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VISION #75 — EMMA BURLET | Être mère et photographe cover
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Vision(s)

VISION #75 — EMMA BURLET | Être mère et photographe

VISION #75 — EMMA BURLET | Être mère et photographe

51min |05/03/2025
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VISION #75 — EMMA BURLET | Être mère et photographe

51min |05/03/2025
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Description

Avant l’enregistrement, Emma me prévient : elle est enceinte de huit mois et souvent sujette à une forme d’essoufflement (selon la position du petit être dans son ventre), à des fous rires et à certaines envies pressantes. La situation est plutôt inédite, mais nous décidons tout de même de réaliser ce podcast.


Au-delà d’être une photographe très talentueuse, Emma me fait beaucoup rire à sa façon. Dans cet épisode, elle aborde aussi des sujets essentiels, comme le fait d’être mère et photographe, et la difficulté de jongler avec la crainte du jugement, le manque de travail et de temps, surtout lors de sa première grossesse.


Nous parlons également de Small Land, sa série sur des enfants qui grandissent dans le fief d’Ikea en Suède.

Un podcast drôle, passionnant et profondément humain.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production, un noyau studio. Avant l'enregistrement, Emma me prévient. Elle est enceinte de 8 mois et souvent sujette à une forme d'essoufflement, dépendant de la position du petit être dans son ventre, à des fous rires et à certaines envies pressantes. Bon, la configuration est assez inédite, mais on décide tout de même de réaliser ce podcast. Emma, au-delà d'être une photographe très talentueuse, me fait beaucoup rire, à sa façon. Elle aborde également dans le podcast des sujets importants, comme le fait d'être mère et photographe, et de jongler avec la crainte du jugement, du manque de travail et de temps. Surtout lors de sa première grossesse. Nous parlons aussi de sa série intitulée Smallland sur des enfants qui grandissent dans le fief d'Ikea en Suède. Un podcast drôle, passionnant et rempli d'humanité. Salut c'est Agnès Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. MPB, la plus grande plateforme de matériel photo et vidéo d'occasion, nous soutient tout au long de cette saison de vision. Si vous avez envie de tester, c'est vraiment l'occasion actuellement puisqu'MPB vous offre 5% de réduction, rien que pour vous, auditrices et auditeurs de vision, avec le code MPBPHOTO5, tout en majuscule, jusqu'au 30 mars 2025. Le code est bien sûr écrit en description de ce podcast avec un lien cliquable. D'ailleurs, si vous allez sur ce lien, c'est aussi une belle façon de nous soutenir, car ces podcasts sont possibles grâce à nos partenaires. Puis il y a aussi une autre façon de nous soutenir, c'est de vous abonner et puis de noter le podcast sur Spotify, Apple Podcasts par exemple, en mettant 5 étoiles, en laissant un commentaire. Voilà, ça permet de mieux nous référencer et de mieux nous faire connaître par un plus large public. Merci et bonne écoute.

  • Speaker #1

    Cette photographie, c'est une photo que j'ai prise au Togo en 2023, à Lomé. C'est un projet que j'ai fait sur dix jours avec un ami qui bosse dans la musique et qui travaille avec une asso, avec des enfants de la rue, et qui montait un groupe de musique. J'ai passé une dizaine de jours avec trois ados. Là, on est en macro, on est à l'intérieur de la bouche de quelqu'un. Je trouvais que c'était assez drôle de choisir ça, parce que ça montre à quel point... J'arrive un peu à m'immiscer dans l'intimité des gens. Je pense qu'elle représente un peu ma photographie, dans le sens où c'est assez cru, assez direct, mais il y a quand même un peu de poésie, que ce soit dans les tons, dans le flou. Là-bas, l'eau n'est pas potable, donc pour s'hydrater, on achète des petits sacs bleus en plastique, dans lesquels il y a des glaçons, et donc là, les gamins, ils s'amusaient. Ils s'amusaient à les mettre dans la bouche et on a fait des photos, tout simplement. Donc j'y suis allée avec mon macro, l'instinct, et j'ai fait cette image. Je pense que je ne l'ai même pas pensée avant de me retrouver à Paris avec mon ordi. Et j'ai trouvé cette photo assez dingue. Elle est un petit peu abstraite, en fait. On ne comprend pas forcément tout de suite quand on la voit. Je l'ai fait tirer en très grand et c'est assez dingue parce que j'ai l'impression d'être à l'intérieur. Je suis Emma Burley, je suis née à Paris. Je suis photographe. J'ai toujours été photographe, dans ma vie professionnelle en tout cas. Je suis née dans Paris, mais j'ai grandi à Montrouge jusqu'à mes 5 ans, après mes parents ont divorcé. Et je suis allée dans le 78 avec ma mère. Donc j'allais un peu sur Paris, mon père habitait après sur Paris. Donc j'étais entre Poissy en HLM et Paris dans le 8ème. Je voyais Serco faire son jogging. Près de l'Elysée, il travaille à la PHP, donc il avait des logements de fonction là-bas. Donc c'était assez drôle, j'avais un petit peu ces deux vies-là. J'étais quand même élevée par ma mère, mais j'avais ces deux vies un petit peu. Le week-end, avec mon père, on allait sur les champs, et donc c'était un petit peu différent. J'ai été élevée par ma mère, j'ai eu une éducation assez féministe. Ma mère, elle est moitié finlandaise. moitié libanaise, mais du coup elle m'a transmis un peu cette culture nordique où la femme a quand même un rôle assez fort dans la famille. En plus elle avait les deux rôles pour le coup. Le père est français avec des origines arméniennes. Et quand j'étais petite, j'habitais dans une usine de yaourt que mon arrière-grand-père arménien avait fait construire. Il a importé le yaourt en France en fait. Il s'est fait voler le brevet par Danone. On n'a jamais été les héritiers du yaourt en France, malheureusement. Je ne serais sûrement pas née d'ailleurs si ça avait été le cas. J'ai grandi dans cette usine à yaourt, qui n'était plus une usine à yaourt à ce moment-là, mais qui était louée pour autre chose. J'ai vécu un an à Londres quand j'avais 12 ans. Ma mère avait été mutée pour un an. J'ai changé complètement de vie à ce moment-là parce que je suis passée d'un... d'un immeuble à Poissy, d'un HLM à Poissy, une vie plutôt de quartier, un penthouse à Londres, une école internationale, un appartement de fonction, tout ça. Donc j'ai découvert un autre monde, on va dire. Je commençais un peu à parler anglais grâce à Britney Spears, mais je pense que le vocabulaire n'était pas ouf. On a vécu là-bas un an, j'ai appris l'anglais complètement, j'ai rien appris d'autre je pense. Mais on n'est pas resté trop longtemps, on n'est pas trop habitués non plus à ce mode de vie. Et on est rentré après à Poissy. où j'ai passé mon bac. Et ensuite, j'ai fait une prépa audiovisuelle sur un an. Je n'ai pas du tout aimé. En fait, tout le monde voulait faire du son. Donc, j'étais la seule à vouloir faire de l'image. Donc, je n'allais pas trop en cours. Et je faisais des photos. Du coup, à côté, je séchais un peu pour faire des photos. Je faisais vraiment des photos pour moi avec mes petits appareils argentiques, l'homographie à l'époque. Je me rappelle que je faisais des traductions en ligne pour le site l'homographie. Pour chaque traduction, j'avais les 5 euros sur le site à dépenser et du coup je me payais des Ausha comme ça, en plus de mon job chez McDo. Et j'ai découvert qu'on pouvait shooter avec des pellicules périmées et tout ça, donc je faisais pas mal de photos un peu expérimentales on va dire. En fait, j'ai fait du coup un bac L parce que je savais que je voulais faire de la photo mais je savais que c'était pas la meilleure option de faire un bac L, il fallait mieux faire un bac S. sauf que ça ne m'intéressait pas. Donc, j'ai quand même suivi mon instinct là-dessus. Et mes parents m'ont conseillé plutôt d'aller vers la vidéo en me disant qu'il y avait peut-être plus de débouchés. Mais je ne connaissais pas trop les écoles, les écoles privées, publiques. Donc, je me suis retrouvée dans ce truc audiovisuel qui ne m'a pas du tout plu. Et je me suis rendue compte que je séchais les cours pour faire des photos. Donc, c'était peut-être vraiment la photo que je voulais faire. Et après, j'ai fait une licence sur trois ans où je me suis un peu plus découverte. du coup. Licence de photographie dans une école privée à Paris qui m'a coûté très cher. J'ai l'impression que j'apprenais beaucoup en dehors. Ça m'a peut-être donné un cadre, mais j'ai quand même eu l'impression d'apprendre en faisant, en organisant mes propres trucs. Je voulais faire de la mode et c'était pas trop l'idée là-bas. C'était plus la photo plasticienne, documentaire. Moi, j'avais vraiment cet attrait pour la mode. Donc, j'organisais des trucs à côté avec des étudiantes et tout ça, en stylisme, avec des agences de mannequins. Et j'ai vraiment... plus eu l'impression d'apprendre toute seule en fait, donc j'étais pas hyper contente de ce parcours-là. J'aurais préféré qu'on me dise d'aller vers d'autres cursus, peut-être les arts déco, des choses comme ça pour apprendre... Enfin, je sais pas. J'étais pas hyper satisfaite en s'entendant de ça, mais... Et surtout, ça m'a pas ouvert beaucoup de portes, j'ai l'impression. Ça m'a appris le minimum de base en studio, mais je sais pas. C'était un peu une pompe à fric, j'ai l'impression, quand même. La double culture, du coup, je l'avais un petit peu parce qu'on voyageait quand même souvent en Finlande. Ma mère, elle est finlandaise, mais en Finlande, on parle suédois aussi. Donc, elle est de la minorité suédophone. On parlait suédois quand j'étais petite. J'entendais souvent parler suédois à la maison. C'est une culture qui m'est chère. Je pense que c'est marrant parce qu'on m'a déjà dit qu'il y avait quelque chose d'assez nordique dans le travail, que ce soit dans la lumière. C'est un photographe qui avait des origines finlandaises aussi qui m'avait dit ça. Ils ne savaient pas que j'étais d'origine finlandaise et ils me l'avaient sorti et ça m'avait fait rire. Après, je pense que j'ai plus une culture du sud que nordique pour le coup, dans ma façon d'être et tout ça. Je suis plutôt assez chaleureuse, assez extravertie, tout ça. Donc, je pense que j'ai plutôt chopé le côté français là-dessus ou méditerranéen, je ne sais pas. Je ne sais pas si ça se ressent. Après, c'est un endroit qui m'attire, c'est une région qui m'attire. J'aime bien m'en inspirer. Et le côté libanais, j'ai appris il y a cinq ans que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Donc je n'ai pas du tout baigné dans cette culture-là. Mais c'est quelque chose qui m'attire beaucoup et attire beaucoup ma mère. Parce qu'on n'a pas connu son père, son vrai père biologique. J'ai offert un test ADN et on s'est rendu compte que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Ce qui explique certaines choses. Mais donc, on a découvert, on a de la famille qu'on a rencontrée et tout ça. Mais voilà, c'est un pays que j'aimerais bien découvrir, mais je n'ai pas du tout grandi dans cette culture libanaise. Mais du coup, c'est un peu deux mondes différents avec la Finlande. Mon père, il est généticien de profession, mais il est passionné de généalogie. Donc, il nous a aidés à retrouver justement mes oncles et tout ça. Et lui, il est complètement à fond là-dedans. Il est remonté, je crois, jusqu'à... jusqu'aux Mérovingiens sur notre branche familiale, sachant qu'il y a l'Arménie. Vu l'histoire, ce n'était pas toujours hyper facile de retrouver des racines là-bas. J'ai un souvenir de quand je devais avoir 7-8 ans. On était partis à la campagne chez des amis de ma mère, qui étaient un peu foufous. Dans ces amis, il y avait ma babysitter de l'époque, qui était devenue une amie de ma mère. Et en fait, c'était un couple d'amis et ils avaient un polaroïd. Je ne connaissais pas encore. Ils avaient un polaroïd et ils avaient fait une photo, ils avaient fait une blague à ma babysitter. Ils avaient ouvert la porte des toilettes, on l'inquiétait aux toilettes, et l'avaient prise en photo. Et j'avais trouvé ça vraiment marrant. Et je pense que c'est le premier souvenir que j'ai avec une image. Déjà, le fait d'avoir l'image qui sort, je trouvais ça trop génial et j'en voulais absolument. J'en voulais tout de suite. Je trouvais ça ouf. Et puis voilà, c'est le premier truc qui me revient. Puis il y avait ce côté un peu joué, je pense, qui du coup plaît encore plus aux gamins. Bon, ça coûtait hyper cher déjà à l'époque, les Polaroïds. Ce n'était pas le truc qu'on laissait aux enfants. Mais je me rappelle après qu'on en a eu un. Et j'ai toujours ces images et c'est trop génial. J'ai vraiment été marquée par l'oeuvre de Wolfgang Tillmans, que ce soit dans ses images, dans ses scénos, et dans son évolution aussi en tant que photographe, parce qu'il faisait vraiment des photos très brutes, très docus. Il photographiait son environnement, il photographiait ses amis, et il est passé sur quelque chose de très plasticien. Et en fait, c'est ça qui me plaît chez lui, c'est qu'il n'a pas un genre attitré, il n'a pas eu peur de sortir alors que ça marchait bien. En plus, il a commencé à faire pas mal de mode à un moment et tout ça. Et il n'a pas eu peur de switcher complètement et d'aller essayer, expérimenter d'autres thèmes de la photo. En fait, j'aimerais m'affranchir un peu de ce truc où il faut toujours faire la même chose, montrer qu'on est bon dans un truc, qu'on est vraiment bon dans un truc. Je pense qu'on peut être bon dans plein de domaines. C'est sûr qu'il faut du temps pour manier quelque chose à fond. Mais je n'ai pas envie de me fermer. Si j'ai envie de faire une nature morte, j'ai envie de faire une nature morte en fait. Si j'ai envie de faire cette image-là, il faut que je la fasse. Après je pense que oui, il faut garder un cadre pour savoir. Et encore franchement, je pense que je me suis longtemps un peu torturée avec ça. De me dire, il faut tout intellectualiser, il faut mettre des limites. Alors qu'en fait, c'est pas du tout comme ça que je fonctionne, même moi personnellement. Donc si j'ai envie d'aller vers quelque chose, j'ai envie d'écouter mon instinct. Je pense que ça marche peut-être pas pour tout le monde. Mais j'ai envie d'aller vers ça. Et c'est vrai que ce soit du coup Wolfgang Tillmans ou même Ryan McKinley, que j'aime beaucoup, qui a des photos très brutes aussi, très naturelles, avec le minimum de lumière artificielle ou même pas du tout. Et derrière, il expérimente aussi vachement les couleurs, le film, le médium. Et je trouve que du coup, ça marche quand même bien ensemble. Je pense que ce qu'on a envie de raconter... Il se ressent en fait dans Ausha, dans notre editing, et il ne faut pas forcément rester bloqué dans une case. Mon approche de la photo, par rapport au médium en tout cas, ça a pas mal évolué. J'ai commencé avec de l'argentique, avec des pellicules périmées. Mes profs d'ailleurs en école me refilaient leur stock de vieilles Ausha, de vieilles ectachromes qui avaient plus de 20 ans. Donc j'ai expérimenté pas mal là-dessus. Et après j'ai quand même... Je suis passée un peu au numérique, je me suis fait voler mon boîtier numérique. J'ai décidé de ne pas en racheter et de faire que du moyen format. Ça, c'était, je pense, 2018-2019. Et donc, j'ai fait une série entre 2017 et 2019, totalement en moyen format, avec un Mamiya 7 II, que je scannais moi-même, parce que ça coûtait cher de faire le scanner en labo. Donc, je pense que ma pratique, elle a aussi évolué en fonction de mes revenus en tant que photographe. Avant, je scannais tout moi-même, j'utilisais des pellicules qu'on me filait. Après, j'ai commencé à faire que de la portrait. à faire scanner en labo. Alors que j'aimais bien, après faire moi-même mes propres scans et tout ça, mais c'était peut-être une question de temps aussi. Donc je pense que ça a évolué pas mal comme ça. Puis avec le travail de commande, surtout pour la presse, j'ai fait plus de numérique en fait, parce qu'il y avait la question déjà du budget et la question du temps. Après j'avais la chance de faire pas mal de reportages pour Aime le Monde où on défrayait les pellicules, donc ça c'était cool. Et c'est une autre approche, après je pense que je me suis sentie un petit peu limitée aussi par l'argentique à un moment. Je pense qu'avec le numérique, j'ai eu l'impression de rater moins d'opportunités. Parce qu'en plus, en travaillant au moyen format, tu dois poser vraiment les choses pour être sûre de ne pas rater ton image. Et je pense qu'il y a un moment où ça cassait un peu avec ma façon de prendre des photos, où il faut que ça aille vite. En plus, je fais beaucoup de photos avec des enfants, donc il faut choper le bon moment. Il y a un moment, j'en avais marre d'avoir des photos floues, je pense. Et puis surtout, c'est onéreux. Et du coup, je suis... Je pense que j'ai mis ça un peu de côté. Après, quand j'en fais, que je reçois mes scans, je me dis « putain, j'en fais pas assez, ça me manque trop, c'est trop bien » . Mais je pense que c'est pas... Je sais pas, peut-être que aussi, c'est devenu un peu trop un effet de mode aussi. J'ai pas trouvé que ça te renforçait de faire de l'argentique plus que du numérique. Après, j'aime bien travailler le film périmé. J'aime bien avoir des surprises, en fait. C'est ça qui me plaisait dans l'argentique. Et là, en retouche, après forcément, tu as une meilleure qualité et tout ça de base. Mais je suis assez... Je pense que ma façon de retoucher, elle est un peu comme ma façon de shooter. C'est assez instinctif, en fait. Je n'ai pas de preset. J'ai des configurations qui reviennent souvent. Mais en fait, j'essaye. J'essaye, j'avance, je bouge mes curseurs. Et puis si ça me plaît, c'est cool et je le garde. Mais je n'ai pas d'idée préconçue de comment je vais retoucher ma photo avant. Si je la passe en noir et blanc, c'est parce que je la trouve bien en noir et blanc. Et basta, quoi. Mais j'aime bien aller un peu plus loin, parfois, et travailler. Et puis, j'ai pas peur de détruire un peu la matière, de casser un peu l'image, quoi. Je faisais pas mal à un moment... Quand j'ai commencé, en fait, j'ai bossé avec un collectif qui s'appelait Splint Factory. Et c'était un magazine, à la base, qui a évolué en soirée gay techno. Et je m'occupais de l'image, en fait. Donc, je filmais toutes les soirées. C'était assez drôle, c'était dans des caves, il y avait des lumières un peu bleues, rouges. Je filmais tout avec un vieux caméscope des années 90. Et en fait, j'ai fait pas mal de captures d'écran de ces vidéos. Je les tirais à fond sur des grands formats et c'était hyper pixelisé, c'était trop beau. Donc j'aime bien détruire un peu, même la pellicule qui s'est imprimée, le papier qui s'est imprimé sur le film, sur le moyen format, c'est canon. Ça donne un aspect... Limite peinture, des images. Le problème avec le numérique, c'est que ça peut être un peu lisse parfois. J'aime bien aller même imprimer une image, la rescanner. Dans mes sujets un peu récurrents, je fais beaucoup de portraits. J'adore l'humain en fait, c'est vraiment ça qui me plaît. Puis à force d'en faire, il y a un peu un mécanisme qui s'installe, tu commences à comprendre, à cibler les différentes personnalités. Moi ma technique c'est de mettre les gens à l'aise et du coup de mettre les pieds dans le plat, direct. Même quand l'ambiance est un petit peu... Elle n'est pas là, quoi. J'y vais et puis je me dis, si moi j'ai l'air ridicule, limite, eux vont se sentir bien. Donc j'essaie de les mettre à l'aise. Après, j'aime beaucoup shooter les enfants, les enfants et les jeunes, parce qu'ils n'ont pas ce même rapport à l'image que nous. Ils ont moins peur d'avoir l'air ridicule. Donc il y a une véracité, il y a un truc qui sort forcément. Ils s'en foutent que tu fasses une bonne image, tu vois. Donc, c'est à toi de venir prendre ton truc. Et ça, c'est cool parce que c'est quelque chose que tu peux retrouver à la fois sur du commercial, tu shoots des enfants sur une campagne. Alors certes, c'est des enfants qui sont en agence, mais ça reste des gamins. Donc, ils vont être les mêmes que sur ton projet perso. Et du coup, tu retrouves toujours cette authenticité. Je suis maman depuis 4 ans, et je trouve que c'est un luxe de pouvoir être parent et à son compte, indépendant. Je peux arranger mon planning avec ma fille autant que je peux, autant que je veux. Après, il y a des moments de rush, forcément, où c'est un peu plus compliqué, mais j'ai la chance d'avoir un mec qui est aussi à son compte, donc on s'arrange. Ma fille, elle a vite compris ce que je faisais, puisque je la fais participer quand je monte une expo. Là mon expo, l'homme est vieux, on a fait des cadres en famille, on était à l'atelier de mon mari, on a tout fait ensemble, c'était trop chouette. Et je pense que ça... C'est génial de pouvoir assister à ça, de voir comment tes parents travaillent, de voir qu'ils aiment ce que tu fais. Quand je suis tombée enceinte, c'était en 2020, c'était le jour du déconfinement que je suis tombée enceinte. Et c'était assez incertain pour moi de l'avenir, parce que je commençais enfin à gagner ma vie en tant que photographe. Puis il y a eu le Covid, donc je ne savais pas du tout comment ça allait reprendre. Et donc ouais, je pense que je devais gagner un demi-smic par mois. Donc c'était un peu chaud, j'étais entre deux apparts. Et j'avais commencé à bosser pour la presse, mais pas de façon régulière encore. Donc, je n'étais pas très installée dans la photo. Et donc, je me suis dit que si mes clients savaient que j'étais enceinte, ça serait fini pour moi. Je me suis dit, je ne vais pas le dire. Je ne vais pas le dire. Et je pense que j'ai eu raison parce qu'on m'a quand même sorti sur un shoot campagne. Si j'avais su que tu étais enceinte, je pense que oui, je n'aurais pas pris le risque. Voilà, honnêtement. Donc j'étais contente. Après, ce n'était pas le cas de tout le monde du tout. Il y en a qui le prenaient très bien et qui savent que ça ne m'empêchait pas de faire des images. Et au final, j'ai beaucoup bossé cette année-là parce que c'était la reprise après le Covid. Donc j'ai beaucoup travaillé. Après, je ne sais pas si c'est les efforts que j'avais mis en place avant qui commençaient à payer ou si c'était une déterre que je me suis mise parce que je me suis dit que si ça ne marchait pas... Ah ben... Je ne pouvais pas être mère et en galère. Donc si la photo ne marchait pas, je ferais autre chose. C'était un petit peu le one shot. Il faut que ça marche. Ça faisait quelques mois déjà que je commençais à avoir du travail régulier et tout ça. Mais je pense que j'ai enchaîné les projets, les projets perso, les images. J'ai posté beaucoup, je pense. Je pense que c'est un outil qu'on a. Mais ouais, j'ai fait ma première couve pour Libé, j'étais enceinte. J'ai fait ma première couve pour de la mode, c'était le magazine Paulette à l'époque. J'étais enceinte, j'étais enceinte de cinq mois. Il venait, je crois, de dire que c'était le deuxième confinement. Donc on s'est retrouvés. Dans un hôtel, mais il n'y avait rien à manger. C'était la galère, je me rappelle. On a shooté pendant cinq jours sur des plages bretonnes en octobre, novembre. Tout en argentique d'ailleurs à l'époque. J'avais mon gros moyen format et mon gros bide. Et c'était trop chouette. Après c'était différent avec Paulette parce que c'était un environnement très féminin et très bienveillant. Donc ça pour le coup, elle, elle l'entend. très bien pris le fait que je sois enceinte, c'était même génial, je trouvais ça même génial. Mais ouais, je pense que du coup, il y avait un truc, il y avait une aura, je sais pas. Quelques jours après avoir accouché, j'ai reçu plusieurs appels de la presse pour des portraits, sauf qu'aucune rédac savait que j'étais en congé mat, donc j'ai trouvé des excuses, j'ai dit que j'étais pas dispo, ou que j'étais qu'à contact à l'époque. Sauf qu'au bout de trois appels de l'IB, je me suis dit, je pense que c'était pas du tout vrai en plus, mais je me suis dit si je... si je suis encore pas dispo, comme je fais partie des photographes qui bossent pour eux depuis pas longtemps, ils me rappelleront plus. Donc j'ai dit oui. Sauf que j'avais accouché deux semaines avant à peine, et à l'époque j'allaitais, donc je pouvais pas me séparer de ma fille très longtemps. Je pense que je pouvais pas me séparer d'elle pendant plus d'une heure. Donc je me rappelle mon mec qui m'accompagne au portrait, qui m'attend avec le bébé tout petit dans la voiture, moi qui monte vite. C'était un sujet sur des cours de yoga dans Paris pour des jeunes qui étaient un peu isolés. Et je me rappelle monter les escaliers et la tête qui tourne. Je crois que je n'étais pas sortie de chez moi encore. Je me dis mais qu'est-ce que je suis en train de foutre vraiment ? C'est n'importe quoi. Et en fait, ça m'a fait grave du bien parce que je suis photographe. Je suis pas que mère. Et en fait, j'avais besoin aussi de faire un truc pour moi. Et donc, ça m'a fait du bien. Donc là, je suis enceinte de mon deuxième enfant. très enceinte d'ailleurs, là tout de suite et j'ai caché à personne ma grossesse j'ai même posté des photos de moi avec mon ventre et tout ça donc c'est pas quelque chose qui m'a fait peur cette fois-ci peut-être parce que j'ai plus confiance en moi aussi en tant que photographe et aussi je pense qu'on parle un peu plus de maternité qu'il y a 4 ans alors est-ce que c'est parce que les gens de mon âge commencent à faire des gosses ou il y a limite un truc un peu cool d'être une maman maintenant ou... avec les réseaux sociaux tout ça, je sais pas. Mais ça m'a pas du tout empêchée de travailler, au contraire. On m'a proposé du travail jusqu'à la fin. J'ai refusé une campagne parce que ça arrivait dix jours avant mon terme et ce n'était pas sérieux. Mais sinon, je sais qu'il y a des rédacs qui m'ont carrément dit « Tu nous dis quand tu es ready pour revenir et kiffe bien. Prends ton temps et t'inquiète. En gros, ta place est gardée. Il n'y a pas de souci. » Et c'est vrai que peut-être on nous rassure pas assez là-dessus. On a l'impression que vraiment... Devenir mère, c'est la fin de la créativité, c'est la fin des opportunités, alors que je pense que c'est comment toi tu gères le truc en fait. Je suis obligée de me lever tous les matins, donc j'ai le temps de travailler. Il y a forcément des choses que je fais moins qu'avant, je sors moins, je fais moins à des événements, mais ça c'est temporaire aussi. Les enfants, ça grandit, donc je pense que c'est pas non plus un frein. Pour le coup, ton enfant, tu peux aussi le prendre avec toi. C'est aux autres de s'adapter, c'est pas à toi. J'ai pas eu envie de faire un choix entre être mère et être artiste. J'ai pas envie de me priver de quelque chose dont j'ai envie, en fait. Peut-être que oui, ça va moins vite après, peut-être pas. Parce qu'au final, tu vas à l'essentiel, en fait. Déjà, t'es obligée de gagner ta vie. Peut-être, ouais, tu fais peut-être moins de travail perso. Moi, j'en ai moins fait parce qu'il y avait cette urgence aussi de pouvoir gagner ma vie. Mais quand ma fille a eu un an, je suis partie au Togo. J'ai eu cette opportunité-là de partir pour moi, en fait, et j'en avais besoin. Et voilà, j'ai dit à mon mec, je pars dix jours, j'ai besoin de bouger, j'ai besoin de voir autre chose, j'ai besoin de faire des images. Et comme ça s'est présenté, j'y suis allée, ça m'a fait grave du bien. Mais c'est vrai que... Après, tout travail commercial, quand tu commences à faire pas mal de commercial, ça te prend beaucoup de temps et ça appelle d'autres taffes commerciaux. Et du coup, il faut trouver cet équilibre-là. C'est clair, entre la vie de famille, le travail de photographe, le travail de photographe, mais ton travail perso, ce que tu as envie de faire pour toi, il faut trouver le temps. C'est plutôt le temps. Tu as forcément un peu moins de temps et en même temps, tu fais moins la fête.

