Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - AUTOMNE - épisode 2", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
[Musique]
Les oiseaux dans le vent
Comment peut-on expliquer qu’un oiseau perché sur une petite branche puisse dormir tranquillement tandis que souffle un vent violent ? Ce spec- tacle, chacun de nous a eu l’occasion de le vivre mais combien sauraient fournir la solution ? Celle-ci est, cependant, toute simple et d’ordre méca- nique : chez un oiseau, si la saisie du perchoir est un acte volontaire, le maintien de cette prise, quant à lui, ne l’est pas car intervient, alors, un système de verrouillage automatique. Lorsque l’animal se plie sur ses pattes, il se produit une extension de tendons particuliers qui « force » les doigts à se replier autour du perchoir. Plus l’oiseau sera accroupi sur lui-même, plus la prise sera solide… si, évidemment, le perchoir a un diamètre adapté : un moineau et un corbeau, par exemple, n’ont pas les mêmes exigences au moins pour des stations d’une certaine durée. Dans ces conditions, un oiseau peut dormir « sur ses deux oreilles » (sans pavillons externes, rappe- lons-le au passage) : c’est à ce stade qu’il glissera sa tête sous l’aile… pour s’envoler au pays des rêves.
En cours de journée, ce même mécanisme confère également une sécu- rité de mouvement accrue lors des sauts de branche en branche, activités qui, pourtant, nous semblent relever de l’acrobatie. La faculté que possède l’animal de se rétablir par quelques petits battements d’ailes s’il a quelque peu manqué sa prise initiale autorise, en effet, cette « désinvolture » appa- rente. C’est l’absence de cette maîtrise qui est à l’origine de bien des chutes au sol de jeunes encore peu doués pour le vol : certes, le système de verrouillage est prêt à fonctionner mais encore faut-il qu’il en ait l’occasion ! Une conséquence pratique de ces informations : si vous recueillez au sol un jeune oiseau – et non un oisillon inapte au vol – pour le déposer sur une branche proche « afin de lui redonner ses chances »… choisissez un perchoir adapté à la taille de ses doigts et veillez, aussi, à ce que cet oiseau puisse se déplacer par petits sauts sachant qu’il est encore incapable
d’effectuer un vol soutenu et bien dirigé.
Qui n’a pas appris, dans sa jeunesse, à découvrir la direction du nord en regardant, au pied des arbres, où pousse la mousse? Et qui, depuis n’a pas eu l’occasion de vérifier que cette « règle » connaît bien des exceptions (à vous en faire perdre le nord !). Par contre, par simple observation d’une bande d’oiseaux au repos, il vous est facile de déterminer la direction du vent : les oiseaux lui font face afin de ne pas se trouver « à rebrousse-plumes ». Les oiseaux eux-mêmes connaissent ce « truc » comme le prouvent les obser- vations suivantes : lorsqu’il est fait appel pour des activités de chasse à des appelants « empaillés », il faut veiller à bien disposer ceux-ci par rapport au vent. En effet, à la moindre plume qui rebique ces appelants perdent toute leur valeur : non seulement ils ne leurreront pas les espèces « visées », mais bien souvent, ces attitudes non naturelles éveilleront une certaine méfiance. Pour les chasseurs embusqués dans le secteur, la bredouille peut donc tenir « à une plume »… à défaut d’un cheveu !
Le vanneau huppé
Novembre est un mois favorable à l’observation du vanneau huppé, Vanellus vanellus, la France voyant passer – ou accueillant – de nombreux migrateurs qui évoluent en bandes souvent importantes. Cet oiseau est vraiment des plus faciles à identifier en raison du contraste noir et blanc caractéristique de son plumage présentant, de plus, des reflets vert cuivré ; les ailes, courtes et arrondies, sont noires à pointe blanche. Le dessus de la tête, le front, la gorge et la poitrine sont noirs. La huppe est en mèche. Sa taille décroît selon que l’on se trouve en présence d’un mâle, d’une femelle ou d’un jeune. Le vanneau ne la porte en position dressée que lorsqu’il est inquiet, ou contre le vent, ce qui est rare. En effet, comme la plupart des oiseaux, cette espèce n’aime pas avoir ses plumes rabattues vers l’avant.
En vol, pas de difficulté non plus quant à l’identification : observez les battements d’ailes et vous serez frappé par la lenteur de leur rythme et la possibilité qu’ils vous offrent de découvrir, alternativement, le noir du dessus de l’aile puis le blanc de sa face inférieure.
