Transcription

• Speaker #0

  Les éditions Quae vous présentent 40 idées fausses sur les requins, ouvrage de Johann Mourier, lu par Jordan Hachet. Dans cette série d'épisodes, les éditions Quae vous invitent à décrypter les fausses croyances qui circulent sur les requins.

• Speaker #1

  Les requins ne sont pas touchés par le changement climatique. Faux. Comme ils sont présents dans tous les océans, on pourrait en déduire que cette évolution ne les atteint pas. Le réchauffement climatique a des effets sur l’air, la terre et l’eau de la planète sans exception de zones ni d’espèces. Les mers et les océans absorbent environ un quart du CO2 émis dans l’atmosphère, ce qui a pour conséquence d’acidifier l’eau et de ralentir la formation et la croissance de nombreux organismes marins, comme les coraux. Parallèlement, les gaz à effet de serre font augmenter les températures à l’échelle mondiale. Les requins nagent donc dans des eaux de plus en plus chaudes et acides, et doivent s’adapter à ce nouvel environnement qui se modifie très rapidement. Les requins étant ectothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle dépend de la température ambiante, ils sont donc bien concernés par les changements de température. Tous les ancêtres des organismes vivants contemporains ont été soumis à des conditions environnementales variables au fil du temps. Un changement climatique rapide peut toutefois mettre les requins en danger, car ces animaux ont évolué lentement pendant près de 100 millions d’années pour être aujourd’hui parfaitement adaptés aux conditions relativement stables du milieu marin où ils vivent. À la poursuite des proies vers les pôles Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), neuf des dix années aux températures océaniques les plus chaudes ont eu lieu depuis 2000. Aussi de nombreuses espèces de requins devraient-elles rectifier les limites de leur aire de répartition assez rapidement, jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres par décennie. Le changement climatique a tendance à repousser les requins des zones équatoriales chaudes vers d’autres régions plus fraîches. De plus, au fur et à mesure que les eaux se réchauffent, de nombreux poissons se déplacent vers les pôles à un rythme plus rapide, entraînant les requins avec eux. Tout comme la quantité de nourriture à la base de la chaîne alimentaire (le phytoplancton) diminue, celle disponible pour les prédateurs de toutes tailles vient aussi à manquer pour les requins. Survivre dans des océans acides L’acidité et le réchauffement des océans peuvent également affecter la physiologie des requins, et leur survie. Par exemple, une expérience menée sur des embryons de requin-chabot bambou (Chiloscyllium punctatum) placés dans une eau correspondant aux projections de scénarios de réchauffement et d’acidification à l’horizon 2100 (soit un pH inférieur de 0,5 et une augmentation de la température de l’eau d’environ 4 °C par rapport aux conditions actuelles) a montré une éclosion normale, mais un taux de mortalité de plus de 50 % au-delà de 30 jours après la naissance. Soumise à ces mêmes conditions de CO2, l’émissole douce (Mustelus canis) perdrait ses facultés olfactives à l’horizon 2100. Or la prédation d’un requin incapable de sentir et de détecter ses proies ne peut qu’être fortement diminuée. Une récente étude a même montré que l’acidification pouvait endommager les denticules cutanés des requins, affecter leur hydrodynamique et provoquer des infections de la peau plus fréquentes. Cependant, certaines espèces sont plus robustes que d’autres. Ainsi, le requin à pointes noires (Carcharhinus melanopterus) voit son stress augmenter sous ces mêmes conditions de pH, mais semble physiologiquement résistant aux niveaux de dioxyde de carbone prévus pour la fin du siècle. S’adapter pour survivre Chez les requins bouledogues, les femelles mettent bas dans des baies ou des lagunes pour favoriser la survie de leur progéniture, à l’abri des prédateurs, avec une nourriture abondante et des températures chaudes et relativement constantes. Jusqu’à récemment, le long de la côte est des États-Unis, la nourricerie de requins la plus septentrionale se trouvait dans le lagon d’Indian River, en Floride. Or l’augmentation des températures due au changement climatique a transformé un estuaire de Caroline du Nord en un habitat aux conditions propices. Entre 1965 et 2011, seuls 5 requins bouledogues juvéniles avaient été capturés dans cet estuaire, mais depuis 2012, les captures issues des suivis scientifiques ont augmenté et deviennent courantes. Les femelles bouledogues qui faisaient autrefois le voyage vers la Floride pour y donner naissance abandonnent désormais ce long périple et restent au large des côtes de la Caroline du Nord. Depuis 2008, la température moyenne n’est plus descendue en dessous de 25 °C, et l’on sait que cette espèce n’évolue généralement pas dans des zones inférieures à 22 °C. Ce phénomène est aussi observé en Australie, où les requins bouledogues ont vu leur aire de répartition s’étendre progressivement vers le sud de la côte est. Le changement climatique a déjà déplacé les aires de répartition de nombreuses espèces vers les pôles, mais il est encore difficile de savoir à quel point ces bouleversements vont affecter l’écosystème marin.

• Speaker #0

  Vous venez d'écouter un extrait de 40 idées fausses sur les requins, publié aux éditions Quae en 2020, de Johann Mourier, lu par Jordan Hachet. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.