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De la terre à l'assiette - tous artisans du bien manger !

E8 - Joel Thiebault - Le maraîcher des stars

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24min |24/01/2025
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24min |24/01/2025
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Description

Dans cet épisode, Christian Regouby accueille Joël Thiebault, un maraîcher en « retrait de la retraite » au parcours ancré dans l’histoire de la production agricole francilienne.

Descendant de plusieurs générations d’agriculteurs, Joël cultive sa passion pour la biodiversité, avec 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines.


Acteur engagé du Collège Culinaire de France, il nous dévoile sa vision de l’étroite relation de coopération entre producteurs et professionnels de la gastronomie.

Défenseur et promoteur des traditions et variétés locales rares, il nous fait découvrir comment il fait vivre la transmission artisanale, entre innovation et héritage.



Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Patio Opéra dans le 9éme arrondissement de Paris


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Joel

    Toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs, c'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre, essayer de comprendre ses impératifs.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Joël Thiebaud, qui fait partie de ce nouveau commando en retrait de la retraite. Sa famille, il le dit lui-même, est indigène, comme il se plaît à le raconter. Il dit Nous étions déjà là au Moyen-Âge. Nous présentons nos légumes au marché du président Wilson, dans le XVIe, depuis 1873. Joël Thiebaud a cultivé 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines, à Carrière-sur-Seine. descendant de plusieurs générations d'agriculteurs, il a toujours été attiré par la biodiversité. Bonjour Joël.

  • Joel

    Bonjour

  • Christian

    Christian. C'est la pleine saison, la nature explose. Merci d'avoir accepté de venir échanger avec nous ce matin. Il faut dire que tu es hyperactif dans plein de domaines, tu vas nous l'expliquer, et que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière. De l'ombre parce que tu n'aimes pas précisément être sous les feux de la rampe. De la lumière parce que tu veux toujours nous éclairer sur ce que signifie la vraie qualité des produits. Quelle histoire tu nous racontes à partir de là ? Et tu es au Collège Culinaire de France, tu nous accompagnes depuis très longtemps, depuis pratiquement le début. Et tu es très précieux, tu fais partie de notre organe de gouvernance et tu ne comptes pas de ton temps pour accompagner cette grande aventure du collège. Donc dis-nous un petit peu, avec ton identité, avec ton histoire, qu'est-ce qui t'anime dans ce combat commun ?

  • Joel

    Comme tu le disais, j'ai mis longtemps pour me décider à prendre ma retraite de maraîcher, suivant l'expression commune. Et il n'était pas question pour moi de quitter ce milieu qui m'a porté, qui m'a permis d'être dans le prolongement de mes ancêtres et de ce que mes ancêtres ont fait sur le terroir où j'ai fait pousser ces légumes, beaucoup plus nombreux en variété que ce que tu as signalé, puisque c'était à peu près 1500 variétés sur un an pendant pas mal d'années. Loin du cours. Voilà, pas tous en même temps. toutes les variétés en même temps évidemment, mais sur les 12 mois de l'année. Enfin, cela c'était pour expliquer un peu la folie qui me prenait, dont je me rendais compte, non pas au mois de janvier, février, quand je décidais de ce que j'allais cultiver dans les mois qui suivaient, mais au mois de juin et au mois de juillet, quand j'étais en plein dans le dur de la saison et avec le travail que ça représentait. Bon, ça c'est pour la petite histoire, mais ne pas quitter ce milieu qui m'avait... permis de vivre vraiment des bons moments et comme je le voulais et pour montrer ce que je voulais, c'est-à-dire le milieu de la production, toutes ces collègues que j'avais pu côtoyer, voir ces groupes de développement que j'avais pu présider pendant plus de 35 ans, et également tous ces amis, parce que je parle d'amis pour beaucoup, du monde de la restauration. Ces cuisiniers passionnés, ces gens avec qui j'ai pu partager ma propre passion et pour lesquels j'ai pu passer un temps fou à essayer de répondre à leurs attentes, voire même à les provoquer. Ça, c'est tout ce que je ne voulais pas quitter, que j'ai pu retrouver à la fois au sein du collège, rencontrer des gens, rencontrer des passionnés. Des gens qui voulaient, comme moi, garder certaines valeurs, certaines façons de faire et certaines considérations aussi pour les gens à qui on vendait nos produits ou nos assiettes, mais également dans ce temps d'après, vraiment la vie active, aussi le conseil et la transmission.

  • Christian

    Ce qui est extraordinaire à travers ce que tu dis, c'est que... C'est encore une fois une incarnation et une illustration de tout le combat du Collège Culinaire de France, c'est-à-dire la relation. Et là, tu développes deux aspects qui sont la transmission. Et quand on est porteur, quelque part, comme disait Camus, ça oblige, quelque part. Le fait d'incarner cette transmission, et là, il n'y a pas 36 solutions. On le voit avec les gens qui sont porteurs de ces transmissions. Il faut faire. Il ne s'agit pas simplement de dire je représente, etc. Il faut faire, et Dieu sait si tu as fait, avec des 4 heures du matin permanents, etc. Mais là où ça va plus loin, c'est qu'en faisant, tu n'as pas simplement transmis ce que tes ancêtres t'avaient apporté. D'abord, tu as innové et surtout, tu as créé un autre type de relation.

  • Joel

    Disons que la transmission de ce que les générations ont apporté, précédentes nous apportent, c'est au début de notre activité, notre carrière, ce que certains appellent carrière. Mais c'est surtout aussi les rencontres qui nous permettent de nous enrichir, d'aller plus loin dans notre propre profession, c'est-à-dire d'aller plus loin avec nos produits. On va plus, on allait beaucoup plus loin en travaillant en... en connivence, parce que c'est vraiment ça avec un cuisinier, qu'il n'y a que tout seul, chacun de son côté. Donc ça, c'est quelque chose que j'ai retrouvé dans le collège culinaire. Cette relation humaine, la qualité de cette relation humaine, c'est-à-dire les uns et les autres, on apprenait à connaître les impératifs de l'autre et donc de mieux se comprendre. Et puis la finalité aussi, c'était de faire plaisir pour moi. au restaurateur et au restaurateur à ses clients, qui peuvent aussi devenir des relations amicales et plus développées. La transmission, c'est aussi transmettre aux jeunes qui rentrent dans nos professions et leur faire comprendre qu'il n'y a pas que de la technique. Évidemment, la technique, ils vont l'acquérir. Il y a le sens de l'observation qui est important dans nos métiers. Savoir comprendre ce qui se passe autour de nous, comprendre la nature et l'environnement. Et comment cette compréhension pouvait nous servir à obtenir des produits encore gustativement plus intéressants, plus diversifiés. Et comment s'affranchir, mais ça c'est mon côté passionné d'histoire avec un grand H également. Comment s'affranchir de la dépendance vis-à-vis de produits qui viennent de loin. Et ça a été un peu ma quête pendant les deux tiers de mon activité de maraîcher. C'est montrer, non pas faire des copiers-colliers avec les productions qui venaient d'ailleurs, et notamment du Japon, ça a été ma quête, mais leur montrer qu'on pouvait élargir notre palette de production et enrichir notre patrimoine, parce qu'ensuite ça rentre dans notre propre patrimoine.

  • Christian

    Alors on va lancer maintenant le Toc Toc qui est là.

  • Voix-off

    Toc toc, qui est là ?

  • Christian

    Joël, si t'étais un vignoble ?

  • Joel

    La Bourgogne, même si ma terre était un vignoble avant l'arrivée du phylloxéra.

  • Christian

    Si t'étais un fromage ?

  • Joel

    Je vais dire le bris de mots.

  • Christian

    Pourquoi ?

  • Joel

    Régional, Île-de-France.

  • Christian

    Ah,

  • Joel

    Île-de-France. Je suis très marqué, et je te parlais de l'histoire. C'est la ceinture verte décidée par Philippe Auguste pour nourrir le peuple, pour pas que le peuple se révolte contre la... le pouvoir royal. Donc ça, je suis très marqué par ça.

  • Christian

    Ah oui, mais c'est vrai de l'égalité. Même qui,

  • Joel

    Haussmann, a bien taillé en brèche cette fameuse ceinture.

  • Christian

    Effectivement, c'est très intéressant de savoir cette ceinture de Philippe Auguste, parce que tu avais beaucoup travaillé là-dessus, sur ce sujet-là, en Ile-de-France.

  • Joel

    Il y avait une richesse de variétés qui ont été supplantées. Mais n'empêche qu'il y a toujours ces micro-terroirs qui développaient leur propre variété, parfois issue d'une même variété. mais qui, avec le temps, ont pris des chemins différents.

  • Christian

    Je fais une petite parenthèse, mais qui est, je crois, assez intéressante par rapport à ça. Ayant travaillé beaucoup sur les situations de crise, j'avais travaillé un moment avec des instances gouvernementales sur le fait de comment nourrir Paris un jour où tu as une crise totale. Il n'y a que trois jours de subsistance dans Paris pour nourrir les Parisiens. Et dans les différentes réunions qu'il y avait eues, on s'apercevait que tout ne pouvait passer que par la logistique des grands hypermarchés. Donc ça montre bien que justement par rapport à l'artisanat, il y a peut-être encore des choses à imaginer qui puissent assurer pas simplement les grandes filières. Ce toc-toc qui est là nous donne quelques indications. Si tu avais une région... Si tu étais une région, ça serait quelle région ?

  • Joel

    Je crois que j'ai répondu. La Bourgogne ? Non, non, la France, la région. La Bourgogne, c'est pour le vignoble. C'est une qualité de vin et de travail des vignerons qui est vraiment importante, qui reste très artisanale en Bourgogne, contrairement à d'autres terroirs.

  • Christian

    Revenons maintenant à ce qui anime tout ce que tu as expliqué tout à l'heure et ce qui anime toutes les valeurs du Collège Julien de France à travers la rencontre, etc. J'observe quand même quelque chose, c'est que je l'ai dit en introduction, en disant que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière, parce que le risque qu'il pouvait y avoir dans le développement que tu as pu avoir, c'est que tu es très très vite devenu, tu vas me dire mais non mais non, la star, on t'a appelé la star des maraîchers, etc. Notamment par rapport aux grands chefs et tout. Et je crois que le fait de ne pas avoir sombré dans cette starification, je le dis d'une manière générale. pour les stars d'aujourd'hui, c'est ce qui permet de poursuivre la rencontre et les relations humaines. Parce que le problème, on le voit bien, des gens très souvent qui sont partis d'une logique un petit peu artisanale, qui deviennent des stars, ça les bloque complètement dans leur relation. Parce que la notion de star fait qu'on n'est plus du tout dans la même logique relationnelle avec les autres.

  • Joel

    Cette notion de star, elle est très journalistique. Le maraîcher, lui, il a les pieds dans la terre tous les matins. Et les soucis qui vont avec, mais aussi les joies qui lui vont avec. Donc ça, bon, on s'en sert évidemment pour vendre nos produits, faire connaître nos produits, parce qu'en fait, c'est eux qui sont les stars, si on peut dire. Le tout, pour un premier temps, c'est d'essayer de trouver des... de faire en sorte que nos produits... trouve écho dans les assiettes des cuisiniers et soit travaillé par ces cuisiniers et contrairement à ce que je ne citerai pas de nom mais contrairement à ce qu'un auteur d'un vieux guide gastronomique avait dit à Hélène Darros avec qui je travaillais mais vous avez tous les légumes de Joël Thiebaud mais non et vous allez tous faire la même cuisine c'était complètement débile il est évident que vous donnez les on donne les mêmes le même produit à 30 chefs on va avoir quasiment 30 résultats différents. Et c'est ça qui fait notre richesse.

  • Christian

    C'est pour ça qu'avant le collège Culière de France, j'entendais beaucoup dire des chefs, etc. Ah non, je garde mes producteurs ! Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire qu'ils sont incapables d'avoir une interprétation différente des autres. Donc c'est extraordinaire, ils s'auto-critiquaient en disant ça. Et donc depuis le collège, on a vraiment initié, on le sent bien. une relation extrêmement riche entre producteurs, restaurateurs, y compris les autres éléments de la chaîne.