En France, le vanneau est nidificateur, d’une part, au nord d’une ligne rejoignant la Vendée à l’Alsace en passant par la Brenne et, d’autre part, en Camargue. La ponte, au sol, comprend 4 œufs vert olive marqués de noir et déposés en croix, la pointe de l’œuf étant tournée vers le centre du nid. La nidification est coloniale et, dès les premières éclosions, les vanneaux développent une forte agressivité envers tout prédateur potentiel… même, à l’occasion, vis-à-vis d’un inoffensif promeneur qui pourra, ainsi, subir des simulacres d’attaques en piqués suivies, au dernier moment, d’une esquive prudente.
Même en grand nombre dans les cultures, les vanneaux ne représentent pas une menace. Il n’en va malheureusement pas de même sur les aéro- dromes. Le nom de vanneau aurait pour origine une similitude de son entre celui provoqué par le battement des ailes de l’oiseau et celui du blé retombant sur le van. N’ayant jamais eu l’opportunité d’entendre un van en fonctionnement, je ne peux confirmer s’il y a – ou non – similitude.
Pour terminer, je vous proposerai une observation de terrain suscep- tible de modifier votre jugement initial sur « le laisser-aller » régnant au sein d’une bande en train de rechercher sa nourriture. La prospection des richesses alimentaires du milieu paraît, à première vue, relever d’un parfait irrationalisme : chaque oiseau se déplace par à-coups, pioche de-ci de-là, repart, recommence un peu plus loin puis revient sur ses pas (ou pattes ?), fait demi-tour. Comme ces mouvements sont individuels, l’observation de la bande fournit une impression de beau désordre. Une remarque s’impose toutefois : ceux en arrière du front de la troupe se décident, à un moment donné, à prendre la tête. Ainsi, au chassé-croisé pédestre s’ajoutent des vols de brève durée conduisant, en fin de compte, à une progression de toute la bande. Les études réalisées mettent en évidence que, finalement, la prospection est efficace et que tous en bénéficient : que demander de plus ?
Vie libre, vie captive, le paon
Le monde des oiseaux est l’un des merveilleux fleurons de la nature mais, pour pouvoir en profiter pleinement, il ne faut pas plaindre ses efforts car les représentations ont lieu dans un théâtre où ce sont les spectateurs qui doivent être à la disposition des acteurs et non l’inverse !
Cette situation explique, pour une part, que certains aient voulu fausser les règles du jeu à leur avantage personnel en possédant des oiseaux d’ornement dont ils se réservaient l’exclusivité soit en les maintenant en cages ou en volières, soit en les laissant en liberté – surveillée – après, le plus souvent, avoir supprimé leurs capacités de vol… il nous semble opportun d’évoquer certains des problèmes moraux qui se trouvent inti- mement liés à ce type de décision et ce, quelle que soit l’espèce considérée.
Parmi ceux-ci nous considérerons, d’abord, ceux concernant les animaux eux-mêmes :
• si, personnellement, nous ne sommes pas favorables à la captivité pour des oiseaux faits pour vivre libres, nous ne pouvons pas, cependant, approuver la chanson de Pierre Perret conseillant « d’ouvrir la cage aux oiseaux ». La plupart de ceux qui vivent ainsi sont, en effet, incapables de survivre à l’extérieur car il s’agit d’espèces non indigènes. Les « libérer » reviendrait, en fait, à les condamner à plus ou moins brève échéance ;
• si des animaux – et non seulement des oiseaux – se trouvent ainsi être totalement dépendants de vous, cela ne vous donne, en aucun cas, le droit d’agir comme bon vous semble, il faut qu’ils puissent disposer d’un espace suffisant pour pouvoir « oublier quelque peu » leur vie captive et développer, en eux, ce qui fait leur spécificité en nature… Une surdensité est, également, à éviter car celle-ci serait créatrice de comportements d’agressions inter-individuelles ;
• la diversité étant souvent agréable à l’œil, il faut, dans la réalisation de celle-ci, tenir compte des exigences propres à chacun des participants afin que ne se développent pas des phénomènes de compétitions interspécifiques dont auraient à souffrir certains d’entre eux ;
• vous avez ces oiseaux pour votre plaisir : vous vous devez – en maigre contrepartie de cette privation de liberté – leur assurer des conditions de vie optimales tant du point de vue nutritif que sanitaire et cela exige une attention constante.
