Speaker #1on est dans la période de Noël au revoir Un petit peu avant Noël, c'est un samedi, et moi je suis avec une collègue qui vient de finir son DEA. Elle est sortie de l'école il y a quelques semaines, peut-être un mois. Et à savoir que le week-end, on est en autonomie. Il n'y a qu'une seule équipe qui travaille dans ma société. Donc on est autonome sur la prise de rendez-vous, de demande d'ambulance. on se gère le planning nous-mêmes. Donc on fait quelques retours à domicile, peut-être quelques missions SAMU, je ne me souviens plus du tout de ce qu'on avait fait ce jour-là. Mais comme tous les samedis, on a par contre une patiente qui est dialysée, qu'on doit amener en centre de dialyse. Donc ça c'est une patiente qu'on connaît très très bien, puisque... On l'amène en dialyse deux fois par semaine. C'est des patients où on doit toujours être à heure fixe. C'est super important pour eux et pour leur dialyse. Donc c'est des patients qu'on connaît très bien, avec qui on a des petites habitudes. On sait quand ils vont bien, quand ils sont plus fatigués que d'habitude, quand ça va, quand ça va pas. C'est des patients... C'est des patients chroniques. Moi, avec ma collègue, on a pour principe d'alterner tout au long de la journée. C'est pas toujours le même ambulancier qui reste avec le patient derrière, ou c'est pas toute la journée le même ambulancier qui va conduire. On alterne à chaque prise en charge. Donc cette fois-ci, c'est à moi d'être avec la patiente à l'arrière, et à ma collègue de conduire. Donc on quitte l'EHPAD de la patiente, donc cette patiente là était en EHPAD et on est à l'heure. Sauf que ma collègue en sortant de cet EHPAD tourne à droite au lieu de tourner à gauche. C'est pas beaucoup plus long comme chemin mais c'est vraiment pas la route habituelle. Donc on n'aurait jamais dû passer par là ce jour là. Rien de grave, on longe l'EHPAD, on passe un premier carrefour. On longe une première tour d'une cité qui est quasiment collée à l'EHPAD. Et à l'intersection qui suit, sur le trottoir, il y a un homme qui nous fait de grands signes. Donc ma collègue s'arrête. Moi je me place au petit hublot entre la cabine du conducteur et la cellule arrière pour écouter. Et l'homme il est un peu agarre. Il nous dit qu'il croit qu'un gars vient de se faire poignarder un peu plus loin. Donc nous sur le coup, enfin moi personnellement sur le coup, je me dis que c'est quand même très peu probable, on est en pleine journée, c'est vers l'heure de midi, c'est une cité qui est connue un petit peu sensible, mais bon, dans le doute, il faut qu'on aille voir. Donc je prends des gants, je dis à ma collègue de ne pas bouger, que je vais voir. J'avance sur la route, environ une vingtaine de mètres, et là, au pied de l'immeuble, au niveau des containers à poubelle, il y a un homme allongé au sol. une mare de sang autour de lui et il a une plaie hémorragique au niveau du cou. Sur le côté, un autre homme à genoux, prostré. Moi j'ai une seconde ou deux secondes, un peu un effet de sidération, mais je reviens vite sur le moment. Et comme j'ai mes gants, je fais une compression manuelle au niveau du cou. J'essaye d'avoir des infos avec l'homme face à lui, face à moi. Je lui demande ce qu'il s'est passé, s'il a vu quelque chose, et je n'ai pas de réponse. L'homme au sol avec la plaie au niveau du cou, il a le regard livide, il est pâle. Bon, je sens que la situation est un peu compliquée. De plus en plus de monde s'attroupe au niveau des fenêtres de cette grande tour d'immeuble. L'homme qui nous avait arrêté un petit peu plus loin commence à s'approcher vers moi. Je lui demande s'il a prévenu les secours et il me dit que la police arrive. Je lui demande d'aller chercher ma collègue et de prendre le sac rouge. Ma collègue arrive très vite. En fait, tout s'enchaîne assez vite