Speaker #0Cette photo, elle a été prise en été, c'est le tout début de mon projet. C'est Pampan dans les rochers, comme on l'appelle cette image. Et en fait, c'est un peu une des premières images de mon projet qui s'est suivie toutes ces années, qui est restée toujours là, dans un coin ou dans un autre, et qui a été assez importante. Parce qu'en fait, elle a un peu mis en place ce sentiment d'appartenance à ce territoire, à la Corse, où elle me dit, viens rechercher avec moi dans les tréfonds de mon cœur. On est dans des marais du Bénédé, en Corse du Sud, près de Porto Vecchia. On fait une après-midi avec les copains et en fait on chill tout simplement. Et en fait je monte sur le rocher qui est juste derrière et puis je me retourne et je vois Alexandre, Pompant, qui lui est dans les rochers et cherche des crustacés, coquillages. En fait, elle va devenir importante parce qu'au début, que je vais commencer à photographier en Corse, je vais y aller avec une idée très précise que je vais vite oublier au fur et à mesure de mes allers-retours jusqu'à y déménager. Au début, je vais me concentrer sur sa politique, sa jeunesse, comment ça fonctionne. Quand je vais y aller en vacances, on va dire quand je vais retourner l'été parce que mes amis d'enfance qui sont corses rentraient tout l'été chez eux. et du coup je voulais voir ce qui les unissait à ce moment-là, pourquoi ils rentraient, comment. Quand je fais cette photo-là, bien après, quand je vais commencer à monter mes premiers, on va dire, premiers éditing, c'est là où elle prend une importance parce que je me dis, mais en fait, c'est pas tant sur le nationalisme ou sa jeunesse qui m'intéresse, mais c'est qu'est-ce qui unit sa jeunesse à son territoire, comment et pourquoi. Et en fait, c'est là où les premières questions ont commencé à se poser. Et c'est là où, en fait, je vais switcher de mon côté, on va dire, photojournaliste à la photographie, on va dire, plus dite documentaire. En fait, je vais aller photographier beaucoup de choses sans vraiment m'apercevoir ce que je voulais vraiment photographier. Et il y a des émotions qui vont apparaître. Et c'est bien après, on va dire, dans un second travail que je vais réaliser par moi-même et par le travail avec d'autres personnes qui m'ont aidé, comme Mathias Benguigui ou Théo Miller, de comprendre l'importance et la complexité de simplement une image qui est faite au-dessus d'un rocher. En fait, il y a plusieurs opérations différentes dans ma manière de procéder. En fait, je n'ai pas de procédure mécanique au tout début de mon projet, parce que là, c'est six mois. Après que je me suis dit que je voulais commencer un projet autour de la Corse, la première fois j'y vais en janvier 2018, en plein hiver, donc c'est à ce moment-là que je découvre une autre Corse, une Corse que je ne connaissais pas, pas une Corse d'été, et la deuxième fois que je vais y retourner, enfin là je vais juste y aller une semaine pour voir des cousins qui sont là-bas et renouer un peu avec eux et découvrir ce territoire, la deuxième fois j'y vais parce qu'Emmanuel Macron vient faire les hommages aux... au préfet Rignac, enfin les 20 ans de la mort du préfet Rignac. Et donc c'est à ce moment-là que je me dis, oula, je ne veux surtout pas photographier de cette manière la Corse, parce que c'est vraiment quelque chose que je vais répéter de mon travail que je faisais en tant que photojournaliste pour les agences à Paris. Et dans un troisième temps, je vais y retourner en été, et donc là ça va être encore, je vais y aller comme si j'étais en vacances, mais je vais quand même documenter ça. Et donc en fait, il va y avoir trois procédures différentes à l'intervalle de six mois. Et en fait, à chaque fois que je vais y aller, jusqu'à ce que j'y déménage, je vais changer de procédure. La prochaine fois que je vais y aller, je vais y aller parce qu'il y a une fête traditionnelle en Corse. Donc je vais couvrir trois fêtes traditionnelles pendant la semaine de Pâques. L'année d'après, où les six mois qui vont venir, je vais y retourner en vacances. Mais là, en me disant, je veux plus travailler ça autour de l'été. Et la cinquième ou sixième fois, je vais y aller parce qu'il faut que je repasse mon permis de conduire. Parce que je ne l'ai pas et qu'en Corse, sans permis de conduire, on ne fait rien. Et donc je vais encore photographier de manière différente, de manière très journalistique. Et la septième fois, j'ai des ménages et c'est là où tout va changer. C'est un peu le point de départ de vouloir sortir de quelque chose qui ne me convenait plus. Pour avoir travaillé pendant 7 ans pour des agences de presse, que ce soit Cipapresse ou l'Aïs Société de Presse, EPA ou d'autres, il y a une certaine immédiateté de l'image qui, moi, me plaisait moins. J'avais envie de construire quelque chose. Et de construire quelque chose de plus long, de pouvoir, on va dire, raconter d'autres histoires que l'espace de 24 heures ou l'espace d'un événement qui a une temporalité très courte. et en fait dans le souhait de pouvoir aller autre part parce que au bout d'un moment, au bout du quatrième voyage, j'ai décidé je ferais tout mon projet à l'argentique. Ça c'est une image numérique par exemple. Je vais essayer de m'imposer des règles que je vais toujours... Comment on dit ? En fait je vais transgresser à chaque fois les