Transcription

• Speaker #0

  Les éditions Quae vous présentent 40 idées fausses sur les requins, ouvrage de Johann Mourier, lu par Jordan Hachet. Dans cette série d'épisodes, les éditions Quae vous invitent à décrypter les fausses croyances qui circulent sur les requins.

• Speaker #1

  Le grand requin blanc, un tueur en série. Faux. Cinq incidents impliquant des requins, qui ont eu lieu entre le 1er et le 12 juillet 1916 le long des côtes du New Jersey, aux États-Unis, ont occasionné la mort de quatre personnes. Le premier a eu lieu le samedi 1er juillet à Beach Haven, une station balnéaire établie sur l’île de Long Beach, au large de la côte sud du New Jersey. Un homme de 23 ans est alors mordu à la jambe gauche et succombera quelques minutes plus tard de l’hémorragie causée par la blessure. Le second incident a eu lieu le jeudi 6 juillet dans la station balnéaire de Spring Lake, New Jersey, à 72 km au nord de Beach Haven. Un homme de 27 ans a été quant à lui mordu à l’abdomen et aux jambes et sera aussi victime d’une hémorragie fatale. Les deux incidents suivants ont eu lieu le mercredi 12 juillet à Matawan Creek, près de la ville de Keyport, située à 48 km au nord de Spring Lake et à l’intérieur de Raritan Bay. Quelques heures avant l’attaque, un requin d’environ 2,4 m avait été aperçu dans l’estuaire. Un enfant de 11 ans a été mordu ainsi qu’un adulte de 24 ans tentant de ramener le corps sur la berge ; les deux victimes ont succombé à leurs blessures. Enfin, un enfant de 14 ans a été à son tour mordu à une jambe à moins de 1 km de là, trente minutes après les deux attaques précédentes, et a survécu. Les morsures de requins s’étant produites successivement le long du rivage du sud vers le nord, la population était persuadée que ces attaques étaient le fait d’un même requin, aux moeurs différentes de ses congénères, ce que le scientifique Sir Victor Coppleson nommera en 1933 « rogue shark » (requin voyou). Cette théorie d’un requin tueur en série se base sur l’idée qu’un individu ayant goûté à l’homme continuera à cibler cette même proie. Les événements tragiques du New Jersey déclenchèrent l’une des chasses les plus intensives destinées à capturer le responsable des attaques. Le 14 juillet 1916, deux jours après le dernier accident, le taxidermiste Michael Schleisser capture un grand requin blanc juvénile de 2,30 m et de 147 kg, dans lequel on retrouve des restes humains. Après cette capture, les attaques cessent et les ichtyologues John Treadwell Nichols et Robert Murphy le déclarent responsable des attaques du New Jersey. Le « requin voyou » tueur en série ? Le grand requin blanc pêché par Michael Schleisser était-il vraiment l’auteur des attaques du New Jersey ? En y regardant de plus près, cette thèse est plausible, même s’il est difficile de la confirmer. Des restes humains ont en effet été découverts dans l’estomac de ce requin, mais rien ne confirme leur appartenance à l’une des victimes (les analyses génétiques n’existaient pas à cette époque). Un grand requin blanc est capable de parcourir la distance de 120 km séparant les lieux du premier et du dernier incident en une dizaine de jours. Néanmoins, les trois dernières attaques ont eu lieu à Matawan, dans un estuaire à 16 km de l’océan. Or le grand requin blanc est une espèce plutôt marine, incapable de rester très longtemps dans l’eau douce. Les incidents de Matawan pourraient donc être attribués au requin bouledogue, qui est capable d’évoluer aussi bien dans l’eau salée que dans l’eau douce (voir fiche 17), même si ce jour-là la marée était haute et aurait pu avoir des conditions de salinité tolérables pour un grand requin blanc. Il est donc théoriquement possible qu’un seul requin ait été responsable de cette tragique série mais, faute de preuve, l’affaire du New Jersey restera un mystère. Aucune autre série d’événements de ce type n’a été rapportée depuis, à l’exception d’un requin longimane qui aurait mordu à trois reprises en l’espace de six jours sur un linéaire côtier de 8 km en mer Rouge. C’est à ce jour la seule attestation formelle qu’un unique spécimen puisse être responsable d’une série de morsures. Si on ne peut totalement écarter l’hypothèse qu’un requin tue en série, cela demeure une exception et non une règle. Une thèse reprise et amplifiée par Les Dents de la mer Les attaques du New Jersey ont fait l’objet de plusieurs livres et films. Mais c’est surtout le best-seller de Peter Benchley Jaws (Les Dents de la mer, 1974) et son adaptation au cinéma par Steven Spielberg qui vont inspirer le concept du requin tueur en série. Ce film a contribué à diaboliser les requins dans l’imaginaire collectif, et à justifier leur extermination massive. Jaws raconte la terreur provoquée par un grand requin blanc sur une petite communauté insulaire fictive au large de Long Island. À sa parution, il a conquis le public à l’idée que les requins pouvaient attaquer les gens. Le film du même nom, sorti l’année suivante, a explosé le box-office hollywoodien et eu un impact encore plus grand en relatant l’histoire d’un requin qui poursuit les baigneurs et plaisanciers pour les dévorer. La peur s’est propagée sur les plages. Rapidement, les médias ont exploité la réaction du public et nourri la paranoïa générée par le film.

• Speaker #0

  Vous venez d'écouter un extrait de 40 idées fausses sur les requins, publié aux éditions Quae en 2020, de Johann Mourier, lu par Jordan Hachet. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.