  • Joel

    En plus, le fait de distribuer à beaucoup de chefs, ou à un certain nombre de chefs, ça permet aussi d'avoir des visions de son produit bien différentes, et de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour, justement, personnaliser son produit, c'est ce que je dis toujours aux jeunes. maraîchers qui viennent me voir me dire comment on fait pour développer. J'ai dit, surtout, on se donne le temps. Aujourd'hui, on est toujours dans la précipitation. On veut toujours justement devenir la star du local. Heureusement, pas dans tous les cas, mais bien souvent. Et je dis, calmez-vous et proposez vos produits. Voyez ce que les chefs en pensent et travaillez sur ce retour pour essayer de leur faire plaisir. Aussi, c'est assez égoïste de se faire plaisir, parce que voir ces produits travaillés par des gens qui sont des pointures dans la gastronomie, mais également parce que sur une exploitation, on ne produit pas que le petit légume calibré ou tout ça. La météo changeant d'une journée sur l'autre, il faut faire avec, il faut réagir, pour toujours obtenir le mieux du produit qu'on a mis en place. Donc c'est cela aussi le savoir-faire du maraîcher, du producteur. Parce que c'est vrai, pas que uniquement dans les légumes.

  • Christian

    C'est une adaptation permanente à l'inconnu, à l'incertitude.

  • Joel

    C'est passionnant.

  • Christian

    Oui, c'est passionnant. Sauf que c'est ce qui a été refusé pendant des années. C'est-à-dire qu'on voulait être certain. Et ce qui est encore dans les réactions, voilà, exactement. Deuxième break que l'on va faire, c'est, on l'a appelé fromage ou dessert.

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Tes fromages ou desserts ?

  • Joel

    Christian, je vais te dire que c'est très dur de répondre à ça. Tu sais très bien parce que tu me connais bien. Je suis un grand gourmand.

  • Christian

    Oui, gourmet.

  • Joel

    Gourmand, si, je te l'avoue. Et donc ma physionomie peut en attester. Je dirais les deux parce qu'on peut avoir autant de plaisir, même si ce sont des produits complètement différents.

  • Christian

    Tu as répondu tout à l'heure, mais temps court ou temps long ?

  • Joel

    Temps court quand il y a des décisions parfois qui doivent être... être pris rapidement, mais dans le métier et dans la... Il faut être patient. L'agriculture, c'est quelque chose... De toute manière, économiquement, le retour sur investissement est toujours très loin. L'agriculture, c'est rare. On ne fait pas des start-up agricoles qui sont durables, disons. Non, il faut du temps. Du temps pour comprendre l'environnement, comprendre ce qui se passe. Alors, parfois, c'est difficile. Moi, j'ai quand même... Je dis ça, mais... Je faisais souvent des essais, vu le nombre de variétés, je faisais de nombreux essais. Introduire des nouveaux légumes qui n'étaient pas forcément cultivés dans la région, voire dans l'Hexagone. Mes salariés et collaborateurs rigolaient toujours quand je leur faisais un essai. Ils disaient Ouais, mais avec toi Joël, on sait qu'un essai, ça va être grandeur nature. Et je leur disais Bah oui, parce que si ça marche, si on réussit dès la première année... Il ne faut pas en manquer et répondre à la demande. Donc moi, les essais souvent... Et je me suis aperçu dans les premières années, les 20 premières années de mon activité, je me donnais des objectifs quand j'essayais. Je me donnais trois ans pour maîtriser, tout au moins je le pensais, pour maîtriser une culture nouvelle, complètement nouvelle pour... Et après, je me suis aperçu, mais justement, le fait de cette collaboration qu'il y avait avec les cuisiniers. qu'il ne fallait pas se donner un objectif précis. Il fallait voir ce que ça allait donner, cultiver avec les connaissances qu'on avait, qui n'étaient pas forcément, et heureusement, parfaites. Miser aussi sur le savoir-faire et les connaissances des chefs.

  • Christian

    Paris ou Carrière-sur-Seine ?

  • Joel

    Les deux, mon général. Je disais Carrière, évidemment, c'est la ville de mes ancêtres, c'est la commune où nous étions là depuis, comme tu l'as rappelé au début de cette interview. Paris, parce que c'est ma... J'ai toujours dit que Paris était ma deuxième ville. Parce que c'est là où je vendais mes produits. C'est là où mes ancêtres ont commencé. Alors, avant Paris, il y a eu Versailles. Mes ancêtres vendaient notamment une variété de cerises qui est complètement disparue, tout au moins sous son nom. Et que mes ancêtres emmenaient dans les maisons bourgeoises de Versailles, quand Versailles était la capitale politique de la France.

  • Christian

    Pour aborder le dernier volet, justement, de notre entretien, qui pourrait durer toute la journée, comme souvent quand on parle tous les deux. Tout ça, en fin de compte, t'en déduis quoi avec la maturité d'aujourd'hui, avec l'expérience que tu as, avec la retraite entre guillemets active, c'est pour ça que je dis en retraite la retraite, sur le plan d'une philosophie plus générale de la vie et ça t'inspire quoi ?

  • Joel

    Disons que je n'ai pas adhéré de fait au collège et adhéré surtout aux idées du collège parce que je ne les connaissais pas. Pour moi, au départ, le collège était un label de plus. Je n'avais pas gratté pour savoir ce qu'il y avait. Tu es venu me voir sur mon marché pour m'expliquer. Vous m'avez envoyé Eric Bréphard, fondateur du collège et ami, qui m'a encore remis un peu. Et je dis, moi, ça me correspond complètement. C'est les valeurs à la fois d'indépendance du collège, d'identité que j'ai toujours et que j'essaye d'insuffler aux jeunes. Je conseille, je leur dis, et je l'ai conseillé à mon successeur, j'ai dit c'est plus mon histoire que tu racontes, c'est la tienne. Et oui,

  • Christian

    bien sûr.

  • Joel

    C'est que les gens identifient tes produits. Les produits viennent d'un tel, et non pas on va acheter un kilo de carottes, on va acheter les kilos de carottes de monsieur ou madame.

  • Christian

    Incarnés.

  • Joel

    Voilà, incarnés. Et puis il y a également toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs. C'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre. essayer de comprendre ses impératifs et aller plus loin avec lui dans notre propre métier. En plus de toutes ces valeurs humaines, cette richesse de rencontres, tout ce qui sort de ces rencontres, c'est infini. Je dis aux gens, prenez du temps, sortez, parce que c'est ça aussi nos métiers. On est dans le bocal, même si on travaille les pieds dans la terre, on est quand même dans notre bocal, il faut sortir. Et ça, avant même que le collège existe. Moi, je préconisais toujours d'aller voir ce que les autres font dans les autres régions, voire dans les autres pays.

  • Christian

    C'est vraiment très intéressant ce que tu dis parce qu'on a encore, bien sûr, sur les plus de 3000 membres maintenant au Collège Culinaire de France, certains nous disent mais oui, mais moi, tout ça m'intéresse beaucoup, mais je n'ai pas le temps quand nous faisons des journées d'échange national, etc. Ce qui est extraordinaire, c'est que la dernière qu'on a pu faire le prouve encore, quand les gens viennent... 20-25 personnes passer une journée justement pour échanger dans un restaurant de qualité, que ce soit à Paris ou ailleurs en France. Tous ! Sans exception. À la fin, on fait un tour de table, ils disent j'ai gagné du temps Ce qui est quand même extraordinaire. Donc pourquoi ? On va dire qu'ils ont perdu une journée. Mais non, mais non, mais non, j'ai gagné du temps. Et ils expliquent pourquoi. C'est exactement ce que tu dis. Donc ça fait vraiment très plaisir d'entendre ça, en particulier de ta bouche. On va terminer sur un dernier élément que je lance, c'est le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Là, tu ne devrais pas avoir de mal parce que souvent, je t'ai vu passer sur la moutarde qui te monte au nez, ton coup de gueule. Alors, un coup de gueule sur un truc qui te...

  • Joel

    C'est un peu dans l'idée d'aller vite et qui peut parfois me choquer, mais le manque d'éducation, d'instruction. Les gens parlent sans savoir. Ils reproduisent des choses qui sont fausses sans vérifier. Et ça, je pense que ça résume à... S'il y avait un coup de gueule de ma part, ça serait cela. Et tous les jours, on est confronté à ça, les uns et les autres.

  • Christian

    De plus en plus.

  • Joel

    On se dit, mais comment on peut balancer sur les réseaux sociaux des choses qu'on n'a pas vérifiées ? Et je pense qu'il y a d'où le rôle de notre éducation nationale, mais également des parents. Mais je pense qu'il n'y a pas eu de transmission parce qu'il n'y a pas eu de volonté de transmission. Et je pense que c'est ça. Avoir un esprit plus pragmatique, plus recherchant plus. Bon, on a beaucoup d'informations, mais il faut les compulser, essayer de les vérifier et ne pas tout de suite retransmettre des choses qu'on n'a pas vérifiées.

  • Christian

    Ça commence, et c'est la conclusion parce que c'est celle que tu amènes à dire, ça commence par faire en sorte de prendre conscience des choses et se poser des questions. Tout simplement, ne pas ouvrir la bouche pour digérer tout, ce qui est souvent une question de facilité. Parce que comme ça, ça permet de ne pas avoir à trop se fatiguer à penser. Mais quand on est dans la facilité, on est aussi dans l'esclavage. C'est-à-dire, on devient esclave. Et donc, comme tu l'as dit très fortement, le collège, c'est l'indépendance. Et c'est d'abord l'indépendance de penser. Non pas pour vous dire ce qu'il faut penser, mais comment penser. C'est ça qui est vraiment important. Alors, merci Joël. Merci d'avoir pris du temps pour venir nous voir.

  • Joel

    C'est un plaisir.

  • Christian

    Pour participer à ce podcast. Peut-être, je le fais pour chacun, c'est toujours intéressant pour nos auditeurs, je pense à ceux qui vont nous écouter. Tu aurais peut-être une idée de restaurant à dire, moi voilà, j'ai un restaurant que j'aime bien. Alors, je sais très bien que ça va être très difficile pour toi parce qu'il y en a beaucoup.

  • Joel

    Il y a longtemps que mes clients sont les marchés.

  • Christian

    Ils te posaient des questions.

  • Joel

    Ils te posaient où il faut aller.

  • Christian

    Oui, on a tous les restaurants du collège, mais un petit coup de cœur, un de tes derniers coups de cœur que tu as apprécié. pour permettre à nos auditeurs.

  • Joel

    Alors ça, c'est complètement personnel. Et quelque chose que j'ai fait partager à mon épouse, évidemment, puisque dans ces cas-là, on partage souvent les tables, mais également mes filles et mes gendres. C'était quelqu'un avec qui j'ai travaillé de longue date, que j'ai connu avant qu'il ne soit restaurateur, c'était Kay. au cocoron qui a repris derrière Gérard Besson le restaurant et qui l'a... Et bon alors je disais aussi à mes clients je suis mal placé parce que je suis toujours...

  • Christian

    Oui c'est très subjectif.

  • Joel

    Voilà complètement, j'en ai plein d'autres, j'ai beaucoup d'amis, mais même dire aussi aux gens qui vont dans un restaurant, vous allez pouvoir être emballé par une table, et y retourner trois semaines après vous allez être beaucoup moins. Notre état d'esprit quand on va au restaurant compte beaucoup, notre entourage.

  • Christian

    Mais bien sûr.

  • Joel

    Donc ça, il faut quand même aussi, avant de mettre tout sur le dos du restaurateur et de son équipe, il y a vraiment tout aussi qui compte. Alors moi, je suis devenu de plus en plus... exigeant, mais avec bienveillance, évidemment, avec tous les petits détails, parce qu'on apprend aussi à les apprendre. Mais je pense que, oui, là, j'ai un super souvenir, mais j'en ai plein d'autres.

  • Christian

    Merci, en tout cas. Merci, Joël, et à très vite, bien sûr, puisqu'on se voit régulièrement au collège. Merci à toi.

