le voir évoluer.

  • Speaker #1

    Alors, il y a quand même une raison pour laquelle Jean ne voulait pas venir tout seul. Ah oui. Tu vois, c'est que tout ça, c'est extrêmement compliqué. à faire vivre de manière économique, il faut avoir, j'allais dire, cette fibre d'entrepreneur que Jean n'a pas tout seul. Oui. Et je crois qu'il avait l'humilité aussi de le savoir.

  • Speaker #0

    De le savoir. Oui, de savoir qui on est et ce pour quoi on est fait.

  • Speaker #1

    Oui. Alors que moi, pour le coup, je ne suis pas née en campagne, mais j'ai cette fibre-là. Et tu vois, s'il y a une chose que j'ai vue dans ce domaine-là, c'est son potentiel extraordinaire. Et je crois que j'ai vu ce qu'avaient fait mes grands-parents, qui sont extrêmement visionnaires. Et donc c'est ça qu'on a envie de déployer aujourd'hui. Mais il faut que économiquement ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Bien sûr, l'équation économique n'est pas évidente, surtout dans le système où nous nous trouvons. Donc pour garder la ligne, mais c'est un des grands enjeux d'ailleurs de tous les artisans militants de la qualité, à des degrés divers, c'est trouver le modèle économique. qui est généré par ça et pas le modèle économique du système dans lequel nous nous trouvons qui viendrait se plaquer dessus. Parce que là, c'est pas possible. Écoute, merci. Dernière petite séquence. La moutarde qui te monte au nez. La moutarde me monte au nez. Est-ce qu'il y a une chose particulière qui t'indigne aujourd'hui autour de toi ?

  • Speaker #1

    Il y en a deux.

  • Speaker #0

    Ah, ça m'étonne pas.

  • Speaker #1

    La première, c'est en tant que maman, je m'occupe pas mal des repas, de l'intendance. Et je ne sais pas comment résoudre l'équation entre que ce soit bon, manger bon, des circuits courts, si possible en bio, de saison et qui rentrent dans mon budget. C'est vraiment cinq paramètres. J'ai beau demander à Chadipidi comment résoudre cette équation-là, c'est très, très, très difficile. Je veux manger de saison, je veux manger en circuit court, je veux me fournir. Je n'y arrive pas. Je vais te donner un exemple extrêmement concret pour te dire à quel point j'ai ce coup de gueule. J'ai un jour fait mes courses et j'ai fait deux caddies. Je suis allée au supermarché normal, comme plein de familles. J'ai constitué mon caddie. Ensuite, je suis allée dans des circuits bio et j'ai fait exactement le même caddie. Est-ce que tu sais quel était le rapport ? Combien est-ce que le panier bio était plus cher que le non bio normal ? C'était 100% plus cher, Christian. C'était 100% plus cher. Je vais te dire pourquoi. Ce n'est pas que je prenais le même produit en version bio. Quand tu vas dans un supermarché et qu'il y a des promotions, tu vas prendre des promotions. Les promotions ne sont jamais sur des produits bio. Donc, si tu fais des courses comme une famille normale, tu te retrouves entre les promotions et puis ensuite le caddie, il y a 100% de différence. C'est deux fois plus cher. Donc, comment on fait quand on n'a pas assez de revenus ? Bien sûr. Comment on fait pour pouvoir bien manger ? Et pour nourrir bien sa famille. J'ai trois enfants, j'ai des adolescents, mais ce n'est pas un repas qu'ils prennent, c'est trois repas en un. Je fais comment ? Donc, j'ai un vrai coup de gueule là-dessus. Et puis, je vais même... plus loin que ça. Et ça, c'est quelque chose que j'ai découvert grâce à la cousine de mon mari qui s'appelle Valentine de Gannet, qui a fait aussi un séminaire là-dessus. Mais non seulement il y a l'accès au bio, déjà c'est un luxe, mais ensuite derrière, il y a l'accès au temps. Comment tu fais quand tu as des produits qui, en deux jours, tu vois, il faut les cuisiner en deux jours, ils ne tiennent pas plus que deux jours, tu vois, parce que... Parce qu'ils sont bio. Et là, tu as des familles qui en fait, en général, travaillent à 10h pas possible, rentrent chez elles, sont fatiguées et tu vois, n'ont pas la capacité.

  • Speaker #0

    Ça t'a posé une problématique essentielle.

  • Speaker #1

    Ça c'est vraiment incroyable. Donc ça c'est mon premier et si tu veux bien un deuxième très rapidement alors ça c'est parce que j'ai des enfants aussi petits mais tu vois, donc j'ai réussi je crois je suis très fière d'avoir les avoir convaincus que finalement ce qui est cuisiné avec amour et ce qui est cuisiné soi-même finalement est meilleur que les fast-foods et la cuisine industrielle et tout ce que tu défends dans le collège. Néanmoins, mon souci c'est que tu sais tu as quand même envie d'avoir des petits jokers. C'est-à-dire que tu as envie, c'est celui qui te fait manger les légumes toute la semaine qui doit être celui qui t'emmène au restaurant ou alors à quelque chose dans l'indulgence. Très souvent, mes enfants me réclament.

  • Speaker #0

    Au moment où je veux leur faire plaisir, ils me réclament des fast-foods. Et tu vois, c'est terrible parce que je pense qu'ils sont convaincus qu'à la maison, c'est bien meilleur que le fast-food, mais ils n'y vont pas pour le goût. Ils y vont parce que c'est associé à des moments de joie et de plaisir.

  • Speaker #1

    C'est la relation sociale, c'est la construction sociale qui se fait par le fast-food.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, mais ça, même moi, mes enfants qui préfèrent quand c'est bon, le plat, le poids est bien meilleur. Mais le fait qu'ils associent ça à un moment de joie fait que...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simplement un enjeu de bien manger ou de choisir ou d'éduquer. C'est un enjeu culturel, sociétal et politique.

  • Speaker #0

    Et je suis tombée dans mon propre bien. C'est normal. Donc toute la semaine, je vais bien les nourrir, bien les alimenter. Parce que c'est comme ça que je vais les rendre heureux aussi plus tard. Néanmoins, quand il y a un moment de joie et de fête, ils me réclament des fast-food. Et ça, ça me révolte.

  • Speaker #1

    Bon, il faut absolument qu'on fasse un autre podcast, que tu développes tout ça, parce que c'est vraiment passionnant. Écoute, je te remercie vraiment, merci de tout ce que tu nous as apporté. Je pense que nos auditeurs vont être vraiment très très intéressés. Est-ce que tu aurais en confidence une ou deux adresses à nous donner, qui soient de producteurs, qui te viennent à l'esprit, que tu aimes bien, soit de restaurants même ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai envie de passer un message à tous ces restaurateurs du collège. C'est vrai que j'aime beaucoup le restaurant Racine à Lectour. Donc ils sont nos voisins. Mais je dirais que ce qui est formidable chez lui, c'est qu'il fait plein d'expérimentations. Et qu'en fait, en goûtant ses assiettes, on a l'impression de goûter un peu de sa personnalité. Et ça, c'est formidable. Donc moi, j'ai été élevée, aller au restaurant quand j'étais enfant, c'était un luxe. Et donc ma mère me disait, choisissez quelque chose que vous n'avez pas à la maison. Quand je vais au restaurant et quand je choisis un lieu, j'aime bien déguster un petit peu de sa personnalité. Et ce qui fait que c'est un grand créateur.

  • Speaker #1

    Formidable, c'est ce qu'on appelle le supplément d'âme Merci Lily, merci pour toutes ces anecdotes toutes ces expériences que tu nous as retraduites et je te dis à très vite bien sûr toujours à travers toutes tes activités et puis à l'Hectour qui va devenir très vite une destination vraiment mondiale même Là je te donne un tout petit teaser le temple,

  • Speaker #0

    c'est le temple du cocktail qu'on est en train de construire Magnifique,

  • Speaker #1

    merci à toi Merci Dans 15 jours, vous aurez un invité qui s'appelle Stéphane Gallon, qui œuvre à travers ses deux restaurants en Bretagne, à Fougères, et qui a une expérience à nous raconter qui est absolument extraordinaire. Dans sa relation avec ses producteurs, il a développé une communauté qui est absolument unique en son genre, et dont il nous rencontrera avec passion les différents détails.

  • Speaker #2

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment à notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

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Description

Dans cet épisode, nous partons à la découverte de ceux qui transforment leur passion en action. Aujourd’hui, c’est avec Lili de Montal que nous poursuivons ce voyage. 
Au cœur du Haut-Armagnac, dans sa propriété familiale de Château Arton, elle nous ouvre les portes de son univers, où la quête de l'excellence se mêle à une démarche éthique et créative.
En réinventant un terroir, en réaffirmant la place de l'humain et de l’environnement dans chaque geste, elle démontre que créer du beau, c’est aussi nourrir les corps et les âmes. 

