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VISION #88 — OLIVIER KERVERN | Une photographie sans hiérarchie cover
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VISION #88 — OLIVIER KERVERN | Une photographie sans hiérarchie

VISION #88 — OLIVIER KERVERN | Une photographie sans hiérarchie

46min |14/12/2025
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VISION #88 — OLIVIER KERVERN | Une photographie sans hiérarchie

46min |14/12/2025
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Description

Pour ce dernier épisode de la saison — et le tout dernier épisode de Vision —, j’ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps : Olivier Kervern.

Nous enregistrons dans son appartement du 20ᵉ arrondissement de Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu. L’écho est présent, on fait avec. Sur la table, un Yashica moyen format. Autour, des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc.


Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d’une photographie sans hiérarchie, sans sujet « plus important » qu’un autre. Cette rencontre me fait du bien. J’y pensais depuis quelques semaines : aujourd’hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment en photographie de mode. Olivier, lui, n’a jamais vraiment décidé de « faire de la mode ». Holiday Magazine, Jil Sander ou d’autres collaborations sont arrivées par hasard, par des rencontres et surtout grâce à son talent, à ses livres et à ses projets. Il ne se trahit pas. Il ne cherche pas à se fabriquer une personnalité. Olivier reste lui-même, malgré les enjeux.


Le son de ce podcast n’est pas parfait et, en même temps, il correspond assez bien à la personnalité d’Olivier, qu’il assume pleinement. Il est un peu bordélique, pas toujours très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L’essentiel est là.


Je voulais vous remercier sincèrement pour votre soutien et votre écoute attentive tout au long de ces années. Et je vous dis à très bientôt.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production en noyau studio.

  • Speaker #1

    Pour ce dernier épisode de la saison, et d'ailleurs le tout dernier épisode tout court, j'ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps, Olivier Kerverne. Nous enregistrons dans son appartement du 20e arrondissement à Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu, l'écho est donc présent, mais on fait avec. Sur la table, un Yashica, moyen format. et autour des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc. Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d'une photographie sans hiérarchie, sans sujet plus important qu'un autre. Cette rencontre me fait en tout cas du bien, j'y pensais depuis quelques semaines. Aujourd'hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment dans la photographie de mode. Lui n'a jamais vraiment décidé de faire de la mode. Olivier Magazine, Gilles Sander ou d'autres collaborations récentes sont arrivés par hasard, par rencontre et d'ailleurs surtout par son talent et via ses différents livres et projets. Il ne se trahit pas, ne cherche pas à se donner une personnalité. Olivier reste lui-même malgré les enjeux. Alors le son de ce podcast n'est pas parfait, en même temps ça correspond assez bien à la personnalité d'Olivier qu'il assume entièrement. Il est un peu bordélique, pas très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L'essentiel est là. Je voulais vous remercier vivement pour votre soutien et votre écoute attentive depuis ces nombreuses années et je vous dis à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut c'est Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images.

  • Speaker #1

    En ce moment et jusqu'au 31 janvier 2026, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente et uniquement la vente de votre matériel photo et vidéo sur le site de MPB, qui nous accompagne depuis le début de la saison et depuis quelques années. Le code que vous devez rentrer, c'est VISION5, tout simplement, tout attaché en majuscule. Vous pouvez bien sûr le retrouver aussi en description de ce podcast et sur notre site avec un lien direct vers le site de MPB. Bonne écoute !

  • Speaker #0

    Bon, alors ça, je l'ai fait au Japon, à Kagoshima, dans le sud du Japon, en 2015. J'étais parti pour Holiday Magazine et moi, pendant très longtemps, mon seul travail, c'était de partir pour Holiday Magazine deux fois par an. C'est de l'édito, donc t'es pas payé, mais tout est pris en compte. Et souvent, je restais un mois, un mois et demi dans les endroits et je photographiais pour moi. Et j'étais allé à Kagoshima parce que j'avais rencontré une fille. Quand j'avais 20 ans. quatre ans en Inde, dans un hôtel qui venait de Kagoshima, que j'ai vu pendant quelques semaines quand j'étais là-bas, que j'ai jamais revu, j'ai jamais recontacté. Mais quand je suis allé au Japon, j'avais envie d'aller dans la ville où elle vivait, ne pouvant même pas la reconnaître si je la creusais dans la rue, je pense. Donc je suis allé à Kagoshima un peu pour cette raison, en étant au Japon. Et après, comme à chaque fois, faire des photos c'est marcher. C'est marcher et c'est un peu au pif, à l'intuition, je vais à droite ou à gauche. Je vois la mer, je vais vers la mer. Je vois une colline, je vais vers la colline. Je ne sais pas, c'est vraiment au pif en permanence. Il n'y a rien de prévu, il n'y a que de l'errance, beaucoup d'échecs. Et parfois on arrive quelque part. Et donc je suivais, Kagoshima c'est un port, et donc j'allais quand même tous les jours au bord de la mer. Et j'ai commencé à suivre un peu, il y avait des pêcheurs. Il y avait beaucoup d'endroits où il y avait des pêcheurs par zone, comme ça à droite et à gauche. Donc j'essayais un peu d'aller voir là où les gens pêchaient. et je me suis retrouvé sur cette espèce d'esplanade assez étrange. Par contre, je n'ai fait qu'une seule photo, ce qui n'est pas rare, mais parfois on fait deux pellicules sur un endroit, parfois on fait trois images, et là je n'en ai fait qu'une. Déjà, je l'aime beaucoup parce que je crois qu'elle représente pas mal le travail que j'ai fait à une époque, peut-être moins aujourd'hui. C'est déjà d'essayer de ne pas avoir de hiérarchie dans l'image. C'est-à-dire que c'est un paysage et... Un portrait, il ne faut pas exagérer, mais le portrait peut-être de quelqu'un, et aussi des silhouettes et des gens. Et le fait que l'un soit plus important que l'autre, ni l'un est plus important que l'autre, le fait qu'il n'y ait pas de hiérarchie peut-être dans les sujets, dans l'image, fait que c'est peut-être une image un peu libre. Et aussi, il y a ce hasard là énorme, puisque je ne l'avais pas vu quand j'avais fait la photo, c'est que le seul à un motif de petit carré, gris et blanc, l'unique personne qui est face à moi. a une chemise à carreaux et sa tête est au centre de ce sol qui est un demi-cercle et ouais Et tout ça, en fait, je crois que je ne l'ai pas vu en prenant la photo. C'est toujours un chance-accident, hasard et bien heureux. Je m'appelle Olivier Carverne. Je suis né à Fontainebleau, mais j'ai grandi en banlieue parisienne, dans les Sannes à Draveil, jusqu'à l'âge de 16 ans environ. Petite ville de banlieue, moche, enfance plutôt super chouette, des parents pas du tout axés sur la culture. Donc, je n'ai pas d'héritage littéraire, musical. Il n'y a pas eu la curiosité artistique, en fait. La lecture, ça ne me dérangeait pas puisque je n'ai jamais lu un livre que l'école m'a demandé de lire. Comme tout, si tu es en face de quelque chose, c'est quelque chose que tu ne peux pas voir. Je me souviens, j'ai rencontré dans la rue il y a quelques années un vieux monsieur. On s'est mis à discuter de photographie et de cinéma. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il m'a dit « Godard a dit l'écran fait écran » . C'est exactement ça. Je me souviens quand j'étais à l'école primaire. Il y avait eu un contrôle et il y avait la première page et la deuxième page, il fallait la retourner. Et je n'ai jamais pensé à retourner la deuxième page. Je n'ai rempli que la moitié de l'examen. Après, la littérature à l'école, ça a été un refus absolument total. J'ai eu une grande fierté à ne jamais lire un livre qu'ils m'ont demandé de lire. Ça me fait penser aussi à Duras, qui dans la pluie d'été, c'est une histoire d'enfants et les enfants ne veulent pas apprendre ce qu'ils ne connaissent déjà pas. C'est très drôle aussi. L'école était un peu le souci, mais rien qui était lié à ce que j'allais faire, photographie ou rien de tout ça. À 17 ans, il y a eu, ça c'est peut-être quelque chose, c'est que comme j'étais mauvais à l'école, j'ai redoublé deux fois et j'allais sortir du système scolaire, mais en troisième, donc trop jeune, assez jeune. Et mes parents ont trouvé une solution, c'est qu'ils m'ont envoyé un an aux Etats-Unis. à 16 ans. Et donc, j'ai fait dans une famille aux Etats-Unis pendant un an ce truc-là. Et quand je suis rentré en France, j'étais comme sorti du système scolaire. Donc, par miracle, je pouvais y re-rentrer par un peu de biais et être accepté d'aller au lycée parce qu'on m'acceptait pas au lycée. Donc ça, ça a pu jouer sur le fait que c'était mon premier voyage à 16 ans, un an à l'étranger. C'est quelque chose d'assez... Peut-être que ça a été constitutif de quelque chose, peut-être pas du tout. Je crois que moi, j'en ai pas vraiment conscience. Les images, je n'ai jamais été attiré par la photographie avant que j'y sois aspiré entièrement. Avant, je ne pensais ni à la photographie, ni à la peinture, tout ça m'était très étranger. Après, tout ce qui est, là je vais dire un mot qui est pour moi assez important, impression, impressionniste, ça c'est quelque chose qui se cultive de l'enfance, qui est très fort quand on est enfant, les sensations, les impressions, et là où on a. aucun mot à mettre dessus, on n'a que des émotions et des sensations. C'est grâce à ça que je me suis mis à la photographie. Grâce à ces sensations et à ces impressions. J'ai commencé parce qu'un ami m'a donné un appareil photo, un Nikkor Mat. Pas longtemps après, j'ai découvert que c'est ce que Bernard Plessus a utilisé toute sa vie. Donc il y avait tout de suite un espèce de lien amical et très fort. Et en même temps, on m'a prêté un agrandisseur, chose assez importante quand on commence la photographie. C'est assez génial de pouvoir commencer à faire du tirage tout de suite. Donc prise de vue, tirage la nuit et quelque chose se passe et on apprend énormément. Moi, je suis nul en tirage, j'ai toujours été nul et je n'ai aucune ambition d'être beau en tirage, je m'en fous. Mais faire du tirage apprend sur la prise de vue. C'est une pratique. qui est quand même assez importante. De toute façon, j'ai eu le bac par miracle. J'ai eu le bac, donc j'ai donné mon temps à la société, au truc scolaire, ciao, bye bye. À partir de ce moment-là, j'ai commencé à lire. Le jour où j'ai arrêté l'école, je me suis intéressé à la littérature. Ça, c'est quand même assez incroyable. Et j'ai commencé à lire, j'ai commencé à dévorer des films, j'ai commencé à ouvrir tout ce truc culturel que... La démarche artistique qui n'avait jamais vraiment existé en moi. ou avec moi. Et à ce moment-là, j'ai eu la chance d'avoir un ami qui n'en fait plus, mais qui faisait énormément de photographies à l'époque. On est 19 ans, on était tout jeunes, on vivait chez nos parents. Lui, il partait en voyage l'été. Il allait à Istanbul pendant un mois avec des amis, il photographiait, il revenait avec 80 pellicules, il développait, il faisait le tirage. Donc il m'a beaucoup quand même influencé et pas mal aidé puisqu'il m'a donné un agrandisseur. C'est pas mal. Le fait qu'on me donne un appareil photo, peut-être que ça fait faire une pratique. Mais surtout, je pense qu'à 19 ans, c'était la première fois, en étant très jeune adulte, que je m'appropriais quelque chose à moi et à moi seulement. Et à un âge aussi où ça ouvre vers le futur. Et du coup, je me suis congé dedans comme un dingue et j'ai fait absolument que ça. Ensuite, chose très importante, et ça, ça fait partie vraiment de mon éducation photographique, et ça a fait de moi, je pense, c'est comme ça que j'ai appris. J'allais à la bibliothèque de la MEP, parce que c'était gratuit tous les mercredis, de 17h à 20h. Et je pense que j'ai passé mes... Si je n'étais pas en voyage, j'étais à la bibliothèque tous les mercredis. Je suis devenu ami avec les bibliothécaires, après on faisait des bouffes, on faisait machin. Et ça, c'était extraordinaire, il y a 36 000 ouvrages. et donc je venais toutes les semaines avec des noms et je regardais, je regardais la photographie c'est le travail des autres c'est pas son travail qui est finalement le plus intéressant et celui où on apprend c'est le travail des autres Je pense qu'au début, j'étais surtout influencé par la photographie, que trouver un lien entre littérature et photographie, ou entre musique et photographie, enfin, entre d'autres formes. Quand j'ai commencé, j'ai été fasciné par l'agence Magnum, par Koudelka, Larry Toel. J'aimais beaucoup Alex Majoli aussi, Carl De Kaiser. Bref, une école de photographie que j'ai totalement reniée après. Mais c'est ça aussi la jeunesse. Et donc j'ai aussi, je pense, associé beaucoup au voyage par rapport à ces influences-là. Il y a 20 ans peut-être aujourd'hui, il y a deux photographes, enfin trois, qui ont vraiment changé ma vie. C'est le livre « Summer Night » et « Denver » de Robert Adams. Tout le travail d'Isaïe Soudard. Wetting, Sitting, Fishing and Some Automobile de Anthony Hernandez. Les trois, c'est la même époque, entre 70 et 80. Les trois sont noir et blanc. Les trois sont... Lissay Souda et Robert Adam, c'est moyen format, et Anthony Hernandez, c'est le grand format. Et eux, c'est eux qui, je pense, où j'ai eu un écho, ou quelque chose comme un écho d'avoir une photographie, ou comme j'ai essayé de décrire, quitteusement, ma photographie, quelque chose, il y a... aucune hiérarchie, et qu'une liberté dans l'image. Et surtout, l'auteur s'efface. Alors, chez Robert Adams, Issei Souda et Anthony Hernandez, je ne sais pas si je peux le dire aussi vite, mais si tu prends Summer Night de Robert Adams, qui est donc une balade la nuit dans son quartier, je ne sais pas où, dans le Colorado, là aussi c'est très sensoriel, c'est-à-dire qu'aux Etats-Unis, on a les portes moustiquaires. Après, avant la porte d'entrée. Quand j'ouvre le livre, j'entends la porte qui claque. C'est pas... Puisque le son, la nuit, est beaucoup plus calme. Pas de personnes, peu de voitures. J'entends ces pas, on entend les grillons. C'est un livre totalement sensoriel. Ou finalement, c'est plus l'écoute que l'image, presque. C'est pour moi un livre que j'ai regardé des millions de fois, je pense. Et auquel je pense aussi régulièrement. Quand on est photographe, on est un peu fou, parce que je... Issei Souda, je pense à lui, je pense tous les jours depuis que j'ai rencontré son travail. C'est quand même délirant. Et je regarde, oui, je n'arrête pas, je regarde. Alors après, il y a la découverte, ensuite la boulémie, tout manger, son travail. Ensuite, un truc peut-être un peu plus analytique, ou après essayer de toi, de te l'approprier aussi d'une certaine manière à ta façon. puis ensuite voilà les choses évoluent aussi mais Issei Souda et Robert Adams sont des parents définitivement Alors ce voyage en Inde, j'ai 24 ans, donc ça faisait peut-être 5 ans que je n'étais plus à l'école. Je photographiais à Paris un peu, à droite à gauche, les amis, mes parents. Je faisais beaucoup de manifs parce que je vivais à la République. Tous les week-ends, j'allais photographier les manifs, j'adorais ça. Mais voilà, j'étais à Paris, tous mes amis étaient à la fac, donc j'étais dans une sorte d'errance où je n'avais pas beaucoup de structure autour de moi. Et j'étais... Voilà. Je ne faisais pas grand-chose de ce temps, finalement. Et pour une raison complètement absurde, mais vraiment, aucune idée pourquoi j'ai décidé d'aller en Inde. Ça aurait pu être partout ailleurs. Bref, je suis parti six mois. À l'époque, donc, Nekormat, je travaillais au 35 mm. Je pars avec plein de pellicules, j'achète de la pellicule. Et je voyage là-bas. Et en fait, je pars six mois. Je pars six mois, j'achète une mobilette. Je voyage en mobilette. Et chose quand même assez importante dans ce voyage, c'est que Par hasard, je vais dans un hôtel à Jaisalmer, qui est près du Pakistan, et j'ai fait 1500 km en mobilette, et je rentre dans cet hôtel. Par hasard, on me donne la clé de telle chambre, je vais dans telle chambre, et il y avait Barrage contre le Pacifique de Duras sur la table de chevet, en français, et je n'avais jamais lu Duras. Et c'est une rencontre qui m'a complètement bouleversé. Je rentre de ce voyage à Paris, développement, planche contact, et tout est nul. Tout est nul. Je mets peut-être deux mois à me dire que tout est nul, mais je vis un peu de manière somnolente. Je n'arrive pas à assumer que tout est nul, mais je sais que ce n'est pas bien. Parce que je me souviens, j'avais essayé de copier les photographes de Magna. Et comme je ne sais pas, malheureusement, je dois être de la nature rancunière, je décide de repartir. Et je repars en Inde six mois après. Je vais six mois à Paris, je travaille à la Poste pour gagner des sous, et je pars en Inde. Je repars là-bas et comme je rencontre les livres de Duras, surtout « Barrage contre le Pacifique » , je décide aussi d'aller au Cambodge et au Vietnam, puisqu'elle est née au Vietnam, un tout petit peu vécue au Cambodge. Mais entre-temps, je vais aussi au Népal. Et là, en fait, je pars un an, je crois, dans mon souvenir, quasiment un an. Mais dans ce voyage, je sens que j'arrive à m'approprier quelque chose. entre ces influences de Magnum que j'arrive à éloigner un petit peu, et peut-être un peu plus avec moi-même, un petit peu plus personnel, et je rentre, et là je suis bouleversé du travail en fait. Alors, je n'ai pas 200 000 images, mais quelques images font que ça valait le coup de faire tout ça. Et je me souviens, puisque je vivais chez mes parents à l'époque, Je rentre d'Inde, je vais chez mes parents, je fais des tirages et mes parents se réveillent et voient les tirages dans le salon. Et eux aussi trouvent ça super beau. Donc ça m'avait super touché. Et je pense que j'ai continué la photographie. Sinon j'aurais abandonné. Je ne trouvais pas une direction qui était un peu propre. Après, je n'ai aucune idée de quelle direction c'était. Je ne sais absolument pas ce que je fais au moment où je le fais. D'ailleurs, c'est assez rare que les gens savent ce qu'ils font au moment où ils le font. Mais c'est quelque chose, j'ai tellement aimé ces images que j'ai continué et que ça m'a donné une certaine confiance en la chance. Ce que je disais aussi tout à l'heure, la coïncidence, la chance. Donc ce voyage, il a été extrêmement important parce que c'est grâce à ce voyage que j'ai continué. C'est marrant puisque la démarche, j'ai réussi à l'identifier, je me souviens, à un moment. C'est un moment où je suis passé aussi au moyen format, au 6-6, avec le Yashica qui est l'appareil qu'on met comme le Relay Flex sur l'estomac. Le fait qu'on le mette sur l'estomac et qu'on ne l'ait pas dans le viseur, c'est déjà un appareil très contemplatif. Le fait d'avoir dans le viseur l'œil, c'est extrêmement agressif. Si on photographie quelqu'un, si on est en face de quelqu'un, c'est un acte hyper agressif. Si on l'a sur l'estomac, il y a quelque chose où les gens ne se rendent pas compte. Si je regarde l'appareil photo, mon dépolie pour prendre le portrait, je regarde pas la personne, je regarde la caméra qui prend la photo. Donc cet appareil là déjà c'est un appareil pour moi très très contemplatif donc qui va vers quelque chose de plus silencieux, de plus calme, de plus doux, de moins agressif. Après ce que j'avais identifié c'était, enfin identifié, d'avoir une sorte de démarche, une méthode voilà, d'avoir une sorte de méthode, c'est que je photographiais que à partir du moment où j'étais bouleversé, où j'étais très ému par T'en quittes que je vous... Il ne fallait absolument pas que je sache par quoi j'étais ému. Et de toute façon, je n'en avais absolument aucune idée. Et ça, ça va aussi avec la question de la hiérarchie, que je ne veux pas qu'il y ait de hiérarchie dans l'image. Ça veut dire que je veux photographier tout exactement au même niveau parce que je ne sais pas par quoi je suis ému. Donc c'est peut-être par la personne au centre de l'image, comme par le paysage, comme par la lumière, comme aucune distinction, aucune nuance. Et que l'image soit un peu presque totale de quelque chose qu'on ne connaît pas, mais qui produit une émotion. Donc quand je suis ému, Je clique en essayant de le cadrer le moins possible, d'être conscient le moins possible. Et aussi en faisant ça, parce qu'il y a quelque chose que j'ai toujours voulu échapper. Aujourd'hui, c'est un peu différent, mais je ne veux absolument pas d'informations dans l'image. Plus il y aura d'informations, moins il y aura de sensibilité, de mon point de vue, bien sûr. Donc, si j'ai zéro information, il n'y a rien à comprendre, mais il y a beaucoup à sentir. Et donc, le rapport au monde, là, il est peut-être... On peut le transmettre. Je reviens de mon voyage en Inde, j'ai 25 ans. Je commence à travailler dans la mode, j'en ai 42. Et entre les deux, il y a juste eu des voyages tout seul, ou des gens avec qui j'ai vécu, ou photographier la femme avec qui je vis, ou ensuite partir. Je photographiais en vacances. Tous les ans, j'allais en Italie chez mon meilleur ami Fede, près de Gênes. Tous les ans, j'y allais, je faisais 20 pellicules. Et je travaillais là-bas. J'ai jamais eu de projet, jamais eu de travail. J'ai jamais gagné d'argent avec ça. Et d'ailleurs, à une époque, j'ai commencé à vendre dans la rue. Et j'ai vendu peut-être 10 ans dans la rue. Et entre le RSA et vendre dans la rue, je vivotais. J'arrivais à avoir deux voyages par an, puisque je travaillais pour Lide et Magazine. Mais ils disaient, bon, fais un peu ce que tu veux. Moi, je partais un mois, un mois et demi, deux mois, je travaillais pour moi. Je rentrais, je faisais les tirages, je vendais dans la rue, je repartais 6 mois après. Et j'ai vécu comme ça pendant 10 ans, au moins. La mode, c'est arrivé du jour au lendemain. Quelqu'un m'a demandé, est-ce que tu ne veux pas faire une série pour telle marque ? C'était Jill Sander, que je ne connaissais même pas d'ailleurs, le nom. Et j'ai dit oui. À l'époque, je vivais avec Nanako et ils me disent, mais photographie ta femme. Et puis, je décide de partir à Hong Kong. On part à Hong Kong, ils me donnent les vêtements, on reste 10 jours. Et tous les jours, elles portent un vêtement et on se balade. et je photographie. Et du jour au lendemain, presque, ma vie a changé parce que un mois plus tard, ils m'ont dit, ah mais tu veux pas faire ça, et puis ensuite, tu veux pas faire ça. Et après, j'ai eu un agent. En quelques semaines, quelques mois, voire quelques semaines, c'était une autre vie. Après, comment... Moi, j'adore le fait d'avoir... Alors, jamais j'ai pensé que je ferais de la maths, vraiment, mais jamais de la vie. Quand j'allais à la MEP voir les bouquins de photos, à un moment, je me suis dit, bon, regardons un peu les... Les photographes de mode, ça fait partie de l'histoire de la photographie. En dix minutes, j'ai dit non merci, ça ne m'intéresse absolument pas. Jamais je n'aurais imaginé. C'est le hasard. Quelqu'un m'a contacté, j'ai dit oui à ce moment-là. Ils ont aimé, alors que je pensais qu'ils allaient me demander de rendre l'argent puisque je ne savais pas comment ça fonctionnait. J'avais tout dépensé à Hong Kong, j'avais super peur comme on demande, mais non, il faut rendre l'argent. Après, voilà, c'est un peu peut-être schizophrène parce que... Je ne suis pas du tout dans le même état quand je fais une série pour quelqu'un ou quand je travaille pour moi. Moi, je ne travaille pas sur des projets. Je me balade, j'ai des images que j'aime et tout d'un coup, ça va communiquer avec des images que j'ai faites il y a dix ans. Et là, il y a un livre qui se fait. Mais il n'y a jamais de projet, je n'ai jamais de série, jamais de projet. Je déteste la volonté. Donc, si je suis dans la volonté, je suis paralysé et je ne peux rien produire, rien faire. Pour ne pas être dans la volonté, il faut que j'arrive à être dans cette espèce d'errance, de flottement, qui fait que je peux accepter par un labyrinthe neurologique le monde et moi-même, ou moi dans le monde, ou je ne sais pas trop. Et à partir de ce moment-là, alors je peux engager quelque chose avec le monde. Mais il faut que ça soit... Voilà, chacun passe par ses névroses. Et moi, ma névrose fait, je pense, partie de mon travail en tant que méthode. Et ouais, moi, la méthode qui a fonctionné, je ne sais pas si qui a fonctionné, c'est moi qui le dis, c'est que je crois énormément à l'effacement de l'auteur. Parce qu'on s'en fout de l'auteur. Ce qui compte, c'est le résultat de l'image du livre que c'est. Mais Robert Adams, il y a un effacement de l'auteur. Et ça, c'est quelque chose. Et l'effacement de l'auteur, parce que ça veut dire qu'on n'a pas la petite idée qu'aurait l'auteur du monde, puisque tout le monde s'en fout de ce que je pense de ci ou de ça. Moi, le premier. Mais laisser la place du monde... tel qu'il est, ça serait quand même assez difficile à dire, mais un peu d'avoir comme une goutte, une toute petite goutte, mais extrêmement concentrée, de qu'est-ce que le réel. Et le réel, il est très étranger à nous. Oui, on a les idées du réel et machin et tout. Mais le fait de passer par l'émotion, le fait d'avoir un effacement de soi-même, fait que peut-être on peut avoir une goutte du réel, tel qu'il est, et pas l'idée qu'on en a. Parce que l'idée qu'on a d'un tel ou un tel du réel, non merci,

  • Speaker #1

    si je peux m'exprimer.

