- Speaker #0
« Bienvenue dans le podcast de La Terre à l'assiette. »
- Speaker #1
J'accueille aujourd'hui Stéphane Galland. Stéphane est le chef et propriétaire du restaurant Galland Airbraise, situé à Fougères, en Ile-et-Vilaine, mais aussi du Casse-Graine au Châtelier. Avec sa compagne Anne-Sophie, il a repris l'établissement en 2004, mettant l'accent sur le travail en circuit court et établissant des relations privilégiées avec des producteurs et éleveurs locaux qui partagent une même éthique. Militant de la première heure, des valeurs incarnées et du combat pour l'avenir de l'artisanat de qualité, il a fait partie des premiers sélectionnés du Collège Culinaire de France en 2013. C'est l'histoire d'un combattant en première ligne de la gastronomie artisanale que vous allez entendre.
- Speaker #0
Une émission présentée par Christian Rogubik.
- Speaker #1
Stéphane, toi, quand on regarde ton parcours, quand on observe ce que tu fais à Fougères et au-delà, tu me fais penser à des notions très fortes et des mots comme un lieu. Le lieu, pour toi, est important. Des liens.
- Speaker #2
Exact.
- Speaker #1
Un terroir, passion.
- Speaker #2
C'est bien vu.
- Speaker #1
J'essaie de résumer.
- Speaker #2
C'est bien résumé.
- Speaker #1
Et en fait, aussi bien toi qu'Anne-Sophie, vous me semblez ne faire qu'un avec ces trois mots.
- Speaker #2
Alors ça, c'est la meilleure définition. C'est vrai que tout seul, c'est un lieu commun de dire ça sur notre métier. Tout seul, on ne fait rien. Un cuisinier tout seul dans sa cuisine, on peut toujours être le meilleur, on peut avoir le plus grand des noms. S'il n'y a personne pour faire l'intermédiaire entre ce lieu secret, cette grotte où opère le cuisinier, et la scène qui est la salle de restaurant, s'il n'y a personne pour faire le passeur, bah... Ça sert à rien. Ça s'appelle une cafétéria où on passe avec un plateau.
- Speaker #1
Voilà. Ou un fast-food.
- Speaker #2
Oui, dans le pire des cas.
- Speaker #1
Mais en même temps, pour prolonger ça, il y a la notion d'entrepreneur. Parce que c'est pas simplement justement être en interne. Et entrepreneur, on le voit à travers ce que tu fais, c'est une passion, un combat de tous les jours. Et même, on va le voir à travers des exemples très précis que j'ai en tête sur ce que tu as fait, un combat où il faut se réinventer.
- Speaker #2
Il faut réinventer, il faut s'adapter aux circonstances. Le casse-graines aujourd'hui, c'est notre troisième établissement. On en a créé un en 1997. Mon premier établissement, je l'ai créé en 1997 dans un tout. petit village de la Mayenne, 700 habitants. Puis on a repris le Galon Arbraise qui s'appelait Les Voyageurs. C'était le restaurant du Grand Hôtel des Voyageurs. Un établissement qui a été créé pour ça en 1860. Donc c'est un des plus vieux établissements de Bretagne, donc une belle identité. Et puis il y a 10 ans, le petit dernier, là, le Casse-Graines. Et c'est la synthèse de tout ce que j'ai appris. On essaie d'y mettre ce qu'on a appris de mieux, enfin ce qui nous semble être le meilleur des deux premières expériences. Puis surtout que c'était pour la première fois, on partait sur une page blanche et on était chez nous. Mais chez nous pour de vrai, c'est-à-dire qu'on a acheté les murs de cette métairie. On est dans l'ancienne métairie du château de la Faultière, au parc botanique de Haute-Bretagne. Donc dans un site extraordinaire, un jardin remarquable. Il y a 25 hectares à visiter. Donc on est vraiment en pleine nature. Et on est dans des... C'est ce que je disais, on s'adapte aux circonstances. Évidemment qu'à