Un voyage inspirant où chaque geste a du sens, chaque rencontre laisse une empreinte. Lili nous invite à une réflexion profonde sur l’agriculture, la production, la gastronomie et l’avenir de nos territoires.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

En cuisine :

Un foodcast mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Mojo (17éme arrondissement de Paris), lieu vivant et chaleureux.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans le podcast de La Terre à l'Assiette. Nous ouvrons aujourd'hui un nouvel épisode avec Lily Sheng de Montal. Lily est une figure clé du château Harton, un domaine familial situé dans le Haut-Armagnac en Gatscone. D'origine chinoise, elle est l'épouse de Jean de Montal. Elle apporte une vision artistique et stratégique au domaine. enrichi par son expérience internationale dans le développement des marques de luxe et de lifestyle de l'Europe à l'Asie. Château-Arton fait désormais partie du Collège Client de France depuis 2021 et le foisonnement de projets portés par Lili à partir de ce domaine familial de haute tradition n'a pas fini de nous étonner. Alors maintenant, laissons-nous conduire sur ce chemin de passion. Une émission présentée par Christian Rogubit. Alors cher Lili, dis-nous d'abord ce qui t'a fait choisir entre la vie confortable de Singapour et la reprise d'un vignoble en France. Toi qui a 19 ans, encore étudiante, à qui après un stage chez Lacoste, on a proposé d'ouvrir un bureau en Chine pour représenter la marque et où tu as fait merveille pendant 7 ans.

  • Speaker #1

    Bonjour Christian. Très bonne question. Qu'est-ce qui a fait que j'ai basculé ? Et je crois qu'il y a un petit peu de crise de quarantaine, mélangée avec le fait de devenir mère. Et puis, certainement, mes beaux-parents, qui ont été des gens extrêmement inspirants. Et donc, j'ai fait le choix de devenir rurale, de passer de citadine à rurale. Et ça, ça a été un bouleversement dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire parce que tu dis ça avec beaucoup de sérénité, mais tu avais développé une carrière internationale. Tu étais manifestement heureuse de ta vie à Singapour avec ton mari Jean de Montal, qui lui est ingénieur en sciences de l'environnement, qui avait une carrière également et qui a toujours une carrière remarquable. Et tes enfants qui étaient tous scolarisés. Et vous vous êtes installée à Lectour, donc dans le domaine familial, en 2021 à Château-Arton avec, comme tu dis, tes beaux-parents Patrick de Montal et Victoire de Montesquieu. Oui. Indépendamment de ce domaine familial, qu'est-ce qui t'a... attiré dans cette logique-là par rapport à toutes tes activités internationales ?

  • Speaker #1

    Alors, si tu veux bien, je vais te raconter une petite anecdote dont je suis très fière, personnellement. Donc, comme tu l'as dit, je suis vraiment née dans le béton. Moi, je suis parisienne d'origine chinoise et j'ai grandi, étudié dans des villes, dans des méga-villes. Paris, Londres, Shanghai, Pékin. Très rapidement, c'est vrai, je suis envoyée par Lacoste à 19 ans pour ouvrir un bureau de représentation là-bas. Donc tout s'est accéléré très vite, je suis rentrée dans le monde du travail assez rapidement. Un monde effréné, très très rapide. Et dans ce parcours-là, je rencontre Jean. Jean qui, lui, a grandi à Lectour, donc 3000 habitants.

  • Speaker #0

    Où tu l'as rencontré ?

  • Speaker #1

    Alors je l'ai rencontré à Paris, dans une fête, parce qu'il était étudiant en école d'ingénieur à Paris. On se rencontre là et puis on commence à se fréquenter, comme on dit, alors que je faisais mes études en Chine. Et puis, tu vois, quand je regarde son parcours à lui, donc il grandit à la campagne, il fait une partie de ses études justement d'environnement, de développement durable aux Etats-Unis et il choisit de déposer une Chinoise. Donc si tu regardes un peu visuellement cette planète, il ne pouvait pas aller plus loin pour échapper à sa destinée qui était Arton. Et donc, ma grande fierté, c'est que c'est vraiment moi qui l'ai ramené à l'Ectour, au domaine familial. Donc ça, c'est un petit peu pour te donner du contexte à pourquoi est-ce qu'on a décidé en 2021 de revenir. Après, il y a la vie qui a fait qu'il y a beaucoup de choses qui se sont accélérées. Ça faisait déjà sept ans qu'on était en Asie. Les cycles des sept ans, c'est connu. Sept ans, on se remet beaucoup en question. Soit on réenclenche un autre cycle de sept ans, ou alors on change. Et à ce moment-là, on a eu plein de signaux, des parents aussi qui étaient fatigués au domaine. Et on s'est dit que c'était le bon moment pour revenir en France. Donc, on a pris cette décision après cette année d'expatriation en Asie, Hong Kong, Singapour, où les enfants sont nés, de revenir en France, déjà à Paris. Et ensuite, il y a eu la Covid. Confinement à Arton parce que le cadre est tellement merveilleux. Et quand on est allé à Arton pour le confinement, on a été vraiment au centre du réacteur. On a vu ce que c'était le vignoble, les équipes, les opérations et les parents qui fatiguaient aussi. Et donc, si tu veux, après, c'était devenu une évidence qu'il fallait qu'on aide. On ne pouvait pas rester comme ça, témoin. Et on était au centre parce que moi, ça faisait 20 ans que j'étais plus ou moins dans la famille. On allait à la campagne pour le week-end, tu vois, les vacances, le week-end. C'était pas notre vie. Nous, notre vie, c'était les avions, c'était les réunions, c'était...

  • Speaker #0

    Bien sûr !

  • Speaker #1

    Moi, j'étais dans la mode, dans les accessoires, dans les maisons de luxe, et je n'étais pas du tout à la campagne, mais au point où je ne connaissais même pas les saisons. Donc là, en termes de parcours, j'ai envie de te dire que je suis aujourd'hui membre du Collège Culinaire de France et artisan militant de la qualité que je pense être aujourd'hui, maintenant depuis 4 ans. Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Je viens de très très loin.

  • Speaker #0

    Dans tout ce que tu racontes, il y a cette vie dans laquelle vous étiez très bien et vous étiez fait pour cette vie aussi, avec les qualités que vous aviez, de performance, etc. Ça me donne la sensation, il y a un mot qui me vient à l'esprit, vous êtes rentré en hybridation. C'est-à-dire hybridé avec l'essence même de la vie. Ce n'est pas simplement tes beaux-parents, c'est le lieu, c'est vos parcours communs. Et d'un seul coup... tout ça vient s'hybrider pour vous constituer. C'est pas parce que vous étiez dans une forme d'incomplétude, quelque part, malgré toute la réussite que vous puissiez avoir. Donc c'est cet élément-là que je ressens fortement dans ce que tu dis. C'est vraiment très intéressant, très passionnant. Alors, on va continuer, parce que aller plus dans le fond d'un certain nombre de choses. Mais je voudrais te proposer de te prêter à une petite interview, avant, qu'on a baptisée « Toc toc, qui est là ? » « Toc toc, qui est là ? » Alors tu vas voir, c'est très simple. Si tu étais un animal ?

  • Speaker #1

    Un oiseau.

  • Speaker #0

    Quel oiseau ?

  • Speaker #1

    N'importe lequel, tous ceux qui savent chanter, parce que je suis nulle en chant.

  • Speaker #0

    Ah, c'est le chant, c'est pas le fait de t'envoler.

  • Speaker #1

    Plein de choses.

  • Speaker #0

    Plein de choses. Il y a de ça aussi. Aussi. De surplomber les choses.

  • Speaker #1

    Prendre de la hauteur.

  • Speaker #0

    Prendre de la hauteur, exactement. Si tu étais une saison ?

  • Speaker #1

    Printemps.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Parce que je suis une femme et que le printemps, c'est la renaissance.

  • Speaker #0

    De la vie, oui, bien sûr. C'est le cycle. Une ville, soit qui t'a marquée, soit dans laquelle tu as une affection particulière ?

  • Speaker #1

    Je dirais Hong Kong.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que représente Hong Kong ?

  • Speaker #1

    Beaucoup de bordel. Énormément d'odeurs qui se mélangent. C'est très cosmopolite. Hong Kong est en train de vivre une transition historique aussi.

  • Speaker #0

    Qu'on ressent quand on est là-bas ?

  • Speaker #1

    J'y ai vécu pendant la révolution des parapluies. Donc oui, il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Une grande énergie. Et puis sur la scène culinaire, une sorte de destination. Voilà, un carrefour de plein de civilisations.

  • Speaker #0

    Rentrons peut-être un peu plus dans ce qui est maintenant votre vie. Si on parle de Château-Arton, la famille de ton mari est, semble-t-il, descendante du mousquetaire d'Artagnan. On remonte jusqu'au Xe siècle à travers ta belle-mère, qui s'appelle Victoire de Montesquieu, et ton beau-père, qui lui a été, dès le départ, au cœur même de ce terroir. Donc, je crois que c'est à peu près 88 hectares. Oui. 98 hectares. De vignes qui sont aujourd'hui des vignes en majorité haussées au Armagnac ?

  • Speaker #1

    98 hectares, c'est le domaine dans son intégralité avec les parcs, les forêts. En vignes, on en a 60 qui sont dédiées à la vigne. Et sur les 70, 17 sont dédiées à l'Armagnac, au Haut-Armagnac. D'accord. Parce que ce ne sont pas les mêmes cépages que l'on cultive pour le vin ou pour l'Armagnac.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est absolument génial parce que... J'ai découvert ce que beaucoup de gens ne savent pas et que vous expliquez très très bien. La différence entre le cognac, l'armagnac ou tout ça, pour les gens en général, on voit la même chose. Vous expliquez très bien que l'armagnac, c'est un vin. Ça relève plus de la notion du vin que de la notion que peut relever le cognac.

  • Speaker #1

    Ça a été l'œuvre de mon beau-père. C'est ça. D'avoir établi ce lien entre matière première, qui est le vin, de distillation et la qualité de l'armagnac. Donc il faut bien repositionner l'Armagnac dans la culture du vin, qui est aussi la culture des millésimes et la culture des saisons, du fruit, en fait du vivant.

