Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chroniques de la nature - automne épisode 4", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet, lu par François Muller. Régime alimentaire, surtout faire le bon choix. L'action de l'Homme sur le milieu peut compromettre plus ou moins sérieusement l'avenir de certaines espèces animales. Les crapauds pélobates peuvent être, par exemple, menacés en maintes régions en raison de la suppression des zones humides qui leur sont nécessaires à la période de reproduction. Que des mesures soient prises afin d'éviter leur disparition est tout à fait justifié et doit faire espérer le maintien, dans nos campagnes, de leurs chants flûtés. Mais, même sans l'Homme, pourrait-on dire, la vie n'est pas toujours rose pour tous les représentants de cet ordre. Incapables de résister au soleil en milieu désertique, il leur faut s'enfouir quelquefois jusqu'à un mètre de profondeur. Dans cette situation, ils attendent des jours meilleurs, à savoir l'arrivée de précipitations... qui les font se précipiter vers les points d'eau au devenir des plus aléatoires. C'est le moment ou jamais de perpétuer l'espèce. Pas question de perdre son temps en préludes amoureux : le concert, plus ou moins harmonieux, qui éclate presque aussitôt autorise une rapide formation des couples. Ceci est si vrai qu'un crapaud non apparié le soir de sa première sortie n'a que très peu de chances de l'être ultérieurement. Après avoir en priorité, pensé au devenir de l'espèce, ils peuvent alors se préoccuper de leur propre survie. Pratiquement cela revient à se constituer, dans les délais les plus brefs possibles, le maximum de réserves graisseuses. Il leur faut donc profiter, tout à la fois, des proies disponibles et des conditions climatiques ne leur imposant pas de regagner leur abri pour une durée indéterminée. L'éclosion des œufs, étant donné la température des eaux, se produit souvent dans les 24 heures. Que va devenir cette multitude de têtards dans un milieu apparemment sans vie quelques jours auparavant ? Elle va tenter de survivre à partir des potentialités alimentaires en dormance avant la chute des premières pluies. Parmi elles, sont à citer, essentiellement des œufs de crevettes disséminés par le vent et qui présentent la propriété remarquable de pouvoir survivre à sec pendant plusieurs dizaines d'années; Des spores d'algues variées. Les têtards vont, dès leur naissance, se mettre à brouter ces algues, elles aussi "nouveau-nées", risquant fort, étant donné leur nombre, de manger ainsi leur blé en herbe, et de mourir de faim peu après si, exception remarquable, certains des tétards n'abandonnaient pas le régime végétarien au profit d'une alimentation carnée. Les crevettes sont pour ces nouveaux convertis des proies fort appréciées, tandis que les algues continueront à être exploitées par les conservateurs. Tout n'est pas réglé pour autant car que vont devenir ces mares ? Si les pluies initiales ne sont pas suivies d'autres, le volume d'eau va très vite se réduire en raison d'une évaporation intense. La densité des animaux par litre d'eau va s'accroître d'autant que les zones de bordure, trop chaudes, ne peuvent pas être exploitées. Le cannibalisme va se développer : Capturer un têtard, herbivore ou carnivore ! Dans ces conditions, l'avenir est des plus sombres pour les tétards herbivores. tandis que pour les autres, il s'instaure une course de vitesse entre l'évaporation et le temps nécessaire pour les métamorphoses. Si ces dernières s'achèvent avant la disparition de la mare, les têtards peuvent espérer vivre, s'ils réussissent à passer au travers du rideau de prédateurs, mammifères, oiseaux, reptiles, eux aussi à l'affût d'une manne potentielle et fugace. Autre cas de figure de nouvelles pluies surviennent. Ce facteur n'est pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser, bénéfique pour tous les têtards. En effet, sous ces climats, les précipitations sont telles que les eaux des mares se troublent rapidement. Les tétards carnivores sont des prédateurs qui chassent à vue : dans de telles conditions, ne pouvant plus repérer leurs proies, ils risquent fort de mourir de faim malgré l'abondance de proies dans le milieu. Au contraire, les