Voici, brièvement esquissés vos devoirs mais il faut aussi dans bien des situations penser à vos responsabilités vis-à-vis de vos voisins car nous vivons en société et ces « élevages domestiques» peuvent être à l’origine de nuisances diverses :
• nuisances sonores dues aux manifestations acoustiques : les « Léons » d’un paon, les « cocoricos » matinaux ne seront pas, automatiquement, appréciés de tous…
• nuisances olfactives à envisager aussi mais celles-ci, dans la grande majorité des cas, peuvent être éliminées si vous vous occupez bien de vos pensionnaires ;
• nuisances diverses comme celle pouvant résulter d’une multiplication des rongeurs qui ne se contenteront pas de commettre des dégâts chez vous !
Si vous avez choisi d’avoir des animaux en captivité, n’oubliez pas que :
• d’un point de vue humain, « la liberté de chacun s’arrête où commence celle d’autrui… »
• d’un point de vue législatif, les oiseaux sont de plus en plus protégés de cet égoïsme humain et, ainsi, il n’est plus possible de faire ce que l’on veut en ce domaine. Toute espèce protégée ne peut plus être maintenue en capti- vité sous quelque prétexte que ce soit. Vous ne pouvez plus, par exemple, garder chez vous – ou dans votre jardin – un oiseau récupéré blessé ou tombé du nid. Il doit être confié à un centre de sauvegarde spécialisé.
Cette législation – dont tout amoureux de la faune sauvage ne pourra que se féliciter – limite, certes, les possibilités antérieures mais il reste cepen- dant encore un large choix : pigeons, coqs, pintades, canards d’ornement, oies…
L’exemple retenu sera celui des paons, oiseaux magnifiques, connus de tous pour la beauté de la parure du mâle… et par leurs cris ! Il faut pour eux disposer de vastes espaces englobant des milieux divers.
Savez-vous qu’ils sont des descendants du paon bleu, originaire de l’Inde où il est encore possible de rencontrer des populations vivant entièrement libres. C’est Alexandre Le Grand qui serait à l’origine de l’introduction de cette espèce en Europe au IVe siècle avant notre ère. Ces oiseaux, jusqu’au Moyen Âge, furent très appréciés comme ornements vivants et comme mets savoureux.
Progressivement cette exploitation gastronomique a disparu tandis qu’ultérieurement, des travaux de sélection permirent d’obtenir, par mutation, diverses races à partir du type originel au cou bleu. Citons, par exemple, le paon blanc qui est un albinos ; le paon multicolore qui n’est
« atteint » que d’un albinisme partiel se manifestant sous forme de taches blanches ; le paon nigripenne chez lequel les ailes sont pratiquement noires. Après la précision relative à la couleur bleue du cou, il faut, au moins, dire « un mot » des 18 plumes, aux couleurs variées, constituant la queue de l’oiseau. Repliée, celle-ci forme une traîne originale ; elle peut atteindre jusqu’à 3 m de longueur mais non spectaculaire. Elle n’apparaît dans toute sa splendeur que lorsque l’animal – le mâle, répétons-nous – fait la roue et, qu’ainsi, il met en évidence ses plumes sous-caudales. Chacune d’elles possède, à son extrémité, un ocelle noir entouré de bleu et de roux. La beauté de cet ensemble n’est, en réalité, qu’une illusion d’optique due à des phénomènes de réfraction de la lumière sur le plumage; qu’importe-
puisque le « résultat » est là…
L’espérance de vie d’un paon est d’une quinzaine d’années, sa maturité sexuelle étant acquise au bout de 3 à 4 ans de vie… en même temps que son plumage d’adulte.
L’écureuil, les vrillettes
Intéressons-nous un moment à l’écureuil qui est l’une des rares espèces de rongeurs à présenter des phases d’activités non nocturnes. Rejoignons notre acrobate en train de descendre le long d’un tronc, tête la première – telle une sittelle. Peut-être va-t-il faire un dépôt à « sa caisse d’épargne » en prévision de l’hiver prochain ? C’est possible mais que les épargnants se rassurent : les banquiers sont plus ordonnés que cet animal qui enfouit, stocke et oublie, ensuite, l’emplacement de ses cachettes. La mauvaise période venue, force lui est de les rechercher un peu au hasard. Bon nombre d’entre elles resteront inexploitées ; ce qui pourra conduire à une dissémination (anarchique) de certaines essences forestières.