  • Speaker #0

    Si je travaille pour l'idée, j'ai ma méthode, parce qu'ils me disent, tu pars au Japon, je pars tout seul, un mois, je photographie, je me balade, je décide d'aller là ou là. Donc ils n'ont aucune... je peux avoir un cahier des charges et je le fais, mais bon. Si je travaille dans la mode, on me dit de 9h à 18h, tu vas être à tel endroit, il y a 20 personnes autour de toi, et là, il faut faire les images et on veut 15 images en fin de journée. Donc là, ce n'est pas du tout la même chose. La manière que j'ai réussi, qui fait que pour moi, j'arrive, je crois, à le faire, c'est que généralement, j'arrive à décider des lieux que je veux photographier. Je pars en avance, je vais visiter des lieux, et un lieu qui me touche un peu comme quand je suis tout seul, et que c'est un lieu que j'aimerais bien photographier, Après, je mets le modèle dedans et j'essaie que ce n'est pas grave qu'elle porte une jupe ou un jean ou que ce soit un t-shirt. C'est une personne qui est dans un environnement, qui est dans un espace et d'avoir une relation sensible avec la personne et cet espace. Et encore une fois, d'essayer de ne pas avoir trop cette hiérarchie non plus. Après, travailler, c'est vendre sa liberté contre de l'argent. C'est conséquent. Tout est conséquent. Plus je vais travailler, moins je vais exister. C'est un peu inévitable. C'est un peu la mort de soi aussi. Mais bon, c'est aussi des virages, des accidents, des chances. Donc je ne sais pas, peut-être dans dix ans, je ferai autre chose. Et voilà, si j'ai la volonté, ça ne va pas marcher. Je vais aller contre moi. Je vais faire les choses contre moi. Donc si ça vient de l'extérieur, alors je peux l'accepter comme quelque chose de naturel. Et alors répondre naturellement à cette proposition. Et donc là, voilà. Et toute ma démarche photographique, elle est là-dedans, en fait, dans ce rapport-là. Il y a une différence fondamentale et dont personne ne parle, et je ne comprends pas pourquoi, entre le digital et l'argentique, c'est que l'argentique, il y a des formats. Travailler au 6-7, au 6-6 ou au 35 mm ou à la chambre, une autre taille de négative, ça sera un autre rapport au monde. Et l'appareil photo, si c'est un Relay Flex ou si c'est un Mamiya qu'on a à l'œil, ce n'est pas non plus la même manière de photographier. Donc, on a une palette grâce aux formats et aux appareils photos qui font qu'on peut créer des ponts. Dans les évolutions de boulot, si je me répète et je peux passer au 6-7, ça me recrée un nouveau désir, c'est un nouveau format, une nouvelle manière de travailler. Alors que le digital, c'est une mémoire, une puce qui fait 1 mm sur 1 mm. Et puis, quand je dors, ça n'existe pas. Et quand je dors, mes tirages existent. Donc, c'est génial d'avoir l'opportunité d'avoir différents formats. C'est magnifique. Donc, toujours, je ferai de l'argentique. Rien que pour ça, pour cette beauté-là. Puis qu'est-ce qui est plus beau qu'un format ? Rien que le mot format est magnifique. Moi, je ne fais surtout que du contact. Parce que déjà, il y a plein de choses. C'est que les appareils photos, le labo, l'agrandisseur, tout ça, j'ai mis beaucoup de temps. Alors, appareil photo, j'ai mis beaucoup de temps à travailler avec des appareils photos qui pouvaient être un peu chers. Je les casse tout le temps. Je ne suis pas soigneux. Je mets zéro protection. Mon labo, c'est un... cauchemar, c'est dans ma cuisine, c'est Boeuf-Bourguignon, Labo, en même temps, c'est la totale. Mais si j'avais un labo parfait, un appareil photo nickel, je serais paralysé aussi. J'ai besoin que ça soit brinque-ballant, j'ai besoin que ça soit imparfait, pour accepter peut-être aussi quelque chose. Après, le contact, c'est venu parce que je ne peux pas voir une image que je ne connais pas encore, que je dois découvrir, dans un format autre que sa taille originale. le contact et sa taille originale. Et découvrir une image, je ne sais pas, sur un 30-40 alors que je ne l'ai jamais vue, je pense que je me suscite tellement, ça serait violent et que je serais incapable de la regarder. Donc si je la regarde en tout petit et que je m'habitue à elle, et qu'elle s'habitue aussi à moi, peut-être à mon existence, parce que c'est quand même un peu un aller-retour, parce que si je lui fais confiance, si je sens que j'aime cette image pour telle et telle chose, même si c'est très imprécis, Est-ce que dans le temps, ça va continuer ? Est-ce que dans six mois, j'ai la même relation avec cette image ? Si oui, alors on a une confiance mutuelle avec l'image. Sinon, c'est que c'est une image qui est peut-être ratée pour moi, peut-être qu'elle ne convient pas. Et après, peut-être, si je dois faire une expo, mais je fais très peu d'expos, alors je vais dire peut-être que ça sera bien dans ce format-là. Mais peut-être que son meilleur format, c'est le contact. Il y en a partout. Partout dans la maison, il y a des contacts. Il y a plein de sélections. Ça, c'est un paquet, oui. Ça, c'est le paquet 2, peut-être. Mais après, ça se remélange. Puis, j'ai commencé à aller... Parce que je faisais les contacts. Ensuite, je les découpais, les images que je sélectionnais. Ça, c'est très important. Parce que souvent, les gens gardent la planche contact. Ils disent, celle-ci, je l'aime. Après, je la tire. Moi, je découpais. Et donc, j'avais un tirage. j'avais plus une planche contact et ensuite je me suis dit ah mais Quand je regarde mon contact, je vois mon pouce, je vois la table, je vois le sol, je vais faire des marges blanches pour pouvoir les regarder vraiment, avec beaucoup d'espace. Donc ensuite, j'ai commencé à faire ça. À la maison, c'était rempli de feuilles blanches, j'avais des contacts partout. Et finalement, en faisant ça, mais juste pour pouvoir regarder mes propres images et savoir si je les aimais ou pas, c'est finalement devenu presque une manière, une finalité de l'image. Voilà, c'était sa finalité. Donc ça, ça s'est fait juste en travaillant, enfin comme des brouillons, en travaillant comme des brouillons. La fondation-là, c'est grâce à Thomas Boivin qui avait exposé là-bas et puis qui a eu la gentillesse de montrer quelques-uns de mes contacts, parce qu'il en a chez lui. Et il a montré quelques-uns des contacts à... à la directrice, et puis qui a tout de suite adoré. Et quand je suis allé au vernissage de Thomas, en dix minutes, elle m'a dit « faisons une expo » . Donc, il n'y a même pas eu ce truc où je devais essayer de défendre, parce qu'il aurait été une catastrophe. Et en fait, voilà, moi, si on ne me propose pas quelque chose, je fais mes photos dans mon coin, je fais mes contacts, puis je suis content ou pas, mais je ne vais rien faire de plus. Oui, si je décide de faire un livre, je vais faire un livre moi-même. Et du coup, je la rencontre, on travaille un petit peu sur l'expo. Il y avait une commissaire d'expo décidée. Et elle me dit, tu vas être avec Walker Evans et Guido Guidi. Et j'ai eu une salle où j'ai pu mettre 50 images. Ce qui est quand même gigantesque. Alors, 50 contacts, donc c'est un peu moins gigantesque. Non, voilà, ça a été une expérience incroyable parce que... Généralement, je n'avais fait qu'une seule expo avant chez mon galeriste qui est un ami que j'avais rencontré en venant dans la rue. Donc ça aussi, super belle rencontre. Et à chaque fois, je repousse les expositions. On dit on fait une expo l'année prochaine ? Oui, bien sûr. Et le temps, on arrive vers l'exposition et je dis on va faire ça l'année d'après, je ne suis pas prêt. Et là, j'ai été vraiment obligé de m'y coller. Donc j'ai trouvé l'encadrement que je voulais. Et évidemment, la difficulté, ça avait été de... Comment je mets ça sur les murs ? Et finalement, bon, je dis que j'ai réussi, parce que quand je l'ai vu, j'étais super heureux. Mais après, je ne sais pas trop quoi dire de plus. Je vendais rue Rambuteau en face du MK2 Beaubourg, parce que c'est piéton, et il y a un trottoir, et puis il y a un petit marché sauvage. Et donc je me foutais par terre, je mettais des feuilles blanches, et je collais mes 6x6 de manière un peu à la Masao Yamamoto, ça veut dire pas toute droite, une en haut, une en bas, un espace blanc, une autre, là deux ensembles, etc. Et je vendais 5 euros le contact. Tiré sur Nubarité, j'insiste. Je n'ai jamais tiré, je tire toujours sur du barité, comme ça on a quelque chose, pas sur du plastoc. Et c'était un moment où, alors moi qui n'aime pas la volonté, c'est assez volontariste de faire ça, étonnamment, mais j'ai toujours voulu vendre dans la rue, souvent ça me revenait. Et je ne sais pas, c'était un moment où, en fait je devais partir en Italie chez mon pote Fede. Je me casse le bras avant de partir et donc j'ai un plat gigantesque et c'est début juillet et je peux aller nulle part. Et je me dis putain, qu'est-ce que je vais faire ? Je me dis, ben, j'allais vendre dans la rue. Et j'ai passé les deux mois à vendre dans la rue et après j'y allais tous les week-ends, même l'hiver. C'est un marché sauvage, donc je suis devenu pote avec tous les mecs qui vendaient à côté des trucs. Et c'était une manière de rencontrer des gens. C'était fou, en fait, quand je m'ennuyais, j'allais vendre dans la rue et je rencontrais des gens. Ça a été quelque chose pour moi de... d'extraordinaire de vendre dans la rue, d'expérience, ça a été extraordinaire. Et puis peut-être que ça ne se fait pas tant que ça aussi finalement. Oui, c'est très banal, les artistes vont vendre dans la rue, mais finalement, peut-être qu'on n'en voit pas tant que ça. Donc, je ne sais pas, c'était génial comme expérience. Tant que je ne travaillais pas dans la mode, je faisais, par exemple, deux ans que de la couleur. Ensuite, dix ans que du noir et blanc. Je n'arrivais pas à faire de passer de l'un à l'autre. Le fait de devoir travailler pour les autres, ils disent on veut les deux. Donc là, je me retrouve un peu dans un truc très bâtard où quand je fais de la couleur, je voudrais du noir et blanc. Quand je fais du noir et blanc, je veux dire, tu perds à tous les coups. C'est infernal. Donc ça, ça a changé malheureusement un peu mon rapport. Mais normalement, j'ai toujours travaillé comme ça. Aujourd'hui, je pars avec les deux, aussi pour me rassurer. Mais ce que j'adore dans la couleur, c'est que c'est quelque chose de l'ordre atmosphérique. Par exemple, quand c'est l'été au crépuscule et que tu es à l'intérieur, et que c'est un petit peu tard, tu allumes la lumière. C'est jaune à l'intérieur. Tu ne regardes pas la fenêtre, c'est bleu. Tu as deux couleurs. C'est bouleversant. C'est incroyable. Voilà. Dans ce sens-là, la couleur est quelque chose de super important et aussi extrêmement sensoriel. Après, c'est tellement difficile la couleur. Il y a un photographe que je ne porte pas trop dans... Enfin, qui n'est pas du tout un photographe que j'adore, mais qui est Abbas, qui était chez Magnum, qui a dit vraiment une grosse connerie et quelque chose d'intelligent en même temps. Ce qu'il disait quand je photographie en noir et blanc, je photographie l'âme des gens. Bon ça je veux dire, c'est vraiment normalement, on va en prison pour dire une connerie pareille. Mais après il dit, mais quand je photographie en couleur, je photographie la couleur du t-shirt du type. Par contre c'est très vrai. Et là c'est l'opposé de l'âme, le t-shirt c'est clair. La couleur va prendre le pas sur tout le reste, mais cette couleur au sens vraiment, comme au sens atmosphérique ou au sens de l'oxygène ou la lumière. Là c'est une couleur qui est extrêmement sensorielle. Après, avant, quand je faisais de la couleur au 24-36, je me souviens que j'adorais qu'il y ait énormément de noir dans les images. Et je trouvais ça magnifique que ce n'était pas dans le noir et blanc, mais que le contre-jour, les ombres soient extrêmement noires et que d'avoir beaucoup, beaucoup de noir dans des images en couleur, je trouvais ça extrêmement sensuel en fait. Parce que la couleur, elle a ce truc aussi sensuel. J'ai fait quatre livres, trois auto-édités et un avec un peu un vrai éditeur, donc c'est un autre cas de figure dans le process, un petit peu, surtout dans le résultat plutôt que le process. Mais mon premier livre, je l'ai fait parce qu'une amie à l'époque, qui travaillait en 2014-2015, qui travaillait à la librairie du Bal, me dit il va y avoir un... truc, discussion en septembre où tu peux rencontrer des gens et tu peux leur montrer ton travail, donc faire un livre et moi j'avais jamais fait de livre mais le livre c'était vraiment, c'est pour moi l'aboutissement des travails photographiques puisque c'est ce qui se rapproche le plus de la littérature puisque t'as une narration, t'as des respirations et c'est ce qu'il y a de plus beau je trouve pour la photographie et donc je me retrouve ok j'ai un mois pour faire un livre ce qui est vraiment un mois c'est rien et en trois semaines c'était bouclé Merci. c'était d'une évidence et j'ai tout mélangé j'ai des photos faites en Iran des photos faites en Italie des photos faites à Paris peut-être une à droite et à gauche mais comme il n'y a aucune information sur les images comme le l'association des images va être que sur un truc de sensibilité on s'en fout ou c'est justement complètement donc c'était un livre que j'ai adoré faire que et d'ailleurs j'avais collé j'ai fait alors je me suis planté à tous les niveaux mais ça a aucun une importance J'ai écrit 60 exemplaires, alors qu'il y en avait 100, ou l'inverse, tout est faux dedans, et j'avais collé un contact sur chaque couverture, et un contact différent, donc ça c'était joli, chacun avait un livre un peu unique, et je les avais collés à la maison, donc ils se décollaient, c'était vraiment une catastrophe, mais j'ai une affection pour ce livre. Alors c'est un nom que je regrette énormément. Donc ça, c'est un mauvais titre. Ça s'appelle Profession d'un sentimental parce que j'adore les titres. Mais le métier de vivre était un titre que je ne pouvais vraiment pas voler, de ne pas vaiser, parce que j'adore voler des titres. Et donc, j'ai trouvé ce truc. Bon, c'est vraiment bancal, quoi. C'est super bancal. Après, j'ai des cahiers remplis de titres. Les titres sont super importants. C'est très proche de la photographie, le titre, parce que c'est la première impression de quelque chose et en même temps, ce n'est pas non plus le cœur. Sur un roman, tu as le titre et tu vas voir un dessin, une image ou rien. Et ça va être un rapport très direct et en même temps, tu n'as aucune idée de ce qu'il y a dedans. Donc c'est quelque chose d'assez beau par rapport à la photographie et le réel. Ensuite, j'ai fait un autre livre que j'ai adoré faire qui s'appelle La mort en été, qui est un titre que j'ai volé à Mishima, j'en suis très fier, et parce que j'adore Mishima. Et c'est un recueil de nouvelles, ce livre, pas très très connu. Et en fait, ça c'est un livre où il y a une série d'images que j'ai faites quand j'avais 19 ans en Italie, et où c'est juste des adolescents qui sautent d'un rocher, et j'ai un peu le mouvement décomposé, juste avant de sauter, au moment où on se prépare, dans l'air, etc. Et donc j'avais comme un plan séquence d'un film, et après j'allais en Italie, Je faisais complètement autre chose, donc chez mon pote, toujours plein d'amis, machin. Et là, je photographie, et puis je me dis, mais en fait... Et j'avais toujours gardé cette série d'images que j'adorais de plan séquence, comme ça, c'est six images, c'est rien, quoi. Et je me suis dit, mais je vais les mettre en relation, et puis je vais faire un temps découpé entre un temps très court, mélangé à un temps complètement dilué, complètement long. Et il y a 17 images, c'est rien, c'est extrêmement court, mais c'est comme une phrase, ou comme un poème, ou comme un... L'amour en été, j'étais très heureux. de ce livre. Et après, j'en ai fait un autre qui s'appelait Journal Sud. Là, j'étais très fier d'avoir trouvé ce titre, que j'ai fait à Jérusalem parce que j'étais parti pour Holiday Magazine et je ne sais plus pourquoi, je crois, on m'a invité quelque part et il fallait que je fasse un livre. Et là aussi, j'ai dû le faire en deux semaines. Et voilà. Et le dernier, fin d'automne, j'étais allé en 2015 au Japon pour Holiday. J'étais resté un mois et demi. J'avais toutes ces images, plein d'images que j'adorais mais qui... qui sont là. Je rencontre en 2018 Nanako, et du coup, je vais au Japon la voir plusieurs fois par an, je photographie beaucoup là-bas, et évidemment, je me dis, j'ai un temps intime, un temps qui est plutôt le monde, et donc, je les mélange, et j'ai évidemment quelque chose. Et fin d'automne, je l'ai volé à Ozu, le titre. Le doute, il est constant. De toute façon, photographier, c'est tellement un échec constant, puisque sur le nombre de l'énergie, l'investissement, le nombre de pellicules, le nombre de planches, de contacts que tu fais, de tirer blabla, tu as 0,0, tu vois, de ce que tu gardes. Donc le doute, il est permanent. Et puis le doute, il est forcément moteur, parce que si j'étais sûr de moi, je ne sais pas. Peut-être que je serais coach dans un gymnase club. J'ai besoin de me laisser guider, j'ai très peu. C'est tellement difficile tout. Mais après, tout n'est un peu que hasard, chance, coïncidence. Tu fais quelque chose, tu ne sais pas que tu es en train de commencer quelque chose. Et puis, une fois que tu l'as réellement fait, là, tu as un travail, tu as quelque chose, tu as un chemin. Encore une fois, à partir du moment, je ne sais pas du tout ce que je vis au moment où je le vis. Je peux que le savoir une fois que j'en ai eu l'expérience. Ce qui fait que je ne suis pas un photographe conceptuel du tout. Je suis sur des maquettes de livres, mais qui peuvent... complètement tombé à l'eau. Donc, j'ai aucune idée. La mort en été, c'est 17 images. J'avais déjà... J'avais 16 images et je ne trouvais pas une image qui faisait que la narration... J'ai mis 3 ans. Bien sûr, pendant 2 semaines, je bosse dessus. Ensuite, je ne fais rien pendant 2 mois. Ensuite, je m'y recolle. Ensuite, une après-midi. J'ai mis 3 ans. Alors que, profession d'un sentimental, j'ai 40 images en 3 semaines, tout à fait. Chaque livre aura son... Sa temporalité à tout point de vue. Aujourd'hui aussi, la photographie, j'ai peur. Le monde de l'image aujourd'hui, c'est une horrible expression. L'image du monde serait déjà un peu plus sympathique. Non mais tu vois les réseaux sociaux, la professionnalisation par les écoles d'art, tout ça fait que s'il y a professionnalisation, il y a industrie, il y a aussi un star system un peu. Donc ça veut dire que ça devient quelque chose, les gens vont dire je vais être photographe parce que ça va être quelque chose d'attirant mais qui ne sera pas lié au cœur de la discipline. donc ça ça fait ça fait peur parce que ça veut dire que tous ces gens qui vont produire des images malheureusement, il va y avoir des conséquences sur ça. Je ne sais pas, être photographe, c'est une manière comme une autre d'être vivant.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

Pour ce dernier épisode de la saison — et le tout dernier épisode de Vision —, j’ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps : Olivier Kervern.