règles que je vais mettre en photographie. Je suis Camille Zignoglou, je suis photographe depuis une dizaine d'années et j'ai récemment cofondé une maison d'édition et de production d'exposition qui s'appelle Saita Books and Exhibitions avec Théo Miller et Mathias Benguigui. Nous avons publié ma première monographie qui s'intitule Intracha et qui parle de la multiplicité des identités en Corse et de la complexité d'appartenance à un territoire. Mon premier rapport à l'image, il est arrivé très jeune, puisque mes deux parents ont travaillé dans le milieu de la photographie, que ce soit mon père dans les agences de presse, ma mère dans des magazines. Ma mère était rédactrice photo pour un groupe allemand qui était basé à Paris, et mon père a toujours travaillé chez Sipa Press, pour Sipa Press, livreur, photographe, tireur, informaticien, directeur, tout. Donc en fait c'est ce premier rapport à l'image qui m'est arrivé très tôt, à jouer avec les sectachromes dans les archives de Sipa, et à tout déplacer, et les rendre un peu fous, ou tout simplement baigner assez jeune dans le festival Visa pour l'image, ce genre de rapport. Donc en fait j'ai vraiment un rapport très photojournalistique, à l'image, c'est comme ça que j'ai... que j'ai appris et que je me suis construit d'une certaine manière. Et ce qui m'a apporté beaucoup de choses, il y a des photographes comme Pierre et Alexandra Boulin, qui ont une forme photojournalistique, mais très personnelle et très touchante. Et qui, eux, ce sont vraiment des images qui m'ont vraiment guidé tout au long de mon parcours, jusqu'à aujourd'hui. Et encore aujourd'hui, d'ailleurs. Je ne le prends pas vraiment sérieux au départ, puisque je ne m'en rends pas vraiment compte. Pour moi, c'est un métier comme un autre. Je ne vois pas l'importance ou le... On va dire ce que ça peut être pour quelqu'un qui ne connaît pas ça, parce que j'ai connu que ça. Donc pour moi, c'est normal. Mais très vite, c'est à partir du moment où je commence à vouloir faire de la photographie, où je me dis j'aimerais être photographe et que je commence à en parler à mes parents, les deux me disent non. Non, ce n'est pas quelque chose que tu devrais faire parce que c'est très précaire, etc. Enfin bref, tout ce que les parents ne souhaitent pas faire. Mais quand les parents te disent non, forcément, on fait quand même. Première aise. Le souvenir d'appareil photo que j'ai, forcément, c'est les appareils photos qui sont sur l'étagère, sur la commode à la maison chez ma mère. Parce qu'il y a l'appareil que ma grand-mère avait donné à mon... Enfin, de mon arrière-grand-mère, qui avait donné à mon père et par lequel, lui, il est arrivé par le biais de la photographie. Donc, il y a ce vieux, on va dire, moyen format 6x6 qui traîne sur cette étagère depuis des années, qui, lui, un peu, m'a toujours un peu questionné. Et en fait, après, c'est comme, on va dire, dans les années 90, donc, et début début, il y avait Twirl. le passage au numérique. Et en fait, mon père qui va s'occuper du passage au numérique pour les photographes chez Cipapress, va ramener les premiers boîtiers numériques à la maison. Donc en fait, moi j'ai le souvenir de 25 boîtiers qui sont dans le salon en train de synchroniser parce qu'il les prépare pour les JO de Jeune Tête Sidney, je pense, à l'époque, un truc comme ça. Et donc là, la première photo où je me suis dit, j'aimerais devenir photographe, c'est quand je suis sur le Machu Picchu, je vois un arbre et je suis avec l'arbre. par ailleurs gentil que de ma mère, je fais une photo et je me dis j'ai envie de la cadrer comme ça, je vois cet arbre qui est joli, avec une belle lumière qui vient contre le jour, on a une X-PAN dedans je crois, je ne sais pas si je me souviens bien, et en fait je fais cette photo et je me dis ah tiens je veux devenir photographe. Je me dis, c'est le point de départ. Je me dis, j'ai envie de devenir photographe. Mais pour moi, photographe, je ne sais pas ce que ça veut dire à l'époque. Cette première image jusqu'à la fin de l'école de photo, et encore même avant, ça va être vraiment que du pur bonheur parce que je ne me prends pas la tête, je photographie mes potes, c'est génial, j'adore. Je me photographie moi parfois, moi et mes amis. On fait des selfies avec un 16mm, bref tout ce qu'un adolescent peut faire avec un appareil photo et qui est génial je pense. Et ça va être toujours un peu une place prépondérante, je vais toujours avoir un appareil photo avec moi, et en fait je vais commencer à photographier et jusqu'à ce que quand je finisse le bac et que je vais en Allemagne pour faire des stages dans la photographie. Et c'est là ma première mise à l'épreuve à ce milieu et comprendre ce que c'est vraiment. Travailler pour une agence ou qu'est-ce que c'est de travailler pour un journal ? Parce que je vais faire un stage dans une agence de presse allemande qui n'existe plus d'APD, où je vais être trois mois, je vais être photographe stagiaire, et après je vais faire trois mois dans un quotidien allemand, dans un tabloïd allemand qui s'appelle Bildzeitung, et qui va vraiment me monter les affres de la photographie, on va dire du photojournalisme et du journalisme, des mauvais côtés qu'on n'aime pas. Enfin, moi personnellement je n'aime pas. pour build site donc je vais pas faire de photos du tout mais c'est juste en