Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - ÉTÉ - épisode 1", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
[Musique]
Été.
Nuit brèves - la chenille retient les gouttes de rosée - Yosa BUSON
Été.
Où l’on rencontre de petites lanternes accrochées à un brin d’herbe et un minuscule mammifère de 2 g qui coupe l’appétit des chats.
Où l’on côtoie des graveurs sur bois dont les sculptures trahissent la vie de couple.
Été.
Où l’on découvre également un minuscule poisson d’argent qui a « connu » les dinosaures, un grillon qui chante avec ses pattes et un insecte archaïque aux ailes de dentelle.
Été. Où une poule peut être épargnée par une fouine parce qu’elle couve sans bouger.
Où l’écrevisse femelle, en amour, risque de perdre une ou deux pattes.
Hirondelles et martinets
Mai est un mois bénéfique pour les infatigables chasseurs d’insectes que sont les martinets et les hirondelles. C’est aussi une période à mettre à profit pour apprendre à distinguer les oiseaux de ces deux familles encore trop souvent confondues. Voici un critère d’appréciation simple : le rapport longueur des ailes/ longueur du corps. Si les ailes sont plus longues que le corps, il s’agit d’un martinet.
Le martinet noir, par exemple, a une envergure de 40 cm pour une longueur de 16 cm seulement : le martinet alpin ou martinet à ventre blanc est encore un peu plus grand.
Si les ailes sont plus petites que le corps, l’oiseau est une hirondelle. Quatre espèces peuvent se rencontrer en France. L’hirondelle de fenêtre – dite aussi hirondelle cul-blanc – ainsi que l’hirondelle de cheminée aux couleurs tranchées (dessus du corps bleu noir, face et gorge rousses), ne seront mentionnées que pour mémoire : ce sont elles, en effet, qui sont susceptibles de nidifier dans les habitations, la nidification étant coloniale pour la première, solitaire pour la seconde. C’est à la campagne que vous pourrez observer l’hirondelle de rivage, la plus petite hirondelle d’Europe : le dessus de son corps est de couleur brun gris, le dessous blanc avec présence d’une bande pectorale brune. « Rivage » doit être pris dans son sens large : il exprime les exigences de cette espèce quant à son mode de nidification. L’hirondelle de rivage a besoin de parois verticales, relativement tendres, dans lesquelles elle pourra percer une galerie d’entrée.
L’hirondelle de rochers, quant à elle, ne perce pas les rochers mais exploite souvent des anfractuosités pour y accrocher son nid. Si, à première vue, elle peut être confondue avec la précédente, la découverte de blanc sur la queue (non fourchue) permet la distinction. Cette espèce est sédentaire dans le Var, les Alpes-Maritimes et la Corse.
Les autres hirondelles sont migratrices ; ce qui se comprend aisément car leur survie dépend de la présence de proies susceptibles d’être capturées en vol. Si le ciel est leur domaine, c’est pour cette raison. Ceci explique aussi les variations d’altitude dans leurs vols qui traduisent, pratiquement, une adaptation aux niveaux de vols des proies convoitées. Si des conditions défavorables surviennent et, surtout se maintiennent lors de la période d’élevage des jeunes, la disette s’installe très rapidement et la mortalité peut être élevée. Un phénomène particulier est à noter dans le cas des marti- nets : dans de telles circonstances, les parents peuvent partir fort loin à la recherche de pâturages (aériens) plus riches tandis que leurs jeunes entrent en léthargie ; ce qui leur permet d’attendre les lendemains qui chantent… À propos de nourriture, profitons-en pour signaler une autre confusion due à une apparition non contrôlée : les fameux « nids d’hirondelles », spécialité gastronomique appréciée par certains, sont, en réalité, des nids de salanganes, c’est-à-dire des nids de martinets. Ils sont constitués essentiellement par la salive de ces oiseaux, matière première qui a la propriété de durcir à l’air. Si, à cette évocation, la salive vous vient en bouche : bon appétit ! Il faut noter qu’afin de sauvegarder cette source de revenus, les ramasseurs locaux ne collectent les nids qu’en début de saison de reproduction, respectant les nids de remplacement où seront élevés les futurs producteurs : un exemple d’exploitation de gestion raisonnée du
patrimoine naturel méritant d’être médité.
Pour terminer, une question dont j’ignore la réponse… Comment se débrouillaient les hirondelles pour leur rassemblement avant que ne soient inventées les lignes électriques ou téléphoniques ?
