Speaker #1On ne peut pas changer son microbiote. Faux. Le microbiote dépend de très nombreux facteurs. Parmi ceux-là, l'alimentation joue un grand rôle, mais une partie de ces déterminants nous échappe. A l'origine, le fœtus est stérile et la première étape primordiale pour un bon microbiote chez l'enfant à naître est le mode d'accouchement. Par césarienne, l'accouchement privera le nouveau-né du microbiote de sa mère et son microbiote dépendra alors de l'environnement de la salle d'accouchement. L'allaitement maternel moins fréquent en cas de césarienne programmée joue aussi un rôle très important, car le lait maternel contient à la fois des prébiotiques, des nutriments qui servent à entretenir le microbiote, et des probiotiques, des bactéries qui peuvent s'implanter dans le tube digestif du nouveau-né. Comment entretenir le microbiote ? Tout au long de l'existence, d'autres événements vont moduler ce microbiote positivement ou négativement. Les traitements antibiotiques précoces et répétés peuvent l'altérer, de même que les épisodes infectieux, tels que les gastroentérites infantiles. Le microbiote est également affecté par des facteurs aussi divers que le stress, la perturbation des rythmes circadiens, le manque d'activité physique, le tabac. L'alimentation intervient aussi très fortement. Les prébiotiques sont des nutriments largement présents dans une alimentation riche en produits végétaux. Car leurs fibres, non digérées dans l'intestin grêle, parviennent dans le colon, où elles subissent une fermentation bactérienne, c'est-à-dire servent de substrat énergétique pour les micro-organismes. Plus l'alimentation est variée et riche en fibres alimentaires, plus le microbiote est diversifié. L'inuline est un de ces prébiotiques et est particulièrement efficace pour enrichir le microbiote en certaines bactéries intéressantes. Elle fait partie des fructo-oligosaccharides. On la trouve notamment dans la racine de chicorée, les oignons, les artichauts, les asperges, les légumes racines comme le panais et les salsifis, ou les tubercules comme les topinambours. Mais attention ! De grosses quantités peuvent être mal supportées sur le plan digestif avec sensation de gaz, de ballonnement, de flatulence. Enfin, il faut limiter les ennemis du microbiote, excès de saccharose et de fructose, de sel, additifs inutiles comme certains émulsifiants, édulcorants. Et les probiotiques ? Les probiotiques sont des micro-organismes présents dans les aliments fermentés non cuits. Les plus répandus sont les produits laitiers fermentés, quels que soient les ruminants, vaches, chèvres, brebis. Les yaourts contiennent ainsi de grandes quantités de ferments lactiques qui peuvent moduler l'activité du microbiote, voire peut-être s'implanter dans l'intestin. Leur consommation, et non pas celle de desserts lactés chauffés ou de crèmes-desserts, est très bénéfique pour la santé. D'autres aliments sont aussi très réputés. Le kimchi, en Corée, légumes lacto-fermentés, le kéfir de lait, le tempé, soja fermenté, le saucisson sec. Y a-t-il des ennemis du microbiote ? Avec l'âge, on observe une diminution de la diversité du microbiote. On ne sait pas si c'est physiologique ou si c'est lié à des facteurs externes. La perte de diversité pourrait être aussi due à un certain nombre de perturbateurs tels que certains additifs, sulfites, émulsifiants et édulcorants, ou à un appauvrissement des bactéries naturellement présentes dans les plantes et provenant du sol, et donc à l'effet de certains produits phytosanitaires. La consommation excessive d'aliments transformés s'accompagne aussi d'effets négatifs sur le microbiote. Le sel en excès l'altère, de même que le tabac. Une perturbation des rythmes circadiens peut en être aussi responsable. Peut-on changer durablement le microbiote ? Si l'on badigeonne les orifices et la peau d'un nouveau-né avec une compresse laissée à imbiber quelques heures dans le vagin d'une femme qui va accoucher par césarienne, son microbiote ressemble quelques mois après à celui de la maman. Cette technique va commencer à voir le jour dans certaines maternités. Si l'on change nos habitudes alimentaires, il se modifie en deux semaines. De même, les probiotiques le modifient rapidement. Un retour à la case départ interviendra toutefois si ces mesures disparaissent. Dans certaines maladies, on réalise un transfert de microbiote fécal d'un sujet sain à un sujet malade. C'est efficace, mais là aussi, il semble y avoir un épuisement de l'effet au bout d'un moment. Enfin, si le rôle du microbiote est établi dans les processus physiopathologiques de nombreuses maladies, on n'a pas encore la preuve d'un effet thérapeutique important. Certains paramètres peuvent s'améliorer, mais les maladies ne guérissent pas. Il faut poursuivre la recherche pour la prévention et pour peut-être mettre en évidence de véritables effets thérapeutiques. Le microbiote en raccourci Le microbiote humain est en fait multiple. Le plus important est le microbiote intestinal, avec 10 000 à 100 000 milliards de micro-organismes, soit au moins autant que de cellules corporelles. Les bactéries de notre intestin totalisent au moins 30 fois plus de gènes que l'ensemble de nos cellules. On le connaît mieux depuis que l'on sait l'analyser grâce à des techniques génétiques. 16 SRRNA et plus récemment SHUTGUN, qui ont permis d'identifier sa complexité avec des centaines d'espèces. La notion de bon et de mauvais microbe doit être abandonnée, car c'est l'équilibre entre les germes et les familles de germes qui importent. Cela se traduit par ce que l'on appelle la diversité alpha. Les autres microbiotes, cutanés, vaginales, buccales, respiratoires, jouent également des rôles importants pour la santé humaine. Élevées sans microbes, des souris dites axéniques se portent beaucoup moins bien. Elles développent des maladies multiples, ont besoin de plus de nourriture pour vivre, sont plus sensibles au stress. Le microbiote intestinal joue des rôles multiples dans les défenses de l'organisme, contribuant à l'effet barrière, imperméabilité ou à l'inverse, porosité de la muqueuse intestinale, formation de mucus, au développement et à l'entretien d'une bonne immunité. Il participe à ce que l'on appelle l'axe intestin-cerveau, contribuant par exemple à la régulation du comportement alimentaire. De très nombreuses maladies chroniques sont associées à un dérèglement du microbiote appelé dysbiose. Les maladies métaboliques, l'obésité, la stéatose hépatique, foie gras, les maladies inflammatoires chroniques intestinales et rhumatologiques, les maladies neurodégénératives, Alzheimer, Parkinson, la dépression, l'autisme, le syndrome de l'intestin irritable. La liste semble interminable. Même le fonctionnement du cerveau peut en être affecté. Les travaux et projets dans ce domaine sont considérables. On a ainsi notamment cherché à comprendre l'hétérogénéité des microbiotes intestinaux sains français, leurs déterminants et les mécanismes qui les dérèglent, puis conduisent à favoriser certaines maladies chroniques, comme dans le cadre du projet international French Gut, mené par INRAE et d'autres instituts.