  • Speaker #0

    En 2016, ma mère est partie vivre en Suède avec ma petite sœur, qui avait 4 ans à l'époque. On a 17 ans d'écart. Ça faisait 15 ans que ma mère bossait pour Ikea. Et elle est déménagée dans le fief d'Ikea en Suède, la ville Ikea, qui s'appelle Helmhult, qui est une petite ville du sud de la Suède, un peu perdue dans la campagne, à deux heures de train de Copenhague. C'est accessible via Copenhague. Et j'ai trouvé assez dingue cette ville parce que c'est vraiment un truc paumé où il n'y a pas grand chose, mais il y a plus de 100 nationalités différentes qui cohabitent parce que Ikea. Et donc ma mère a déménagé là-bas avec ma sœur, donc je suis très proche et donc j'y suis allée souvent. J'ai commencé à y aller souvent, je me suis dit il y a quand même un truc à faire là-dessus parce que c'est assez dingue tous ces enfants dans ce bled paumé quoi. Et je voulais aussi peut-être avoir un lien, un truc qui me... J'allais y aller dans tous les cas, donc je me suis dit, ça va peut-être permettre de... Comme j'ai vécu le truc par le prisme de ma petite sœur, ça me permettait de garder une trace, de suivre son évolution. Et donc de 2017 à 2019, j'ai photographié les enfants de Helmholtz. C'est une série qui s'appelle Small Land, en deux mots, mais cette ville est dans la région du Small Land, qui est une région assez... pauvre de la Suède, où les terres sont un peu rocailleuses, il y a très peu de choses qui poussent et tout ça. Et donc, Ikea est né là-bas. Ce qui est assez dingue, c'est que l'entreprise a gardé ses sièges là-bas, alors que c'est vraiment paumé. Ils auraient pu aller à Malmö, à Stockholm. Et donc, ils imposent un peu aux gens de bouger là-bas. Comme je suis très proche de ma mère et de ma sœur, j'y allais, et j'y allais même parfois pour la garder quand ma mère avait des déplacements. Donc, j'y restais assez longtemps. J'y suis allée, je pense, l'équivalent de deux mois sur ces trois ans, même un peu plus peut-être. Comme ma sœur était à l'école là-bas, elle avait plein de copains, plein de copines. Et je trouvais ça assez fou de voir comment ils vivaient ensemble. Parce que juste avant, on était en France et il y avait toujours ce truc d'où tu viens, c'est quoi tes origines. Ma sœur, elle est métisse. On nous demandait tout le temps d'où elle venait. Alors que là-bas, il n'y avait pas de copains. Pas du tout ce truc-là et j'ai trouvé ça assez fou en fait. Ouais, c'est des enfants en fait et ils jouent ensemble et ça suffit quoi. Le reste on s'en fout, on vient tous. Ils venaient tous d'un truc, c'était d'Ikea. Enfin ils venaient tous de parents Ikea. Et c'est ça qui les rassemblait. C'était limite les suédois les différents parce que il y avait les locaux du coup et les expats, enfin les enfants d'expats. Et ça m'a tout de suite touchée un peu en fait de voir ça. Et j'avais envie de raconter cette histoire-là, même si Ikea, c'est une entreprise qui est complexe, qui a une histoire complexe, avec une Varkamprad, le fondateur, qui est personne avec un passé complexe. Dans cette série, ce n'est pas quelque chose qui est très présent. On est vraiment sur les enfants, en fait. Après, ça aurait pu être la ville Lego, ça aurait pu être une autre ville-entreprise. Mais c'est plutôt comment on grandit là-dedans. Moi-même, j'étais un peu un enfant Ikea au final. Quand j'ai déménagé à Londres, c'était pour Ikea. Donc je connaissais, puis comme elle me parle beaucoup, je connaissais tous les termes, les termes professionnels même, les produits, les produits chez moi, mon environnement qui changeait en fonction des saisons. Mais c'est ça aussi que j'ai trouvé chouette, c'est que par rapport à une autre entreprise, Ikea c'est quelque chose qui s'immisce chez toi. Quand j'allais chez ces enfants, que ce soit des Pakistanais ou des Belges, ils avaient des trucs Ikea et des trucs de chez eux. Donc ça donne des images avec un tableau de New York et une espèce de siège en bois sculpté. Pour citer une image de la série, une qui m'est chère, celle d'un petit garçon. On dirait qu'il est en train de danser. Il y a la lumière du coucher de soleil, donc je pense qu'il doit être à 15h30. En fait, il fait du trampoline. Et j'aime beaucoup cette image parce que c'est un petit garçon qui était assez vif. Il me faisait penser à Jim Carrey, d'ailleurs. Il était un peu foufou. C'était un petit Belge. Et dans cette image, il y a un truc hyper doux. On dirait qu'il est en train de... Ouais, de... Je sais pas, de... De danser, quoi. Alors qu'en fait, il est en train de sauter, de faire le con dans le jardin de ma mère, d'ailleurs. Cette photo est dans le jardin de ma mère. Et pour moi, c'est vraiment la Suède, parce qu'il y a des trampolines dans tous les jardins. On voit qu'il y a une forêt derrière. Il y a une lumière qu'on n'a que là-bas. D'ailleurs, la lumière, c'était un sujet là-bas, parce que c'est vrai que l'hiver... Bah, si tu t'es pas levée pour faire ta photo, la journée est finie. La lumière dorée comme ça, c'est celle de l'été surtout. Parce qu'après, le l'hiver, t'as quand même quelque chose de... Ça dure pas longtemps, mais quand c'est là, c'est beau. Ma mère habitait à côté d'un lac et c'est vrai qu'on était tout le temps dehors. Il y a un truc qu'on n'a pas ici, on n'est pas dehors autant. Alors qu'il fait moins froid quand même. J'ai fini cette série juste avant le Covid et pas exposée récemment. Et en fait, j'ai eu un peu un arrière-goût. J'ai eu du mal à me détacher de ça. Ma mère, après avoir vécu en Suède, elle a été mutée au Mexique pour Ikea. Et elle s'est fait licencier de façon pas très cool. Elle s'est retrouvée dans une situation vraiment, vraiment difficile. Et j'ai eu du mal, j'avais peur en fait de mettre cette société en avant en montrant ce travail. Donc je l'ai un peu mis de côté. Mais ouais, le sujet, c'est pas cette société en particulier. Et on le voit quasiment pas, en fait, dans la série. Sauf si on connaît tel ou tel meuble. Mais ça peut être dans n'importe quelle image, comme c'est déjà partout. Faire le pont entre mon travail perso et mon travail plus de commande, je pense que c'est très compliqué. Parce que quand t'as besoin de gagner de l'argent pour te nourrir, te loger, bah... que tu peux compter que sur toi, je pense qu'être 100% raccord tout le temps et faire aucun compromis, ou même choisir tes clients et de rien accepter qu'ils ne rentreraient pas dans ta ligne directive, je pense que c'est très compliqué. Je pense qu'il faut être très privilégié pour pouvoir faire ça. Ou alors, il faudrait limite avoir un autre job qui n'est pas du tout en lien avec la photo. Mais dans ce cas-là, moi je l'ai fait, j'ai été serveuse pendant des années et je me suis mis le couteau sous la gorge en me disant si je continue à bosser dans un bar, je ne serai pas jamais photographe. Et du coup, j'ai arrêté de bosser dans ce bar et je suis devenue photographe. Ça a pris un peu de temps, je faisais des extras, je suis partie vivre à Lille, en me disant, vaut mieux avoir moins d'argent à Lille qu'à Paris. Et je revenais à Paris faire des extras, c'était un peu n'importe quoi la transition, mais ça a marché comme ça. Quand tu es sur un projet perso, il n'y a que toi qui prends les décisions, même si tu peux demander des conseils et tout ça. Quand tu es en commande, tu as forcément l'avis de quelqu'un d'autre à prendre en compte sur la décision, sur l'image qui va rester. donc c'est pas évident mais après je pense que les gens viennent aussi te chercher pour une raison et parce qu'ils aiment ton style après voilà il y a ce que tu montres ce que tu montres pas l'editing, je pense que ta façon de choisir tes images aussi fait que ça te ressemble ou non mais je pense qu'on se prend beaucoup la tête aussi là dessus ça peut être même une torture parfois, tu choisis pas toujours tes sujets, c'est pas forcément des gueules que t'as envie de montrer et Mais ça fait partie du métier de photographe aussi, je pense. Par rapport au temps en partie, par exemple sur une commande, non, je suis assez relaxe parce qu'en fait, je vais vite de base. Parce que c'est vrai que ça arrive que sur une photo de presse, t'es cinq minutes ou moins. Je pense que la photo... En tout cas, pour moi, la photo, elle est là ou elle n'est pas là. Tu arrives, tu analyses ce que tu as autour de toi. Tu sais si tu vas faire une bonne image ou pas. À moins qu'il se passe un truc de dingue, que la personne te sorte quelque chose d'incroyable. Si le gars, tu arrives, tu es dans une chambre d'hôtel, il y a quatre murs gris et un mec avec une chemise parpassée qui fait la gueule, ça va être challengeant. Après, c'est ça que j'aime bien aussi. Mais je pense que moi, à partir du moment où j'ai l'image, je ne vais pas trop pousser. Si je sais que je l'ai, je l'ai. ça m'arrive de regretter un peu parfois de me dire j'aurais peut-être dû pousser un peu plus je sais pas et en même temps tu te dis si tu pousses trop les gens ils ont plus rien à te donner non plus donc ouais moi c'est pas quelque chose le fait de pas avoir beaucoup de temps ça peut être frustrant parfois mais c'est pas quelque chose qui me... ouais justement ça me dérange pas du tout. Sur des séries plus longues comme Small Land je sais pas combien de fois j'ai dû tirer les photos pour les mettre par terre tout analyser même encore aujourd'hui des fois je me dis pourquoi j'ai pas mis celle-là il y en a qui est... Oui, puis en plus, il y en a où on est attaché. En plus, là, il y avait pas mal d'images de ma petite sœur. On est attaché à un moment aussi, à un contexte, alors qu'en fait, ce n'est pas forcément une image qui est bien. Ou alors, elle ne rentre vraiment pas dans la série esthétiquement. Mais oui, alors que quand je dois rendre assez vite les choses, je rentre chez moi, j'édite et puis j'envoie. J'hésite entre deux portraits. Alors les deux, j'ai fait dans une forêt, donc c'est assez drôle. Le premier, c'était à Philadelphie. C'était pour un magazine qui s'appelait iHeart, qui n'existe plus aujourd'hui. On partait deux mois, enfin je dis on parce que je l'ai fait plusieurs fois, on partait deux mois à l'étranger pour documenter toute une ville, sa scène culturelle, des artistes un peu établis et d'autres émergents, et des restos et des hôtels. Donc il y avait un peu de tout. C'était assez formateur parce qu'on touchait à tout. C'était assez intense et du coup j'ai pu faire... Mes premiers portraits avec ce magazine, et notamment pour iHeart Philadelphia, c'était en 2016. Je m'en rappelle très bien parce qu'on était là-bas pendant que Trump a été élu la première fois. C'était assez spécial comme moment. Et quelques jours après, on part faire le portrait de Kurt Weill. Et c'était n'importe quoi parce que c'était complètement désorganisé. On était en contact direct avec lui. Il nous appelle en disant « c'est bon, vous pouvez venir, venez chez moi » . Et on arrive et il nous dit « je suis en train de déménager » . Donc il était en train de déménager. Et on est partis avec lui dans sa camionnette. C'était vraiment chelou. Et on a commencé à faire l'interview là-bas. Et c'est vraiment le plus l'anecdote que la photo en soi qui me marque. Mais je pensais que j'allais mourir ce jour-là. Parce qu'il n'arrêtait pas de faire des bruits un peu étranges. Et donc je me rappelle, avec la rédaction, on se regardait en mode... Désolée. On s'est retrouvés dans la forêt de sa nouvelle maison. Et on a eu genre trois minutes pour faire les photos parce qu'après il voulait plus. Alors qu'on s'était tapé quand même de la route. Et après on n'avait aucun moyen de rentrer dans le centre de Philly. Donc c'était assez cocasse. C'est une photo de lui dans les bois avec ses longs cheveux en pleine automne. Et la deuxième image c'était pour Obi. J'habitais à Lille à l'époque et j'avais fait la fête avec ma meilleure amie. Et le lendemain j'avais un portrait avec le... le créateur de l'émission Striptease, Jean Libon. J'adorais cette émission. Je pars à Bruxelles, où il m'attend. C'est quand même un papy que je n'avais jamais vu. J'arrive, il vient me chercher à la gare. Je pensais qu'on allait faire une photo dans Bruxelles à côté de la gare, comme un portrait normal. En fait, il me fait monter dans sa vieille bagnole, une petite Clio, un truc. Et on roule, on roule, je ne sais pas où on va. Et je me dis, je vais... Je me dis encore je vais mourir quoi. Je me retrouve avec quand même un mec qui a créé Striptease quoi. Et en fait on se retrouve dans cette forêt, c'était juste hyper cool. On a pris le temps de faire des images et les photos étaient assez chouettes. La place du doute dans ma vie ? Jamais, jamais. Moi, je suis sûre de tout ce que je fais. Non, je dirais plutôt que c'est omniprésent. Mais c'est bien, c'est ça qui fait avancer. Ça peut être un peu déprimant parfois. C'est un métier où on est assez seule, en fait, je pense. Là, je revois un peu plus des copines photographes, et ça me fait vachement du bien de parler de tout ça. Parce qu'en plus, avec les réseaux sociaux, on a tendance à montrer que les trucs cools qu'on fait, qui nous arrivent. On parle très peu de ça en fait, des moments de down, des moments de stress, parce qu'il y a des moments où il y a moins de boulot que d'autres. Il y a des moments où on se dit mais je suis nulle en fait, ou alors il y a plein de gens qui font mieux que moi. Et justement, par rapport à la chanson que tu m'as demandé de choisir, j'en avais trouvé une qui me faisait penser un peu à ça, c'était Lemonade de Coco Rosi. C'est une chanson où les couplets sont très lents, très mélancoliques, un peu glauques en fait. Et les refrains hyper joyeux, avec un tempo beaucoup plus rapide. Et ça m'a fait vachement penser à ça, à ces moments où les couplets, ce seraient les moments de remise en question, où t'es un petit peu au fond du trou, t'es un peu déprimée parfois. Et où t'es justement en train de te poser un million de questions. Est-ce que je vais dans la bonne direction ? Est-ce que c'est cohérent ? Moi, c'est ça, ce truc de la cohérence qui me stresse. Alors que quand j'entends des avis extérieurs, c'est pas du tout ce qui ressort. Et ces moments où les refrains, ce serait les moments où je shoot, où je suis comme une dingue et ça fait trop du bien. Et je rentre chez moi et c'est passé hyper vite et je me rends compte que je suis bonne à ce que je fais et que je sais le faire. Et en fait, ça fait quand même longtemps que je le fais et que je connais mon taf. Et ce qui est génial dans ce métier-là, c'est qu'on apprend tout le temps. J'ai l'impression qu'on monte toujours sur un skills. supérieure à chaque fois qu'on rencontre une difficulté. Et après, il y a le couplet qui revient, et puis le refrain qui revient. Mais je pense qu'on avance aussi comme ça. Il n'y a pas de monotonie, et c'est ça qui est cool aussi dans ce métier-là. La musique, ça a toujours été quelque chose d'important. J'en ai fait, j'ai chanté dans des groupes. Je fais beaucoup de karaoké. C'est très important pour moi, c'est mon exutoire. Et j'ai un rapport à la musique qui est très fort. Si j'avais eu plus de courage, je pense que j'aurais voulu faire ça. Mais bon, pour moi, c'est encore un autre level. Il faut vraiment être très très très bon pour... Et je pense que je n'avais pas ce truc de la technique, je n'étais pas assez méticuleuse, j'ai arrêté la guitare dès qu'il fallait apprendre le solfège. Et du coup, je pense que ce n'était pas assez immédiat pour moi par rapport à la photo. Donc c'est pour ça que j'ai choisi ça. Quand on avait Splint Factory encore et que je faisais des vidéos de soirée, je montais vraiment sur la musique et limite le montage, c'était quelque chose où je rentrais un peu en trance dans le montage et du coup le son était hyper important. Et en fait, ça se rejoint un petit peu parce que là, j'ai mon dernier vrai projet. perso en date, c'était Lomévio. En fait, j'ai un pote qui a un label qui s'appelle Hot Casa Records. Et lui, il produit des artistes togolais, des nouveaux artistes et des anciens artistes qui n'ont jamais eu de droit à la SACEM, des choses comme ça. Il a ressorti des vieilles chansons avec son label. Notamment Orlando Julius. Je ne sais pas si je pense que c'est une chanson que tout le monde connaît, parce que ça doit passer dans les pubs. J'avais eu ma fille peut-être un an avant et mon pote me montrait une vidéo de trois gamins sur la plage qui chantent et je trouve ça trop beau. Et en fait, il m'explique qu'un de ces groupes, Vodou Game, qui est un groupe franco-togolais, ils sont partis pendant le Covid faire un projet avec une association de gamins des rues, parce qu'il y en a beaucoup là-bas, il y a beaucoup d'enfants dans la rue. C'est un vrai problème de société au Togo. Et il m'explique qu'en fait, ils ont fait un gros stage, ils ont envoyé plein d'instruments là-bas, et pendant deux mois, ils ont donné des cours de musique dans cet assaut. Et à la fin, il y a plein de gamins qui sont partis avec des instruments pour les revendre, ou qui n'ont pas mordu au truc, parce qu'ils avaient d'autres priorités. Mais il y en a trois qui ont vraiment accroché à la musique et qui ont monté un groupe. Donc je trouve que l'histoire est trop belle. Et je lui dis, écoute... Paie-moi le billet d'avion, la prochaine fois que tu y vas, je viens avec toi, je te fais des images, mais sans prétention aucune. Vraiment aussi une excuse pour partir et faire des photos. J'en avais besoin, j'avais pas été en Afrique de l'Ouest depuis 20 ans. La dernière fois, c'était au Sénégal, chez ma meilleure amie de l'époque. Et je me suis dit, let's go quoi. Et donc on est partis pendant l'enregistrement de l'album. Donc c'était assez fou parce que c'était dans un studio assez dingue. Parce que c'est un studio qui a été... offerts au Togo par les Américains par la marque Scotch. Donc le Scotch. Ils en ont offert 4 dans le monde. Je crois qu'il y en a un en Europe, il y en a un au Japon, il y en a un au Togo. Enfin, je ne sais plus où est l'autre. Mais c'est des studios des années 70 qui n'ont pas bougé, qui sont dans leur jus. Ouais, c'est Autody, je crois qu'il s'appelle le studio. Que du numérique pour le coup. Tu vois, j'avais pris mes argentiques et tout, mais je pense qu'en fait, j'étais tellement dans... J'avais pas le temps, je pouvais pas, c'était compliqué. Il faisait chaud, j'avais les mains qui... qui collaient avec l'anti-moustique, avec la terre, avec la sueur. Je n'avais pas envie de rater les images. Et donc, je crois que j'ai mis de côté complètement mes argentiques. Là, j'ai shooté quasiment, enfin, beaucoup en macro. En fait, j'ai shooté avec ma caméra. Donc, c'était ma Sony FX3. Et du coup, j'ai deux objectifs. J'ai un 35 et 85 macro, du coup. Et donc, j'ai alterné ces deux optiques et j'ai créé cette série. En fait... J'y allais surtout pour filmer, mais j'ai quand même fait quelques images. Et le temps que le film se monte, c'est enfin en finition en ce moment. J'espère que je vais le livrer avant d'accoucher. Donc c'est mes dernières heures de montage dessus. Sauf qu'entre temps, je me suis dit, putain c'est con, on a des images. Ta mère, elle a une galerie, je dis ça à mon pote avec qui je suis partie. Elle a une galerie dans le Marais, faisons une vente de photos en fait. Je voulais pas gagner d'argent sur ce projet-là parce que j'ai pas envie d'utiliser l'image des enfants de rue pour capitaliser dessus. Mais on s'est dit, on se fait une petite expo, on vend les photos à 100 euros pièce et ça a bien marché. C'était trop cool en fait de faire ça parce que ça m'a permis déjà, moi... d'un point de vue complètement égoïste de montrer mon travail, de montrer cette série, d'avoir une actu aussi. Mais surtout, de récupérer plus de 2000 euros pour eux. Ça leur a payé leur formation, un toit aussi, parce qu'ils n'avaient pas de toit sur leur chambre. Et des matelas, donc c'était cool. Il y a cette image de Pascal, c'est le chanteur du groupe. En fait, déjà, les couleurs là-bas, les lumières, elles étaient assez folles au studio parce que... On avait un mur en tôle jaune où la lumière se réfléchissait dedans. Ça faisait un éclat sur les visages qui était assez dingue. Donc les images se faisaient un peu seules. Et il y a cette image où il a le visage coupé en deux par le flash, la synchro du flash qui est mal partie, qui a été mal réglée par moi-même. Et ouais, je trouve qu'elle est assez dingue. On a l'impression qu'il est en train de chanter dessus. Là, le prochain projet sur lequel je travaille, là je suis dans le stade de recherche encore, ça va se passer en Finlande. Il y aura toujours... En fait, j'ai envie de lier un peu ma pratique du documentaire et ma pratique plus plasticienne, où je vais aller un peu chercher de la texture et déformer l'image. Donc ça ne sera pas vraiment du documentaire, mais ça va questionner un peu cette question de documentaire. Mais on sera sur quelque chose de plus plasticien et un peu assez actuel sur les questions de... d'information. Je sens que le documentaire, j'ai pas envie de faire du documentaire pur et dur, j'ai envie de pouvoir raconter quelque chose mais en expérimentant vraiment l'image. Donc j'ai pas envie de me bloquer sur quelque chose de trop factuel. Et je pense que j'ai trouvé un peu le projet pour faire le lien entre ces deux esthétiques que j'ai aussi de photos assez brutes et en même temps... avec une retouche qui peut hyper pousser parfois, avec une lumière un peu trafiquée. Je suis assez positive sur l'avenir, je pense que de toute façon, il faut s'adapter. Il va y avoir des changements avec la photo, c'est sûr, mais en même temps, quand on est passé au numérique, tout le monde se disait ça, quand on est passé avec l'iPhone, tout le monde se disait ça. Je pense qu'il y a une suite logique aussi avec tous les progrès dans la photo. Et puis si on doit s'adapter et être des photographes comme on est aujourd'hui, on s'adaptera. Je pense que de toute façon, on est beaucoup, on arrive quand même à un stade où il n'y a plus vraiment de photographe star comme à l'époque. Je n'ai plus cette prétention de me dire je vais être la meilleure, je veux faire des photos qui me font kiffer, si je peux en vivre c'est trop bien. J'ai envie de raconter des choses. J'espère qu'on aura le droit de faire des expos en France dans quelques années. mais sinon à part ça ouais je suis assez positive Merci d'avoir écouté ce podcast vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcast vision si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis ça nous aide aussi beaucoup à très vite pour parler de photographie.