Vers luisants, lucioles…
Qui de nous un jour ou l’autre ne s’est arrêté pour observer les arabesques lumineuses laissées dans la nuit par des insectes volants non identifiés ou ne s’est penché sur une petite « lanterne » accrochée à un brin d’herbe ?
Quel miracle permet à ces animaux de s’éclairer sans avoir à se munir d’un quelconque matériel portable ? Il n’y a pas de miracle : pas de « Fée électricité », simplement cette bioluminescence est en effet le résultat, visible ! d’une réaction chimique. Tout commence par la rencontre de la luciférine, protéine nullement diabolique avec une enzyme, la luciférase. Par l’intervention complémentaire d’autres « ingrédients » dont l’oxygène, diverses réactions se déclenchent, sources d’énergie lumineuse et ce, avec un rendement de 92 %, pourcentage qui a de quoi faire pâlir de jalousie tous les spécialistes EDF : une lampe à incandescence ne transforme en lumière que 3 à 4 % de l’énergie dégagée (10 % pour un tube fluorescent) et chauffe. Les animaux, quant à eux, gardent leur sang-froid… d’où ce type de lumière, connu sous le nom de lumière froide.
Diverses adaptations morphologiques permettent encore d’accroître l’efficacité de cet éclairage : c’est ainsi que chez les lucioles, des cellules bourrées de cristaux brillants jouent le rôle de réfléteurs assurant une meilleure diffusion.
Mais pourquoi ces animaux ont-ils besoin de s’éclairer ? Décidément, la nature est bien faite. Cet éclairage chez les animaux n’est ni un luxe, ni un progrès mais un mécanisme aidant à la survie de l’espèce. Il inter- vient essentiellement lors de la phase de rapprochement des sexes. Il peut cependant avoir d’autres finalités comme nous allons le découvrir…
Tout d’abord, le ver luisant ou Lampyre, Lampyris noctiluca. Chez cet insecte, seules les femelles peuvent émettre une lumière jaune verdâtre, l’organe lumineux étant situé à l’extrémité de l’abdomen. Privées d’ailes, elles sont « clouées » au sol à l’inverse des mâles qui, eux, ne sont pas biolumines- cents. Ce sont de petits Coléoptères au thorax cuivré et porteurs d’un bouclier leur recouvrant presque totalement la tête. Volant de nuit à la recherche d’une partenaire, le repérage lumineux leur facilite grandement la tâche.
Profitons de cette occasion pour « éclairer » ce sujet :
• chez cette espèce, les larves peuvent être aisément confondues avec des femelles… en panne de batterie ;
• ce sont de grands consommateurs de vermine. Ils immobilisent leurs proies puis envoient des sucs digestifs qui vont liquéfier les tissus : la consommation proprement dite se fera par pompage !
Avec les lucioles, les phénomènes deviennent plus complexes car, dans la plupart des cas, les deux sexes sont ailés et susceptibles d’émettre de la lumière.
Commençons par le plus simple : en France métropolitaine une seule espèce Luciola lusitanica exploite cette faculté à plusieurs fins. Tout d’abord au cours d’une nuit estivale, des traînées lumineuses, plus ou moins longues, correspondent à un allumage passager « des phares ». Lorsque l’animal veut se poser, il évite un atterrissage sans visibilité toujours plus ou moins aléa- toire. Signalons en passant que même en plein jour, les avions sont tenus d’allumer leurs phares de décollage et d’atterrissage… afin, entre autres, d’éloigner les oiseaux ou de le tenter.
La sécurité est une chose, la pérennité de l’espèce en est une autre et, là aussi, cette faculté d’éclairement joue un rôle prépondérant où mâles et femelles prennent tous deux une part active. Lorsque, comme chez nous, il n’existe qu’une seule espèce de luciole, la situation est relativement simple : par contre, le phénomène se complique rapidement si plusieurs espèces cohabitent dans un même milieu ; la nuit… tous les chats sont gris ! Divers mécanismes se sont donc développés pour éviter toute confusion interspécifique ; chaque espèce possède son propre « langage lumineux », son « morse optique » : les mâles émettent soit par séries d’éclairs, soit de façon continue, tout en effectuant des figures aériennes particulières ; les femelles « voulant accuser réception de ces messages » ont recours, elles aussi, à un code spécifique précis dont une des caractéristiques principales est le délai de réponse.
