Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - AUTOMNE - épisode 1", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
[Musique]
Automne.
Adieu - au-delà du brouillard un brouillard plus profond - Mitsuhashi Takajo.
Automne.
Où il est question de champignons, poison pour certains, régal pour d’autres. D’insectes sans bouche qui ne peuvent se nourrir et d’arbres, où dorment des étourneaux par milliers.
Automne ?
Où l’on apprend le secret des oiseaux pour résister à un vent violent et où l’on rencontre des cormorans tenus en laisse pour pêcher des poissons.
Automne.
Où l’on découvre aussi des papillons déguisés pour apeurer leurs prédateurs et un cygne « muet » qui joue de la trompette.
L’appel de la forêt
Septembre est un mois où l’appel de la forêt sera ressenti par beaucoup, Les uns opteront pour des sorties matinales afin d’aller « aux champi- gnons » à la fraîche tandis que d’autres attendront la tombée de la nuit pour aller vivre des heures envoûtantes à écouter le brame des cerfs. Pour cette dernière activité, la discrétion, et une certaine prudence s’imposent car, à cette époque, les cerfs sont tout à leurs amours et n’apprécient pas l’intrusion de concurrents éventuels. Il faut savoir qu’ils ont la vue basse et comme réaction fréquente, l’habitude de foncer sur toute masse entrevue ! Les cueilleurs de champignons, à l’heure où ils se livrent à cette activité, n’ont pas à redouter ces attaques ; ce qui doit leur permettre de porter toute leur attention sur ce qu’ils vont mettre dans leur panier. Il apparaît opportun de rappeler quelques idées simples dont la stricte observance éviterait bien des accidents stupides. En premier lieu, ne ramasser que des espèces dont on est absolument sûr. En tout cas ne pas se fier aux goûts des animaux : un champignon grignoté par un lapin, un écureuil ou entamé par une limace n’est pas forcément comestible pour l’Homme.
Eux, peuvent s’en délecter tandis qu’il est à classer parmi les mortels… pour les mortels que nous sommes. Eviter aussi tout jugement basé sur des critères esthétiques : ils sont trompeurs. Certaines Amanites sont très belles – et mortelles – tandis que le Lactaire délicieux – et c’est vrai – vert-de-gris dès qu’on le coupe. Connaisseurs, vous ramassez plusieurs espèces : bravo mais, ne les mélangez pas ; ce qui facilitera l’ultime contrôle lors de leur préparation. L’erreur est humaine et dans les sous-bois la luminosité n’est pas toujours bonne.
Après la protection des futurs consommateurs, il faut penser aussi à celle de la nature qui nous prodigue ses richesses. Respectez-là au maximum et respectez aussi les champignons que vous ne connaissez pas : peut-être feront-ils la joie d’autres cueilleurs, d’une part et, d’autre part, même s’ils ne sont pas comestibles, ils ont leur place dans ce milieu et ils y jouent un rôle. Cette dernière remarque s’applique d’ailleurs fort bien aux espèces véné- neuses, pensez-y. Toujours dans cette optique, n’oubliez pas votre couteau afin de cueillir vos prises avec délicatesse, sans les arracher, c’est-à-dire en respectant le mycélium. Vous serez les premiers à profiter, ultérieurement, de ce simple geste.
Que ces activités diverses vous laissent cependant le temps de vous occuper, le cas échéant. de « vos » lérots, ces rongeurs que tant de gens appellent loirs ! Pour eux, leur préoccupation du moment est de trouver un gîte propice à leur prochaine hibernation. Ils sont très éclectiques pouvant aussi bien adopter des vieux journaux qu’une pile de linge ou des coussins de voiture. Pourquoi ne pas être affreusement hypocrite en mettant à leur disposition des boîtes d’hibernation où il sera aisé de les récupérer, bien endormis, en plein hiver ! Une boîte de 30 × 30 × 30 cm, préalablement garnie de vieux papiers et chiffons, présentant un trou d’entrée de 3,5 à 4 cm de diamètre, convient parfaitement.