Description

Avant l’enregistrement, Emma me prévient : elle est enceinte de huit mois et souvent sujette à une forme d’essoufflement (selon la position du petit être dans son ventre), à des fous rires et à certaines envies pressantes. La situation est plutôt inédite, mais nous décidons tout de même de réaliser ce podcast.


Au-delà d’être une photographe très talentueuse, Emma me fait beaucoup rire à sa façon. Dans cet épisode, elle aborde aussi des sujets essentiels, comme le fait d’être mère et photographe, et la difficulté de jongler avec la crainte du jugement, le manque de travail et de temps, surtout lors de sa première grossesse.


Nous parlons également de Small Land, sa série sur des enfants qui grandissent dans le fief d’Ikea en Suède.

Un podcast drôle, passionnant et profondément humain.


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Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Transcription

  • Speaker #0

    Une production, un noyau studio. Avant l'enregistrement, Emma me prévient. Elle est enceinte de 8 mois et souvent sujette à une forme d'essoufflement, dépendant de la position du petit être dans son ventre, à des fous rires et à certaines envies pressantes. Bon, la configuration est assez inédite, mais on décide tout de même de réaliser ce podcast. Emma, au-delà d'être une photographe très talentueuse, me fait beaucoup rire, à sa façon. Elle aborde également dans le podcast des sujets importants, comme le fait d'être mère et photographe, et de jongler avec la crainte du jugement, du manque de travail et de temps. Surtout lors de sa première grossesse. Nous parlons aussi de sa série intitulée Smallland sur des enfants qui grandissent dans le fief d'Ikea en Suède. Un podcast drôle, passionnant et rempli d'humanité. Salut c'est Agnès Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. MPB, la plus grande plateforme de matériel photo et vidéo d'occasion, nous soutient tout au long de cette saison de vision. Si vous avez envie de tester, c'est vraiment l'occasion actuellement puisqu'MPB vous offre 5% de réduction, rien que pour vous, auditrices et auditeurs de vision, avec le code MPBPHOTO5, tout en majuscule, jusqu'au 30 mars 2025. Le code est bien sûr écrit en description de ce podcast avec un lien cliquable. D'ailleurs, si vous allez sur ce lien, c'est aussi une belle façon de nous soutenir, car ces podcasts sont possibles grâce à nos partenaires. Puis il y a aussi une autre façon de nous soutenir, c'est de vous abonner et puis de noter le podcast sur Spotify, Apple Podcasts par exemple, en mettant 5 étoiles, en laissant un commentaire. Voilà, ça permet de mieux nous référencer et de mieux nous faire connaître par un plus large public. Merci et bonne écoute.

  • Speaker #1

    Cette photographie, c'est une photo que j'ai prise au Togo en 2023, à Lomé. C'est un projet que j'ai fait sur dix jours avec un ami qui bosse dans la musique et qui travaille avec une asso, avec des enfants de la rue, et qui montait un groupe de musique. J'ai passé une dizaine de jours avec trois ados. Là, on est en macro, on est à l'intérieur de la bouche de quelqu'un. Je trouvais que c'était assez drôle de choisir ça, parce que ça montre à quel point... J'arrive un peu à m'immiscer dans l'intimité des gens. Je pense qu'elle représente un peu ma photographie, dans le sens où c'est assez cru, assez direct, mais il y a quand même un peu de poésie, que ce soit dans les tons, dans le flou. Là-bas, l'eau n'est pas potable, donc pour s'hydrater, on achète des petits sacs bleus en plastique, dans lesquels il y a des glaçons, et donc là, les gamins, ils s'amusaient. Ils s'amusaient à les mettre dans la bouche et on a fait des photos, tout simplement. Donc j'y suis allée avec mon macro, l'instinct, et j'ai fait cette image. Je pense que je ne l'ai même pas pensée avant de me retrouver à Paris avec mon ordi. Et j'ai trouvé cette photo assez dingue. Elle est un petit peu abstraite, en fait. On ne comprend pas forcément tout de suite quand on la voit. Je l'ai fait tirer en très grand et c'est assez dingue parce que j'ai l'impression d'être à l'intérieur. Je suis Emma Burley, je suis née à Paris. Je suis photographe. J'ai toujours été photographe, dans ma vie professionnelle en tout cas. Je suis née dans Paris, mais j'ai grandi à Montrouge jusqu'à mes 5 ans, après mes parents ont divorcé. Et je suis allée dans le 78 avec ma mère. Donc j'allais un peu sur Paris, mon père habitait après sur Paris. Donc j'étais entre Poissy en HLM et Paris dans le 8ème. Je voyais Serco faire son jogging. Près de l'Elysée, il travaille à la PHP, donc il avait des logements de fonction là-bas. Donc c'était assez drôle, j'avais un petit peu ces deux vies-là. J'étais quand même élevée par ma mère, mais j'avais ces deux vies un petit peu. Le week-end, avec mon père, on allait sur les champs, et donc c'était un petit peu différent. J'ai été élevée par ma mère, j'ai eu une éducation assez féministe. Ma mère, elle est moitié finlandaise. moitié libanaise, mais du coup elle m'a transmis un peu cette culture nordique où la femme a quand même un rôle assez fort dans la famille. En plus elle avait les deux rôles pour le coup. Le père est français avec des origines arméniennes. Et quand j'étais petite, j'habitais dans une usine de yaourt que mon arrière-grand-père arménien avait fait construire. Il a importé le yaourt en France en fait. Il s'est fait voler le brevet par Danone. On n'a jamais été les héritiers du yaourt en France, malheureusement. Je ne serais sûrement pas née d'ailleurs si ça avait été le cas. J'ai grandi dans cette usine à yaourt, qui n'était plus une usine à yaourt à ce moment-là, mais qui était louée pour autre chose. J'ai vécu un an à Londres quand j'avais 12 ans. Ma mère avait été mutée pour un an. J'ai changé complètement de vie à ce moment-là parce que je suis passée d'un... d'un immeuble à Poissy, d'un HLM à Poissy, une vie plutôt de quartier, un penthouse à Londres, une école internationale, un appartement de fonction, tout ça. Donc j'ai découvert un autre monde, on va dire. Je commençais un peu à parler anglais grâce à Britney Spears, mais je pense que le vocabulaire n'était pas ouf. On a vécu là-bas un an, j'ai appris l'anglais complètement, j'ai rien appris d'autre je pense. Mais on n'est pas resté trop longtemps, on n'est pas trop habitués non plus à ce mode de vie. Et on est rentré après à Poissy. où j'ai passé mon bac. Et ensuite, j'ai fait une prépa audiovisuelle sur un an. Je n'ai pas du tout aimé. En fait, tout le monde voulait faire du son. Donc, j'étais la seule à vouloir faire de l'image. Donc, je n'allais pas trop en cours. Et je faisais des photos. Du coup, à côté, je séchais un peu pour faire des photos. Je faisais vraiment des photos pour moi avec mes petits appareils argentiques, l'homographie à l'époque. Je me rappelle que je faisais des traductions en ligne pour le site l'homographie. Pour chaque traduction, j'avais les 5 euros sur le site à dépenser et du coup je me payais des Ausha comme ça, en plus de mon job chez McDo. Et j'ai découvert qu'on pouvait shooter avec des pellicules périmées et tout ça, donc je faisais pas mal de photos un peu expérimentales on va dire. En fait, j'ai fait du coup un bac L parce que je savais que je voulais faire de la photo mais je savais que c'était pas la meilleure option de faire un bac L, il fallait mieux faire un bac S. sauf que ça ne m'intéressait pas. Donc, j'ai quand même suivi mon instinct là-dessus. Et mes parents m'ont conseillé plutôt d'aller vers la vidéo en me disant qu'il y avait peut-être plus de débouchés. Mais je ne connaissais pas trop les écoles, les écoles privées, publiques. Donc, je me suis retrouvée dans ce truc audiovisuel qui ne m'a pas du tout plu. Et je me suis rendue compte que je séchais les cours pour faire des photos. Donc, c'était peut-être vraiment la photo que je voulais faire. Et après, j'ai fait une licence sur trois ans où je me suis un peu plus découverte. du coup. Licence de photographie dans une école privée à Paris qui m'a coûté très cher. J'ai l'impression que j'apprenais beaucoup en dehors. Ça m'a peut-être donné un cadre, mais j'ai quand même eu l'impression d'apprendre en faisant, en organisant mes propres trucs. Je voulais faire de la mode et c'était pas trop l'idée là-bas. C'était plus la photo plasticienne, documentaire. Moi, j'avais vraiment cet attrait pour la mode. Donc, j'organisais des trucs à côté avec des étudiantes et tout ça, en stylisme, avec des agences de mannequins. Et j'ai vraiment... plus eu l'impression d'apprendre toute seule en fait, donc j'étais pas hyper contente de ce parcours-là. J'aurais préféré qu'on me dise d'aller vers d'autres cursus, peut-être les arts déco, des choses comme ça pour apprendre... Enfin, je sais pas. J'étais pas hyper satisfaite en s'entendant de ça, mais... Et surtout, ça m'a pas ouvert beaucoup de portes, j'ai l'impression. Ça m'a appris le minimum de base en studio, mais je sais pas. C'était un peu une pompe à fric, j'ai l'impression, quand même. La double culture, du coup, je l'avais un petit peu parce qu'on voyageait quand même souvent en Finlande. Ma mère, elle est finlandaise, mais en Finlande, on parle suédois aussi. Donc, elle est de la minorité suédophone. On parlait suédois quand j'étais petite. J'entendais souvent parler suédois à la maison. C'est une culture qui m'est chère. Je pense que c'est marrant parce qu'on m'a déjà dit qu'il y avait quelque chose d'assez nordique dans le travail, que ce soit dans la lumière. C'est un photographe qui avait des origines finlandaises aussi qui m'avait dit ça. Ils ne savaient pas que j'étais d'origine finlandaise et ils me l'avaient sorti et ça m'avait fait rire. Après, je pense que j'ai plus une culture du sud que nordique pour le coup, dans ma façon d'être et tout ça. Je suis plutôt assez chaleureuse, assez extravertie, tout ça. Donc, je pense que j'ai plutôt chopé le côté français là-dessus ou méditerranéen, je ne sais pas. Je ne sais pas si ça se ressent. Après, c'est un endroit qui m'attire, c'est une région qui m'attire. J'aime bien m'en inspirer. Et le côté libanais, j'ai appris il y a cinq ans que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Donc je n'ai pas du tout baigné dans cette culture-là. Mais c'est quelque chose qui m'attire beaucoup et attire beaucoup ma mère. Parce qu'on n'a pas connu son père, son vrai père biologique. J'ai offert un test ADN et on s'est rendu compte que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Ce qui explique certaines choses. Mais donc, on a découvert, on a de la famille qu'on a rencontrée et tout ça. Mais voilà, c'est un pays que j'aimerais bien découvrir, mais je n'ai pas du tout grandi dans cette culture libanaise. Mais du coup, c'est un peu deux mondes différents avec la Finlande. Mon père, il est généticien de profession, mais il est passionné de généalogie. Donc, il nous a aidés à retrouver justement mes oncles et tout ça. Et lui, il est complètement à fond là-dedans. Il est remonté, je crois, jusqu'à... jusqu'aux Mérovingiens sur notre branche familiale, sachant qu'il y a l'Arménie. Vu l'histoire, ce n'était pas toujours hyper facile de retrouver des racines là-bas. J'ai un souvenir de quand je devais avoir 7-8 ans. On était partis à la campagne chez des amis de ma mère, qui étaient un peu foufous. Dans ces amis, il y avait ma babysitter de l'époque, qui était devenue une amie de ma mère. Et en fait, c'était un couple d'amis et ils avaient un polaroïd. Je ne connaissais pas encore. Ils avaient un polaroïd et ils avaient fait une photo, ils avaient fait une blague à ma babysitter. Ils avaient ouvert la porte des toilettes, on l'inquiétait aux toilettes, et l'avaient prise en photo. Et j'avais trouvé ça vraiment marrant. Et je pense que c'est le premier souvenir que j'ai avec une image. Déjà, le fait d'avoir l'image qui sort, je trouvais ça trop génial et j'en voulais absolument. J'en voulais tout de suite. Je trouvais ça ouf. Et puis voilà, c'est le premier truc qui me revient. Puis il y avait ce côté un peu joué, je pense, qui du coup plaît encore plus aux gamins. Bon, ça coûtait hyper cher déjà à l'époque, les Polaroïds. Ce n'était pas le truc qu'on laissait aux enfants. Mais je me rappelle après qu'on en a eu un. Et j'ai toujours ces images et c'est trop génial. J'ai vraiment été marquée par l'oeuvre de Wolfgang Tillmans, que ce soit dans ses images, dans ses scénos, et dans son évolution aussi en tant que photographe, parce qu'il faisait vraiment des photos très brutes, très docus. Il photographiait son environnement, il photographiait ses amis, et il est passé sur quelque chose de très plasticien. Et en fait, c'est ça qui me plaît chez lui, c'est qu'il n'a pas un genre attitré, il n'a pas eu peur de sortir alors que ça marchait bien. En plus, il a commencé à faire pas mal de mode à un moment et tout ça. Et il n'a pas eu peur de switcher complètement et d'aller essayer, expérimenter d'autres thèmes de la photo. En fait, j'aimerais m'affranchir un peu de ce truc où il faut toujours faire la même chose, montrer qu'on est bon dans un truc, qu'on est vraiment bon dans un truc. Je pense qu'on peut être bon dans plein de domaines. C'est sûr qu'il faut du temps pour manier quelque chose à fond. Mais je n'ai pas envie de me fermer. Si j'ai envie de faire une nature morte, j'ai envie de faire une nature morte en fait. Si j'ai envie de faire cette image-là, il faut que je la fasse. Après je pense que oui, il faut garder un cadre pour savoir. Et encore franchement, je pense que je me suis longtemps un peu torturée avec ça. De me dire, il faut tout intellectualiser, il faut mettre des limites. Alors qu'en fait, c'est pas du tout comme ça que je fonctionne, même moi personnellement. Donc si j'ai envie d'aller vers quelque chose, j'ai envie d'écouter mon instinct. Je pense que ça marche peut-être pas pour tout le monde. Mais j'ai envie d'aller vers ça. Et c'est vrai que ce soit du coup Wolfgang Tillmans ou même Ryan McKinley, que j'aime beaucoup, qui a des photos très brutes aussi, très naturelles, avec le minimum de lumière artificielle ou même pas du tout. Et derrière, il expérimente aussi vachement les couleurs, le film, le médium. Et je trouve que du coup, ça marche quand même bien ensemble. Je pense que ce qu'on a envie de raconter... Il se ressent en fait dans Ausha, dans notre editing, et il ne faut pas forcément rester bloqué dans une case. Mon approche de la photo, par rapport au médium en tout cas, ça a pas mal évolué. J'ai commencé avec de l'argentique, avec des pellicules périmées. Mes profs d'ailleurs en école me refilaient leur stock de vieilles Ausha, de vieilles ectachromes qui avaient plus de 20 ans. Donc j'ai expérimenté pas mal là-dessus. Et après j'ai quand même... Je suis passée un peu au numérique, je me suis fait voler mon boîtier numérique. J'ai décidé de ne pas en racheter et de faire que du moyen format. Ça, c'était, je pense, 2018-2019. Et donc, j'ai fait une série entre 2017 et 2019, totalement en moyen format, avec un Mamiya 7 II, que je scannais moi-même, parce que ça coûtait cher de faire le scanner en labo. Donc, je pense que ma pratique, elle a aussi évolué en fonction de mes revenus en tant que photographe. Avant, je scannais tout moi-même, j'utilisais des pellicules qu'on me filait. Après, j'ai commencé à faire que de la portrait. à faire scanner en labo. Alors que j'aimais bien, après faire moi-même mes propres scans et tout ça, mais c'était peut-être une question de temps aussi. Donc je pense que ça a évolué pas mal comme ça. Puis avec le travail de commande, surtout pour la presse, j'ai fait plus de numérique en fait, parce qu'il y avait la question déjà du budget et la question du temps. Après j'avais la chance de faire pas mal de reportages pour Aime le Monde où on défrayait les pellicules, donc ça c'était cool. Et c'est une autre approche, après je pense que je me suis sentie un petit peu limitée aussi par l'argentique à un moment. Je pense qu'avec le numérique, j'ai eu l'impression de rater moins d'opportunités. Parce qu'en plus, en travaillant au moyen format, tu dois poser vraiment les choses pour être sûre de ne pas rater ton image. Et je pense qu'il y a un moment où ça cassait un peu avec ma façon de prendre des photos, où il faut que ça aille vite. En plus, je fais beaucoup de photos avec des enfants, donc il faut choper le bon moment. Il y a un moment, j'en avais marre d'avoir des photos floues, je pense. Et puis surtout, c'est onéreux. Et du coup, je suis... Je pense que j'ai mis ça un peu de côté. Après, quand j'en fais, que je reçois mes scans, je me dis « putain, j'en fais pas assez, ça me manque trop, c'est trop bien » . Mais je pense que c'est pas... Je sais pas, peut-être que aussi, c'est devenu un peu trop un effet de mode aussi. J'ai pas trouvé que ça te renforçait de faire de l'argentique plus que du numérique. Après, j'aime bien travailler le film périmé. J'aime bien avoir des surprises, en fait. C'est ça qui me plaisait dans l'argentique. Et là, en retouche, après forcément, tu as une meilleure qualité et tout ça de base. Mais je suis assez... Je pense que ma façon de retoucher, elle est un peu comme ma façon de shooter. C'est assez instinctif, en fait. Je n'ai pas de preset. J'ai des configurations qui reviennent souvent. Mais en fait, j'essaye. J'essaye, j'avance, je bouge mes curseurs. Et puis si ça me plaît, c'est cool et je le garde. Mais je n'ai pas d'idée préconçue de comment je vais retoucher ma photo avant. Si je la passe en noir et blanc, c'est parce que je la trouve bien en noir et blanc. Et basta, quoi. Mais j'aime bien aller un peu plus loin, parfois, et travailler. Et puis, j'ai pas peur de détruire un peu la matière, de casser un peu l'image, quoi. Je faisais pas mal à un moment... Quand j'ai commencé, en fait, j'ai bossé avec un collectif qui s'appelait Splint Factory. Et c'était un magazine, à la base, qui a évolué en soirée gay techno. Et je m'occupais de l'image, en fait. Donc, je filmais toutes les soirées. C'était assez drôle, c'était dans des caves, il y avait des lumières un peu bleues, rouges. Je filmais tout avec un vieux caméscope des années 90. Et en fait, j'ai fait pas mal de captures d'écran de ces vidéos. Je les tirais à fond sur des grands formats et c'était hyper pixelisé, c'était trop beau. Donc j'aime bien détruire un peu, même la pellicule qui s'est imprimée, le papier qui s'est imprimé sur le film, sur le moyen format, c'est canon. Ça donne un aspect... Limite peinture, des images. Le problème avec le numérique, c'est que ça peut être un peu lisse parfois. J'aime bien aller même imprimer une image, la rescanner. Dans mes sujets un peu récurrents, je fais beaucoup de portraits. J'adore l'humain en fait, c'est vraiment ça qui me plaît. Puis à force d'en faire, il y a un peu un mécanisme qui s'installe, tu commences à comprendre, à cibler les différentes personnalités. Moi ma technique c'est de mettre les gens à l'aise et du coup de mettre les pieds dans le plat, direct. Même quand l'ambiance est un petit peu... Elle n'est pas là, quoi. J'y vais et puis je me dis, si moi j'ai l'air ridicule, limite, eux vont se sentir bien. Donc j'essaie de les mettre à l'aise. Après, j'aime beaucoup shooter les enfants, les enfants et les jeunes, parce qu'ils n'ont pas ce même rapport à l'image que nous. Ils ont moins peur d'avoir l'air ridicule. Donc il y a une véracité, il y a un truc qui sort forcément. Ils s'en foutent que tu fasses une bonne image, tu vois. Donc, c'est à toi de venir prendre ton truc. Et ça, c'est cool parce que c'est quelque chose que tu peux retrouver à la fois sur du commercial, tu shoots des enfants sur une campagne. Alors certes, c'est des enfants qui sont en agence, mais ça reste des gamins. Donc, ils vont être les mêmes que sur ton projet perso. Et du coup, tu retrouves toujours cette authenticité. Je suis maman depuis 4 ans, et je trouve que c'est un luxe de pouvoir être parent et à son compte, indépendant. Je peux arranger mon planning avec ma fille autant que je peux, autant que je veux. Après, il y a des moments de rush, forcément, où c'est un peu plus compliqué, mais j'ai la chance d'avoir un mec qui est aussi à son compte, donc on s'arrange. Ma fille, elle a vite compris ce que je faisais, puisque je la fais participer quand je monte une expo. Là mon expo, l'homme est vieux, on a fait des cadres en famille, on était à l'atelier de mon mari, on a tout fait ensemble, c'était trop chouette. Et je pense que ça... C'est génial de pouvoir assister à ça, de voir comment tes parents travaillent, de voir qu'ils aiment ce que tu fais. Quand je suis tombée enceinte, c'était en 2020, c'était le jour du déconfinement que je suis tombée enceinte. Et c'était assez incertain pour moi de l'avenir, parce que je commençais enfin à gagner ma vie en tant que photographe. Puis il y a eu le Covid, donc je ne savais pas du tout comment ça allait reprendre. Et donc ouais, je pense que je devais gagner un demi-smic par mois. Donc c'était un peu chaud, j'étais entre deux apparts. Et j'avais commencé à bosser pour la presse, mais pas de façon régulière encore. Donc, je n'étais pas très installée dans la photo. Et donc, je me suis dit que si mes clients savaient que j'étais enceinte, ça serait fini pour moi. Je me suis dit, je ne vais pas le dire. Je ne vais pas le dire. Et je pense que j'ai eu raison parce qu'on m'a quand même sorti sur un shoot campagne. Si j'avais su que tu étais enceinte, je pense que oui, je n'aurais pas pris le risque. Voilà, honnêtement. Donc j'étais contente. Après, ce n'était pas le cas de tout le monde du tout. Il y en a qui le prenaient très bien et qui savent que ça ne m'empêchait pas de faire des images. Et au final, j'ai beaucoup bossé cette année-là parce que c'était la reprise après le Covid. Donc j'ai beaucoup travaillé. Après, je ne sais pas si c'est les efforts que j'avais mis en place avant qui commençaient à payer ou si c'était une déterre que je me suis mise parce que je me suis dit que si ça ne marchait pas... Ah ben... Je ne pouvais pas être mère et en galère. Donc si la photo ne marchait pas, je ferais autre chose. C'était un petit peu le one shot. Il faut que ça marche. Ça faisait quelques mois déjà que je commençais à avoir du travail régulier et tout ça. Mais je pense que j'ai enchaîné les projets, les projets perso, les images. J'ai posté beaucoup, je pense. Je pense que c'est un outil qu'on a. Mais ouais, j'ai fait ma première couve pour Libé, j'étais enceinte. J'ai fait ma première couve pour de la mode, c'était le magazine Paulette à l'époque. J'étais enceinte, j'étais enceinte de cinq mois. Il venait, je crois, de dire que c'était le deuxième confinement. Donc on s'est retrouvés. Dans un hôtel, mais il n'y avait rien à manger. C'était la galère, je me rappelle. On a shooté pendant cinq jours sur des plages bretonnes en octobre, novembre. Tout en argentique d'ailleurs à l'époque. J'avais mon gros moyen format et mon gros bide. Et c'était trop chouette. Après c'était différent avec Paulette parce que c'était un environnement très féminin et très bienveillant. Donc ça pour le coup, elle, elle l'entend. très bien pris le fait que je sois enceinte, c'était même génial, je trouvais ça même génial. Mais ouais, je pense que du coup, il y avait un truc, il y avait une aura, je sais pas. Quelques jours après avoir accouché, j'ai reçu plusieurs appels de la presse pour des portraits, sauf qu'aucune rédac savait que j'étais en congé mat, donc j'ai trouvé des excuses, j'ai dit que j'étais pas dispo, ou que j'étais qu'à contact à l'époque. Sauf qu'au bout de trois appels de l'IB, je me suis dit, je pense que c'était pas du tout vrai en plus, mais je me suis dit si je... si je suis encore pas dispo, comme je fais partie des photographes qui bossent pour eux depuis pas longtemps, ils me rappelleront plus. Donc j'ai dit oui. Sauf que j'avais accouché deux semaines avant à peine, et à l'époque j'allaitais, donc je pouvais pas me séparer de ma fille très longtemps. Je pense que je pouvais pas me séparer d'elle pendant plus d'une heure. Donc je me rappelle mon mec qui m'accompagne au portrait, qui m'attend avec le bébé tout petit dans la voiture, moi qui monte vite. C'était un sujet sur des cours de yoga dans Paris pour des jeunes qui étaient un peu isolés. Et je me rappelle monter les escaliers et la tête qui tourne. Je crois que je n'étais pas sortie de chez moi encore. Je me dis mais qu'est-ce que je suis en train de foutre vraiment ? C'est n'importe quoi. Et en fait, ça m'a fait grave du bien parce que je suis photographe. Je suis pas que mère. Et en fait, j'avais besoin aussi de faire un truc pour moi. Et donc, ça m'a fait du bien. Donc là, je suis enceinte de mon deuxième enfant. très enceinte d'ailleurs, là tout de suite et j'ai caché à personne ma grossesse j'ai même posté des photos de moi avec mon ventre et tout ça donc c'est pas quelque chose qui m'a fait peur cette fois-ci peut-être parce que j'ai plus confiance en moi aussi en tant que photographe et aussi je pense qu'on parle un peu plus de maternité qu'il y a 4 ans alors est-ce que c'est parce que les gens de mon âge commencent à faire des gosses ou il y a limite un truc un peu cool d'être une maman maintenant ou... avec les réseaux sociaux tout ça, je sais pas. Mais ça m'a pas du tout empêchée de travailler, au contraire. On m'a proposé du travail jusqu'à la fin. J'ai refusé une campagne parce que ça arrivait dix jours avant mon terme et ce n'était pas sérieux. Mais sinon, je sais qu'il y a des rédacs qui m'ont carrément dit « Tu nous dis quand tu es ready pour revenir et kiffe bien. Prends ton temps et t'inquiète. En gros, ta place est gardée. Il n'y a pas de souci. » Et c'est vrai que peut-être on nous rassure pas assez là-dessus. On a l'impression que vraiment... Devenir mère, c'est la fin de la créativité, c'est la fin des opportunités, alors que je pense que c'est comment toi tu gères le truc en fait. Je suis obligée de me lever tous les matins, donc j'ai le temps de travailler. Il y a forcément des choses que je fais moins qu'avant, je sors moins, je fais moins à des événements, mais ça c'est temporaire aussi. Les enfants, ça grandit, donc je pense que c'est pas non plus un frein. Pour le coup, ton enfant, tu peux aussi le prendre avec toi. C'est aux autres de s'adapter, c'est pas à toi. J'ai pas eu envie de faire un choix entre être mère et être artiste. J'ai pas envie de me priver de quelque chose dont j'ai envie, en fait. Peut-être que oui, ça va moins vite après, peut-être pas. Parce qu'au final, tu vas à l'essentiel, en fait. Déjà, t'es obligée de gagner ta vie. Peut-être, ouais, tu fais peut-être moins de travail perso. Moi, j'en ai moins fait parce qu'il y avait cette urgence aussi de pouvoir gagner ma vie. Mais quand ma fille a eu un an, je suis partie au Togo. J'ai eu cette opportunité-là de partir pour moi, en fait, et j'en avais besoin. Et voilà, j'ai dit à mon mec, je pars dix jours, j'ai besoin de bouger, j'ai besoin de voir autre chose, j'ai besoin de faire des images. Et comme ça s'est présenté, j'y suis allée, ça m'a fait grave du bien. Mais c'est vrai que... Après, tout travail commercial, quand tu commences à faire pas mal de commercial, ça te prend beaucoup de temps et ça appelle d'autres taffes commerciaux. Et du coup, il faut trouver cet équilibre-là. C'est clair, entre la vie de famille, le travail de photographe, le travail de photographe, mais ton travail perso, ce que tu as envie de faire pour toi, il faut trouver le temps. C'est plutôt le temps. Tu as forcément un peu moins de temps et en même temps, tu fais moins la fête.