  • Speaker #0

    À la différence du cognac, qui lui n'est pas sur les mêmes...

  • Speaker #1

    Alors tu sais, je suis très prudente là-dessus parce que je pense que le cognac est un autre savoir-faire. Merveilleux en termes d'assemblage, de connaissance des déchets, justement de ces assemblages, de l'art de l'assemblage. Et je crois que l'Armagnac doit beaucoup au cognac aussi, parce que c'est aussi grâce au cognac que l'Armagnac est devenu plus connu. C'est encore très, très niche, beaucoup trop niche à mon sens. Moi, ce que j'essaie de raconter à mes visiteurs, parce que comme tu le dis, on a beaucoup développé ce qu'on appelle le spiritourisme. C'est une nouvelle dénomination qui a été suggérée par notre interprofession. Et moi je...

  • Speaker #0

    En rapport à l'onotourisme.

  • Speaker #1

    A l'onotourisme, tout à fait. Donc le spiritourisme est ce que l'onotourisme est au vin, mais pour les spirituels.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Nous, on a décidé d'orienter toutes nos visites et nos découvertes autour de ce terme de spiritourisme. pour raconter plus par la technique comment est-ce que l'armagnac se différencie des autres spirituels en général. Alors c'est vrai que la plupart de mes visiteurs font cette confusion entre cognac et armagnac. Je vais, moi, les différencier d'une manière technique. Je ne suis pas là pour dire lequel est le meilleur. Ça, chacun va pouvoir juger, tu vois. Et heureusement, chacun ses goûts. Il y a de tout pour faire un monde. Mais là, je reviens un petit peu à mon... mon passé dans la mode. Parce que j'aime faire souvent cette analogie entre les maisons de couture, les maisons de créateurs, avec les maisons d'Armagnac et puis de spiritueux. Il y a autant de maisons d'Armagnac qu'il y a de créateurs. Et ce qui est formidable, tu peux aimer un créateur, tu peux aimer de la croix et ça ne t'empêche pas d'aimer aussi le maire ou Isseymeake. En fait, ce que l'on apprécie dans la couture, ce sont les expertises de chacun. C'est le style de chacun. Et on va les apprécier, les aimer pour ça, pour leur talent unique. En Armagnac, tu as exactement la même chose. Tu as énormément de paramètres qui peuvent changer. On a le choix entre 10 cépages, donc 10 raisins différents. On a 3 différents terroirs, ça veut dire des sols différents, des biotopes, des parcelles différentes. Et ensuite, on a le choix dans la manière dont on assemble ou pas. Et puis le choix d'agriculture aussi. Donc ça fait quand même énormément de paramètres qui font que le résultat, au bout du compte, est complètement unique et singulier.

  • Speaker #0

    C'est passionnant parce que, effectivement, d'abord, ça éclaire beaucoup parce que ça ne vient pas à l'esprit immédiatement. Il faut vraiment chercher et tu l'expliques très, très bien. Et en fait, tout ça est aussi le travail de 40 dernières années de tes beaux-parents. Ou si mes informations sont exactes, ton beau-père, Patrick de Montal, a repris... la culture après la crise du phylloxéra, qui avait détruit énormément de vignes. Et il a replanté, il a été un des premiers à replanter et à travailler ce cépage. Et on dit souvent d'ailleurs, j'ai entendu dire que ton beau-père, lui, s'était occupé justement de la vigne. Et ton mari, avec sa connaissance d'ingénieur des sciences de l'environnement, s'occupe des sols. C'est une complémentarité absolument extraordinaire. Parce que c'est deux univers complémentaires, mais extrêmement techniques aussi.

  • Speaker #1

    Oui, je vais aller plus loin que ça. Ça a été notre réponse. Parce que, si tu veux, je te disais au début que Jean avait tout fait pour fuir, tu vois, le vignoble, au début. C'est aussi parce qu'on avait...

  • Speaker #0

    Pourquoi fuir ? Parce qu'il avait besoin de se détacher pour exister.

  • Speaker #1

    Je vais te dire, parce qu'en fait, c'est très, très difficile de prendre la suite des parents. quand ils ont... Alors, pour un petit peu synthétiser, je disais qu'ils ont accompli trois prouesses. D'accord, pour vraiment résumer, parce que bien sûr, tu ne résumes pas 40 ans de culture, mais ils ont accompli trois prouesses et c'est très difficile ensuite de prendre la suite et de se dire, mais quelle va être ma contribution ? Comment je vais faire pour être à la hauteur ? Le premier, il ressuscite un terroir. Donc le Haut-Armagnac, tu sais, avait complètement disparu après le phylloxéra pour une raison qui est complètement d'environnement. Donc en AOC, tu sais, on n'a pas le droit d'irriguer, puisque l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, c'est une charte qui est très stricte, qui nécessite qu'on réunisse toutes les conditions optimales, naturelles, pour la culture de quelque chose. Donc tu peux, bon voilà, donc toi tu le sais très bien, il y a des AOC à peu près dans toutes les catégories alimentaires. Et nous en Armagnac, donc, on n'a pas le droit d'irriguer. Donc lorsque tu as une sécheresse comme en 2022 par exemple, eh bien tu n'as pas, tu as... un millimètre de pluie en quatre mois, tu fais avec. Ça veut dire que tu n'as pas... Les raisins, les baies sont minuscules, tu n'as pas de jus, tu n'as pas de vin, tu n'as pas d'Armagnac. Tous ceux qui sont dans des appellations contrôlées comme ça suivent ces règles-là. Eux, dans là où c'est haute Armagnac, tu es en altitude, c'est pour ça que ça s'appelle le haut Armagnac. Ce n'est pas une question de nord-sud, c'est une question d'altitude. Nous, on est très haut pour de l'Armagnac, on est à au moins 200 mètres d'altitude. Et tu as beaucoup moins d'eau que dans le bas armagnac. Donc, au début du XXe siècle, tout est arraché. Parce que le phylloxéra sévit. Le seul moyen de l'évacuer, de l'évincer, c'est de noyer les pieds de vigne dans de l'eau. Et il n'y en a pas assez dans le haut armagnac. Parce qu'on est en altitude. Notre sol, c'est une pierre calcaire. Ça s'appelle le perusquet. Donc, ça veut dire que la vigne est plantée dans de la pierre. Et ensuite, on doit aller trouver l'eau en dessous de la pierre. Il n'y en a pas assez. Et il faut tout arracher. On remplace ça par la polyculture. Patrick de Montal, mon beau-père, décide de tout replanter. Aujourd'hui... Ça reste extrêmement confidentiel. Le Haut-Armagnac, ce n'est même pas 2% de toute la production d'Armagnac. Mais comme il l'a replacé, il était le premier à le faire, aujourd'hui, on détient 70% de ce terroir. Donc, première chose, il ressuscite un terroir. Deuxième chose, je vais être plus rapide, il crée une catégorie de spiritueux, la Blanche-Armagnac, qui naît à Harton. C'est pur ?

  • Speaker #0

    Pur, pur.

  • Speaker #1

    Alors pur, mais qui n'a pas d'élevage en fait, qui ne rentre pas dans la barrique en chaîne. Donc oui, elle est cristalline C'est de l'eau de vie de vin Qui existe depuis 700 ans Puisque c'est une étape obligatoire pour faire de l'Armagnac Seulement Patrick Isole cette étape-là Et la met en bouteille Et explique que si on comprend Ce produit, on comprend sa filiation Avec le vin, parce qu'il y a tous les arômes C'est le substrat du vin Et il n'y a pas de possibilité de camoufler ça Avec du bois Donc il établit ce lien entre qualité de l'Armagnac et qualité du vin. Et puis, troisième chose qu'il réussit, en 2017, il n'y a pas si longtemps que ça, au Salon de l'Agriculture, il décroche le prix d'excellence du concours général agricole dans la catégorie de tous les spiritueux de France. Donc, tu te retrouves là, avec une petite maison d'Armagnac, du terroir le plus confidentiel, en face de tous les Cognacs, tous les Calvados et toutes les autres villes de France. et c'est lui qui remporte ce titre. On arrive là. La deuxième génération, tu vois, on est là avec mon mari, mais aussi avec Fabrice, qui est notre chronologue, qui a travaillé avec Patrick pendant 23 ans et qui, au moment de la transmission familiale, Patrick lui donne des parts de la société et aujourd'hui, nous sommes les trois mousquetaires d'Arton.

  • Speaker #0

    Bravo, c'est très bien. Alors, c'est passionnant. On t'écouterait pendant des heures là-dessus et je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire également. Mais je voudrais qu'on passe aussi à un autre aspect qui est justement tout ce que tu génères, toi, dans ce domaine d'arton. Avant, juste un petit jeu que nos invités redoutent quelquefois. Fromage ou dessert ? C'est fromage ou dessert ? Je vais te poser des questions très rapides et tu me réponds spontanément. Est-ce que tu préférerais renaître dans le passé ou dans le futur ?

  • Speaker #1

    Futur. Pourquoi ? Parce que je suis optimiste.

  • Speaker #0

    Tu préfères la vie personnelle ou la vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    Alors, les enfants, il faut fermer les oreilles, professionnelle.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce n'est pas un peu ta vie personnelle aussi ?

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je sais que tout le monde me parlera.

  • Speaker #0

    Tu as parlé aussi des villes dans lesquelles tu as vécu. Vivre dans une grande ville ou dans une petite ville ?

  • Speaker #1

    Eh bien, ça dépend à quel moment de vie, mais là, c'est petite ville en ce moment.