Pitié, par contre, pour les cousins qui ne sont pas de gros moustiques mais des tipules parfaitement inoffensifs… S’il vient à s’en égarer dans votre maison sachez leur redonner leur chance !
Septembre enfin, peut encore être un mois où il vous sera donné d’être pris un soir dans un nuage d’éphémères.
Les éphémères, le nom vous dit quelque chose, mais leur identifica- tion prête déjà plus à désirer. C’est pourquoi, nous nous contenterons de quelques indications générales qui autoriseront ultérieurement une distinction plus aisée.
Reconnaître une éphémère est facile : au repos, ces animaux ont les ailes appliquées l’une contre l’autre au-dessus du corps. Noter aussi la présence de 2 ou 3 longs filaments (différences spécifiques) à l’extrémité de leur abdomen : ce sont, en effet, les seuls insectes ailés à posséder de tels
« ornements ».
Par contre, bien des espèces sont qualifiées à tort d’éphémères. Comme elles peuvent fréquenter les mêmes milieux, apprenez à les distinguer en vous intéressant à leurs ailes, l’animal étant posé :
• ailes repliées en arrière, à plat ou croisées en ciseaux sur l’abdomen : il s’agit d’une Perle ;
• ailes formant « un toit » abritant l’abdomen : ailes poilues : Phryganes dont les larves « porte-bois » sont bien connues des pêcheurs ; ailes de couleur verte : Chrysopes ; ailes enfumées : Sialis ;
Revenons-en aux éphémères pour nous arrêter « un instant » sur l’ori- gine de leur nom. Le dictionnaire nous dit : éphémère, qui ne vit qu’un jour. Est-ce vrai ? La réponse est… surtout non car chez ces espèces – une cinquantaine en France – la vie larvaire dure de quelques mois pour les petites espèces à deux ans pour les grandes. Le temps pour vous d’arra- cher de nombreux feuillets à vos… éphémérides ! Par contre, les adultes n’ont guère d’espérance de vie car ils ne possèdent pas de pièces buccales fonctionnelles et ne peuvent donc pas se nourrir…
Les quelques heures de vie dont ils disposent seront mises à profit pour assurer la pérennité de l’espèce : une vie bien éphémère dès que le milieu aquatique est abandonné !
À la chasse… aux truffes !
La saison sera-t-elle bonne ? L’or noir sera-t-il au rendez-vous ? Voici des questions qui hantent l’esprit d’assez nombreux propriétaires de truffières car si l’initiation fructifère débute en juillet, la période de récolte, en année normale, ne commence guère avant novembre… mais elle peut durer jusqu’en mars. Il est aisé de comprendre cette angoisse si l’on se souvient qu’en 1985, 1 kg de truffes noires du Périgord pouvait se commercialiser à 3 000 F 15.
Comment expliquer, dans ces conditions, que la production française qui était de 200 tonnes environ avant 1914, soit tombée à 50 tonnes en 1965 alors que, parallèlement, la demande ne diminuait pas ; bien au contraire ! Une explication – que je n’ose pas garantir – voudrait qu’avant la Grande Guerre, seuls les hommes pénétraient dans les truffières, les femmes y étant « interdites de séjour » soi-disant par peur de voir la produc- tion s’arrêter brusquement ! Il semblerait, qu’en réalité, cela permettait la réalisation… de cassettes personnelles vis-à-vis desquelles aucun compte n’était à rendre…
Ces secrets d’exploitation furent perdus dans de nombreuses familles, les tenants de ceux-ci étant morts à la guerre sans avoir eu le temps de transmettre le message : bien des truffières furent alors laissées à l’abandon. Aujourd’hui, ce champignon a révélé la plupart de ses secrets ; ce qui peut en autoriser la culture. N’a-t-on pas, par exemple, récolté en 1985, dans le Puy-de-Dôme, les premières truffes dites du Périgord d’Auvergne ? Il n’en demeure pas moins que le « mystère » de la truffe a fort bien résisté au temps. Leur existence est connue certes depuis longtemps. Elles sont ainsi décrites dans un texte de 1 600 ans avant J.-C. comme étant
« un produit mystérieux de la terre ». Théophraste (372-287 avant J.-C.) quant à lui, voyait en elles un végétal sans racines engendré par les pluies orageuses d’automne. Notons toutefois, que dès cette époque, des savants grecs envisageaient déjà une reproduction par graines, fait qui était encore contesté par certains botanistes, il y a un siècle environ !