fait l'utilisation des images et quelle destination elles ont quoi on va dire et puis bon c'est un torchon ce journal donc Peut-être que je n'aurais pas dit ce genre de choses, mais on va dire, surtout avec DAPD, je vais comprendre que pour une agence de presse, en cinq photos, il nous faut les informations principales. Et en fait, on s'envieche de la belle image dans le magazine du lendemain. Ce qui est important, c'est les mille vignettes dans les mille journaux des mille clients qu'a cette agence. En fait je commence à faire ces stages pour pouvoir faire une école de photo en Allemagne. Finalement, changement de programme, ça ne se passe pas comme prévu, donc je vais rentrer en France faire des études de géographie à Montpellier et qui ne vont pas se concrétiser parce que la faculté n'est pas faite pour moi. Donc je vais rester six mois et je vais remonter à Paris. Et là je vais commencer à bosser, on va dire en tant qu'homme à tout faire chez SIPA, parce que mon père travaille chez SIPA. Et en fait pendant une année je vais autant faire des photos, autant aider à l'iconographie, autant au service comptabilité, autant faire de la plomberie, enfin bref je vais tout faire. Et après mes parents vont souhaiter que je fasse une école de photo, et c'est à ce moment là où pour leur faire plaisir je vais leur dire ok je vais faire une école de photo, donc je vais faire l'école de Condé. Et donc la première année je commençais déjà à bosser pour SIPA très régulièrement, donc principalement sur de l'image politique. Et à la fin de la première année, je leur dis « Bon, écoutez, je ne vais pas continuer l'école parce que je travaille déjà pour 6 parents, je gagne déjà un peu de sous, c'est bien, c'est cool. » Et en fait, je vais commencer à faire un stage chez AP et c'est là où ça va prendre un autre tournant parce que travailler en famille, ce n'est pas toujours évident. Et puis quand on est un fils d'eux, c'est encore deux fois pas évident. Ça sert à rentrer mais pas à rester. Et en fait, il faut toujours faire ses preuves. Et comme le milieu du photojournalisme, c'est un milieu, enfin un pari du moins. Il y a des très belles personnes mais il y a des personnes vraiment pas belles non plus. Et en fait c'est là où je vais décider de continuer à faire cette école, je vais bien faire parce que ça m'apprend en fait. L'école de contes est une école assez généraliste d'une certaine part et en fait ça va m'ouvrir sur d'autres, on va dire, points de la photographie, de photographie studio, photographie, on va dire, je sais pas, plasticienne. Donc en fait ça va m'ouvrir un peu mon champ des possibles. Et ça a commencé à me questionner un peu sur mes images, comment je fonctionne. Tout en travaillant, dès que j'avais une pige ou dès qu'il y avait un assignment qui me plaisait, pour SIPA ou pour AP, je sautais dessus, je le faisais. Et j'ai fait ça pendant 7 ans. Je vais y trouver un challenge parce que j'ai envie que mes photos soient publiées partout pour gagner un maximum de thunes. Mais en fait, je vais rentrer dans une super logique d'efficacité. sans m'écouter moi à côté et l'école va me permettre de pouvoir en fait mettre un frein faire un frein, attends attends attends et les personnes que je vais rencontrer au fur et à mesure en me disant mais attends regarde en fait tu peux peut-être faire une histoire là, tu peux peut-être faire ça, tu peux peut-être raconter ça et différemment pendant je pense bien cinq ou six ans je vais vraiment pas faire des photos comme je l'entends quoi je vais faire des photos comme je dois le faire comme on me dit de faire en fait en fait je vais être un exécutant Et en fait, le projet Encore, c'est une porte de sortie sur ça. Parce qu'aujourd'hui, je ne veux plus travailler avec les agences parce que ça ne me convient plus. Je me suis quand même amusé sur ces sept ans, bien évidemment. Il n'y a pas eu que des restrictions, on va dire. Et il y a eu des événements dramatiques. Par exemple, les attentats de 2015, ça n'a pas été un plaisir pour les photographier, mais j'ai été très touché d'être là, de pouvoir le couvrir, de pouvoir le raconter, de pouvoir que mes images circulent. Et ça, ça a été quelque chose de très important. Et en fait, c'est ça, c'est que l'école qui était pendant les 3 années, les 4 années, on va dire les 5 années vraiment de fortes activités d'agence, pendant ces 5 années, il y a eu 3 ans d'école dedans, parce que je faisais vraiment, enfin, je ne m'arrêtais jamais. Et en fait, ça, ça m'a permis de sortir la tête sous l'eau. Et d'un côté, il y a eu d'autres histoires que moi, par exemple, je proposais pour IP, donc sur un galas de catch pour des gens qui sont en chômage à Ivry, ou des images sur les... Donc les collages contre les féminicides, j'ai suivi un groupe de colleuses, c'était une très belle semaine sur laquelle j'ai passé, mais souvent c'était des one-shot, c'était vraiment des choses qui ne duraient pas très longtemps, et en fait à partir du moment où on sort le sujet, le sujet a une durée de vie à travers la presse de 24 à 72 heures. Et en fait c'était fatigant parce que j'essayais de me battre pour pouvoir faire d'autres histoires, mais les commanditaires en question, eux ils avaient besoin de... C'est pas besoin de ça, donc je les comprends aussi en fait, eux ils ont besoin d'efficacité, ils ont besoin