  • Voix-off

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

Description

Dans cet épisode, Christian Regouby accueille Joël Thiebault, un maraîcher en « retrait de la retraite » au parcours ancré dans l’histoire de la production agricole francilienne.

Descendant de plusieurs générations d’agriculteurs, Joël cultive sa passion pour la biodiversité, avec 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines.


Acteur engagé du Collège Culinaire de France, il nous dévoile sa vision de l’étroite relation de coopération entre producteurs et professionnels de la gastronomie.

Défenseur et promoteur des traditions et variétés locales rares, il nous fait découvrir comment il fait vivre la transmission artisanale, entre innovation et héritage.



Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Patio Opéra dans le 9éme arrondissement de Paris


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Joel

    Toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs, c'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre, essayer de comprendre ses impératifs.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Joël Thiebaud, qui fait partie de ce nouveau commando en retrait de la retraite. Sa famille, il le dit lui-même, est indigène, comme il se plaît à le raconter. Il dit Nous étions déjà là au Moyen-Âge. Nous présentons nos légumes au marché du président Wilson, dans le XVIe, depuis 1873. Joël Thiebaud a cultivé 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines, à Carrière-sur-Seine. descendant de plusieurs générations d'agriculteurs, il a toujours été attiré par la biodiversité. Bonjour Joël.

  • Joel

    Bonjour

  • Christian

    Christian. C'est la pleine saison, la nature explose. Merci d'avoir accepté de venir échanger avec nous ce matin. Il faut dire que tu es hyperactif dans plein de domaines, tu vas nous l'expliquer, et que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière. De l'ombre parce que tu n'aimes pas précisément être sous les feux de la rampe. De la lumière parce que tu veux toujours nous éclairer sur ce que signifie la vraie qualité des produits. Quelle histoire tu nous racontes à partir de là ? Et tu es au Collège Culinaire de France, tu nous accompagnes depuis très longtemps, depuis pratiquement le début. Et tu es très précieux, tu fais partie de notre organe de gouvernance et tu ne comptes pas de ton temps pour accompagner cette grande aventure du collège. Donc dis-nous un petit peu, avec ton identité, avec ton histoire, qu'est-ce qui t'anime dans ce combat commun ?

  • Joel

    Comme tu le disais, j'ai mis longtemps pour me décider à prendre ma retraite de maraîcher, suivant l'expression commune. Et il n'était pas question pour moi de quitter ce milieu qui m'a porté, qui m'a permis d'être dans le prolongement de mes ancêtres et de ce que mes ancêtres ont fait sur le terroir où j'ai fait pousser ces légumes, beaucoup plus nombreux en variété que ce que tu as signalé, puisque c'était à peu près 1500 variétés sur un an pendant pas mal d'années. Loin du cours. Voilà, pas tous en même temps. toutes les variétés en même temps évidemment, mais sur les 12 mois de l'année. Enfin, cela c'était pour expliquer un peu la folie qui me prenait, dont je me rendais compte, non pas au mois de janvier, février, quand je décidais de ce que j'allais cultiver dans les mois qui suivaient, mais au mois de juin et au mois de juillet, quand j'étais en plein dans le dur de la saison et avec le travail que ça représentait. Bon, ça c'est pour la petite histoire, mais ne pas quitter ce milieu qui m'avait... permis de vivre vraiment des bons moments et comme je le voulais et pour montrer ce que je voulais, c'est-à-dire le milieu de la production, toutes ces collègues que j'avais pu côtoyer, voir ces groupes de développement que j'avais pu présider pendant plus de 35 ans, et également tous ces amis, parce que je parle d'amis pour beaucoup, du monde de la restauration. Ces cuisiniers passionnés, ces gens avec qui j'ai pu partager ma propre passion et pour lesquels j'ai pu passer un temps fou à essayer de répondre à leurs attentes, voire même à les provoquer. Ça, c'est tout ce que je ne voulais pas quitter, que j'ai pu retrouver à la fois au sein du collège, rencontrer des gens, rencontrer des passionnés. Des gens qui voulaient, comme moi, garder certaines valeurs, certaines façons de faire et certaines considérations aussi pour les gens à qui on vendait nos produits ou nos assiettes, mais également dans ce temps d'après, vraiment la vie active, aussi le conseil et la transmission.

  • Christian

    Ce qui est extraordinaire à travers ce que tu dis, c'est que... C'est encore une fois une incarnation et une illustration de tout le combat du Collège Culinaire de France, c'est-à-dire la relation. Et là, tu développes deux aspects qui sont la transmission. Et quand on est porteur, quelque part, comme disait Camus, ça oblige, quelque part. Le fait d'incarner cette transmission, et là, il n'y a pas 36 solutions. On le voit avec les gens qui sont porteurs de ces transmissions. Il faut faire. Il ne s'agit pas simplement de dire je représente, etc. Il faut faire, et Dieu sait si tu as fait, avec des 4 heures du matin permanents, etc. Mais là où ça va plus loin, c'est qu'en faisant, tu n'as pas simplement transmis ce que tes ancêtres t'avaient apporté. D'abord, tu as innové et surtout, tu as créé un autre type de relation.

  • Joel

    Disons que la transmission de ce que les générations ont apporté, précédentes nous apportent, c'est au début de notre activité, notre carrière, ce que certains appellent carrière. Mais c'est surtout aussi les rencontres qui nous permettent de nous enrichir, d'aller plus loin dans notre propre profession, c'est-à-dire d'aller plus loin avec nos produits. On va plus, on allait beaucoup plus loin en travaillant en... en connivence, parce que c'est vraiment ça avec un cuisinier, qu'il n'y a que tout seul, chacun de son côté. Donc ça, c'est quelque chose que j'ai retrouvé dans le collège culinaire. Cette relation humaine, la qualité de cette relation humaine, c'est-à-dire les uns et les autres, on apprenait à connaître les impératifs de l'autre et donc de mieux se comprendre. Et puis la finalité aussi, c'était de faire plaisir pour moi. au restaurateur et au restaurateur à ses clients, qui peuvent aussi devenir des relations amicales et plus développées. La transmission, c'est aussi transmettre aux jeunes qui rentrent dans nos professions et leur faire comprendre qu'il n'y a pas que de la technique. Évidemment, la technique, ils vont l'acquérir. Il y a le sens de l'observation qui est important dans nos métiers. Savoir comprendre ce qui se passe autour de nous, comprendre la nature et l'environnement. Et comment cette compréhension pouvait nous servir à obtenir des produits encore gustativement plus intéressants, plus diversifiés. Et comment s'affranchir, mais ça c'est mon côté passionné d'histoire avec un grand H également. Comment s'affranchir de la dépendance vis-à-vis de produits qui viennent de loin. Et ça a été un peu ma quête pendant les deux tiers de mon activité de maraîcher. C'est montrer, non pas faire des copiers-colliers avec les productions qui venaient d'ailleurs, et notamment du Japon, ça a été ma quête, mais leur montrer qu'on pouvait élargir notre palette de production et enrichir notre patrimoine, parce qu'ensuite ça rentre dans notre propre patrimoine.

  • Christian

    Alors on va lancer maintenant le Toc Toc qui est là.

  • Voix-off

    Toc toc, qui est là ?

  • Christian

    Joël, si t'étais un vignoble ?

  • Joel

    La Bourgogne, même si ma terre était un vignoble avant l'arrivée du phylloxéra.

  • Christian

    Si t'étais un fromage ?

  • Joel

    Je vais dire le bris de mots.

  • Christian

    Pourquoi ?

  • Joel

    Régional, Île-de-France.

  • Christian

    Ah,

  • Joel

    Île-de-France. Je suis très marqué, et je te parlais de l'histoire. C'est la ceinture verte décidée par Philippe Auguste pour nourrir le peuple, pour pas que le peuple se révolte contre la... le pouvoir royal. Donc ça, je suis très marqué par ça.

  • Christian

    Ah oui, mais c'est vrai de l'égalité. Même qui,

  • Joel

    Haussmann, a bien taillé en brèche cette fameuse ceinture.

  • Christian

    Effectivement, c'est très intéressant de savoir cette ceinture de Philippe Auguste, parce que tu avais beaucoup travaillé là-dessus, sur ce sujet-là, en Ile-de-France.

  • Joel

    Il y avait une richesse de variétés qui ont été supplantées. Mais n'empêche qu'il y a toujours ces micro-terroirs qui développaient leur propre variété, parfois issue d'une même variété. mais qui, avec le temps, ont pris des chemins différents.

  • Christian

    Je fais une petite parenthèse, mais qui est, je crois, assez intéressante par rapport à ça. Ayant travaillé beaucoup sur les situations de crise, j'avais travaillé un moment avec des instances gouvernementales sur le fait de comment nourrir Paris un jour où tu as une crise totale. Il n'y a que trois jours de subsistance dans Paris pour nourrir les Parisiens. Et dans les différentes réunions qu'il y avait eues, on s'apercevait que tout ne pouvait passer que par la logistique des grands hypermarchés. Donc ça montre bien que justement par rapport à l'artisanat, il y a peut-être encore des choses à imaginer qui puissent assurer pas simplement les grandes filières. Ce toc-toc qui est là nous donne quelques indications. Si tu avais une région... Si tu étais une région, ça serait quelle région ?

  • Joel

    Je crois que j'ai répondu. La Bourgogne ? Non, non, la France, la région. La Bourgogne, c'est pour le vignoble. C'est une qualité de vin et de travail des vignerons qui est vraiment importante, qui reste très artisanale en Bourgogne, contrairement à d'autres terroirs.

  • Christian

    Revenons maintenant à ce qui anime tout ce que tu as expliqué tout à l'heure et ce qui anime toutes les valeurs du Collège Julien de France à travers la rencontre, etc. J'observe quand même quelque chose, c'est que je l'ai dit en introduction, en disant que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière, parce que le risque qu'il pouvait y avoir dans le développement que tu as pu avoir, c'est que tu es très très vite devenu, tu vas me dire mais non mais non, la star, on t'a appelé la star des maraîchers, etc. Notamment par rapport aux grands chefs et tout. Et je crois que le fait de ne pas avoir sombré dans cette starification, je le dis d'une manière générale. pour les stars d'aujourd'hui, c'est ce qui permet de poursuivre la rencontre et les relations humaines. Parce que le problème, on le voit bien, des gens très souvent qui sont partis d'une logique un petit peu artisanale, qui deviennent des stars, ça les bloque complètement dans leur relation. Parce que la notion de star fait qu'on n'est plus du tout dans la même logique relationnelle avec les autres.

  • Joel

    Cette notion de star, elle est très journalistique. Le maraîcher, lui, il a les pieds dans la terre tous les matins. Et les soucis qui vont avec, mais aussi les joies qui lui vont avec. Donc ça, bon, on s'en sert évidemment pour vendre nos produits, faire connaître nos produits, parce qu'en fait, c'est eux qui sont les stars, si on peut dire. Le tout, pour un premier temps, c'est d'essayer de trouver des... de faire en sorte que nos produits... trouve écho dans les assiettes des cuisiniers et soit travaillé par ces cuisiniers et contrairement à ce que je ne citerai pas de nom mais contrairement à ce qu'un auteur d'un vieux guide gastronomique avait dit à Hélène Darros avec qui je travaillais mais vous avez tous les légumes de Joël Thiebaud mais non et vous allez tous faire la même cuisine c'était complètement débile il est évident que vous donnez les on donne les mêmes le même produit à 30 chefs on va avoir quasiment 30 résultats différents. Et c'est ça qui fait notre richesse.

  • Christian

    C'est pour ça qu'avant le collège Culière de France, j'entendais beaucoup dire des chefs, etc. Ah non, je garde mes producteurs ! Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire qu'ils sont incapables d'avoir une interprétation différente des autres. Donc c'est extraordinaire, ils s'auto-critiquaient en disant ça. Et donc depuis le collège, on a vraiment initié, on le sent bien. une relation extrêmement riche entre producteurs, restaurateurs, y compris les autres éléments de la chaîne.