Les truffes – c’est sûr, maintenant ! – sont des champignons ascomy- cètes (spores renfermées dans une asque) appartenant au genre Tuber. En germant l’ascospore donne naissance à un mycélium qui, lui-même, produit un thalle secondaire et, c’est à ce stade, que peut se constituer l’association mycorhizienne avec un arbre. Pour la fructification, il ne restera plus qu’à attendre plusieurs années…
L’aspect le plus caractéristique, pourrait-on dire, d’un arbre produc- teur de truffes est l’absence totale d’adventices à sa base et dans un rayon variable, fonction du développement des mycorhizes. C’est le brûlis et, c’est dans cette zone qu’il faudra rechercher les truffes ou, plus exactement, les faire rechercher par des animaux dressés dans ce but et qui les détectent grâce à leur odorat (chiens et de moins en moins truies).
Mais, saviez-vous qu’existent aussi – et un peu partout en France, même en région parisienne – des truffes d’été – dites de la Saint-Jean bien qu’elles mûrissent essentiellement en mai. Elles sont à rechercher plutôt dans les terrains calcaires, les essences associées pouvant être des plus diverses. Certains de ces champignons peuvent atteindre la taille d’un œuf de poule. Une seule ombre à ce tableau : elles n’ont que peu de valeur n’ayant qu’une faible odeur et pratiquement pas de goût !
Migration d’oiseaux
Pour tout amoureux de la nature, le mois d’octobre réserve bien des joies et ne sera pas un triste mois d’automne. Effectuer chaque jour la même promenade, par exemple, conduit quotidiennement à la découverte d’un merveilleux spectacle toujours renouvelé : les coloris des feuillages des diffé- rentes essences changent rapidement tout en restant toujours aussi beaux. Si cette évolution « saute aux yeux », il en est une autre plus discrète pour une personne non sensibilisée : les changements importants dans l’avifaune présente. Pour mieux la découvrir, il faut se rappeler que ces changements dans les conditions climatiques entraînent un bouleversement dans les richesses alimentaires disponibles pour les oiseaux. Les insectes s’étant raré- fiés, les hirondelles, les martinets sont partis à la recherche d’autres terrains de chasse tandis que d’autres espèces, capables d’adaptation ont modifié leur régime. C’est le cas des mésanges : il est alors aisé de les observer – et on ne le regrettera pas – car elles sont moins farouches, d’une part et plus nombreuses, d’autre part. En effet, si en France elles trouvent de quoi survivre, notre pays sert de terre d’accueil à maintes populations venues de zones européennes moins clémentes. Ce même déterminisme permet de comprendre l’accroissement des populations de moineaux friquets (tandis que le moineau domestique est sédentaire) et l’apparition d’espèces incon- nues pendant la période de reproduction comme, par exemple, le pinson du nord. Ces arrivées sont souvent progressives car, pourrait-on dire, les oiseaux semblent ne s’éloigner de leur aire de nidification que « contraints et forcés ». L’évolution agronomique notée dans l’ouest de la France doit permettre d’expliquer, pour une bonne part, la modification du compor- tement migratoire de certaines populations d’étourneaux. À l’appui de cette hypothèse (pour le moment !), il faut citer les déplacements locaux observés en cours d’hiver selon les conditions climatiques régnant dans tel ou tel département.