  • Speaker #0

    D'accord. La grande ville ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    Non, j'y vais quand j'en ai envie. Voilà,

  • Speaker #0

    c'est ça. Tu peux choisir d'y aller. Travail ou vacances ?

  • Speaker #1

    Travail, forcément.

  • Speaker #0

    Qui sont des vacances pour toi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc là, tu nous as bien expliqué, et c'est vraiment encore une fois passionnant, ce qui se passe sur ce vignoble avec l'affiliation de tes beaux-parents, de ton beau-père et de ta belle-mère, qui, Victoire, a joué un rôle aussi dans la notion qui doit complètement être concernante avec toi, du beau. Elle a ce sens du beau dans la manière de voir les choses. Depuis que vous êtes revenu, tu as toute une démarche, qui est une démarche que je vais qualifier de culturelle. de créative, d'artistique. Donc à partir de ce lieu, qui est un lieu unique pour plein de raisons et qui résonne pour vous d'une manière encore plus importante, tu veux en faire vraiment un monde culturel qui va venir s'intégrer complètement dans ces sources dont tu viens de nous parler tout à l'heure. Tu peux nous en dire un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    Notre réponse à la deuxième génération qui a été de... de faire la continuité. Mon beau-père qui a fait le lien entre l'Armagnac et le vin. Donc mon mari, notre associé onologue et moi-même, avons décidé d'aller encore plus en amont, c'est-à-dire d'aller dans le sol. Donc pour faire un bon vin, il faut d'abord avoir un bon sol, sain. Et en réalité, c'est quelque chose, c'est une vision que mes beaux-parents partageaient depuis le début. Donc c'est cette notion de paysage, et cette notion de sublimer le paysage. Et c'est là où je dirais que ma compétence... de direction artistique, il vient trouver tout son sens, parce qu'il y a un moment où il y a un alignement entre le front et la forme. J'ai presque envie de te dire que même pour mon beau-père, il y a 45 ans, le fait d'avoir choisi l'Armagnac n'a été qu'un prétexte. C'est-à-dire que c'est comme si le vin et l'Armagnac étaient un véhicule d'expression de ce sol. Il se trouve qu'on est dans le Haut-Armagnac et que là aussi, Haut-Armagnac, c'est de l'Armagnac. Si on avait été ailleurs, moi qui suis d'origine chinoise, si j'avais été en Chine, ça aurait peut-être été de la soie ou du thé. Mais là, on est en Gascogne, à Lectour, dans le Haut-Armagnac. Et pour pouvoir sublimer ce terroir-là et ce paysage-là, c'est l'Armagnac qui est le meilleur véhicule d'expression.

  • Speaker #0

    Un vecteur, en fait.

  • Speaker #1

    C'est un vecteur. Et ce vecteur-là, il s'exprime par sa substance, donc la manière, le choix d'agriculture, et puis évidemment sa palette aromatique, et puis toute cette dégustation, le produit. Mais aussi ensuite, dans sa présentation, son rayonnement, son esthétique. Et tu vois, cet alignement entre le fond et la forme va toucher aussi la manière dont le domaine, lui, est pensé, tu vois, dans son paysage, dans la manière dont nos chais sont intégrés dans ce paysage-là. Si tu viens à la maison, d'ailleurs tu es venu, tu verrais que tu ne saurais même pas où se trouvent les chais, tellement ils sont complètement pensés et intégrés dans le paysage. Donc ça, c'est quelque chose, je me suis vraiment retrouvée, parce que c'est vrai qu'il n'y avait rien qui me prédestinait à reprendre. cette exploitation familiale. Aujourd'hui, j'assume totalement le fait que c'est vraiment moi, la pièce rapportée, la belle-fille qui a repris cette entreprise-là, cette aventure, et j'ai entraîné mon mari dedans. Et après, je l'ai exploité pour, tu vois, ses connaissances et ses compétences techniques, qui étaient le sol. Donc lui, le développement durable, tu sais, c'est trois choses très concrètes. C'est la gestion de l'eau, les déchets et les sols. Donc à partir du moment où tu as ces trois-là, ce qui était parfait, ça me rendait service en plus, donc lui peut continuer à œuvrer dans la scène internationale, à identifier les meilleures technologies pour pouvoir avancer dans ces domaines-là. Et moi, il va m'aider avec le domaine à pouvoir repenser tout ça pour que ce soit vertueux. Et pour qu'on arrive à notre grand projet, qui est d'en faire un lieu culturel, une destination, un temple ouvert au monde entier.

  • Speaker #0

    C'est encore plus sublimé. Ce qu'avait fait dans l'ancien temps et qui existe encore, la Villa Medici en Italie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est exactement ça. Des résidences, une expression. En fait, c'est de l'accubation, mais toujours en lien avec l'idée de sublimer un territoire, en lien avec l'artisanat et l'agriculture.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une totalité dans ce que tu dis. C'est pour ça que quand je parlais d'hybridation tout à l'heure, on s'y retrouve encore. Il y a une captation de tout ce qui vous entoure. Que ce soit sur le vivant, que ce soit sur la terre, que ce soit sur les gens autour. Tu m'as parlé encore ce matin de tous les gens qui étaient autour et sur lesquels, ce n'est pas simplement des réseaux, c'est des captations de vivants, de vies, de chemins qu'on va retrouver dans ce temple. C'est génial, c'est absolument génial. On a hâte de le voir évoluer.

  • Speaker #1

    Alors, il y a quand même une raison pour laquelle Jean ne voulait pas venir tout seul. Ah oui. Tu vois, c'est que tout ça, c'est extrêmement compliqué. à faire vivre de manière économique, il faut avoir, j'allais dire, cette fibre d'entrepreneur que Jean n'a pas tout seul. Oui. Et je crois qu'il avait l'humilité aussi de le savoir.

  • Speaker #0

    De le savoir. Oui, de savoir qui on est et ce pour quoi on est fait.

  • Speaker #1

    Oui. Alors que moi, pour le coup, je ne suis pas née en campagne, mais j'ai cette fibre-là. Et tu vois, s'il y a une chose que j'ai vue dans ce domaine-là, c'est son potentiel extraordinaire. Et je crois que j'ai vu ce qu'avaient fait mes grands-parents, qui sont extrêmement visionnaires. Et donc c'est ça qu'on a envie de déployer aujourd'hui. Mais il faut que économiquement ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Bien sûr, l'équation économique n'est pas évidente, surtout dans le système où nous nous trouvons. Donc pour garder la ligne, mais c'est un des grands enjeux d'ailleurs de tous les artisans militants de la qualité, à des degrés divers, c'est trouver le modèle économique. qui est généré par ça et pas le modèle économique du système dans lequel nous nous trouvons qui viendrait se plaquer dessus. Parce que là, c'est pas possible. Écoute, merci. Dernière petite séquence. La moutarde qui te monte au nez. La moutarde me monte au nez. Est-ce qu'il y a une chose particulière qui t'indigne aujourd'hui autour de toi ?

  • Speaker #1

    Il y en a deux.

  • Speaker #0

    Ah, ça m'étonne pas.

  • Speaker #1

    La première, c'est en tant que maman, je m'occupe pas mal des repas, de l'intendance. Et je ne sais pas comment résoudre l'équation entre que ce soit bon, manger bon, des circuits courts, si possible en bio, de saison et qui rentrent dans mon budget. C'est vraiment cinq paramètres. J'ai beau demander à Chadipidi comment résoudre cette équation-là, c'est très, très, très difficile. Je veux manger de saison, je veux manger en circuit court, je veux me fournir. Je n'y arrive pas. Je vais te donner un exemple extrêmement concret pour te dire à quel point j'ai ce coup de gueule. J'ai un jour fait mes courses et j'ai fait deux caddies. Je suis allée au supermarché normal, comme plein de familles. J'ai constitué mon caddie. Ensuite, je suis allée dans des circuits bio et j'ai fait exactement le même caddie. Est-ce que tu sais quel était le rapport ? Combien est-ce que le panier bio était plus cher que le non bio normal ? C'était 100% plus cher, Christian. C'était 100% plus cher. Je vais te dire pourquoi. Ce n'est pas que je prenais le même produit en version bio. Quand tu vas dans un supermarché et qu'il y a des promotions, tu vas prendre des promotions. Les promotions ne sont jamais sur des produits bio. Donc, si tu fais des courses comme une famille normale, tu te retrouves entre les promotions et puis ensuite le caddie, il y a 100% de différence. C'est deux fois plus cher. Donc, comment on fait quand on n'a pas assez de revenus ? Bien sûr. Comment on fait pour pouvoir bien manger ? Et pour nourrir bien sa famille. J'ai trois enfants, j'ai des adolescents, mais ce n'est pas un repas qu'ils prennent, c'est trois repas en un. Je fais comment ? Donc, j'ai un vrai coup de gueule là-dessus. Et puis, je vais même... plus loin que ça. Et ça, c'est quelque chose que j'ai découvert grâce à la cousine de mon mari qui s'appelle Valentine de Gannet, qui a fait aussi un séminaire là-dessus. Mais non seulement il y a l'accès au bio, déjà c'est un luxe, mais ensuite derrière, il y a l'accès au temps. Comment tu fais quand tu as des produits qui, en deux jours, tu vois, il faut les cuisiner en deux jours, ils ne tiennent pas plus que deux jours, tu vois, parce que... Parce qu'ils sont bio. Et là, tu as des familles qui en fait, en général, travaillent à 10h pas possible, rentrent chez elles, sont fatiguées et tu vois, n'ont pas la capacité.