  • Joel

    En plus, le fait de distribuer à beaucoup de chefs, ou à un certain nombre de chefs, ça permet aussi d'avoir des visions de son produit bien différentes, et de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour, justement, personnaliser son produit, c'est ce que je dis toujours aux jeunes. maraîchers qui viennent me voir me dire comment on fait pour développer. J'ai dit, surtout, on se donne le temps. Aujourd'hui, on est toujours dans la précipitation. On veut toujours justement devenir la star du local. Heureusement, pas dans tous les cas, mais bien souvent. Et je dis, calmez-vous et proposez vos produits. Voyez ce que les chefs en pensent et travaillez sur ce retour pour essayer de leur faire plaisir. Aussi, c'est assez égoïste de se faire plaisir, parce que voir ces produits travaillés par des gens qui sont des pointures dans la gastronomie, mais également parce que sur une exploitation, on ne produit pas que le petit légume calibré ou tout ça. La météo changeant d'une journée sur l'autre, il faut faire avec, il faut réagir, pour toujours obtenir le mieux du produit qu'on a mis en place. Donc c'est cela aussi le savoir-faire du maraîcher, du producteur. Parce que c'est vrai, pas que uniquement dans les légumes.

  • Christian

    C'est une adaptation permanente à l'inconnu, à l'incertitude.

  • Joel

    C'est passionnant.

  • Christian

    Oui, c'est passionnant. Sauf que c'est ce qui a été refusé pendant des années. C'est-à-dire qu'on voulait être certain. Et ce qui est encore dans les réactions, voilà, exactement. Deuxième break que l'on va faire, c'est, on l'a appelé fromage ou dessert.

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Tes fromages ou desserts ?

  • Joel

    Christian, je vais te dire que c'est très dur de répondre à ça. Tu sais très bien parce que tu me connais bien. Je suis un grand gourmand.

  • Christian

    Oui, gourmet.

  • Joel

    Gourmand, si, je te l'avoue. Et donc ma physionomie peut en attester. Je dirais les deux parce qu'on peut avoir autant de plaisir, même si ce sont des produits complètement différents.

  • Christian

    Tu as répondu tout à l'heure, mais temps court ou temps long ?

  • Joel

    Temps court quand il y a des décisions parfois qui doivent être... être pris rapidement, mais dans le métier et dans la... Il faut être patient. L'agriculture, c'est quelque chose... De toute manière, économiquement, le retour sur investissement est toujours très loin. L'agriculture, c'est rare. On ne fait pas des start-up agricoles qui sont durables, disons. Non, il faut du temps. Du temps pour comprendre l'environnement, comprendre ce qui se passe. Alors, parfois, c'est difficile. Moi, j'ai quand même... Je dis ça, mais... Je faisais souvent des essais, vu le nombre de variétés, je faisais de nombreux essais. Introduire des nouveaux légumes qui n'étaient pas forcément cultivés dans la région, voire dans l'Hexagone. Mes salariés et collaborateurs rigolaient toujours quand je leur faisais un essai. Ils disaient Ouais, mais avec toi Joël, on sait qu'un essai, ça va être grandeur nature. Et je leur disais Bah oui, parce que si ça marche, si on réussit dès la première année... Il ne faut pas en manquer et répondre à la demande. Donc moi, les essais souvent... Et je me suis aperçu dans les premières années, les 20 premières années de mon activité, je me donnais des objectifs quand j'essayais. Je me donnais trois ans pour maîtriser, tout au moins je le pensais, pour maîtriser une culture nouvelle, complètement nouvelle pour... Et après, je me suis aperçu, mais justement, le fait de cette collaboration qu'il y avait avec les cuisiniers. qu'il ne fallait pas se donner un objectif précis. Il fallait voir ce que ça allait donner, cultiver avec les connaissances qu'on avait, qui n'étaient pas forcément, et heureusement, parfaites. Miser aussi sur le savoir-faire et les connaissances des chefs.

  • Christian

    Paris ou Carrière-sur-Seine ?

  • Joel

    Les deux, mon général. Je disais Carrière, évidemment, c'est la ville de mes ancêtres, c'est la commune où nous étions là depuis, comme tu l'as rappelé au début de cette interview. Paris, parce que c'est ma... J'ai toujours dit que Paris était ma deuxième ville. Parce que c'est là où je vendais mes produits. C'est là où mes ancêtres ont commencé. Alors, avant Paris, il y a eu Versailles. Mes ancêtres vendaient notamment une variété de cerises qui est complètement disparue, tout au moins sous son nom. Et que mes ancêtres emmenaient dans les maisons bourgeoises de Versailles, quand Versailles était la capitale politique de la France.

  • Christian

    Pour aborder le dernier volet, justement, de notre entretien, qui pourrait durer toute la journée, comme souvent quand on parle tous les deux. Tout ça, en fin de compte, t'en déduis quoi avec la maturité d'aujourd'hui, avec l'expérience que tu as, avec la retraite entre guillemets active, c'est pour ça que je dis en retraite la retraite, sur le plan d'une philosophie plus générale de la vie et ça t'inspire quoi ?

  • Joel

    Disons que je n'ai pas adhéré de fait au collège et adhéré surtout aux idées du collège parce que je ne les connaissais pas. Pour moi, au départ, le collège était un label de plus. Je n'avais pas gratté pour savoir ce qu'il y avait. Tu es venu me voir sur mon marché pour m'expliquer. Vous m'avez envoyé Eric Bréphard, fondateur du collège et ami, qui m'a encore remis un peu. Et je dis, moi, ça me correspond complètement. C'est les valeurs à la fois d'indépendance du collège, d'identité que j'ai toujours et que j'essaye d'insuffler aux jeunes. Je conseille, je leur dis, et je l'ai conseillé à mon successeur, j'ai dit c'est plus mon histoire que tu racontes, c'est la tienne. Et oui,

  • Christian

    bien sûr.

  • Joel

    C'est que les gens identifient tes produits. Les produits viennent d'un tel, et non pas on va acheter un kilo de carottes, on va acheter les kilos de carottes de monsieur ou madame.

  • Christian

    Incarnés.

  • Joel

    Voilà, incarnés. Et puis il y a également toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs. C'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre. essayer de comprendre ses impératifs et aller plus loin avec lui dans notre propre métier. En plus de toutes ces valeurs humaines, cette richesse de rencontres, tout ce qui sort de ces rencontres, c'est infini. Je dis aux gens, prenez du temps, sortez, parce que c'est ça aussi nos métiers. On est dans le bocal, même si on travaille les pieds dans la terre, on est quand même dans notre bocal, il faut sortir. Et ça, avant même que le collège existe. Moi, je préconisais toujours d'aller voir ce que les autres font dans les autres régions, voire dans les autres pays.

  • Christian

    C'est vraiment très intéressant ce que tu dis parce qu'on a encore, bien sûr, sur les plus de 3000 membres maintenant au Collège Culinaire de France, certains nous disent mais oui, mais moi, tout ça m'intéresse beaucoup, mais je n'ai pas le temps quand nous faisons des journées d'échange national, etc. Ce qui est extraordinaire, c'est que la dernière qu'on a pu faire le prouve encore, quand les gens viennent... 20-25 personnes passer une journée justement pour échanger dans un restaurant de qualité, que ce soit à Paris ou ailleurs en France. Tous ! Sans exception. À la fin, on fait un tour de table, ils disent j'ai gagné du temps Ce qui est quand même extraordinaire. Donc pourquoi ? On va dire qu'ils ont perdu une journée. Mais non, mais non, mais non, j'ai gagné du temps. Et ils expliquent pourquoi. C'est exactement ce que tu dis. Donc ça fait vraiment très plaisir d'entendre ça, en particulier de ta bouche. On va terminer sur un dernier élément que je lance, c'est le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Là, tu ne devrais pas avoir de mal parce que souvent, je t'ai vu passer sur la moutarde qui te monte au nez, ton coup de gueule. Alors, un coup de gueule sur un truc qui te...

  • Joel

    C'est un peu dans l'idée d'aller vite et qui peut parfois me choquer, mais le manque d'éducation, d'instruction. Les gens parlent sans savoir. Ils reproduisent des choses qui sont fausses sans vérifier. Et ça, je pense que ça résume à... S'il y avait un coup de gueule de ma part, ça serait cela. Et tous les jours, on est confronté à ça, les uns et les autres.

  • Christian

    De plus en plus.

  • Joel

    On se dit, mais comment on peut balancer sur les réseaux sociaux des choses qu'on n'a pas vérifiées ? Et je pense qu'il y a d'où le rôle de notre éducation nationale, mais également des parents. Mais je pense qu'il n'y a pas eu de transmission parce qu'il n'y a pas eu de volonté de transmission. Et je pense que c'est ça. Avoir un esprit plus pragmatique, plus recherchant plus. Bon, on a beaucoup d'informations, mais il faut les compulser, essayer de les vérifier et ne pas tout de suite retransmettre des choses qu'on n'a pas vérifiées.

  • Christian

    Ça commence, et c'est la conclusion parce que c'est celle que tu amènes à dire, ça commence par faire en sorte de prendre conscience des choses et se poser des questions. Tout simplement, ne pas ouvrir la bouche pour digérer tout, ce qui est souvent une question de facilité. Parce que comme ça, ça permet de ne pas avoir à trop se fatiguer à penser. Mais quand on est dans la facilité, on est aussi dans l'esclavage. C'est-à-dire, on devient esclave. Et donc, comme tu l'as dit très fortement, le collège, c'est l'indépendance. Et c'est d'abord l'indépendance de penser. Non pas pour vous dire ce qu'il faut penser, mais comment penser. C'est ça qui est vraiment important. Alors, merci Joël. Merci d'avoir pris du temps pour venir nous voir.

  • Joel

    C'est un plaisir.

  • Christian

    Pour participer à ce podcast. Peut-être, je le fais pour chacun, c'est toujours intéressant pour nos auditeurs, je pense à ceux qui vont nous écouter. Tu aurais peut-être une idée de restaurant à dire, moi voilà, j'ai un restaurant que j'aime bien. Alors, je sais très bien que ça va être très difficile pour toi parce qu'il y en a beaucoup.

  • Joel

    Il y a longtemps que mes clients sont les marchés.

  • Christian

    Ils te posaient des questions.

  • Joel

    Ils te posaient où il faut aller.

  • Christian

    Oui, on a tous les restaurants du collège, mais un petit coup de cœur, un de tes derniers coups de cœur que tu as apprécié. pour permettre à nos auditeurs.

  • Joel

    Alors ça, c'est complètement personnel. Et quelque chose que j'ai fait partager à mon épouse, évidemment, puisque dans ces cas-là, on partage souvent les tables, mais également mes filles et mes gendres. C'était quelqu'un avec qui j'ai travaillé de longue date, que j'ai connu avant qu'il ne soit restaurateur, c'était Kay. au cocoron qui a repris derrière Gérard Besson le restaurant et qui l'a... Et bon alors je disais aussi à mes clients je suis mal placé parce que je suis toujours...

  • Christian

    Oui c'est très subjectif.

  • Joel

    Voilà complètement, j'en ai plein d'autres, j'ai beaucoup d'amis, mais même dire aussi aux gens qui vont dans un restaurant, vous allez pouvoir être emballé par une table, et y retourner trois semaines après vous allez être beaucoup moins. Notre état d'esprit quand on va au restaurant compte beaucoup, notre entourage.

  • Christian

    Mais bien sûr.

  • Joel

    Donc ça, il faut quand même aussi, avant de mettre tout sur le dos du restaurateur et de son équipe, il y a vraiment tout aussi qui compte. Alors moi, je suis devenu de plus en plus... exigeant, mais avec bienveillance, évidemment, avec tous les petits détails, parce qu'on apprend aussi à les apprendre. Mais je pense que, oui, là, j'ai un super souvenir, mais j'en ai plein d'autres.

  • Christian

    Merci, en tout cas. Merci, Joël, et à très vite, bien sûr, puisqu'on se voit régulièrement au collège. Merci à toi.

  • Voix-off

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

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Description

Dans cet épisode, Christian Regouby accueille Joël Thiebault, un maraîcher en « retrait de la retraite » au parcours ancré dans l’histoire de la production agricole francilienne.

Descendant de plusieurs générations d’agriculteurs, Joël cultive sa passion pour la biodiversité, avec 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines.