tétards herbivores trouvent là des conditions optimales de développement. Autrement dit, le bonheur des uns fait le malheur des autres, et vice-versa. Mais au total, les quelques rescapés, herbivores ou carnivores, selon les conditions climatiques de la saison, permettront à l'espèce de survivre, quoi qu'il arrive. Étant rassuré sur le sort, pas toujours enviable, de ces batraciens, il convient de s'interroger sur le devenir des autres protagonistes de cette épopée dramatique. Les crevettes, les mares n'ayant qu'une existence fugace, aucun adulte ne peut survivre lors de l'assèchement, tandis qu'il n'en va pas de même des œufs. Les algues : certaines d'entre elles ont permis la constitution d'un stock de spores résistantes à la sécheresse et qui, le moment venu, se développeront d'autant mieux qu'elles bénéficieront de la fertilisation organique appportée par les cadavres des animaux surpris par l'assèchement. Ainsi, sans que rien ne permette de le soupçonner, tout est en place pour que, dès les premières pluies de la saison suivante, se reproduisent ces mêmes luttes interspécifiques et mêmes fratricides, autorisant, en fin de compte, le maintien de ces différentes espèces dans un écosystème si particulier. Blanc, blanc, le goéland. Bien que novembre soit un des mois privilégiés pour l'arrivée massive des étourneaux, sasonnets migrateurs et la constitution des grands dortoirs urbains et ruraux qui font parler d'eux, intéressons-nous à une autre espèce, le goéland argenté, dont les cruis évoquent chez beaucoup d'entre nous des souvenirs de bord de mer. Il n'est plus toujours besoin d'aller sur le littoral pour observer les majestueuses évolutions de ces oiseaux. En effet, de plus en plus, ce sont eux qui viennent rendre visite aux terriens de l'intérieur et qui même, parfois, oublient de regagner les rivages marins. Quel point commun entre ces oiseaux ? Être tous deux dans le collimateur de la CEE. En effet, étourneau, sansonnets et goéland argenté, de même que le goéland leucophée, ont été classés à part dans la directive européenne oiseau CE 79/409. Ce sont des espèces posant problème et pouvant faire l'objet de mesures de limitation des populations en raison de l'accroissement de leurs effectifs entraînant des dégâts et des nuisances de natures diverses. La systématique des Laridés, famille à laquelle appartiennent les goélands, est un sujet de multiples controverses entre spécialistes. Schématisons donc. En France, vous pourrez observer le goéland argenté dont les pattes sont roses sur les côtes de la Manche et de l'Atlantique et le goéland leucophée dont les pattes sont jaunes sur la Méditerranée ainsi que sur l'Atlantique. Un rappel, ne pas confondre mouette rieuse et goéland argenté. Le goéland argenté est un oiseau de taille supérieure en vergure de 125 à 150 cm. Son bec crochu, jaune, porte une tache rouge à la mandibule inférieure. Les adultes sont blancs, ont le dos gris clair et les pointes des ailes noires et blanches. Les jeunes n'acquièrent ce plumage qu'entre 3,5 et 5 ans. Auparavant, ils ont une livrée brune tachetée de blanchâtre, ce qui leur vaut souvent l'appellation de grisards. Ces oiseaux, assez pourchassés en fin du XIXe siècle, n'étaient guère abondants. Commençons par le Midi. En Camargue, première nidification du goéland leucophée en 1929. Deux à trois couples en 1937, 600 à 650 en 1962. Bien que des limitations d'effectifs aient été entreprises depuis 1960, afin d'assurer la survie d'autres espèces d'oiseaux menacées par ces prédateurs redoutables. Sur le reste du littoral méditerranéen, 4 350 couples en 1966, 8 500 à 10 000 en 1975. Et cela continue à augmenter. La Bretagne maintenant. 6 à 7 000 vers 195,. 