L’observation, au sol, de résidus frais de repas aériens (pommes de pin rongées, pousses d’épicéa… ) sont de bons indices de présence mais, pour découvrir l’animal « en chair et en poils », cela ne suffit pas. Il faut être sur les lieux aux heures d’activités habituelles et avoir le regard vif même si c’est tôt le matin. Si vous pouvez opérer à deux, la réussite sera plus facile : l’un des deux reste immobile tandis que le second avance doucement. Un écureuil réagira à ce déplacement en tournant autour du tronc afin de rester dissimulé à la vue de la personne en mouvement quitte, pour ce faire, à se mettre en évidence de l’autre dont il ne tient aucun compte! Voici une technique simple pour « piéger » un écureuil. C’est d’ailleurs le seul « piège » autorisé car cette espèce est protégée et ne craint donc plus – théoriquement du moins – de finir empaillée ou de se retrouver sous forme de fourrure, « le petit gris » (rien à voir avec l’escargot du même nom !).
Les vrillettes
Au cours des veillées, peut-être entendrez-vous les manifestations sonores des vrillettes, insectes redoutés des propriétaires de beaux meubles anciens. Ces animaux sont connus aussi sous l’appellation bien imméritée
« d’horloges de la mort ». Imméritée lorsque l’on sait interpréter la nature de ces messages : au moment de la parade – et principalement la nuit – mâles et femelles s’appellent mutuellement en se frappant le front contre la pièce de bois dans laquelle ils évoluent ! Certes, le tic-tac lancinant est bien réel mais il est prémice de vie, non de mort. C’est pourquoi ne vaudrait-il pas mieux une autre dénomination : « les horloges de l’amour » ? Ne pas oublier toutefois, si besoin est, d’avoir recours en temps opportun à des techniques adaptées pour limiter ces manifestations qui, simultanément, sous-entendent une dégradation certaine – et parfois rapide – de biens chers (aux différents sens du terme)…
Belettes et hermines
Belettes et hermines ne sont pas des espèces à mœurs essentiellement diurnes mais des rencontres fugitives avec l’une d’elles peuvent se produire au détour d’un chemin ou même sur une grande route. Quelle impression en garde-t-on ? Celle d’un animal au corps allongé, courant en ondulant au ras du sol. Dans ces conditions, la distinction entre une belette et une hermine est bien souvent hasardeuse… surtout si l’on se trouve dans un milieu où les deux espèces peuvent coexister. L’observation d’individus morts – ou même vivants mais captifs – révèle, par contre, très aisément les différences caractéristiques. Afin de simplifier encore les choses, il suffit de regarder la queue de l’animal : si celle-ci est noire dans sa moitié terminale, il s’agit d’une hermine, cette coloration n’existant pas chez les belettes. La belette, Mustela nivalis, plus commune que l’hermine, Mustela erminea, est le plus petit carnivore de France. Son poids peut varier de 80 à 100 g : la longueur de son corps est de 17 à 23 cm tandis que sa queue mesure de 5 à 8 cm. Les mâles sont toujours d’une taille et d’un poids supérieurs aux femelles. À la belle saison la coloration est, sur le dos, cannelle plus ou moins foncé et blanc, presque pur, pour la zone ventrale. Ces deux couleurs s’unissent selon un dessin sinueux. Chez l’hermine, cette ligne de démarcation est bien plus nette. Les oreilles de la belette sont courtes et à peine visibles, ce caractère laissant déjà pressentir que ces animaux auront, au moins partiel- lement, une vie souterraine. En hiver, par conditions rigoureuses, la belette peut acquérir un pelage blanc, tout comme l’hermine mais en se rappelant que cette dernière gardera du noir à la queue. La forme allongée du corps autorise le passage d’une belette dans des orifices dont le diamètre mesure 23 mm seulement. Il est bien évident, dans ces conditions, que pour cette espèce une galerie de rongeur – de 3 à 4 cm de diamètre – est à considérer aussi bien comme une spacieuse voie de circulation que comme un abri providentiel en cas de danger ou en périodes de froid. Ces galeries peuvent, de plus, constituer des zones de chasse bien rentables à certaines époques. Cet ensemble de faits explique, par exemple, que la belette soit le seul carni- vore susceptible de survivre en milieux très ouverts – plaines céréalières, prairies – qui, malgré tout, lui offrent, vu sa taille et ses mœurs, une sécurité suffisante de par la seule présence de nombreux terriers.
La belette
Lorsque l’on parle de belettes, il faut nécessairement parler des petits rongeurs car leur vie est, pour une très large part, réglée par l’abondance relative de ces derniers. C’est ainsi que l’on peut estimer à 10 rongeurs/ha environ la densité printanière minimale nécessaire pour assurer le succès de la reproduction des belettes présentes dans ces lieux soit, comme ordre de grandeur, 3 belettes pour 100 hectares.