Acteur engagé du Collège Culinaire de France, il nous dévoile sa vision de l’étroite relation de coopération entre producteurs et professionnels de la gastronomie.

Défenseur et promoteur des traditions et variétés locales rares, il nous fait découvrir comment il fait vivre la transmission artisanale, entre innovation et héritage.



Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Patio Opéra dans le 9éme arrondissement de Paris


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Joel

    Toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs, c'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre, essayer de comprendre ses impératifs.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Joël Thiebaud, qui fait partie de ce nouveau commando en retrait de la retraite. Sa famille, il le dit lui-même, est indigène, comme il se plaît à le raconter. Il dit Nous étions déjà là au Moyen-Âge. Nous présentons nos légumes au marché du président Wilson, dans le XVIe, depuis 1873. Joël Thiebaud a cultivé 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines, à Carrière-sur-Seine. descendant de plusieurs générations d'agriculteurs, il a toujours été attiré par la biodiversité. Bonjour Joël.

  • Joel

    Bonjour

  • Christian

    Christian. C'est la pleine saison, la nature explose. Merci d'avoir accepté de venir échanger avec nous ce matin. Il faut dire que tu es hyperactif dans plein de domaines, tu vas nous l'expliquer, et que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière. De l'ombre parce que tu n'aimes pas précisément être sous les feux de la rampe. De la lumière parce que tu veux toujours nous éclairer sur ce que signifie la vraie qualité des produits. Quelle histoire tu nous racontes à partir de là ? Et tu es au Collège Culinaire de France, tu nous accompagnes depuis très longtemps, depuis pratiquement le début. Et tu es très précieux, tu fais partie de notre organe de gouvernance et tu ne comptes pas de ton temps pour accompagner cette grande aventure du collège. Donc dis-nous un petit peu, avec ton identité, avec ton histoire, qu'est-ce qui t'anime dans ce combat commun ?

  • Joel

    Comme tu le disais, j'ai mis longtemps pour me décider à prendre ma retraite de maraîcher, suivant l'expression commune. Et il n'était pas question pour moi de quitter ce milieu qui m'a porté, qui m'a permis d'être dans le prolongement de mes ancêtres et de ce que mes ancêtres ont fait sur le terroir où j'ai fait pousser ces légumes, beaucoup plus nombreux en variété que ce que tu as signalé, puisque c'était à peu près 1500 variétés sur un an pendant pas mal d'années. Loin du cours. Voilà, pas tous en même temps. toutes les variétés en même temps évidemment, mais sur les 12 mois de l'année. Enfin, cela c'était pour expliquer un peu la folie qui me prenait, dont je me rendais compte, non pas au mois de janvier, février, quand je décidais de ce que j'allais cultiver dans les mois qui suivaient, mais au mois de juin et au mois de juillet, quand j'étais en plein dans le dur de la saison et avec le travail que ça représentait. Bon, ça c'est pour la petite histoire, mais ne pas quitter ce milieu qui m'avait... permis de vivre vraiment des bons moments et comme je le voulais et pour montrer ce que je voulais, c'est-à-dire le milieu de la production, toutes ces collègues que j'avais pu côtoyer, voir ces groupes de développement que j'avais pu présider pendant plus de 35 ans, et également tous ces amis, parce que je parle d'amis pour beaucoup, du monde de la restauration. Ces cuisiniers passionnés, ces gens avec qui j'ai pu partager ma propre passion et pour lesquels j'ai pu passer un temps fou à essayer de répondre à leurs attentes, voire même à les provoquer. Ça, c'est tout ce que je ne voulais pas quitter, que j'ai pu retrouver à la fois au sein du collège, rencontrer des gens, rencontrer des passionnés. Des gens qui voulaient, comme moi, garder certaines valeurs, certaines façons de faire et certaines considérations aussi pour les gens à qui on vendait nos produits ou nos assiettes, mais également dans ce temps d'après, vraiment la vie active, aussi le conseil et la transmission.

  • Christian

    Ce qui est extraordinaire à travers ce que tu dis, c'est que... C'est encore une fois une incarnation et une illustration de tout le combat du Collège Culinaire de France, c'est-à-dire la relation. Et là, tu développes deux aspects qui sont la transmission. Et quand on est porteur, quelque part, comme disait Camus, ça oblige, quelque part. Le fait d'incarner cette transmission, et là, il n'y a pas 36 solutions. On le voit avec les gens qui sont porteurs de ces transmissions. Il faut faire. Il ne s'agit pas simplement de dire je représente, etc. Il faut faire, et Dieu sait si tu as fait, avec des 4 heures du matin permanents, etc. Mais là où ça va plus loin, c'est qu'en faisant, tu n'as pas simplement transmis ce que tes ancêtres t'avaient apporté. D'abord, tu as innové et surtout, tu as créé un autre type de relation.

  • Joel

    Disons que la transmission de ce que les générations ont apporté, précédentes nous apportent, c'est au début de notre activité, notre carrière, ce que certains appellent carrière. Mais c'est surtout aussi les rencontres qui nous permettent de nous enrichir, d'aller plus loin dans notre propre profession, c'est-à-dire d'aller plus loin avec nos produits. On va plus, on allait beaucoup plus loin en travaillant en... en connivence, parce que c'est vraiment ça avec un cuisinier, qu'il n'y a que tout seul, chacun de son côté. Donc ça, c'est quelque chose que j'ai retrouvé dans le collège culinaire. Cette relation humaine, la qualité de cette relation humaine, c'est-à-dire les uns et les autres, on apprenait à connaître les impératifs de l'autre et donc de mieux se comprendre. Et puis la finalité aussi, c'était de faire plaisir pour moi. au restaurateur et au restaurateur à ses clients, qui peuvent aussi devenir des relations amicales et plus développées. La transmission, c'est aussi transmettre aux jeunes qui rentrent dans nos professions et leur faire comprendre qu'il n'y a pas que de la technique. Évidemment, la technique, ils vont l'acquérir. Il y a le sens de l'observation qui est important dans nos métiers. Savoir comprendre ce qui se passe autour de nous, comprendre la nature et l'environnement. Et comment cette compréhension pouvait nous servir à obtenir des produits encore gustativement plus intéressants, plus diversifiés. Et comment s'affranchir, mais ça c'est mon côté passionné d'histoire avec un grand H également. Comment s'affranchir de la dépendance vis-à-vis de produits qui viennent de loin. Et ça a été un peu ma quête pendant les deux tiers de mon activité de maraîcher. C'est montrer, non pas faire des copiers-colliers avec les productions qui venaient d'ailleurs, et notamment du Japon, ça a été ma quête, mais leur montrer qu'on pouvait élargir notre palette de production et enrichir notre patrimoine, parce qu'ensuite ça rentre dans notre propre patrimoine.

  • Christian

    Alors on va lancer maintenant le Toc Toc qui est là.

  • Voix-off

    Toc toc, qui est là ?

  • Christian

    Joël, si t'étais un vignoble ?

  • Joel

    La Bourgogne, même si ma terre était un vignoble avant l'arrivée du phylloxéra.

  • Christian

    Si t'étais un fromage ?

  • Joel

    Je vais dire le bris de mots.

  • Christian

    Pourquoi ?

  • Joel

    Régional, Île-de-France.

  • Christian

    Ah,

  • Joel

    Île-de-France. Je suis très marqué, et je te parlais de l'histoire. C'est la ceinture verte décidée par Philippe Auguste pour nourrir le peuple, pour pas que le peuple se révolte contre la... le pouvoir royal. Donc ça, je suis très marqué par ça.

  • Christian

    Ah oui, mais c'est vrai de l'égalité. Même qui,

  • Joel

    Haussmann, a bien taillé en brèche cette fameuse ceinture.

  • Christian

    Effectivement, c'est très intéressant de savoir cette ceinture de Philippe Auguste, parce que tu avais beaucoup travaillé là-dessus, sur ce sujet-là, en Ile-de-France.

  • Joel

    Il y avait une richesse de variétés qui ont été supplantées. Mais n'empêche qu'il y a toujours ces micro-terroirs qui développaient leur propre variété, parfois issue d'une même variété. mais qui, avec le temps, ont pris des chemins différents.

  • Christian

    Je fais une petite parenthèse, mais qui est, je crois, assez intéressante par rapport à ça. Ayant travaillé beaucoup sur les situations de crise, j'avais travaillé un moment avec des instances gouvernementales sur le fait de comment nourrir Paris un jour où tu as une crise totale. Il n'y a que trois jours de subsistance dans Paris pour nourrir les Parisiens. Et dans les différentes réunions qu'il y avait eues, on s'apercevait que tout ne pouvait passer que par la logistique des grands hypermarchés. Donc ça montre bien que justement par rapport à l'artisanat, il y a peut-être encore des choses à imaginer qui puissent assurer pas simplement les grandes filières. Ce toc-toc qui est là nous donne quelques indications. Si tu avais une région... Si tu étais une région, ça serait quelle région ?

  • Joel

    Je crois que j'ai répondu. La Bourgogne ? Non, non, la France, la région. La Bourgogne, c'est pour le vignoble. C'est une qualité de vin et de travail des vignerons qui est vraiment importante, qui reste très artisanale en Bourgogne, contrairement à d'autres terroirs.

  • Christian

    Revenons maintenant à ce qui anime tout ce que tu as expliqué tout à l'heure et ce qui anime toutes les valeurs du Collège Julien de France à travers la rencontre, etc. J'observe quand même quelque chose, c'est que je l'ai dit en introduction, en disant que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière, parce que le risque qu'il pouvait y avoir dans le développement que tu as pu avoir, c'est que tu es très très vite devenu, tu vas me dire mais non mais non, la star, on t'a appelé la star des maraîchers, etc. Notamment par rapport aux grands chefs et tout. Et je crois que le fait de ne pas avoir sombré dans cette starification, je le dis d'une manière générale. pour les stars d'aujourd'hui, c'est ce qui permet de poursuivre la rencontre et les relations humaines. Parce que le problème, on le voit bien, des gens très souvent qui sont partis d'une logique un petit peu artisanale, qui deviennent des stars, ça les bloque complètement dans leur relation. Parce que la notion de star fait qu'on n'est plus du tout dans la même logique relationnelle avec les autres.

  • Joel

    Cette notion de star, elle est très journalistique. Le maraîcher, lui, il a les pieds dans la terre tous les matins. Et les soucis qui vont avec, mais aussi les joies qui lui vont avec. Donc ça, bon, on s'en sert évidemment pour vendre nos produits, faire connaître nos produits, parce qu'en fait, c'est eux qui sont les stars, si on peut dire. Le tout, pour un premier temps, c'est d'essayer de trouver des... de faire en sorte que nos produits... trouve écho dans les assiettes des cuisiniers et soit travaillé par ces cuisiniers et contrairement à ce que je ne citerai pas de nom mais contrairement à ce qu'un auteur d'un vieux guide gastronomique avait dit à Hélène Darros avec qui je travaillais mais vous avez tous les légumes de Joël Thiebaud mais non et vous allez tous faire la même cuisine c'était complètement débile il est évident que vous donnez les on donne les mêmes le même produit à 30 chefs on va avoir quasiment 30 résultats différents. Et c'est ça qui fait notre richesse.

  • Christian

    C'est pour ça qu'avant le collège Culière de France, j'entendais beaucoup dire des chefs, etc. Ah non, je garde mes producteurs ! Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire qu'ils sont incapables d'avoir une interprétation différente des autres. Donc c'est extraordinaire, ils s'auto-critiquaient en disant ça. Et donc depuis le collège, on a vraiment initié, on le sent bien. une relation extrêmement riche entre producteurs, restaurateurs, y compris les autres éléments de la chaîne.