25 000 environ en 1970, 50 000 en 1975... La production nicheuse était estimée à 60 000 environ en 1960. Elle doit avoisiner actuellement la centaine de mille. Une précision qui n'enjolive pas le tableau. Les chiffres précédents ont trait au couple nicheur. Or, 44% des oiseaux évoluant sous nos cieux seraient des immatures, donc non pris en compte dans les évolutions précédentes. Tous les producteurs ne s'apparient pas et échappent donc également au recensement. Comment tenter d'expliquer cette évolution ? Les preuves absolues font encore défaut, mais de sérieuses présomptions existent, et révèlent de nombreuses convergences avec les phénomènes étudiés chez l'étourneau sansonnet, à savoir : Des facteurs d'ordre comportemental d'une part. Le goéland argenté est une espèce très plastique qui a su, de plus, développer des tendances anthropophiles. Ce qui lui a permis d'avoir accès à des sources de nourriture et à des sites de nidification non exploités au préalable. Des facteurs d'origine humaine d'autre part. Création et multiplication du nombre de décharges, sources providentielles de nourriture variées, abondantes et surtout accessibles en toute saison. Ce qui peut entraîner aussi bien un accroissement du volume des pontes qu'un abaissement du taux de mortalité hivernale. De même, le déclin du goéland argenté coïncide avec la fermeture des décharges publiques, alors que le goéland leucophée, qui continue à progresser, bénéficie toujours des décharges dans sa région. Les déchets de pêches sont également pour une bonne part dans les ressources alimentaires exploitées par les deux espèces de goélands. Que deviendront les goélands ? Une population aviaire est essentiellement limitée dans son développement, soit par des facteurs alimentaires, soit par la disponibilité en sites de nidification. Dans le cas du goéland argenté, un espoir peut être mis dans la réduction du nombre des décharges. Celle de Brest, fréquentée par plusieurs milliers de goélands, est condamnée à brève échéance. Mais étant donnée la grande plasticité alimentaire de cette espèce, il ne faut pas voir en cette saine évolution la solution du problème. D'autre part, l'adoption de nouveaux sites de nidification, dont les milieux urbains, peut être un sujet d'inquiétude car la saturation n'est pas pour demain. Il faut se rendre compte que si, comme le dit la chanson, les loups sont entrés dans Paris, les goélands argentés en sont maintenant aux portes. Limiter ces populations, certes, cela deviendra de plus en plus une nécessité, mais en ce domaine, le remède risque, d'un point de vue écologique, d'être pire que le mal si ces opérations ne sont pas réservées à des spécialistes. La politique à adopter est en effet très délicate. Et les efforts doivent être maintenus pendant plusieurs années. Elle implique, entre autres, d'agir à l'encontre des adultes, et non, comme beaucoup le préconisent, par destruction des pontes. Ceci est aisé à comprendre en tenant compte des phénomènes naturels. Détruire 1500 oeufs n'équivaut pas à supprimer 1500 oiseaux. Mais tout au plus une centaine, quatre ans plus tard. Sans intervention, en effet, Ces 1500 œufs n'auraient permis qu'à une centaine d'oiseaux d'atteindre l'âge de la maturité sexuelle. Traquons ensemble le fourmilion. Septembre étant le mois d'ouverture de la chasse, je vous propose de traquer ensemble, non pas le lion, restons dans l'hexagone, mais plus simplement le fourmilion, qui est un insecte névroptère et qui, à l'état adulte, est souvent confondu avec une libellule. De moeurs nocturnes, il est peu remarqué malgré son élégance et son envergure. Un bon chasseur de vent, avant tout, savoir identifier avec certitude sa cible. Sinon, c'est un porteur de fusil, pour rester dans une terminologie acceptable. Sachons lever ce doute. Chez un fourmilion, au repos, les ailes sont en toit sur l'abdomen. Exploit impossible pour un aeschne ou une gente demoiselle. Ses ailes sont pointues, arrondies chez les libellules et présentent un lacis de nervures sombres porteuses de points bruns. Découvrir un animal en vol peut arriver, mais les fourmillons préfèrent souvent rester immobiles, accrochés à de grandes herbes ou à des buissons au cours de la journée. La nuit, ils partent en chasse, à pied, à la recherche de toute proie susceptible d'être capturée par surprise. Une vie d'adulte qui n'a vraiment rien de spectaculaire. La larve elle-même, chez la plupart des espèces, 13 sur 18, pour être précis, mènent une vie des plus cachées. Mais là, c'est une autre histoire, car en fait, si elles se dissimulent, c'est pour pouvoir capturer des proies dans un piège de conception machiavélique. Vivant sur des sols meubles, fréquemment sablonneux, la larve a une technique remarquable pour assurer sa