  • Speaker #0

    Ça t'a posé une problématique essentielle.

  • Speaker #1

    Ça c'est vraiment incroyable. Donc ça c'est mon premier et si tu veux bien un deuxième très rapidement alors ça c'est parce que j'ai des enfants aussi petits mais tu vois, donc j'ai réussi je crois je suis très fière d'avoir les avoir convaincus que finalement ce qui est cuisiné avec amour et ce qui est cuisiné soi-même finalement est meilleur que les fast-foods et la cuisine industrielle et tout ce que tu défends dans le collège. Néanmoins, mon souci c'est que tu sais tu as quand même envie d'avoir des petits jokers. C'est-à-dire que tu as envie, c'est celui qui te fait manger les légumes toute la semaine qui doit être celui qui t'emmène au restaurant ou alors à quelque chose dans l'indulgence. Très souvent, mes enfants me réclament.

  • Speaker #0

    Au moment où je veux leur faire plaisir, ils me réclament des fast-foods. Et tu vois, c'est terrible parce que je pense qu'ils sont convaincus qu'à la maison, c'est bien meilleur que le fast-food, mais ils n'y vont pas pour le goût. Ils y vont parce que c'est associé à des moments de joie et de plaisir.

  • Speaker #1

    C'est la relation sociale, c'est la construction sociale qui se fait par le fast-food.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, mais ça, même moi, mes enfants qui préfèrent quand c'est bon, le plat, le poids est bien meilleur. Mais le fait qu'ils associent ça à un moment de joie fait que...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simplement un enjeu de bien manger ou de choisir ou d'éduquer. C'est un enjeu culturel, sociétal et politique.

  • Speaker #0

    Et je suis tombée dans mon propre bien. C'est normal. Donc toute la semaine, je vais bien les nourrir, bien les alimenter. Parce que c'est comme ça que je vais les rendre heureux aussi plus tard. Néanmoins, quand il y a un moment de joie et de fête, ils me réclament des fast-food. Et ça, ça me révolte.

  • Speaker #1

    Bon, il faut absolument qu'on fasse un autre podcast, que tu développes tout ça, parce que c'est vraiment passionnant. Écoute, je te remercie vraiment, merci de tout ce que tu nous as apporté. Je pense que nos auditeurs vont être vraiment très très intéressés. Est-ce que tu aurais en confidence une ou deux adresses à nous donner, qui soient de producteurs, qui te viennent à l'esprit, que tu aimes bien, soit de restaurants même ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai envie de passer un message à tous ces restaurateurs du collège. C'est vrai que j'aime beaucoup le restaurant Racine à Lectour. Donc ils sont nos voisins. Mais je dirais que ce qui est formidable chez lui, c'est qu'il fait plein d'expérimentations. Et qu'en fait, en goûtant ses assiettes, on a l'impression de goûter un peu de sa personnalité. Et ça, c'est formidable. Donc moi, j'ai été élevée, aller au restaurant quand j'étais enfant, c'était un luxe. Et donc ma mère me disait, choisissez quelque chose que vous n'avez pas à la maison. Quand je vais au restaurant et quand je choisis un lieu, j'aime bien déguster un petit peu de sa personnalité. Et ce qui fait que c'est un grand créateur.

  • Speaker #1

    Formidable, c'est ce qu'on appelle le supplément d'âme Merci Lily, merci pour toutes ces anecdotes toutes ces expériences que tu nous as retraduites et je te dis à très vite bien sûr toujours à travers toutes tes activités et puis à l'Hectour qui va devenir très vite une destination vraiment mondiale même Là je te donne un tout petit teaser le temple,

  • Speaker #0

    c'est le temple du cocktail qu'on est en train de construire Magnifique,

  • Speaker #1

    merci à toi Merci Dans 15 jours, vous aurez un invité qui s'appelle Stéphane Gallon, qui œuvre à travers ses deux restaurants en Bretagne, à Fougères, et qui a une expérience à nous raconter qui est absolument extraordinaire. Dans sa relation avec ses producteurs, il a développé une communauté qui est absolument unique en son genre, et dont il nous rencontrera avec passion les différents détails.

  • Speaker #2

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment à notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

Description

Dans cet épisode, nous partons à la découverte de ceux qui transforment leur passion en action. Aujourd’hui, c’est avec Lili de Montal que nous poursuivons ce voyage. 
Au cœur du Haut-Armagnac, dans sa propriété familiale de Château Arton, elle nous ouvre les portes de son univers, où la quête de l'excellence se mêle à une démarche éthique et créative.
En réinventant un terroir, en réaffirmant la place de l'humain et de l’environnement dans chaque geste, elle démontre que créer du beau, c’est aussi nourrir les corps et les âmes. 

Un voyage inspirant où chaque geste a du sens, chaque rencontre laisse une empreinte. Lili nous invite à une réflexion profonde sur l’agriculture, la production, la gastronomie et l’avenir de nos territoires.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

En cuisine :

Un foodcast mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Mojo (17éme arrondissement de Paris), lieu vivant et chaleureux.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans le podcast de La Terre à l'Assiette. Nous ouvrons aujourd'hui un nouvel épisode avec Lily Sheng de Montal. Lily est une figure clé du château Harton, un domaine familial situé dans le Haut-Armagnac en Gatscone. D'origine chinoise, elle est l'épouse de Jean de Montal. Elle apporte une vision artistique et stratégique au domaine. enrichi par son expérience internationale dans le développement des marques de luxe et de lifestyle de l'Europe à l'Asie. Château-Arton fait désormais partie du Collège Client de France depuis 2021 et le foisonnement de projets portés par Lili à partir de ce domaine familial de haute tradition n'a pas fini de nous étonner. Alors maintenant, laissons-nous conduire sur ce chemin de passion. Une émission présentée par Christian Rogubit. Alors cher Lili, dis-nous d'abord ce qui t'a fait choisir entre la vie confortable de Singapour et la reprise d'un vignoble en France. Toi qui a 19 ans, encore étudiante, à qui après un stage chez Lacoste, on a proposé d'ouvrir un bureau en Chine pour représenter la marque et où tu as fait merveille pendant 7 ans.

  • Speaker #1

    Bonjour Christian. Très bonne question. Qu'est-ce qui a fait que j'ai basculé ? Et je crois qu'il y a un petit peu de crise de quarantaine, mélangée avec le fait de devenir mère. Et puis, certainement, mes beaux-parents, qui ont été des gens extrêmement inspirants. Et donc, j'ai fait le choix de devenir rurale, de passer de citadine à rurale. Et ça, ça a été un bouleversement dans la vie.

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire parce que tu dis ça avec beaucoup de sérénité, mais tu avais développé une carrière internationale. Tu étais manifestement heureuse de ta vie à Singapour avec ton mari Jean de Montal, qui lui est ingénieur en sciences de l'environnement, qui avait une carrière également et qui a toujours une carrière remarquable. Et tes enfants qui étaient tous scolarisés. Et vous vous êtes installée à Lectour, donc dans le domaine familial, en 2021 à Château-Arton avec, comme tu dis, tes beaux-parents Patrick de Montal et Victoire de Montesquieu. Oui. Indépendamment de ce domaine familial, qu'est-ce qui t'a... attiré dans cette logique-là par rapport à toutes tes activités internationales ?

  • Speaker #1

    Alors, si tu veux bien, je vais te raconter une petite anecdote dont je suis très fière, personnellement. Donc, comme tu l'as dit, je suis vraiment née dans le béton. Moi, je suis parisienne d'origine chinoise et j'ai grandi, étudié dans des villes, dans des méga-villes. Paris, Londres, Shanghai, Pékin. Très rapidement, c'est vrai, je suis envoyée par Lacoste à 19 ans pour ouvrir un bureau de représentation là-bas. Donc tout s'est accéléré très vite, je suis rentrée dans le monde du travail assez rapidement. Un monde effréné, très très rapide. Et dans ce parcours-là, je rencontre Jean. Jean qui, lui, a grandi à Lectour, donc 3000 habitants.

  • Speaker #0

    Où tu l'as rencontré ?

  • Speaker #1

    Alors je l'ai rencontré à Paris, dans une fête, parce qu'il était étudiant en école d'ingénieur à Paris. On se rencontre là et puis on commence à se fréquenter, comme on dit, alors que je faisais mes études en Chine. Et puis, tu vois, quand je regarde son parcours à lui, donc il grandit à la campagne, il fait une partie de ses études justement d'environnement, de développement durable aux Etats-Unis et il choisit de déposer une Chinoise. Donc si tu regardes un peu visuellement cette planète, il ne pouvait pas aller plus loin pour échapper à sa destinée qui était Arton. Et donc, ma grande fierté, c'est que c'est vraiment moi qui l'ai ramené à l'Ectour, au domaine familial. Donc ça, c'est un petit peu pour te donner du contexte à pourquoi est-ce qu'on a décidé en 2021 de revenir. Après, il y a la vie qui a fait qu'il y a beaucoup de choses qui se sont accélérées. Ça faisait déjà sept ans qu'on était en Asie. Les cycles des sept ans, c'est connu. Sept ans, on se remet beaucoup en question. Soit on réenclenche un autre cycle de sept ans, ou alors on change. Et à ce moment-là, on a eu plein de signaux, des parents aussi qui étaient fatigués au domaine. Et on s'est dit que c'était le bon moment pour revenir en France. Donc, on a pris cette décision après cette année d'expatriation en Asie, Hong Kong, Singapour, où les enfants sont nés, de revenir en France, déjà à Paris. Et ensuite, il y a eu la Covid. Confinement à Arton parce que le cadre est tellement merveilleux. Et quand on est allé à Arton pour le confinement, on a été vraiment au centre du réacteur. On a vu ce que c'était le vignoble, les équipes, les opérations et les parents qui fatiguaient aussi. Et donc, si tu veux, après, c'était devenu une évidence qu'il fallait qu'on aide. On ne pouvait pas rester comme ça, témoin. Et on était au centre parce que moi, ça faisait 20 ans que j'étais plus ou moins dans la famille. On allait à la campagne pour le week-end, tu vois, les vacances, le week-end. C'était pas notre vie. Nous, notre vie, c'était les avions, c'était les réunions, c'était...