de tant d'images parce que c'est ce qu'on leur demande, et qu'ils font travailler une personne, donc il faut bien leur donner. Mais donc il y a eu du plaisir quand même dans tout ça, il y a eu des superbes rencontres en fait, c'est ça, parce qu'aujourd'hui aussi, mais par exemple, quand on va à l'Elysée, quand on va dans un ministère en fait, ça a été des portes d'entrée quoi, j'ai pu découvrir, aller dans des endroits, retrouver des situations. La première rencontre entre Trump et Macron en 2017, au salon de l'OTAN à l'ambassade américaine en 2017, j'y suis pour six pas, c'est un super souvenir. Tu vois ces deux loustics là, c'est des poignées de bain, et puis tu as tout le contre-champ où tu as mis le média, et en fait tu te dis « ah ouais, c'est ça, l'image qu'on voit à chaque fois à la Maison Blanche, au Pays de Pâques, au Cillé, etc. » Et c'est ça qui est intéressant. C'est qu'en fait ça donne accès à des choses que tu te dis « ah, j'y suis allé, c'est intéressant quand même, comment je peux le raconter différemment ? » Et c'est là où il y a des questionnements qui vont naître. C'est comment je peux raconter les choses différemment ? Et c'est sur la dernière année d'école photo où je vais utiliser l'accès que j'ai par les agences pour suivre les 322 derniers jours du quinquennat d'Hollande. Je ne vais pas le suivre jour pour jour, mais je vais le suivre dans un cadre très précis, qui vont être les pools, les groupes restreints de photographes qui ont un accès à la présidence selon quand un événement. Et en fait, pour mon projet de fin d'études, À l'école photo, j'ai questionné quelle place a un auteur dans un milieu qui est très restreint, quadrillé, où il ne faut pas dépasser le potelet, ou quand on va sur une visite de marché, bien sûr que le protocole, ils savent qu'ils vont passer par l'allée A, puis après par l'allée B, puis voir le stand 45. Et en fait, nous, photographes, ou nous, on va dire journalistes ou photos de journalistes, quelle place on a dedans ? Qu'est-ce qu'on peut raconter d'autre ? À quoi ça tient ? Et c'est quand je vais finir ce projet-là, sans pouvoir répondre à cette question, parce que cette réponse à cette question, on ne peut pas vraiment y répondre, et c'est ça la beauté. J'adore poser des questions dans lesquelles je ne peux pas répondre. Et je crois que c'est ce qui m'a guidé aussi sur mon projet en Corse. Parce que quand je vais finir ce projet-là, je vais finir l'école, sept mois après, je vais faire mon premier voyage en Corse. Donc en fait, ça va être tout ce passage-là où je vais utiliser la presse pour pouvoir... On va dire la presse, on va dire le photojournalisme des agences que je fais. pour les agences, me sortir pour arriver, on va dire, sur un projet un peu plus... Le photojournalisme ou le photojournalisme d'agence, je sais pas comment on peut l'appeler, moi il m'a donné un certain bagage de travailler assez vite et un bagage où... forcément, il faut savoir de quoi on parle, de qui on parle et de comment on en parle, d'une certaine manière. Donc, en fait, c'est un travail un peu d'enquête, on va dire. Et ça, c'est vraiment un bagage qui va être essentiel parce que c'est comme ça que moi, je vais commencer mon projet en Corse. On va dire, c'est quoi le nationalisme corse ? Qu'est-ce qu'on entend par le nationalisme corse ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? Quelle est son histoire ? Et en fait, ça, ça va me permettre de comprendre pourquoi. Donc, comme si j'étais, on va dire, un genre d'inspecteur, on va dire, ou un détective, on va dire. Et puis quand je vais aller faire, quand je vais essayer d'aller chercher ces informations et que je vais essayer d'aller les photographier, je vais les laisser photographier vite. Mais en fait, c'est là où je me rends compte que ce n'est pas la bonne manière de suivre. Donc il n'y a pas vraiment une bonne manière de faire. Mais ça m'a donné ce bagage là, parce que ce qui m'a beaucoup aidé aussi dans mon projet en Corse, c'est que j'ai continué à travailler pour la presse et pour le journal Le Monde, principalement et pour d'autres journaux ou magazines. Et en fait, eux, ils vont m'envoyer. dans des coins de Corse. C'est pas que je voulais pas y aller, mais je trouvais pas l'intérêt ou je voyais pas pourquoi je devais y aller. Et en fait, eux, ils vont m'envoyer là-bas et en fait, je me dis, ah ouais, mais en fait, je suis là-bas, mais non, qu'est-ce qui m'intéresse ? Et c'est comme ça qu'en fait, je vais aller photographier de temps à autre des choses en Corse. Parce que moi, j'ai beaucoup aimé à travailler puisque je travaillais déjà un peu avec le Journal du Monde avant de m'installer en Corse. Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est qu'en fait, il y a qu'une destination. Pour les agences, c'est qu'on peut pas contrôler... Et c'est pas grave, c'est comme ça. Mais on peut pas contrôler l'image. On peut pas... on ne peut pas savoir où elle va. Donc en fait, c'est hyper important l'image. Quand on photographie quelqu'un, c'est horrible. Mais dans les agences, on demande de nous, il y a un événement dramatique, on veut des pleureuses. Comment on fabrique des images ? C'est cette question aussi. Et comment on la donne à voir au public ? Pour un journal, c'est un peu différent. Déjà, on travaille pour un seul support qui est limité à ses pages ou à son site internet. Mais... Mais au moins, c'est dirigé. Et en fait, c'est ça que moi j'aimais bien, c'est que j'avais le contrôle de A à Z de mon image. Enfin, de l'histoire que je voulais raconter. À force de faire des allers-retours, parce que je veux faire des allers-retours pendant deux ans encore, donc je vais y aller trois, quatre fois par an. Et au bout d'un moment, je me dis, mais il y a quelque chose qui me glisse entre les doigts et je n'arrive pas vraiment à savoir ce que c'est. Et donc, au bout d'un moment, le meilleur moyen pour que ça ne me glisse pas des doigts, il faudrait que je m'y installe. Et c'est à ce moment-là où je commence à en avoir un peu marre de faire toujours les mêmes choses pour les agences et principalement, on va dire, sur de l'image politique, parce que c'est vraiment ça que je couvrais majoritairement. Et parce qu'en fait, en 2017, Macron arrive au pouvoir et en fait, politiquement, il va verrouiller tous les accès à la presse. Et donc en fait ça, ça va être assez marqueur de quelque chose que je voulais plus. Je me dis bon bah en fait déjà c'est toujours la même chose, c'est juste des gens qui changent de costume, enfin c'est pas les mêmes personnes, c'est le même costume mais c'est différentes personnes dedans, et c'est le même poignet de main, et c'est les mêmes... Voilà, il y a juste... les histoires qui changent. Et en fait, c'est là où moi, je commence à me dire, j'ai envie de travailler sur un truc un peu plus long et me consacrer autour d'un projet qui me ressemble le plus. Ça se passe en fait, je pense en deux ou trois étapes. La première, c'est vraiment, j'en ai marre de faire toujours la même chose. La deuxième, c'est comment je commence à cerner mon projet qui lui, va plus parler à ce moment-là de la jeunesse et comment sa jeunesse s'identifie à son territoire, comment et pourquoi, et quels en sont ses facteurs d'identité. Et dans un troisième temps, c'est là où je me dis, mais ce qui me guise des oies, c'est qu'à chaque fois j'y suis et en fait, après je repars. Je n'arrive pas à comprendre vraiment l'essence même de ce territoire qui, j'ai l'impression, m'échappe. Dans le sens où je ne saurais pas vraiment l'expliquer, mais déjà à ce moment-là, je ne savais pas comment l'expliquer. Mais je ressentais le besoin d'y aller et de me dire de m'y installer parce que je me suis dit, mais pour comprendre ce que je fais, est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir les deux pieds dedans ? et pas un pied à l'extérieur et un pied à l'intérieur. Et ce qui va aussi changer beaucoup ma pratique photographique, parce que d'une certaine manière, c'est que quand je vais y déménager, je ne vais plus être spectateur, mais je vais devenir acteur du territoire. Donc je vais avoir un impact, autant sur mes mouvements, autant sur ce que je fais photographiquement, autant sur ce que je vais couvrir pour des médias. Pour le journal, elles vont venir ponctuer des moments, en fait. Elles vont m'envoyer par moment à l'autre bout de l'île et couvrir une histoire intéressante ou moins intéressante, mais souvent très intéressante parce qu'en fait, ça va... Enfin, une île, c'est remplie de mille et une histoires, comme une ville, bien évidemment, mais une île, c'est quand même, je pense, encore un peu plus particulier. Et donc, elles vont venir ponctuer, on va dire, ces petites missions, mais je vais avoir une certaine liberté totale. et c'est vrai qu'au début je pense que l'année où je vais m'y installer donc en 2020 c'est l'année où je vais le moins produire d'images il y a les deux premiers mois où je vais beaucoup produire parce que c'est là où je me dis je vais faire mon projet à l'argentique donc je vais faire je sais pas 20 Ausha, 120 parce que je vais m'éclater Sans vraiment savoir ce que... Tout le temps en photographiant un peu ces jeunes, et puis en photographiant un peu ce qui m'entoure aussi autour de moi. Et en fait, après, il va se passer le Covid. Et donc je vais y rester pour le Covid, et je vais rentrer à Paris, je vais déménager mes affaires, et un mois après, je suis en Corse. Et en fait quand je vais déménager, je vais me dire ok, bon bah maintenant je suis en Corse, donc je fais un projet sur la Corse, je parle des jeunes, de ce qui m'entoure, et de l'autre côté j'ai aucune idée d'où je vais quoi. Je vais quasiment pas faire de photos. En fait je vais m'imprégner de tout ce qui m'entoure, et moi qui ai grandi dans un milieu urbain principalement, ça va être un peu un éveil de grandir dans un milieu rural, enfin de vivre dans un milieu rural pardon, parce que je vais découvrir... ce que c'est en milieu rural. Et que ce soit de ses côtés positifs ou ses côtés, on va dire, où je ne vais pas pouvoir faire ce que je veux, quand je veux, à n'importe quelle heure. Et donc ça, ça va être très formateur parce que je vais apprendre à regarder ce qui m'entoure, à comprendre autour de moi. Et en fait, c'est là où il va y avoir un peu ce glissement où je vais dire du matin, je suis allé photographier ces jeunes, ok, c'est bien, mais en fait... ça m'intéresse pas en fait, ça m'intéresse pas, donc en fait ces photos je vais pas les garder, et du coup je me dis mais attends mais pourquoi du coup pendant les rochers elle est importante ? Ah elle est importante parce qu'en fait ils cherchent quelque chose, qu'est-ce que