Nous enregistrons dans son appartement du 20ᵉ arrondissement de Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu. L’écho est présent, on fait avec. Sur la table, un Yashica moyen format. Autour, des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc.


Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d’une photographie sans hiérarchie, sans sujet « plus important » qu’un autre. Cette rencontre me fait du bien. J’y pensais depuis quelques semaines : aujourd’hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment en photographie de mode. Olivier, lui, n’a jamais vraiment décidé de « faire de la mode ». Holiday Magazine, Jil Sander ou d’autres collaborations sont arrivées par hasard, par des rencontres et surtout grâce à son talent, à ses livres et à ses projets. Il ne se trahit pas. Il ne cherche pas à se fabriquer une personnalité. Olivier reste lui-même, malgré les enjeux.


Le son de ce podcast n’est pas parfait et, en même temps, il correspond assez bien à la personnalité d’Olivier, qu’il assume pleinement. Il est un peu bordélique, pas toujours très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L’essentiel est là.


Je voulais vous remercier sincèrement pour votre soutien et votre écoute attentive tout au long de ces années. Et je vous dis à très bientôt.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production en noyau studio.

  • Speaker #1

    Pour ce dernier épisode de la saison, et d'ailleurs le tout dernier épisode tout court, j'ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps, Olivier Kerverne. Nous enregistrons dans son appartement du 20e arrondissement à Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu, l'écho est donc présent, mais on fait avec. Sur la table, un Yashica, moyen format. et autour des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc. Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d'une photographie sans hiérarchie, sans sujet plus important qu'un autre. Cette rencontre me fait en tout cas du bien, j'y pensais depuis quelques semaines. Aujourd'hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment dans la photographie de mode. Lui n'a jamais vraiment décidé de faire de la mode. Olivier Magazine, Gilles Sander ou d'autres collaborations récentes sont arrivés par hasard, par rencontre et d'ailleurs surtout par son talent et via ses différents livres et projets. Il ne se trahit pas, ne cherche pas à se donner une personnalité. Olivier reste lui-même malgré les enjeux. Alors le son de ce podcast n'est pas parfait, en même temps ça correspond assez bien à la personnalité d'Olivier qu'il assume entièrement. Il est un peu bordélique, pas très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L'essentiel est là. Je voulais vous remercier vivement pour votre soutien et votre écoute attentive depuis ces nombreuses années et je vous dis à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut c'est Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images.

  • Speaker #1

    En ce moment et jusqu'au 31 janvier 2026, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente et uniquement la vente de votre matériel photo et vidéo sur le site de MPB, qui nous accompagne depuis le début de la saison et depuis quelques années. Le code que vous devez rentrer, c'est VISION5, tout simplement, tout attaché en majuscule. Vous pouvez bien sûr le retrouver aussi en description de ce podcast et sur notre site avec un lien direct vers le site de MPB. Bonne écoute !

  • Speaker #0

    Bon, alors ça, je l'ai fait au Japon, à Kagoshima, dans le sud du Japon, en 2015. J'étais parti pour Holiday Magazine et moi, pendant très longtemps, mon seul travail, c'était de partir pour Holiday Magazine deux fois par an. C'est de l'édito, donc t'es pas payé, mais tout est pris en compte. Et souvent, je restais un mois, un mois et demi dans les endroits et je photographiais pour moi. Et j'étais allé à Kagoshima parce que j'avais rencontré une fille. Quand j'avais 20 ans. quatre ans en Inde, dans un hôtel qui venait de Kagoshima, que j'ai vu pendant quelques semaines quand j'étais là-bas, que j'ai jamais revu, j'ai jamais recontacté. Mais quand je suis allé au Japon, j'avais envie d'aller dans la ville où elle vivait, ne pouvant même pas la reconnaître si je la creusais dans la rue, je pense. Donc je suis allé à Kagoshima un peu pour cette raison, en étant au Japon. Et après, comme à chaque fois, faire des photos c'est marcher. C'est marcher et c'est un peu au pif, à l'intuition, je vais à droite ou à gauche. Je vois la mer, je vais vers la mer. Je vois une colline, je vais vers la colline. Je ne sais pas, c'est vraiment au pif en permanence. Il n'y a rien de prévu, il n'y a que de l'errance, beaucoup d'échecs. Et parfois on arrive quelque part. Et donc je suivais, Kagoshima c'est un port, et donc j'allais quand même tous les jours au bord de la mer. Et j'ai commencé à suivre un peu, il y avait des pêcheurs. Il y avait beaucoup d'endroits où il y avait des pêcheurs par zone, comme ça à droite et à gauche. Donc j'essayais un peu d'aller voir là où les gens pêchaient. et je me suis retrouvé sur cette espèce d'esplanade assez étrange. Par contre, je n'ai fait qu'une seule photo, ce qui n'est pas rare, mais parfois on fait deux pellicules sur un endroit, parfois on fait trois images, et là je n'en ai fait qu'une. Déjà, je l'aime beaucoup parce que je crois qu'elle représente pas mal le travail que j'ai fait à une époque, peut-être moins aujourd'hui. C'est déjà d'essayer de ne pas avoir de hiérarchie dans l'image. C'est-à-dire que c'est un paysage et... Un portrait, il ne faut pas exagérer, mais le portrait peut-être de quelqu'un, et aussi des silhouettes et des gens. Et le fait que l'un soit plus important que l'autre, ni l'un est plus important que l'autre, le fait qu'il n'y ait pas de hiérarchie peut-être dans les sujets, dans l'image, fait que c'est peut-être une image un peu libre. Et aussi, il y a ce hasard là énorme, puisque je ne l'avais pas vu quand j'avais fait la photo, c'est que le seul à un motif de petit carré, gris et blanc, l'unique personne qui est face à moi. a une chemise à carreaux et sa tête est au centre de ce sol qui est un demi-cercle et ouais Et tout ça, en fait, je crois que je ne l'ai pas vu en prenant la photo. C'est toujours un chance-accident, hasard et bien heureux. Je m'appelle Olivier Carverne. Je suis né à Fontainebleau, mais j'ai grandi en banlieue parisienne, dans les Sannes à Draveil, jusqu'à l'âge de 16 ans environ. Petite ville de banlieue, moche, enfance plutôt super chouette, des parents pas du tout axés sur la culture. Donc, je n'ai pas d'héritage littéraire, musical. Il n'y a pas eu la curiosité artistique, en fait. La lecture, ça ne me dérangeait pas puisque je n'ai jamais lu un livre que l'école m'a demandé de lire. Comme tout, si tu es en face de quelque chose, c'est quelque chose que tu ne peux pas voir. Je me souviens, j'ai rencontré dans la rue il y a quelques années un vieux monsieur. On s'est mis à discuter de photographie et de cinéma. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il m'a dit « Godard a dit l'écran fait écran » . C'est exactement ça. Je me souviens quand j'étais à l'école primaire. Il y avait eu un contrôle et il y avait la première page et la deuxième page, il fallait la retourner. Et je n'ai jamais pensé à retourner la deuxième page. Je n'ai rempli que la moitié de l'examen. Après, la littérature à l'école, ça a été un refus absolument total. J'ai eu une grande fierté à ne jamais lire un livre qu'ils m'ont demandé de lire. Ça me fait penser aussi à Duras, qui dans la pluie d'été, c'est une histoire d'enfants et les enfants ne veulent pas apprendre ce qu'ils ne connaissent déjà pas. C'est très drôle aussi. L'école était un peu le souci, mais rien qui était lié à ce que j'allais faire, photographie ou rien de tout ça. À 17 ans, il y a eu, ça c'est peut-être quelque chose, c'est que comme j'étais mauvais à l'école, j'ai redoublé deux fois et j'allais sortir du système scolaire, mais en troisième, donc trop jeune, assez jeune. Et mes parents ont trouvé une solution, c'est qu'ils m'ont envoyé un an aux Etats-Unis. à 16 ans. Et donc, j'ai fait dans une famille aux Etats-Unis pendant un an ce truc-là. Et quand je suis rentré en France, j'étais comme sorti du système scolaire. Donc, par miracle, je pouvais y re-rentrer par un peu de biais et être accepté d'aller au lycée parce qu'on m'acceptait pas au lycée. Donc ça, ça a pu jouer sur le fait que c'était mon premier voyage à 16 ans, un an à l'étranger. C'est quelque chose d'assez... Peut-être que ça a été constitutif de quelque chose, peut-être pas du tout. Je crois que moi, j'en ai pas vraiment conscience. Les images, je n'ai jamais été attiré par la photographie avant que j'y sois aspiré entièrement. Avant, je ne pensais ni à la photographie, ni à la peinture, tout ça m'était très étranger. Après, tout ce qui est, là je vais dire un mot qui est pour moi assez important, impression, impressionniste, ça c'est quelque chose qui se cultive de l'enfance, qui est très fort quand on est enfant, les sensations, les impressions, et là où on a. aucun mot à mettre dessus, on n'a que des émotions et des sensations. C'est grâce à ça que je me suis mis à la photographie. Grâce à ces sensations et à ces impressions. J'ai commencé parce qu'un ami m'a donné un appareil photo, un Nikkor Mat. Pas longtemps après, j'ai découvert que c'est ce que Bernard Plessus a utilisé toute sa vie. Donc il y avait tout de suite un espèce de lien amical et très fort. Et en même temps, on m'a prêté un agrandisseur, chose assez importante quand on commence la photographie. C'est assez génial de pouvoir commencer à faire du tirage tout de suite. Donc prise de vue, tirage la nuit et quelque chose se passe et on apprend énormément. Moi, je suis nul en tirage, j'ai toujours été nul et je n'ai aucune ambition d'être beau en tirage, je m'en fous. Mais faire du tirage apprend sur la prise de vue. C'est une pratique. qui est quand même assez importante. De toute façon, j'ai eu le bac par miracle. J'ai eu le bac, donc j'ai donné mon temps à la société, au truc scolaire, ciao, bye bye. À partir de ce moment-là, j'ai commencé à lire. Le jour où j'ai arrêté l'école, je me suis intéressé à la littérature. Ça, c'est quand même assez incroyable. Et j'ai commencé à lire, j'ai commencé à dévorer des films, j'ai commencé à ouvrir tout ce truc culturel que... La démarche artistique qui n'avait jamais vraiment existé en moi. ou avec moi. Et à ce moment-là, j'ai eu la chance d'avoir un ami qui n'en fait plus, mais qui faisait énormément de photographies à l'époque. On est 19 ans, on était tout jeunes, on vivait chez nos parents. Lui, il partait en voyage l'été. Il allait à Istanbul pendant un mois avec des amis, il photographiait, il revenait avec 80 pellicules, il développait, il faisait le tirage. Donc il m'a beaucoup quand même influencé et pas mal aidé puisqu'il m'a donné un agrandisseur. C'est pas mal. Le fait qu'on me donne un appareil photo, peut-être que ça fait faire une pratique. Mais surtout, je pense qu'à 19 ans, c'était la première fois, en étant très jeune adulte, que je m'appropriais quelque chose à moi et à moi seulement. Et à un âge aussi où ça ouvre vers le futur. Et du coup, je me suis congé dedans comme un dingue et j'ai fait absolument que ça. Ensuite, chose très importante, et ça, ça fait partie vraiment de mon éducation photographique, et ça a fait de moi, je pense, c'est comme ça que j'ai appris. J'allais à la bibliothèque de la MEP, parce que c'était gratuit tous les mercredis, de 17h à 20h. Et je pense que j'ai passé mes... Si je n'étais pas en voyage, j'étais à la bibliothèque tous les mercredis. Je suis devenu ami avec les bibliothécaires, après on faisait des bouffes, on faisait machin. Et ça, c'était extraordinaire, il y a 36 000 ouvrages. et donc je venais toutes les semaines avec des noms et je regardais, je regardais la photographie c'est le travail des autres c'est pas son travail qui est finalement le plus intéressant et celui où on apprend c'est le travail des autres Je pense qu'au début, j'étais surtout influencé par la photographie, que trouver un lien entre littérature et photographie, ou entre musique et photographie, enfin, entre d'autres formes. Quand j'ai commencé, j'ai été fasciné par l'agence Magnum, par Koudelka, Larry Toel. J'aimais beaucoup Alex Majoli aussi, Carl De Kaiser. Bref, une école de photographie que j'ai totalement reniée après. Mais c'est ça aussi la jeunesse. Et donc j'ai aussi, je pense, associé beaucoup au voyage par rapport à ces influences-là. Il y a 20 ans peut-être aujourd'hui, il y a deux photographes, enfin trois, qui ont vraiment changé ma vie. C'est le livre « Summer Night » et « Denver » de Robert Adams. Tout le travail d'Isaïe Soudard. Wetting, Sitting, Fishing and Some Automobile de Anthony Hernandez. Les trois, c'est la même époque, entre 70 et 80. Les trois sont noir et blanc. Les trois sont... Lissay Souda et Robert Adam, c'est moyen format, et Anthony Hernandez, c'est le grand format. Et eux, c'est eux qui, je pense, où j'ai eu un écho, ou quelque chose comme un écho d'avoir une photographie, ou comme j'ai essayé de décrire, quitteusement, ma photographie, quelque chose, il y a... aucune hiérarchie, et qu'une liberté dans l'image. Et surtout, l'auteur s'efface. Alors, chez Robert Adams, Issei Souda et Anthony Hernandez, je ne sais pas si je peux le dire aussi vite, mais si tu prends Summer Night de Robert Adams, qui est donc une balade la nuit dans son quartier, je ne sais pas où, dans le Colorado, là aussi c'est très sensoriel, c'est-à-dire qu'aux Etats-Unis, on a les portes moustiquaires. Après, avant la porte d'entrée. Quand j'ouvre le livre, j'entends la porte qui claque. C'est pas... Puisque le son, la nuit, est beaucoup plus calme. Pas de personnes, peu de voitures. J'entends ces pas, on entend les grillons. C'est un livre totalement sensoriel. Ou finalement, c'est plus l'écoute que l'image, presque. C'est pour moi un livre que j'ai regardé des millions de fois, je pense. Et auquel je pense aussi régulièrement. Quand on est photographe, on est un peu fou, parce que je... Issei Souda, je pense à lui, je pense tous les jours depuis que j'ai rencontré son travail. C'est quand même délirant. Et je regarde, oui, je n'arrête pas, je regarde. Alors après, il y a la découverte, ensuite la boulémie, tout manger, son travail. Ensuite, un truc peut-être un peu plus analytique, ou après essayer de toi, de te l'approprier aussi d'une certaine manière à ta façon. puis ensuite voilà les choses évoluent aussi mais Issei Souda et Robert Adams sont des parents définitivement Alors ce voyage en Inde, j'ai 24 ans, donc ça faisait peut-être 5 ans que je n'étais plus à l'école. Je photographiais à Paris un peu, à droite à gauche, les amis, mes parents. Je faisais beaucoup de manifs parce que je vivais à la République. Tous les week-ends, j'allais photographier les manifs, j'adorais ça. Mais voilà, j'étais à Paris, tous mes amis étaient à la fac, donc j'étais dans une sorte d'errance où je n'avais pas beaucoup de structure autour de moi. Et j'étais... Voilà. Je ne faisais pas grand-chose de ce temps, finalement. Et pour une raison complètement absurde, mais vraiment, aucune idée pourquoi j'ai décidé d'aller en Inde. Ça aurait pu être partout ailleurs. Bref, je suis parti six mois. À l'époque, donc, Nekormat, je travaillais au 35 mm. Je pars avec plein de pellicules, j'achète de la pellicule. Et je voyage là-bas. Et en fait, je pars six mois. Je pars six mois, j'achète une mobilette. Je voyage en mobilette. Et chose quand même assez importante dans ce voyage, c'est que Par hasard, je vais dans un hôtel à Jaisalmer, qui est près du Pakistan, et j'ai fait 1500 km en mobilette, et je rentre dans cet hôtel. Par hasard, on me donne la clé de telle chambre, je vais dans telle chambre, et il y avait Barrage contre le Pacifique de Duras sur la table de chevet, en français, et je n'avais jamais lu Duras. Et c'est une rencontre qui m'a complètement bouleversé. Je rentre de ce voyage à Paris, développement, planche contact, et tout est nul. Tout est nul. Je mets peut-être deux mois à me dire que tout est nul, mais je vis un peu de manière somnolente. Je n'arrive pas à assumer que tout est nul, mais je sais que ce n'est pas bien. Parce que je me souviens, j'avais essayé de copier les photographes de Magna. Et comme je ne sais pas, malheureusement, je dois être de la nature rancunière, je décide de repartir. Et je repars en Inde six mois après. Je vais six mois à Paris, je travaille à la Poste pour gagner des sous, et je pars en Inde. Je repars là-bas et comme je rencontre les livres de Duras, surtout « Barrage contre le Pacifique » , je décide aussi d'aller au Cambodge et au Vietnam, puisqu'elle est née au Vietnam, un tout petit peu vécue au Cambodge. Mais entre-temps, je vais aussi au Népal. Et là, en fait, je pars un an, je crois, dans mon souvenir, quasiment un an. Mais dans ce voyage, je sens que j'arrive à m'approprier quelque chose. entre ces influences de Magnum que j'arrive à éloigner un petit peu, et peut-être un peu plus avec moi-même, un petit peu plus personnel, et je rentre, et là je suis bouleversé du travail en fait. Alors, je n'ai pas 200 000 images, mais quelques images font que ça valait le coup de faire tout ça. Et je me souviens, puisque je vivais chez mes parents à l'époque, Je rentre d'Inde, je vais chez mes parents, je fais des tirages et mes parents se réveillent et voient les tirages dans le salon. Et eux aussi trouvent ça super beau. Donc ça m'avait super touché. Et je pense que j'ai continué la photographie. Sinon j'aurais abandonné. Je ne trouvais pas une direction qui était un peu propre. Après, je n'ai aucune idée de quelle direction c'était. Je ne sais absolument pas ce que je fais au moment où je le fais. D'ailleurs, c'est assez rare que les gens savent ce qu'ils font au moment où ils le font. Mais c'est quelque chose, j'ai tellement aimé ces images que j'ai continué et que ça m'a donné une certaine confiance en la chance. Ce que je disais aussi tout à l'heure, la coïncidence, la chance. Donc ce voyage, il a été extrêmement important parce que c'est grâce à ce voyage que j'ai continué. C'est marrant puisque la démarche, j'ai réussi à l'identifier, je me souviens, à un moment. C'est un moment où je suis passé aussi au moyen format, au 6-6, avec le Yashica qui est l'appareil qu'on met comme le Relay Flex sur l'estomac. Le fait qu'on le mette sur l'estomac et qu'on ne l'ait pas dans le viseur, c'est déjà un appareil très contemplatif. Le fait d'avoir dans le viseur l'œil, c'est extrêmement agressif. Si on photographie quelqu'un, si on est en face de quelqu'un, c'est un acte hyper agressif. Si on l'a sur l'estomac, il y a quelque chose où les gens ne se rendent pas compte. Si je regarde l'appareil photo, mon dépolie pour prendre le portrait, je regarde pas la personne, je regarde la caméra qui prend la photo. Donc cet appareil là déjà c'est un appareil pour moi très très contemplatif donc qui va vers quelque chose de plus silencieux, de plus calme, de plus doux, de moins agressif. Après ce que j'avais identifié c'était, enfin identifié, d'avoir une sorte de démarche, une méthode voilà, d'avoir une sorte de méthode, c'est que je photographiais que à partir du moment où j'étais bouleversé, où j'étais très ému par T'en quittes que je vous... Il ne fallait absolument pas que je sache par quoi j'étais ému. Et de toute façon, je n'en avais absolument aucune idée. Et ça, ça va aussi avec la question de la hiérarchie, que je ne veux pas qu'il y ait de hiérarchie dans l'image. Ça veut dire que je veux photographier tout exactement au même niveau parce que je ne sais pas par quoi je suis ému. Donc c'est peut-être par la personne au centre de l'image, comme par le paysage, comme par la lumière, comme aucune distinction, aucune nuance. Et que l'image soit un peu presque totale de quelque chose qu'on ne connaît pas, mais qui produit une émotion. Donc quand je suis ému, Je clique en essayant de le cadrer le moins possible, d'être conscient le moins possible. Et aussi en faisant ça, parce qu'il y a quelque chose que j'ai toujours voulu échapper. Aujourd'hui, c'est un peu différent, mais je ne veux absolument pas d'informations dans l'image. Plus il y aura d'informations, moins il y aura de sensibilité, de mon point de vue, bien sûr. Donc, si j'ai zéro information, il n'y a rien à comprendre, mais il y a beaucoup à sentir. Et donc, le rapport au monde, là, il est peut-être... On peut le transmettre. Je reviens de mon voyage en Inde, j'ai 25 ans. Je commence à travailler dans la mode, j'en ai 42. Et entre les deux, il y a juste eu des voyages tout seul, ou des gens avec qui j'ai vécu, ou photographier la femme avec qui je vis, ou ensuite partir. Je photographiais en vacances. Tous les ans, j'allais en Italie chez mon meilleur ami Fede, près de Gênes. Tous les ans, j'y allais, je faisais 20 pellicules. Et je travaillais là-bas. J'ai jamais eu de projet, jamais eu de travail. J'ai jamais gagné d'argent avec ça. Et d'ailleurs, à une époque, j'ai commencé à vendre dans la rue. Et j'ai vendu peut-être 10 ans dans la rue. Et entre le RSA et vendre dans la rue, je vivotais. J'arrivais à avoir deux voyages par an, puisque je travaillais pour Lide et Magazine. Mais ils disaient, bon, fais un peu ce que tu veux. Moi, je partais un mois, un mois et demi, deux mois, je travaillais pour moi. Je rentrais, je faisais les tirages, je vendais dans la rue, je repartais 6 mois après. Et j'ai vécu comme ça pendant 10 ans, au moins. La mode, c'est arrivé du jour au lendemain. Quelqu'un m'a demandé, est-ce que tu ne veux pas faire une série pour telle marque ? C'était Jill Sander, que je ne connaissais même pas d'ailleurs, le nom. Et j'ai dit oui. À l'époque, je vivais avec Nanako et ils me disent, mais photographie ta femme. Et puis, je décide de partir à Hong Kong. On part à Hong Kong, ils me donnent les vêtements, on reste 10 jours. Et tous les jours, elles portent un vêtement et on se balade. et je photographie. Et du jour au lendemain, presque, ma vie a changé parce que un mois plus tard, ils m'ont dit, ah mais tu veux pas faire ça, et puis ensuite, tu veux pas faire ça. Et après, j'ai eu un agent. En quelques semaines, quelques mois, voire quelques semaines, c'était une autre vie. Après, comment... Moi, j'adore le fait d'avoir... Alors, jamais j'ai pensé que je ferais de la maths, vraiment, mais jamais de la vie. Quand j'allais à la MEP voir les bouquins de photos, à un moment, je me suis dit, bon, regardons un peu les... Les photographes de mode, ça fait partie de l'histoire de la photographie. En dix minutes, j'ai dit non merci, ça ne m'intéresse absolument pas. Jamais je n'aurais imaginé. C'est le hasard. Quelqu'un m'a contacté, j'ai dit oui à ce moment-là. Ils ont aimé, alors que je pensais qu'ils allaient me demander de rendre l'argent puisque je ne savais pas comment ça fonctionnait. J'avais tout dépensé à Hong Kong, j'avais super peur comme on demande, mais non, il faut rendre l'argent. Après, voilà, c'est un peu peut-être schizophrène parce que... Je ne suis pas du tout dans le même état quand je fais une série pour quelqu'un ou quand je travaille pour moi. Moi, je ne travaille pas sur des projets. Je me balade, j'ai des images que j'aime et tout d'un coup, ça va communiquer avec des images que j'ai faites il y a dix ans. Et là, il y a un livre qui se fait. Mais il n'y a jamais de projet, je n'ai jamais de série, jamais de projet. Je déteste la volonté. Donc, si je suis dans la volonté, je suis paralysé et je ne peux rien produire, rien faire. Pour ne pas être dans la volonté, il faut que j'arrive à être dans cette espèce d'errance, de flottement, qui fait que je peux accepter par un labyrinthe neurologique le monde et moi-même, ou moi dans le monde, ou je ne sais pas trop. Et à partir de ce moment-là, alors je peux engager quelque chose avec le monde. Mais il faut que ça soit... Voilà, chacun passe par ses névroses. Et moi, ma névrose fait, je pense, partie de mon travail en tant que méthode. Et ouais, moi, la méthode qui a fonctionné, je ne sais pas si qui a fonctionné, c'est moi qui le dis, c'est que je crois énormément à l'effacement de l'auteur. Parce qu'on s'en fout de l'auteur. Ce qui compte, c'est le résultat de l'image du livre que c'est. Mais Robert Adams, il y a un effacement de l'auteur. Et ça, c'est quelque chose. Et l'effacement de l'auteur, parce que ça veut dire qu'on n'a pas la petite idée qu'aurait l'auteur du monde, puisque tout le monde s'en fout de ce que je pense de ci ou de ça. Moi, le premier. Mais laisser la place du monde... tel qu'il est, ça serait quand même assez difficile à dire, mais un peu d'avoir comme une goutte, une toute petite goutte, mais extrêmement concentrée, de qu'est-ce que le réel. Et le réel, il est très étranger à nous. Oui, on a les idées du réel et machin et tout. Mais le fait de passer par l'émotion, le fait d'avoir un effacement de soi-même, fait que peut-être on peut avoir une goutte du réel, tel qu'il est, et pas l'idée qu'on en a. Parce que l'idée qu'on a d'un tel ou un tel du réel, non merci,

  • Speaker #1

    si je peux m'exprimer.