  • Speaker #0

    Bien sûr !

  • Speaker #1

    Moi, j'étais dans la mode, dans les accessoires, dans les maisons de luxe, et je n'étais pas du tout à la campagne, mais au point où je ne connaissais même pas les saisons. Donc là, en termes de parcours, j'ai envie de te dire que je suis aujourd'hui membre du Collège Culinaire de France et artisan militant de la qualité que je pense être aujourd'hui, maintenant depuis 4 ans. Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Je viens de très très loin.

  • Speaker #0

    Dans tout ce que tu racontes, il y a cette vie dans laquelle vous étiez très bien et vous étiez fait pour cette vie aussi, avec les qualités que vous aviez, de performance, etc. Ça me donne la sensation, il y a un mot qui me vient à l'esprit, vous êtes rentré en hybridation. C'est-à-dire hybridé avec l'essence même de la vie. Ce n'est pas simplement tes beaux-parents, c'est le lieu, c'est vos parcours communs. Et d'un seul coup... tout ça vient s'hybrider pour vous constituer. C'est pas parce que vous étiez dans une forme d'incomplétude, quelque part, malgré toute la réussite que vous puissiez avoir. Donc c'est cet élément-là que je ressens fortement dans ce que tu dis. C'est vraiment très intéressant, très passionnant. Alors, on va continuer, parce que aller plus dans le fond d'un certain nombre de choses. Mais je voudrais te proposer de te prêter à une petite interview, avant, qu'on a baptisée « Toc toc, qui est là ? » « Toc toc, qui est là ? » Alors tu vas voir, c'est très simple. Si tu étais un animal ?

  • Speaker #1

    Un oiseau.

  • Speaker #0

    Quel oiseau ?

  • Speaker #1

    N'importe lequel, tous ceux qui savent chanter, parce que je suis nulle en chant.

  • Speaker #0

    Ah, c'est le chant, c'est pas le fait de t'envoler.

  • Speaker #1

    Plein de choses.

  • Speaker #0

    Plein de choses. Il y a de ça aussi. Aussi. De surplomber les choses.

  • Speaker #1

    Prendre de la hauteur.

  • Speaker #0

    Prendre de la hauteur, exactement. Si tu étais une saison ?

  • Speaker #1

    Printemps.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Parce que je suis une femme et que le printemps, c'est la renaissance.

  • Speaker #0

    De la vie, oui, bien sûr. C'est le cycle. Une ville, soit qui t'a marquée, soit dans laquelle tu as une affection particulière ?

  • Speaker #1

    Je dirais Hong Kong.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que représente Hong Kong ?

  • Speaker #1

    Beaucoup de bordel. Énormément d'odeurs qui se mélangent. C'est très cosmopolite. Hong Kong est en train de vivre une transition historique aussi.

  • Speaker #0

    Qu'on ressent quand on est là-bas ?

  • Speaker #1

    J'y ai vécu pendant la révolution des parapluies. Donc oui, il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas. Une grande énergie. Et puis sur la scène culinaire, une sorte de destination. Voilà, un carrefour de plein de civilisations.

  • Speaker #0

    Rentrons peut-être un peu plus dans ce qui est maintenant votre vie. Si on parle de Château-Arton, la famille de ton mari est, semble-t-il, descendante du mousquetaire d'Artagnan. On remonte jusqu'au Xe siècle à travers ta belle-mère, qui s'appelle Victoire de Montesquieu, et ton beau-père, qui lui a été, dès le départ, au cœur même de ce terroir. Donc, je crois que c'est à peu près 88 hectares. Oui. 98 hectares. De vignes qui sont aujourd'hui des vignes en majorité haussées au Armagnac ?

  • Speaker #1

    98 hectares, c'est le domaine dans son intégralité avec les parcs, les forêts. En vignes, on en a 60 qui sont dédiées à la vigne. Et sur les 70, 17 sont dédiées à l'Armagnac, au Haut-Armagnac. D'accord. Parce que ce ne sont pas les mêmes cépages que l'on cultive pour le vin ou pour l'Armagnac.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est absolument génial parce que... J'ai découvert ce que beaucoup de gens ne savent pas et que vous expliquez très très bien. La différence entre le cognac, l'armagnac ou tout ça, pour les gens en général, on voit la même chose. Vous expliquez très bien que l'armagnac, c'est un vin. Ça relève plus de la notion du vin que de la notion que peut relever le cognac.

  • Speaker #1

    Ça a été l'œuvre de mon beau-père. C'est ça. D'avoir établi ce lien entre matière première, qui est le vin, de distillation et la qualité de l'armagnac. Donc il faut bien repositionner l'Armagnac dans la culture du vin, qui est aussi la culture des millésimes et la culture des saisons, du fruit, en fait du vivant.

  • Speaker #0

    À la différence du cognac, qui lui n'est pas sur les mêmes...

  • Speaker #1

    Alors tu sais, je suis très prudente là-dessus parce que je pense que le cognac est un autre savoir-faire. Merveilleux en termes d'assemblage, de connaissance des déchets, justement de ces assemblages, de l'art de l'assemblage. Et je crois que l'Armagnac doit beaucoup au cognac aussi, parce que c'est aussi grâce au cognac que l'Armagnac est devenu plus connu. C'est encore très, très niche, beaucoup trop niche à mon sens. Moi, ce que j'essaie de raconter à mes visiteurs, parce que comme tu le dis, on a beaucoup développé ce qu'on appelle le spiritourisme. C'est une nouvelle dénomination qui a été suggérée par notre interprofession. Et moi je...

  • Speaker #0

    En rapport à l'onotourisme.

  • Speaker #1

    A l'onotourisme, tout à fait. Donc le spiritourisme est ce que l'onotourisme est au vin, mais pour les spirituels.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Nous, on a décidé d'orienter toutes nos visites et nos découvertes autour de ce terme de spiritourisme. pour raconter plus par la technique comment est-ce que l'armagnac se différencie des autres spirituels en général. Alors c'est vrai que la plupart de mes visiteurs font cette confusion entre cognac et armagnac. Je vais, moi, les différencier d'une manière technique. Je ne suis pas là pour dire lequel est le meilleur. Ça, chacun va pouvoir juger, tu vois. Et heureusement, chacun ses goûts. Il y a de tout pour faire un monde. Mais là, je reviens un petit peu à mon... mon passé dans la mode. Parce que j'aime faire souvent cette analogie entre les maisons de couture, les maisons de créateurs, avec les maisons d'Armagnac et puis de spiritueux. Il y a autant de maisons d'Armagnac qu'il y a de créateurs. Et ce qui est formidable, tu peux aimer un créateur, tu peux aimer de la croix et ça ne t'empêche pas d'aimer aussi le maire ou Isseymeake. En fait, ce que l'on apprécie dans la couture, ce sont les expertises de chacun. C'est le style de chacun. Et on va les apprécier, les aimer pour ça, pour leur talent unique. En Armagnac, tu as exactement la même chose. Tu as énormément de paramètres qui peuvent changer. On a le choix entre 10 cépages, donc 10 raisins différents. On a 3 différents terroirs, ça veut dire des sols différents, des biotopes, des parcelles différentes. Et ensuite, on a le choix dans la manière dont on assemble ou pas. Et puis le choix d'agriculture aussi. Donc ça fait quand même énormément de paramètres qui font que le résultat, au bout du compte, est complètement unique et singulier.

  • Speaker #0

    C'est passionnant parce que, effectivement, d'abord, ça éclaire beaucoup parce que ça ne vient pas à l'esprit immédiatement. Il faut vraiment chercher et tu l'expliques très, très bien. Et en fait, tout ça est aussi le travail de 40 dernières années de tes beaux-parents. Ou si mes informations sont exactes, ton beau-père, Patrick de Montal, a repris... la culture après la crise du phylloxéra, qui avait détruit énormément de vignes. Et il a replanté, il a été un des premiers à replanter et à travailler ce cépage. Et on dit souvent d'ailleurs, j'ai entendu dire que ton beau-père, lui, s'était occupé justement de la vigne. Et ton mari, avec sa connaissance d'ingénieur des sciences de l'environnement, s'occupe des sols. C'est une complémentarité absolument extraordinaire. Parce que c'est deux univers complémentaires, mais extrêmement techniques aussi.

  • Speaker #1

    Oui, je vais aller plus loin que ça. Ça a été notre réponse. Parce que, si tu veux, je te disais au début que Jean avait tout fait pour fuir, tu vois, le vignoble, au début. C'est aussi parce qu'on avait...

  • Speaker #0

    Pourquoi fuir ? Parce qu'il avait besoin de se détacher pour exister.