  • Speaker #0

    En 2016, ma mère est partie vivre en Suède avec ma petite sœur, qui avait 4 ans à l'époque. On a 17 ans d'écart. Ça faisait 15 ans que ma mère bossait pour Ikea. Et elle est déménagée dans le fief d'Ikea en Suède, la ville Ikea, qui s'appelle Helmhult, qui est une petite ville du sud de la Suède, un peu perdue dans la campagne, à deux heures de train de Copenhague. C'est accessible via Copenhague. Et j'ai trouvé assez dingue cette ville parce que c'est vraiment un truc paumé où il n'y a pas grand chose, mais il y a plus de 100 nationalités différentes qui cohabitent parce que Ikea. Et donc ma mère a déménagé là-bas avec ma sœur, donc je suis très proche et donc j'y suis allée souvent. J'ai commencé à y aller souvent, je me suis dit il y a quand même un truc à faire là-dessus parce que c'est assez dingue tous ces enfants dans ce bled paumé quoi. Et je voulais aussi peut-être avoir un lien, un truc qui me... J'allais y aller dans tous les cas, donc je me suis dit, ça va peut-être permettre de... Comme j'ai vécu le truc par le prisme de ma petite sœur, ça me permettait de garder une trace, de suivre son évolution. Et donc de 2017 à 2019, j'ai photographié les enfants de Helmholtz. C'est une série qui s'appelle Small Land, en deux mots, mais cette ville est dans la région du Small Land, qui est une région assez... pauvre de la Suède, où les terres sont un peu rocailleuses, il y a très peu de choses qui poussent et tout ça. Et donc, Ikea est né là-bas. Ce qui est assez dingue, c'est que l'entreprise a gardé ses sièges là-bas, alors que c'est vraiment paumé. Ils auraient pu aller à Malmö, à Stockholm. Et donc, ils imposent un peu aux gens de bouger là-bas. Comme je suis très proche de ma mère et de ma sœur, j'y allais, et j'y allais même parfois pour la garder quand ma mère avait des déplacements. Donc, j'y restais assez longtemps. J'y suis allée, je pense, l'équivalent de deux mois sur ces trois ans, même un peu plus peut-être. Comme ma sœur était à l'école là-bas, elle avait plein de copains, plein de copines. Et je trouvais ça assez fou de voir comment ils vivaient ensemble. Parce que juste avant, on était en France et il y avait toujours ce truc d'où tu viens, c'est quoi tes origines. Ma sœur, elle est métisse. On nous demandait tout le temps d'où elle venait. Alors que là-bas, il n'y avait pas de copains. Pas du tout ce truc-là et j'ai trouvé ça assez fou en fait. Ouais, c'est des enfants en fait et ils jouent ensemble et ça suffit quoi. Le reste on s'en fout, on vient tous. Ils venaient tous d'un truc, c'était d'Ikea. Enfin ils venaient tous de parents Ikea. Et c'est ça qui les rassemblait. C'était limite les suédois les différents parce que il y avait les locaux du coup et les expats, enfin les enfants d'expats. Et ça m'a tout de suite touchée un peu en fait de voir ça. Et j'avais envie de raconter cette histoire-là, même si Ikea, c'est une entreprise qui est complexe, qui a une histoire complexe, avec une Varkamprad, le fondateur, qui est personne avec un passé complexe. Dans cette série, ce n'est pas quelque chose qui est très présent. On est vraiment sur les enfants, en fait. Après, ça aurait pu être la ville Lego, ça aurait pu être une autre ville-entreprise. Mais c'est plutôt comment on grandit là-dedans. Moi-même, j'étais un peu un enfant Ikea au final. Quand j'ai déménagé à Londres, c'était pour Ikea. Donc je connaissais, puis comme elle me parle beaucoup, je connaissais tous les termes, les termes professionnels même, les produits, les produits chez moi, mon environnement qui changeait en fonction des saisons. Mais c'est ça aussi que j'ai trouvé chouette, c'est que par rapport à une autre entreprise, Ikea c'est quelque chose qui s'immisce chez toi. Quand j'allais chez ces enfants, que ce soit des Pakistanais ou des Belges, ils avaient des trucs Ikea et des trucs de chez eux. Donc ça donne des images avec un tableau de New York et une espèce de siège en bois sculpté. Pour citer une image de la série, une qui m'est chère, celle d'un petit garçon. On dirait qu'il est en train de danser. Il y a la lumière du coucher de soleil, donc je pense qu'il doit être à 15h30. En fait, il fait du trampoline. Et j'aime beaucoup cette image parce que c'est un petit garçon qui était assez vif. Il me faisait penser à Jim Carrey, d'ailleurs. Il était un peu foufou. C'était un petit Belge. Et dans cette image, il y a un truc hyper doux. On dirait qu'il est en train de... Ouais, de... Je sais pas, de... De danser, quoi. Alors qu'en fait, il est en train de sauter, de faire le con dans le jardin de ma mère, d'ailleurs. Cette photo est dans le jardin de ma mère. Et pour moi, c'est vraiment la Suède, parce qu'il y a des trampolines dans tous les jardins. On voit qu'il y a une forêt derrière. Il y a une lumière qu'on n'a que là-bas. D'ailleurs, la lumière, c'était un sujet là-bas, parce que c'est vrai que l'hiver... Bah, si tu t'es pas levée pour faire ta photo, la journée est finie. La lumière dorée comme ça, c'est celle de l'été surtout. Parce qu'après, le l'hiver, t'as quand même quelque chose de... Ça dure pas longtemps, mais quand c'est là, c'est beau. Ma mère habitait à côté d'un lac et c'est vrai qu'on était tout le temps dehors. Il y a un truc qu'on n'a pas ici, on n'est pas dehors autant. Alors qu'il fait moins froid quand même. J'ai fini cette série juste avant le Covid et pas exposée récemment. Et en fait, j'ai eu un peu un arrière-goût. J'ai eu du mal à me détacher de ça. Ma mère, après avoir vécu en Suède, elle a été mutée au Mexique pour Ikea. Et elle s'est fait licencier de façon pas très cool. Elle s'est retrouvée dans une situation vraiment, vraiment difficile. Et j'ai eu du mal, j'avais peur en fait de mettre cette société en avant en montrant ce travail. Donc je l'ai un peu mis de côté. Mais ouais, le sujet, c'est pas cette société en particulier. Et on le voit quasiment pas, en fait, dans la série. Sauf si on connaît tel ou tel meuble. Mais ça peut être dans n'importe quelle image, comme c'est déjà partout. Faire le pont entre mon travail perso et mon travail plus de commande, je pense que c'est très compliqué. Parce que quand t'as besoin de gagner de l'argent pour te nourrir, te loger, bah... que tu peux compter que sur toi, je pense qu'être 100% raccord tout le temps et faire aucun compromis, ou même choisir tes clients et de rien accepter qu'ils ne rentreraient pas dans ta ligne directive, je pense que c'est très compliqué. Je pense qu'il faut être très privilégié pour pouvoir faire ça. Ou alors, il faudrait limite avoir un autre job qui n'est pas du tout en lien avec la photo. Mais dans ce cas-là, moi je l'ai fait, j'ai été serveuse pendant des années et je me suis mis le couteau sous la gorge en me disant si je continue à bosser dans un bar, je ne serai pas jamais photographe. Et du coup, j'ai arrêté de bosser dans ce bar et je suis devenue photographe. Ça a pris un peu de temps, je faisais des extras, je suis partie vivre à Lille, en me disant, vaut mieux avoir moins d'argent à Lille qu'à Paris. Et je revenais à Paris faire des extras, c'était un peu n'importe quoi la transition, mais ça a marché comme ça. Quand tu es sur un projet perso, il n'y a que toi qui prends les décisions, même si tu peux demander des conseils et tout ça. Quand tu es en commande, tu as forcément l'avis de quelqu'un d'autre à prendre en compte sur la décision, sur l'image qui va rester. donc c'est pas évident mais après je pense que les gens viennent aussi te chercher pour une raison et parce qu'ils aiment ton style après voilà il y a ce que tu montres ce que tu montres pas l'editing, je pense que ta façon de choisir tes images aussi fait que ça te ressemble ou non mais je pense qu'on se prend beaucoup la tête aussi là dessus ça peut être même une torture parfois, tu choisis pas toujours tes sujets, c'est pas forcément des gueules que t'as envie de montrer et Mais ça fait partie du métier de photographe aussi, je pense. Par rapport au temps en partie, par exemple sur une commande, non, je suis assez relaxe parce qu'en fait, je vais vite de base. Parce que c'est vrai que ça arrive que sur une photo de presse, t'es cinq minutes ou moins. Je pense que la photo... En tout cas, pour moi, la photo, elle est là ou elle n'est pas là. Tu arrives, tu analyses ce que tu as autour de toi. Tu sais si tu vas faire une bonne image ou pas. À moins qu'il se passe un truc de dingue, que la personne te sorte quelque chose d'incroyable. Si le gars, tu arrives, tu es dans une chambre d'hôtel, il y a quatre murs gris et un mec avec une chemise parpassée qui fait la gueule, ça va être challengeant. Après, c'est ça que j'aime bien aussi. Mais je pense que moi, à partir du moment où j'ai l'image, je ne vais pas trop pousser. Si je sais que je l'ai, je l'ai. ça m'arrive de regretter un peu parfois de me dire j'aurais peut-être dû pousser un peu plus je sais pas et en même temps tu te dis si tu pousses trop les gens ils ont plus rien à te donner non plus donc ouais moi c'est pas quelque chose le fait de pas avoir beaucoup de temps ça peut être frustrant parfois mais c'est pas quelque chose qui me... ouais justement ça me dérange pas du tout. Sur des séries plus longues comme Small Land je sais pas combien de fois j'ai dû tirer les photos pour les mettre par terre tout analyser même encore aujourd'hui des fois je me dis pourquoi j'ai pas mis celle-là il y en a qui est... Oui, puis en plus, il y en a où on est attaché. En plus, là, il y avait pas mal d'images de ma petite sœur. On est attaché à un moment aussi, à un contexte, alors qu'en fait, ce n'est pas forcément une image qui est bien. Ou alors, elle ne rentre vraiment pas dans la série esthétiquement. Mais oui, alors que quand je dois rendre assez vite les choses, je rentre chez moi, j'édite et puis j'envoie. J'hésite entre deux portraits. Alors les deux, j'ai fait dans une forêt, donc c'est assez drôle. Le premier, c'était à Philadelphie. C'était pour un magazine qui s'appelait iHeart, qui n'existe plus aujourd'hui. On partait deux mois, enfin je dis on parce que je l'ai fait plusieurs fois, on partait deux mois à l'étranger pour documenter toute une ville, sa scène culturelle, des artistes un peu établis et d'autres émergents, et des restos et des hôtels. Donc il y avait un peu de tout. C'était assez formateur parce qu'on touchait à tout. C'était assez intense et du coup j'ai pu faire... Mes premiers portraits avec ce magazine, et notamment pour iHeart Philadelphia, c'était en 2016. Je m'en rappelle très bien parce qu'on était là-bas pendant que Trump a été élu la première fois. C'était assez spécial comme moment. Et quelques jours après, on part faire le portrait de Kurt Weill. Et c'était n'importe quoi parce que c'était complètement désorganisé. On était en contact direct avec lui. Il nous appelle en disant « c'est bon, vous pouvez venir, venez chez moi » . Et on arrive et il nous dit « je suis en train de déménager » . Donc il était en train de déménager. Et on est partis avec lui dans sa camionnette. C'était vraiment chelou. Et on a commencé à faire l'interview là-bas. Et c'est vraiment le plus l'anecdote que la photo en soi qui me marque. Mais je pensais que j'allais mourir ce jour-là. Parce qu'il n'arrêtait pas de faire des bruits un peu étranges. Et donc je me rappelle, avec la rédaction, on se regardait en mode... Désolée. On s'est retrouvés dans la forêt de sa nouvelle maison. Et on a eu genre trois minutes pour faire les photos parce qu'après il voulait plus. Alors qu'on s'était tapé quand même de la route. Et après on n'avait aucun moyen de rentrer dans le centre de Philly. Donc c'était assez cocasse. C'est une photo de lui dans les bois avec ses longs cheveux en pleine automne. Et la deuxième image c'était pour Obi. J'habitais à Lille à l'époque et j'avais fait la fête avec ma meilleure amie. Et le lendemain j'avais un portrait avec le... le créateur de l'émission Striptease, Jean Libon. J'adorais cette émission. Je pars à Bruxelles, où il m'attend. C'est quand même un papy que je n'avais jamais vu. J'arrive, il vient me chercher à la gare. Je pensais qu'on allait faire une photo dans Bruxelles à côté de la gare, comme un portrait normal. En fait, il me fait monter dans sa vieille bagnole, une petite Clio, un truc. Et on roule, on roule, je ne sais pas où on va. Et je me dis, je vais... Je me dis encore je vais mourir quoi. Je me retrouve avec quand même un mec qui a créé Striptease quoi. Et en fait on se retrouve dans cette forêt, c'était juste hyper cool. On a pris le temps de faire des images et les photos étaient assez chouettes. La place du doute dans ma vie ? Jamais, jamais. Moi, je suis sûre de tout ce que je fais. Non, je dirais plutôt que c'est omniprésent. Mais c'est bien, c'est ça qui fait avancer. Ça peut être un peu déprimant parfois. C'est un métier où on est assez seule, en fait, je pense. Là, je revois un peu plus des copines photographes, et ça me fait vachement du bien de parler de tout ça. Parce qu'en plus, avec les réseaux sociaux, on a tendance à montrer que les trucs cools qu'on fait, qui nous arrivent. On parle très peu de ça en fait, des moments de down, des moments de stress, parce qu'il y a des moments où il y a moins de boulot que d'autres. Il y a des moments où on se dit mais je suis nulle en fait, ou alors il y a plein de gens qui font mieux que moi. Et justement, par rapport à la chanson que tu m'as demandé de choisir, j'en avais trouvé une qui me faisait penser un peu à ça, c'était Lemonade de Coco Rosi. C'est une chanson où les couplets sont très lents, très mélancoliques, un peu glauques en fait. Et les refrains hyper joyeux, avec un tempo beaucoup plus rapide. Et ça m'a fait vachement penser à ça, à ces moments où les couplets, ce seraient les moments de remise en question, où t'es un petit peu au fond du trou, t'es un peu déprimée parfois. Et où t'es justement en train de te poser un million de questions. Est-ce que je vais dans la bonne direction ? Est-ce que c'est cohérent ? Moi, c'est ça, ce truc de la cohérence qui me stresse. Alors que quand j'entends des avis extérieurs, c'est pas du tout ce qui ressort. Et ces moments où les refrains, ce serait les moments où je shoot, où je suis comme une dingue et ça fait trop du bien. Et je rentre chez moi et c'est passé hyper vite et je me rends compte que je suis bonne à ce que je fais et que je sais le faire. Et en fait, ça fait quand même longtemps que je le fais et que je connais mon taf. Et ce qui est génial dans ce métier-là, c'est qu'on apprend tout le temps. J'ai l'impression qu'on monte toujours sur un skills. supérieure à chaque fois qu'on rencontre une difficulté. Et après, il y a le couplet qui revient, et puis le refrain qui revient. Mais je pense qu'on avance aussi comme ça. Il n'y a pas de monotonie, et c'est ça qui est cool aussi dans ce métier-là. La musique, ça a toujours été quelque chose d'important. J'en ai fait, j'ai chanté dans des groupes. Je fais beaucoup de karaoké. C'est très important pour moi, c'est mon exutoire. Et j'ai un rapport à la musique qui est très fort. Si j'avais eu plus de courage, je pense que j'aurais voulu faire ça. Mais bon, pour moi, c'est encore un autre level. Il faut vraiment être très très très bon pour... Et je pense que je n'avais pas ce truc de la technique, je n'étais pas assez méticuleuse, j'ai arrêté la guitare dès qu'il fallait apprendre le solfège. Et du coup, je pense que ce n'était pas assez immédiat pour moi par rapport à la photo. Donc c'est pour ça que j'ai choisi ça. Quand on avait Splint Factory encore et que je faisais des vidéos de soirée, je montais vraiment sur la musique et limite le montage, c'était quelque chose où je rentrais un peu en trance dans le montage et du coup le son était hyper important. Et en fait, ça se rejoint un petit peu parce que là, j'ai mon dernier vrai projet. perso en date, c'était Lomévio. En fait, j'ai un pote qui a un label qui s'appelle Hot Casa Records. Et lui, il produit des artistes togolais, des nouveaux artistes et des anciens artistes qui n'ont jamais eu de droit à la SACEM, des choses comme ça. Il a ressorti des vieilles chansons avec son label. Notamment Orlando Julius. Je ne sais pas si je pense que c'est une chanson que tout le monde connaît, parce que ça doit passer dans les pubs. J'avais eu ma fille peut-être un an avant et mon pote me montrait une vidéo de trois gamins sur la plage qui chantent et je trouve ça trop beau. Et en fait, il m'explique qu'un de ces groupes, Vodou Game, qui est un groupe franco-togolais, ils sont partis pendant le Covid faire un projet avec une association de gamins des rues, parce qu'il y en a beaucoup là-bas, il y a beaucoup d'enfants dans la rue. C'est un vrai problème de société au Togo. Et il m'explique qu'en fait, ils ont fait un gros stage, ils ont envoyé plein d'instruments là-bas, et pendant deux mois, ils ont donné des cours de musique dans cet assaut. Et à la fin, il y a plein de gamins qui sont partis avec des instruments pour les revendre, ou qui n'ont pas mordu au truc, parce qu'ils avaient d'autres priorités. Mais il y en a trois qui ont vraiment accroché à la musique et qui ont monté un groupe. Donc je trouve que l'histoire est trop belle. Et je lui dis, écoute... Paie-moi le billet d'avion, la prochaine fois que tu y vas, je viens avec toi, je te fais des images, mais sans prétention aucune. Vraiment aussi une excuse pour partir et faire des photos. J'en avais besoin, j'avais pas été en Afrique de l'Ouest depuis 20 ans. La dernière fois, c'était au Sénégal, chez ma meilleure amie de l'époque. Et je me suis dit, let's go quoi. Et donc on est partis pendant l'enregistrement de l'album. Donc c'était assez fou parce que c'était dans un studio assez dingue. Parce que c'est un studio qui a été... offerts au Togo par les Américains par la marque Scotch. Donc le Scotch. Ils en ont offert 4 dans le monde. Je crois qu'il y en a un en Europe, il y en a un au Japon, il y en a un au Togo. Enfin, je ne sais plus où est l'autre. Mais c'est des studios des années 70 qui n'ont pas bougé, qui sont dans leur jus. Ouais, c'est Autody, je crois qu'il s'appelle le studio. Que du numérique pour le coup. Tu vois, j'avais pris mes argentiques et tout, mais je pense qu'en fait, j'étais tellement dans... J'avais pas le temps, je pouvais pas, c'était compliqué. Il faisait chaud, j'avais les mains qui... qui collaient avec l'anti-moustique, avec la terre, avec la sueur. Je n'avais pas envie de rater les images. Et donc, je crois que j'ai mis de côté complètement mes argentiques. Là, j'ai shooté quasiment, enfin, beaucoup en macro. En fait, j'ai shooté avec ma caméra. Donc, c'était ma Sony FX3. Et du coup, j'ai deux objectifs. J'ai un 35 et 85 macro, du coup. Et donc, j'ai alterné ces deux optiques et j'ai créé cette série. En fait... J'y allais surtout pour filmer, mais j'ai quand même fait quelques images. Et le temps que le film se monte, c'est enfin en finition en ce moment. J'espère que je vais le livrer avant d'accoucher. Donc c'est mes dernières heures de montage dessus. Sauf qu'entre temps, je me suis dit, putain c'est con, on a des images. Ta mère, elle a une galerie, je dis ça à mon pote avec qui je suis partie. Elle a une galerie dans le Marais, faisons une vente de photos en fait. Je voulais pas gagner d'argent sur ce projet-là parce que j'ai pas envie d'utiliser l'image des enfants de rue pour capitaliser dessus. Mais on s'est dit, on se fait une petite expo, on vend les photos à 100 euros pièce et ça a bien marché. C'était trop cool en fait de faire ça parce que ça m'a permis déjà, moi... d'un point de vue complètement égoïste de montrer mon travail, de montrer cette série, d'avoir une actu aussi. Mais surtout, de récupérer plus de 2000 euros pour eux. Ça leur a payé leur formation, un toit aussi, parce qu'ils n'avaient pas de toit sur leur chambre. Et des matelas, donc c'était cool. Il y a cette image de Pascal, c'est le chanteur du groupe. En fait, déjà, les couleurs là-bas, les lumières, elles étaient assez folles au studio parce que... On avait un mur en tôle jaune où la lumière se réfléchissait dedans. Ça faisait un éclat sur les visages qui était assez dingue. Donc les images se faisaient un peu seules. Et il y a cette image où il a le visage coupé en deux par le flash, la synchro du flash qui est mal partie, qui a été mal réglée par moi-même. Et ouais, je trouve qu'elle est assez dingue. On a l'impression qu'il est en train de chanter dessus. Là, le prochain projet sur lequel je travaille, là je suis dans le stade de recherche encore, ça va se passer en Finlande. Il y aura toujours... En fait, j'ai envie de lier un peu ma pratique du documentaire et ma pratique plus plasticienne, où je vais aller un peu chercher de la texture et déformer l'image. Donc ça ne sera pas vraiment du documentaire, mais ça va questionner un peu cette question de documentaire. Mais on sera sur quelque chose de plus plasticien et un peu assez actuel sur les questions de... d'information. Je sens que le documentaire, j'ai pas envie de faire du documentaire pur et dur, j'ai envie de pouvoir raconter quelque chose mais en expérimentant vraiment l'image. Donc j'ai pas envie de me bloquer sur quelque chose de trop factuel. Et je pense que j'ai trouvé un peu le projet pour faire le lien entre ces deux esthétiques que j'ai aussi de photos assez brutes et en même temps... avec une retouche qui peut hyper pousser parfois, avec une lumière un peu trafiquée. Je suis assez positive sur l'avenir, je pense que de toute façon, il faut s'adapter. Il va y avoir des changements avec la photo, c'est sûr, mais en même temps, quand on est passé au numérique, tout le monde se disait ça, quand on est passé avec l'iPhone, tout le monde se disait ça. Je pense qu'il y a une suite logique aussi avec tous les progrès dans la photo. Et puis si on doit s'adapter et être des photographes comme on est aujourd'hui, on s'adaptera. Je pense que de toute façon, on est beaucoup, on arrive quand même à un stade où il n'y a plus vraiment de photographe star comme à l'époque. Je n'ai plus cette prétention de me dire je vais être la meilleure, je veux faire des photos qui me font kiffer, si je peux en vivre c'est trop bien. J'ai envie de raconter des choses. J'espère qu'on aura le droit de faire des expos en France dans quelques années. mais sinon à part ça ouais je suis assez positive Merci d'avoir écouté ce podcast vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcast vision si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis ça nous aide aussi beaucoup à très vite pour parler de photographie.