Le dimorphisme sexuel est un élément qui doit permettre de réduire, dans une certaine mesure, la compétition alimentaire entre les deux parte- naires du couple, chacun d’eux recherchant, préférentiellement sans doute, des proies de caractéristiques différentes bien, qu’au total, les belettes demeurent des « prédateurs spécifiques » de campagnols. Certes, en fonc- tion des disponibilités alimentaires du moment, ces animaux se révèlent capables de faire des « écarts de régime » ! Au printemps, par exemple, bien des oiseaux ou même des œufs s’inscrivent à leur menu ainsi, qu’occa- sionnellement, de jeunes lapins. Précisons que, contrairement à bien des on-dit une belette ne s’attaquera pas à un lapin adulte. Autres précisions à apporter : une belette ne saigne pas ses victimes qu’elle tue, le plus souvent, par morsure à la nuque ou/et écrasement de la boîte crânienne. Il peut arriver que la belette reste accrochée à sa proie « plus longtemps que néces- saire » : ce phénomène serait provoqué par une tétanisation momentanée de l’animal. Il faudrait y voir une conséquence de l’excitation antérieure déclenchée par l’action de chasse et non pas, comme chez la fouine, par une « ivresse meurtrière gratuite ».
La reproduction est, elle aussi, directement influencée par la présence des rongeurs. Les portées qui, en temps de disette alimentaire, sont de 3 à 4 jeunes peuvent, en période d’abondance, en compter de 7 à 8 : du simple au double ! Le nombre de portées annuelles peut, lui-même, passer de 1 à 3 : du simple au triple !
La gestation dure un peu moins de 2 mois. La maturité sexuelle est atteinte plus ou moins rapidement en fonction de l’époque de naissance : les femelles nées au printemps sont aptes à se reproduire dès l’été tandis que celles nées à cette saison ne le seront qu’au printemps suivant. La longévité naturelle est de l’ordre de 7 à 8 ans ; ce qui autorise, théorique- ment, une belle descendance pour un couple vivant dans une zone riche en rongeurs. En réalité, les phénomènes sont bien différents en raison, notam- ment, de l’aide apportée aux rongeurs par la guerre aveugle que l’Homme conduit à l’encontre de cette espèce sous le trop souvent fallacieux prétexte d’impératifs cynégétiques… Les petits naissent nus et aveugles. Après une phase initiale d’alimentation uniquement lactée, ils font très vite connais- sance avec de petites proies vivantes que leurs parents rapportent au nid afin de leur apprendre à tuer… pour survivre et non pour le simple plaisir de tuer, la différence est capitale.
Au cours de promenades, il vous sera possible de découvrir des crottes de belette qui sont désignées sous l’appellation de laissées. Cet animal, en effet, les expulse, presque toujours, en des emplacements bien en évidence : monticule de terre, pierre, souche. Si en un même lieu, vous en trouvez plusieurs, le site de repos de la belette ne doit pas être éloigné. Ces laissées, de forme très tire-bouchonnée ont, fréquemment, une de leurs extrémités très effilée où l’on peut déceler la présence de poils provenant des proies ingérées. Ces excréments font, en moyenne, de 2 à 4 cm de longueur pour un diamètre de 0,2 à 0,5.
Si la belette se rencontre essentiellement en milieu campagnard, il faut savoir que des individus peuvent fort bien se rapprocher des habitations et y mener des opérations anti-rongeurs souvent plus efficaces que celles conduites par les animaux domestiques locaux. Clapiers et poulaillers ne semblent pas, par contre, être des zones de chasse recherchées par ces carnivores.
L’hermine
Pourrait être qualifiée de « grosse » belette, la longueur de son corps étant de 23 à 27 cm, celle de sa queue de 9 à 13. Un individu adulte pèse de 100 à 130 g. Connue essentiellement pour son magnifique pelage blanc (avec du noir à la queue !), cette espèce est loin d’être blanche tout au long de l’année. Il est même possible, dans un secteur donné, de trouver, en hiver, des hermines entièrement blanches tandis que d’autres ont gardé leur four- rure estivale brune. Dans les pays à hivers très rigoureux, elles peuvent acquérir cette robe blanche en quelques jours tandis que le retour au pelage estival est toujours plus lent. Avec l’hermine, il serait possible d’élargir le sujet et de traiter, par exemple, de son symbolisme, de son « adoption » par les Bretons. Nous nous contenterons, cependant, d’évoquer Bernardin de Saint-Pierre qui avait déjà magnifié la présence de côtes sur les melons ; ce qui simplifiait leur découpe. L’extrémité noire de la queue de l’her- mine, pour cet auteur, n’a pas de mystère : elle s’impose « afin que ces petits animaux, tout blanc, marchant sur la neige où ils laissent à peine l’empreinte de leurs pattes, puissent se reconnaître lorsqu’ils sont à la suite les uns des autres, dans les reflets lumineux des longues nuits du Nord… ».