  • Speaker #0

    Si je travaille pour l'idée, j'ai ma méthode, parce qu'ils me disent, tu pars au Japon, je pars tout seul, un mois, je photographie, je me balade, je décide d'aller là ou là. Donc ils n'ont aucune... je peux avoir un cahier des charges et je le fais, mais bon. Si je travaille dans la mode, on me dit de 9h à 18h, tu vas être à tel endroit, il y a 20 personnes autour de toi, et là, il faut faire les images et on veut 15 images en fin de journée. Donc là, ce n'est pas du tout la même chose. La manière que j'ai réussi, qui fait que pour moi, j'arrive, je crois, à le faire, c'est que généralement, j'arrive à décider des lieux que je veux photographier. Je pars en avance, je vais visiter des lieux, et un lieu qui me touche un peu comme quand je suis tout seul, et que c'est un lieu que j'aimerais bien photographier, Après, je mets le modèle dedans et j'essaie que ce n'est pas grave qu'elle porte une jupe ou un jean ou que ce soit un t-shirt. C'est une personne qui est dans un environnement, qui est dans un espace et d'avoir une relation sensible avec la personne et cet espace. Et encore une fois, d'essayer de ne pas avoir trop cette hiérarchie non plus. Après, travailler, c'est vendre sa liberté contre de l'argent. C'est conséquent. Tout est conséquent. Plus je vais travailler, moins je vais exister. C'est un peu inévitable. C'est un peu la mort de soi aussi. Mais bon, c'est aussi des virages, des accidents, des chances. Donc je ne sais pas, peut-être dans dix ans, je ferai autre chose. Et voilà, si j'ai la volonté, ça ne va pas marcher. Je vais aller contre moi. Je vais faire les choses contre moi. Donc si ça vient de l'extérieur, alors je peux l'accepter comme quelque chose de naturel. Et alors répondre naturellement à cette proposition. Et donc là, voilà. Et toute ma démarche photographique, elle est là-dedans, en fait, dans ce rapport-là. Il y a une différence fondamentale et dont personne ne parle, et je ne comprends pas pourquoi, entre le digital et l'argentique, c'est que l'argentique, il y a des formats. Travailler au 6-7, au 6-6 ou au 35 mm ou à la chambre, une autre taille de négative, ça sera un autre rapport au monde. Et l'appareil photo, si c'est un Relay Flex ou si c'est un Mamiya qu'on a à l'œil, ce n'est pas non plus la même manière de photographier. Donc, on a une palette grâce aux formats et aux appareils photos qui font qu'on peut créer des ponts. Dans les évolutions de boulot, si je me répète et je peux passer au 6-7, ça me recrée un nouveau désir, c'est un nouveau format, une nouvelle manière de travailler. Alors que le digital, c'est une mémoire, une puce qui fait 1 mm sur 1 mm. Et puis, quand je dors, ça n'existe pas. Et quand je dors, mes tirages existent. Donc, c'est génial d'avoir l'opportunité d'avoir différents formats. C'est magnifique. Donc, toujours, je ferai de l'argentique. Rien que pour ça, pour cette beauté-là. Puis qu'est-ce qui est plus beau qu'un format ? Rien que le mot format est magnifique. Moi, je ne fais surtout que du contact. Parce que déjà, il y a plein de choses. C'est que les appareils photos, le labo, l'agrandisseur, tout ça, j'ai mis beaucoup de temps. Alors, appareil photo, j'ai mis beaucoup de temps à travailler avec des appareils photos qui pouvaient être un peu chers. Je les casse tout le temps. Je ne suis pas soigneux. Je mets zéro protection. Mon labo, c'est un... cauchemar, c'est dans ma cuisine, c'est Boeuf-Bourguignon, Labo, en même temps, c'est la totale. Mais si j'avais un labo parfait, un appareil photo nickel, je serais paralysé aussi. J'ai besoin que ça soit brinque-ballant, j'ai besoin que ça soit imparfait, pour accepter peut-être aussi quelque chose. Après, le contact, c'est venu parce que je ne peux pas voir une image que je ne connais pas encore, que je dois découvrir, dans un format autre que sa taille originale. le contact et sa taille originale. Et découvrir une image, je ne sais pas, sur un 30-40 alors que je ne l'ai jamais vue, je pense que je me suscite tellement, ça serait violent et que je serais incapable de la regarder. Donc si je la regarde en tout petit et que je m'habitue à elle, et qu'elle s'habitue aussi à moi, peut-être à mon existence, parce que c'est quand même un peu un aller-retour, parce que si je lui fais confiance, si je sens que j'aime cette image pour telle et telle chose, même si c'est très imprécis, Est-ce que dans le temps, ça va continuer ? Est-ce que dans six mois, j'ai la même relation avec cette image ? Si oui, alors on a une confiance mutuelle avec l'image. Sinon, c'est que c'est une image qui est peut-être ratée pour moi, peut-être qu'elle ne convient pas. Et après, peut-être, si je dois faire une expo, mais je fais très peu d'expos, alors je vais dire peut-être que ça sera bien dans ce format-là. Mais peut-être que son meilleur format, c'est le contact. Il y en a partout. Partout dans la maison, il y a des contacts. Il y a plein de sélections. Ça, c'est un paquet, oui. Ça, c'est le paquet 2, peut-être. Mais après, ça se remélange. Puis, j'ai commencé à aller... Parce que je faisais les contacts. Ensuite, je les découpais, les images que je sélectionnais. Ça, c'est très important. Parce que souvent, les gens gardent la planche contact. Ils disent, celle-ci, je l'aime. Après, je la tire. Moi, je découpais. Et donc, j'avais un tirage. j'avais plus une planche contact et ensuite je me suis dit ah mais Quand je regarde mon contact, je vois mon pouce, je vois la table, je vois le sol, je vais faire des marges blanches pour pouvoir les regarder vraiment, avec beaucoup d'espace. Donc ensuite, j'ai commencé à faire ça. À la maison, c'était rempli de feuilles blanches, j'avais des contacts partout. Et finalement, en faisant ça, mais juste pour pouvoir regarder mes propres images et savoir si je les aimais ou pas, c'est finalement devenu presque une manière, une finalité de l'image. Voilà, c'était sa finalité. Donc ça, ça s'est fait juste en travaillant, enfin comme des brouillons, en travaillant comme des brouillons. La fondation-là, c'est grâce à Thomas Boivin qui avait exposé là-bas et puis qui a eu la gentillesse de montrer quelques-uns de mes contacts, parce qu'il en a chez lui. Et il a montré quelques-uns des contacts à... à la directrice, et puis qui a tout de suite adoré. Et quand je suis allé au vernissage de Thomas, en dix minutes, elle m'a dit « faisons une expo » . Donc, il n'y a même pas eu ce truc où je devais essayer de défendre, parce qu'il aurait été une catastrophe. Et en fait, voilà, moi, si on ne me propose pas quelque chose, je fais mes photos dans mon coin, je fais mes contacts, puis je suis content ou pas, mais je ne vais rien faire de plus. Oui, si je décide de faire un livre, je vais faire un livre moi-même. Et du coup, je la rencontre, on travaille un petit peu sur l'expo. Il y avait une commissaire d'expo décidée. Et elle me dit, tu vas être avec Walker Evans et Guido Guidi. Et j'ai eu une salle où j'ai pu mettre 50 images. Ce qui est quand même gigantesque. Alors, 50 contacts, donc c'est un peu moins gigantesque. Non, voilà, ça a été une expérience incroyable parce que... Généralement, je n'avais fait qu'une seule expo avant chez mon galeriste qui est un ami que j'avais rencontré en venant dans la rue. Donc ça aussi, super belle rencontre. Et à chaque fois, je repousse les expositions. On dit on fait une expo l'année prochaine ? Oui, bien sûr. Et le temps, on arrive vers l'exposition et je dis on va faire ça l'année d'après, je ne suis pas prêt. Et là, j'ai été vraiment obligé de m'y coller. Donc j'ai trouvé l'encadrement que je voulais. Et évidemment, la difficulté, ça avait été de... Comment je mets ça sur les murs ? Et finalement, bon, je dis que j'ai réussi, parce que quand je l'ai vu, j'étais super heureux. Mais après, je ne sais pas trop quoi dire de plus. Je vendais rue Rambuteau en face du MK2 Beaubourg, parce que c'est piéton, et il y a un trottoir, et puis il y a un petit marché sauvage. Et donc je me foutais par terre, je mettais des feuilles blanches, et je collais mes 6x6 de manière un peu à la Masao Yamamoto, ça veut dire pas toute droite, une en haut, une en bas, un espace blanc, une autre, là deux ensembles, etc. Et je vendais 5 euros le contact. Tiré sur Nubarité, j'insiste. Je n'ai jamais tiré, je tire toujours sur du barité, comme ça on a quelque chose, pas sur du plastoc. Et c'était un moment où, alors moi qui n'aime pas la volonté, c'est assez volontariste de faire ça, étonnamment, mais j'ai toujours voulu vendre dans la rue, souvent ça me revenait. Et je ne sais pas, c'était un moment où, en fait je devais partir en Italie chez mon pote Fede. Je me casse le bras avant de partir et donc j'ai un plat gigantesque et c'est début juillet et je peux aller nulle part. Et je me dis putain, qu'est-ce que je vais faire ? Je me dis, ben, j'allais vendre dans la rue. Et j'ai passé les deux mois à vendre dans la rue et après j'y allais tous les week-ends, même l'hiver. C'est un marché sauvage, donc je suis devenu pote avec tous les mecs qui vendaient à côté des trucs. Et c'était une manière de rencontrer des gens. C'était fou, en fait, quand je m'ennuyais, j'allais vendre dans la rue et je rencontrais des gens. Ça a été quelque chose pour moi de... d'extraordinaire de vendre dans la rue, d'expérience, ça a été extraordinaire. Et puis peut-être que ça ne se fait pas tant que ça aussi finalement. Oui, c'est très banal, les artistes vont vendre dans la rue, mais finalement, peut-être qu'on n'en voit pas tant que ça. Donc, je ne sais pas, c'était génial comme expérience. Tant que je ne travaillais pas dans la mode, je faisais, par exemple, deux ans que de la couleur. Ensuite, dix ans que du noir et blanc. Je n'arrivais pas à faire de passer de l'un à l'autre. Le fait de devoir travailler pour les autres, ils disent on veut les deux. Donc là, je me retrouve un peu dans un truc très bâtard où quand je fais de la couleur, je voudrais du noir et blanc. Quand je fais du noir et blanc, je veux dire, tu perds à tous les coups. C'est infernal. Donc ça, ça a changé malheureusement un peu mon rapport. Mais normalement, j'ai toujours travaillé comme ça. Aujourd'hui, je pars avec les deux, aussi pour me rassurer. Mais ce que j'adore dans la couleur, c'est que c'est quelque chose de l'ordre atmosphérique. Par exemple, quand c'est l'été au crépuscule et que tu es à l'intérieur, et que c'est un petit peu tard, tu allumes la lumière. C'est jaune à l'intérieur. Tu ne regardes pas la fenêtre, c'est bleu. Tu as deux couleurs. C'est bouleversant. C'est incroyable. Voilà. Dans ce sens-là, la couleur est quelque chose de super important et aussi extrêmement sensoriel. Après, c'est tellement difficile la couleur. Il y a un photographe que je ne porte pas trop dans... Enfin, qui n'est pas du tout un photographe que j'adore, mais qui est Abbas, qui était chez Magnum, qui a dit vraiment une grosse connerie et quelque chose d'intelligent en même temps. Ce qu'il disait quand je photographie en noir et blanc, je photographie l'âme des gens. Bon ça je veux dire, c'est vraiment normalement, on va en prison pour dire une connerie pareille. Mais après il dit, mais quand je photographie en couleur, je photographie la couleur du t-shirt du type. Par contre c'est très vrai. Et là c'est l'opposé de l'âme, le t-shirt c'est clair. La couleur va prendre le pas sur tout le reste, mais cette couleur au sens vraiment, comme au sens atmosphérique ou au sens de l'oxygène ou la lumière. Là c'est une couleur qui est extrêmement sensorielle. Après, avant, quand je faisais de la couleur au 24-36, je me souviens que j'adorais qu'il y ait énormément de noir dans les images. Et je trouvais ça magnifique que ce n'était pas dans le noir et blanc, mais que le contre-jour, les ombres soient extrêmement noires et que d'avoir beaucoup, beaucoup de noir dans des images en couleur, je trouvais ça extrêmement sensuel en fait. Parce que la couleur, elle a ce truc aussi sensuel. J'ai fait quatre livres, trois auto-édités et un avec un peu un vrai éditeur, donc c'est un autre cas de figure dans le process, un petit peu, surtout dans le résultat plutôt que le process. Mais mon premier livre, je l'ai fait parce qu'une amie à l'époque, qui travaillait en 2014-2015, qui travaillait à la librairie du Bal, me dit il va y avoir un... truc, discussion en septembre où tu peux rencontrer des gens et tu peux leur montrer ton travail, donc faire un livre et moi j'avais jamais fait de livre mais le livre c'était vraiment, c'est pour moi l'aboutissement des travails photographiques puisque c'est ce qui se rapproche le plus de la littérature puisque t'as une narration, t'as des respirations et c'est ce qu'il y a de plus beau je trouve pour la photographie et donc je me retrouve ok j'ai un mois pour faire un livre ce qui est vraiment un mois c'est rien et en trois semaines c'était bouclé Merci. c'était d'une évidence et j'ai tout mélangé j'ai des photos faites en Iran des photos faites en Italie des photos faites à Paris peut-être une à droite et à gauche mais comme il n'y a aucune information sur les images comme le l'association des images va être que sur un truc de sensibilité on s'en fout ou c'est justement complètement donc c'était un livre que j'ai adoré faire que et d'ailleurs j'avais collé j'ai fait alors je me suis planté à tous les niveaux mais ça a aucun une importance J'ai écrit 60 exemplaires, alors qu'il y en avait 100, ou l'inverse, tout est faux dedans, et j'avais collé un contact sur chaque couverture, et un contact différent, donc ça c'était joli, chacun avait un livre un peu unique, et je les avais collés à la maison, donc ils se décollaient, c'était vraiment une catastrophe, mais j'ai une affection pour ce livre. Alors c'est un nom que je regrette énormément. Donc ça, c'est un mauvais titre. Ça s'appelle Profession d'un sentimental parce que j'adore les titres. Mais le métier de vivre était un titre que je ne pouvais vraiment pas voler, de ne pas vaiser, parce que j'adore voler des titres. Et donc, j'ai trouvé ce truc. Bon, c'est vraiment bancal, quoi. C'est super bancal. Après, j'ai des cahiers remplis de titres. Les titres sont super importants. C'est très proche de la photographie, le titre, parce que c'est la première impression de quelque chose et en même temps, ce n'est pas non plus le cœur. Sur un roman, tu as le titre et tu vas voir un dessin, une image ou rien. Et ça va être un rapport très direct et en même temps, tu n'as aucune idée de ce qu'il y a dedans. Donc c'est quelque chose d'assez beau par rapport à la photographie et le réel. Ensuite, j'ai fait un autre livre que j'ai adoré faire qui s'appelle La mort en été, qui est un titre que j'ai volé à Mishima, j'en suis très fier, et parce que j'adore Mishima. Et c'est un recueil de nouvelles, ce livre, pas très très connu. Et en fait, ça c'est un livre où il y a une série d'images que j'ai faites quand j'avais 19 ans en Italie, et où c'est juste des adolescents qui sautent d'un rocher, et j'ai un peu le mouvement décomposé, juste avant de sauter, au moment où on se prépare, dans l'air, etc. Et donc j'avais comme un plan séquence d'un film, et après j'allais en Italie, Je faisais complètement autre chose, donc chez mon pote, toujours plein d'amis, machin. Et là, je photographie, et puis je me dis, mais en fait... Et j'avais toujours gardé cette série d'images que j'adorais de plan séquence, comme ça, c'est six images, c'est rien, quoi. Et je me suis dit, mais je vais les mettre en relation, et puis je vais faire un temps découpé entre un temps très court, mélangé à un temps complètement dilué, complètement long. Et il y a 17 images, c'est rien, c'est extrêmement court, mais c'est comme une phrase, ou comme un poème, ou comme un... L'amour en été, j'étais très heureux. de ce livre. Et après, j'en ai fait un autre qui s'appelait Journal Sud. Là, j'étais très fier d'avoir trouvé ce titre, que j'ai fait à Jérusalem parce que j'étais parti pour Holiday Magazine et je ne sais plus pourquoi, je crois, on m'a invité quelque part et il fallait que je fasse un livre. Et là aussi, j'ai dû le faire en deux semaines. Et voilà. Et le dernier, fin d'automne, j'étais allé en 2015 au Japon pour Holiday. J'étais resté un mois et demi. J'avais toutes ces images, plein d'images que j'adorais mais qui... qui sont là. Je rencontre en 2018 Nanako, et du coup, je vais au Japon la voir plusieurs fois par an, je photographie beaucoup là-bas, et évidemment, je me dis, j'ai un temps intime, un temps qui est plutôt le monde, et donc, je les mélange, et j'ai évidemment quelque chose. Et fin d'automne, je l'ai volé à Ozu, le titre. Le doute, il est constant. De toute façon, photographier, c'est tellement un échec constant, puisque sur le nombre de l'énergie, l'investissement, le nombre de pellicules, le nombre de planches, de contacts que tu fais, de tirer blabla, tu as 0,0, tu vois, de ce que tu gardes. Donc le doute, il est permanent. Et puis le doute, il est forcément moteur, parce que si j'étais sûr de moi, je ne sais pas. Peut-être que je serais coach dans un gymnase club. J'ai besoin de me laisser guider, j'ai très peu. C'est tellement difficile tout. Mais après, tout n'est un peu que hasard, chance, coïncidence. Tu fais quelque chose, tu ne sais pas que tu es en train de commencer quelque chose. Et puis, une fois que tu l'as réellement fait, là, tu as un travail, tu as quelque chose, tu as un chemin. Encore une fois, à partir du moment, je ne sais pas du tout ce que je vis au moment où je le vis. Je peux que le savoir une fois que j'en ai eu l'expérience. Ce qui fait que je ne suis pas un photographe conceptuel du tout. Je suis sur des maquettes de livres, mais qui peuvent... complètement tombé à l'eau. Donc, j'ai aucune idée. La mort en été, c'est 17 images. J'avais déjà... J'avais 16 images et je ne trouvais pas une image qui faisait que la narration... J'ai mis 3 ans. Bien sûr, pendant 2 semaines, je bosse dessus. Ensuite, je ne fais rien pendant 2 mois. Ensuite, je m'y recolle. Ensuite, une après-midi. J'ai mis 3 ans. Alors que, profession d'un sentimental, j'ai 40 images en 3 semaines, tout à fait. Chaque livre aura son... Sa temporalité à tout point de vue. Aujourd'hui aussi, la photographie, j'ai peur. Le monde de l'image aujourd'hui, c'est une horrible expression. L'image du monde serait déjà un peu plus sympathique. Non mais tu vois les réseaux sociaux, la professionnalisation par les écoles d'art, tout ça fait que s'il y a professionnalisation, il y a industrie, il y a aussi un star system un peu. Donc ça veut dire que ça devient quelque chose, les gens vont dire je vais être photographe parce que ça va être quelque chose d'attirant mais qui ne sera pas lié au cœur de la discipline. donc ça ça fait ça fait peur parce que ça veut dire que tous ces gens qui vont produire des images malheureusement, il va y avoir des conséquences sur ça. Je ne sais pas, être photographe, c'est une manière comme une autre d'être vivant.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

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Description

Pour ce dernier épisode de la saison — et le tout dernier épisode de Vision —, j’ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps : Olivier Kervern.