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Avant l’enregistrement, Emma me prévient : elle est enceinte de huit mois et souvent sujette à une forme d’essoufflement (selon la position du petit être dans son ventre), à des fous rires et à certaines envies pressantes. La situation est plutôt inédite, mais nous décidons tout de même de réaliser ce podcast.


Au-delà d’être une photographe très talentueuse, Emma me fait beaucoup rire à sa façon. Dans cet épisode, elle aborde aussi des sujets essentiels, comme le fait d’être mère et photographe, et la difficulté de jongler avec la crainte du jugement, le manque de travail et de temps, surtout lors de sa première grossesse.


Nous parlons également de Small Land, sa série sur des enfants qui grandissent dans le fief d’Ikea en Suède.

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  • Speaker #0

    Une production, un noyau studio. Avant l'enregistrement, Emma me prévient. Elle est enceinte de 8 mois et souvent sujette à une forme d'essoufflement, dépendant de la position du petit être dans son ventre, à des fous rires et à certaines envies pressantes. Bon, la configuration est assez inédite, mais on décide tout de même de réaliser ce podcast. Emma, au-delà d'être une photographe très talentueuse, me fait beaucoup rire, à sa façon. Elle aborde également dans le podcast des sujets importants, comme le fait d'être mère et photographe, et de jongler avec la crainte du jugement, du manque de travail et de temps. Surtout lors de sa première grossesse. Nous parlons aussi de sa série intitulée Smallland sur des enfants qui grandissent dans le fief d'Ikea en Suède. Un podcast drôle, passionnant et rempli d'humanité. Salut c'est Agnès Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. MPB, la plus grande plateforme de matériel photo et vidéo d'occasion, nous soutient tout au long de cette saison de vision. Si vous avez envie de tester, c'est vraiment l'occasion actuellement puisqu'MPB vous offre 5% de réduction, rien que pour vous, auditrices et auditeurs de vision, avec le code MPBPHOTO5, tout en majuscule, jusqu'au 30 mars 2025. Le code est bien sûr écrit en description de ce podcast avec un lien cliquable. D'ailleurs, si vous allez sur ce lien, c'est aussi une belle façon de nous soutenir, car ces podcasts sont possibles grâce à nos partenaires. Puis il y a aussi une autre façon de nous soutenir, c'est de vous abonner et puis de noter le podcast sur Spotify, Apple Podcasts par exemple, en mettant 5 étoiles, en laissant un commentaire. Voilà, ça permet de mieux nous référencer et de mieux nous faire connaître par un plus large public. Merci et bonne écoute.

  • Speaker #1

    Cette photographie, c'est une photo que j'ai prise au Togo en 2023, à Lomé. C'est un projet que j'ai fait sur dix jours avec un ami qui bosse dans la musique et qui travaille avec une asso, avec des enfants de la rue, et qui montait un groupe de musique. J'ai passé une dizaine de jours avec trois ados. Là, on est en macro, on est à l'intérieur de la bouche de quelqu'un. Je trouvais que c'était assez drôle de choisir ça, parce que ça montre à quel point... J'arrive un peu à m'immiscer dans l'intimité des gens. Je pense qu'elle représente un peu ma photographie, dans le sens où c'est assez cru, assez direct, mais il y a quand même un peu de poésie, que ce soit dans les tons, dans le flou. Là-bas, l'eau n'est pas potable, donc pour s'hydrater, on achète des petits sacs bleus en plastique, dans lesquels il y a des glaçons, et donc là, les gamins, ils s'amusaient. Ils s'amusaient à les mettre dans la bouche et on a fait des photos, tout simplement. Donc j'y suis allée avec mon macro, l'instinct, et j'ai fait cette image. Je pense que je ne l'ai même pas pensée avant de me retrouver à Paris avec mon ordi. Et j'ai trouvé cette photo assez dingue. Elle est un petit peu abstraite, en fait. On ne comprend pas forcément tout de suite quand on la voit. Je l'ai fait tirer en très grand et c'est assez dingue parce que j'ai l'impression d'être à l'intérieur. Je suis Emma Burley, je suis née à Paris. Je suis photographe. J'ai toujours été photographe, dans ma vie professionnelle en tout cas. Je suis née dans Paris, mais j'ai grandi à Montrouge jusqu'à mes 5 ans, après mes parents ont divorcé. Et je suis allée dans le 78 avec ma mère. Donc j'allais un peu sur Paris, mon père habitait après sur Paris. Donc j'étais entre Poissy en HLM et Paris dans le 8ème. Je voyais Serco faire son jogging. Près de l'Elysée, il travaille à la PHP, donc il avait des logements de fonction là-bas. Donc c'était assez drôle, j'avais un petit peu ces deux vies-là. J'étais quand même élevée par ma mère, mais j'avais ces deux vies un petit peu. Le week-end, avec mon père, on allait sur les champs, et donc c'était un petit peu différent. J'ai été élevée par ma mère, j'ai eu une éducation assez féministe. Ma mère, elle est moitié finlandaise. moitié libanaise, mais du coup elle m'a transmis un peu cette culture nordique où la femme a quand même un rôle assez fort dans la famille. En plus elle avait les deux rôles pour le coup. Le père est français avec des origines arméniennes. Et quand j'étais petite, j'habitais dans une usine de yaourt que mon arrière-grand-père arménien avait fait construire. Il a importé le yaourt en France en fait. Il s'est fait voler le brevet par Danone. On n'a jamais été les héritiers du yaourt en France, malheureusement. Je ne serais sûrement pas née d'ailleurs si ça avait été le cas. J'ai grandi dans cette usine à yaourt, qui n'était plus une usine à yaourt à ce moment-là, mais qui était louée pour autre chose. J'ai vécu un an à Londres quand j'avais 12 ans. Ma mère avait été mutée pour un an. J'ai changé complètement de vie à ce moment-là parce que je suis passée d'un... d'un immeuble à Poissy, d'un HLM à Poissy, une vie plutôt de quartier, un penthouse à Londres, une école internationale, un appartement de fonction, tout ça. Donc j'ai découvert un autre monde, on va dire. Je commençais un peu à parler anglais grâce à Britney Spears, mais je pense que le vocabulaire n'était pas ouf. On a vécu là-bas un an, j'ai appris l'anglais complètement, j'ai rien appris d'autre je pense. Mais on n'est pas resté trop longtemps, on n'est pas trop habitués non plus à ce mode de vie. Et on est rentré après à Poissy. où j'ai passé mon bac. Et ensuite, j'ai fait une prépa audiovisuelle sur un an. Je n'ai pas du tout aimé. En fait, tout le monde voulait faire du son. Donc, j'étais la seule à vouloir faire de l'image. Donc, je n'allais pas trop en cours. Et je faisais des photos. Du coup, à côté, je séchais un peu pour faire des photos. Je faisais vraiment des photos pour moi avec mes petits appareils argentiques, l'homographie à l'époque. Je me rappelle que je faisais des traductions en ligne pour le site l'homographie. Pour chaque traduction, j'avais les 5 euros sur le site à dépenser et du coup je me payais des Ausha comme ça, en plus de mon job chez McDo. Et j'ai découvert qu'on pouvait shooter avec des pellicules périmées et tout ça, donc je faisais pas mal de photos un peu expérimentales on va dire. En fait, j'ai fait du coup un bac L parce que je savais que je voulais faire de la photo mais je savais que c'était pas la meilleure option de faire un bac L, il fallait mieux faire un bac S. sauf que ça ne m'intéressait pas. Donc, j'ai quand même suivi mon instinct là-dessus. Et mes parents m'ont conseillé plutôt d'aller vers la vidéo en me disant qu'il y avait peut-être plus de débouchés. Mais je ne connaissais pas trop les écoles, les écoles privées, publiques. Donc, je me suis retrouvée dans ce truc audiovisuel qui ne m'a pas du tout plu. Et je me suis rendue compte que je séchais les cours pour faire des photos. Donc, c'était peut-être vraiment la photo que je voulais faire. Et après, j'ai fait une licence sur trois ans où je me suis un peu plus découverte. du coup. Licence de photographie dans une école privée à Paris qui m'a coûté très cher. J'ai l'impression que j'apprenais beaucoup en dehors. Ça m'a peut-être donné un cadre, mais j'ai quand même eu l'impression d'apprendre en faisant, en organisant mes propres trucs. Je voulais faire de la mode et c'était pas trop l'idée là-bas. C'était plus la photo plasticienne, documentaire. Moi, j'avais vraiment cet attrait pour la mode. Donc, j'organisais des trucs à côté avec des étudiantes et tout ça, en stylisme, avec des agences de mannequins. Et j'ai vraiment... plus eu l'impression d'apprendre toute seule en fait, donc j'étais pas hyper contente de ce parcours-là. J'aurais préféré qu'on me dise d'aller vers d'autres cursus, peut-être les arts déco, des choses comme ça pour apprendre... Enfin, je sais pas. J'étais pas hyper satisfaite en s'entendant de ça, mais... Et surtout, ça m'a pas ouvert beaucoup de portes, j'ai l'impression. Ça m'a appris le minimum de base en studio, mais je sais pas. C'était un peu une pompe à fric, j'ai l'impression, quand même. La double culture, du coup, je l'avais un petit peu parce qu'on voyageait quand même souvent en Finlande. Ma mère, elle est finlandaise, mais en Finlande, on parle suédois aussi. Donc, elle est de la minorité suédophone. On parlait suédois quand j'étais petite. J'entendais souvent parler suédois à la maison. C'est une culture qui m'est chère. Je pense que c'est marrant parce qu'on m'a déjà dit qu'il y avait quelque chose d'assez nordique dans le travail, que ce soit dans la lumière. C'est un photographe qui avait des origines finlandaises aussi qui m'avait dit ça. Ils ne savaient pas que j'étais d'origine finlandaise et ils me l'avaient sorti et ça m'avait fait rire. Après, je pense que j'ai plus une culture du sud que nordique pour le coup, dans ma façon d'être et tout ça. Je suis plutôt assez chaleureuse, assez extravertie, tout ça. Donc, je pense que j'ai plutôt chopé le côté français là-dessus ou méditerranéen, je ne sais pas. Je ne sais pas si ça se ressent. Après, c'est un endroit qui m'attire, c'est une région qui m'attire. J'aime bien m'en inspirer. Et le côté libanais, j'ai appris il y a cinq ans que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Donc je n'ai pas du tout baigné dans cette culture-là. Mais c'est quelque chose qui m'attire beaucoup et attire beaucoup ma mère. Parce qu'on n'a pas connu son père, son vrai père biologique. J'ai offert un test ADN et on s'est rendu compte que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Ce qui explique certaines choses. Mais donc, on a découvert, on a de la famille qu'on a rencontrée et tout ça. Mais voilà, c'est un pays que j'aimerais bien découvrir, mais je n'ai pas du tout grandi dans cette culture libanaise. Mais du coup, c'est un peu deux mondes différents avec la Finlande. Mon père, il est généticien de profession, mais il est passionné de généalogie. Donc, il nous a aidés à retrouver justement mes oncles et tout ça. Et lui, il est complètement à fond là-dedans. Il est remonté, je crois, jusqu'à... jusqu'aux Mérovingiens sur notre branche familiale, sachant qu'il y a l'Arménie. Vu l'histoire, ce n'était pas toujours hyper facile de retrouver des racines là-bas. J'ai un souvenir de quand je devais avoir 7-8 ans. On était partis à la campagne chez des amis de ma mère, qui étaient un peu foufous. Dans ces amis, il y avait ma babysitter de l'époque, qui était devenue une amie de ma mère. Et en fait, c'était un couple d'amis et ils avaient un polaroïd. Je ne connaissais pas encore. Ils avaient un polaroïd et ils avaient fait une photo, ils avaient fait une blague à ma babysitter. Ils avaient ouvert la porte des toilettes, on l'inquiétait aux toilettes, et l'avaient prise en photo. Et j'avais trouvé ça vraiment marrant. Et je pense que c'est le premier souvenir que j'ai avec une image. Déjà, le fait d'avoir l'image qui sort, je trouvais ça trop génial et j'en voulais absolument. J'en voulais tout de suite. Je trouvais ça ouf. Et puis voilà, c'est le premier truc qui me revient. Puis il y avait ce côté un peu joué, je pense, qui du coup plaît encore plus aux gamins. Bon, ça coûtait hyper cher déjà à l'époque, les Polaroïds. Ce n'était pas le truc qu'on laissait aux enfants. Mais je me rappelle après qu'on en a eu un. Et j'ai toujours ces images et c'est trop génial. J'ai vraiment été marquée par l'oeuvre de Wolfgang Tillmans, que ce soit dans ses images, dans ses scénos, et dans son évolution aussi en tant que photographe, parce qu'il faisait vraiment des photos très brutes, très docus. Il photographiait son environnement, il photographiait ses amis, et il est passé sur quelque chose de très plasticien. Et en fait, c'est ça qui me plaît chez lui, c'est qu'il n'a pas un genre attitré, il n'a pas eu peur de sortir alors que ça marchait bien. En plus, il a commencé à faire pas mal de mode à un moment et tout ça. Et il n'a pas eu peur de switcher complètement et d'aller essayer, expérimenter d'autres thèmes de la photo. En fait, j'aimerais m'affranchir un peu de ce truc où il faut toujours faire la même chose, montrer qu'on est bon dans un truc, qu'on est vraiment bon dans un truc. Je pense qu'on peut être bon dans plein de domaines. C'est sûr qu'il faut du temps pour manier quelque chose à fond. Mais je n'ai pas envie de me fermer. Si j'ai envie de faire une nature morte, j'ai envie de faire une nature morte en fait. Si j'ai envie de faire cette image-là, il faut que je la fasse. Après je pense que oui, il faut garder un cadre pour savoir. Et encore franchement, je pense que je me suis longtemps un peu torturée avec ça. De me dire, il faut tout intellectualiser, il faut mettre des limites. Alors qu'en fait, c'est pas du tout comme ça que je fonctionne, même moi personnellement. Donc si j'ai envie d'aller vers quelque chose, j'ai envie d'écouter mon instinct. Je pense que ça marche peut-être pas pour tout le monde. Mais j'ai envie d'aller vers ça. Et c'est vrai que ce soit du coup Wolfgang Tillmans ou même Ryan McKinley, que j'aime beaucoup, qui a des photos très brutes aussi, très naturelles, avec le minimum de lumière artificielle ou même pas du tout. Et derrière, il expérimente aussi vachement les couleurs, le film, le médium. Et je trouve que du coup, ça marche quand même bien ensemble. Je pense que ce qu'on a envie de raconter... Il se ressent en fait dans Ausha, dans notre editing, et il ne faut pas forcément rester bloqué dans une case. Mon approche de la photo, par rapport au médium en tout cas, ça a pas mal évolué. J'ai commencé avec de l'argentique, avec des pellicules périmées. Mes profs d'ailleurs en école me refilaient leur stock de vieilles Ausha, de vieilles ectachromes qui avaient plus de 20 ans. Donc j'ai expérimenté pas mal là-dessus. Et après j'ai quand même... Je suis passée un peu au numérique, je me suis fait voler mon boîtier numérique. J'ai décidé de ne pas en racheter et de faire que du moyen format. Ça, c'était, je pense, 2018-2019. Et donc, j'ai fait une série entre 2017 et 2019, totalement en moyen format, avec un Mamiya 7 II, que je scannais moi-même, parce que ça coûtait cher de faire le scanner en labo. Donc, je pense que ma pratique, elle a aussi évolué en fonction de mes revenus en tant que photographe. Avant, je scannais tout moi-même, j'utilisais des pellicules qu'on me filait. Après, j'ai commencé à faire que de la portrait. à faire scanner en labo. Alors que j'aimais bien, après faire moi-même mes propres scans et tout ça, mais c'était peut-être une question de temps aussi. Donc je pense que ça a évolué pas mal comme ça. Puis avec le travail de commande, surtout pour la presse, j'ai fait plus de numérique en fait, parce qu'il y avait la question déjà du budget et la question du temps. Après j'avais la chance de faire pas mal de reportages pour Aime le Monde où on défrayait les pellicules, donc ça c'était cool. Et c'est une autre approche, après je pense que je me suis sentie un petit peu limitée aussi par l'argentique à un moment. Je pense qu'avec le numérique, j'ai eu l'impression de rater moins d'opportunités. Parce qu'en plus, en travaillant au moyen format, tu dois poser vraiment les choses pour être sûre de ne pas rater ton image. Et je pense qu'il y a un moment où ça cassait un peu avec ma façon de prendre des photos, où il faut que ça aille vite. En plus, je fais beaucoup de photos avec des enfants, donc il faut choper le bon moment. Il y a un moment, j'en avais marre d'avoir des photos floues, je pense. Et puis surtout, c'est onéreux. Et du coup, je suis... Je pense que j'ai mis ça un peu de côté. Après, quand j'en fais, que je reçois mes scans, je me dis « putain, j'en fais pas assez, ça me manque trop, c'est trop bien » . Mais je pense que c'est pas... Je sais pas, peut-être que aussi, c'est devenu un peu trop un effet de mode aussi. J'ai pas trouvé que ça te renforçait de faire de l'argentique plus que du numérique. Après, j'aime bien travailler le film périmé. J'aime bien avoir des surprises, en fait. C'est ça qui me plaisait dans l'argentique. Et là, en retouche, après forcément, tu as une meilleure qualité et tout ça de base. Mais je suis assez... Je pense que ma façon de retoucher, elle est un peu comme ma façon de shooter. C'est assez instinctif, en fait. Je n'ai pas de preset. J'ai des configurations qui reviennent souvent. Mais en fait, j'essaye. J'essaye, j'avance, je bouge mes curseurs. Et puis si ça me plaît, c'est cool et je le garde. Mais je n'ai pas d'idée préconçue de comment je vais retoucher ma photo avant. Si je la passe en noir et blanc, c'est parce que je la trouve bien en noir et blanc. Et basta, quoi. Mais j'aime bien aller un peu plus loin, parfois, et travailler. Et puis, j'ai pas peur de détruire un peu la matière, de casser un peu l'image, quoi. Je faisais pas mal à un moment... Quand j'ai commencé, en fait, j'ai bossé avec un collectif qui s'appelait Splint Factory. Et c'était un magazine, à la base, qui a évolué en soirée gay techno. Et je m'occupais de l'image, en fait. Donc, je filmais toutes les soirées. C'était assez drôle, c'était dans des caves, il y avait des lumières un peu bleues, rouges. Je filmais tout avec un vieux caméscope des années 90. Et en fait, j'ai fait pas mal de captures d'écran de ces vidéos. Je les tirais à fond sur des grands formats et c'était hyper pixelisé, c'était trop beau. Donc j'aime bien détruire un peu, même la pellicule qui s'est imprimée, le papier qui s'est imprimé sur le film, sur le moyen format, c'est canon. Ça donne un aspect... Limite peinture, des images. Le problème avec le numérique, c'est que ça peut être un peu lisse parfois. J'aime bien aller même imprimer une image, la rescanner. Dans mes sujets un peu récurrents, je fais beaucoup de portraits. J'adore l'humain en fait, c'est vraiment ça qui me plaît. Puis à force d'en faire, il y a un peu un mécanisme qui s'installe, tu commences à comprendre, à cibler les différentes personnalités. Moi ma technique c'est de mettre les gens à l'aise et du coup de mettre les pieds dans le plat, direct. Même quand l'ambiance est un petit peu... Elle n'est pas là, quoi. J'y vais et puis je me dis, si moi j'ai l'air ridicule, limite, eux vont se sentir bien. Donc j'essaie de les mettre à l'aise. Après, j'aime beaucoup shooter les enfants, les enfants et les jeunes, parce qu'ils n'ont pas ce même rapport à l'image que nous. Ils ont moins peur d'avoir l'air ridicule. Donc il y a une véracité, il y a un truc qui sort forcément. Ils s'en foutent que tu fasses une bonne image, tu vois. Donc, c'est à toi de venir prendre ton truc. Et ça, c'est cool parce que c'est quelque chose que tu peux retrouver à la fois sur du commercial, tu shoots des enfants sur une campagne. Alors certes, c'est des enfants qui sont en agence, mais ça reste des gamins. Donc, ils vont être les mêmes que sur ton projet perso. Et du coup, tu retrouves toujours cette authenticité. Je suis maman depuis 4 ans, et je trouve que c'est un luxe de pouvoir être parent et à son compte, indépendant. Je peux arranger mon planning avec ma fille autant que je peux, autant que je veux. Après, il y a des moments de rush, forcément, où c'est un peu plus compliqué, mais j'ai la chance d'avoir un mec qui est aussi à son compte, donc on s'arrange. Ma fille, elle a vite compris ce que je faisais, puisque je la fais participer quand je monte une expo. Là mon expo, l'homme est vieux, on a fait des cadres en famille, on était à l'atelier de mon mari, on a tout fait ensemble, c'était trop chouette. Et je pense que ça... C'est génial de pouvoir assister à ça, de voir comment tes parents travaillent, de voir qu'ils aiment ce que tu fais. Quand je suis tombée enceinte, c'était en 2020, c'était le jour du déconfinement que je suis tombée enceinte. Et c'était assez incertain pour moi de l'avenir, parce que je commençais enfin à gagner ma vie en tant que photographe. Puis il y a eu le Covid, donc je ne savais pas du tout comment ça allait reprendre. Et donc ouais, je pense que je devais gagner un demi-smic par mois. Donc c'était un peu chaud, j'étais entre deux apparts. Et j'avais commencé à bosser pour la presse, mais pas de façon régulière encore. Donc, je n'étais pas très installée dans la photo. Et donc, je me suis dit que si mes clients savaient que j'étais enceinte, ça serait fini pour moi. Je me suis dit, je ne vais pas le dire. Je ne vais pas le dire. Et je pense que j'ai eu raison parce qu'on m'a quand même sorti sur un shoot campagne. Si j'avais su que tu étais enceinte, je pense que oui, je n'aurais pas pris le risque. Voilà, honnêtement. Donc j'étais contente. Après, ce n'était pas le cas de tout le monde du tout. Il y en a qui le prenaient très bien et qui savent que ça ne m'empêchait pas de faire des images. Et au final, j'ai beaucoup bossé cette année-là parce que c'était la reprise après le Covid. Donc j'ai beaucoup travaillé. Après, je ne sais pas si c'est les efforts que j'avais mis en place avant qui commençaient à payer ou si c'était une déterre que je me suis mise parce que je me suis dit que si ça ne marchait pas... Ah ben... Je ne pouvais pas être mère et en galère. Donc si la photo ne marchait pas, je ferais autre chose. C'était un petit peu le one shot. Il faut que ça marche. Ça faisait quelques mois déjà que je commençais à avoir du travail régulier et tout ça. Mais je pense que j'ai enchaîné les projets, les projets perso, les images. J'ai posté beaucoup, je pense. Je pense que c'est un outil qu'on a. Mais ouais, j'ai fait ma première couve pour Libé, j'étais enceinte. J'ai fait ma première couve pour de la mode, c'était le magazine Paulette à l'époque. J'étais enceinte, j'étais enceinte de cinq mois. Il venait, je crois, de dire que c'était le deuxième confinement. Donc on s'est retrouvés. Dans un hôtel, mais il n'y avait rien à manger. C'était la galère, je me rappelle. On a shooté pendant cinq jours sur des plages bretonnes en octobre, novembre. Tout en argentique d'ailleurs à l'époque. J'avais mon gros moyen format et mon gros bide. Et c'était trop chouette. Après c'était différent avec Paulette parce que c'était un environnement très féminin et très bienveillant. Donc ça pour le coup, elle, elle l'entend. très bien pris le fait que je sois enceinte, c'était même génial, je trouvais ça même génial. Mais ouais, je pense que du coup, il y avait un truc, il y avait une aura, je sais pas. Quelques jours après avoir accouché, j'ai reçu plusieurs appels de la presse pour des portraits, sauf qu'aucune rédac savait que j'étais en congé mat, donc j'ai trouvé des excuses, j'ai dit que j'étais pas dispo, ou que j'étais qu'à contact à l'époque. Sauf qu'au bout de trois appels de l'IB, je me suis dit, je pense que c'était pas du tout vrai en plus, mais je me suis dit si je... si je suis encore pas dispo, comme je fais partie des photographes qui bossent pour eux depuis pas longtemps, ils me rappelleront plus. Donc j'ai dit oui. Sauf que j'avais accouché deux semaines avant à peine, et à l'époque j'allaitais, donc je pouvais pas me séparer de ma fille très longtemps. Je pense que je pouvais pas me séparer d'elle pendant plus d'une heure. Donc je me rappelle mon mec qui m'accompagne au portrait, qui m'attend avec le bébé tout petit dans la voiture, moi qui monte vite. C'était un sujet sur des cours de yoga dans Paris pour des jeunes qui étaient un peu isolés. Et je me rappelle monter les escaliers et la tête qui tourne. Je crois que je n'étais pas sortie de chez moi encore. Je me dis mais qu'est-ce que je suis en train de foutre vraiment ? C'est n'importe quoi. Et en fait, ça m'a fait grave du bien parce que je suis photographe. Je suis pas que mère. Et en fait, j'avais besoin aussi de faire un truc pour moi. Et donc, ça m'a fait du bien. Donc là, je suis enceinte de mon deuxième enfant. très enceinte d'ailleurs, là tout de suite et j'ai caché à personne ma grossesse j'ai même posté des photos de moi avec mon ventre et tout ça donc c'est pas quelque chose qui m'a fait peur cette fois-ci peut-être parce que j'ai plus confiance en moi aussi en tant que photographe et aussi je pense qu'on parle un peu plus de maternité qu'il y a 4 ans alors est-ce que c'est parce que les gens de mon âge commencent à faire des gosses ou il y a limite un truc un peu cool d'être une maman maintenant ou... avec les réseaux sociaux tout ça, je sais pas. Mais ça m'a pas du tout empêchée de travailler, au contraire. On m'a proposé du travail jusqu'à la fin. J'ai refusé une campagne parce que ça arrivait dix jours avant mon terme et ce n'était pas sérieux. Mais sinon, je sais qu'il y a des rédacs qui m'ont carrément dit « Tu nous dis quand tu es ready pour revenir et kiffe bien. Prends ton temps et t'inquiète. En gros, ta place est gardée. Il n'y a pas de souci. » Et c'est vrai que peut-être on nous rassure pas assez là-dessus. On a l'impression que vraiment... Devenir mère, c'est la fin de la créativité, c'est la fin des opportunités, alors que je pense que c'est comment toi tu gères le truc en fait. Je suis obligée de me lever tous les matins, donc j'ai le temps de travailler. Il y a forcément des choses que je fais moins qu'avant, je sors moins, je fais moins à des événements, mais ça c'est temporaire aussi. Les enfants, ça grandit, donc je pense que c'est pas non plus un frein. Pour le coup, ton enfant, tu peux aussi le prendre avec toi. C'est aux autres de s'adapter, c'est pas à toi. J'ai pas eu envie de faire un choix entre être mère et être artiste. J'ai pas envie de me priver de quelque chose dont j'ai envie, en fait. Peut-être que oui, ça va moins vite après, peut-être pas. Parce qu'au final, tu vas à l'essentiel, en fait. Déjà, t'es obligée de gagner ta vie. Peut-être, ouais, tu fais peut-être moins de travail perso. Moi, j'en ai moins fait parce qu'il y avait cette urgence aussi de pouvoir gagner ma vie. Mais quand ma fille a eu un an, je suis partie au Togo. J'ai eu cette opportunité-là de partir pour moi, en fait, et j'en avais besoin. Et voilà, j'ai dit à mon mec, je pars dix jours, j'ai besoin de bouger, j'ai besoin de voir autre chose, j'ai besoin de faire des images. Et comme ça s'est présenté, j'y suis allée, ça m'a fait grave du bien. Mais c'est vrai que... Après, tout travail commercial, quand tu commences à faire pas mal de commercial, ça te prend beaucoup de temps et ça appelle d'autres taffes commerciaux. Et du coup, il faut trouver cet équilibre-là. C'est clair, entre la vie de famille, le travail de photographe, le travail de photographe, mais ton travail perso, ce que tu as envie de faire pour toi, il faut trouver le temps. C'est plutôt le temps. Tu as forcément un peu moins de temps et en même temps, tu fais moins la fête.