  • Speaker #1

    Je vais te dire, parce qu'en fait, c'est très, très difficile de prendre la suite des parents. quand ils ont... Alors, pour un petit peu synthétiser, je disais qu'ils ont accompli trois prouesses. D'accord, pour vraiment résumer, parce que bien sûr, tu ne résumes pas 40 ans de culture, mais ils ont accompli trois prouesses et c'est très difficile ensuite de prendre la suite et de se dire, mais quelle va être ma contribution ? Comment je vais faire pour être à la hauteur ? Le premier, il ressuscite un terroir. Donc le Haut-Armagnac, tu sais, avait complètement disparu après le phylloxéra pour une raison qui est complètement d'environnement. Donc en AOC, tu sais, on n'a pas le droit d'irriguer, puisque l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, c'est une charte qui est très stricte, qui nécessite qu'on réunisse toutes les conditions optimales, naturelles, pour la culture de quelque chose. Donc tu peux, bon voilà, donc toi tu le sais très bien, il y a des AOC à peu près dans toutes les catégories alimentaires. Et nous en Armagnac, donc, on n'a pas le droit d'irriguer. Donc lorsque tu as une sécheresse comme en 2022 par exemple, eh bien tu n'as pas, tu as... un millimètre de pluie en quatre mois, tu fais avec. Ça veut dire que tu n'as pas... Les raisins, les baies sont minuscules, tu n'as pas de jus, tu n'as pas de vin, tu n'as pas d'Armagnac. Tous ceux qui sont dans des appellations contrôlées comme ça suivent ces règles-là. Eux, dans là où c'est haute Armagnac, tu es en altitude, c'est pour ça que ça s'appelle le haut Armagnac. Ce n'est pas une question de nord-sud, c'est une question d'altitude. Nous, on est très haut pour de l'Armagnac, on est à au moins 200 mètres d'altitude. Et tu as beaucoup moins d'eau que dans le bas armagnac. Donc, au début du XXe siècle, tout est arraché. Parce que le phylloxéra sévit. Le seul moyen de l'évacuer, de l'évincer, c'est de noyer les pieds de vigne dans de l'eau. Et il n'y en a pas assez dans le haut armagnac. Parce qu'on est en altitude. Notre sol, c'est une pierre calcaire. Ça s'appelle le perusquet. Donc, ça veut dire que la vigne est plantée dans de la pierre. Et ensuite, on doit aller trouver l'eau en dessous de la pierre. Il n'y en a pas assez. Et il faut tout arracher. On remplace ça par la polyculture. Patrick de Montal, mon beau-père, décide de tout replanter. Aujourd'hui... Ça reste extrêmement confidentiel. Le Haut-Armagnac, ce n'est même pas 2% de toute la production d'Armagnac. Mais comme il l'a replacé, il était le premier à le faire, aujourd'hui, on détient 70% de ce terroir. Donc, première chose, il ressuscite un terroir. Deuxième chose, je vais être plus rapide, il crée une catégorie de spiritueux, la Blanche-Armagnac, qui naît à Harton. C'est pur ?

  • Speaker #0

    Pur, pur.

  • Speaker #1

    Alors pur, mais qui n'a pas d'élevage en fait, qui ne rentre pas dans la barrique en chaîne. Donc oui, elle est cristalline C'est de l'eau de vie de vin Qui existe depuis 700 ans Puisque c'est une étape obligatoire pour faire de l'Armagnac Seulement Patrick Isole cette étape-là Et la met en bouteille Et explique que si on comprend Ce produit, on comprend sa filiation Avec le vin, parce qu'il y a tous les arômes C'est le substrat du vin Et il n'y a pas de possibilité de camoufler ça Avec du bois Donc il établit ce lien entre qualité de l'Armagnac et qualité du vin. Et puis, troisième chose qu'il réussit, en 2017, il n'y a pas si longtemps que ça, au Salon de l'Agriculture, il décroche le prix d'excellence du concours général agricole dans la catégorie de tous les spiritueux de France. Donc, tu te retrouves là, avec une petite maison d'Armagnac, du terroir le plus confidentiel, en face de tous les Cognacs, tous les Calvados et toutes les autres villes de France. et c'est lui qui remporte ce titre. On arrive là. La deuxième génération, tu vois, on est là avec mon mari, mais aussi avec Fabrice, qui est notre chronologue, qui a travaillé avec Patrick pendant 23 ans et qui, au moment de la transmission familiale, Patrick lui donne des parts de la société et aujourd'hui, nous sommes les trois mousquetaires d'Arton.

  • Speaker #0

    Bravo, c'est très bien. Alors, c'est passionnant. On t'écouterait pendant des heures là-dessus et je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire également. Mais je voudrais qu'on passe aussi à un autre aspect qui est justement tout ce que tu génères, toi, dans ce domaine d'arton. Avant, juste un petit jeu que nos invités redoutent quelquefois. Fromage ou dessert ? C'est fromage ou dessert ? Je vais te poser des questions très rapides et tu me réponds spontanément. Est-ce que tu préférerais renaître dans le passé ou dans le futur ?

  • Speaker #1

    Futur. Pourquoi ? Parce que je suis optimiste.

  • Speaker #0

    Tu préfères la vie personnelle ou la vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    Alors, les enfants, il faut fermer les oreilles, professionnelle.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce n'est pas un peu ta vie personnelle aussi ?

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je sais que tout le monde me parlera.

  • Speaker #0

    Tu as parlé aussi des villes dans lesquelles tu as vécu. Vivre dans une grande ville ou dans une petite ville ?

  • Speaker #1

    Eh bien, ça dépend à quel moment de vie, mais là, c'est petite ville en ce moment.

  • Speaker #0

    D'accord. La grande ville ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    Non, j'y vais quand j'en ai envie. Voilà,

  • Speaker #0

    c'est ça. Tu peux choisir d'y aller. Travail ou vacances ?

  • Speaker #1

    Travail, forcément.

  • Speaker #0

    Qui sont des vacances pour toi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc là, tu nous as bien expliqué, et c'est vraiment encore une fois passionnant, ce qui se passe sur ce vignoble avec l'affiliation de tes beaux-parents, de ton beau-père et de ta belle-mère, qui, Victoire, a joué un rôle aussi dans la notion qui doit complètement être concernante avec toi, du beau. Elle a ce sens du beau dans la manière de voir les choses. Depuis que vous êtes revenu, tu as toute une démarche, qui est une démarche que je vais qualifier de culturelle. de créative, d'artistique. Donc à partir de ce lieu, qui est un lieu unique pour plein de raisons et qui résonne pour vous d'une manière encore plus importante, tu veux en faire vraiment un monde culturel qui va venir s'intégrer complètement dans ces sources dont tu viens de nous parler tout à l'heure. Tu peux nous en dire un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    oui. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    Notre réponse à la deuxième génération qui a été de... de faire la continuité. Mon beau-père qui a fait le lien entre l'Armagnac et le vin. Donc mon mari, notre associé onologue et moi-même, avons décidé d'aller encore plus en amont, c'est-à-dire d'aller dans le sol. Donc pour faire un bon vin, il faut d'abord avoir un bon sol, sain. Et en réalité, c'est quelque chose, c'est une vision que mes beaux-parents partageaient depuis le début. Donc c'est cette notion de paysage, et cette notion de sublimer le paysage. Et c'est là où je dirais que ma compétence... de direction artistique, il vient trouver tout son sens, parce qu'il y a un moment où il y a un alignement entre le front et la forme. J'ai presque envie de te dire que même pour mon beau-père, il y a 45 ans, le fait d'avoir choisi l'Armagnac n'a été qu'un prétexte. C'est-à-dire que c'est comme si le vin et l'Armagnac étaient un véhicule d'expression de ce sol. Il se trouve qu'on est dans le Haut-Armagnac et que là aussi, Haut-Armagnac, c'est de l'Armagnac. Si on avait été ailleurs, moi qui suis d'origine chinoise, si j'avais été en Chine, ça aurait peut-être été de la soie ou du thé. Mais là, on est en Gascogne, à Lectour, dans le Haut-Armagnac. Et pour pouvoir sublimer ce terroir-là et ce paysage-là, c'est l'Armagnac qui est le meilleur véhicule d'expression.

  • Speaker #0

    Un vecteur, en fait.

  • Speaker #1

    C'est un vecteur. Et ce vecteur-là, il s'exprime par sa substance, donc la manière, le choix d'agriculture, et puis évidemment sa palette aromatique, et puis toute cette dégustation, le produit. Mais aussi ensuite, dans sa présentation, son rayonnement, son esthétique. Et tu vois, cet alignement entre le fond et la forme va toucher aussi la manière dont le domaine, lui, est pensé, tu vois, dans son paysage, dans la manière dont nos chais sont intégrés dans ce paysage-là. Si tu viens à la maison, d'ailleurs tu es venu, tu verrais que tu ne saurais même pas où se trouvent les chais, tellement ils sont complètement pensés et intégrés dans le paysage. Donc ça, c'est quelque chose, je me suis vraiment retrouvée, parce que c'est vrai qu'il n'y avait rien qui me prédestinait à reprendre. cette exploitation familiale. Aujourd'hui, j'assume totalement le fait que c'est vraiment moi, la pièce rapportée, la belle-fille qui a repris cette entreprise-là, cette aventure, et j'ai entraîné mon mari dedans. Et après, je l'ai exploité pour, tu vois, ses connaissances et ses compétences techniques, qui étaient le sol. Donc lui, le développement durable, tu sais, c'est trois choses très concrètes. C'est la gestion de l'eau, les déchets et les sols. Donc à partir du moment où tu as ces trois-là, ce qui était parfait, ça me rendait service en plus, donc lui peut continuer à œuvrer dans la scène internationale, à identifier les meilleures technologies pour pouvoir avancer dans ces domaines-là. Et moi, il va m'aider avec le domaine à pouvoir repenser tout ça pour que ce soit vertueux. Et pour qu'on arrive à notre grand projet, qui est d'en faire un lieu culturel, une destination, un temple ouvert au monde entier.