Nous enregistrons dans son appartement du 20ᵉ arrondissement de Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu. L’écho est présent, on fait avec. Sur la table, un Yashica moyen format. Autour, des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc.


Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d’une photographie sans hiérarchie, sans sujet « plus important » qu’un autre. Cette rencontre me fait du bien. J’y pensais depuis quelques semaines : aujourd’hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment en photographie de mode. Olivier, lui, n’a jamais vraiment décidé de « faire de la mode ». Holiday Magazine, Jil Sander ou d’autres collaborations sont arrivées par hasard, par des rencontres et surtout grâce à son talent, à ses livres et à ses projets. Il ne se trahit pas. Il ne cherche pas à se fabriquer une personnalité. Olivier reste lui-même, malgré les enjeux.


Le son de ce podcast n’est pas parfait et, en même temps, il correspond assez bien à la personnalité d’Olivier, qu’il assume pleinement. Il est un peu bordélique, pas toujours très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L’essentiel est là.


Je voulais vous remercier sincèrement pour votre soutien et votre écoute attentive tout au long de ces années. Et je vous dis à très bientôt.


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Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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  • Speaker #0

    Une production en noyau studio.

  • Speaker #1

    Pour ce dernier épisode de la saison, et d'ailleurs le tout dernier épisode tout court, j'ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps, Olivier Kerverne. Nous enregistrons dans son appartement du 20e arrondissement à Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu, l'écho est donc présent, mais on fait avec. Sur la table, un Yashica, moyen format. et autour des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc. Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d'une photographie sans hiérarchie, sans sujet plus important qu'un autre. Cette rencontre me fait en tout cas du bien, j'y pensais depuis quelques semaines. Aujourd'hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment dans la photographie de mode. Lui n'a jamais vraiment décidé de faire de la mode. Olivier Magazine, Gilles Sander ou d'autres collaborations récentes sont arrivés par hasard, par rencontre et d'ailleurs surtout par son talent et via ses différents livres et projets. Il ne se trahit pas, ne cherche pas à se donner une personnalité. Olivier reste lui-même malgré les enjeux. Alors le son de ce podcast n'est pas parfait, en même temps ça correspond assez bien à la personnalité d'Olivier qu'il assume entièrement. Il est un peu bordélique, pas très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L'essentiel est là. Je voulais vous remercier vivement pour votre soutien et votre écoute attentive depuis ces nombreuses années et je vous dis à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut c'est Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images.

  • Speaker #1

    En ce moment et jusqu'au 31 janvier 2026, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente et uniquement la vente de votre matériel photo et vidéo sur le site de MPB, qui nous accompagne depuis le début de la saison et depuis quelques années. Le code que vous devez rentrer, c'est VISION5, tout simplement, tout attaché en majuscule. Vous pouvez bien sûr le retrouver aussi en description de ce podcast et sur notre site avec un lien direct vers le site de MPB. Bonne écoute !

  • Speaker #0

    Bon, alors ça, je l'ai fait au Japon, à Kagoshima, dans le sud du Japon, en 2015. J'étais parti pour Holiday Magazine et moi, pendant très longtemps, mon seul travail, c'était de partir pour Holiday Magazine deux fois par an. C'est de l'édito, donc t'es pas payé, mais tout est pris en compte. Et souvent, je restais un mois, un mois et demi dans les endroits et je photographiais pour moi. Et j'étais allé à Kagoshima parce que j'avais rencontré une fille. Quand j'avais 20 ans. quatre ans en Inde, dans un hôtel qui venait de Kagoshima, que j'ai vu pendant quelques semaines quand j'étais là-bas, que j'ai jamais revu, j'ai jamais recontacté. Mais quand je suis allé au Japon, j'avais envie d'aller dans la ville où elle vivait, ne pouvant même pas la reconnaître si je la creusais dans la rue, je pense. Donc je suis allé à Kagoshima un peu pour cette raison, en étant au Japon. Et après, comme à chaque fois, faire des photos c'est marcher. C'est marcher et c'est un peu au pif, à l'intuition, je vais à droite ou à gauche. Je vois la mer, je vais vers la mer. Je vois une colline, je vais vers la colline. Je ne sais pas, c'est vraiment au pif en permanence. Il n'y a rien de prévu, il n'y a que de l'errance, beaucoup d'échecs. Et parfois on arrive quelque part. Et donc je suivais, Kagoshima c'est un port, et donc j'allais quand même tous les jours au bord de la mer. Et j'ai commencé à suivre un peu, il y avait des pêcheurs. Il y avait beaucoup d'endroits où il y avait des pêcheurs par zone, comme ça à droite et à gauche. Donc j'essayais un peu d'aller voir là où les gens pêchaient. et je me suis retrouvé sur cette espèce d'esplanade assez étrange. Par contre, je n'ai fait qu'une seule photo, ce qui n'est pas rare, mais parfois on fait deux pellicules sur un endroit, parfois on fait trois images, et là je n'en ai fait qu'une. Déjà, je l'aime beaucoup parce que je crois qu'elle représente pas mal le travail que j'ai fait à une époque, peut-être moins aujourd'hui. C'est déjà d'essayer de ne pas avoir de hiérarchie dans l'image. C'est-à-dire que c'est un paysage et... Un portrait, il ne faut pas exagérer, mais le portrait peut-être de quelqu'un, et aussi des silhouettes et des gens. Et le fait que l'un soit plus important que l'autre, ni l'un est plus important que l'autre, le fait qu'il n'y ait pas de hiérarchie peut-être dans les sujets, dans l'image, fait que c'est peut-être une image un peu libre. Et aussi, il y a ce hasard là énorme, puisque je ne l'avais pas vu quand j'avais fait la photo, c'est que le seul à un motif de petit carré, gris et blanc, l'unique personne qui est face à moi. a une chemise à carreaux et sa tête est au centre de ce sol qui est un demi-cercle et ouais Et tout ça, en fait, je crois que je ne l'ai pas vu en prenant la photo. C'est toujours un chance-accident, hasard et bien heureux. Je m'appelle Olivier Carverne. Je suis né à Fontainebleau, mais j'ai grandi en banlieue parisienne, dans les Sannes à Draveil, jusqu'à l'âge de 16 ans environ. Petite ville de banlieue, moche, enfance plutôt super chouette, des parents pas du tout axés sur la culture. Donc, je n'ai pas d'héritage littéraire, musical. Il n'y a pas eu la curiosité artistique, en fait. La lecture, ça ne me dérangeait pas puisque je n'ai jamais lu un livre que l'école m'a demandé de lire. Comme tout, si tu es en face de quelque chose, c'est quelque chose que tu ne peux pas voir. Je me souviens, j'ai rencontré dans la rue il y a quelques années un vieux monsieur. On s'est mis à discuter de photographie et de cinéma. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il m'a dit « Godard a dit l'écran fait écran » . C'est exactement ça. Je me souviens quand j'étais à l'école primaire. Il y avait eu un contrôle et il y avait la première page et la deuxième page, il fallait la retourner. Et je n'ai jamais pensé à retourner la deuxième page. Je n'ai rempli que la moitié de l'examen. Après, la littérature à l'école, ça a été un refus absolument total. J'ai eu une grande fierté à ne jamais lire un livre qu'ils m'ont demandé de lire. Ça me fait penser aussi à Duras, qui dans la pluie d'été, c'est une histoire d'enfants et les enfants ne veulent pas apprendre ce qu'ils ne connaissent déjà pas. C'est très drôle aussi. L'école était un peu le souci, mais rien qui était lié à ce que j'allais faire, photographie ou rien de tout ça. À 17 ans, il y a eu, ça c'est peut-être quelque chose, c'est que comme j'étais mauvais à l'école, j'ai redoublé deux fois et j'allais sortir du système scolaire, mais en troisième, donc trop jeune, assez jeune. Et mes parents ont trouvé une solution, c'est qu'ils m'ont envoyé un an aux Etats-Unis. à 16 ans. Et donc, j'ai fait dans une famille aux Etats-Unis pendant un an ce truc-là. Et quand je suis rentré en France, j'étais comme sorti du système scolaire. Donc, par miracle, je pouvais y re-rentrer par un peu de biais et être accepté d'aller au lycée parce qu'on m'acceptait pas au lycée. Donc ça, ça a pu jouer sur le fait que c'était mon premier voyage à 16 ans, un an à l'étranger. C'est quelque chose d'assez... Peut-être que ça a été constitutif de quelque chose, peut-être pas du tout. Je crois que moi, j'en ai pas vraiment conscience. Les images, je n'ai jamais été attiré par la photographie avant que j'y sois aspiré entièrement. Avant, je ne pensais ni à la photographie, ni à la peinture, tout ça m'était très étranger. Après, tout ce qui est, là je vais dire un mot qui est pour moi assez important, impression, impressionniste, ça c'est quelque chose qui se cultive de l'enfance, qui est très fort quand on est enfant, les sensations, les impressions, et là où on a. aucun mot à mettre dessus, on n'a que des émotions et des sensations. C'est grâce à ça que je me suis mis à la photographie. Grâce à ces sensations et à ces impressions. J'ai commencé parce qu'un ami m'a donné un appareil photo, un Nikkor Mat. Pas longtemps après, j'ai découvert que c'est ce que Bernard Plessus a utilisé toute sa vie. Donc il y avait tout de suite un espèce de lien amical et très fort. Et en même temps, on m'a prêté un agrandisseur, chose assez importante quand on commence la photographie. C'est assez génial de pouvoir commencer à faire du tirage tout de suite. Donc prise de vue, tirage la nuit et quelque chose se passe et on apprend énormément. Moi, je suis nul en tirage, j'ai toujours été nul et je n'ai aucune ambition d'être beau en tirage, je m'en fous. Mais faire du tirage apprend sur la prise de vue. C'est une pratique. qui est quand même assez importante. De toute façon, j'ai eu le bac par miracle. J'ai eu le bac, donc j'ai donné mon temps à la société, au truc scolaire, ciao, bye bye. À partir de ce moment-là, j'ai commencé à lire. Le jour où j'ai arrêté l'école, je me suis intéressé à la littérature. Ça, c'est quand même assez incroyable. Et j'ai commencé à lire, j'ai commencé à dévorer des films, j'ai commencé à ouvrir tout ce truc culturel que... La démarche artistique qui n'avait jamais vraiment existé en moi. ou avec moi. Et à ce moment-là, j'ai eu la chance d'avoir un ami qui n'en fait plus, mais qui faisait énormément de photographies à l'époque. On est 19 ans, on était tout jeunes, on vivait chez nos parents. Lui, il partait en voyage l'été. Il allait à Istanbul pendant un mois avec des amis, il photographiait, il revenait avec 80 pellicules, il développait, il faisait le tirage. Donc il m'a beaucoup quand même influencé et pas mal aidé puisqu'il m'a donné un agrandisseur. C'est pas mal. Le fait qu'on me donne un appareil photo, peut-être que ça fait faire une pratique. Mais surtout, je pense qu'à 19 ans, c'était la première fois, en étant très jeune adulte, que je m'appropriais quelque chose à moi et à moi seulement. Et à un âge aussi où ça ouvre vers le futur. Et du coup, je me suis congé dedans comme un dingue et j'ai fait absolument que ça. Ensuite, chose très importante, et ça, ça fait partie vraiment de mon éducation photographique, et ça a fait de moi, je pense, c'est comme ça que j'ai appris. J'allais à la bibliothèque de la MEP, parce que c'était gratuit tous les mercredis, de 17h à 20h. Et je pense que j'ai passé mes... Si je n'étais pas en voyage, j'étais à la bibliothèque tous les mercredis. Je suis devenu ami avec les bibliothécaires, après on faisait des bouffes, on faisait machin. Et ça, c'était extraordinaire, il y a 36 000 ouvrages. et donc je venais toutes les semaines avec des noms et je regardais, je regardais la photographie c'est le travail des autres c'est pas son travail qui est finalement le plus intéressant et celui où on apprend c'est le travail des autres Je pense qu'au début, j'étais surtout influencé par la photographie, que trouver un lien entre littérature et photographie, ou entre musique et photographie, enfin, entre d'autres formes. Quand j'ai commencé, j'ai été fasciné par l'agence Magnum, par Koudelka, Larry Toel. J'aimais beaucoup Alex Majoli aussi, Carl De Kaiser. Bref, une école de photographie que j'ai totalement reniée après. Mais c'est ça aussi la jeunesse. Et donc j'ai aussi, je pense, associé beaucoup au voyage par rapport à ces influences-là. Il y a 20 ans peut-être aujourd'hui, il y a deux photographes, enfin trois, qui ont vraiment changé ma vie. C'est le livre « Summer Night » et « Denver » de Robert Adams. Tout le travail d'Isaïe Soudard. Wetting, Sitting, Fishing and Some Automobile de Anthony Hernandez. Les trois, c'est la même époque, entre 70 et 80. Les trois sont noir et blanc. Les trois sont... Lissay Souda et Robert Adam, c'est moyen format, et Anthony Hernandez, c'est le grand format. Et eux, c'est eux qui, je pense, où j'ai eu un écho, ou quelque chose comme un écho d'avoir une photographie, ou comme j'ai essayé de décrire, quitteusement, ma photographie, quelque chose, il y a... aucune hiérarchie, et qu'une liberté dans l'image. Et surtout, l'auteur s'efface. Alors, chez Robert Adams, Issei Souda et Anthony Hernandez, je ne sais pas si je peux le dire aussi vite, mais si tu prends Summer Night de Robert Adams, qui est donc une balade la nuit dans son quartier, je ne sais pas où, dans le Colorado, là aussi c'est très sensoriel, c'est-à-dire qu'aux Etats-Unis, on a les portes moustiquaires. Après, avant la porte d'entrée. Quand j'ouvre le livre, j'entends la porte qui claque. C'est pas... Puisque le son, la nuit, est beaucoup plus calme. Pas de personnes, peu de voitures. J'entends ces pas, on entend les grillons. C'est un livre totalement sensoriel. Ou finalement, c'est plus l'écoute que l'image, presque. C'est pour moi un livre que j'ai regardé des millions de fois, je pense. Et auquel je pense aussi régulièrement. Quand on est photographe, on est un peu fou, parce que je... Issei Souda, je pense à lui, je pense tous les jours depuis que j'ai rencontré son travail. C'est quand même délirant. Et je regarde, oui, je n'arrête pas, je regarde. Alors après, il y a la découverte, ensuite la boulémie, tout manger, son travail. Ensuite, un truc peut-être un peu plus analytique, ou après essayer de toi, de te l'approprier aussi d'une certaine manière à ta façon. puis ensuite voilà les choses évoluent aussi mais Issei Souda et Robert Adams sont des parents définitivement Alors ce voyage en Inde, j'ai 24 ans, donc ça faisait peut-être 5 ans que je n'étais plus à l'école. Je photographiais à Paris un peu, à droite à gauche, les amis, mes parents. Je faisais beaucoup de manifs parce que je vivais à la République. Tous les week-ends, j'allais photographier les manifs, j'adorais ça. Mais voilà, j'étais à Paris, tous mes amis étaient à la fac, donc j'étais dans une sorte d'errance où je n'avais pas beaucoup de structure autour de moi. Et j'étais... Voilà. Je ne faisais pas grand-chose de ce temps, finalement. Et pour une raison complètement absurde, mais vraiment, aucune idée pourquoi j'ai décidé d'aller en Inde. Ça aurait pu être partout ailleurs. Bref, je suis parti six mois. À l'époque, donc, Nekormat, je travaillais au 35 mm. Je pars avec plein de pellicules, j'achète de la pellicule. Et je voyage là-bas. Et en fait, je pars six mois. Je pars six mois, j'achète une mobilette. Je voyage en mobilette. Et chose quand même assez importante dans ce voyage, c'est que Par hasard, je vais dans un hôtel à Jaisalmer, qui est près du Pakistan, et j'ai fait 1500 km en mobilette, et je rentre dans cet hôtel. Par hasard, on me donne la clé de telle chambre, je vais dans telle chambre, et il y avait Barrage contre le Pacifique de Duras sur la table de chevet, en français, et je n'avais jamais lu Duras. Et c'est une rencontre qui m'a complètement bouleversé. Je rentre de ce voyage à Paris, développement, planche contact, et tout est nul. Tout est nul. Je mets peut-être deux mois à me dire que tout est nul, mais je vis un peu de manière somnolente. Je n'arrive pas à assumer que tout est nul, mais je sais que ce n'est pas bien. Parce que je me souviens, j'avais essayé de copier les photographes de Magna. Et comme je ne sais pas, malheureusement, je dois être de la nature rancunière, je décide de repartir. Et je repars en Inde six mois après. Je vais six mois à Paris, je travaille à la Poste pour gagner des sous, et je pars en Inde. Je repars là-bas et comme je rencontre les livres de Duras, surtout « Barrage contre le Pacifique » , je décide aussi d'aller au Cambodge et au Vietnam, puisqu'elle est née au Vietnam, un tout petit peu vécue au Cambodge. Mais entre-temps, je vais aussi au Népal. Et là, en fait, je pars un an, je crois, dans mon souvenir, quasiment un an. Mais dans ce voyage, je sens que j'arrive à m'approprier quelque chose. entre ces influences de Magnum que j'arrive à éloigner un petit peu, et peut-être un peu plus avec moi-même, un petit peu plus personnel, et je rentre, et là je suis bouleversé du travail en fait. Alors, je n'ai pas 200 000 images, mais quelques images font que ça valait le coup de faire tout ça. Et je me souviens, puisque je vivais chez mes parents à l'époque, Je rentre d'Inde, je vais chez mes parents, je fais des tirages et mes parents se réveillent et voient les tirages dans le salon. Et eux aussi trouvent ça super beau. Donc ça m'avait super touché. Et je pense que j'ai continué la photographie. Sinon j'aurais abandonné. Je ne trouvais pas une direction qui était un peu propre. Après, je n'ai aucune idée de quelle direction c'était. Je ne sais absolument pas ce que je fais au moment où je le fais. D'ailleurs, c'est assez rare que les gens savent ce qu'ils font au moment où ils le font. Mais c'est quelque chose, j'ai tellement aimé ces images que j'ai continué et que ça m'a donné une certaine confiance en la chance. Ce que je disais aussi tout à l'heure, la coïncidence, la chance. Donc ce voyage, il a été extrêmement important parce que c'est grâce à ce voyage que j'ai continué. C'est marrant puisque la démarche, j'ai réussi à l'identifier, je me souviens, à un moment. C'est un moment où je suis passé aussi au moyen format, au 6-6, avec le Yashica qui est l'appareil qu'on met comme le Relay Flex sur l'estomac. Le fait qu'on le mette sur l'estomac et qu'on ne l'ait pas dans le viseur, c'est déjà un appareil très contemplatif. Le fait d'avoir dans le viseur l'œil, c'est extrêmement agressif. Si on photographie quelqu'un, si on est en face de quelqu'un, c'est un acte hyper agressif. Si on l'a sur l'estomac, il y a quelque chose où les gens ne se rendent pas compte. Si je regarde l'appareil photo, mon dépolie pour prendre le portrait, je regarde pas la personne, je regarde la caméra qui prend la photo. Donc cet appareil là déjà c'est un appareil pour moi très très contemplatif donc qui va vers quelque chose de plus silencieux, de plus calme, de plus doux, de moins agressif. Après ce que j'avais identifié c'était, enfin identifié, d'avoir une sorte de démarche, une méthode voilà, d'avoir une sorte de méthode, c'est que je photographiais que à partir du moment où j'étais bouleversé, où j'étais très ému par T'en quittes que je vous... Il ne fallait absolument pas que je sache par quoi j'étais ému. Et de toute façon, je n'en avais absolument aucune idée. Et ça, ça va aussi avec la question de la hiérarchie, que je ne veux pas qu'il y ait de hiérarchie dans l'image. Ça veut dire que je veux photographier tout exactement au même niveau parce que je ne sais pas par quoi je suis ému. Donc c'est peut-être par la personne au centre de l'image, comme par le paysage, comme par la lumière, comme aucune distinction, aucune nuance. Et que l'image soit un peu presque totale de quelque chose qu'on ne connaît pas, mais qui produit une émotion. Donc quand je suis ému, Je clique en essayant de le cadrer le moins possible, d'être conscient le moins possible. Et aussi en faisant ça, parce qu'il y a quelque chose que j'ai toujours voulu échapper. Aujourd'hui, c'est un peu différent, mais je ne veux absolument pas d'informations dans l'image. Plus il y aura d'informations, moins il y aura de sensibilité, de mon point de vue, bien sûr. Donc, si j'ai zéro information, il n'y a rien à comprendre, mais il y a beaucoup à sentir. Et donc, le rapport au monde, là, il est peut-être... On peut le transmettre. Je reviens de mon voyage en Inde, j'ai 25 ans. Je commence à travailler dans la mode, j'en ai 42. Et entre les deux, il y a juste eu des voyages tout seul, ou des gens avec qui j'ai vécu, ou photographier la femme avec qui je vis, ou ensuite partir. Je photographiais en vacances. Tous les ans, j'allais en Italie chez mon meilleur ami Fede, près de Gênes. Tous les ans, j'y allais, je faisais 20 pellicules. Et je travaillais là-bas. J'ai jamais eu de projet, jamais eu de travail. J'ai jamais gagné d'argent avec ça. Et d'ailleurs, à une époque, j'ai commencé à vendre dans la rue. Et j'ai vendu peut-être 10 ans dans la rue. Et entre le RSA et vendre dans la rue, je vivotais. J'arrivais à avoir deux voyages par an, puisque je travaillais pour Lide et Magazine. Mais ils disaient, bon, fais un peu ce que tu veux. Moi, je partais un mois, un mois et demi, deux mois, je travaillais pour moi. Je rentrais, je faisais les tirages, je vendais dans la rue, je repartais 6 mois après. Et j'ai vécu comme ça pendant 10 ans, au moins. La mode, c'est arrivé du jour au lendemain. Quelqu'un m'a demandé, est-ce que tu ne veux pas faire une série pour telle marque ? C'était Jill Sander, que je ne connaissais même pas d'ailleurs, le nom. Et j'ai dit oui. À l'époque, je vivais avec Nanako et ils me disent, mais photographie ta femme. Et puis, je décide de partir à Hong Kong. On part à Hong Kong, ils me donnent les vêtements, on reste 10 jours. Et tous les jours, elles portent un vêtement et on se balade. et je photographie. Et du jour au lendemain, presque, ma vie a changé parce que un mois plus tard, ils m'ont dit, ah mais tu veux pas faire ça, et puis ensuite, tu veux pas faire ça. Et après, j'ai eu un agent. En quelques semaines, quelques mois, voire quelques semaines, c'était une autre vie. Après, comment... Moi, j'adore le fait d'avoir... Alors, jamais j'ai pensé que je ferais de la maths, vraiment, mais jamais de la vie. Quand j'allais à la MEP voir les bouquins de photos, à un moment, je me suis dit, bon, regardons un peu les... Les photographes de mode, ça fait partie de l'histoire de la photographie. En dix minutes, j'ai dit non merci, ça ne m'intéresse absolument pas. Jamais je n'aurais imaginé. C'est le hasard. Quelqu'un m'a contacté, j'ai dit oui à ce moment-là. Ils ont aimé, alors que je pensais qu'ils allaient me demander de rendre l'argent puisque je ne savais pas comment ça fonctionnait. J'avais tout dépensé à Hong Kong, j'avais super peur comme on demande, mais non, il faut rendre l'argent. Après, voilà, c'est un peu peut-être schizophrène parce que... Je ne suis pas du tout dans le même état quand je fais une série pour quelqu'un ou quand je travaille pour moi. Moi, je ne travaille pas sur des projets. Je me balade, j'ai des images que j'aime et tout d'un coup, ça va communiquer avec des images que j'ai faites il y a dix ans. Et là, il y a un livre qui se fait. Mais il n'y a jamais de projet, je n'ai jamais de série, jamais de projet. Je déteste la volonté. Donc, si je suis dans la volonté, je suis paralysé et je ne peux rien produire, rien faire. Pour ne pas être dans la volonté, il faut que j'arrive à être dans cette espèce d'errance, de flottement, qui fait que je peux accepter par un labyrinthe neurologique le monde et moi-même, ou moi dans le monde, ou je ne sais pas trop. Et à partir de ce moment-là, alors je peux engager quelque chose avec le monde. Mais il faut que ça soit... Voilà, chacun passe par ses névroses. Et moi, ma névrose fait, je pense, partie de mon travail en tant que méthode. Et ouais, moi, la méthode qui a fonctionné, je ne sais pas si qui a fonctionné, c'est moi qui le dis, c'est que je crois énormément à l'effacement de l'auteur. Parce qu'on s'en fout de l'auteur. Ce qui compte, c'est le résultat de l'image du livre que c'est. Mais Robert Adams, il y a un effacement de l'auteur. Et ça, c'est quelque chose. Et l'effacement de l'auteur, parce que ça veut dire qu'on n'a pas la petite idée qu'aurait l'auteur du monde, puisque tout le monde s'en fout de ce que je pense de ci ou de ça. Moi, le premier. Mais laisser la place du monde... tel qu'il est, ça serait quand même assez difficile à dire, mais un peu d'avoir comme une goutte, une toute petite goutte, mais extrêmement concentrée, de qu'est-ce que le réel. Et le réel, il est très étranger à nous. Oui, on a les idées du réel et machin et tout. Mais le fait de passer par l'émotion, le fait d'avoir un effacement de soi-même, fait que peut-être on peut avoir une goutte du réel, tel qu'il est, et pas l'idée qu'on en a. Parce que l'idée qu'on a d'un tel ou un tel du réel, non merci,

  • Speaker #1

    si je peux m'exprimer.