  • Speaker #0

    En 2016, ma mère est partie vivre en Suède avec ma petite sœur, qui avait 4 ans à l'époque. On a 17 ans d'écart. Ça faisait 15 ans que ma mère bossait pour Ikea. Et elle est déménagée dans le fief d'Ikea en Suède, la ville Ikea, qui s'appelle Helmhult, qui est une petite ville du sud de la Suède, un peu perdue dans la campagne, à deux heures de train de Copenhague. C'est accessible via Copenhague. Et j'ai trouvé assez dingue cette ville parce que c'est vraiment un truc paumé où il n'y a pas grand chose, mais il y a plus de 100 nationalités différentes qui cohabitent parce que Ikea. Et donc ma mère a déménagé là-bas avec ma sœur, donc je suis très proche et donc j'y suis allée souvent. J'ai commencé à y aller souvent, je me suis dit il y a quand même un truc à faire là-dessus parce que c'est assez dingue tous ces enfants dans ce bled paumé quoi. Et je voulais aussi peut-être avoir un lien, un truc qui me... J'allais y aller dans tous les cas, donc je me suis dit, ça va peut-être permettre de... Comme j'ai vécu le truc par le prisme de ma petite sœur, ça me permettait de garder une trace, de suivre son évolution. Et donc de 2017 à 2019, j'ai photographié les enfants de Helmholtz. C'est une série qui s'appelle Small Land, en deux mots, mais cette ville est dans la région du Small Land, qui est une région assez... pauvre de la Suède, où les terres sont un peu rocailleuses, il y a très peu de choses qui poussent et tout ça. Et donc, Ikea est né là-bas. Ce qui est assez dingue, c'est que l'entreprise a gardé ses sièges là-bas, alors que c'est vraiment paumé. Ils auraient pu aller à Malmö, à Stockholm. Et donc, ils imposent un peu aux gens de bouger là-bas. Comme je suis très proche de ma mère et de ma sœur, j'y allais, et j'y allais même parfois pour la garder quand ma mère avait des déplacements. Donc, j'y restais assez longtemps. J'y suis allée, je pense, l'équivalent de deux mois sur ces trois ans, même un peu plus peut-être. Comme ma sœur était à l'école là-bas, elle avait plein de copains, plein de copines. Et je trouvais ça assez fou de voir comment ils vivaient ensemble. Parce que juste avant, on était en France et il y avait toujours ce truc d'où tu viens, c'est quoi tes origines. Ma sœur, elle est métisse. On nous demandait tout le temps d'où elle venait. Alors que là-bas, il n'y avait pas de copains. Pas du tout ce truc-là et j'ai trouvé ça assez fou en fait. Ouais, c'est des enfants en fait et ils jouent ensemble et ça suffit quoi. Le reste on s'en fout, on vient tous. Ils venaient tous d'un truc, c'était d'Ikea. Enfin ils venaient tous de parents Ikea. Et c'est ça qui les rassemblait. C'était limite les suédois les différents parce que il y avait les locaux du coup et les expats, enfin les enfants d'expats. Et ça m'a tout de suite touchée un peu en fait de voir ça. Et j'avais envie de raconter cette histoire-là, même si Ikea, c'est une entreprise qui est complexe, qui a une histoire complexe, avec une Varkamprad, le fondateur, qui est personne avec un passé complexe. Dans cette série, ce n'est pas quelque chose qui est très présent. On est vraiment sur les enfants, en fait. Après, ça aurait pu être la ville Lego, ça aurait pu être une autre ville-entreprise. Mais c'est plutôt comment on grandit là-dedans. Moi-même, j'étais un peu un enfant Ikea au final. Quand j'ai déménagé à Londres, c'était pour Ikea. Donc je connaissais, puis comme elle me parle beaucoup, je connaissais tous les termes, les termes professionnels même, les produits, les produits chez moi, mon environnement qui changeait en fonction des saisons. Mais c'est ça aussi que j'ai trouvé chouette, c'est que par rapport à une autre entreprise, Ikea c'est quelque chose qui s'immisce chez toi. Quand j'allais chez ces enfants, que ce soit des Pakistanais ou des Belges, ils avaient des trucs Ikea et des trucs de chez eux. Donc ça donne des images avec un tableau de New York et une espèce de siège en bois sculpté. Pour citer une image de la série, une qui m'est chère, celle d'un petit garçon. On dirait qu'il est en train de danser. Il y a la lumière du coucher de soleil, donc je pense qu'il doit être à 15h30. En fait, il fait du trampoline. Et j'aime beaucoup cette image parce que c'est un petit garçon qui était assez vif. Il me faisait penser à Jim Carrey, d'ailleurs. Il était un peu foufou. C'était un petit Belge. Et dans cette image, il y a un truc hyper doux. On dirait qu'il est en train de... Ouais, de... Je sais pas, de... De danser, quoi. Alors qu'en fait, il est en train de sauter, de faire le con dans le jardin de ma mère, d'ailleurs. Cette photo est dans le jardin de ma mère. Et pour moi, c'est vraiment la Suède, parce qu'il y a des trampolines dans tous les jardins. On voit qu'il y a une forêt derrière. Il y a une lumière qu'on n'a que là-bas. D'ailleurs, la lumière, c'était un sujet là-bas, parce que c'est vrai que l'hiver... Bah, si tu t'es pas levée pour faire ta photo, la journée est finie. La lumière dorée comme ça, c'est celle de l'été surtout. Parce qu'après, le l'hiver, t'as quand même quelque chose de... Ça dure pas longtemps, mais quand c'est là, c'est beau. Ma mère habitait à côté d'un lac et c'est vrai qu'on était tout le temps dehors. Il y a un truc qu'on n'a pas ici, on n'est pas dehors autant. Alors qu'il fait moins froid quand même. J'ai fini cette série juste avant le Covid et pas exposée récemment. Et en fait, j'ai eu un peu un arrière-goût. J'ai eu du mal à me détacher de ça. Ma mère, après avoir vécu en Suède, elle a été mutée au Mexique pour Ikea. Et elle s'est fait licencier de façon pas très cool. Elle s'est retrouvée dans une situation vraiment, vraiment difficile. Et j'ai eu du mal, j'avais peur en fait de mettre cette société en avant en montrant ce travail. Donc je l'ai un peu mis de côté. Mais ouais, le sujet, c'est pas cette société en particulier. Et on le voit quasiment pas, en fait, dans la série. Sauf si on connaît tel ou tel meuble. Mais ça peut être dans n'importe quelle image, comme c'est déjà partout. Faire le pont entre mon travail perso et mon travail plus de commande, je pense que c'est très compliqué. Parce que quand t'as besoin de gagner de l'argent pour te nourrir, te loger, bah... que tu peux compter que sur toi, je pense qu'être 100% raccord tout le temps et faire aucun compromis, ou même choisir tes clients et de rien accepter qu'ils ne rentreraient pas dans ta ligne directive, je pense que c'est très compliqué. Je pense qu'il faut être très privilégié pour pouvoir faire ça. Ou alors, il faudrait limite avoir un autre job qui n'est pas du tout en lien avec la photo. Mais dans ce cas-là, moi je l'ai fait, j'ai été serveuse pendant des années et je me suis mis le couteau sous la gorge en me disant si je continue à bosser dans un bar, je ne serai pas jamais photographe. Et du coup, j'ai arrêté de bosser dans ce bar et je suis devenue photographe. Ça a pris un peu de temps, je faisais des extras, je suis partie vivre à Lille, en me disant, vaut mieux avoir moins d'argent à Lille qu'à Paris. Et je revenais à Paris faire des extras, c'était un peu n'importe quoi la transition, mais ça a marché comme ça. Quand tu es sur un projet perso, il n'y a que toi qui prends les décisions, même si tu peux demander des conseils et tout ça. Quand tu es en commande, tu as forcément l'avis de quelqu'un d'autre à prendre en compte sur la décision, sur l'image qui va rester. donc c'est pas évident mais après je pense que les gens viennent aussi te chercher pour une raison et parce qu'ils aiment ton style après voilà il y a ce que tu montres ce que tu montres pas l'editing, je pense que ta façon de choisir tes images aussi fait que ça te ressemble ou non mais je pense qu'on se prend beaucoup la tête aussi là dessus ça peut être même une torture parfois, tu choisis pas toujours tes sujets, c'est pas forcément des gueules que t'as envie de montrer et Mais ça fait partie du métier de photographe aussi, je pense. Par rapport au temps en partie, par exemple sur une commande, non, je suis assez relaxe parce qu'en fait, je vais vite de base. Parce que c'est vrai que ça arrive que sur une photo de presse, t'es cinq minutes ou moins. Je pense que la photo... En tout cas, pour moi, la photo, elle est là ou elle n'est pas là. Tu arrives, tu analyses ce que tu as autour de toi. Tu sais si tu vas faire une bonne image ou pas. À moins qu'il se passe un truc de dingue, que la personne te sorte quelque chose d'incroyable. Si le gars, tu arrives, tu es dans une chambre d'hôtel, il y a quatre murs gris et un mec avec une chemise parpassée qui fait la gueule, ça va être challengeant. Après, c'est ça que j'aime bien aussi. Mais je pense que moi, à partir du moment où j'ai l'image, je ne vais pas trop pousser. Si je sais que je l'ai, je l'ai. ça m'arrive de regretter un peu parfois de me dire j'aurais peut-être dû pousser un peu plus je sais pas et en même temps tu te dis si tu pousses trop les gens ils ont plus rien à te donner non plus donc ouais moi c'est pas quelque chose le fait de pas avoir beaucoup de temps ça peut être frustrant parfois mais c'est pas quelque chose qui me... ouais justement ça me dérange pas du tout. Sur des séries plus longues comme Small Land je sais pas combien de fois j'ai dû tirer les photos pour les mettre par terre tout analyser même encore aujourd'hui des fois je me dis pourquoi j'ai pas mis celle-là il y en a qui est... Oui, puis en plus, il y en a où on est attaché. En plus, là, il y avait pas mal d'images de ma petite sœur. On est attaché à un moment aussi, à un contexte, alors qu'en fait, ce n'est pas forcément une image qui est bien. Ou alors, elle ne rentre vraiment pas dans la série esthétiquement. Mais oui, alors que quand je dois rendre assez vite les choses, je rentre chez moi, j'édite et puis j'envoie. J'hésite entre deux portraits. Alors les deux, j'ai fait dans une forêt, donc c'est assez drôle. Le premier, c'était à Philadelphie. C'était pour un magazine qui s'appelait iHeart, qui n'existe plus aujourd'hui. On partait deux mois, enfin je dis on parce que je l'ai fait plusieurs fois, on partait deux mois à l'étranger pour documenter toute une ville, sa scène culturelle, des artistes un peu établis et d'autres émergents, et des restos et des hôtels. Donc il y avait un peu de tout. C'était assez formateur parce qu'on touchait à tout. C'était assez intense et du coup j'ai pu faire... Mes premiers portraits avec ce magazine, et notamment pour iHeart Philadelphia, c'était en 2016. Je m'en rappelle très bien parce qu'on était là-bas pendant que Trump a été élu la première fois. C'était assez spécial comme moment. Et quelques jours après, on part faire le portrait de Kurt Weill. Et c'était n'importe quoi parce que c'était complètement désorganisé. On était en contact direct avec lui. Il nous appelle en disant « c'est bon, vous pouvez venir, venez chez moi » . Et on arrive et il nous dit « je suis en train de déménager » . Donc il était en train de déménager. Et on est partis avec lui dans sa camionnette. C'était vraiment chelou. Et on a commencé à faire l'interview là-bas. Et c'est vraiment le plus l'anecdote que la photo en soi qui me marque. Mais je pensais que j'allais mourir ce jour-là. Parce qu'il n'arrêtait pas de faire des bruits un peu étranges. Et donc je me rappelle, avec la rédaction, on se regardait en mode... Désolée. On s'est retrouvés dans la forêt de sa nouvelle maison. Et on a eu genre trois minutes pour faire les photos parce qu'après il voulait plus. Alors qu'on s'était tapé quand même de la route. Et après on n'avait aucun moyen de rentrer dans le centre de Philly. Donc c'était assez cocasse. C'est une photo de lui dans les bois avec ses longs cheveux en pleine automne. Et la deuxième image c'était pour Obi. J'habitais à Lille à l'époque et j'avais fait la fête avec ma meilleure amie. Et le lendemain j'avais un portrait avec le... le créateur de l'émission Striptease, Jean Libon. J'adorais cette émission. Je pars à Bruxelles, où il m'attend. C'est quand même un papy que je n'avais jamais vu. J'arrive, il vient me chercher à la gare. Je pensais qu'on allait faire une photo dans Bruxelles à côté de la gare, comme un portrait normal. En fait, il me fait monter dans sa vieille bagnole, une petite Clio, un truc. Et on roule, on roule, je ne sais pas où on va. Et je me dis, je vais... Je me dis encore je vais mourir quoi. Je me retrouve avec quand même un mec qui a créé Striptease quoi. Et en fait on se retrouve dans cette forêt, c'était juste hyper cool. On a pris le temps de faire des images et les photos étaient assez chouettes. La place du doute dans ma vie ? Jamais, jamais. Moi, je suis sûre de tout ce que je fais. Non, je dirais plutôt que c'est omniprésent. Mais c'est bien, c'est ça qui fait avancer. Ça peut être un peu déprimant parfois. C'est un métier où on est assez seule, en fait, je pense. Là, je revois un peu plus des copines photographes, et ça me fait vachement du bien de parler de tout ça. Parce qu'en plus, avec les réseaux sociaux, on a tendance à montrer que les trucs cools qu'on fait, qui nous arrivent. On parle très peu de ça en fait, des moments de down, des moments de stress, parce qu'il y a des moments où il y a moins de boulot que d'autres. Il y a des moments où on se dit mais je suis nulle en fait, ou alors il y a plein de gens qui font mieux que moi. Et justement, par rapport à la chanson que tu m'as demandé de choisir, j'en avais trouvé une qui me faisait penser un peu à ça, c'était Lemonade de Coco Rosi. C'est une chanson où les couplets sont très lents, très mélancoliques, un peu glauques en fait. Et les refrains hyper joyeux, avec un tempo beaucoup plus rapide. Et ça m'a fait vachement penser à ça, à ces moments où les couplets, ce seraient les moments de remise en question, où t'es un petit peu au fond du trou, t'es un peu déprimée parfois. Et où t'es justement en train de te poser un million de questions. Est-ce que je vais dans la bonne direction ? Est-ce que c'est cohérent ? Moi, c'est ça, ce truc de la cohérence qui me stresse. Alors que quand j'entends des avis extérieurs, c'est pas du tout ce qui ressort. Et ces moments où les refrains, ce serait les moments où je shoot, où je suis comme une dingue et ça fait trop du bien. Et je rentre chez moi et c'est passé hyper vite et je me rends compte que je suis bonne à ce que je fais et que je sais le faire. Et en fait, ça fait quand même longtemps que je le fais et que je connais mon taf. Et ce qui est génial dans ce métier-là, c'est qu'on apprend tout le temps. J'ai l'impression qu'on monte toujours sur un skills. supérieure à chaque fois qu'on rencontre une difficulté. Et après, il y a le couplet qui revient, et puis le refrain qui revient. Mais je pense qu'on avance aussi comme ça. Il n'y a pas de monotonie, et c'est ça qui est cool aussi dans ce métier-là. La musique, ça a toujours été quelque chose d'important. J'en ai fait, j'ai chanté dans des groupes. Je fais beaucoup de karaoké. C'est très important pour moi, c'est mon exutoire. Et j'ai un rapport à la musique qui est très fort. Si j'avais eu plus de courage, je pense que j'aurais voulu faire ça. Mais bon, pour moi, c'est encore un autre level. Il faut vraiment être très très très bon pour... Et je pense que je n'avais pas ce truc de la technique, je n'étais pas assez méticuleuse, j'ai arrêté la guitare dès qu'il fallait apprendre le solfège. Et du coup, je pense que ce n'était pas assez immédiat pour moi par rapport à la photo. Donc c'est pour ça que j'ai choisi ça. Quand on avait Splint Factory encore et que je faisais des vidéos de soirée, je montais vraiment sur la musique et limite le montage, c'était quelque chose où je rentrais un peu en trance dans le montage et du coup le son était hyper important. Et en fait, ça se rejoint un petit peu parce que là, j'ai mon dernier vrai projet. perso en date, c'était Lomévio. En fait, j'ai un pote qui a un label qui s'appelle Hot Casa Records. Et lui, il produit des artistes togolais, des nouveaux artistes et des anciens artistes qui n'ont jamais eu de droit à la SACEM, des choses comme ça. Il a ressorti des vieilles chansons avec son label. Notamment Orlando Julius. Je ne sais pas si je pense que c'est une chanson que tout le monde connaît, parce que ça doit passer dans les pubs. J'avais eu ma fille peut-être un an avant et mon pote me montrait une vidéo de trois gamins sur la plage qui chantent et je trouve ça trop beau. Et en fait, il m'explique qu'un de ces groupes, Vodou Game, qui est un groupe franco-togolais, ils sont partis pendant le Covid faire un projet avec une association de gamins des rues, parce qu'il y en a beaucoup là-bas, il y a beaucoup d'enfants dans la rue. C'est un vrai problème de société au Togo. Et il m'explique qu'en fait, ils ont fait un gros stage, ils ont envoyé plein d'instruments là-bas, et pendant deux mois, ils ont donné des cours de musique dans cet assaut. Et à la fin, il y a plein de gamins qui sont partis avec des instruments pour les revendre, ou qui n'ont pas mordu au truc, parce qu'ils avaient d'autres priorités. Mais il y en a trois qui ont vraiment accroché à la musique et qui ont monté un groupe. Donc je trouve que l'histoire est trop belle. Et je lui dis, écoute... Paie-moi le billet d'avion, la prochaine fois que tu y vas, je viens avec toi, je te fais des images, mais sans prétention aucune. Vraiment aussi une excuse pour partir et faire des photos. J'en avais besoin, j'avais pas été en Afrique de l'Ouest depuis 20 ans. La dernière fois, c'était au Sénégal, chez ma meilleure amie de l'époque. Et je me suis dit, let's go quoi. Et donc on est partis pendant l'enregistrement de l'album. Donc c'était assez fou parce que c'était dans un studio assez dingue. Parce que c'est un studio qui a été... offerts au Togo par les Américains par la marque Scotch. Donc le Scotch. Ils en ont offert 4 dans le monde. Je crois qu'il y en a un en Europe, il y en a un au Japon, il y en a un au Togo. Enfin, je ne sais plus où est l'autre. Mais c'est des studios des années 70 qui n'ont pas bougé, qui sont dans leur jus. Ouais, c'est Autody, je crois qu'il s'appelle le studio. Que du numérique pour le coup. Tu vois, j'avais pris mes argentiques et tout, mais je pense qu'en fait, j'étais tellement dans... J'avais pas le temps, je pouvais pas, c'était compliqué. Il faisait chaud, j'avais les mains qui... qui collaient avec l'anti-moustique, avec la terre, avec la sueur. Je n'avais pas envie de rater les images. Et donc, je crois que j'ai mis de côté complètement mes argentiques. Là, j'ai shooté quasiment, enfin, beaucoup en macro. En fait, j'ai shooté avec ma caméra. Donc, c'était ma Sony FX3. Et du coup, j'ai deux objectifs. J'ai un 35 et 85 macro, du coup. Et donc, j'ai alterné ces deux optiques et j'ai créé cette série. En fait... J'y allais surtout pour filmer, mais j'ai quand même fait quelques images. Et le temps que le film se monte, c'est enfin en finition en ce moment. J'espère que je vais le livrer avant d'accoucher. Donc c'est mes dernières heures de montage dessus. Sauf qu'entre temps, je me suis dit, putain c'est con, on a des images. Ta mère, elle a une galerie, je dis ça à mon pote avec qui je suis partie. Elle a une galerie dans le Marais, faisons une vente de photos en fait. Je voulais pas gagner d'argent sur ce projet-là parce que j'ai pas envie d'utiliser l'image des enfants de rue pour capitaliser dessus. Mais on s'est dit, on se fait une petite expo, on vend les photos à 100 euros pièce et ça a bien marché. C'était trop cool en fait de faire ça parce que ça m'a permis déjà, moi... d'un point de vue complètement égoïste de montrer mon travail, de montrer cette série, d'avoir une actu aussi. Mais surtout, de récupérer plus de 2000 euros pour eux. Ça leur a payé leur formation, un toit aussi, parce qu'ils n'avaient pas de toit sur leur chambre. Et des matelas, donc c'était cool. Il y a cette image de Pascal, c'est le chanteur du groupe. En fait, déjà, les couleurs là-bas, les lumières, elles étaient assez folles au studio parce que... On avait un mur en tôle jaune où la lumière se réfléchissait dedans. Ça faisait un éclat sur les visages qui était assez dingue. Donc les images se faisaient un peu seules. Et il y a cette image où il a le visage coupé en deux par le flash, la synchro du flash qui est mal partie, qui a été mal réglée par moi-même. Et ouais, je trouve qu'elle est assez dingue. On a l'impression qu'il est en train de chanter dessus. Là, le prochain projet sur lequel je travaille, là je suis dans le stade de recherche encore, ça va se passer en Finlande. Il y aura toujours... En fait, j'ai envie de lier un peu ma pratique du documentaire et ma pratique plus plasticienne, où je vais aller un peu chercher de la texture et déformer l'image. Donc ça ne sera pas vraiment du documentaire, mais ça va questionner un peu cette question de documentaire. Mais on sera sur quelque chose de plus plasticien et un peu assez actuel sur les questions de... d'information. Je sens que le documentaire, j'ai pas envie de faire du documentaire pur et dur, j'ai envie de pouvoir raconter quelque chose mais en expérimentant vraiment l'image. Donc j'ai pas envie de me bloquer sur quelque chose de trop factuel. Et je pense que j'ai trouvé un peu le projet pour faire le lien entre ces deux esthétiques que j'ai aussi de photos assez brutes et en même temps... avec une retouche qui peut hyper pousser parfois, avec une lumière un peu trafiquée. Je suis assez positive sur l'avenir, je pense que de toute façon, il faut s'adapter. Il va y avoir des changements avec la photo, c'est sûr, mais en même temps, quand on est passé au numérique, tout le monde se disait ça, quand on est passé avec l'iPhone, tout le monde se disait ça. Je pense qu'il y a une suite logique aussi avec tous les progrès dans la photo. Et puis si on doit s'adapter et être des photographes comme on est aujourd'hui, on s'adaptera. Je pense que de toute façon, on est beaucoup, on arrive quand même à un stade où il n'y a plus vraiment de photographe star comme à l'époque. Je n'ai plus cette prétention de me dire je vais être la meilleure, je veux faire des photos qui me font kiffer, si je peux en vivre c'est trop bien. J'ai envie de raconter des choses. J'espère qu'on aura le droit de faire des expos en France dans quelques années. mais sinon à part ça ouais je suis assez positive Merci d'avoir écouté ce podcast vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcast vision si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis ça nous aide aussi beaucoup à très vite pour parler de photographie.