  • Joel

    En plus, le fait de distribuer à beaucoup de chefs, ou à un certain nombre de chefs, ça permet aussi d'avoir des visions de son produit bien différentes, et de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour, justement, personnaliser son produit, c'est ce que je dis toujours aux jeunes. maraîchers qui viennent me voir me dire comment on fait pour développer. J'ai dit, surtout, on se donne le temps. Aujourd'hui, on est toujours dans la précipitation. On veut toujours justement devenir la star du local. Heureusement, pas dans tous les cas, mais bien souvent. Et je dis, calmez-vous et proposez vos produits. Voyez ce que les chefs en pensent et travaillez sur ce retour pour essayer de leur faire plaisir. Aussi, c'est assez égoïste de se faire plaisir, parce que voir ces produits travaillés par des gens qui sont des pointures dans la gastronomie, mais également parce que sur une exploitation, on ne produit pas que le petit légume calibré ou tout ça. La météo changeant d'une journée sur l'autre, il faut faire avec, il faut réagir, pour toujours obtenir le mieux du produit qu'on a mis en place. Donc c'est cela aussi le savoir-faire du maraîcher, du producteur. Parce que c'est vrai, pas que uniquement dans les légumes.

  • Christian

    C'est une adaptation permanente à l'inconnu, à l'incertitude.

  • Joel

    C'est passionnant.

  • Christian

    Oui, c'est passionnant. Sauf que c'est ce qui a été refusé pendant des années. C'est-à-dire qu'on voulait être certain. Et ce qui est encore dans les réactions, voilà, exactement. Deuxième break que l'on va faire, c'est, on l'a appelé fromage ou dessert.

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Tes fromages ou desserts ?

  • Joel

    Christian, je vais te dire que c'est très dur de répondre à ça. Tu sais très bien parce que tu me connais bien. Je suis un grand gourmand.

  • Christian

    Oui, gourmet.

  • Joel

    Gourmand, si, je te l'avoue. Et donc ma physionomie peut en attester. Je dirais les deux parce qu'on peut avoir autant de plaisir, même si ce sont des produits complètement différents.

  • Christian

    Tu as répondu tout à l'heure, mais temps court ou temps long ?

  • Joel

    Temps court quand il y a des décisions parfois qui doivent être... être pris rapidement, mais dans le métier et dans la... Il faut être patient. L'agriculture, c'est quelque chose... De toute manière, économiquement, le retour sur investissement est toujours très loin. L'agriculture, c'est rare. On ne fait pas des start-up agricoles qui sont durables, disons. Non, il faut du temps. Du temps pour comprendre l'environnement, comprendre ce qui se passe. Alors, parfois, c'est difficile. Moi, j'ai quand même... Je dis ça, mais... Je faisais souvent des essais, vu le nombre de variétés, je faisais de nombreux essais. Introduire des nouveaux légumes qui n'étaient pas forcément cultivés dans la région, voire dans l'Hexagone. Mes salariés et collaborateurs rigolaient toujours quand je leur faisais un essai. Ils disaient Ouais, mais avec toi Joël, on sait qu'un essai, ça va être grandeur nature. Et je leur disais Bah oui, parce que si ça marche, si on réussit dès la première année... Il ne faut pas en manquer et répondre à la demande. Donc moi, les essais souvent... Et je me suis aperçu dans les premières années, les 20 premières années de mon activité, je me donnais des objectifs quand j'essayais. Je me donnais trois ans pour maîtriser, tout au moins je le pensais, pour maîtriser une culture nouvelle, complètement nouvelle pour... Et après, je me suis aperçu, mais justement, le fait de cette collaboration qu'il y avait avec les cuisiniers. qu'il ne fallait pas se donner un objectif précis. Il fallait voir ce que ça allait donner, cultiver avec les connaissances qu'on avait, qui n'étaient pas forcément, et heureusement, parfaites. Miser aussi sur le savoir-faire et les connaissances des chefs.

  • Christian

    Paris ou Carrière-sur-Seine ?

  • Joel

    Les deux, mon général. Je disais Carrière, évidemment, c'est la ville de mes ancêtres, c'est la commune où nous étions là depuis, comme tu l'as rappelé au début de cette interview. Paris, parce que c'est ma... J'ai toujours dit que Paris était ma deuxième ville. Parce que c'est là où je vendais mes produits. C'est là où mes ancêtres ont commencé. Alors, avant Paris, il y a eu Versailles. Mes ancêtres vendaient notamment une variété de cerises qui est complètement disparue, tout au moins sous son nom. Et que mes ancêtres emmenaient dans les maisons bourgeoises de Versailles, quand Versailles était la capitale politique de la France.

  • Christian

    Pour aborder le dernier volet, justement, de notre entretien, qui pourrait durer toute la journée, comme souvent quand on parle tous les deux. Tout ça, en fin de compte, t'en déduis quoi avec la maturité d'aujourd'hui, avec l'expérience que tu as, avec la retraite entre guillemets active, c'est pour ça que je dis en retraite la retraite, sur le plan d'une philosophie plus générale de la vie et ça t'inspire quoi ?

  • Joel

    Disons que je n'ai pas adhéré de fait au collège et adhéré surtout aux idées du collège parce que je ne les connaissais pas. Pour moi, au départ, le collège était un label de plus. Je n'avais pas gratté pour savoir ce qu'il y avait. Tu es venu me voir sur mon marché pour m'expliquer. Vous m'avez envoyé Eric Bréphard, fondateur du collège et ami, qui m'a encore remis un peu. Et je dis, moi, ça me correspond complètement. C'est les valeurs à la fois d'indépendance du collège, d'identité que j'ai toujours et que j'essaye d'insuffler aux jeunes. Je conseille, je leur dis, et je l'ai conseillé à mon successeur, j'ai dit c'est plus mon histoire que tu racontes, c'est la tienne. Et oui,

  • Christian

    bien sûr.

  • Joel

    C'est que les gens identifient tes produits. Les produits viennent d'un tel, et non pas on va acheter un kilo de carottes, on va acheter les kilos de carottes de monsieur ou madame.

  • Christian

    Incarnés.

  • Joel

    Voilà, incarnés. Et puis il y a également toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs. C'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre. essayer de comprendre ses impératifs et aller plus loin avec lui dans notre propre métier. En plus de toutes ces valeurs humaines, cette richesse de rencontres, tout ce qui sort de ces rencontres, c'est infini. Je dis aux gens, prenez du temps, sortez, parce que c'est ça aussi nos métiers. On est dans le bocal, même si on travaille les pieds dans la terre, on est quand même dans notre bocal, il faut sortir. Et ça, avant même que le collège existe. Moi, je préconisais toujours d'aller voir ce que les autres font dans les autres régions, voire dans les autres pays.

  • Christian

    C'est vraiment très intéressant ce que tu dis parce qu'on a encore, bien sûr, sur les plus de 3000 membres maintenant au Collège Culinaire de France, certains nous disent mais oui, mais moi, tout ça m'intéresse beaucoup, mais je n'ai pas le temps quand nous faisons des journées d'échange national, etc. Ce qui est extraordinaire, c'est que la dernière qu'on a pu faire le prouve encore, quand les gens viennent... 20-25 personnes passer une journée justement pour échanger dans un restaurant de qualité, que ce soit à Paris ou ailleurs en France. Tous ! Sans exception. À la fin, on fait un tour de table, ils disent j'ai gagné du temps Ce qui est quand même extraordinaire. Donc pourquoi ? On va dire qu'ils ont perdu une journée. Mais non, mais non, mais non, j'ai gagné du temps. Et ils expliquent pourquoi. C'est exactement ce que tu dis. Donc ça fait vraiment très plaisir d'entendre ça, en particulier de ta bouche. On va terminer sur un dernier élément que je lance, c'est le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Là, tu ne devrais pas avoir de mal parce que souvent, je t'ai vu passer sur la moutarde qui te monte au nez, ton coup de gueule. Alors, un coup de gueule sur un truc qui te...

  • Joel

    C'est un peu dans l'idée d'aller vite et qui peut parfois me choquer, mais le manque d'éducation, d'instruction. Les gens parlent sans savoir. Ils reproduisent des choses qui sont fausses sans vérifier. Et ça, je pense que ça résume à... S'il y avait un coup de gueule de ma part, ça serait cela. Et tous les jours, on est confronté à ça, les uns et les autres.

  • Christian

    De plus en plus.

  • Joel

    On se dit, mais comment on peut balancer sur les réseaux sociaux des choses qu'on n'a pas vérifiées ? Et je pense qu'il y a d'où le rôle de notre éducation nationale, mais également des parents. Mais je pense qu'il n'y a pas eu de transmission parce qu'il n'y a pas eu de volonté de transmission. Et je pense que c'est ça. Avoir un esprit plus pragmatique, plus recherchant plus. Bon, on a beaucoup d'informations, mais il faut les compulser, essayer de les vérifier et ne pas tout de suite retransmettre des choses qu'on n'a pas vérifiées.

  • Christian

    Ça commence, et c'est la conclusion parce que c'est celle que tu amènes à dire, ça commence par faire en sorte de prendre conscience des choses et se poser des questions. Tout simplement, ne pas ouvrir la bouche pour digérer tout, ce qui est souvent une question de facilité. Parce que comme ça, ça permet de ne pas avoir à trop se fatiguer à penser. Mais quand on est dans la facilité, on est aussi dans l'esclavage. C'est-à-dire, on devient esclave. Et donc, comme tu l'as dit très fortement, le collège, c'est l'indépendance. Et c'est d'abord l'indépendance de penser. Non pas pour vous dire ce qu'il faut penser, mais comment penser. C'est ça qui est vraiment important. Alors, merci Joël. Merci d'avoir pris du temps pour venir nous voir.

  • Joel

    C'est un plaisir.

  • Christian

    Pour participer à ce podcast. Peut-être, je le fais pour chacun, c'est toujours intéressant pour nos auditeurs, je pense à ceux qui vont nous écouter. Tu aurais peut-être une idée de restaurant à dire, moi voilà, j'ai un restaurant que j'aime bien. Alors, je sais très bien que ça va être très difficile pour toi parce qu'il y en a beaucoup.

  • Joel

    Il y a longtemps que mes clients sont les marchés.

  • Christian

    Ils te posaient des questions.

  • Joel

    Ils te posaient où il faut aller.

  • Christian

    Oui, on a tous les restaurants du collège, mais un petit coup de cœur, un de tes derniers coups de cœur que tu as apprécié. pour permettre à nos auditeurs.

  • Joel

    Alors ça, c'est complètement personnel. Et quelque chose que j'ai fait partager à mon épouse, évidemment, puisque dans ces cas-là, on partage souvent les tables, mais également mes filles et mes gendres. C'était quelqu'un avec qui j'ai travaillé de longue date, que j'ai connu avant qu'il ne soit restaurateur, c'était Kay. au cocoron qui a repris derrière Gérard Besson le restaurant et qui l'a... Et bon alors je disais aussi à mes clients je suis mal placé parce que je suis toujours...

  • Christian

    Oui c'est très subjectif.

  • Joel

    Voilà complètement, j'en ai plein d'autres, j'ai beaucoup d'amis, mais même dire aussi aux gens qui vont dans un restaurant, vous allez pouvoir être emballé par une table, et y retourner trois semaines après vous allez être beaucoup moins. Notre état d'esprit quand on va au restaurant compte beaucoup, notre entourage.

  • Christian

    Mais bien sûr.

  • Joel

    Donc ça, il faut quand même aussi, avant de mettre tout sur le dos du restaurateur et de son équipe, il y a vraiment tout aussi qui compte. Alors moi, je suis devenu de plus en plus... exigeant, mais avec bienveillance, évidemment, avec tous les petits détails, parce qu'on apprend aussi à les apprendre. Mais je pense que, oui, là, j'ai un super souvenir, mais j'en ai plein d'autres.

  • Christian

    Merci, en tout cas. Merci, Joël, et à très vite, bien sûr, puisqu'on se voit régulièrement au collège. Merci à toi.

  • Voix-off

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

Description

Dans cet épisode, Christian Regouby accueille Joël Thiebault, un maraîcher en « retrait de la retraite » au parcours ancré dans l’histoire de la production agricole francilienne.

Descendant de plusieurs générations d’agriculteurs, Joël cultive sa passion pour la biodiversité, avec 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines.


Acteur engagé du Collège Culinaire de France, il nous dévoile sa vision de l’étroite relation de coopération entre producteurs et professionnels de la gastronomie.