survie. Agissant à reculons, elle s'enfonce progressivement dans le sol, créant peu à peu une dépression conique pouvant fort bien passer pour un accident naturel du terrain. Cette réalisation est obtenue par des mouvements latéraux du corps, tandis que les matériaux excédentaires sont rejetés à coup de tête. En fin d'opération, ce dispositif, prêt à fonctionner, peut atteindre jusqu'à 8 cm de diamètre pour une profondeur de 5. Pour un observateur non attentif, cette excavation apparaît comme inoccupée. En réalité, juste au fond de la dépression, apparaissent deux... points noirs qui correspondent en fait à l'extrémité des mandibules arquées de la larve. Celle-ci attend sa prochaine victime, car le piège est tendu. En effet, la pente du cône est telle qu'à la moindre surcharge, il se produit un éboulement qui entraîne la proie vers le prédateur aux aguets. S'il s'agit d'une nourriture et non, par exemple, d'un fœtu de paille entraîné par le vent, celle-ci sera aussitôt saisie dans les mandibules prêtes à se refermer, et la mort suivra de peu cette descente aux enfers. Quelquefois, si la chute est lente à se produire, la larve se charge d'accélérer le phénomène en projetant quelques grains de sable destinés à initier l'avalanche. Diabolique, non ? Les mandibules ne servent pas qu'à immobiliser la proie. Des canaux internes permettent à la larve d'injecter aussitôt une salive tout à la fois paralysante et digestive. Pour la victime, très vite, tout est consommé. Tandis que le fourmilion devra attendre un peu que ses sucs digestifs agissent et lui permettent alors d'aspirer la substantifique moelle. Ceci fait, la dépouille, désormais inutile, sera rejetée au loin afin qu'aucun indice ne puisse mettre en éveil les futures victimes circulant dans le secteur. Le Martin pêcheur. Qui d'entre vous n'a pas vu de Martin pêcheur... en photographie ? C'est en effet une cible privilégiée des photographes ou des cinéastes patients et bien équipés. En revanche, beaucoup plus rares sont ceux pouvant dire J'ai observé des Martin pêcheurs en nature et surtout des Martin pêcheurs posés. La flèche bleue traversant très rapidement le champ visuel, telle est le plus souvent l'image fugitive que l'on garde de cet oiseau, faisant par ses coloris penser à une espèce des pays chauds. Les proportions relatives des différentes parties de son corps sont inhabituelles. La tête est grosse par rapport au corps, courtaud. Les pattes, les ailes et la queue sont courtes. Mais évidemment, l'œil est particulièrement attiré par le chatoiement de son plumage. Dessus du corps bleu-vert offrant de nombreux reflets métalliques et formant un contraste d'une part avec le blanc de la gorge et de la tâche du cou, et d'autre part avec les zones brun-roux vifs présentées par le dessous du corps et des joues. Les pattes sont rouges vifs. Le bec qui est en forme de poignard peut atteindre 4 cm, ce qui représente approximativement un quart de la longueur totale de l'oiseau. Ce poignard, nous le verrons, est non seulement une arme redoutable, mais également un outil de terrassement mis à rude épreuve au moment de la nidification. Il n'y a pas de dimorphisme sexuel chez cette espèce. Par contre, les jeunes peuvent être distingués assez aisément des adultes. Leur bec est moins long, le plumage paraît un peu terne, et la tâche de la gorge est plus grande. Le martin-pêcheur Alcedo Athis est très largement réparti géographiquement. Il peut en effet être rencontré dans presque toute l'Europe, en Afrique du Nord et même en Asie jusqu'au Japon. Il n'est jamais très abondant. Cela s'explique, dans une large mesure, par la grande sédentarité de l'espèce, au moins à l'état adulte. De plus, à l'exception de la période de reproduction, il vit solitaire. Son observation exige donc non seulement un site répondant aux exigences de vie de cette espèce, mais, ce qui ne simplifie pas la question, de se mettre dans des conditions telles qu'à un moment donné, les parcours de l'oiseau et de l'observateur se rejoignent. Voici quelques indications générales quant à son habitat préférentiel. Proximité d'étendue d'eau, courante ou non, on n'est pas pêcheur pour rien. Dont les berges présentent d'une part des buissons, arbustes ou arbres pouvant