Un grand nombre d’espèces aviaires à cette époque, constituent le soir venu, des dortoirs qui peuvent localement poser de sérieux problèmes et ce, surtout dans le cas de dortoirs d’étourneaux. En ville, ceux de moineaux domestiques ne sont pas non plus à négliger et, à ce propos, voici un conseil pratique à l’intention de tout automobiliste arrivant la nuit tombée dans une ville inconnue : s’il a la chance de trouver dans un parking surchargé, surmonté d’arbres, une place miraculeusement libre, qu’il prenne le temps, avant de s’y engager, de regarder si le sol n’est pas maculé de fientes. Sinon, il risque le lendemain matin de trouver sa voiture bien décorée… ce qui explique d’ailleurs la prudence des automobilistes locaux !
Parmi les espèces demeurant avec nous pour l’hiver, il faut citer les hulottes, les effraies, c’est-à-dire les rapaces nocturnes dont la nourri- ture essentielle est constituée de petits rongeurs : des auxiliaires précieux à respecter. La création de grands rassemblements nocturnes de petits passereaux ne les laissent toutefois pas indifférents ; ce qui se comprend aisément. En général, cette prédation est sans risque pour le rapace.
Oiseaux et aéronefs
Les grands rassemblements aviaires migratoires peuvent être à l’origine d’autres événements… plus gais. C’est, par exemple, le cas des canards colverts qui choisissent cette époque pour se fiancer. Migrateurs et séden- taires vivent alors mélangés, les mâles font les « premiers » pas mais, finalement, ce sont les canes qui désignent l’élu et ce, après tout un céré- monial complexe qui ne doit rien à la célèbre danse des canards… Les promis ne se quittent plus ensuite ; ce qui peut être à l’origine de bien des bouleversements pour les mâles : un canard, bien de chez nous, pourra ainsi avoir à gagner, au printemps, un pays nordique si sa fiancée en est originaire. À l’inverse, nombre de canards de contrées lointaines devront oublier leurs fjords au profit de nos étangs.
D’autres rassemblements retiendront encore votre attention. Parmi eux, ceux des vanneaux huppés qui daigneront, à regret, s’envoler si vous vous approchez d’un peu trop près, vous dévoilant alors le contraste noir et blanc de leurs ailes battant à un rythme lent et caractéristique.
Au verger, les derniers fruits demeurant au sol sont une provende pour maintes espèces. C’est, par exemple, le cas des Forficules, plus connues sous le nom de perce-oreilles en raison de leur appendice en forme de pince servant à cet usage. D’eux, vous n’avez rien à craindre, aussi profi- tez-en pour distinguer mâles et femelles : chez les premiers, les pinces sont longues et recourbées tandis que chez les secondes, elles sont plus courtes et droites. Les mouvements migratoires s’intensifient car dans le nord et l’est européens les conditions de survie des oiseaux se détériorent de plus en plus. Ces phénomènes entraînent localement quelques problèmes depuis que l’Homme se considère comme le maître du monde ! Bien des espèces, habituellement actives de jour comme, par exemple les merles et les grives, choisissent de se déplacer de nuit. Cette circulation nocturne, sans grande visibilité, le long des voies traditionnelles de migration ne soulève pas de difficultés particulières si l’Homme, entretemps, n’édifie pas de construc- tions contre lesquelles ces oiseaux peuvent venir s’écraser : tours, relais de télévision et surtout certains phares en des secteurs où la densité des passages est très grande. C’est ainsi que des hécatombes tristement célèbres étaient constatées chaque année en divers points du littoral. Leur détermi- nisme en est simple à comprendre : les vols sont, dans une première phase, attirés par la lumière ; dans une seconde phase, les oiseaux arrivant sur cette source lumineuse découvrent l’obstacle et tentent de l’éviter allant alors, pour certains, heurter le fût qui, lui, demeure dans l’ombre. Cette analyse a permis de mettre au point une solution originale fort efficace : par instal- lation, au sommet du phare, de projecteurs éclairant le fût. Le danger est signalé aux oiseaux qui, dès lors, après la phase initiale d’attirance, peuvent éviter l’obstacle et poursuivre leur route vers des cieux plus cléments.