Défenseur et promoteur des traditions et variétés locales rares, il nous fait découvrir comment il fait vivre la transmission artisanale, entre innovation et héritage.



Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


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Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard

Un épisode enregistré au Patio Opéra dans le 9éme arrondissement de Paris


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Joel

    Toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs, c'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre, essayer de comprendre ses impératifs.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Joël Thiebaud, qui fait partie de ce nouveau commando en retrait de la retraite. Sa famille, il le dit lui-même, est indigène, comme il se plaît à le raconter. Il dit Nous étions déjà là au Moyen-Âge. Nous présentons nos légumes au marché du président Wilson, dans le XVIe, depuis 1873. Joël Thiebaud a cultivé 300 variétés de fruits et légumes sur 20 hectares dans les Yvelines, à Carrière-sur-Seine. descendant de plusieurs générations d'agriculteurs, il a toujours été attiré par la biodiversité. Bonjour Joël.

  • Joel

    Bonjour

  • Christian

    Christian. C'est la pleine saison, la nature explose. Merci d'avoir accepté de venir échanger avec nous ce matin. Il faut dire que tu es hyperactif dans plein de domaines, tu vas nous l'expliquer, et que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière. De l'ombre parce que tu n'aimes pas précisément être sous les feux de la rampe. De la lumière parce que tu veux toujours nous éclairer sur ce que signifie la vraie qualité des produits. Quelle histoire tu nous racontes à partir de là ? Et tu es au Collège Culinaire de France, tu nous accompagnes depuis très longtemps, depuis pratiquement le début. Et tu es très précieux, tu fais partie de notre organe de gouvernance et tu ne comptes pas de ton temps pour accompagner cette grande aventure du collège. Donc dis-nous un petit peu, avec ton identité, avec ton histoire, qu'est-ce qui t'anime dans ce combat commun ?

  • Joel

    Comme tu le disais, j'ai mis longtemps pour me décider à prendre ma retraite de maraîcher, suivant l'expression commune. Et il n'était pas question pour moi de quitter ce milieu qui m'a porté, qui m'a permis d'être dans le prolongement de mes ancêtres et de ce que mes ancêtres ont fait sur le terroir où j'ai fait pousser ces légumes, beaucoup plus nombreux en variété que ce que tu as signalé, puisque c'était à peu près 1500 variétés sur un an pendant pas mal d'années. Loin du cours. Voilà, pas tous en même temps. toutes les variétés en même temps évidemment, mais sur les 12 mois de l'année. Enfin, cela c'était pour expliquer un peu la folie qui me prenait, dont je me rendais compte, non pas au mois de janvier, février, quand je décidais de ce que j'allais cultiver dans les mois qui suivaient, mais au mois de juin et au mois de juillet, quand j'étais en plein dans le dur de la saison et avec le travail que ça représentait. Bon, ça c'est pour la petite histoire, mais ne pas quitter ce milieu qui m'avait... permis de vivre vraiment des bons moments et comme je le voulais et pour montrer ce que je voulais, c'est-à-dire le milieu de la production, toutes ces collègues que j'avais pu côtoyer, voir ces groupes de développement que j'avais pu présider pendant plus de 35 ans, et également tous ces amis, parce que je parle d'amis pour beaucoup, du monde de la restauration. Ces cuisiniers passionnés, ces gens avec qui j'ai pu partager ma propre passion et pour lesquels j'ai pu passer un temps fou à essayer de répondre à leurs attentes, voire même à les provoquer. Ça, c'est tout ce que je ne voulais pas quitter, que j'ai pu retrouver à la fois au sein du collège, rencontrer des gens, rencontrer des passionnés. Des gens qui voulaient, comme moi, garder certaines valeurs, certaines façons de faire et certaines considérations aussi pour les gens à qui on vendait nos produits ou nos assiettes, mais également dans ce temps d'après, vraiment la vie active, aussi le conseil et la transmission.

  • Christian

    Ce qui est extraordinaire à travers ce que tu dis, c'est que... C'est encore une fois une incarnation et une illustration de tout le combat du Collège Culinaire de France, c'est-à-dire la relation. Et là, tu développes deux aspects qui sont la transmission. Et quand on est porteur, quelque part, comme disait Camus, ça oblige, quelque part. Le fait d'incarner cette transmission, et là, il n'y a pas 36 solutions. On le voit avec les gens qui sont porteurs de ces transmissions. Il faut faire. Il ne s'agit pas simplement de dire je représente, etc. Il faut faire, et Dieu sait si tu as fait, avec des 4 heures du matin permanents, etc. Mais là où ça va plus loin, c'est qu'en faisant, tu n'as pas simplement transmis ce que tes ancêtres t'avaient apporté. D'abord, tu as innové et surtout, tu as créé un autre type de relation.

  • Joel

    Disons que la transmission de ce que les générations ont apporté, précédentes nous apportent, c'est au début de notre activité, notre carrière, ce que certains appellent carrière. Mais c'est surtout aussi les rencontres qui nous permettent de nous enrichir, d'aller plus loin dans notre propre profession, c'est-à-dire d'aller plus loin avec nos produits. On va plus, on allait beaucoup plus loin en travaillant en... en connivence, parce que c'est vraiment ça avec un cuisinier, qu'il n'y a que tout seul, chacun de son côté. Donc ça, c'est quelque chose que j'ai retrouvé dans le collège culinaire. Cette relation humaine, la qualité de cette relation humaine, c'est-à-dire les uns et les autres, on apprenait à connaître les impératifs de l'autre et donc de mieux se comprendre. Et puis la finalité aussi, c'était de faire plaisir pour moi. au restaurateur et au restaurateur à ses clients, qui peuvent aussi devenir des relations amicales et plus développées. La transmission, c'est aussi transmettre aux jeunes qui rentrent dans nos professions et leur faire comprendre qu'il n'y a pas que de la technique. Évidemment, la technique, ils vont l'acquérir. Il y a le sens de l'observation qui est important dans nos métiers. Savoir comprendre ce qui se passe autour de nous, comprendre la nature et l'environnement. Et comment cette compréhension pouvait nous servir à obtenir des produits encore gustativement plus intéressants, plus diversifiés. Et comment s'affranchir, mais ça c'est mon côté passionné d'histoire avec un grand H également. Comment s'affranchir de la dépendance vis-à-vis de produits qui viennent de loin. Et ça a été un peu ma quête pendant les deux tiers de mon activité de maraîcher. C'est montrer, non pas faire des copiers-colliers avec les productions qui venaient d'ailleurs, et notamment du Japon, ça a été ma quête, mais leur montrer qu'on pouvait élargir notre palette de production et enrichir notre patrimoine, parce qu'ensuite ça rentre dans notre propre patrimoine.

  • Christian

    Alors on va lancer maintenant le Toc Toc qui est là.

  • Voix-off

    Toc toc, qui est là ?

  • Christian

    Joël, si t'étais un vignoble ?

  • Joel

    La Bourgogne, même si ma terre était un vignoble avant l'arrivée du phylloxéra.

  • Christian

    Si t'étais un fromage ?

  • Joel

    Je vais dire le bris de mots.

  • Christian

    Pourquoi ?

  • Joel

    Régional, Île-de-France.

  • Christian

    Ah,

  • Joel

    Île-de-France. Je suis très marqué, et je te parlais de l'histoire. C'est la ceinture verte décidée par Philippe Auguste pour nourrir le peuple, pour pas que le peuple se révolte contre la... le pouvoir royal. Donc ça, je suis très marqué par ça.

  • Christian

    Ah oui, mais c'est vrai de l'égalité. Même qui,

  • Joel

    Haussmann, a bien taillé en brèche cette fameuse ceinture.

  • Christian

    Effectivement, c'est très intéressant de savoir cette ceinture de Philippe Auguste, parce que tu avais beaucoup travaillé là-dessus, sur ce sujet-là, en Ile-de-France.

  • Joel

    Il y avait une richesse de variétés qui ont été supplantées. Mais n'empêche qu'il y a toujours ces micro-terroirs qui développaient leur propre variété, parfois issue d'une même variété. mais qui, avec le temps, ont pris des chemins différents.

  • Christian

    Je fais une petite parenthèse, mais qui est, je crois, assez intéressante par rapport à ça. Ayant travaillé beaucoup sur les situations de crise, j'avais travaillé un moment avec des instances gouvernementales sur le fait de comment nourrir Paris un jour où tu as une crise totale. Il n'y a que trois jours de subsistance dans Paris pour nourrir les Parisiens. Et dans les différentes réunions qu'il y avait eues, on s'apercevait que tout ne pouvait passer que par la logistique des grands hypermarchés. Donc ça montre bien que justement par rapport à l'artisanat, il y a peut-être encore des choses à imaginer qui puissent assurer pas simplement les grandes filières. Ce toc-toc qui est là nous donne quelques indications. Si tu avais une région... Si tu étais une région, ça serait quelle région ?

  • Joel

    Je crois que j'ai répondu. La Bourgogne ? Non, non, la France, la région. La Bourgogne, c'est pour le vignoble. C'est une qualité de vin et de travail des vignerons qui est vraiment importante, qui reste très artisanale en Bourgogne, contrairement à d'autres terroirs.

  • Christian

    Revenons maintenant à ce qui anime tout ce que tu as expliqué tout à l'heure et ce qui anime toutes les valeurs du Collège Julien de France à travers la rencontre, etc. J'observe quand même quelque chose, c'est que je l'ai dit en introduction, en disant que tu es à la fois un homme de l'ombre et de la lumière, parce que le risque qu'il pouvait y avoir dans le développement que tu as pu avoir, c'est que tu es très très vite devenu, tu vas me dire mais non mais non, la star, on t'a appelé la star des maraîchers, etc. Notamment par rapport aux grands chefs et tout. Et je crois que le fait de ne pas avoir sombré dans cette starification, je le dis d'une manière générale. pour les stars d'aujourd'hui, c'est ce qui permet de poursuivre la rencontre et les relations humaines. Parce que le problème, on le voit bien, des gens très souvent qui sont partis d'une logique un petit peu artisanale, qui deviennent des stars, ça les bloque complètement dans leur relation. Parce que la notion de star fait qu'on n'est plus du tout dans la même logique relationnelle avec les autres.

  • Joel

    Cette notion de star, elle est très journalistique. Le maraîcher, lui, il a les pieds dans la terre tous les matins. Et les soucis qui vont avec, mais aussi les joies qui lui vont avec. Donc ça, bon, on s'en sert évidemment pour vendre nos produits, faire connaître nos produits, parce qu'en fait, c'est eux qui sont les stars, si on peut dire. Le tout, pour un premier temps, c'est d'essayer de trouver des... de faire en sorte que nos produits... trouve écho dans les assiettes des cuisiniers et soit travaillé par ces cuisiniers et contrairement à ce que je ne citerai pas de nom mais contrairement à ce qu'un auteur d'un vieux guide gastronomique avait dit à Hélène Darros avec qui je travaillais mais vous avez tous les légumes de Joël Thiebaud mais non et vous allez tous faire la même cuisine c'était complètement débile il est évident que vous donnez les on donne les mêmes le même produit à 30 chefs on va avoir quasiment 30 résultats différents. Et c'est ça qui fait notre richesse.

  • Christian

    C'est pour ça qu'avant le collège Culière de France, j'entendais beaucoup dire des chefs, etc. Ah non, je garde mes producteurs ! Ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire qu'ils sont incapables d'avoir une interprétation différente des autres. Donc c'est extraordinaire, ils s'auto-critiquaient en disant ça. Et donc depuis le collège, on a vraiment initié, on le sent bien. une relation extrêmement riche entre producteurs, restaurateurs, y compris les autres éléments de la chaîne.