cet endroit-là, contrairement à ce que m'ont dit certains de mes confrères, « Ah, tu vas au parc botanique, tu vas faire du burger et des moules frites. » Ben non, imbécile. On a 25 hectares de merveilles sous les yeux Il y a des dizaines de milliers de gens qui font des centaines de kilomètres On ne va pas les recevoir avec des moules frites et du burger Donc on s'est adapté au lieu, à l'endroit à cette maison qui a une histoire, qui a vécu. Et puis en fait, c'était le lieu idéal, celui-là, parce que le premier jour où je suis entré dans la maison, je suis passé, donc c'est une métairie, c'est le lieu où habitait l'ancien fermier qui travaillait pour monsieur du château, qui payait son loyer en fait en nature, en lait, en oeufs, en production maraîchère. Et en échange de ça, ils avaient le droit de loger et d'exploiter un petit peu pour eux. Donc c'était vraiment une ferme. Et à un moment, en général, madame était aussi cuisinière et femme de chambre et gardienne pour le château. Et monsieur était en général garde-chasse. pour toute la propriété. Donc c'était vraiment un travail de couple déjà à l'époque. Et puis quand on a repris cette maison-là, je suis passé. Vous avez l'ologie au milieu, le cellier et à un bout vous avez les écuries et à l'autre bout vous avez les tables. Toutes ces maisons-là sont faites comme ça. Et je passe dans les tables et je vois un papier caché dans la poussière, dans les toiles d'araignées avec une punaise qui n'avait plus d'âge, un papier complètement jauni. Je souffle, mais vraiment, je souffle sur le papier. Et j'étais à l'intérieur de l'étape, donc j'allais vers la cuisine. Et je vois écrit sur le papier « Cuisine, domaine des cuisinières » . Et moi, je venais pour faire un restaurant à cet endroit-là. J'ai encore les frissons sur les bras à l'instant où je le dis. Je dis « Mais ce n'est pas possible, elle m'attendait » . Voilà, le lieu, la maison nous attendait. Et depuis le premier jour d'ouverture de cette maison-là, il y avait des gens derrière la porte qui attendaient qu'on ouvre. Et ça n'arrête pas.
- Speaker #1
C'est extraordinaire quand je dis portez, vous incarnez un lieu. Même je ne savais pas, je ne connaissais pas l'histoire, l'origine qui est probante. Je la réservais. Bravo, parce que c'est sans doute pas un hasard, cette rencontre. Toutes les magnifiques démarches sont des rencontres. Mais là, c'est une rencontre avec un lieu.
- Speaker #2
Avec un endroit.
- Speaker #1
Le territoire, on le voit bien à travers ce que vous faites, vous, les artisans militants de la qualité. Il y a une relation les uns avec les autres, une relation avec vos clients, mais il y a une relation aussi au territoire, au terroir, aux lieux qui sont habités.
- Speaker #2
On ne peut pas faire autrement. Justement, quand tu parles de ce lieu qui est habité, alors je ne vais pas foutre la trouille à tout le monde, mais il est vraiment habité. Il y a une âme. Les premières années, ça fait dix ans qu'on est dans cette maison-là. Tous les ans, on est heureux d'ouvrir la maison et on sent un espèce de frémissement. On habite sur place maintenant en plus. On habite dans les anciens greniers à foin. On sent un frémissement dans la maison. Il y a des vibrations, il y a des choses qui passent. Et les gens, on voit des gens qui arrivent, d'après avoir fait des kilomètres, c'est leur premier jour de vacances. Allez, ils arrivent éventuellement de Paris, un peu stressés, complètement cuits, ratatinés. Ils se retrouvent là, au bout du monde. Faut nous trouver, d'abord. C'est un endroit où on vient.
- Speaker #1
On passe pas.