être exploités comme postes d'affût. Et d'autre part, une structure favorable à la création de cavités de nidification. Un détail qui, de plus en plus, prend une importance considérable, vitale même. Que les eaux ne soient pas polluées, ou du moins à un degré très faible, car de nos jours, à l'impossible nul n'est tenu, malheureusement. Cette exigence est telle que, maintenant, il est parfois possible de trouver des couples nidifiant assez loin des zones traditionnelles de chasse. Les oiseaux mettent à profit la constitution de parois diverses, falaises, carrières, berges, mais vont se ravitailler en eaux saines où leur nourriture habituelle peut encore survivre. En dehors de la période de reproduction, et surtout durant l'hiver, il peut arriver que certains martins pêcheurs se montrent toujours fort discrètement le long de divers rivages marins. Le plus souvent, le martin pêcheur pêche à l'affût. Ses perchoirs traditionnels sont situés au-dessus des zones d'eaux claires et peu profondes. Il doit en effet pouvoir capturer ses proies lors de son plongeon, étant incapable de les poursuivre sous l'eau. L'objectif atteint, il remonte à la surface et, d'un vol direct, va retrouver son perchoir afin d'achever sa prise qui, à ce stade, peut encore gigoter pour tenter de s'échapper. La proie peut être tuée par simple écrasement du bec, soit, s'il est plus grosse ou d'une consistance résistante, par martèlement sur un support proche, branche ou rocher. Il reste ensuite à l'ingérer, ce qui implique une bonne orientation de la capture, surtout dans le cas d'un poisson. La tête ou la queue en premier, cela dépend de la destination de cette nourriture, si elle constitue la part du pêcheur, le circuit court. elle sera avalée la tête la première. Au contraire, si celle-ci est promise à un jeune de la nichée, l'oiseau l'avale par la queue. En réalité, bien souvent il ne l'avale pas complètement. La tête dépasse du bec lors du transport, ce qui doit largement faciliter la régurgitation. Les postes d'affût bien placés manquent parfois. Dans ces conditions, le Martin Pêcheur opère différemment. Il a recours à un vol presque stationnaire au-dessus des lieux de pêche propices. Une proie potentielle étant repérée, l'oiseau pique aussitôt et bien souvent ressort le petit poisson dans le bec. J'ai souvenir d'une partie de pêche au Véron, où un martin pêcheur, mis en confiance par mon immobilité, m'a couvert de ridicule. Chacune de ses touches, optiques, était payante, tandis que mon taux de réussite laissait à désirer. En fait, le martin pêcheur agrémente ses menus. Si les petits poissons - 7 à 8 cm au maximum en général - constituent la base de son alimentation, il ne dédaigne pas pour autant les insectes aquatiques, adultes ou larves, et les crustacés, respectivement 15 et 6 selon des études anglaises. Excellent pêcheur, cet oiseau n'est pas moins remarquable par ses comportements parentaux. Le couple qui se forme au cours de l'hiver va entreprendre, peu après, la construction du nid. C'est un labeur ardu. qui exigent des efforts soutenus et méritoires. En effet, la cavité où seront déposées, en général 7 œufs de couleur blanche, doit répondre à des conditions très particulières, non pas dans sa forme, mais dans sa situation. C'est un simple élargissement d'une galerie de 5 cm de diamètre environ qui peut mesurer jusqu'à 100 cm de longueur. Ce tunnel d'arrivée est creusé par les parents à partir d'une paroi lisse qui est initialement attaquée à coups de bec. l'oiseau volant sur place. Dès que les bauches le permettent, le travail est poursuivi, le Martin Pêcheur s'agrippant dès lors à l'entrée. Peu après, il se transformera en mineur, disparaissant complètement dans la galerie en voie de percement. Pour des couples chanceux, le travail se poursuivra jusqu'à la profondeur souhaitée. Pour les autres, rencontrant une pierre ou une racine, tout sera à recommencer à zéro, car jamais la galerie ne doit présenter de courbure nette. Le mâle participe à l'incubation, qui dure trois semaines environ. Après l'éclosion, les jeunes demeurent au nid, faisant leur déjection dans la cavité, qui n'est jamais nettoyée par les parents. Un écoulement naturel est, pourrait-on dire, prévu en raison de