sur ce moment-là. On sort un coussin hémostatique d'urgence, ma collègue me prend le relais au niveau de la compression, on déchire les vêtements, je regarde s'il n'y a pas d'autres plaies au niveau du thorax ou de l'abdomen, mais j'ai toujours, au final, pas d'informations sur ce qui s'est vraiment passé pour cet homme et ce que les secours vont vraiment venir. Sur le moment, on a l'impression que tout est assez fluide, les gestes qu'on réalise, mais je pense qu'il y a pas mal de stress, l'adrénaline prend le dessus. Et puis c'est des gestes qu'on a déjà vu en formation, mais que je n'avais jamais mis en pratique. Donc voilà, il faut les faire, mais on ne sait pas s'ils sont bien faits, si on aurait pu mieux les faire ou pas. Il n'y a pas vraiment de notion de temps, si ça a duré longtemps ou pas. À partir du moment où on s'est arrêté avec l'ambulance et on a commencé à faire la compression, je sais que l'homme à qui on est en train de réaliser la compression manuelle tombe assez vite en arrêt cardio-respiratoire. Donc ma collègue... continue sa compression. A l'époque, je ne me souvenais plus très bien du comment faire pour se libérer de cette compression manuelle avec le coussin hémostatique, qui est un geste que je pense avoir vu, mais sur le moment, on n'y pense pas. Donc je réalise un massage cardiaque pendant que ma collègue est en train de comprimer. Très compliqué de poser un défibrillateur ou de commencer des insufflations avec le bavu. Le Bavu, c'est le ballon auto-remplisseur à valve unidirectionnelle. C'est ce gros ballon qui nous sert à faire des insufflations manuelles. On n'est que tous les deux avec notre stress et la situation. Je comprime le thorax et ma collègue comprime au niveau du cou. Les policiers arrivent, je crois, assez vite et sautent sur l'homme face à nous, qui est prostré. Ça donne une scène un peu lunaire où, au final... On est en train de réaliser des gestes de réanimation, et en même temps, il y a une interpellation en face de nous, et en même temps, des gens aux fenêtres. Donc nos gestes, moi je fais un massage en continu, sans le fameux cycle qu'on nous apprend à l'école, puisque ma collègue ne peut pas insuffler. Une scène assez lunaire. Pareil, là, quand on voit les collègues, le VSAV des pompiers, l'ambulance des pompiers, le véhicule de secours à victimes, On est content déjà parce qu'on n'est plus seul. On fait un bref bilan au chef d'agré, mais eux, ils ont déjà l'info de ce qui se passait ici. Et puis même la scène parle d'elle-même, ils comprennent assez vite. Donc ils étalent de grands draps pour se faire une zone propre. Un des pompiers sort le bavu, un autre... on sort le défibrillateur, on prend un relais au massage cardiaque. C'est assez fluide, on va dire, ce relais. Je pense qu'ils avaient aussi leur stress, parce que c'est une situation un peu hors du commun. On ne peut pas dire qu'on tombe sur ce genre d'intervention tous les jours. Et puis, de chance, je les connaissais bien, donc on n'en a plus en reparler quelques semaines après. C'est vrai que c'est une intervention qui les aura marquées, qui nous aura marquées aussi. le SMUR, le service mobile d'urgence et de réanimation. Il arrive quelques secondes, tous ces événements, toute cette montée en puissance se déroule en l'espace de quelques minutes. Les forces de l'ordre, les sapeurs-pompiers, le SMUR, nous on est content d'avoir du renfort, de ne plus se sentir seul. Et du coup on leur passe la main, puisque au final... Nous, notre mission de base, c'était d'amener notre patiente en dialyse. Et notre patiente nous attend toujours dans l'ambulance. Les policiers prennent nos coordonnées pour pouvoir raconter ultérieurement ce qu'on a fait, ce qu'on a vu, et voilà. Et on retourne à notre ambulance où notre patiente nous attend. Je pense que pour elle, ça a