- Speaker #2
Il faut venir à cet endroit-là. On est vraiment dans un cul-de-sac au fin fond de la campagne. et Une fois qu'ils sont arrivés là, ils sont un peu énervés parce que les routes ne sont pas très bonnes, patati, patata, il n'y a pas de panneau, Waze ça ne passe pas, les réseaux ne passent pas, il n'y a pas de téléphone, il n'y a pas de connexion. Et puis en fait, ils poussent la porte, ça grince, vraiment, donc on n'a pas besoin de sonnette. La porte, on sait qu'il y a quelqu'un qui rentre, on ne peut pas les rater. Et puis ils arrivent dans cette maison, on n'a rien touché, on a gardé, on a laissé la première salle, ce qu'on appelle le cœur de la maison, ce qu'on appelle vraiment le casse-graines. Cette première salle, il y a cinq tables dedans, pas plus, dans celle-là. Et il y a la cheminée, le fourneau à bois est au même endroit où travaillait Marie-Louise, puisque c'était son prénom. Il y a le même matériel et en fait, il y a un des clients, un jour, qui m'a ramené un papier, il me jette ça sur la table et puis il me dit, voilà, dis-moi, mes grands-parents ont tenu la métairie là. en 1872, et ça c'est l'acte de succession, l'inventaire de succession de mes grands-parents. Et j'ai pris l'acte de succession, et j'y ai mis des objets que j'avais déjà, exactement la même chose que ce qu'on trouve sur l'acte de succession des grands-parents de ce monsieur-là, qui était encore là hier à table, il a 94 ans, il était encore là hier midi à table. Et j'ai l'impression que le canton est passé dans cette maison-là. Tout le monde me parle de la Marie-Louise. et du Joseph, parce qu'ils venaient faire les corvées de foin au château de la Faultière, puisque c'est le lieu, et tout le monde venait prendre le café, manger, etc. Donc j'ai une foule d'anecdotes autour de la vie de cette maison-là, qui était une maison où on recevait déjà.
- Speaker #1
On est vraiment dans la chaîne humaine dont on parle, on en parlait beaucoup au collège, et c'est vraiment très très intéressant. Je te propose maintenant, Stéphane, de te prêter une petite interview qu'on a baptisée « Toc toc, qui est là ? »
- Speaker #0
Toc toc, qui est là ?
- Speaker #1
Tu sais, c'est très simple, c'est un style portrait chinois, tu réponds spontanément ce que t'as dans l'esprit. Si tu étais un animal ?
- Speaker #2
Un animal ? Une fourmi.
- Speaker #1
Pourquoi ?
- Speaker #2
La cohésion d'équipe, la fourmilière, chacun a son boulot à faire et par contre ça communique énormément et sans avoir à se parler.
- Speaker #1
Si tu étais une saison ?
- Speaker #2
L'automne, la meilleure pour les cuisiniers, il y a tout. Il y a encore tout et c'est la saison où on peut commencer vraiment à cuisiner.
- Speaker #1
À plat ?
- Speaker #2
Alors, ce n'est pas pour faire snob. Un bouillon d'eau de petits pois avec du vermicelle, mais vous savez, des petites lettres qu'on met dedans. Mais les petits pois mangent tout. J'adore cette odeur-là. Je donne ce truc-là à chaque fois. Vous savez, les petits pois plats, là, mangent tout. Quand on les cuit, qu'on a mis un petit peu d'oignon et un petit peu d'une branche de thym ou de romarin dedans. du romarin que j'ai toujours dans ma couche. C'est mon odeur préférée. Mon odeur et mon parfum préférés. Ce bouillon-là, vous y mettez du vermicelle ou du tapioca et un petit peu de beurre. Ce n'est pas le meilleur plat du monde. Ça m'énerve quand j'entends « Quel est votre plat préféré ? » Le jambon-beurre ou les coquillettes au beurre avec un bout de jambon. Arrêtez les conneries, les mecs. C'est bon, mais il y a mieux. La truffe, c'est bien aussi.
- Speaker #1
D'accord. Si tu étais une ville ?
- Speaker #2
Je vais dire un truc, tiens, allez, Milan. Milan ? Oui, Milan. Je suis resté scotché devant une statue de Saint-Paul. Ah oui, très bien. Oui, à Milan. Très belle ville. Un de mes meilleurs souvenirs.