Les avions ne sont pas heureusement attirés par les phares mais ils sont, par
contre, fort démunis contre d’éventuelles collisions avec des oiseaux. Une telle rencontre, toujours fatale pour les volatiles, est au moins à l’origine de dégâts matériels pour l’aéronef ; les risques augmentant considérablement lors des périodes de migration, des mesures de sécurité exceptionnelles peuvent devoir être prises. C’est ainsi, qu’au Canada, certains aérodromes peuvent être provisoirement fermés au trafic aérien chaque fois que les radars décèlent l’arrivée de grands vols migratoires ; ce qui est, en quelque sorte, une reconnaissance de l’antériorité historique qu’ont les oiseaux dans l’exploitation de l’espace aérien.
Escargots et limaces
Pour le jardinier, le maraîcher ou même l’agriculteur, escargots et limaces peuvent être de redoutables ravageurs tandis que pour les gastronomes – et il en existe – certains porteurs de coquille sont plus particulièrement regardés comme éléments de base pour la confection de diverses spécialités succulentes.
Les espèces terrestres ont une respiration pulmonée. La masse viscérale est enfermée dans le « manteau ». La coquille, quand elle existe, est sécrétée par des cellules spécialisées du manteau qui, il faut le noter, déborde en constituant un bourrelet bien visible. Un orifice peut être distingué : il s’agit du « pneumostome » qui sert aussi bien à l’excrétion qu’à la respi- ration. La coquille, de forme conique, s’enroule autour d’une colonnette creuse, la « columelle ». Elle est constituée, essentiellement, de conchyo- line, une substance protéinique, et de carbonate de calcium. La bordure de la coquille, le « péristome », mérite de retenir l’attention car elle se présente différemment selon l’âge de l’individu considéré. Chez les jeunes, elle est très friable tandis qu’elle résiste bien mieux chez les adultes étant, alors, calcifiée. L’animal, à ce stade, est « bordé ». La tête porte deux paires de tentacules ; la première correspond à des organes sensoriels tandis que la seconde sert de support aux yeux, les « stylommatophores » pour être précis. Comment ces animaux exploitent-ils ces potentialités ? Escargots ou limaces ne peuvent percevoir que des objets de couleurs claires situés à moins de 1 cm ; ce qui explique leur progression tâtonnante. Par contre, ils peuvent très bien être sollicités, à une cinquantaine de centimètres, par des odeurs. Celles-ci leur donnent le cap à suivre et à atteindre par reptation sur leur pied. La progression est obtenue grâce à une série de contractions musculaires d’avant en arrière, faciles à déceler sur un animal se déplaçant sur une vitre. Arrivé (lentement !) au but, la source de nourriture convoitée sera déchiquetée par mise en action de la langue chitineuse de l’animal, la « radula ». C’est, en quelque sorte, une râpe munie de très nombreuses rugosités minuscules dites « dents ». Il en a été dénombré environ 20 000 chez le Bourgogne contre, « seulement », 14 000 chez le Petit gris.
Escargots et limaces sont hermaphrodites c’est-à-dire qu’ils possèdent, à la fois, des organes reproducteurs mâles et des organes reproducteurs femelles mais, cependant, à de très rares exceptions près (certaines limaces), il n’y a pas possibilité d’autofécondation. La participation de deux individus est une nécessité et donne lieu à fécondation mutuelle : il y a, en réalité, échange de sperme contenu dans un réceptacle spécial, le spermatophore, par introduction de ce dernier dans l’orifice génital du partenaire. Par disso- lution ultérieure de ce « container », les spermatozoïdes pourront atteindre les ovules émis par la glande hermaphrodite. L’œuf ainsi formé s’entou- rera de réserves – le vitellus – tandis qu’une coque protectrice se déposera autour de celui-ci lors du transit vers l’orifice de ponte. L’accouplement proprement dit dure une dizaine d’heures. S’il n’a rien de spectaculaire chez les escargots il est, par contre, remarquable chez certaines limaces où les deux partenaires s’entortillent l’un autour de l’autre tout en étant suspendus de façon fort acrobatique.