je suis venu faire moi ici en Corse ? En fait je suis venu chercher, ok c'est quoi l'identité corse, mais en fait l'identité corse je peux pas y répondre, c'est plein de choses, en fait c'est beaucoup de choses, mais l'identité corse, est-ce qu'on peut mettre vraiment... des facteurs, des termes, des mots dessus. Et c'est là où il va y avoir ce changement qui va se créer au fur et à mesure. Est-ce qu'il y a des personnes qui n'ont pas voulu être pris en photo ? Oui, bien évidemment. Et ça, c'est tout à fait normal. C'est comme partout. Si les gens ne sont pas d'accord, ils ne seront pas d'accord. Par contre, tous ceux que j'ai photographiés ou tous ceux que j'ai voulu photographier et quasiment tous étaient d'accord, on va dire. Est-ce qu'il y a eu une certaine méfiance, on va dire, ou un certain refus ? Méfiance au début, oui. Et je pense que c'est normal, parce que moi aussi, je pense que je serais méfiant si vous me demandez « Oui, mais pourquoi tu veux me photographier ? » Et donc en fait, quand j'ai expliqué mon projet, souvent... C'est là où ça a été de très beaux échanges, parce que premièrement, à chaque fois, j'avais le droit à l'histoire de la Corse, enfin de leur Corse, on va dire. Donc j'ai peut-être mille et une versions différentes de l'histoire de la Corse, qui se regroupent sur plein de points, mais en fait c'est ça qui est assez beau et assez riche, parce que ça parle de ces multiples identités, de leurs multiples savoirs, et c'est ça qui est très beau. Mais souvent, on va dire que c'était très bien accueilli, parce que... Quand je passais dans un village de Kastanitsch, dans les montagnes au nord-est de la Corse, et qu'on me disait, mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu retournes quand sur le continent ? Et que je leur disais, ben non, moi j'habite en Corse, je travaille sur ça, je travaille sur ces questions. Elle me disait, mais attends, mais tu travailles sur ces questions. Je lui disais, mais pourquoi ? Mais comment ? Et du coup, une discussion, et parfois même des relations se sont créées comme ça, à travers ce projet-là. En fait, c'est pas la même chose de photographier Trump et Macron ou un portrait d'un ministre que photographier, je sais pas, un chasseur, un jeune, ce que tu veux, un politique même encore, ou j'en sais rien. C'est pas la même chose, mais en vrai, j'y prête pas attention, quoi. Je le photographie comme j'ai envie de le photographier moi, et qu'est-ce qui me fait ressentir à ce moment-là ? C'est que je sais comment je devrais me comporter parce que je connais le milieu, on va dire. dans un truc très institutionnel ou dans un milieu. Mais en fait, j'ai le droit d'être moi-même aussi quand je photographie autant, on va dire, je suis un peu pampon dans les rochers que le ministre des Affaires étrangères. En fait, pour moi, j'essaie de ne pas mettre de règles. Pour résumer de manière un peu plus simple, en fait tu vas avoir trois étapes. Tu vas avoir vraiment la première étape où je vais mettre les premiers pas en Corse, donc en 2018, où je vais voir ce qui m'entoure, je vais photographier aussi de la politique, je vais très vite me rendre compte que c'est pas du tout ce qui me plaît, donc je vais aller photographier des fêtes de village. Je veux dire, ah c'est intéressant parce que c'est un endroit où les gens se retrouvent, c'est un endroit de société on va dire, pourquoi les gens se retrouvent là, ça fait grandir les gens aussi, c'est des actes de passage de la vie, les fêtes traditionnelles, que ce soit des fêtes de village ou que ce soit des fêtes religieuses, qu'on soit croyant ou pas croyant, mais qu'il y ait toujours cette omniprésence des fêtes en Corse, qui est un moment où les gens se regroupent et qui est très important. Et de l'autre côté, c'est là où je vais commencer à photographier ces amis, d'enfance qui vont revenir l'été et en fait dans l'année qui va suivre cet été tous ses amis là vont quitter le continent pour s'installer en corse Et en fait c'est là où il va y avoir la deuxième étape qui va se passer, c'est de me dire mais attends mais qu'est-ce qui nie ces jeunesses à son territoire ? C'est là où je vais commencer à photographier mon entourage, jusqu'à me dire j'y déménage. Et donc là je me dis, ok je ne suis plus spectateur mais je deviens acteur, donc ça veut dire que moi je fais partie de ces personnes-là maintenant, d'une certaine manière. Alors moi je ne suis pas rentré en Corse, mais j'y pars. Mais pourquoi j'y pars ? Parce que je suis attiré. Et pourquoi je suis attiré ? Parce que j'ai une force d'attraction. Et comment j'explique cette force d'attraction ? Et à ce moment-là c'est... quand je vais déménager, que je vais me poser une question, c'est comment on embrasse un lieu qu'on aime ? Et en fait, cette question-là, elle va me servir, on va dire, un peu de fil rouge ou même de boussole à travers les années qui vont suivre, donc jusqu'en 2023 où je vais produire jusqu'en 2023. Et en fait, après, il va y avoir un changement parce que je vais commencer à documenter, on va dire, à travers cette question-là, c'est comment à travers mes émotions je vais pouvoir raconter la complexité d'un territoire. À ce moment-là, je vais faire le dossier du CNAP. donc pour l'aide, enfin le soutien à la photographie documentaire et je vais commencer à en fait me renseigner, on va dire, sur