- Speaker #1
Moderne, du nord de l'Italie, très belle ville. Et quel est celui des cinq sens qui t'interpelle le plus ?
- Speaker #2
C'est l'odorat.
- Speaker #1
C'est l'odorat. D'abord le nez, tout passe par le nez.
- Speaker #2
Le nez d'abord. Le nez, on sait si c'est trop sale et rien qu'on est même.
- Speaker #1
Merci pour ces réponses. Je voudrais, dans un deuxième temps, que tu nous parles un petit peu, pour développer tout ce que tu as fait, et j'ai été témoin notamment au moment de la Covid, quelles problématiques ça pose au niveau du modèle économique ?
- Speaker #2
d'un inconvénient où on meurt, où on meurt, où on se tient debout et puis on y va. Et on s'adapte. Encore une fois, on s'adapte. Moi, j'ai entendu plein de gens dire on ne peut pas être en compte. Il va falloir changer notre façon de travailler, etc. Trouver la réponse, je ne sais pas si c'est moi qui l'ai, si je l'ai entendu, mais j'ai répondu à ce gars-là. Je lui ai dit, tu sais, quand tu es devant une porte et qu'elle est un peu basse, ou tu tapes dedans comme un bourrin, mais tu ne passeras jamais et tu vas te faire mal, ou tu te baisses. Voilà, tu t'adaptes et tu passes. Tu te baisses et tu passes. Au moment du Covid, on s'est retrouvé avec la cuisine vide, fermée. J'avais une demande d'un agriculteur avec lequel je travaille qui produit du cochon. Il me disait... Vous ne pouvez pas me faire un cassoulet, faire des plats, des machins, des trucs. Et j'avais toujours dit non. Puis là, j'avais du temps devant moi. Puis j'avais une cuisine vide, un atelier vide. J'ai failli... Moi, j'ai pleuré dans ma cuisine en entendant le silence.
- Speaker #1
C'est très dur.
- Speaker #2
Non, c'est une cuisine. C'est jamais silencieux, une cuisine. Il y a toujours un souffle quelque part, un percolateur qui se met en route, un frigo qui déclenche, un truc. Il y a toujours un bruit. C'est ce qu'on appelle un bruit de fond. Et ça, il n'y avait plus. Silence, un silence de mort là-dedans. et là j'ai J'ai pleuré tout seul dans ma cuisine. Et puis à un moment, je me suis dit, bon, j'ai du temps, on a du matos, allez, on y va. On a mis en route une gamme de produits qui s'appellent des fricassés paysannes. Donc j'ai mis les cinq agriculteurs avec lesquels je travaille le plus, les plus proches autour de la table. J'ai dit, voilà, j'ai du temps, si vous voulez, on fait un truc ensemble.
- Speaker #1
Ça ne s'improvise pas, ça, techniquement ?
- Speaker #2
Techniquement, ça a été six mois. On pensait faire ça comme des grands. Lancer le truc, on achète un autoclave et vas-y que je te, on met de la viande dans des beaux cours, on met une sauce par-dessus et roule ma poule ? Non, non, non, non, non. D'abord, on a repris les choses dans l'ordre, on a appelé les inspecteurs de la DSV en disant voilà, le projet c'est ça. On m'a dit attention, vous mettez le doigt dans un truc extrêmement technique et compliqué. Et en fait, je me suis fait aider par un... Il y en a dans tous les départements. Le CETA, un centre d'études et de... Centre d'essais des techniques agroalimentaires. Et en fait, c'est des lieux où ce sont des pépinières, des micro-laboratoires. Donc il y a le micro-laboratoire de boulangerie, il y a celui de charcuterie, il y a la conserverie, il y a même une laiterie là-bas, où des agriculteurs peuvent venir faire leur première production laitière, de beurre, de crème, etc. On a mis six mois à mettre les premières recettes au point. Des dizaines et des dizaines d'essais, ça a pris pour...