  • Speaker #0

    Si je travaille pour l'idée, j'ai ma méthode, parce qu'ils me disent, tu pars au Japon, je pars tout seul, un mois, je photographie, je me balade, je décide d'aller là ou là. Donc ils n'ont aucune... je peux avoir un cahier des charges et je le fais, mais bon. Si je travaille dans la mode, on me dit de 9h à 18h, tu vas être à tel endroit, il y a 20 personnes autour de toi, et là, il faut faire les images et on veut 15 images en fin de journée. Donc là, ce n'est pas du tout la même chose. La manière que j'ai réussi, qui fait que pour moi, j'arrive, je crois, à le faire, c'est que généralement, j'arrive à décider des lieux que je veux photographier. Je pars en avance, je vais visiter des lieux, et un lieu qui me touche un peu comme quand je suis tout seul, et que c'est un lieu que j'aimerais bien photographier, Après, je mets le modèle dedans et j'essaie que ce n'est pas grave qu'elle porte une jupe ou un jean ou que ce soit un t-shirt. C'est une personne qui est dans un environnement, qui est dans un espace et d'avoir une relation sensible avec la personne et cet espace. Et encore une fois, d'essayer de ne pas avoir trop cette hiérarchie non plus. Après, travailler, c'est vendre sa liberté contre de l'argent. C'est conséquent. Tout est conséquent. Plus je vais travailler, moins je vais exister. C'est un peu inévitable. C'est un peu la mort de soi aussi. Mais bon, c'est aussi des virages, des accidents, des chances. Donc je ne sais pas, peut-être dans dix ans, je ferai autre chose. Et voilà, si j'ai la volonté, ça ne va pas marcher. Je vais aller contre moi. Je vais faire les choses contre moi. Donc si ça vient de l'extérieur, alors je peux l'accepter comme quelque chose de naturel. Et alors répondre naturellement à cette proposition. Et donc là, voilà. Et toute ma démarche photographique, elle est là-dedans, en fait, dans ce rapport-là. Il y a une différence fondamentale et dont personne ne parle, et je ne comprends pas pourquoi, entre le digital et l'argentique, c'est que l'argentique, il y a des formats. Travailler au 6-7, au 6-6 ou au 35 mm ou à la chambre, une autre taille de négative, ça sera un autre rapport au monde. Et l'appareil photo, si c'est un Relay Flex ou si c'est un Mamiya qu'on a à l'œil, ce n'est pas non plus la même manière de photographier. Donc, on a une palette grâce aux formats et aux appareils photos qui font qu'on peut créer des ponts. Dans les évolutions de boulot, si je me répète et je peux passer au 6-7, ça me recrée un nouveau désir, c'est un nouveau format, une nouvelle manière de travailler. Alors que le digital, c'est une mémoire, une puce qui fait 1 mm sur 1 mm. Et puis, quand je dors, ça n'existe pas. Et quand je dors, mes tirages existent. Donc, c'est génial d'avoir l'opportunité d'avoir différents formats. C'est magnifique. Donc, toujours, je ferai de l'argentique. Rien que pour ça, pour cette beauté-là. Puis qu'est-ce qui est plus beau qu'un format ? Rien que le mot format est magnifique. Moi, je ne fais surtout que du contact. Parce que déjà, il y a plein de choses. C'est que les appareils photos, le labo, l'agrandisseur, tout ça, j'ai mis beaucoup de temps. Alors, appareil photo, j'ai mis beaucoup de temps à travailler avec des appareils photos qui pouvaient être un peu chers. Je les casse tout le temps. Je ne suis pas soigneux. Je mets zéro protection. Mon labo, c'est un... cauchemar, c'est dans ma cuisine, c'est Boeuf-Bourguignon, Labo, en même temps, c'est la totale. Mais si j'avais un labo parfait, un appareil photo nickel, je serais paralysé aussi. J'ai besoin que ça soit brinque-ballant, j'ai besoin que ça soit imparfait, pour accepter peut-être aussi quelque chose. Après, le contact, c'est venu parce que je ne peux pas voir une image que je ne connais pas encore, que je dois découvrir, dans un format autre que sa taille originale. le contact et sa taille originale. Et découvrir une image, je ne sais pas, sur un 30-40 alors que je ne l'ai jamais vue, je pense que je me suscite tellement, ça serait violent et que je serais incapable de la regarder. Donc si je la regarde en tout petit et que je m'habitue à elle, et qu'elle s'habitue aussi à moi, peut-être à mon existence, parce que c'est quand même un peu un aller-retour, parce que si je lui fais confiance, si je sens que j'aime cette image pour telle et telle chose, même si c'est très imprécis, Est-ce que dans le temps, ça va continuer ? Est-ce que dans six mois, j'ai la même relation avec cette image ? Si oui, alors on a une confiance mutuelle avec l'image. Sinon, c'est que c'est une image qui est peut-être ratée pour moi, peut-être qu'elle ne convient pas. Et après, peut-être, si je dois faire une expo, mais je fais très peu d'expos, alors je vais dire peut-être que ça sera bien dans ce format-là. Mais peut-être que son meilleur format, c'est le contact. Il y en a partout. Partout dans la maison, il y a des contacts. Il y a plein de sélections. Ça, c'est un paquet, oui. Ça, c'est le paquet 2, peut-être. Mais après, ça se remélange. Puis, j'ai commencé à aller... Parce que je faisais les contacts. Ensuite, je les découpais, les images que je sélectionnais. Ça, c'est très important. Parce que souvent, les gens gardent la planche contact. Ils disent, celle-ci, je l'aime. Après, je la tire. Moi, je découpais. Et donc, j'avais un tirage. j'avais plus une planche contact et ensuite je me suis dit ah mais Quand je regarde mon contact, je vois mon pouce, je vois la table, je vois le sol, je vais faire des marges blanches pour pouvoir les regarder vraiment, avec beaucoup d'espace. Donc ensuite, j'ai commencé à faire ça. À la maison, c'était rempli de feuilles blanches, j'avais des contacts partout. Et finalement, en faisant ça, mais juste pour pouvoir regarder mes propres images et savoir si je les aimais ou pas, c'est finalement devenu presque une manière, une finalité de l'image. Voilà, c'était sa finalité. Donc ça, ça s'est fait juste en travaillant, enfin comme des brouillons, en travaillant comme des brouillons. La fondation-là, c'est grâce à Thomas Boivin qui avait exposé là-bas et puis qui a eu la gentillesse de montrer quelques-uns de mes contacts, parce qu'il en a chez lui. Et il a montré quelques-uns des contacts à... à la directrice, et puis qui a tout de suite adoré. Et quand je suis allé au vernissage de Thomas, en dix minutes, elle m'a dit « faisons une expo » . Donc, il n'y a même pas eu ce truc où je devais essayer de défendre, parce qu'il aurait été une catastrophe. Et en fait, voilà, moi, si on ne me propose pas quelque chose, je fais mes photos dans mon coin, je fais mes contacts, puis je suis content ou pas, mais je ne vais rien faire de plus. Oui, si je décide de faire un livre, je vais faire un livre moi-même. Et du coup, je la rencontre, on travaille un petit peu sur l'expo. Il y avait une commissaire d'expo décidée. Et elle me dit, tu vas être avec Walker Evans et Guido Guidi. Et j'ai eu une salle où j'ai pu mettre 50 images. Ce qui est quand même gigantesque. Alors, 50 contacts, donc c'est un peu moins gigantesque. Non, voilà, ça a été une expérience incroyable parce que... Généralement, je n'avais fait qu'une seule expo avant chez mon galeriste qui est un ami que j'avais rencontré en venant dans la rue. Donc ça aussi, super belle rencontre. Et à chaque fois, je repousse les expositions. On dit on fait une expo l'année prochaine ? Oui, bien sûr. Et le temps, on arrive vers l'exposition et je dis on va faire ça l'année d'après, je ne suis pas prêt. Et là, j'ai été vraiment obligé de m'y coller. Donc j'ai trouvé l'encadrement que je voulais. Et évidemment, la difficulté, ça avait été de... Comment je mets ça sur les murs ? Et finalement, bon, je dis que j'ai réussi, parce que quand je l'ai vu, j'étais super heureux. Mais après, je ne sais pas trop quoi dire de plus. Je vendais rue Rambuteau en face du MK2 Beaubourg, parce que c'est piéton, et il y a un trottoir, et puis il y a un petit marché sauvage. Et donc je me foutais par terre, je mettais des feuilles blanches, et je collais mes 6x6 de manière un peu à la Masao Yamamoto, ça veut dire pas toute droite, une en haut, une en bas, un espace blanc, une autre, là deux ensembles, etc. Et je vendais 5 euros le contact. Tiré sur Nubarité, j'insiste. Je n'ai jamais tiré, je tire toujours sur du barité, comme ça on a quelque chose, pas sur du plastoc. Et c'était un moment où, alors moi qui n'aime pas la volonté, c'est assez volontariste de faire ça, étonnamment, mais j'ai toujours voulu vendre dans la rue, souvent ça me revenait. Et je ne sais pas, c'était un moment où, en fait je devais partir en Italie chez mon pote Fede. Je me casse le bras avant de partir et donc j'ai un plat gigantesque et c'est début juillet et je peux aller nulle part. Et je me dis putain, qu'est-ce que je vais faire ? Je me dis, ben, j'allais vendre dans la rue. Et j'ai passé les deux mois à vendre dans la rue et après j'y allais tous les week-ends, même l'hiver. C'est un marché sauvage, donc je suis devenu pote avec tous les mecs qui vendaient à côté des trucs. Et c'était une manière de rencontrer des gens. C'était fou, en fait, quand je m'ennuyais, j'allais vendre dans la rue et je rencontrais des gens. Ça a été quelque chose pour moi de... d'extraordinaire de vendre dans la rue, d'expérience, ça a été extraordinaire. Et puis peut-être que ça ne se fait pas tant que ça aussi finalement. Oui, c'est très banal, les artistes vont vendre dans la rue, mais finalement, peut-être qu'on n'en voit pas tant que ça. Donc, je ne sais pas, c'était génial comme expérience. Tant que je ne travaillais pas dans la mode, je faisais, par exemple, deux ans que de la couleur. Ensuite, dix ans que du noir et blanc. Je n'arrivais pas à faire de passer de l'un à l'autre. Le fait de devoir travailler pour les autres, ils disent on veut les deux. Donc là, je me retrouve un peu dans un truc très bâtard où quand je fais de la couleur, je voudrais du noir et blanc. Quand je fais du noir et blanc, je veux dire, tu perds à tous les coups. C'est infernal. Donc ça, ça a changé malheureusement un peu mon rapport. Mais normalement, j'ai toujours travaillé comme ça. Aujourd'hui, je pars avec les deux, aussi pour me rassurer. Mais ce que j'adore dans la couleur, c'est que c'est quelque chose de l'ordre atmosphérique. Par exemple, quand c'est l'été au crépuscule et que tu es à l'intérieur, et que c'est un petit peu tard, tu allumes la lumière. C'est jaune à l'intérieur. Tu ne regardes pas la fenêtre, c'est bleu. Tu as deux couleurs. C'est bouleversant. C'est incroyable. Voilà. Dans ce sens-là, la couleur est quelque chose de super important et aussi extrêmement sensoriel. Après, c'est tellement difficile la couleur. Il y a un photographe que je ne porte pas trop dans... Enfin, qui n'est pas du tout un photographe que j'adore, mais qui est Abbas, qui était chez Magnum, qui a dit vraiment une grosse connerie et quelque chose d'intelligent en même temps. Ce qu'il disait quand je photographie en noir et blanc, je photographie l'âme des gens. Bon ça je veux dire, c'est vraiment normalement, on va en prison pour dire une connerie pareille. Mais après il dit, mais quand je photographie en couleur, je photographie la couleur du t-shirt du type. Par contre c'est très vrai. Et là c'est l'opposé de l'âme, le t-shirt c'est clair. La couleur va prendre le pas sur tout le reste, mais cette couleur au sens vraiment, comme au sens atmosphérique ou au sens de l'oxygène ou la lumière. Là c'est une couleur qui est extrêmement sensorielle. Après, avant, quand je faisais de la couleur au 24-36, je me souviens que j'adorais qu'il y ait énormément de noir dans les images. Et je trouvais ça magnifique que ce n'était pas dans le noir et blanc, mais que le contre-jour, les ombres soient extrêmement noires et que d'avoir beaucoup, beaucoup de noir dans des images en couleur, je trouvais ça extrêmement sensuel en fait. Parce que la couleur, elle a ce truc aussi sensuel. J'ai fait quatre livres, trois auto-édités et un avec un peu un vrai éditeur, donc c'est un autre cas de figure dans le process, un petit peu, surtout dans le résultat plutôt que le process. Mais mon premier livre, je l'ai fait parce qu'une amie à l'époque, qui travaillait en 2014-2015, qui travaillait à la librairie du Bal, me dit il va y avoir un... truc, discussion en septembre où tu peux rencontrer des gens et tu peux leur montrer ton travail, donc faire un livre et moi j'avais jamais fait de livre mais le livre c'était vraiment, c'est pour moi l'aboutissement des travails photographiques puisque c'est ce qui se rapproche le plus de la littérature puisque t'as une narration, t'as des respirations et c'est ce qu'il y a de plus beau je trouve pour la photographie et donc je me retrouve ok j'ai un mois pour faire un livre ce qui est vraiment un mois c'est rien et en trois semaines c'était bouclé Merci. c'était d'une évidence et j'ai tout mélangé j'ai des photos faites en Iran des photos faites en Italie des photos faites à Paris peut-être une à droite et à gauche mais comme il n'y a aucune information sur les images comme le l'association des images va être que sur un truc de sensibilité on s'en fout ou c'est justement complètement donc c'était un livre que j'ai adoré faire que et d'ailleurs j'avais collé j'ai fait alors je me suis planté à tous les niveaux mais ça a aucun une importance J'ai écrit 60 exemplaires, alors qu'il y en avait 100, ou l'inverse, tout est faux dedans, et j'avais collé un contact sur chaque couverture, et un contact différent, donc ça c'était joli, chacun avait un livre un peu unique, et je les avais collés à la maison, donc ils se décollaient, c'était vraiment une catastrophe, mais j'ai une affection pour ce livre. Alors c'est un nom que je regrette énormément. Donc ça, c'est un mauvais titre. Ça s'appelle Profession d'un sentimental parce que j'adore les titres. Mais le métier de vivre était un titre que je ne pouvais vraiment pas voler, de ne pas vaiser, parce que j'adore voler des titres. Et donc, j'ai trouvé ce truc. Bon, c'est vraiment bancal, quoi. C'est super bancal. Après, j'ai des cahiers remplis de titres. Les titres sont super importants. C'est très proche de la photographie, le titre, parce que c'est la première impression de quelque chose et en même temps, ce n'est pas non plus le cœur. Sur un roman, tu as le titre et tu vas voir un dessin, une image ou rien. Et ça va être un rapport très direct et en même temps, tu n'as aucune idée de ce qu'il y a dedans. Donc c'est quelque chose d'assez beau par rapport à la photographie et le réel. Ensuite, j'ai fait un autre livre que j'ai adoré faire qui s'appelle La mort en été, qui est un titre que j'ai volé à Mishima, j'en suis très fier, et parce que j'adore Mishima. Et c'est un recueil de nouvelles, ce livre, pas très très connu. Et en fait, ça c'est un livre où il y a une série d'images que j'ai faites quand j'avais 19 ans en Italie, et où c'est juste des adolescents qui sautent d'un rocher, et j'ai un peu le mouvement décomposé, juste avant de sauter, au moment où on se prépare, dans l'air, etc. Et donc j'avais comme un plan séquence d'un film, et après j'allais en Italie, Je faisais complètement autre chose, donc chez mon pote, toujours plein d'amis, machin. Et là, je photographie, et puis je me dis, mais en fait... Et j'avais toujours gardé cette série d'images que j'adorais de plan séquence, comme ça, c'est six images, c'est rien, quoi. Et je me suis dit, mais je vais les mettre en relation, et puis je vais faire un temps découpé entre un temps très court, mélangé à un temps complètement dilué, complètement long. Et il y a 17 images, c'est rien, c'est extrêmement court, mais c'est comme une phrase, ou comme un poème, ou comme un... L'amour en été, j'étais très heureux. de ce livre. Et après, j'en ai fait un autre qui s'appelait Journal Sud. Là, j'étais très fier d'avoir trouvé ce titre, que j'ai fait à Jérusalem parce que j'étais parti pour Holiday Magazine et je ne sais plus pourquoi, je crois, on m'a invité quelque part et il fallait que je fasse un livre. Et là aussi, j'ai dû le faire en deux semaines. Et voilà. Et le dernier, fin d'automne, j'étais allé en 2015 au Japon pour Holiday. J'étais resté un mois et demi. J'avais toutes ces images, plein d'images que j'adorais mais qui... qui sont là. Je rencontre en 2018 Nanako, et du coup, je vais au Japon la voir plusieurs fois par an, je photographie beaucoup là-bas, et évidemment, je me dis, j'ai un temps intime, un temps qui est plutôt le monde, et donc, je les mélange, et j'ai évidemment quelque chose. Et fin d'automne, je l'ai volé à Ozu, le titre. Le doute, il est constant. De toute façon, photographier, c'est tellement un échec constant, puisque sur le nombre de l'énergie, l'investissement, le nombre de pellicules, le nombre de planches, de contacts que tu fais, de tirer blabla, tu as 0,0, tu vois, de ce que tu gardes. Donc le doute, il est permanent. Et puis le doute, il est forcément moteur, parce que si j'étais sûr de moi, je ne sais pas. Peut-être que je serais coach dans un gymnase club. J'ai besoin de me laisser guider, j'ai très peu. C'est tellement difficile tout. Mais après, tout n'est un peu que hasard, chance, coïncidence. Tu fais quelque chose, tu ne sais pas que tu es en train de commencer quelque chose. Et puis, une fois que tu l'as réellement fait, là, tu as un travail, tu as quelque chose, tu as un chemin. Encore une fois, à partir du moment, je ne sais pas du tout ce que je vis au moment où je le vis. Je peux que le savoir une fois que j'en ai eu l'expérience. Ce qui fait que je ne suis pas un photographe conceptuel du tout. Je suis sur des maquettes de livres, mais qui peuvent... complètement tombé à l'eau. Donc, j'ai aucune idée. La mort en été, c'est 17 images. J'avais déjà... J'avais 16 images et je ne trouvais pas une image qui faisait que la narration... J'ai mis 3 ans. Bien sûr, pendant 2 semaines, je bosse dessus. Ensuite, je ne fais rien pendant 2 mois. Ensuite, je m'y recolle. Ensuite, une après-midi. J'ai mis 3 ans. Alors que, profession d'un sentimental, j'ai 40 images en 3 semaines, tout à fait. Chaque livre aura son... Sa temporalité à tout point de vue. Aujourd'hui aussi, la photographie, j'ai peur. Le monde de l'image aujourd'hui, c'est une horrible expression. L'image du monde serait déjà un peu plus sympathique. Non mais tu vois les réseaux sociaux, la professionnalisation par les écoles d'art, tout ça fait que s'il y a professionnalisation, il y a industrie, il y a aussi un star system un peu. Donc ça veut dire que ça devient quelque chose, les gens vont dire je vais être photographe parce que ça va être quelque chose d'attirant mais qui ne sera pas lié au cœur de la discipline. donc ça ça fait ça fait peur parce que ça veut dire que tous ces gens qui vont produire des images malheureusement, il va y avoir des conséquences sur ça. Je ne sais pas, être photographe, c'est une manière comme une autre d'être vivant.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

Pour ce dernier épisode de la saison — et le tout dernier épisode de Vision —, j’ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps : Olivier Kervern.

Nous enregistrons dans son appartement du 20ᵉ arrondissement de Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu. L’écho est présent, on fait avec. Sur la table, un Yashica moyen format. Autour, des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc.


Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d’une photographie sans hiérarchie, sans sujet « plus important » qu’un autre. Cette rencontre me fait du bien. J’y pensais depuis quelques semaines : aujourd’hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment en photographie de mode. Olivier, lui, n’a jamais vraiment décidé de « faire de la mode ». Holiday Magazine, Jil Sander ou d’autres collaborations sont arrivées par hasard, par des rencontres et surtout grâce à son talent, à ses livres et à ses projets. Il ne se trahit pas. Il ne cherche pas à se fabriquer une personnalité. Olivier reste lui-même, malgré les enjeux.


Le son de ce podcast n’est pas parfait et, en même temps, il correspond assez bien à la personnalité d’Olivier, qu’il assume pleinement. Il est un peu bordélique, pas toujours très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L’essentiel est là.


Je voulais vous remercier sincèrement pour votre soutien et votre écoute attentive tout au long de ces années. Et je vous dis à très bientôt.


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Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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  • Speaker #0

    Une production en noyau studio.

  • Speaker #1

    Pour ce dernier épisode de la saison, et d'ailleurs le tout dernier épisode tout court, j'ai le plaisir de recevoir un photographe dont le travail éveille ma curiosité depuis longtemps, Olivier Kerverne. Nous enregistrons dans son appartement du 20e arrondissement à Paris, juste avant son déménagement. Les meubles ont disparu, l'écho est donc présent, mais on fait avec. Sur la table, un Yashica, moyen format. et autour des boîtes entassées de pellicules Kodak noir et blanc. Olivier pratique une photographie que je qualifierais de déambulatoire, entre voyage, documentaire et mode. Lui parle d'une photographie sans hiérarchie, sans sujet plus important qu'un autre. Cette rencontre me fait en tout cas du bien, j'y pensais depuis quelques semaines. Aujourd'hui, beaucoup de photographes cherchent à tout prix à exister dans une niche précise, notamment dans la photographie de mode. Lui n'a jamais vraiment décidé de faire de la mode. Olivier Magazine, Gilles Sander ou d'autres collaborations récentes sont arrivés par hasard, par rencontre et d'ailleurs surtout par son talent et via ses différents livres et projets. Il ne se trahit pas, ne cherche pas à se donner une personnalité. Olivier reste lui-même malgré les enjeux. Alors le son de ce podcast n'est pas parfait, en même temps ça correspond assez bien à la personnalité d'Olivier qu'il assume entièrement. Il est un peu bordélique, pas très précautionneux, notamment avec son matériel. Mais derrière cette apparente nonchalance, on perçoit une véritable sensibilité, une douceur presque fragile. L'essentiel est là. Je voulais vous remercier vivement pour votre soutien et votre écoute attentive depuis ces nombreuses années et je vous dis à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut c'est Ausha, vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images.

  • Speaker #1

    En ce moment et jusqu'au 31 janvier 2026, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente et uniquement la vente de votre matériel photo et vidéo sur le site de MPB, qui nous accompagne depuis le début de la saison et depuis quelques années. Le code que vous devez rentrer, c'est VISION5, tout simplement, tout attaché en majuscule. Vous pouvez bien sûr le retrouver aussi en description de ce podcast et sur notre site avec un lien direct vers le site de MPB. Bonne écoute !

  • Speaker #0

    Bon, alors ça, je l'ai fait au Japon, à Kagoshima, dans le sud du Japon, en 2015. J'étais parti pour Holiday Magazine et moi, pendant très longtemps, mon seul travail, c'était de partir pour Holiday Magazine deux fois par an. C'est de l'édito, donc t'es pas payé, mais tout est pris en compte. Et souvent, je restais un mois, un mois et demi dans les endroits et je photographiais pour moi. Et j'étais allé à Kagoshima parce que j'avais rencontré une fille. Quand j'avais 20 ans. quatre ans en Inde, dans un hôtel qui venait de Kagoshima, que j'ai vu pendant quelques semaines quand j'étais là-bas, que j'ai jamais revu, j'ai jamais recontacté. Mais quand je suis allé au Japon, j'avais envie d'aller dans la ville où elle vivait, ne pouvant même pas la reconnaître si je la creusais dans la rue, je pense. Donc je suis allé à Kagoshima un peu pour cette raison, en étant au Japon. Et après, comme à chaque fois, faire des photos c'est marcher. C'est marcher et c'est un peu au pif, à l'intuition, je vais à droite ou à gauche. Je vois la mer, je vais vers la mer. Je vois une colline, je vais vers la colline. Je ne sais pas, c'est vraiment au pif en permanence. Il n'y a rien de prévu, il n'y a que de l'errance, beaucoup d'échecs. Et parfois on arrive quelque part. Et donc je suivais, Kagoshima c'est un port, et donc j'allais quand même tous les jours au bord de la mer. Et j'ai commencé à suivre un peu, il y avait des pêcheurs. Il y avait beaucoup d'endroits où il y avait des pêcheurs par zone, comme ça à droite et à gauche. Donc j'essayais un peu d'aller voir là où les gens pêchaient. et je me suis retrouvé sur cette espèce d'esplanade assez étrange. Par contre, je n'ai fait qu'une seule photo, ce qui n'est pas rare, mais parfois on fait deux pellicules sur un endroit, parfois on fait trois images, et là je n'en ai fait qu'une. Déjà, je l'aime beaucoup parce que je crois qu'elle représente pas mal le travail que j'ai fait à une époque, peut-être moins aujourd'hui. C'est déjà d'essayer de ne pas avoir de hiérarchie dans l'image. C'est-à-dire que c'est un paysage et... Un portrait, il ne faut pas exagérer, mais le portrait peut-être de quelqu'un, et aussi des silhouettes et des gens. Et le fait que l'un soit plus important que l'autre, ni l'un est plus important que l'autre, le fait qu'il n'y ait pas de hiérarchie peut-être dans les sujets, dans l'image, fait que c'est peut-être une image un peu libre. Et aussi, il y a ce hasard là énorme, puisque je ne l'avais pas vu quand j'avais fait la photo, c'est que le seul à un motif de petit carré, gris et blanc, l'unique personne qui est face à moi. a une chemise à carreaux et sa tête est au centre de ce sol qui est un demi-cercle et ouais Et tout ça, en fait, je crois que je ne l'ai pas vu en prenant la photo. C'est toujours un chance-accident, hasard et bien heureux. Je m'appelle Olivier Carverne. Je suis né à Fontainebleau, mais j'ai grandi en banlieue parisienne, dans les Sannes à Draveil, jusqu'à l'âge de 16 ans environ. Petite ville de banlieue, moche, enfance plutôt super chouette, des parents pas du tout axés sur la culture. Donc, je n'ai pas d'héritage littéraire, musical. Il n'y a pas eu la curiosité artistique, en fait. La lecture, ça ne me dérangeait pas puisque je n'ai jamais lu un livre que l'école m'a demandé de lire. Comme tout, si tu es en face de quelque chose, c'est quelque chose que tu ne peux pas voir. Je me souviens, j'ai rencontré dans la rue il y a quelques années un vieux monsieur. On s'est mis à discuter de photographie et de cinéma. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il m'a dit « Godard a dit l'écran fait écran » . C'est exactement ça. Je me souviens quand j'étais à l'école primaire. Il y avait eu un contrôle et il y avait la première page et la deuxième page, il fallait la retourner. Et je n'ai jamais pensé à retourner la deuxième page. Je n'ai rempli que la moitié de l'examen. Après, la littérature à l'école, ça a été un refus absolument total. J'ai eu une grande fierté à ne jamais lire un livre qu'ils m'ont demandé de lire. Ça me fait penser aussi à Duras, qui dans la pluie d'été, c'est une histoire d'enfants et les enfants ne veulent pas apprendre ce qu'ils ne connaissent déjà pas. C'est très drôle aussi. L'école était un peu le souci, mais rien qui était lié à ce que j'allais faire, photographie ou rien de tout ça. À 17 ans, il y a eu, ça c'est peut-être quelque chose, c'est que comme j'étais mauvais à l'école, j'ai redoublé deux fois et j'allais sortir du système scolaire, mais en troisième, donc trop jeune, assez jeune. Et mes parents ont trouvé une solution, c'est qu'ils m'ont envoyé un an aux Etats-Unis. à 16 ans. Et donc, j'ai fait dans une famille aux Etats-Unis pendant un an ce truc-là. Et quand je suis rentré en France, j'étais comme sorti du système scolaire. Donc, par miracle, je pouvais y re-rentrer par un peu de biais et être accepté d'aller au lycée parce qu'on m'acceptait pas au lycée. Donc ça, ça a pu jouer sur le fait que c'était mon premier voyage à 16 ans, un an à l'étranger. C'est quelque chose d'assez... Peut-être que ça a été constitutif de quelque chose, peut-être pas du tout. Je crois que moi, j'en ai pas vraiment conscience. Les images, je n'ai jamais été attiré par la photographie avant que j'y sois aspiré entièrement. Avant, je ne pensais ni à la photographie, ni à la peinture, tout ça m'était très étranger. Après, tout ce qui est, là je vais dire un mot qui est pour moi assez important, impression, impressionniste, ça c'est quelque chose qui se cultive de l'enfance, qui est très fort quand on est enfant, les sensations, les impressions, et là où on a. aucun mot à mettre dessus, on n'a que des émotions et des sensations. C'est grâce à ça que je me suis mis à la photographie. Grâce à ces sensations et à ces impressions. J'ai commencé parce qu'un ami m'a donné un appareil photo, un Nikkor Mat. Pas longtemps après, j'ai découvert que c'est ce que Bernard Plessus a utilisé toute sa vie. Donc il y avait tout de suite un espèce de lien amical et très fort. Et en même temps, on m'a prêté un agrandisseur, chose assez importante quand on commence la photographie. C'est assez génial de pouvoir commencer à faire du tirage tout de suite. Donc prise de vue, tirage la nuit et quelque chose se passe et on apprend énormément. Moi, je suis nul en tirage, j'ai toujours été nul et je n'ai aucune ambition d'être beau en tirage, je m'en fous. Mais faire du tirage apprend sur la prise de vue. C'est une pratique. qui est quand même assez importante. De toute façon, j'ai eu le bac par miracle. J'ai eu le bac, donc j'ai donné mon temps à la société, au truc scolaire, ciao, bye bye. À partir de ce moment-là, j'ai commencé à lire. Le jour où j'ai arrêté l'école, je me suis intéressé à la littérature. Ça, c'est quand même assez incroyable. Et j'ai commencé à lire, j'ai commencé à dévorer des films, j'ai commencé à ouvrir tout ce truc culturel que... La démarche artistique qui n'avait jamais vraiment existé en moi. ou avec moi. Et à ce moment-là, j'ai eu la chance d'avoir un ami qui n'en fait plus, mais qui faisait énormément de photographies à l'époque. On est 19 ans, on était tout jeunes, on vivait chez nos parents. Lui, il partait en voyage l'été. Il allait à Istanbul pendant un mois avec des amis, il photographiait, il revenait avec 80 pellicules, il développait, il faisait le tirage. Donc il m'a beaucoup quand même influencé et pas mal aidé puisqu'il m'a donné un agrandisseur. C'est pas mal. Le fait qu'on me donne un appareil photo, peut-être que ça fait faire une pratique. Mais surtout, je pense qu'à 19 ans, c'était la première fois, en étant très jeune adulte, que je m'appropriais quelque chose à moi et à moi seulement. Et à un âge aussi où ça ouvre vers le futur. Et du coup, je me suis congé dedans comme un dingue et j'ai fait absolument que ça. Ensuite, chose très importante, et ça, ça fait partie vraiment de mon éducation photographique, et ça a fait de moi, je pense, c'est comme ça que j'ai appris. J'allais à la bibliothèque de la MEP, parce que c'était gratuit tous les mercredis, de 17h à 20h. Et je pense que j'ai passé mes... Si je n'étais pas en voyage, j'étais à la bibliothèque tous les mercredis. Je suis devenu ami avec les bibliothécaires, après on faisait des bouffes, on faisait machin. Et ça, c'était extraordinaire, il y a 36 000 ouvrages. et donc je venais toutes les semaines avec des noms et je regardais, je regardais la photographie c'est le travail des autres c'est pas son travail qui est finalement le plus intéressant et celui où on apprend c'est le travail des autres Je pense qu'au début, j'étais surtout influencé par la photographie, que trouver un lien entre littérature et photographie, ou entre musique et photographie, enfin, entre d'autres formes. Quand j'ai commencé, j'ai été fasciné par l'agence Magnum, par Koudelka, Larry Toel. J'aimais beaucoup Alex Majoli aussi, Carl De Kaiser. Bref, une école de photographie que j'ai totalement reniée après. Mais c'est ça aussi la jeunesse. Et donc j'ai aussi, je pense, associé beaucoup au voyage par rapport à ces influences-là. Il y a 20 ans peut-être aujourd'hui, il y a deux photographes, enfin trois, qui ont vraiment changé ma vie. C'est le livre « Summer Night » et « Denver » de Robert Adams. Tout le travail d'Isaïe Soudard. Wetting, Sitting, Fishing and Some Automobile de Anthony Hernandez. Les trois, c'est la même époque, entre 70 et 80. Les trois sont noir et blanc. Les trois sont... Lissay Souda et Robert Adam, c'est moyen format, et Anthony Hernandez, c'est le grand format. Et eux, c'est eux qui, je pense, où j'ai eu un écho, ou quelque chose comme un écho d'avoir une photographie, ou comme j'ai essayé de décrire, quitteusement, ma photographie, quelque chose, il y a... aucune hiérarchie, et qu'une liberté dans l'image. Et surtout, l'auteur s'efface. Alors, chez Robert Adams, Issei Souda et Anthony Hernandez, je ne sais pas si je peux le dire aussi vite, mais si tu prends Summer Night de Robert Adams, qui est donc une balade la nuit dans son quartier, je ne sais pas où, dans le Colorado, là aussi c'est très sensoriel, c'est-à-dire qu'aux Etats-Unis, on a les portes moustiquaires. Après, avant la porte d'entrée. Quand j'ouvre le livre, j'entends la porte qui claque. C'est pas... Puisque le son, la nuit, est beaucoup plus calme. Pas de personnes, peu de voitures. J'entends ces pas, on entend les grillons. C'est un livre totalement sensoriel. Ou finalement, c'est plus l'écoute que l'image, presque. C'est pour moi un livre que j'ai regardé des millions de fois, je pense. Et auquel je pense aussi régulièrement. Quand on est photographe, on est un peu fou, parce que je... Issei Souda, je pense à lui, je pense tous les jours depuis que j'ai rencontré son travail. C'est quand même délirant. Et je regarde, oui, je n'arrête pas, je regarde. Alors après, il y a la découverte, ensuite la boulémie, tout manger, son travail. Ensuite, un truc peut-être un peu plus analytique, ou après essayer de toi, de te l'approprier aussi d'une certaine manière à ta façon. puis ensuite voilà les choses évoluent aussi mais Issei Souda et Robert Adams sont des parents définitivement Alors ce voyage en Inde, j'ai 24 ans, donc ça faisait peut-être 5 ans que je n'étais plus à l'école. Je photographiais à Paris un peu, à droite à gauche, les amis, mes parents. Je faisais beaucoup de manifs parce que je vivais à la République. Tous les week-ends, j'allais photographier les manifs, j'adorais ça. Mais voilà, j'étais à Paris, tous mes amis étaient à la fac, donc j'étais dans une sorte d'errance où je n'avais pas beaucoup de structure autour de moi. Et j'étais... Voilà. Je ne faisais pas grand-chose de ce temps, finalement. Et pour une raison complètement absurde, mais vraiment, aucune idée pourquoi j'ai décidé d'aller en Inde. Ça aurait pu être partout ailleurs. Bref, je suis parti six mois. À l'époque, donc, Nekormat, je travaillais au 35 mm. Je pars avec plein de pellicules, j'achète de la pellicule. Et je voyage là-bas. Et en fait, je pars six mois. Je pars six mois, j'achète une mobilette. Je voyage en mobilette. Et chose quand même assez importante dans ce voyage, c'est que Par hasard, je vais dans un hôtel à Jaisalmer, qui est près du Pakistan, et j'ai fait 1500 km en mobilette, et je rentre dans cet hôtel. Par hasard, on me donne la clé de telle chambre, je vais dans telle chambre, et il y avait Barrage contre le Pacifique de Duras sur la table de chevet, en français, et je n'avais jamais lu Duras. Et c'est une rencontre qui m'a complètement bouleversé. Je rentre de ce voyage à Paris, développement, planche contact, et tout est nul. Tout est nul. Je mets peut-être deux mois à me dire que tout est nul, mais je vis un peu de manière somnolente. Je n'arrive pas à assumer que tout est nul, mais je sais que ce n'est pas bien. Parce que je me souviens, j'avais essayé de copier les photographes de Magna. Et comme je ne sais pas, malheureusement, je dois être de la nature rancunière, je décide de repartir. Et je repars en Inde six mois après. Je vais six mois à Paris, je travaille à la Poste pour gagner des sous, et je pars en Inde. Je repars là-bas et comme je rencontre les livres de Duras, surtout « Barrage contre le Pacifique » , je décide aussi d'aller au Cambodge et au Vietnam, puisqu'elle est née au Vietnam, un tout petit peu vécue au Cambodge. Mais entre-temps, je vais aussi au Népal. Et là, en fait, je pars un an, je crois, dans mon souvenir, quasiment un an. Mais dans ce voyage, je sens que j'arrive à m'approprier quelque chose. entre ces influences de Magnum que j'arrive à éloigner un petit peu, et peut-être un peu plus avec moi-même, un petit peu plus personnel, et je rentre, et là je suis bouleversé du travail en fait. Alors, je n'ai pas 200 000 images, mais quelques images font que ça valait le coup de faire tout ça. Et je me souviens, puisque je vivais chez mes parents à l'époque, Je rentre d'Inde, je vais chez mes parents, je fais des tirages et mes parents se réveillent et voient les tirages dans le salon. Et eux aussi trouvent ça super beau. Donc ça m'avait super touché. Et je pense que j'ai continué la photographie. Sinon j'aurais abandonné. Je ne trouvais pas une direction qui était un peu propre. Après, je n'ai aucune idée de quelle direction c'était. Je ne sais absolument pas ce que je fais au moment où je le fais. D'ailleurs, c'est assez rare que les gens savent ce qu'ils font au moment où ils le font. Mais c'est quelque chose, j'ai tellement aimé ces images que j'ai continué et que ça m'a donné une certaine confiance en la chance. Ce que je disais aussi tout à l'heure, la coïncidence, la chance. Donc ce voyage, il a été extrêmement important parce que c'est grâce à ce voyage que j'ai continué. C'est marrant puisque la démarche, j'ai réussi à l'identifier, je me souviens, à un moment. C'est un moment où je suis passé aussi au moyen format, au 6-6, avec le Yashica qui est l'appareil qu'on met comme le Relay Flex sur l'estomac. Le fait qu'on le mette sur l'estomac et qu'on ne l'ait pas dans le viseur, c'est déjà un appareil très contemplatif. Le fait d'avoir dans le viseur l'œil, c'est extrêmement agressif. Si on photographie quelqu'un, si on est en face de quelqu'un, c'est un acte hyper agressif. Si on l'a sur l'estomac, il y a quelque chose où les gens ne se rendent pas compte. Si je regarde l'appareil photo, mon dépolie pour prendre le portrait, je regarde pas la personne, je regarde la caméra qui prend la photo. Donc cet appareil là déjà c'est un appareil pour moi très très contemplatif donc qui va vers quelque chose de plus silencieux, de plus calme, de plus doux, de moins agressif. Après ce que j'avais identifié c'était, enfin identifié, d'avoir une sorte de démarche, une méthode voilà, d'avoir une sorte de méthode, c'est que je photographiais que à partir du moment où j'étais bouleversé, où j'étais très ému par T'en quittes que je vous... Il ne fallait absolument pas que je sache par quoi j'étais ému. Et de toute façon, je n'en avais absolument aucune idée. Et ça, ça va aussi avec la question de la hiérarchie, que je ne veux pas qu'il y ait de hiérarchie dans l'image. Ça veut dire que je veux photographier tout exactement au même niveau parce que je ne sais pas par quoi je suis ému. Donc c'est peut-être par la personne au centre de l'image, comme par le paysage, comme par la lumière, comme aucune distinction, aucune nuance. Et que l'image soit un peu presque totale de quelque chose qu'on ne connaît pas, mais qui produit une émotion. Donc quand je suis ému, Je clique en essayant de le cadrer le moins possible, d'être conscient le moins possible. Et aussi en faisant ça, parce qu'il y a quelque chose que j'ai toujours voulu échapper. Aujourd'hui, c'est un peu différent, mais je ne veux absolument pas d'informations dans l'image. Plus il y aura d'informations, moins il y aura de sensibilité, de mon point de vue, bien sûr. Donc, si j'ai zéro information, il n'y a rien à comprendre, mais il y a beaucoup à sentir. Et donc, le rapport au monde, là, il est peut-être... On peut le transmettre. Je reviens de mon voyage en Inde, j'ai 25 ans. Je commence à travailler dans la mode, j'en ai 42. Et entre les deux, il y a juste eu des voyages tout seul, ou des gens avec qui j'ai vécu, ou photographier la femme avec qui je vis, ou ensuite partir. Je photographiais en vacances. Tous les ans, j'allais en Italie chez mon meilleur ami Fede, près de Gênes. Tous les ans, j'y allais, je faisais 20 pellicules. Et je travaillais là-bas. J'ai jamais eu de projet, jamais eu de travail. J'ai jamais gagné d'argent avec ça. Et d'ailleurs, à une époque, j'ai commencé à vendre dans la rue. Et j'ai vendu peut-être 10 ans dans la rue. Et entre le RSA et vendre dans la rue, je vivotais. J'arrivais à avoir deux voyages par an, puisque je travaillais pour Lide et Magazine. Mais ils disaient, bon, fais un peu ce que tu veux. Moi, je partais un mois, un mois et demi, deux mois, je travaillais pour moi. Je rentrais, je faisais les tirages, je vendais dans la rue, je repartais 6 mois après. Et j'ai vécu comme ça pendant 10 ans, au moins. La mode, c'est arrivé du jour au lendemain. Quelqu'un m'a demandé, est-ce que tu ne veux pas faire une série pour telle marque ? C'était Jill Sander, que je ne connaissais même pas d'ailleurs, le nom. Et j'ai dit oui. À l'époque, je vivais avec Nanako et ils me disent, mais photographie ta femme. Et puis, je décide de partir à Hong Kong. On part à Hong Kong, ils me donnent les vêtements, on reste 10 jours. Et tous les jours, elles portent un vêtement et on se balade. et je photographie. Et du jour au lendemain, presque, ma vie a changé parce que un mois plus tard, ils m'ont dit, ah mais tu veux pas faire ça, et puis ensuite, tu veux pas faire ça. Et après, j'ai eu un agent. En quelques semaines, quelques mois, voire quelques semaines, c'était une autre vie. Après, comment... Moi, j'adore le fait d'avoir... Alors, jamais j'ai pensé que je ferais de la maths, vraiment, mais jamais de la vie. Quand j'allais à la MEP voir les bouquins de photos, à un moment, je me suis dit, bon, regardons un peu les... Les photographes de mode, ça fait partie de l'histoire de la photographie. En dix minutes, j'ai dit non merci, ça ne m'intéresse absolument pas. Jamais je n'aurais imaginé. C'est le hasard. Quelqu'un m'a contacté, j'ai dit oui à ce moment-là. Ils ont aimé, alors que je pensais qu'ils allaient me demander de rendre l'argent puisque je ne savais pas comment ça fonctionnait. J'avais tout dépensé à Hong Kong, j'avais super peur comme on demande, mais non, il faut rendre l'argent. Après, voilà, c'est un peu peut-être schizophrène parce que... Je ne suis pas du tout dans le même état quand je fais une série pour quelqu'un ou quand je travaille pour moi. Moi, je ne travaille pas sur des projets. Je me balade, j'ai des images que j'aime et tout d'un coup, ça va communiquer avec des images que j'ai faites il y a dix ans. Et là, il y a un livre qui se fait. Mais il n'y a jamais de projet, je n'ai jamais de série, jamais de projet. Je déteste la volonté. Donc, si je suis dans la volonté, je suis paralysé et je ne peux rien produire, rien faire. Pour ne pas être dans la volonté, il faut que j'arrive à être dans cette espèce d'errance, de flottement, qui fait que je peux accepter par un labyrinthe neurologique le monde et moi-même, ou moi dans le monde, ou je ne sais pas trop. Et à partir de ce moment-là, alors je peux engager quelque chose avec le monde. Mais il faut que ça soit... Voilà, chacun passe par ses névroses. Et moi, ma névrose fait, je pense, partie de mon travail en tant que méthode. Et ouais, moi, la méthode qui a fonctionné, je ne sais pas si qui a fonctionné, c'est moi qui le dis, c'est que je crois énormément à l'effacement de l'auteur. Parce qu'on s'en fout de l'auteur. Ce qui compte, c'est le résultat de l'image du livre que c'est. Mais Robert Adams, il y a un effacement de l'auteur. Et ça, c'est quelque chose. Et l'effacement de l'auteur, parce que ça veut dire qu'on n'a pas la petite idée qu'aurait l'auteur du monde, puisque tout le monde s'en fout de ce que je pense de ci ou de ça. Moi, le premier. Mais laisser la place du monde... tel qu'il est, ça serait quand même assez difficile à dire, mais un peu d'avoir comme une goutte, une toute petite goutte, mais extrêmement concentrée, de qu'est-ce que le réel. Et le réel, il est très étranger à nous. Oui, on a les idées du réel et machin et tout. Mais le fait de passer par l'émotion, le fait d'avoir un effacement de soi-même, fait que peut-être on peut avoir une goutte du réel, tel qu'il est, et pas l'idée qu'on en a. Parce que l'idée qu'on a d'un tel ou un tel du réel, non merci,

  • Speaker #1

    si je peux m'exprimer.