Pollution et rayon de la mort, phalène et chauve-souris
Il ne se passe pas de semaines sans qu’il soit question de pollutions, de risques industriels. Sans nier ceux-ci, ce qui reviendrait à nier l’évidence, il faut savoir que leurs répercussions plus ou moins graves ne datent pas d’aujourd’hui. Pour illustrer ce propos, nous ferons appel à des populations britanniques de phalènes du bouleau, Biston betularia. Ce Géométridé, dans la région de Manchester, peut se rencontrer sous deux formes bien distinctes : certains papillons possèdent des ailes blanches ponctuées de taches sombres tandis que d’autres sont entièrement sombres. Connaissant la coloration et les dessins de l’écorce d’un bouleau, il est aisé de comprendre qu’un papillon aux ailes claires se posant sur l’un de ces arbres se confondra parfaitement avec le support et sera, de ce fait même, à l’abri des attaques des prédateurs. Il n’en va pas de même pour ceux possédant des ailes uniformément sombres qui demeurent des plus vulnérables. Conclusion logique et vérifiée dans les faits, la forme claire était la plus abondamment représentée : « était » car tel n’est plus le cas de nos jours16. L’industrialisation s’est développée dans cette région et la nature aux alentours a ainsi bientôt
« profité » d’importantes retombées de suie, de fumées d’usine qui se sont déposées sur tout, bouleaux compris. Progressivement ce sont les papillons aux ailes sombres qui se sont trouvé être en harmonie avec la couleur locale tandis que les effectifs des papillons aux ailes claires faisaient le régal des prédateurs. La situation actuelle ? Je l’ignore et ne sais même pas si les bouleaux ont survécu à l’industrialisation locale ou à ses nuisances. Par contre, ce qui est sûr c’est que ce phénomène, dit de mélanisme industriel, n’est pas unique car il est maintenant connu chez au moins 90 papillons.
Autre sujet d’actualité : la guerre des ondes. Celui-ci débutera par une proposition d’expérience à laquelle chacun de nous peut se livrer sans risques ! au cours d’une veillée estivale à la campagne. Prenez un bouchon ou l’un de vos doigts que vous avez toujours à portée de main ! Mouillez-le ; puis frottez le bord d’un verre en cristal jusqu’au moment où vous déclen- cherez une musique dont vous ne percevrez que la partie audible mais sachez que cette émission est riche en ultrasons. Vous constaterez peut-être alors et avec surprise que les sphinx, les noctuelles et les phalènes, s’il y en a dans le secteur, se mettront à tomber… comme des mouches. Auriez- vous découvert le rayon de la mort ? Non, rassurez-vous : ce serait plutôt le rayon de survie car, par votre intervention « musicale », vous avez leurré ces insectes qui ont interprété ce message comme l’annonce de l’arrivée imminente de prédateurs fort redoutés : les chauves-souris. Pour échapper à leurs sonars et éviter la capture en vol, la plongée au sol suivie d’une immobilité totale est une excellente parade.
Deux entomologistes américains ont démontré que ces animaux sont en effet capables de capter les émissions ultrasonores des chauves-souris et d’y réagir immadiatement soit par la fuite si l’ennemi est encore assez loin, soit par la chute au sol dans le cas inverse.
Cette réaction spectaculaire sons est une réalité expérimentale. Il n’en est malheureusement pas même en ce qui concerne l’efficacité des émissions ultrasonores produites par différents appareils (mirades) proposés pour éloigner divers « petits vertébrés » ravageurs (rats, souris, taupes). Aussi, permettez-moi un conseil en guise de conclusion : contre vos taupes essayez la recette du « verre chanteur ». Cela vous fera prendre l’air, vous occupera sans frais annexes tandis que le résultat qui en découlera sera identique…
[Musique]
Vous venez d'écouter "AUTOMNE - épisode 2", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.