Description

Avant l’enregistrement, Emma me prévient : elle est enceinte de huit mois et souvent sujette à une forme d’essoufflement (selon la position du petit être dans son ventre), à des fous rires et à certaines envies pressantes. La situation est plutôt inédite, mais nous décidons tout de même de réaliser ce podcast.


Au-delà d’être une photographe très talentueuse, Emma me fait beaucoup rire à sa façon. Dans cet épisode, elle aborde aussi des sujets essentiels, comme le fait d’être mère et photographe, et la difficulté de jongler avec la crainte du jugement, le manque de travail et de temps, surtout lors de sa première grossesse.


Nous parlons également de Small Land, sa série sur des enfants qui grandissent dans le fief d’Ikea en Suède.

Un podcast drôle, passionnant et profondément humain.


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Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Transcription

  • Speaker #0

    Une production, un noyau studio. Avant l'enregistrement, Emma me prévient. Elle est enceinte de 8 mois et souvent sujette à une forme d'essoufflement, dépendant de la position du petit être dans son ventre, à des fous rires et à certaines envies pressantes. Bon, la configuration est assez inédite, mais on décide tout de même de réaliser ce podcast. Emma, au-delà d'être une photographe très talentueuse, me fait beaucoup rire, à sa façon. Elle aborde également dans le podcast des sujets importants, comme le fait d'être mère et photographe, et de jongler avec la crainte du jugement, du manque de travail et de temps. Surtout lors de sa première grossesse. Nous parlons aussi de sa série intitulée Smallland sur des enfants qui grandissent dans le fief d'Ikea en Suède. Un podcast drôle, passionnant et rempli d'humanité. Salut c'est Agnès Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. MPB, la plus grande plateforme de matériel photo et vidéo d'occasion, nous soutient tout au long de cette saison de vision. Si vous avez envie de tester, c'est vraiment l'occasion actuellement puisqu'MPB vous offre 5% de réduction, rien que pour vous, auditrices et auditeurs de vision, avec le code MPBPHOTO5, tout en majuscule, jusqu'au 30 mars 2025. Le code est bien sûr écrit en description de ce podcast avec un lien cliquable. D'ailleurs, si vous allez sur ce lien, c'est aussi une belle façon de nous soutenir, car ces podcasts sont possibles grâce à nos partenaires. Puis il y a aussi une autre façon de nous soutenir, c'est de vous abonner et puis de noter le podcast sur Spotify, Apple Podcasts par exemple, en mettant 5 étoiles, en laissant un commentaire. Voilà, ça permet de mieux nous référencer et de mieux nous faire connaître par un plus large public. Merci et bonne écoute.

  • Speaker #1

    Cette photographie, c'est une photo que j'ai prise au Togo en 2023, à Lomé. C'est un projet que j'ai fait sur dix jours avec un ami qui bosse dans la musique et qui travaille avec une asso, avec des enfants de la rue, et qui montait un groupe de musique. J'ai passé une dizaine de jours avec trois ados. Là, on est en macro, on est à l'intérieur de la bouche de quelqu'un. Je trouvais que c'était assez drôle de choisir ça, parce que ça montre à quel point... J'arrive un peu à m'immiscer dans l'intimité des gens. Je pense qu'elle représente un peu ma photographie, dans le sens où c'est assez cru, assez direct, mais il y a quand même un peu de poésie, que ce soit dans les tons, dans le flou. Là-bas, l'eau n'est pas potable, donc pour s'hydrater, on achète des petits sacs bleus en plastique, dans lesquels il y a des glaçons, et donc là, les gamins, ils s'amusaient. Ils s'amusaient à les mettre dans la bouche et on a fait des photos, tout simplement. Donc j'y suis allée avec mon macro, l'instinct, et j'ai fait cette image. Je pense que je ne l'ai même pas pensée avant de me retrouver à Paris avec mon ordi. Et j'ai trouvé cette photo assez dingue. Elle est un petit peu abstraite, en fait. On ne comprend pas forcément tout de suite quand on la voit. Je l'ai fait tirer en très grand et c'est assez dingue parce que j'ai l'impression d'être à l'intérieur. Je suis Emma Burley, je suis née à Paris. Je suis photographe. J'ai toujours été photographe, dans ma vie professionnelle en tout cas. Je suis née dans Paris, mais j'ai grandi à Montrouge jusqu'à mes 5 ans, après mes parents ont divorcé. Et je suis allée dans le 78 avec ma mère. Donc j'allais un peu sur Paris, mon père habitait après sur Paris. Donc j'étais entre Poissy en HLM et Paris dans le 8ème. Je voyais Serco faire son jogging. Près de l'Elysée, il travaille à la PHP, donc il avait des logements de fonction là-bas. Donc c'était assez drôle, j'avais un petit peu ces deux vies-là. J'étais quand même élevée par ma mère, mais j'avais ces deux vies un petit peu. Le week-end, avec mon père, on allait sur les champs, et donc c'était un petit peu différent. J'ai été élevée par ma mère, j'ai eu une éducation assez féministe. Ma mère, elle est moitié finlandaise. moitié libanaise, mais du coup elle m'a transmis un peu cette culture nordique où la femme a quand même un rôle assez fort dans la famille. En plus elle avait les deux rôles pour le coup. Le père est français avec des origines arméniennes. Et quand j'étais petite, j'habitais dans une usine de yaourt que mon arrière-grand-père arménien avait fait construire. Il a importé le yaourt en France en fait. Il s'est fait voler le brevet par Danone. On n'a jamais été les héritiers du yaourt en France, malheureusement. Je ne serais sûrement pas née d'ailleurs si ça avait été le cas. J'ai grandi dans cette usine à yaourt, qui n'était plus une usine à yaourt à ce moment-là, mais qui était louée pour autre chose. J'ai vécu un an à Londres quand j'avais 12 ans. Ma mère avait été mutée pour un an. J'ai changé complètement de vie à ce moment-là parce que je suis passée d'un... d'un immeuble à Poissy, d'un HLM à Poissy, une vie plutôt de quartier, un penthouse à Londres, une école internationale, un appartement de fonction, tout ça. Donc j'ai découvert un autre monde, on va dire. Je commençais un peu à parler anglais grâce à Britney Spears, mais je pense que le vocabulaire n'était pas ouf. On a vécu là-bas un an, j'ai appris l'anglais complètement, j'ai rien appris d'autre je pense. Mais on n'est pas resté trop longtemps, on n'est pas trop habitués non plus à ce mode de vie. Et on est rentré après à Poissy. où j'ai passé mon bac. Et ensuite, j'ai fait une prépa audiovisuelle sur un an. Je n'ai pas du tout aimé. En fait, tout le monde voulait faire du son. Donc, j'étais la seule à vouloir faire de l'image. Donc, je n'allais pas trop en cours. Et je faisais des photos. Du coup, à côté, je séchais un peu pour faire des photos. Je faisais vraiment des photos pour moi avec mes petits appareils argentiques, l'homographie à l'époque. Je me rappelle que je faisais des traductions en ligne pour le site l'homographie. Pour chaque traduction, j'avais les 5 euros sur le site à dépenser et du coup je me payais des Ausha comme ça, en plus de mon job chez McDo. Et j'ai découvert qu'on pouvait shooter avec des pellicules périmées et tout ça, donc je faisais pas mal de photos un peu expérimentales on va dire. En fait, j'ai fait du coup un bac L parce que je savais que je voulais faire de la photo mais je savais que c'était pas la meilleure option de faire un bac L, il fallait mieux faire un bac S. sauf que ça ne m'intéressait pas. Donc, j'ai quand même suivi mon instinct là-dessus. Et mes parents m'ont conseillé plutôt d'aller vers la vidéo en me disant qu'il y avait peut-être plus de débouchés. Mais je ne connaissais pas trop les écoles, les écoles privées, publiques. Donc, je me suis retrouvée dans ce truc audiovisuel qui ne m'a pas du tout plu. Et je me suis rendue compte que je séchais les cours pour faire des photos. Donc, c'était peut-être vraiment la photo que je voulais faire. Et après, j'ai fait une licence sur trois ans où je me suis un peu plus découverte. du coup. Licence de photographie dans une école privée à Paris qui m'a coûté très cher. J'ai l'impression que j'apprenais beaucoup en dehors. Ça m'a peut-être donné un cadre, mais j'ai quand même eu l'impression d'apprendre en faisant, en organisant mes propres trucs. Je voulais faire de la mode et c'était pas trop l'idée là-bas. C'était plus la photo plasticienne, documentaire. Moi, j'avais vraiment cet attrait pour la mode. Donc, j'organisais des trucs à côté avec des étudiantes et tout ça, en stylisme, avec des agences de mannequins. Et j'ai vraiment... plus eu l'impression d'apprendre toute seule en fait, donc j'étais pas hyper contente de ce parcours-là. J'aurais préféré qu'on me dise d'aller vers d'autres cursus, peut-être les arts déco, des choses comme ça pour apprendre... Enfin, je sais pas. J'étais pas hyper satisfaite en s'entendant de ça, mais... Et surtout, ça m'a pas ouvert beaucoup de portes, j'ai l'impression. Ça m'a appris le minimum de base en studio, mais je sais pas. C'était un peu une pompe à fric, j'ai l'impression, quand même. La double culture, du coup, je l'avais un petit peu parce qu'on voyageait quand même souvent en Finlande. Ma mère, elle est finlandaise, mais en Finlande, on parle suédois aussi. Donc, elle est de la minorité suédophone. On parlait suédois quand j'étais petite. J'entendais souvent parler suédois à la maison. C'est une culture qui m'est chère. Je pense que c'est marrant parce qu'on m'a déjà dit qu'il y avait quelque chose d'assez nordique dans le travail, que ce soit dans la lumière. C'est un photographe qui avait des origines finlandaises aussi qui m'avait dit ça. Ils ne savaient pas que j'étais d'origine finlandaise et ils me l'avaient sorti et ça m'avait fait rire. Après, je pense que j'ai plus une culture du sud que nordique pour le coup, dans ma façon d'être et tout ça. Je suis plutôt assez chaleureuse, assez extravertie, tout ça. Donc, je pense que j'ai plutôt chopé le côté français là-dessus ou méditerranéen, je ne sais pas. Je ne sais pas si ça se ressent. Après, c'est un endroit qui m'attire, c'est une région qui m'attire. J'aime bien m'en inspirer. Et le côté libanais, j'ai appris il y a cinq ans que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Donc je n'ai pas du tout baigné dans cette culture-là. Mais c'est quelque chose qui m'attire beaucoup et attire beaucoup ma mère. Parce qu'on n'a pas connu son père, son vrai père biologique. J'ai offert un test ADN et on s'est rendu compte que mon grand-père n'était pas mon grand-père. Ce qui explique certaines choses. Mais donc, on a découvert, on a de la famille qu'on a rencontrée et tout ça. Mais voilà, c'est un pays que j'aimerais bien découvrir, mais je n'ai pas du tout grandi dans cette culture libanaise. Mais du coup, c'est un peu deux mondes différents avec la Finlande. Mon père, il est généticien de profession, mais il est passionné de généalogie. Donc, il nous a aidés à retrouver justement mes oncles et tout ça. Et lui, il est complètement à fond là-dedans. Il est remonté, je crois, jusqu'à... jusqu'aux Mérovingiens sur notre branche familiale, sachant qu'il y a l'Arménie. Vu l'histoire, ce n'était pas toujours hyper facile de retrouver des racines là-bas. J'ai un souvenir de quand je devais avoir 7-8 ans. On était partis à la campagne chez des amis de ma mère, qui étaient un peu foufous. Dans ces amis, il y avait ma babysitter de l'époque, qui était devenue une amie de ma mère. Et en fait, c'était un couple d'amis et ils avaient un polaroïd. Je ne connaissais pas encore. Ils avaient un polaroïd et ils avaient fait une photo, ils avaient fait une blague à ma babysitter. Ils avaient ouvert la porte des toilettes, on l'inquiétait aux toilettes, et l'avaient prise en photo. Et j'avais trouvé ça vraiment marrant. Et je pense que c'est le premier souvenir que j'ai avec une image. Déjà, le fait d'avoir l'image qui sort, je trouvais ça trop génial et j'en voulais absolument. J'en voulais tout de suite. Je trouvais ça ouf. Et puis voilà, c'est le premier truc qui me revient. Puis il y avait ce côté un peu joué, je pense, qui du coup plaît encore plus aux gamins. Bon, ça coûtait hyper cher déjà à l'époque, les Polaroïds. Ce n'était pas le truc qu'on laissait aux enfants. Mais je me rappelle après qu'on en a eu un. Et j'ai toujours ces images et c'est trop génial. J'ai vraiment été marquée par l'oeuvre de Wolfgang Tillmans, que ce soit dans ses images, dans ses scénos, et dans son évolution aussi en tant que photographe, parce qu'il faisait vraiment des photos très brutes, très docus. Il photographiait son environnement, il photographiait ses amis, et il est passé sur quelque chose de très plasticien. Et en fait, c'est ça qui me plaît chez lui, c'est qu'il n'a pas un genre attitré, il n'a pas eu peur de sortir alors que ça marchait bien. En plus, il a commencé à faire pas mal de mode à un moment et tout ça. Et il n'a pas eu peur de switcher complètement et d'aller essayer, expérimenter d'autres thèmes de la photo. En fait, j'aimerais m'affranchir un peu de ce truc où il faut toujours faire la même chose, montrer qu'on est bon dans un truc, qu'on est vraiment bon dans un truc. Je pense qu'on peut être bon dans plein de domaines. C'est sûr qu'il faut du temps pour manier quelque chose à fond. Mais je n'ai pas envie de me fermer. Si j'ai envie de faire une nature morte, j'ai envie de faire une nature morte en fait. Si j'ai envie de faire cette image-là, il faut que je la fasse. Après je pense que oui, il faut garder un cadre pour savoir. Et encore franchement, je pense que je me suis longtemps un peu torturée avec ça. De me dire, il faut tout intellectualiser, il faut mettre des limites. Alors qu'en fait, c'est pas du tout comme ça que je fonctionne, même moi personnellement. Donc si j'ai envie d'aller vers quelque chose, j'ai envie d'écouter mon instinct. Je pense que ça marche peut-être pas pour tout le monde. Mais j'ai envie d'aller vers ça. Et c'est vrai que ce soit du coup Wolfgang Tillmans ou même Ryan McKinley, que j'aime beaucoup, qui a des photos très brutes aussi, très naturelles, avec le minimum de lumière artificielle ou même pas du tout. Et derrière, il expérimente aussi vachement les couleurs, le film, le médium. Et je trouve que du coup, ça marche quand même bien ensemble. Je pense que ce qu'on a envie de raconter... Il se ressent en fait dans Ausha, dans notre editing, et il ne faut pas forcément rester bloqué dans une case. Mon approche de la photo, par rapport au médium en tout cas, ça a pas mal évolué. J'ai commencé avec de l'argentique, avec des pellicules périmées. Mes profs d'ailleurs en école me refilaient leur stock de vieilles Ausha, de vieilles ectachromes qui avaient plus de 20 ans. Donc j'ai expérimenté pas mal là-dessus. Et après j'ai quand même... Je suis passée un peu au numérique, je me suis fait voler mon boîtier numérique. J'ai décidé de ne pas en racheter et de faire que du moyen format. Ça, c'était, je pense, 2018-2019. Et donc, j'ai fait une série entre 2017 et 2019, totalement en moyen format, avec un Mamiya 7 II, que je scannais moi-même, parce que ça coûtait cher de faire le scanner en labo. Donc, je pense que ma pratique, elle a aussi évolué en fonction de mes revenus en tant que photographe. Avant, je scannais tout moi-même, j'utilisais des pellicules qu'on me filait. Après, j'ai commencé à faire que de la portrait. à faire scanner en labo. Alors que j'aimais bien, après faire moi-même mes propres scans et tout ça, mais c'était peut-être une question de temps aussi. Donc je pense que ça a évolué pas mal comme ça. Puis avec le travail de commande, surtout pour la presse, j'ai fait plus de numérique en fait, parce qu'il y avait la question déjà du budget et la question du temps. Après j'avais la chance de faire pas mal de reportages pour Aime le Monde où on défrayait les pellicules, donc ça c'était cool. Et c'est une autre approche, après je pense que je me suis sentie un petit peu limitée aussi par l'argentique à un moment. Je pense qu'avec le numérique, j'ai eu l'impression de rater moins d'opportunités. Parce qu'en plus, en travaillant au moyen format, tu dois poser vraiment les choses pour être sûre de ne pas rater ton image. Et je pense qu'il y a un moment où ça cassait un peu avec ma façon de prendre des photos, où il faut que ça aille vite. En plus, je fais beaucoup de photos avec des enfants, donc il faut choper le bon moment. Il y a un moment, j'en avais marre d'avoir des photos floues, je pense. Et puis surtout, c'est onéreux. Et du coup, je suis... Je pense que j'ai mis ça un peu de côté. Après, quand j'en fais, que je reçois mes scans, je me dis « putain, j'en fais pas assez, ça me manque trop, c'est trop bien » . Mais je pense que c'est pas... Je sais pas, peut-être que aussi, c'est devenu un peu trop un effet de mode aussi. J'ai pas trouvé que ça te renforçait de faire de l'argentique plus que du numérique. Après, j'aime bien travailler le film périmé. J'aime bien avoir des surprises, en fait. C'est ça qui me plaisait dans l'argentique. Et là, en retouche, après forcément, tu as une meilleure qualité et tout ça de base. Mais je suis assez... Je pense que ma façon de retoucher, elle est un peu comme ma façon de shooter. C'est assez instinctif, en fait. Je n'ai pas de preset. J'ai des configurations qui reviennent souvent. Mais en fait, j'essaye. J'essaye, j'avance, je bouge mes curseurs. Et puis si ça me plaît, c'est cool et je le garde. Mais je n'ai pas d'idée préconçue de comment je vais retoucher ma photo avant. Si je la passe en noir et blanc, c'est parce que je la trouve bien en noir et blanc. Et basta, quoi. Mais j'aime bien aller un peu plus loin, parfois, et travailler. Et puis, j'ai pas peur de détruire un peu la matière, de casser un peu l'image, quoi. Je faisais pas mal à un moment... Quand j'ai commencé, en fait, j'ai bossé avec un collectif qui s'appelait Splint Factory. Et c'était un magazine, à la base, qui a évolué en soirée gay techno. Et je m'occupais de l'image, en fait. Donc, je filmais toutes les soirées. C'était assez drôle, c'était dans des caves, il y avait des lumières un peu bleues, rouges. Je filmais tout avec un vieux caméscope des années 90. Et en fait, j'ai fait pas mal de captures d'écran de ces vidéos. Je les tirais à fond sur des grands formats et c'était hyper pixelisé, c'était trop beau. Donc j'aime bien détruire un peu, même la pellicule qui s'est imprimée, le papier qui s'est imprimé sur le film, sur le moyen format, c'est canon. Ça donne un aspect... Limite peinture, des images. Le problème avec le numérique, c'est que ça peut être un peu lisse parfois. J'aime bien aller même imprimer une image, la rescanner. Dans mes sujets un peu récurrents, je fais beaucoup de portraits. J'adore l'humain en fait, c'est vraiment ça qui me plaît. Puis à force d'en faire, il y a un peu un mécanisme qui s'installe, tu commences à comprendre, à cibler les différentes personnalités. Moi ma technique c'est de mettre les gens à l'aise et du coup de mettre les pieds dans le plat, direct. Même quand l'ambiance est un petit peu... Elle n'est pas là, quoi. J'y vais et puis je me dis, si moi j'ai l'air ridicule, limite, eux vont se sentir bien. Donc j'essaie de les mettre à l'aise. Après, j'aime beaucoup shooter les enfants, les enfants et les jeunes, parce qu'ils n'ont pas ce même rapport à l'image que nous. Ils ont moins peur d'avoir l'air ridicule. Donc il y a une véracité, il y a un truc qui sort forcément. Ils s'en foutent que tu fasses une bonne image, tu vois. Donc, c'est à toi de venir prendre ton truc. Et ça, c'est cool parce que c'est quelque chose que tu peux retrouver à la fois sur du commercial, tu shoots des enfants sur une campagne. Alors certes, c'est des enfants qui sont en agence, mais ça reste des gamins. Donc, ils vont être les mêmes que sur ton projet perso. Et du coup, tu retrouves toujours cette authenticité. Je suis maman depuis 4 ans, et je trouve que c'est un luxe de pouvoir être parent et à son compte, indépendant. Je peux arranger mon planning avec ma fille autant que je peux, autant que je veux. Après, il y a des moments de rush, forcément, où c'est un peu plus compliqué, mais j'ai la chance d'avoir un mec qui est aussi à son compte, donc on s'arrange. Ma fille, elle a vite compris ce que je faisais, puisque je la fais participer quand je monte une expo. Là mon expo, l'homme est vieux, on a fait des cadres en famille, on était à l'atelier de mon mari, on a tout fait ensemble, c'était trop chouette. Et je pense que ça... C'est génial de pouvoir assister à ça, de voir comment tes parents travaillent, de voir qu'ils aiment ce que tu fais. Quand je suis tombée enceinte, c'était en 2020, c'était le jour du déconfinement que je suis tombée enceinte. Et c'était assez incertain pour moi de l'avenir, parce que je commençais enfin à gagner ma vie en tant que photographe. Puis il y a eu le Covid, donc je ne savais pas du tout comment ça allait reprendre. Et donc ouais, je pense que je devais gagner un demi-smic par mois. Donc c'était un peu chaud, j'étais entre deux apparts. Et j'avais commencé à bosser pour la presse, mais pas de façon régulière encore. Donc, je n'étais pas très installée dans la photo. Et donc, je me suis dit que si mes clients savaient que j'étais enceinte, ça serait fini pour moi. Je me suis dit, je ne vais pas le dire. Je ne vais pas le dire. Et je pense que j'ai eu raison parce qu'on m'a quand même sorti sur un shoot campagne. Si j'avais su que tu étais enceinte, je pense que oui, je n'aurais pas pris le risque. Voilà, honnêtement. Donc j'étais contente. Après, ce n'était pas le cas de tout le monde du tout. Il y en a qui le prenaient très bien et qui savent que ça ne m'empêchait pas de faire des images. Et au final, j'ai beaucoup bossé cette année-là parce que c'était la reprise après le Covid. Donc j'ai beaucoup travaillé. Après, je ne sais pas si c'est les efforts que j'avais mis en place avant qui commençaient à payer ou si c'était une déterre que je me suis mise parce que je me suis dit que si ça ne marchait pas... Ah ben... Je ne pouvais pas être mère et en galère. Donc si la photo ne marchait pas, je ferais autre chose. C'était un petit peu le one shot. Il faut que ça marche. Ça faisait quelques mois déjà que je commençais à avoir du travail régulier et tout ça. Mais je pense que j'ai enchaîné les projets, les projets perso, les images. J'ai posté beaucoup, je pense. Je pense que c'est un outil qu'on a. Mais ouais, j'ai fait ma première couve pour Libé, j'étais enceinte. J'ai fait ma première couve pour de la mode, c'était le magazine Paulette à l'époque. J'étais enceinte, j'étais enceinte de cinq mois. Il venait, je crois, de dire que c'était le deuxième confinement. Donc on s'est retrouvés. Dans un hôtel, mais il n'y avait rien à manger. C'était la galère, je me rappelle. On a shooté pendant cinq jours sur des plages bretonnes en octobre, novembre. Tout en argentique d'ailleurs à l'époque. J'avais mon gros moyen format et mon gros bide. Et c'était trop chouette. Après c'était différent avec Paulette parce que c'était un environnement très féminin et très bienveillant. Donc ça pour le coup, elle, elle l'entend. très bien pris le fait que je sois enceinte, c'était même génial, je trouvais ça même génial. Mais ouais, je pense que du coup, il y avait un truc, il y avait une aura, je sais pas. Quelques jours après avoir accouché, j'ai reçu plusieurs appels de la presse pour des portraits, sauf qu'aucune rédac savait que j'étais en congé mat, donc j'ai trouvé des excuses, j'ai dit que j'étais pas dispo, ou que j'étais qu'à contact à l'époque. Sauf qu'au bout de trois appels de l'IB, je me suis dit, je pense que c'était pas du tout vrai en plus, mais je me suis dit si je... si je suis encore pas dispo, comme je fais partie des photographes qui bossent pour eux depuis pas longtemps, ils me rappelleront plus. Donc j'ai dit oui. Sauf que j'avais accouché deux semaines avant à peine, et à l'époque j'allaitais, donc je pouvais pas me séparer de ma fille très longtemps. Je pense que je pouvais pas me séparer d'elle pendant plus d'une heure. Donc je me rappelle mon mec qui m'accompagne au portrait, qui m'attend avec le bébé tout petit dans la voiture, moi qui monte vite. C'était un sujet sur des cours de yoga dans Paris pour des jeunes qui étaient un peu isolés. Et je me rappelle monter les escaliers et la tête qui tourne. Je crois que je n'étais pas sortie de chez moi encore. Je me dis mais qu'est-ce que je suis en train de foutre vraiment ? C'est n'importe quoi. Et en fait, ça m'a fait grave du bien parce que je suis photographe. Je suis pas que mère. Et en fait, j'avais besoin aussi de faire un truc pour moi. Et donc, ça m'a fait du bien. Donc là, je suis enceinte de mon deuxième enfant. très enceinte d'ailleurs, là tout de suite et j'ai caché à personne ma grossesse j'ai même posté des photos de moi avec mon ventre et tout ça donc c'est pas quelque chose qui m'a fait peur cette fois-ci peut-être parce que j'ai plus confiance en moi aussi en tant que photographe et aussi je pense qu'on parle un peu plus de maternité qu'il y a 4 ans alors est-ce que c'est parce que les gens de mon âge commencent à faire des gosses ou il y a limite un truc un peu cool d'être une maman maintenant ou... avec les réseaux sociaux tout ça, je sais pas. Mais ça m'a pas du tout empêchée de travailler, au contraire. On m'a proposé du travail jusqu'à la fin. J'ai refusé une campagne parce que ça arrivait dix jours avant mon terme et ce n'était pas sérieux. Mais sinon, je sais qu'il y a des rédacs qui m'ont carrément dit « Tu nous dis quand tu es ready pour revenir et kiffe bien. Prends ton temps et t'inquiète. En gros, ta place est gardée. Il n'y a pas de souci. » Et c'est vrai que peut-être on nous rassure pas assez là-dessus. On a l'impression que vraiment... Devenir mère, c'est la fin de la créativité, c'est la fin des opportunités, alors que je pense que c'est comment toi tu gères le truc en fait. Je suis obligée de me lever tous les matins, donc j'ai le temps de travailler. Il y a forcément des choses que je fais moins qu'avant, je sors moins, je fais moins à des événements, mais ça c'est temporaire aussi. Les enfants, ça grandit, donc je pense que c'est pas non plus un frein. Pour le coup, ton enfant, tu peux aussi le prendre avec toi. C'est aux autres de s'adapter, c'est pas à toi. J'ai pas eu envie de faire un choix entre être mère et être artiste. J'ai pas envie de me priver de quelque chose dont j'ai envie, en fait. Peut-être que oui, ça va moins vite après, peut-être pas. Parce qu'au final, tu vas à l'essentiel, en fait. Déjà, t'es obligée de gagner ta vie. Peut-être, ouais, tu fais peut-être moins de travail perso. Moi, j'en ai moins fait parce qu'il y avait cette urgence aussi de pouvoir gagner ma vie. Mais quand ma fille a eu un an, je suis partie au Togo. J'ai eu cette opportunité-là de partir pour moi, en fait, et j'en avais besoin. Et voilà, j'ai dit à mon mec, je pars dix jours, j'ai besoin de bouger, j'ai besoin de voir autre chose, j'ai besoin de faire des images. Et comme ça s'est présenté, j'y suis allée, ça m'a fait grave du bien. Mais c'est vrai que... Après, tout travail commercial, quand tu commences à faire pas mal de commercial, ça te prend beaucoup de temps et ça appelle d'autres taffes commerciaux. Et du coup, il faut trouver cet équilibre-là. C'est clair, entre la vie de famille, le travail de photographe, le travail de photographe, mais ton travail perso, ce que tu as envie de faire pour toi, il faut trouver le temps. C'est plutôt le temps. Tu as forcément un peu moins de temps et en même temps, tu fais moins la fête.