  • Joel

    En plus, le fait de distribuer à beaucoup de chefs, ou à un certain nombre de chefs, ça permet aussi d'avoir des visions de son produit bien différentes, et de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour, justement, personnaliser son produit, c'est ce que je dis toujours aux jeunes. maraîchers qui viennent me voir me dire comment on fait pour développer. J'ai dit, surtout, on se donne le temps. Aujourd'hui, on est toujours dans la précipitation. On veut toujours justement devenir la star du local. Heureusement, pas dans tous les cas, mais bien souvent. Et je dis, calmez-vous et proposez vos produits. Voyez ce que les chefs en pensent et travaillez sur ce retour pour essayer de leur faire plaisir. Aussi, c'est assez égoïste de se faire plaisir, parce que voir ces produits travaillés par des gens qui sont des pointures dans la gastronomie, mais également parce que sur une exploitation, on ne produit pas que le petit légume calibré ou tout ça. La météo changeant d'une journée sur l'autre, il faut faire avec, il faut réagir, pour toujours obtenir le mieux du produit qu'on a mis en place. Donc c'est cela aussi le savoir-faire du maraîcher, du producteur. Parce que c'est vrai, pas que uniquement dans les légumes.

  • Christian

    C'est une adaptation permanente à l'inconnu, à l'incertitude.

  • Joel

    C'est passionnant.

  • Christian

    Oui, c'est passionnant. Sauf que c'est ce qui a été refusé pendant des années. C'est-à-dire qu'on voulait être certain. Et ce qui est encore dans les réactions, voilà, exactement. Deuxième break que l'on va faire, c'est, on l'a appelé fromage ou dessert.

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Tes fromages ou desserts ?

  • Joel

    Christian, je vais te dire que c'est très dur de répondre à ça. Tu sais très bien parce que tu me connais bien. Je suis un grand gourmand.

  • Christian

    Oui, gourmet.

  • Joel

    Gourmand, si, je te l'avoue. Et donc ma physionomie peut en attester. Je dirais les deux parce qu'on peut avoir autant de plaisir, même si ce sont des produits complètement différents.

  • Christian

    Tu as répondu tout à l'heure, mais temps court ou temps long ?

  • Joel

    Temps court quand il y a des décisions parfois qui doivent être... être pris rapidement, mais dans le métier et dans la... Il faut être patient. L'agriculture, c'est quelque chose... De toute manière, économiquement, le retour sur investissement est toujours très loin. L'agriculture, c'est rare. On ne fait pas des start-up agricoles qui sont durables, disons. Non, il faut du temps. Du temps pour comprendre l'environnement, comprendre ce qui se passe. Alors, parfois, c'est difficile. Moi, j'ai quand même... Je dis ça, mais... Je faisais souvent des essais, vu le nombre de variétés, je faisais de nombreux essais. Introduire des nouveaux légumes qui n'étaient pas forcément cultivés dans la région, voire dans l'Hexagone. Mes salariés et collaborateurs rigolaient toujours quand je leur faisais un essai. Ils disaient Ouais, mais avec toi Joël, on sait qu'un essai, ça va être grandeur nature. Et je leur disais Bah oui, parce que si ça marche, si on réussit dès la première année... Il ne faut pas en manquer et répondre à la demande. Donc moi, les essais souvent... Et je me suis aperçu dans les premières années, les 20 premières années de mon activité, je me donnais des objectifs quand j'essayais. Je me donnais trois ans pour maîtriser, tout au moins je le pensais, pour maîtriser une culture nouvelle, complètement nouvelle pour... Et après, je me suis aperçu, mais justement, le fait de cette collaboration qu'il y avait avec les cuisiniers. qu'il ne fallait pas se donner un objectif précis. Il fallait voir ce que ça allait donner, cultiver avec les connaissances qu'on avait, qui n'étaient pas forcément, et heureusement, parfaites. Miser aussi sur le savoir-faire et les connaissances des chefs.

  • Christian

    Paris ou Carrière-sur-Seine ?

  • Joel

    Les deux, mon général. Je disais Carrière, évidemment, c'est la ville de mes ancêtres, c'est la commune où nous étions là depuis, comme tu l'as rappelé au début de cette interview. Paris, parce que c'est ma... J'ai toujours dit que Paris était ma deuxième ville. Parce que c'est là où je vendais mes produits. C'est là où mes ancêtres ont commencé. Alors, avant Paris, il y a eu Versailles. Mes ancêtres vendaient notamment une variété de cerises qui est complètement disparue, tout au moins sous son nom. Et que mes ancêtres emmenaient dans les maisons bourgeoises de Versailles, quand Versailles était la capitale politique de la France.

  • Christian

    Pour aborder le dernier volet, justement, de notre entretien, qui pourrait durer toute la journée, comme souvent quand on parle tous les deux. Tout ça, en fin de compte, t'en déduis quoi avec la maturité d'aujourd'hui, avec l'expérience que tu as, avec la retraite entre guillemets active, c'est pour ça que je dis en retraite la retraite, sur le plan d'une philosophie plus générale de la vie et ça t'inspire quoi ?

  • Joel

    Disons que je n'ai pas adhéré de fait au collège et adhéré surtout aux idées du collège parce que je ne les connaissais pas. Pour moi, au départ, le collège était un label de plus. Je n'avais pas gratté pour savoir ce qu'il y avait. Tu es venu me voir sur mon marché pour m'expliquer. Vous m'avez envoyé Eric Bréphard, fondateur du collège et ami, qui m'a encore remis un peu. Et je dis, moi, ça me correspond complètement. C'est les valeurs à la fois d'indépendance du collège, d'identité que j'ai toujours et que j'essaye d'insuffler aux jeunes. Je conseille, je leur dis, et je l'ai conseillé à mon successeur, j'ai dit c'est plus mon histoire que tu racontes, c'est la tienne. Et oui,

  • Christian

    bien sûr.

  • Joel

    C'est que les gens identifient tes produits. Les produits viennent d'un tel, et non pas on va acheter un kilo de carottes, on va acheter les kilos de carottes de monsieur ou madame.

  • Christian

    Incarnés.

  • Joel

    Voilà, incarnés. Et puis il y a également toutes ces valeurs relationnelles avec les chefs. C'est aller au devant de l'autre, essayer de le comprendre. essayer de comprendre ses impératifs et aller plus loin avec lui dans notre propre métier. En plus de toutes ces valeurs humaines, cette richesse de rencontres, tout ce qui sort de ces rencontres, c'est infini. Je dis aux gens, prenez du temps, sortez, parce que c'est ça aussi nos métiers. On est dans le bocal, même si on travaille les pieds dans la terre, on est quand même dans notre bocal, il faut sortir. Et ça, avant même que le collège existe. Moi, je préconisais toujours d'aller voir ce que les autres font dans les autres régions, voire dans les autres pays.

  • Christian

    C'est vraiment très intéressant ce que tu dis parce qu'on a encore, bien sûr, sur les plus de 3000 membres maintenant au Collège Culinaire de France, certains nous disent mais oui, mais moi, tout ça m'intéresse beaucoup, mais je n'ai pas le temps quand nous faisons des journées d'échange national, etc. Ce qui est extraordinaire, c'est que la dernière qu'on a pu faire le prouve encore, quand les gens viennent... 20-25 personnes passer une journée justement pour échanger dans un restaurant de qualité, que ce soit à Paris ou ailleurs en France. Tous ! Sans exception. À la fin, on fait un tour de table, ils disent j'ai gagné du temps Ce qui est quand même extraordinaire. Donc pourquoi ? On va dire qu'ils ont perdu une journée. Mais non, mais non, mais non, j'ai gagné du temps. Et ils expliquent pourquoi. C'est exactement ce que tu dis. Donc ça fait vraiment très plaisir d'entendre ça, en particulier de ta bouche. On va terminer sur un dernier élément que je lance, c'est le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Là, tu ne devrais pas avoir de mal parce que souvent, je t'ai vu passer sur la moutarde qui te monte au nez, ton coup de gueule. Alors, un coup de gueule sur un truc qui te...

  • Joel

    C'est un peu dans l'idée d'aller vite et qui peut parfois me choquer, mais le manque d'éducation, d'instruction. Les gens parlent sans savoir. Ils reproduisent des choses qui sont fausses sans vérifier. Et ça, je pense que ça résume à... S'il y avait un coup de gueule de ma part, ça serait cela. Et tous les jours, on est confronté à ça, les uns et les autres.

  • Christian

    De plus en plus.

  • Joel

    On se dit, mais comment on peut balancer sur les réseaux sociaux des choses qu'on n'a pas vérifiées ? Et je pense qu'il y a d'où le rôle de notre éducation nationale, mais également des parents. Mais je pense qu'il n'y a pas eu de transmission parce qu'il n'y a pas eu de volonté de transmission. Et je pense que c'est ça. Avoir un esprit plus pragmatique, plus recherchant plus. Bon, on a beaucoup d'informations, mais il faut les compulser, essayer de les vérifier et ne pas tout de suite retransmettre des choses qu'on n'a pas vérifiées.

  • Christian

    Ça commence, et c'est la conclusion parce que c'est celle que tu amènes à dire, ça commence par faire en sorte de prendre conscience des choses et se poser des questions. Tout simplement, ne pas ouvrir la bouche pour digérer tout, ce qui est souvent une question de facilité. Parce que comme ça, ça permet de ne pas avoir à trop se fatiguer à penser. Mais quand on est dans la facilité, on est aussi dans l'esclavage. C'est-à-dire, on devient esclave. Et donc, comme tu l'as dit très fortement, le collège, c'est l'indépendance. Et c'est d'abord l'indépendance de penser. Non pas pour vous dire ce qu'il faut penser, mais comment penser. C'est ça qui est vraiment important. Alors, merci Joël. Merci d'avoir pris du temps pour venir nous voir.

  • Joel

    C'est un plaisir.

  • Christian

    Pour participer à ce podcast. Peut-être, je le fais pour chacun, c'est toujours intéressant pour nos auditeurs, je pense à ceux qui vont nous écouter. Tu aurais peut-être une idée de restaurant à dire, moi voilà, j'ai un restaurant que j'aime bien. Alors, je sais très bien que ça va être très difficile pour toi parce qu'il y en a beaucoup.

  • Joel

    Il y a longtemps que mes clients sont les marchés.

  • Christian

    Ils te posaient des questions.

  • Joel

    Ils te posaient où il faut aller.

  • Christian

    Oui, on a tous les restaurants du collège, mais un petit coup de cœur, un de tes derniers coups de cœur que tu as apprécié. pour permettre à nos auditeurs.

  • Joel

    Alors ça, c'est complètement personnel. Et quelque chose que j'ai fait partager à mon épouse, évidemment, puisque dans ces cas-là, on partage souvent les tables, mais également mes filles et mes gendres. C'était quelqu'un avec qui j'ai travaillé de longue date, que j'ai connu avant qu'il ne soit restaurateur, c'était Kay. au cocoron qui a repris derrière Gérard Besson le restaurant et qui l'a... Et bon alors je disais aussi à mes clients je suis mal placé parce que je suis toujours...

  • Christian

    Oui c'est très subjectif.

  • Joel

    Voilà complètement, j'en ai plein d'autres, j'ai beaucoup d'amis, mais même dire aussi aux gens qui vont dans un restaurant, vous allez pouvoir être emballé par une table, et y retourner trois semaines après vous allez être beaucoup moins. Notre état d'esprit quand on va au restaurant compte beaucoup, notre entourage.

  • Christian

    Mais bien sûr.

  • Joel

    Donc ça, il faut quand même aussi, avant de mettre tout sur le dos du restaurateur et de son équipe, il y a vraiment tout aussi qui compte. Alors moi, je suis devenu de plus en plus... exigeant, mais avec bienveillance, évidemment, avec tous les petits détails, parce qu'on apprend aussi à les apprendre. Mais je pense que, oui, là, j'ai un super souvenir, mais j'en ai plein d'autres.

  • Christian

    Merci, en tout cas. Merci, Joël, et à très vite, bien sûr, puisqu'on se voit régulièrement au collège. Merci à toi.

  • Voix-off

    Vous venez de déguster un épisode de La Terre à la Tite, le podcast qui vous donne envie de bien manger. Nous espérons que vous avez passé un agréable moment en notre compagnie. Si ce podcast vous a régalé, soutenez-nous en lui donnant un maximum d'étoiles, comme un grand chef, et en vous abonnant. Vous avez envie d'en savoir plus sur les actions du Collège Culinaire de France et sur le mouvement Manger Citoyen ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'addition, elle est pour nous !

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