Les préludes amoureux, plus brefs – de 20 à 45 minutes – peuvent donner lieu à des attitudes curieuses comme celles notées chez le Bourgogne où les deux acteurs se dressent l’un en face de l’autre et, échangent, dit-on, des
« baisers » (sans aucun doute baveux : il n’y a qu’à observer la scène !).
La ponte se réalise dans un « nid de ponte » qui correspond, en fait, à une cavité creusée dans le sol par l’animal. Celle-ci sera rebouchée en fin d’opé- ration. Le nombre d’œufs peut varier sous l’influence de divers facteurs, de 30 à 60 chez le Bourgogne, plus chez le Petit gris ; ce qui conduit à des durées de ponte s’échelonnant de 24 à 38 heures. La durée de l’incuba- tion, sous la dépendance directe de la température ambiante, est au moins de 10 jours (élevages chauffés). À 20° C, elle exige 15 jours tandis qu’en nature 45 jours sont parfois nécessaires.
Les périodes d’activités des limaces et des escargots sont, essentiellement, régies par le degré hygrométrique de l’air. C’est ainsi que les limaces rouges ont besoin d’une humidité relative de 70 % tandis que les Petits gris ne sortent pas si celle-ci n’atteint pas 80 %. Les Bourgogne, quant à eux, sont beaucoup moins exigeants : 40 % leur suffisent ; ce qui explique qu’ils sont souvent actifs dans la journée même s’il ne pleut pas. Les phénomènes de croissance interviennent, sous l’influence directe des conditions du milieu : possibilités diverses de sorties alimentaires et sources de nour- riture variables. Schématiquement, la croissance se réalisera par à-coups, étant stoppée d’une part par l’estivation puis, ensuite, par l’hibernation. Dans ces deux conditions défavorables, l’animal réagit par un processus identique : il se rétracte dans sa coquille (ou se cache : cas des limaces) et sécrète un rideau de mucus qui se solidifie à l’air. Cet opercule, l’épi- phragme, peut, en même temps, coller l’individu au support. Ceci est fréquent en été tandis qu’à l’automne l’escargot, bien souvent, s’enfonce dans la terre avant de s’operculer… l’ouverture de la coquille tournée vers la surface. Ce déterminisme permet de comprendre les différences suscep- tibles d’être notées en régions méditerranéennes et en régions fraîches à hivers plus marqués. Dans les premières, l’estivation sera longue et l’hiber- nation courte à l’inverse des secondes. La longévité naturelle des escargots est encore mal connue. Les indications trouvées laisseraient à penser qu’elle serait de l’ordre de 6 à 7 ans et même peut-être de 10 pour le Bourgogne, tandis qu’elle ne serait que de 4 à 5 pour le Petit gris.
Limaces et escargots : tous des ravageurs mais certains cependant ayant une valeur économique – et gastronomique. Est-il possible de schéma- tiser ainsi la situation ? Non, cela serait trop simple… et non naturel car la nature est toujours tout en nuances. La Testacelle nous servira à illus- trer cette affirmation. Il s’agit d’une limace de 7 à 8 cm de longueur, de teinte jaune avec de petites taches noires. Cette espèce présente, première
« curiosité », une coquille rudimentaire en forme de bouclier. Une limace ? À éliminer si possible ? Erreur ! Car cette limace délaisse les végétaux pour se nourrir de larves de différents insectes… apportant ainsi une aide invo- lontaire aux jardiniers.