  • Speaker #0

    En 2016, ma mère est partie vivre en Suède avec ma petite sœur, qui avait 4 ans à l'époque. On a 17 ans d'écart. Ça faisait 15 ans que ma mère bossait pour Ikea. Et elle est déménagée dans le fief d'Ikea en Suède, la ville Ikea, qui s'appelle Helmhult, qui est une petite ville du sud de la Suède, un peu perdue dans la campagne, à deux heures de train de Copenhague. C'est accessible via Copenhague. Et j'ai trouvé assez dingue cette ville parce que c'est vraiment un truc paumé où il n'y a pas grand chose, mais il y a plus de 100 nationalités différentes qui cohabitent parce que Ikea. Et donc ma mère a déménagé là-bas avec ma sœur, donc je suis très proche et donc j'y suis allée souvent. J'ai commencé à y aller souvent, je me suis dit il y a quand même un truc à faire là-dessus parce que c'est assez dingue tous ces enfants dans ce bled paumé quoi. Et je voulais aussi peut-être avoir un lien, un truc qui me... J'allais y aller dans tous les cas, donc je me suis dit, ça va peut-être permettre de... Comme j'ai vécu le truc par le prisme de ma petite sœur, ça me permettait de garder une trace, de suivre son évolution. Et donc de 2017 à 2019, j'ai photographié les enfants de Helmholtz. C'est une série qui s'appelle Small Land, en deux mots, mais cette ville est dans la région du Small Land, qui est une région assez... pauvre de la Suède, où les terres sont un peu rocailleuses, il y a très peu de choses qui poussent et tout ça. Et donc, Ikea est né là-bas. Ce qui est assez dingue, c'est que l'entreprise a gardé ses sièges là-bas, alors que c'est vraiment paumé. Ils auraient pu aller à Malmö, à Stockholm. Et donc, ils imposent un peu aux gens de bouger là-bas. Comme je suis très proche de ma mère et de ma sœur, j'y allais, et j'y allais même parfois pour la garder quand ma mère avait des déplacements. Donc, j'y restais assez longtemps. J'y suis allée, je pense, l'équivalent de deux mois sur ces trois ans, même un peu plus peut-être. Comme ma sœur était à l'école là-bas, elle avait plein de copains, plein de copines. Et je trouvais ça assez fou de voir comment ils vivaient ensemble. Parce que juste avant, on était en France et il y avait toujours ce truc d'où tu viens, c'est quoi tes origines. Ma sœur, elle est métisse. On nous demandait tout le temps d'où elle venait. Alors que là-bas, il n'y avait pas de copains. Pas du tout ce truc-là et j'ai trouvé ça assez fou en fait. Ouais, c'est des enfants en fait et ils jouent ensemble et ça suffit quoi. Le reste on s'en fout, on vient tous. Ils venaient tous d'un truc, c'était d'Ikea. Enfin ils venaient tous de parents Ikea. Et c'est ça qui les rassemblait. C'était limite les suédois les différents parce que il y avait les locaux du coup et les expats, enfin les enfants d'expats. Et ça m'a tout de suite touchée un peu en fait de voir ça. Et j'avais envie de raconter cette histoire-là, même si Ikea, c'est une entreprise qui est complexe, qui a une histoire complexe, avec une Varkamprad, le fondateur, qui est personne avec un passé complexe. Dans cette série, ce n'est pas quelque chose qui est très présent. On est vraiment sur les enfants, en fait. Après, ça aurait pu être la ville Lego, ça aurait pu être une autre ville-entreprise. Mais c'est plutôt comment on grandit là-dedans. Moi-même, j'étais un peu un enfant Ikea au final. Quand j'ai déménagé à Londres, c'était pour Ikea. Donc je connaissais, puis comme elle me parle beaucoup, je connaissais tous les termes, les termes professionnels même, les produits, les produits chez moi, mon environnement qui changeait en fonction des saisons. Mais c'est ça aussi que j'ai trouvé chouette, c'est que par rapport à une autre entreprise, Ikea c'est quelque chose qui s'immisce chez toi. Quand j'allais chez ces enfants, que ce soit des Pakistanais ou des Belges, ils avaient des trucs Ikea et des trucs de chez eux. Donc ça donne des images avec un tableau de New York et une espèce de siège en bois sculpté. Pour citer une image de la série, une qui m'est chère, celle d'un petit garçon. On dirait qu'il est en train de danser. Il y a la lumière du coucher de soleil, donc je pense qu'il doit être à 15h30. En fait, il fait du trampoline. Et j'aime beaucoup cette image parce que c'est un petit garçon qui était assez vif. Il me faisait penser à Jim Carrey, d'ailleurs. Il était un peu foufou. C'était un petit Belge. Et dans cette image, il y a un truc hyper doux. On dirait qu'il est en train de... Ouais, de... Je sais pas, de... De danser, quoi. Alors qu'en fait, il est en train de sauter, de faire le con dans le jardin de ma mère, d'ailleurs. Cette photo est dans le jardin de ma mère. Et pour moi, c'est vraiment la Suède, parce qu'il y a des trampolines dans tous les jardins. On voit qu'il y a une forêt derrière. Il y a une lumière qu'on n'a que là-bas. D'ailleurs, la lumière, c'était un sujet là-bas, parce que c'est vrai que l'hiver... Bah, si tu t'es pas levée pour faire ta photo, la journée est finie. La lumière dorée comme ça, c'est celle de l'été surtout. Parce qu'après, le l'hiver, t'as quand même quelque chose de... Ça dure pas longtemps, mais quand c'est là, c'est beau. Ma mère habitait à côté d'un lac et c'est vrai qu'on était tout le temps dehors. Il y a un truc qu'on n'a pas ici, on n'est pas dehors autant. Alors qu'il fait moins froid quand même. J'ai fini cette série juste avant le Covid et pas exposée récemment. Et en fait, j'ai eu un peu un arrière-goût. J'ai eu du mal à me détacher de ça. Ma mère, après avoir vécu en Suède, elle a été mutée au Mexique pour Ikea. Et elle s'est fait licencier de façon pas très cool. Elle s'est retrouvée dans une situation vraiment, vraiment difficile. Et j'ai eu du mal, j'avais peur en fait de mettre cette société en avant en montrant ce travail. Donc je l'ai un peu mis de côté. Mais ouais, le sujet, c'est pas cette société en particulier. Et on le voit quasiment pas, en fait, dans la série. Sauf si on connaît tel ou tel meuble. Mais ça peut être dans n'importe quelle image, comme c'est déjà partout. Faire le pont entre mon travail perso et mon travail plus de commande, je pense que c'est très compliqué. Parce que quand t'as besoin de gagner de l'argent pour te nourrir, te loger, bah... que tu peux compter que sur toi, je pense qu'être 100% raccord tout le temps et faire aucun compromis, ou même choisir tes clients et de rien accepter qu'ils ne rentreraient pas dans ta ligne directive, je pense que c'est très compliqué. Je pense qu'il faut être très privilégié pour pouvoir faire ça. Ou alors, il faudrait limite avoir un autre job qui n'est pas du tout en lien avec la photo. Mais dans ce cas-là, moi je l'ai fait, j'ai été serveuse pendant des années et je me suis mis le couteau sous la gorge en me disant si je continue à bosser dans un bar, je ne serai pas jamais photographe. Et du coup, j'ai arrêté de bosser dans ce bar et je suis devenue photographe. Ça a pris un peu de temps, je faisais des extras, je suis partie vivre à Lille, en me disant, vaut mieux avoir moins d'argent à Lille qu'à Paris. Et je revenais à Paris faire des extras, c'était un peu n'importe quoi la transition, mais ça a marché comme ça. Quand tu es sur un projet perso, il n'y a que toi qui prends les décisions, même si tu peux demander des conseils et tout ça. Quand tu es en commande, tu as forcément l'avis de quelqu'un d'autre à prendre en compte sur la décision, sur l'image qui va rester. donc c'est pas évident mais après je pense que les gens viennent aussi te chercher pour une raison et parce qu'ils aiment ton style après voilà il y a ce que tu montres ce que tu montres pas l'editing, je pense que ta façon de choisir tes images aussi fait que ça te ressemble ou non mais je pense qu'on se prend beaucoup la tête aussi là dessus ça peut être même une torture parfois, tu choisis pas toujours tes sujets, c'est pas forcément des gueules que t'as envie de montrer et Mais ça fait partie du métier de photographe aussi, je pense. Par rapport au temps en partie, par exemple sur une commande, non, je suis assez relaxe parce qu'en fait, je vais vite de base. Parce que c'est vrai que ça arrive que sur une photo de presse, t'es cinq minutes ou moins. Je pense que la photo... En tout cas, pour moi, la photo, elle est là ou elle n'est pas là. Tu arrives, tu analyses ce que tu as autour de toi. Tu sais si tu vas faire une bonne image ou pas. À moins qu'il se passe un truc de dingue, que la personne te sorte quelque chose d'incroyable. Si le gars, tu arrives, tu es dans une chambre d'hôtel, il y a quatre murs gris et un mec avec une chemise parpassée qui fait la gueule, ça va être challengeant. Après, c'est ça que j'aime bien aussi. Mais je pense que moi, à partir du moment où j'ai l'image, je ne vais pas trop pousser. Si je sais que je l'ai, je l'ai. ça m'arrive de regretter un peu parfois de me dire j'aurais peut-être dû pousser un peu plus je sais pas et en même temps tu te dis si tu pousses trop les gens ils ont plus rien à te donner non plus donc ouais moi c'est pas quelque chose le fait de pas avoir beaucoup de temps ça peut être frustrant parfois mais c'est pas quelque chose qui me... ouais justement ça me dérange pas du tout. Sur des séries plus longues comme Small Land je sais pas combien de fois j'ai dû tirer les photos pour les mettre par terre tout analyser même encore aujourd'hui des fois je me dis pourquoi j'ai pas mis celle-là il y en a qui est... Oui, puis en plus, il y en a où on est attaché. En plus, là, il y avait pas mal d'images de ma petite sœur. On est attaché à un moment aussi, à un contexte, alors qu'en fait, ce n'est pas forcément une image qui est bien. Ou alors, elle ne rentre vraiment pas dans la série esthétiquement. Mais oui, alors que quand je dois rendre assez vite les choses, je rentre chez moi, j'édite et puis j'envoie. J'hésite entre deux portraits. Alors les deux, j'ai fait dans une forêt, donc c'est assez drôle. Le premier, c'était à Philadelphie. C'était pour un magazine qui s'appelait iHeart, qui n'existe plus aujourd'hui. On partait deux mois, enfin je dis on parce que je l'ai fait plusieurs fois, on partait deux mois à l'étranger pour documenter toute une ville, sa scène culturelle, des artistes un peu établis et d'autres émergents, et des restos et des hôtels. Donc il y avait un peu de tout. C'était assez formateur parce qu'on touchait à tout. C'était assez intense et du coup j'ai pu faire... Mes premiers portraits avec ce magazine, et notamment pour iHeart Philadelphia, c'était en 2016. Je m'en rappelle très bien parce qu'on était là-bas pendant que Trump a été élu la première fois. C'était assez spécial comme moment. Et quelques jours après, on part faire le portrait de Kurt Weill. Et c'était n'importe quoi parce que c'était complètement désorganisé. On était en contact direct avec lui. Il nous appelle en disant « c'est bon, vous pouvez venir, venez chez moi » . Et on arrive et il nous dit « je suis en train de déménager » . Donc il était en train de déménager. Et on est partis avec lui dans sa camionnette. C'était vraiment chelou. Et on a commencé à faire l'interview là-bas. Et c'est vraiment le plus l'anecdote que la photo en soi qui me marque. Mais je pensais que j'allais mourir ce jour-là. Parce qu'il n'arrêtait pas de faire des bruits un peu étranges. Et donc je me rappelle, avec la rédaction, on se regardait en mode... Désolée. On s'est retrouvés dans la forêt de sa nouvelle maison. Et on a eu genre trois minutes pour faire les photos parce qu'après il voulait plus. Alors qu'on s'était tapé quand même de la route. Et après on n'avait aucun moyen de rentrer dans le centre de Philly. Donc c'était assez cocasse. C'est une photo de lui dans les bois avec ses longs cheveux en pleine automne. Et la deuxième image c'était pour Obi. J'habitais à Lille à l'époque et j'avais fait la fête avec ma meilleure amie. Et le lendemain j'avais un portrait avec le... le créateur de l'émission Striptease, Jean Libon. J'adorais cette émission. Je pars à Bruxelles, où il m'attend. C'est quand même un papy que je n'avais jamais vu. J'arrive, il vient me chercher à la gare. Je pensais qu'on allait faire une photo dans Bruxelles à côté de la gare, comme un portrait normal. En fait, il me fait monter dans sa vieille bagnole, une petite Clio, un truc. Et on roule, on roule, je ne sais pas où on va. Et je me dis, je vais... Je me dis encore je vais mourir quoi. Je me retrouve avec quand même un mec qui a créé Striptease quoi. Et en fait on se retrouve dans cette forêt, c'était juste hyper cool. On a pris le temps de faire des images et les photos étaient assez chouettes. La place du doute dans ma vie ? Jamais, jamais. Moi, je suis sûre de tout ce que je fais. Non, je dirais plutôt que c'est omniprésent. Mais c'est bien, c'est ça qui fait avancer. Ça peut être un peu déprimant parfois. C'est un métier où on est assez seule, en fait, je pense. Là, je revois un peu plus des copines photographes, et ça me fait vachement du bien de parler de tout ça. Parce qu'en plus, avec les réseaux sociaux, on a tendance à montrer que les trucs cools qu'on fait, qui nous arrivent. On parle très peu de ça en fait, des moments de down, des moments de stress, parce qu'il y a des moments où il y a moins de boulot que d'autres. Il y a des moments où on se dit mais je suis nulle en fait, ou alors il y a plein de gens qui font mieux que moi. Et justement, par rapport à la chanson que tu m'as demandé de choisir, j'en avais trouvé une qui me faisait penser un peu à ça, c'était Lemonade de Coco Rosi. C'est une chanson où les couplets sont très lents, très mélancoliques, un peu glauques en fait. Et les refrains hyper joyeux, avec un tempo beaucoup plus rapide. Et ça m'a fait vachement penser à ça, à ces moments où les couplets, ce seraient les moments de remise en question, où t'es un petit peu au fond du trou, t'es un peu déprimée parfois. Et où t'es justement en train de te poser un million de questions. Est-ce que je vais dans la bonne direction ? Est-ce que c'est cohérent ? Moi, c'est ça, ce truc de la cohérence qui me stresse. Alors que quand j'entends des avis extérieurs, c'est pas du tout ce qui ressort. Et ces moments où les refrains, ce serait les moments où je shoot, où je suis comme une dingue et ça fait trop du bien. Et je rentre chez moi et c'est passé hyper vite et je me rends compte que je suis bonne à ce que je fais et que je sais le faire. Et en fait, ça fait quand même longtemps que je le fais et que je connais mon taf. Et ce qui est génial dans ce métier-là, c'est qu'on apprend tout le temps. J'ai l'impression qu'on monte toujours sur un skills. supérieure à chaque fois qu'on rencontre une difficulté. Et après, il y a le couplet qui revient, et puis le refrain qui revient. Mais je pense qu'on avance aussi comme ça. Il n'y a pas de monotonie, et c'est ça qui est cool aussi dans ce métier-là. La musique, ça a toujours été quelque chose d'important. J'en ai fait, j'ai chanté dans des groupes. Je fais beaucoup de karaoké. C'est très important pour moi, c'est mon exutoire. Et j'ai un rapport à la musique qui est très fort. Si j'avais eu plus de courage, je pense que j'aurais voulu faire ça. Mais bon, pour moi, c'est encore un autre level. Il faut vraiment être très très très bon pour... Et je pense que je n'avais pas ce truc de la technique, je n'étais pas assez méticuleuse, j'ai arrêté la guitare dès qu'il fallait apprendre le solfège. Et du coup, je pense que ce n'était pas assez immédiat pour moi par rapport à la photo. Donc c'est pour ça que j'ai choisi ça. Quand on avait Splint Factory encore et que je faisais des vidéos de soirée, je montais vraiment sur la musique et limite le montage, c'était quelque chose où je rentrais un peu en trance dans le montage et du coup le son était hyper important. Et en fait, ça se rejoint un petit peu parce que là, j'ai mon dernier vrai projet. perso en date, c'était Lomévio. En fait, j'ai un pote qui a un label qui s'appelle Hot Casa Records. Et lui, il produit des artistes togolais, des nouveaux artistes et des anciens artistes qui n'ont jamais eu de droit à la SACEM, des choses comme ça. Il a ressorti des vieilles chansons avec son label. Notamment Orlando Julius. Je ne sais pas si je pense que c'est une chanson que tout le monde connaît, parce que ça doit passer dans les pubs. J'avais eu ma fille peut-être un an avant et mon pote me montrait une vidéo de trois gamins sur la plage qui chantent et je trouve ça trop beau. Et en fait, il m'explique qu'un de ces groupes, Vodou Game, qui est un groupe franco-togolais, ils sont partis pendant le Covid faire un projet avec une association de gamins des rues, parce qu'il y en a beaucoup là-bas, il y a beaucoup d'enfants dans la rue. C'est un vrai problème de société au Togo. Et il m'explique qu'en fait, ils ont fait un gros stage, ils ont envoyé plein d'instruments là-bas, et pendant deux mois, ils ont donné des cours de musique dans cet assaut. Et à la fin, il y a plein de gamins qui sont partis avec des instruments pour les revendre, ou qui n'ont pas mordu au truc, parce qu'ils avaient d'autres priorités. Mais il y en a trois qui ont vraiment accroché à la musique et qui ont monté un groupe. Donc je trouve que l'histoire est trop belle. Et je lui dis, écoute... Paie-moi le billet d'avion, la prochaine fois que tu y vas, je viens avec toi, je te fais des images, mais sans prétention aucune. Vraiment aussi une excuse pour partir et faire des photos. J'en avais besoin, j'avais pas été en Afrique de l'Ouest depuis 20 ans. La dernière fois, c'était au Sénégal, chez ma meilleure amie de l'époque. Et je me suis dit, let's go quoi. Et donc on est partis pendant l'enregistrement de l'album. Donc c'était assez fou parce que c'était dans un studio assez dingue. Parce que c'est un studio qui a été... offerts au Togo par les Américains par la marque Scotch. Donc le Scotch. Ils en ont offert 4 dans le monde. Je crois qu'il y en a un en Europe, il y en a un au Japon, il y en a un au Togo. Enfin, je ne sais plus où est l'autre. Mais c'est des studios des années 70 qui n'ont pas bougé, qui sont dans leur jus. Ouais, c'est Autody, je crois qu'il s'appelle le studio. Que du numérique pour le coup. Tu vois, j'avais pris mes argentiques et tout, mais je pense qu'en fait, j'étais tellement dans... J'avais pas le temps, je pouvais pas, c'était compliqué. Il faisait chaud, j'avais les mains qui... qui collaient avec l'anti-moustique, avec la terre, avec la sueur. Je n'avais pas envie de rater les images. Et donc, je crois que j'ai mis de côté complètement mes argentiques. Là, j'ai shooté quasiment, enfin, beaucoup en macro. En fait, j'ai shooté avec ma caméra. Donc, c'était ma Sony FX3. Et du coup, j'ai deux objectifs. J'ai un 35 et 85 macro, du coup. Et donc, j'ai alterné ces deux optiques et j'ai créé cette série. En fait... J'y allais surtout pour filmer, mais j'ai quand même fait quelques images. Et le temps que le film se monte, c'est enfin en finition en ce moment. J'espère que je vais le livrer avant d'accoucher. Donc c'est mes dernières heures de montage dessus. Sauf qu'entre temps, je me suis dit, putain c'est con, on a des images. Ta mère, elle a une galerie, je dis ça à mon pote avec qui je suis partie. Elle a une galerie dans le Marais, faisons une vente de photos en fait. Je voulais pas gagner d'argent sur ce projet-là parce que j'ai pas envie d'utiliser l'image des enfants de rue pour capitaliser dessus. Mais on s'est dit, on se fait une petite expo, on vend les photos à 100 euros pièce et ça a bien marché. C'était trop cool en fait de faire ça parce que ça m'a permis déjà, moi... d'un point de vue complètement égoïste de montrer mon travail, de montrer cette série, d'avoir une actu aussi. Mais surtout, de récupérer plus de 2000 euros pour eux. Ça leur a payé leur formation, un toit aussi, parce qu'ils n'avaient pas de toit sur leur chambre. Et des matelas, donc c'était cool. Il y a cette image de Pascal, c'est le chanteur du groupe. En fait, déjà, les couleurs là-bas, les lumières, elles étaient assez folles au studio parce que... On avait un mur en tôle jaune où la lumière se réfléchissait dedans. Ça faisait un éclat sur les visages qui était assez dingue. Donc les images se faisaient un peu seules. Et il y a cette image où il a le visage coupé en deux par le flash, la synchro du flash qui est mal partie, qui a été mal réglée par moi-même. Et ouais, je trouve qu'elle est assez dingue. On a l'impression qu'il est en train de chanter dessus. Là, le prochain projet sur lequel je travaille, là je suis dans le stade de recherche encore, ça va se passer en Finlande. Il y aura toujours... En fait, j'ai envie de lier un peu ma pratique du documentaire et ma pratique plus plasticienne, où je vais aller un peu chercher de la texture et déformer l'image. Donc ça ne sera pas vraiment du documentaire, mais ça va questionner un peu cette question de documentaire. Mais on sera sur quelque chose de plus plasticien et un peu assez actuel sur les questions de... d'information. Je sens que le documentaire, j'ai pas envie de faire du documentaire pur et dur, j'ai envie de pouvoir raconter quelque chose mais en expérimentant vraiment l'image. Donc j'ai pas envie de me bloquer sur quelque chose de trop factuel. Et je pense que j'ai trouvé un peu le projet pour faire le lien entre ces deux esthétiques que j'ai aussi de photos assez brutes et en même temps... avec une retouche qui peut hyper pousser parfois, avec une lumière un peu trafiquée. Je suis assez positive sur l'avenir, je pense que de toute façon, il faut s'adapter. Il va y avoir des changements avec la photo, c'est sûr, mais en même temps, quand on est passé au numérique, tout le monde se disait ça, quand on est passé avec l'iPhone, tout le monde se disait ça. Je pense qu'il y a une suite logique aussi avec tous les progrès dans la photo. Et puis si on doit s'adapter et être des photographes comme on est aujourd'hui, on s'adaptera. Je pense que de toute façon, on est beaucoup, on arrive quand même à un stade où il n'y a plus vraiment de photographe star comme à l'époque. Je n'ai plus cette prétention de me dire je vais être la meilleure, je veux faire des photos qui me font kiffer, si je peux en vivre c'est trop bien. J'ai envie de raconter des choses. J'espère qu'on aura le droit de faire des expos en France dans quelques années. mais sinon à part ça ouais je suis assez positive Merci d'avoir écouté ce podcast vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcast vision si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis ça nous aide aussi beaucoup à très vite pour parler de photographie.

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