- Speaker #1
Oui, pas en claquant les doigts.
- Speaker #2
Mais pour faire autre chose, parce qu'on avait un niveau d'exigence. qui n'étaient pas William Machin ou Renal et Bidule. On ne voulait pas faire la même chose que ce qui se faisait. On voulait faire des bocos, des conserves de cuisinier. Et c'est ce qu'on a réussi à faire. Et là, on en est à 3000, 3500 pièces qui sortent de notre petite conserverie qu'on a intégrée maintenant au casse-graines. On a un autre propre autoclave. Et je produis pour l'association des producteurs de coco de Rennes quand ils réforment des quantités. importante de volaille. On a lancé des rillettes de volaille qui se vendent par milliers, mais par centaines. Et eux sont très heureux de pouvoir valoriser ces produits-là qui seraient perdus.
- Speaker #1
Tu as créé un modèle économique en te liant avec des producteurs.
- Speaker #2
Alors on pensait se lier en fait, et puis en fait, après c'est un peu plus compliqué que ça. On ne peut pas parce qu'on n'est pas agréé, c'est eux. Donc là on rentre dans des choses techniques. Donc je leur achète leurs produits. Je leur achète la viande, par exemple, je la transforme et je leur revends le produit fini. Mais on a fait un réseau, oui, ça fonctionne très très bien. Et après, nous, surtout, on a des exigences derrière tout ça. Le casse-graines, c'est vraiment, comme je disais tout à l'heure, ce qu'on sait faire de mieux. On y a ajouté une grande part puisqu'on partait à zéro, on partait d'une page blanche, ce qui n'est pas facile à faire partout. On s'est dit, bon, on va essayer d'être le moins impactant aussi. de laisser, je suis papy depuis pas longtemps, je vais essayer de laisser quelque chose de propre derrière moi. Donc on a réfléchi aussi, chaque chose qu'on a fait, on a réfléchi à l'impact écologique. Mais pas juste pour faire joli, pour que ce soit réel. Donc chez nous, vous allez trouver du mobilier dépareillé, c'est pas pour faire déco, c'est tout simplement que la première version du casque grigné à 10 ans, on l'a créé pour un pour un banc d'essai qui devait durer 6 mois. C'était le deal avec le propriétaire des lieux. On est là 6 mois, on est là toute notre vie. Et si dans 6 mois, il faut qu'on s'en aille, il ne faut pas que ça ait coûté cher. On a créé la première version du restaurant avec 12 000 euros. Mais il n'y avait rien, il n'y avait pas d'eau, pas d'électricité, pas d'assainissement. Et du coup, pas d'assainissement, qu'est-ce qu'on fait ? On avait mis un petit tuyau qui sortait dans la cour, donc des produits lessiviels bio, le moins d'eau possible.
- Speaker #1
Des toilettes sèches ?
- Speaker #2
Et les premières versions des toilettes sèches qu'on a mis dans le restaurant.
- Speaker #1
Ça montre cette capacité d'adaptation, cette capacité d'innovation, de création, etc. On va passer juste sur une deuxième petite capsule qui s'appelle « fromage ou dessert » .
- Speaker #0
C'est fromage ou dessert ?
- Speaker #1
T'es plutôt logique ou émotion ?
- Speaker #2
Émotion.
- Speaker #1
T'es plutôt compétition ou coopération ?
- Speaker #2
Un peu les deux.
- Speaker #1
T'es plutôt vie perso ou vie professionnelle ?
- Speaker #2
Alors, l'un va pas sans l'autre. On vit dans nos entreprises. C'est le secret.
- Speaker #1
Tu préférerais renaître dans le passé ou dans le futur ?
- Speaker #2
Dans le futur.
- Speaker #1
Maintenant, j'aimerais aborder justement toutes ces initiatives. Tu nous as parlé des producteurs locaux avec les bocaux, qui était une initiative. Mais tu avais lancé aussi, il y a déjà un certain nombre d'années, je ne sais pas si ça continue, Un jour un chef.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Parce que l'idée de base, quand même, était intéressante, c'était de faire participer le grand public.