la pente légèrement descendante de la majorité des galeries. La vue d'une coulée blanchâtre suintant d'une galerie permet ainsi de prévoir que celle-ci doit être occupée par des martins pêcheurs. Une confirmation qui n'est pas souhaitable, car pourquoi risquer de compromettre le devenir de cette nichée ? En s'approchant de l'orifice, la violente odeur ammoniacale qui vous prend au nez révèle la nature de ce suintement. Évidemment, dans ces conditions, en pensant à ce qui se passe chez les autres espèces nidicoles, comme les moineaux, les mésanges, on peut avoir des craintes sur l'aspect du plumage lorsque les jeunes seront prêts à quitter ce nid transformé en cloaque. Dame Nature y a pensé avant nous. Chez le Martin Pêcheur, les plumes ne sortent de leur étui protecteur qu'une semaine environ avant l'abandon des lieux. L'aspect en hérisson de ces oisillons est vraiment curieux, peu esthétique mais fort efficace. Cette technique de nidification se révèle donc, en fin de compte, bénéfique, car une telle situation protège ces jeunes de bien des prédateurs. Pour les parents, ces précautions se payent cher. Il faut assurer les nourrissages, c'est-à-dire qu'il faut à chaque fois progresser dans le noir jusqu'à la cavité et régurgiter la nourriture apportée aux jeunes se trouvant juste en face du couloir d'arrivée. Ceci fait, il faut repartir à la pêche. Un demi-tour étant impossible, la marche arrière à rebrousse-plume s'impose. De par cette action, la galerie est un peu nettoyée, l'adulte jouant alors involontairement le rôle d'un goupillon. Arrivé à l'air libre, la première préoccupation du parent est d'aller prendre un bain. Personne ne pourra le lui reprocher. Malgré ces préoccupations, la mue d'automne sera la bienvenue et permettra à l'oiseau de retrouver un plumage. flambant neuf ! Rentrons dans le tunnel. Le jeune qui vient d'être nourri se fait plus ou moins bousculer par ses frères et sœurs affamés. La digestion lui retire toute agressivité, si bien qu'il cède sa place à un autre qui défendra celle-ci jusqu'à ce que lui-même ne pense plus qu'à digérer. Ce phénomène autorise ainsi une répartition presque équitable de la nourriture sans que les parents aient à y veiller eux-mêmes. Ce qui ne se fait d'ailleurs jamais chez les oiseaux. L'envol des jeunes a lieu vers la mi-juin, environ trois semaines après l'éclosion. Dès l'acquisition de leur indépendance alimentaire, ils sont chassés du territoire familial. La dispersion peut se réaliser sur de grandes distances. Les oiseaux bagués ont été ainsi repris à plus de 100 km de leur lieu de naissance. Le couple procède parfois à une seconde ponte, dans une nouvelle cavité, cela s'impose. Si cette nichée est conduite à bien, elle s'envolera courant août. Les jeunes, là encore, seront rapidement chassés par leurs parents. Tandis que peu après, mâles et femelles se sépareront afin de regagner chacun leur propre territoire. L'attachement à celui-ci n'est pas un vain mot, car il est démontré que l'oiseau lui reste fidèle, parfois jusqu'à la mort, en raison de conditions climatiques défavorables. C'est ainsi que les populations d'Allemagne ont été détruites, dans leur quasi-totalité, au cours du rude hiver 1962. La mortalité juvénile est élevée. Aussi ne faut-il pas compter sur un accroissement rapide des populations, même en l'absence de facteurs défavorables. Ces derniers, malheureusement, ne font que se développer. Citons par exemple la rectification des cours des rivières, l'aménagement des berges qui supprime un pourcentage élevé des sites propices à la nidification de cette espèce, la pollution des eaux empêchant une quête alimentaire normale. L'avenir de cette espèce est donc très souvent compromis, ce qui explique les mesures de protection prises à son égard. Ceci est le premier stade. Puisse le second, c'est-à-dire le respect de ces mesures, être pris en considération, même par les pisciculteurs. Enfin, que chacun de nous participe à la survie de cette espèce en l'admirant le plus souvent possible, mais en n'étant jamais, pour elle, une cause éventuelle de perturbation. Surtout lors de la nidification. Vous venez d'écouter Automne, épisode 4. Extrait des chroniques de la nature publié aux éditions Quae en 2022.