Que conclure de tout ceci sinon que chacun de nous doit s’informer au mieux et éviter de porter des jugements sans appel. Rester enfermé dans sa coquille n’est jamais constructif : il faut, comme l’escargot, savoir mettre à profit toutes les circonstances favorables pour progresser… même à vitesse réduite !
Le furet et le putois
Vous avez deviné qu’en cette période d’ouverture de la chasse, nous allons nous intéresser au furet, Mustela furo, que l’Homme exploite – depuis fort longtemps – pour capturer des lapins en les faisant sortir manu militari de leurs terriers, soit pour les tirer au déboulé, soit pour les récupérer vivants dans des bourses tendues, préalablement, à chacune des gueules repé- rées. À ce propos, rappelons l’article 373 du Code Rural : « L’utilisation des bourses et furets destinés à prendre les lapins est autorisée dans les départements ou parties de départements où le lapin est classé comme animal nuisible. Dans les autres lieux, des autorisations individuelles et exceptionnelles, données par les Préfets, sont nécessaires pour la capture des lapins avec bourses et furets ».
À signaler que depuis que la myxomatose sévit en France le furet est parfois utilisé comme auxiliaire permettant de récupérer des lapins qui seront vaccinés avant d’être, soit relâchés sur place, soit transportés dans des secteurs dans lesquels un repeuplement est prévu.
Il est distingué deux types de furets :
• les furets blancs au pelage blanc crème ivoire à blanc jaunâtre. C’est la forme albinos aux yeux rouge vif ;
• les furets putoisés à la fourrure assez semblable à celle du putois, Mustela putorius.
Certes, les croisements furet x putois ou putois x furet sont possibles et féconds mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’aucun putois sauvage européen n’a jamais été apprivoisé. Le furet proviendrait d’une race orientale du putois et non pas comme Linné a eu tendance à l’accréditer, d’un animal origi- naire de l’Afrique du Nord… zone géographique pour laquelle il n’existe aucune preuve qu’une espèce de putois ait jamais vécu dans ces lieux !
Son exploitation, avons-nous dit, est très ancienne. Avant 1300 les Romains faisaient déjà appel au furet. C’est en 1300 que Philippe le Bel réglementa son utilisation en notifiant que ce mode de chasse serait désor- mais un privilège seigneurial, réservé aux seuls gentilshommes ayant, dès lors, le droit d’élevage, de dressage et de chasse. Les seigneurs ont disparu, les furets subsistent et sont, pourrait-on dire, à la portée de tous… Un dressage approprié s’impose et doit débuter dès le 6e mois. Ses résultats, quel que soit le savoir-faire du dresseur, sont aléatoires. Il n’y a rien à tirer de certains d’entre eux ! Les chances de réussite semblent plus grandes si l’on s’adresse à des femelles qui se révéleraient plus obéissantes et moins rétives : encore de sérieux arguments pour un rejet systématique de toute interprétation anthropomorphique dirait… un misogyne.
Le furet sent fort mais toutefois moins que le putois et, surtout, il est norma- lement plus silencieux. Autrement dit, « il ne crie pas comme un putois », expression qui, en fait, n’est valable que pour l’un des 3 cris de cette espèce à savoir ceux émis, par exemple, lorsque l’animal est pris dans un piège.
Le putois, en France, est pratiquement présent partout dans la moitié nord du pays tandis que dans le sud il faut le rechercher à proximité des eaux. Il manque en Corse.
Cette espèce a d’assez nombreux ennemis naturels (en plus de l’Homme !) : renard, martre, blaireau, hibou, grand-duc… et il est bien compréhensible, dans ces conditions, que si vous laissez vagabonder votre furet non sensibilisé à la loi de la jungle, ses chances de survie soient des plus faibles : veillez donc sur vos protégés même si à chaque sortie en leur compagnie vous n’êtes pas assurés de faire le plein en… Bourse.
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Vous venez d'écouter "AUTOMNE - épisode 1", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.