  • Speaker #0

    Si je travaille pour l'idée, j'ai ma méthode, parce qu'ils me disent, tu pars au Japon, je pars tout seul, un mois, je photographie, je me balade, je décide d'aller là ou là. Donc ils n'ont aucune... je peux avoir un cahier des charges et je le fais, mais bon. Si je travaille dans la mode, on me dit de 9h à 18h, tu vas être à tel endroit, il y a 20 personnes autour de toi, et là, il faut faire les images et on veut 15 images en fin de journée. Donc là, ce n'est pas du tout la même chose. La manière que j'ai réussi, qui fait que pour moi, j'arrive, je crois, à le faire, c'est que généralement, j'arrive à décider des lieux que je veux photographier. Je pars en avance, je vais visiter des lieux, et un lieu qui me touche un peu comme quand je suis tout seul, et que c'est un lieu que j'aimerais bien photographier, Après, je mets le modèle dedans et j'essaie que ce n'est pas grave qu'elle porte une jupe ou un jean ou que ce soit un t-shirt. C'est une personne qui est dans un environnement, qui est dans un espace et d'avoir une relation sensible avec la personne et cet espace. Et encore une fois, d'essayer de ne pas avoir trop cette hiérarchie non plus. Après, travailler, c'est vendre sa liberté contre de l'argent. C'est conséquent. Tout est conséquent. Plus je vais travailler, moins je vais exister. C'est un peu inévitable. C'est un peu la mort de soi aussi. Mais bon, c'est aussi des virages, des accidents, des chances. Donc je ne sais pas, peut-être dans dix ans, je ferai autre chose. Et voilà, si j'ai la volonté, ça ne va pas marcher. Je vais aller contre moi. Je vais faire les choses contre moi. Donc si ça vient de l'extérieur, alors je peux l'accepter comme quelque chose de naturel. Et alors répondre naturellement à cette proposition. Et donc là, voilà. Et toute ma démarche photographique, elle est là-dedans, en fait, dans ce rapport-là. Il y a une différence fondamentale et dont personne ne parle, et je ne comprends pas pourquoi, entre le digital et l'argentique, c'est que l'argentique, il y a des formats. Travailler au 6-7, au 6-6 ou au 35 mm ou à la chambre, une autre taille de négative, ça sera un autre rapport au monde. Et l'appareil photo, si c'est un Relay Flex ou si c'est un Mamiya qu'on a à l'œil, ce n'est pas non plus la même manière de photographier. Donc, on a une palette grâce aux formats et aux appareils photos qui font qu'on peut créer des ponts. Dans les évolutions de boulot, si je me répète et je peux passer au 6-7, ça me recrée un nouveau désir, c'est un nouveau format, une nouvelle manière de travailler. Alors que le digital, c'est une mémoire, une puce qui fait 1 mm sur 1 mm. Et puis, quand je dors, ça n'existe pas. Et quand je dors, mes tirages existent. Donc, c'est génial d'avoir l'opportunité d'avoir différents formats. C'est magnifique. Donc, toujours, je ferai de l'argentique. Rien que pour ça, pour cette beauté-là. Puis qu'est-ce qui est plus beau qu'un format ? Rien que le mot format est magnifique. Moi, je ne fais surtout que du contact. Parce que déjà, il y a plein de choses. C'est que les appareils photos, le labo, l'agrandisseur, tout ça, j'ai mis beaucoup de temps. Alors, appareil photo, j'ai mis beaucoup de temps à travailler avec des appareils photos qui pouvaient être un peu chers. Je les casse tout le temps. Je ne suis pas soigneux. Je mets zéro protection. Mon labo, c'est un... cauchemar, c'est dans ma cuisine, c'est Boeuf-Bourguignon, Labo, en même temps, c'est la totale. Mais si j'avais un labo parfait, un appareil photo nickel, je serais paralysé aussi. J'ai besoin que ça soit brinque-ballant, j'ai besoin que ça soit imparfait, pour accepter peut-être aussi quelque chose. Après, le contact, c'est venu parce que je ne peux pas voir une image que je ne connais pas encore, que je dois découvrir, dans un format autre que sa taille originale. le contact et sa taille originale. Et découvrir une image, je ne sais pas, sur un 30-40 alors que je ne l'ai jamais vue, je pense que je me suscite tellement, ça serait violent et que je serais incapable de la regarder. Donc si je la regarde en tout petit et que je m'habitue à elle, et qu'elle s'habitue aussi à moi, peut-être à mon existence, parce que c'est quand même un peu un aller-retour, parce que si je lui fais confiance, si je sens que j'aime cette image pour telle et telle chose, même si c'est très imprécis, Est-ce que dans le temps, ça va continuer ? Est-ce que dans six mois, j'ai la même relation avec cette image ? Si oui, alors on a une confiance mutuelle avec l'image. Sinon, c'est que c'est une image qui est peut-être ratée pour moi, peut-être qu'elle ne convient pas. Et après, peut-être, si je dois faire une expo, mais je fais très peu d'expos, alors je vais dire peut-être que ça sera bien dans ce format-là. Mais peut-être que son meilleur format, c'est le contact. Il y en a partout. Partout dans la maison, il y a des contacts. Il y a plein de sélections. Ça, c'est un paquet, oui. Ça, c'est le paquet 2, peut-être. Mais après, ça se remélange. Puis, j'ai commencé à aller... Parce que je faisais les contacts. Ensuite, je les découpais, les images que je sélectionnais. Ça, c'est très important. Parce que souvent, les gens gardent la planche contact. Ils disent, celle-ci, je l'aime. Après, je la tire. Moi, je découpais. Et donc, j'avais un tirage. j'avais plus une planche contact et ensuite je me suis dit ah mais Quand je regarde mon contact, je vois mon pouce, je vois la table, je vois le sol, je vais faire des marges blanches pour pouvoir les regarder vraiment, avec beaucoup d'espace. Donc ensuite, j'ai commencé à faire ça. À la maison, c'était rempli de feuilles blanches, j'avais des contacts partout. Et finalement, en faisant ça, mais juste pour pouvoir regarder mes propres images et savoir si je les aimais ou pas, c'est finalement devenu presque une manière, une finalité de l'image. Voilà, c'était sa finalité. Donc ça, ça s'est fait juste en travaillant, enfin comme des brouillons, en travaillant comme des brouillons. La fondation-là, c'est grâce à Thomas Boivin qui avait exposé là-bas et puis qui a eu la gentillesse de montrer quelques-uns de mes contacts, parce qu'il en a chez lui. Et il a montré quelques-uns des contacts à... à la directrice, et puis qui a tout de suite adoré. Et quand je suis allé au vernissage de Thomas, en dix minutes, elle m'a dit « faisons une expo » . Donc, il n'y a même pas eu ce truc où je devais essayer de défendre, parce qu'il aurait été une catastrophe. Et en fait, voilà, moi, si on ne me propose pas quelque chose, je fais mes photos dans mon coin, je fais mes contacts, puis je suis content ou pas, mais je ne vais rien faire de plus. Oui, si je décide de faire un livre, je vais faire un livre moi-même. Et du coup, je la rencontre, on travaille un petit peu sur l'expo. Il y avait une commissaire d'expo décidée. Et elle me dit, tu vas être avec Walker Evans et Guido Guidi. Et j'ai eu une salle où j'ai pu mettre 50 images. Ce qui est quand même gigantesque. Alors, 50 contacts, donc c'est un peu moins gigantesque. Non, voilà, ça a été une expérience incroyable parce que... Généralement, je n'avais fait qu'une seule expo avant chez mon galeriste qui est un ami que j'avais rencontré en venant dans la rue. Donc ça aussi, super belle rencontre. Et à chaque fois, je repousse les expositions. On dit on fait une expo l'année prochaine ? Oui, bien sûr. Et le temps, on arrive vers l'exposition et je dis on va faire ça l'année d'après, je ne suis pas prêt. Et là, j'ai été vraiment obligé de m'y coller. Donc j'ai trouvé l'encadrement que je voulais. Et évidemment, la difficulté, ça avait été de... Comment je mets ça sur les murs ? Et finalement, bon, je dis que j'ai réussi, parce que quand je l'ai vu, j'étais super heureux. Mais après, je ne sais pas trop quoi dire de plus. Je vendais rue Rambuteau en face du MK2 Beaubourg, parce que c'est piéton, et il y a un trottoir, et puis il y a un petit marché sauvage. Et donc je me foutais par terre, je mettais des feuilles blanches, et je collais mes 6x6 de manière un peu à la Masao Yamamoto, ça veut dire pas toute droite, une en haut, une en bas, un espace blanc, une autre, là deux ensembles, etc. Et je vendais 5 euros le contact. Tiré sur Nubarité, j'insiste. Je n'ai jamais tiré, je tire toujours sur du barité, comme ça on a quelque chose, pas sur du plastoc. Et c'était un moment où, alors moi qui n'aime pas la volonté, c'est assez volontariste de faire ça, étonnamment, mais j'ai toujours voulu vendre dans la rue, souvent ça me revenait. Et je ne sais pas, c'était un moment où, en fait je devais partir en Italie chez mon pote Fede. Je me casse le bras avant de partir et donc j'ai un plat gigantesque et c'est début juillet et je peux aller nulle part. Et je me dis putain, qu'est-ce que je vais faire ? Je me dis, ben, j'allais vendre dans la rue. Et j'ai passé les deux mois à vendre dans la rue et après j'y allais tous les week-ends, même l'hiver. C'est un marché sauvage, donc je suis devenu pote avec tous les mecs qui vendaient à côté des trucs. Et c'était une manière de rencontrer des gens. C'était fou, en fait, quand je m'ennuyais, j'allais vendre dans la rue et je rencontrais des gens. Ça a été quelque chose pour moi de... d'extraordinaire de vendre dans la rue, d'expérience, ça a été extraordinaire. Et puis peut-être que ça ne se fait pas tant que ça aussi finalement. Oui, c'est très banal, les artistes vont vendre dans la rue, mais finalement, peut-être qu'on n'en voit pas tant que ça. Donc, je ne sais pas, c'était génial comme expérience. Tant que je ne travaillais pas dans la mode, je faisais, par exemple, deux ans que de la couleur. Ensuite, dix ans que du noir et blanc. Je n'arrivais pas à faire de passer de l'un à l'autre. Le fait de devoir travailler pour les autres, ils disent on veut les deux. Donc là, je me retrouve un peu dans un truc très bâtard où quand je fais de la couleur, je voudrais du noir et blanc. Quand je fais du noir et blanc, je veux dire, tu perds à tous les coups. C'est infernal. Donc ça, ça a changé malheureusement un peu mon rapport. Mais normalement, j'ai toujours travaillé comme ça. Aujourd'hui, je pars avec les deux, aussi pour me rassurer. Mais ce que j'adore dans la couleur, c'est que c'est quelque chose de l'ordre atmosphérique. Par exemple, quand c'est l'été au crépuscule et que tu es à l'intérieur, et que c'est un petit peu tard, tu allumes la lumière. C'est jaune à l'intérieur. Tu ne regardes pas la fenêtre, c'est bleu. Tu as deux couleurs. C'est bouleversant. C'est incroyable. Voilà. Dans ce sens-là, la couleur est quelque chose de super important et aussi extrêmement sensoriel. Après, c'est tellement difficile la couleur. Il y a un photographe que je ne porte pas trop dans... Enfin, qui n'est pas du tout un photographe que j'adore, mais qui est Abbas, qui était chez Magnum, qui a dit vraiment une grosse connerie et quelque chose d'intelligent en même temps. Ce qu'il disait quand je photographie en noir et blanc, je photographie l'âme des gens. Bon ça je veux dire, c'est vraiment normalement, on va en prison pour dire une connerie pareille. Mais après il dit, mais quand je photographie en couleur, je photographie la couleur du t-shirt du type. Par contre c'est très vrai. Et là c'est l'opposé de l'âme, le t-shirt c'est clair. La couleur va prendre le pas sur tout le reste, mais cette couleur au sens vraiment, comme au sens atmosphérique ou au sens de l'oxygène ou la lumière. Là c'est une couleur qui est extrêmement sensorielle. Après, avant, quand je faisais de la couleur au 24-36, je me souviens que j'adorais qu'il y ait énormément de noir dans les images. Et je trouvais ça magnifique que ce n'était pas dans le noir et blanc, mais que le contre-jour, les ombres soient extrêmement noires et que d'avoir beaucoup, beaucoup de noir dans des images en couleur, je trouvais ça extrêmement sensuel en fait. Parce que la couleur, elle a ce truc aussi sensuel. J'ai fait quatre livres, trois auto-édités et un avec un peu un vrai éditeur, donc c'est un autre cas de figure dans le process, un petit peu, surtout dans le résultat plutôt que le process. Mais mon premier livre, je l'ai fait parce qu'une amie à l'époque, qui travaillait en 2014-2015, qui travaillait à la librairie du Bal, me dit il va y avoir un... truc, discussion en septembre où tu peux rencontrer des gens et tu peux leur montrer ton travail, donc faire un livre et moi j'avais jamais fait de livre mais le livre c'était vraiment, c'est pour moi l'aboutissement des travails photographiques puisque c'est ce qui se rapproche le plus de la littérature puisque t'as une narration, t'as des respirations et c'est ce qu'il y a de plus beau je trouve pour la photographie et donc je me retrouve ok j'ai un mois pour faire un livre ce qui est vraiment un mois c'est rien et en trois semaines c'était bouclé Merci. c'était d'une évidence et j'ai tout mélangé j'ai des photos faites en Iran des photos faites en Italie des photos faites à Paris peut-être une à droite et à gauche mais comme il n'y a aucune information sur les images comme le l'association des images va être que sur un truc de sensibilité on s'en fout ou c'est justement complètement donc c'était un livre que j'ai adoré faire que et d'ailleurs j'avais collé j'ai fait alors je me suis planté à tous les niveaux mais ça a aucun une importance J'ai écrit 60 exemplaires, alors qu'il y en avait 100, ou l'inverse, tout est faux dedans, et j'avais collé un contact sur chaque couverture, et un contact différent, donc ça c'était joli, chacun avait un livre un peu unique, et je les avais collés à la maison, donc ils se décollaient, c'était vraiment une catastrophe, mais j'ai une affection pour ce livre. Alors c'est un nom que je regrette énormément. Donc ça, c'est un mauvais titre. Ça s'appelle Profession d'un sentimental parce que j'adore les titres. Mais le métier de vivre était un titre que je ne pouvais vraiment pas voler, de ne pas vaiser, parce que j'adore voler des titres. Et donc, j'ai trouvé ce truc. Bon, c'est vraiment bancal, quoi. C'est super bancal. Après, j'ai des cahiers remplis de titres. Les titres sont super importants. C'est très proche de la photographie, le titre, parce que c'est la première impression de quelque chose et en même temps, ce n'est pas non plus le cœur. Sur un roman, tu as le titre et tu vas voir un dessin, une image ou rien. Et ça va être un rapport très direct et en même temps, tu n'as aucune idée de ce qu'il y a dedans. Donc c'est quelque chose d'assez beau par rapport à la photographie et le réel. Ensuite, j'ai fait un autre livre que j'ai adoré faire qui s'appelle La mort en été, qui est un titre que j'ai volé à Mishima, j'en suis très fier, et parce que j'adore Mishima. Et c'est un recueil de nouvelles, ce livre, pas très très connu. Et en fait, ça c'est un livre où il y a une série d'images que j'ai faites quand j'avais 19 ans en Italie, et où c'est juste des adolescents qui sautent d'un rocher, et j'ai un peu le mouvement décomposé, juste avant de sauter, au moment où on se prépare, dans l'air, etc. Et donc j'avais comme un plan séquence d'un film, et après j'allais en Italie, Je faisais complètement autre chose, donc chez mon pote, toujours plein d'amis, machin. Et là, je photographie, et puis je me dis, mais en fait... Et j'avais toujours gardé cette série d'images que j'adorais de plan séquence, comme ça, c'est six images, c'est rien, quoi. Et je me suis dit, mais je vais les mettre en relation, et puis je vais faire un temps découpé entre un temps très court, mélangé à un temps complètement dilué, complètement long. Et il y a 17 images, c'est rien, c'est extrêmement court, mais c'est comme une phrase, ou comme un poème, ou comme un... L'amour en été, j'étais très heureux. de ce livre. Et après, j'en ai fait un autre qui s'appelait Journal Sud. Là, j'étais très fier d'avoir trouvé ce titre, que j'ai fait à Jérusalem parce que j'étais parti pour Holiday Magazine et je ne sais plus pourquoi, je crois, on m'a invité quelque part et il fallait que je fasse un livre. Et là aussi, j'ai dû le faire en deux semaines. Et voilà. Et le dernier, fin d'automne, j'étais allé en 2015 au Japon pour Holiday. J'étais resté un mois et demi. J'avais toutes ces images, plein d'images que j'adorais mais qui... qui sont là. Je rencontre en 2018 Nanako, et du coup, je vais au Japon la voir plusieurs fois par an, je photographie beaucoup là-bas, et évidemment, je me dis, j'ai un temps intime, un temps qui est plutôt le monde, et donc, je les mélange, et j'ai évidemment quelque chose. Et fin d'automne, je l'ai volé à Ozu, le titre. Le doute, il est constant. De toute façon, photographier, c'est tellement un échec constant, puisque sur le nombre de l'énergie, l'investissement, le nombre de pellicules, le nombre de planches, de contacts que tu fais, de tirer blabla, tu as 0,0, tu vois, de ce que tu gardes. Donc le doute, il est permanent. Et puis le doute, il est forcément moteur, parce que si j'étais sûr de moi, je ne sais pas. Peut-être que je serais coach dans un gymnase club. J'ai besoin de me laisser guider, j'ai très peu. C'est tellement difficile tout. Mais après, tout n'est un peu que hasard, chance, coïncidence. Tu fais quelque chose, tu ne sais pas que tu es en train de commencer quelque chose. Et puis, une fois que tu l'as réellement fait, là, tu as un travail, tu as quelque chose, tu as un chemin. Encore une fois, à partir du moment, je ne sais pas du tout ce que je vis au moment où je le vis. Je peux que le savoir une fois que j'en ai eu l'expérience. Ce qui fait que je ne suis pas un photographe conceptuel du tout. Je suis sur des maquettes de livres, mais qui peuvent... complètement tombé à l'eau. Donc, j'ai aucune idée. La mort en été, c'est 17 images. J'avais déjà... J'avais 16 images et je ne trouvais pas une image qui faisait que la narration... J'ai mis 3 ans. Bien sûr, pendant 2 semaines, je bosse dessus. Ensuite, je ne fais rien pendant 2 mois. Ensuite, je m'y recolle. Ensuite, une après-midi. J'ai mis 3 ans. Alors que, profession d'un sentimental, j'ai 40 images en 3 semaines, tout à fait. Chaque livre aura son... Sa temporalité à tout point de vue. Aujourd'hui aussi, la photographie, j'ai peur. Le monde de l'image aujourd'hui, c'est une horrible expression. L'image du monde serait déjà un peu plus sympathique. Non mais tu vois les réseaux sociaux, la professionnalisation par les écoles d'art, tout ça fait que s'il y a professionnalisation, il y a industrie, il y a aussi un star system un peu. Donc ça veut dire que ça devient quelque chose, les gens vont dire je vais être photographe parce que ça va être quelque chose d'attirant mais qui ne sera pas lié au cœur de la discipline. donc ça ça fait ça fait peur parce que ça veut dire que tous ces gens qui vont produire des images malheureusement, il va y avoir des conséquences sur ça. Je ne sais pas, être photographe, c'est une manière comme une autre d'être vivant.

  • Speaker #1

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