  • Speaker #0

    C'est encore plus sublimé. Ce qu'avait fait dans l'ancien temps et qui existe encore, la Villa Medici en Italie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est exactement ça. Des résidences, une expression. En fait, c'est de l'accubation, mais toujours en lien avec l'idée de sublimer un territoire, en lien avec l'artisanat et l'agriculture.

  • Speaker #0

    Il y a vraiment une totalité dans ce que tu dis. C'est pour ça que quand je parlais d'hybridation tout à l'heure, on s'y retrouve encore. Il y a une captation de tout ce qui vous entoure. Que ce soit sur le vivant, que ce soit sur la terre, que ce soit sur les gens autour. Tu m'as parlé encore ce matin de tous les gens qui étaient autour et sur lesquels, ce n'est pas simplement des réseaux, c'est des captations de vivants, de vies, de chemins qu'on va retrouver dans ce temple. C'est génial, c'est absolument génial. On a hâte de le voir évoluer.

  • Speaker #1

    Alors, il y a quand même une raison pour laquelle Jean ne voulait pas venir tout seul. Ah oui. Tu vois, c'est que tout ça, c'est extrêmement compliqué. à faire vivre de manière économique, il faut avoir, j'allais dire, cette fibre d'entrepreneur que Jean n'a pas tout seul. Oui. Et je crois qu'il avait l'humilité aussi de le savoir.

  • Speaker #0

    De le savoir. Oui, de savoir qui on est et ce pour quoi on est fait.

  • Speaker #1

    Oui. Alors que moi, pour le coup, je ne suis pas née en campagne, mais j'ai cette fibre-là. Et tu vois, s'il y a une chose que j'ai vue dans ce domaine-là, c'est son potentiel extraordinaire. Et je crois que j'ai vu ce qu'avaient fait mes grands-parents, qui sont extrêmement visionnaires. Et donc c'est ça qu'on a envie de déployer aujourd'hui. Mais il faut que économiquement ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Bien sûr, l'équation économique n'est pas évidente, surtout dans le système où nous nous trouvons. Donc pour garder la ligne, mais c'est un des grands enjeux d'ailleurs de tous les artisans militants de la qualité, à des degrés divers, c'est trouver le modèle économique. qui est généré par ça et pas le modèle économique du système dans lequel nous nous trouvons qui viendrait se plaquer dessus. Parce que là, c'est pas possible. Écoute, merci. Dernière petite séquence. La moutarde qui te monte au nez. La moutarde me monte au nez. Est-ce qu'il y a une chose particulière qui t'indigne aujourd'hui autour de toi ?

  • Speaker #1

    Il y en a deux.

  • Speaker #0

    Ah, ça m'étonne pas.

  • Speaker #1

    La première, c'est en tant que maman, je m'occupe pas mal des repas, de l'intendance. Et je ne sais pas comment résoudre l'équation entre que ce soit bon, manger bon, des circuits courts, si possible en bio, de saison et qui rentrent dans mon budget. C'est vraiment cinq paramètres. J'ai beau demander à Chadipidi comment résoudre cette équation-là, c'est très, très, très difficile. Je veux manger de saison, je veux manger en circuit court, je veux me fournir. Je n'y arrive pas. Je vais te donner un exemple extrêmement concret pour te dire à quel point j'ai ce coup de gueule. J'ai un jour fait mes courses et j'ai fait deux caddies. Je suis allée au supermarché normal, comme plein de familles. J'ai constitué mon caddie. Ensuite, je suis allée dans des circuits bio et j'ai fait exactement le même caddie. Est-ce que tu sais quel était le rapport ? Combien est-ce que le panier bio était plus cher que le non bio normal ? C'était 100% plus cher, Christian. C'était 100% plus cher. Je vais te dire pourquoi. Ce n'est pas que je prenais le même produit en version bio. Quand tu vas dans un supermarché et qu'il y a des promotions, tu vas prendre des promotions. Les promotions ne sont jamais sur des produits bio. Donc, si tu fais des courses comme une famille normale, tu te retrouves entre les promotions et puis ensuite le caddie, il y a 100% de différence. C'est deux fois plus cher. Donc, comment on fait quand on n'a pas assez de revenus ? Bien sûr. Comment on fait pour pouvoir bien manger ? Et pour nourrir bien sa famille. J'ai trois enfants, j'ai des adolescents, mais ce n'est pas un repas qu'ils prennent, c'est trois repas en un. Je fais comment ? Donc, j'ai un vrai coup de gueule là-dessus. Et puis, je vais même... plus loin que ça. Et ça, c'est quelque chose que j'ai découvert grâce à la cousine de mon mari qui s'appelle Valentine de Gannet, qui a fait aussi un séminaire là-dessus. Mais non seulement il y a l'accès au bio, déjà c'est un luxe, mais ensuite derrière, il y a l'accès au temps. Comment tu fais quand tu as des produits qui, en deux jours, tu vois, il faut les cuisiner en deux jours, ils ne tiennent pas plus que deux jours, tu vois, parce que... Parce qu'ils sont bio. Et là, tu as des familles qui en fait, en général, travaillent à 10h pas possible, rentrent chez elles, sont fatiguées et tu vois, n'ont pas la capacité.

  • Speaker #0

    Ça t'a posé une problématique essentielle.

  • Speaker #1

    Ça c'est vraiment incroyable. Donc ça c'est mon premier et si tu veux bien un deuxième très rapidement alors ça c'est parce que j'ai des enfants aussi petits mais tu vois, donc j'ai réussi je crois je suis très fière d'avoir les avoir convaincus que finalement ce qui est cuisiné avec amour et ce qui est cuisiné soi-même finalement est meilleur que les fast-foods et la cuisine industrielle et tout ce que tu défends dans le collège. Néanmoins, mon souci c'est que tu sais tu as quand même envie d'avoir des petits jokers. C'est-à-dire que tu as envie, c'est celui qui te fait manger les légumes toute la semaine qui doit être celui qui t'emmène au restaurant ou alors à quelque chose dans l'indulgence. Très souvent, mes enfants me réclament.

  • Speaker #0

    Au moment où je veux leur faire plaisir, ils me réclament des fast-foods. Et tu vois, c'est terrible parce que je pense qu'ils sont convaincus qu'à la maison, c'est bien meilleur que le fast-food, mais ils n'y vont pas pour le goût. Ils y vont parce que c'est associé à des moments de joie et de plaisir.

  • Speaker #1

    C'est la relation sociale, c'est la construction sociale qui se fait par le fast-food.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, mais ça, même moi, mes enfants qui préfèrent quand c'est bon, le plat, le poids est bien meilleur. Mais le fait qu'ils associent ça à un moment de joie fait que...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simplement un enjeu de bien manger ou de choisir ou d'éduquer. C'est un enjeu culturel, sociétal et politique.

  • Speaker #0

    Et je suis tombée dans mon propre bien. C'est normal. Donc toute la semaine, je vais bien les nourrir, bien les alimenter. Parce que c'est comme ça que je vais les rendre heureux aussi plus tard. Néanmoins, quand il y a un moment de joie et de fête, ils me réclament des fast-food. Et ça, ça me révolte.

  • Speaker #1

    Bon, il faut absolument qu'on fasse un autre podcast, que tu développes tout ça, parce que c'est vraiment passionnant. Écoute, je te remercie vraiment, merci de tout ce que tu nous as apporté. Je pense que nos auditeurs vont être vraiment très très intéressés. Est-ce que tu aurais en confidence une ou deux adresses à nous donner, qui soient de producteurs, qui te viennent à l'esprit, que tu aimes bien, soit de restaurants même ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai envie de passer un message à tous ces restaurateurs du collège. C'est vrai que j'aime beaucoup le restaurant Racine à Lectour. Donc ils sont nos voisins. Mais je dirais que ce qui est formidable chez lui, c'est qu'il fait plein d'expérimentations. Et qu'en fait, en goûtant ses assiettes, on a l'impression de goûter un peu de sa personnalité. Et ça, c'est formidable. Donc moi, j'ai été élevée, aller au restaurant quand j'étais enfant, c'était un luxe. Et donc ma mère me disait, choisissez quelque chose que vous n'avez pas à la maison. Quand je vais au restaurant et quand je choisis un lieu, j'aime bien déguster un petit peu de sa personnalité. Et ce qui fait que c'est un grand créateur.

  • Speaker #1

    Formidable, c'est ce qu'on appelle le supplément d'âme Merci Lily, merci pour toutes ces anecdotes toutes ces expériences que tu nous as retraduites et je te dis à très vite bien sûr toujours à travers toutes tes activités et puis à l'Hectour qui va devenir très vite une destination vraiment mondiale même Là je te donne un tout petit teaser le temple,

  • Speaker #0

    c'est le temple du cocktail qu'on est en train de construire Magnifique,

  • Speaker #1

    merci à toi Merci Dans 15 jours, vous aurez un invité qui s'appelle Stéphane Gallon, qui œuvre à travers ses deux restaurants en Bretagne, à Fougères, et qui a une expérience à nous raconter qui est absolument extraordinaire. Dans sa relation avec ses producteurs, il a développé une communauté qui est absolument unique en son genre, et dont il nous rencontrera avec passion les différents détails.

  • Speaker #2

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment à notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

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