- Speaker #2
Voilà. L'idée de base, elle est géniale, elle est parisienne. Le restaurant Un jour un chef était installé rue Biscornet. derrière la rue de Rennes, du côté de la Bastille. Un type génial, Eric Canova et ses associés qui avaient créé ça. Le principe, c'était de dire, vous voulez voir ce qui se passe dans une cuisine. Vous avez envie de créer votre restaurant, mais vous n'osez pas, vous êtes conscient que c'est un métier et vous voulez voir si vraiment vous êtes taillé pour ça. Venez, et pendant un jour, vous allez être le chef du restaurant. Alors, le restaurant à Paris était dédié à ça. c'est une toute... toute petite micro-cuisine. C'était à peine plus grand que le petit salon où on est là. Il y avait 25 couverts. Les gens arrivaient avec une idée. validaient, il fallait que ça rentre dans un prix particulier et puis il passait la journée en mise en place épaulé par des chefs maison qui étaient là pour que ça se passe bien et nous on a repris quand j'ai vu ça, j'ai voulu tout de suite faire ça parce que on me demandait des cours de cuisine j'ai fait quelques cours de cuisine mais qu'est-ce que c'est chiant ! 2h, il faut s'y mettre 2h avant, c'est 2h pendant, puis il faut se taper 2h après, puis vous avez un service qui vous attend en plus le soir, ou alors il ne faut faire que ça. J'en ai fait quelques-uns, puis à un moment j'ai dit, ce n'est pas le modèle que je veux. Donc maintenant, on propose carrément la journée complète. Et l'avantage en plus, le truc original, c'est que c'est 100% gratuit. Personne ne paye. Enfin, les gens qui viennent en cuisine ne payent pas. Donc, on se voit et ça dure. C'est vraiment...
- Speaker #1
Ils font la cuisine avec toi ?
- Speaker #2
Ils font même plus que ça. Ils réfléchissent au menu un mois à l'avance. On leur file un mail pour faire leur communication. C'est vraiment une vie de chef.
- Speaker #1
Ils font venir des clients.
- Speaker #2
Ils font venir des clients.
- Speaker #1
Génial, c'est génial.
- Speaker #2
Et c'est leurs clients qui, eux, vont régler l'addition que je vais encaisser. C'est comme ça que je me rémunère. Le truc, c'est de remplir le restaurant pour qu'on ait... Un truc sympa, mais pas remplir le restaurant avec une grande table de 25 potes. Donc, dans tout le réseau familial, culturel, associatif, etc. Des petites tables de 2, de 3, de 4, de façon à ce qu'il voit comment ça se passe. Allô, chef ? Une fois deux, boum, tac, tac, tac. Et le restaurant reste ouvert au public. Ce n'est pas une privatisation. C'est-à-dire qu'à un moment, il y a mes clients à moi qui viennent se mêler au leur. Et là, ils découvrent... vraiment un service de restaurant en live, comme s'ils y étaient. En gros, ils sont dans... C'est la voiture d'auto-école. C'est génial. Nous, on garde les commandes à côté. Et on en a fait une quinzaine, y compris avec des chefs d'entreprise.
- Speaker #1
Juste avant de terminer, une petite chronique. La moutarde qui te monte au nez.
- Speaker #0
La moutarde me monte au nez.
- Speaker #2
Il y en a plein. Oui, je sais. On a une heure ? Non. Ce qui m'énerve le plus en ce moment, c'est l'attitude de beaucoup. J'ai un immense respect pour nos très très très grands chefs. Je suis client, je suis admiratif, je m'inspire de ce qu'ils font. Mais il y a quelque chose qui devient un peu pénible. C'est cette course, cette manière de dire, de vouloir faire croire aux gens que... Le restaurant, c'est cher parce que justement, on se sert chez le petit producteur. Il ne faut pas avoir honte de dire aux gens que moi, je le dis à mes clients. Si vous savez le prix que vous payez, effectivement, il y a peu de marchandises. C'est 30% du prix. Tout le monde le sait dans le métier. Là, on est entre nous. Mais c'est du travail.