la Corse mais de manière pas journalistique mais plus sociologique ou anthropologique et c'est là où je vais comprendre beaucoup de choses c'est par un essai sociologique de Anne Messersheim que je vais lire, que je vais comprendre les émotions que moi je ressens en Corse et donc en fait c'est comment à travers la science on va dire expliquer mes propres émotions que je ressens en Corse et donc en fait ça va être... un peu un chamboulement parce que je me dis ah oui en fait ma question comment on embrasse un lieu qu'on aime elle répond pas juste à une question on va dire de sentiments mais elle part un peu plus loin en fait cette question là elle va beaucoup m'aider parce qu'elle va mettre les contours très très très large de mon projet dans le sens où je vais glisser, je vais rouler vers quelque chose d'autre et ça ça va être ponctué comme tu dis par cette lecture de portfolio, enfin pas que Mais en partie par cette lecture de portfolio avec Taous Damani, qui est une curatrice, où elle va me dire « Non mais c'est bien de parler d'identité, je comprends ton projet, c'est intéressant, c'est super, mais en fait, il y a un truc dont tu ne parles pas, mais qui se ressent, c'est l'amour qui en dégage. » Tout simplement, l'amour que tu portes à cette terre. Et comment cet amour que tu portes à cette terre, et comment ces habitants, à travers la complexité, de ce territoire, de son histoire, comment à travers cet amour, toi, tu vas la raconter. Et c'est là où il y a ce roulement, parce que, et c'est là où j'essaie de revenir à Anne Messersheim, c'est comment, on va dire, la sociologie, donc à travers, on va dire, la complexité d'un territoire, raconté par des émotions, on peut raconter, on va dire, ces multiples identités. Parce que moi-même, je suis des multiples identités. Quand je fais le dossier du KNAP et que je découvre cette... Cet essai sociologique d'un homme, Anne Meisersheim, qui s'appelle Les figures de Lille, je vais comprendre qu'en fait, moi-même qui suis issu de plusieurs identités, d'un père turc, d'une mère allemande syrienne, grandi en France, je ne me suis jamais senti appartenir plus à un endroit qu'à un autre. Je ne me sens pas plus français qu'allemand que turc. Quand j'étais à l'école en France, j'ai été considéré comme allemand. Quand j'étais en Allemagne pour des études, j'ai été considéré comme le français. Et quand j'étais en Turquie, j'étais considéré comme l'européen. Donc en fait, je ne me suis pas pu se sentir appartenir à un endroit qu'à un autre. Alors qu'en Corse, je vais me sentir appartenir à ces pierres, à ces murs, quoi. Enfin, ces frontières, on va dire, parce qu'il n'y a pas vraiment de mur. Et donc, très vite, c'est là où cette question, donc comment on embrasse un vieux qu'on aime, va revenir. Et c'est exactement comme ça que, quand Taouz Damani me dit, mais en fait, tu parles aussi de l'amour que tu portes tout simplement à cette terre, c'est exactement ce biais-là qu'il faut que tu essaies de, on va dire, de redonner les contours même de ton projet. Dire qu'en fait, l'identité c'est intéressant, mais l'identité c'est une partie de ce projet-là. Cette remise en question, on va dire, qui se situe en plus à la fin de mon projet, va juste permettre de pouvoir recadrer les contours de mon projet. et de me dire, ce que je veux en faire, c'est un livre. Puisque je vais très peu produire après. Quelques images par-ci, par-là, parce qu'en fait, il y a des choses que je veux aller chercher, tout simplement. Où je me disais, bah oui, mais en fait, les bogues en achatégné, ça raconte, on va dire, moi personnellement, ça me raconte cette multiplicité, on va dire, de points de vue, de regards, de couleurs, de... Ça va permettre tout simplement d'aller re-photographier ou d'aller rechercher des scènes que j'avais vécues, on va dire auparavant, au tout début, mais que je n'osais pas photographier au début de mon projet parce que je me dis « non, ce n'est pas intéressant pour mon projet » . Mais en fait, si, c'était très important pour mon projet. comme ces histoires de légendes. Parce que ce qui m'a beaucoup aidé au début de mon projet, c'est que je lisais beaucoup de légendes, de mythes autour de la Corse. Et ça, c'est venu nourrir un peu mon imagination. Chaque légende en Corse donne certains lieux, certaines ambiances. Et ces ambiances, j'ai essayé de les chercher, que ce soit chez mes proches. ou que ça soit par exemple dans l'or qu'on m'a envoyé pour le journal Le Monde dans un endroit très précis. Ça me permettait de faire un pas de côté par moment. Et en fait, c'est à travers cette question-là qu'il me dit « Comment j'embrasse un ville qu'on aime ? Comment je l'embrasse ? » En fait, je l'embrasse par ses légendes, par ses mises et mises d'histoire, par ses contradictions, par ses paradoxes, parce qu'une île, c'est complètement paradoxal. Comment on redécide la complexité d'une île ? À travers ses émotions. Aujourd'hui, c'est comme ça que j'essaie de poser les mots dessus, mais dans sa... dans la... praticité de le faire, j'avais quasiment aucun protocole. Je savais pas où j'allais. Donc oui, c'est peut-être une stratégie du chaos, même si, pour moi, je le trouve... Oui, en fait, elle est chaotique. Elle est complètement chaotique. Tout seul, j'y serais jamais arrivé, mais impossible, parce que je me suis fait quand même beaucoup accompagner par Mathias Wengigi, qui est ami et collègue, depuis le début de mon projet. Donc il y a même une forme, on va dire... similaires entre nos écritures photographiques parce qu'il m'a beaucoup aidé à m'accompagner, à sortir jusqu'au livre, bien évidemment. Et en fait, c'est ça qui est beau, d'une certaine manière. C'est que tout seul, moi, je ne serais jamais arrivé. Et j'ai eu besoin du regard aussi de mes amis en Corse qui n'ont rien à voir avec la photographie. Qui sont des paysagistes, qui sont des ferronniers, qui sont des caissiers, qui sont des saisonniers, qui sont... Comme on l'a fait nous ce livre, j'avais tellement la tête dans le guidon et qu'il fallait sortir ce livre parce que c'est ce qu'on s'était dit, c'est ce que dans l'aventure dans laquelle on se lançait. Le jour où on avait imprimé le livre et que j'ai vu les planches sortir. Et que le lendemain, ils nous ont donné le Fold Indicator, donc c'est le livre plié, pas relié, pour une dernière correction, un dernier aperçu. Et que là, j'ai vu les images, déjà j'ai pleuré, bien évidemment. J'avais tout en main, et en fait, je me dis, non mais en fait, c'est ça mon projet, quoi. C'est pas que ça mon projet, mais sa forme, on va dire, finie dans un livre, elle est là, et c'est là où j'ai pris conscience, on va dire, de tout ce qui s'est passé, quoi. Parce que c'est quand même six ans de ma vie mis en 120 pages. Donc les bons côtés, les mauvais côtés, bien évidemment. Et donc c'est ça qui était très émouvant. Et la deuxième partie, je pense que c'est quand le livre est sorti. Donc après son impression qu'on les a reçus. Parce qu'en fait, à partir de ce moment-là, le projet de livre, il ne m'appartient plus. Il est dans les mains des autres. Et c'est là où je me suis dit, en fait, c'est plus à moi, c'est aux autres. Et c'est là où tu te dis, mais est-ce que j'ai pas fait une grosse connerie ? Et non, bien sûr, je suis très content du résultat et du message qu'il y a derrière. On l'a réalisé en quelques mois et comme Saitabooks devait se lancer aussi à ce moment-là, que c'était... Un tout, forcément, ça a été une aventure, une sacrée aventure. Est-ce que ce que j'ai fait en Corse va... Oui, bien évidemment, ça va m'aider à poursuivre, on va dire, mes errances ou mes intérêts ou mes souhaits de mes prochains projets. Mais pour le moment, il y a beaucoup de projets qui se montent, qui ne soient pas directement liés sur des projets photographiques, mais plus sur des projets, on va dire, d'édition. Parce que du coup, j'ai rejoint l'équipe de Cytabooks & Exhibitions avec Théo et Mathias, sur lesquels on travaille actuellement. Donc, il nécessite quand même un certain temps. Et à côté, je pense que j'ai certaines idées. Mais en fait, déjà, j'essaie de digérer, on va dire, digérer, enfin digérer, c'est peut-être pas le bon terme, mais de laisser le temps. Et puis, il est probablement fini, en fait, le projet. Parce que le projet en tant que tel, oui, il est fini, mais les projets d'exposition, donc... Donc voilà. Je pense qu'il est important de se laisser rêver, je pense. C'est exactement un peu avec Intracha, je rêvais d'un projet, sans vraiment savoir ce que c'était ce rêve, je rêvais d'un projet qui finirait peut-être en livre, en exposition, et qui parlerait autant d'un endroit, de ses habitants, d'une terre, mais aussi de mes émotions, et de la complexité de tout mélanger. Et je pense que ça, je vais essayer de le continuer. ou pas, mais garder une certaine forme sur d'autres projets, sur d'autres terres, territoires. Au début, je travaillais au 24-36 numérique, par exemple, techniquement, mais après, j'ai fait des photos de téléphone portable, après j'ai utilisé des caméras de chasse, des images que je n'ai jamais faites, après j'ai utilisé une thermique, après j'ai utilisé un LECA, après j'ai utilisé un moyen format Info-MS 6.7, après un moyen format 6.6, après... Après, j'ai utilisé un Olympus, un petit genre de bridge. En fait, j'ai tout mélangé, des appareils photo jetables. En fait, j'ai tout mélangé. Et le fait de changer à chaque fois d'outil, parce que je le vois comme un outil, ça m'a permis aussi de changer un peu ce que je voulais photographiquement et mes intentions photographiques à chaque fois. Tous ces changements d'appareil et même de processus photographique tout au long de mon projet en Corse. Ça m'a fait grandir d'une certaine manière photographiquement, parce que j'ai compris ce que j'aimais et ce que j'aimais moins, donc déjà c'est très important. Mais est-ce que ça me donnerait une certaine stabilité pour les prochains projets ? Personnellement, oui. Mais photographiquement, je suis pas sûr. Mais en tout cas, je sais que sur des prochains projets, je sais que je pense que je fais photographie avec un type d'appareil photo, et je me limiterais à ça. En fait, ça m'a donné des contours, mais jamais, ça ne me donnerait jamais une stabilité. En fait, je ne pense pas que je veux forcément toujours savoir où je vais. J'ai envie de me laisser cette part d'inconnu devant moi pour me dire, en fait, je ne suis pas abri de deux regards. Par contre, là où j'ai beaucoup appris, c'est que, en fait, j'ai le droit d'écouter ce qu'il y a... Enfin, on a le droit, j'ai le droit d'écouter ce qu'il y a au fond de mon cœur et au fond de mon ventre, quoi. Ça, je pense que c'est très important.