dû être un moment très dur aussi, puisqu'elle a dû se sentir abandonnée et pas comprendre ce qui se passait. A posteriori, je me demande si ça aurait dû être à moi. d'y aller, ou à ma collègue, même si sur le moment, ça m'a paru évident que c'était à moi d'y aller, puisque j'avais un peu plus d'expérience que ma collègue ce jour-là. Donc on ne refera pas l'histoire, mais le trajet vers la dialyse, il fut un peu une redescente quand même de cette intervention, de ce qui venait de se passer. Et pour une fois, on est arrivé en retard à la dialyse, mais on avait une bonne raison. Je sais que ce jour-là, notre patiente qu'on a amenée, je lui expliquais sans rentrer dans les détails ce qu'on venait de faire, et de toute façon, elle a pu le voir puisqu'on avait quand même sur nos tenues pas mal de sang, on était nous aussi un peu en redescendre d'adrénaline. Et du coup, je pense que ça l'a un petit peu affecté. Alors, elle en a parlé au médecin de la dialyse, expliqué pourquoi on était en retard. On ne s'est pas du tout fait engueuler, il n'y a eu aucun souci là-dessus, mais ça aurait pu. Ça arrive que l'ambulance arrive en retard avec son patient, et je pense qu'on serait vite rentrés dans le conflit, parce que nous, on venait de vivre une situation un peu compliquée. Et eux sont un peu aussi dans leur routine de patient dialysé, il faut être à l'heure, etc. Mais malheureusement, des fois, ça arrive qu'on tombe sur des situations qui sortent de l'ordinaire. À la suite de ça, on finit de déposer notre patient en dialyse. Avec ma collègue, on a reçu des appels pour des sorties d'hospitalité, pour des médecins traitants. à qui il fallait envoyer tel ou tel patient aux urgences. On a décidé de s'autoriser une heure de pause, parce qu'elle était nécessaire pour se changer, pour manger et pour débriefer entre nous, se parler. Voilà. La victime, elle est malheureusement décédée, peu de temps après notre départ. Les blessures étaient beaucoup trop graves. Il y avait une quantité de sang... perdu, qui était énorme. En fait, l'homme en question était dans les étages de cet immeuble-là, où il s'était fait poignarder au niveau du cou, soit de la carotide ou des veines, je ne saurais pas dire, je ne suis pas un médecin. Mais du coup, il est descendu pour chercher de l'aide, en fait, en bas, et il s'est effondré au pied de cet immeuble. Et l'homme qui était prostré, c'était l'homme qui lui avait asséné le coup de couteau. Une anecdote dont je m'en souviendrai toujours, je pense que c'est des interventions hors du commun. Et maintenant que je suis en SMUR, quand j'ai des ambulanciers privés qui viennent en stage ou que je croise, des fois je leur raconte. pas forcément celle-là où j'en raconte d'autres, mais pour moi c'est une anecdote qui montre qu'un ambulancier privé c'est... alors des fois on a l'impression de rentrer dans une routine en transportant des patients tout au fil de la journée, mais à savoir qu'en fait on est une grande chaîne de soins donc le fait d'être formé aux gestes d'urgence l'ambulancier l'urgence elle peut arriver n'importe où, n'importe quand, surtout lorsqu'on transporte des patients on va dire un peu plus fragile, avec des pathologies différentes tout au long de la journée. Et je pense que la société d'aujourd'hui, on se doit, lorsqu'on est un professionnel de santé, d'être formé et d'être, on va dire, compétent sur ces gestes d'urgence. Tout au long de la journée, il y a des ambulanciers qui circulent en ville avec leurs ambulances, leurs VSL. C'est obligé d'avoir... d'avoir du matériel qui est fonctionnel, d'avoir du personnel qui est formé et de continuer à alimenter ses connaissances. et à pouvoir anticiper les choses du quotidien. Voilà, c'est la vision que j'en ai de ce métier, un métier qui évolue tout le temps, très vite, et qui est passionnant.