- Speaker #1
C'est la conscience.
- Speaker #2
Ça m'énerve d'entendre les grands chefs dire. Voilà, le produit, bien sûr que le produit est important. C'est sublime, mais vous voyez, trois haricots verts et un filet d'huile d'olive à 90 balles le litre, et ça y est, on a un plat merveilleux. Mais à ce moment-là, pourquoi tu as 30 personnes dans ta cuisine ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Oui, c'est de revaloriser dans le prix, dans la notion du prix. C'est du travail. Le travail, la valeur ajoutée de chacun.
- Speaker #2
Et quand on dira ça, il y a plein de gens. qui vont réfléchir. Moi, j'ai le cas à Fougères. J'en ai deux qui viennent de s'installer. Un malheureux qui était journaliste il y a deux ans, qui a fait trois mois de formation chez un très grand chef, dans un institut tenu à payer très très très cher. Le type s'est installé et là, ça fait deux ans. Le gars, il a perdu 20 kilos. Il a les yeux au fond des orbites et puis il ne vit plus. Et je l'avais prévenu. Je lui ai dit, mais viens déjà faire un jour un chef. Viens voir. rentre dans des cuisines,
- Speaker #1
va faire des cuisines.
- Speaker #2
Tu vas voir ce que c'est. Et puis avant, réfléchissez bien. Et ça, je pense qu'il y a plein de gens qui se disent « Ouais, c'est facile. »
- Speaker #1
Mais c'est très important ce que tu dis. Écoute, je te remercie vraiment de tout ce que tu nous as dit. On voit la passion qui t'habite et l'expérience que tu transmets aussi. Parce que, mine de rien, je pense que ça va sensibiliser beaucoup de nos membres, beaucoup de gens qui aspirent aussi à notre collège. Il suffit de m'appeler.
- Speaker #2
Voilà. On partage.
- Speaker #1
Qu'ils appellent Stéphane Gallon. Voilà, vous allez sur le site du collège, vous aurez toutes ces coordonnées. Pour terminer, peut-être en toute confidence, une ou deux bonnes adresses qui te viendraient à l'esprit d'un restaurant ou d'un producteur.
- Speaker #2
Si vous voulez des volailles extraordinaires, merveilleuses, Olivier Renaud, c'est le fils de Paul Renaud. Ils se sont déjà connus un peu sur Paris. Ils sont où ? Ils sont à Lantillère, à côté de Vitré. Ils sont en Ile-et-Vilaine. Voilà. à les deux pépettes qui viennent d'installer leur restaurant à 15 bornes de chez moi suffisamment loin pour pas m'emmerder trop j'ai pris Aspect Prêt pour que j'aie envie d'y aller c'est ma cantine, l'auberge des filles en bottes à Saint-Georges-de-Rintembeau dans un petit village ces deux minettes elles sont toutes les deux, elles ont 15 couverts et ce qu'elles font c'est bien.
- Speaker #1
Génial je te remercie Stéphane, à très vite et puis que nos auditeurs aussi restent à l'écoute d'ici 15 jours ... Nous avons un prochain invité qui, lui, est à Paris, qui s'appelle Michael Merigo et qui a monté le chasse-marée à Paris, dans le 16e arrondissement. Une poissonnerie à laquelle est accolé un petit restaurant et qui sont vraiment des lieux aussi tout à fait incongrus dans ce Paris du 16e arrondissement, où là, tu as vraiment l'âme d'un militant artisan. Et qui travaille avec beaucoup d'autres militants artisans du Collège Culinaire de France.
- Speaker #2
Paris, le 16e arrondissement, il y a vraiment des gens qui n'ont pas de chance. Qu'est-ce que je suis ?
- Speaker #1
Merci. Merci à toi.
- Speaker #0
Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tinte, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous.