Speaker #1Le Nutri-Score n'est pas un régime, mais il peut permettre de faire les bons choix. En réalité, cela peut être une aide à la décision entre deux produits de même nature, mais il mériterait de nombreuses améliorations. Le Nutri-Score correspond à une demande légitime des consommateurs de disposer d'une information simple, rapide, lisible et compréhensible, en substitution de l'étiquetage nutritionnel classique et son tableau de chiffres pour 100 g et par portion standard. Les aliments à l'épreuve de la notation Le Nutri-Score est issu des trafics light anglais, intégrant des nutriments ou des constituants dits négatifs calories, sucre, graisse saturée, sel, et des nutriments ou des éléments dits positifs protéines, fruits et légumes, fibres. Revues et corrigées avec par exemple l'introduction des fruits à coque dans les éléments positifs. Le tout aboutit à une note en cinq couleurs, du vert au rouge, ou en cinq lettres, du A au E. Lorsqu'il a été testé en condition quasi expérimentale, il a été considéré comme l'étiquetage le plus compréhensible par les consommateurs, et il a conduit dans des magasins test à des choix un peu plus conformes aux recommandations nutritionnelles. Les personnes qui achètent des produits dotés de bons Nutri-Score ont aussi une alimentation plus conforme au Programme National Nutrition Santé, PNNS, ce qui est normal, car il s'en inspire. Néanmoins, il n'existe pas d'études véritables montrant, lors d'une intervention, que l'étiquetage Nutri-Score conduise dans la vraie vie à une meilleure alimentation qu'un autre score ou que l'absence de score. On peut juste le supposer. Quelles sont les améliorations possibles ? Au niveau des messages, il faudrait réellement faire passer partout celui de la diversité alimentaire, car la variété est vraiment le point le plus important en matière de bonne nutrition. Or, ce message est absent dans le Nutri-Score et insuffisant dans les messages du PNNS. La non prise en compte de la portion de base consommée est un péché de jeunesse du Nutri-Score. En effet, son score est calculé sur une base de 100 g. Or, consommer un bonbon de 5 grammes qui aurait un score de C n'a pas le même impact que consommer une pizza de 400 grammes qui aurait un score de B. La chicorée en poudre a, pour sa part, un Nutri-Score de E, alors que c'est le meilleur prébiotique connu. Une cuillerée à café de chicorée en poudre pèse 2 à 3 grammes, ce qui explique cela. Pour éclairer le consommateur sur la complexité de la nutrition et donc sur la diversité, il serait bon de l'informer du changement de note en cas d'association culinaire. Ainsi, un plat d'agneau passe d'un score de D à un score de B s'il est préparé avec des légumes et des flageolets. Cette évolution qui existe pour les plats cuisinés vendus tels quels pourrait aussi être indiquée en restauration, c'est un projet, ou sur un étiquetage informatif éducatif. Le Nutri-Score fait un choix arbitraire en ne prenant pas en compte certains nutriments très importants, tels que le fer, première carence mondiale, le calcium, le zinc, l'iode, les acides gras, oméga-3, la vitamine B12, ce qui serait bien utile pour guider les végétariens et les végétaliens. Concernant le calcium, il est mis en avant que dans les fromages, sa teneur est corrélée à la teneur en protéines. Or, ce n'est pas exact pour tous les fromages, loin de là. Certains fromages pauvres en protéines peuvent parfaitement être riches en calcium. Le Nutri-Score ne les valorisant pas, ils négligent par la même occasion l'importance du calcium. Pourtant, le déficit en calcium est un fait nutritionnel majeur et qui s'accentue en France. Par ailleurs, les protéines ne sont pas non plus valorisées dans le calcul du Nutri-Score si l'apport en fruits et légumes est faible. Il fait aussi l'impasse sur l'effet matrice des aliments. Celui-ci correspond à la différence parfaitement établie entre certains nutriments et leurs effets quand ils sont isolés, et les mêmes nutriments et leurs effets quand ils sont portés par des structures complexes dans des aliments. Ainsi, la consommation de graisses saturées des produits laitiers est associée à des effets bénéfiques sur le risque cardiométabolique, risque de diabète, de surpoids et risque cardiovasculaire, alors que dans une autre matrice, produits carnés par exemple, les graisses saturées ne sont pas associées à cet effet favorable. De ce point de vue, le Nutri-Score est très insuffisant, voire dépassé. Il ne prend pas non plus en considération les propriétés spécifiques des aliments fermentés, par exemple celles des yaourts par rapport à d'autres produits laitiers chauffés, comme les desserts lactés. Le saucisson est aussi un aliment fermenté, dont les effets sont de ce fait différents d'un produit tel que le bacon grillé, le corned beef, les saucisses. La fermentation contribue à entretenir notre microbiote par la présence de probiotiques dans l'aliment. Or, ces processed meats, très consommés aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, sont très différents des charcuteries consommées en France. Pâté, jambon, saucisson sec. De même, le Nutri-Score ne prend pas en compte aujourd'hui l'ultra-transformation, voire il la favorise parfois. En effet, pour changer de note, certains industriels créent des produits d'assemblage sur mesure en ajoutant ou retirant des nutriments pour rentrer dans les clous de la bonne note. Certes, un des objectifs du Nutri-Score est d'inciter à la reformulation, mais cela peut conduire à un effet indésirable. La classification NOVA, qui a montré du doigt les aliments ultra-transformés, certes de façon grossière, a attiré l'attention des scientifiques sur le fait que la simple composition nutritionnelle ne suffisait pas à définir le côté positif ou négatif des aliments. Il est envisagé que le Nutri-Score prenne cela en considération. Des applis tentent de compléter le Nutri-Score en y ajoutant une note bio et une note additif. Sur ce dernier point, on peut regretter que le positionnement soit arbitraire et dogmatique, sans tenir compte des réalités toxicologiques et épidémiologiques. En somme, le Nutri-Score est une information parmi d'autres. Quoique perfectible, il est utile, mais il ne prend absolument pas en compte toutes les clés ou tous les principes de la nutrition. Quel est véritablement l'intérêt du Nutri-Score ? Si les consommateurs y prêtent attention, ce qui est possible au début, et s'ils comparent des aliments de même nature, deux pizzas ou deux biscuits, ou deux gâteaux ou deux paquets de chips, ils pourront faire un meilleur choix. Entre A et B, ou B et C, ou C et D, ou D et E. Ceci est acquis. Cela ne signifie pas pour autant que l'idéal est de ne consommer que du A, ni que le A est vraiment mieux que le B. Une eau minérale est A et une eau aromatisée non sucrée est B, par exemple. Cela ne signifie pas non plus qu'il ne faut jamais consommer de produits E ou que les produits D ou E sont mauvais. La plupart des fromages sont D, par exemple. Cela ne signifie pas plus, bien sûr, que les mangeurs de D ou E sont de mauvais mangeurs à montrer du doigt, ni qu'il faille taxer ou interdire de publicité tous les aliments D ou E, sauf à décréter que ce sont des poisons et non pas des aliments. L'erreur d'interprétation serait bien entendu aussi de comparer un aliment A ou B ou C d'une catégorie jambon par exemple à un aliment A ou B ou C d'une autre catégorie, friandises par exemple. C'est en fait une question de bon sens. On peut d'ailleurs émettre l'hypothèse par analogie que le GPS n'aide pas à mieux lire les cartes, que les calculettes n'aident pas à mieux savoir compter, que le traitement de texte n'aide pas à ne plus faire de fautes d'orthographe. De même, il n'est pas sûr que le Nutri-Score aide à mieux comprendre la nutrition. À son actif, on peut dire qu'il a poussé les industriels à améliorer certaines recettes, quand cela était possible.