Mais entre la réalité biologique et la théorie, la marge peut être grande comme le montrent des recherches conduites sur différentes lucioles américaines, du genre Photuris (Lampyridés). Ces travaux ont mis en évidence l’exploit de certaines femelles, capables de fausser la motivation initiale de ce moyen de communication. Si, avant l’accouplement, elles respectent scrupuleusement « la règle du jeu », elles peuvent ensuite utiliser cette technique pour se procurer de quoi satisfaire leurs besoins alimentaires ! Elles se mettent en effet à répondre à des sollicitations d’autres mâles du genre Photinus (même famille), en adoptant le code qui leur est propre… Tout mâle se croyant « élu » s’approche sans méfiance et ne découvre que trop tard le stratagème dont il est la victime immédiate. En Floride, par exemple, Photuris versicolor « parle » au moins trois langues en plus de celle de son espèce et ce, essentiellement par ajustement du temps de réponse entre les signaux reçus et les signaux émis par la femelle.
Dernier exemple où, cette fois, les acteurs principaux ne sont plus des adultes mais des larves de Diptères (Kéroplatidés) de l’espèce Arachnocampa luminosa plus connue sous le nom de ver luisant de Nouvelle- Zélande.
Ces larves vivent accrochées au plafond de certaines grottes dont celle de Waitomo, la plus célèbre et la plus visitée de l’île. La lumière produite est reflétée sur des milliers de petites sphères qui sont en fait autant de pièges. Elles sont en effet constituées par du mucus adhésif produit par les larves. Chaque larve possède la sienne, suspendue au bout d’un court filament. Lorsqu’un insecte a le malheur de cogner l’une d’entre elles, il se trouve aussitôt englué. La prise étant assurée, la larve remonte le filament, récupère sa prise puis remet en place « ce miroir aux insectes » avant de reprendre sa veille.
Les dents de la Seille, le Silure
Les médias français possèdent « leur monstre du loch Ness » mais à la différence de ce dernier, « le nôtre » est identifié et a donné lieu à plusieurs captures homologuées. Il s’agit d’un poisson « géant » hantant tout particu- lièrement la Saône et la Seille : le silure glane, Silurus glanis, qui à première vue pourrait être confondu avec d’énormes poissons-chats. En fait, si tout comme le poisson-chat, cette espèce a été introduite7, elle nous vient, quant à elle, de l’Europe de l’Est et non pas du Nouveau Monde.
Le silure glane est souvent décrit comme un têtard (de grande taille !) doté d’une grosse tête fendue par une large gueule portant 6 barbillons (4 petits sous le menton, 2 très longs au coin des lèvres). La nageoire dorsale forme un long ruban qui s’étend du ventre à la queue. La peau de ce poisson est lisse et visqueuse. Attention : la pectorale possède un rayon épineux dont il faut se méfier. Le dos, de coloration sombre, est ponctué de macules pouvant aller du brun au vert foncé tandis que le ventre est plus clair : de crème à gris blanc.
Dans son aire d’origine, la chair du silure est fort prisée ; ce qui explique qu’il fasse l’objet d’élevages. Adulte, il peut atteindre 3 m de longueur (le plus souvent de 1 à 2 m) pour des poids variant de 50 à 200 kg. Le record actuel revient à un individu pêché dans le Dniepr : 306 kg pour une longueur de 5 m. De quoi nourrir une bonne assemblée quand on sait qu’habituellement « un poisson de table » pèse entre 3 à 4 kg. Pour la France, la plus belle prise connue, à ce jour du moins, « ne faisait que » 40 kg ; ce qui a quand même de quoi laisser rêveur plus d’un pêcheur… Cette espèce doit être considérée comme faisant maintenant partie de notre ichtyofaune et en est même le plus grand représentant. Le silure est, peut-on dire, présent partout à l’exception du bassin de la Garonne mais il n’est jamais abondant pour les amateurs de « pêche au gros » ; la Saône et la Seille sont à recommander : 24 captures déclarées dans le département de Saône-et-Loire en 1984, 126 prises en 10 ans dans la Seille.
Comment a pu se réaliser cette invasion. Une chose est sûre : elle est
très ancienne mais elle s’est accélérée ces derniers temps. En 1852, des silures ont été introduits à la pisciculture du ministère de l’Agriculture de Huminge (Haut-Rhin) chargée des problèmes des espèces non indi- gènes. Ultérieurement, il a été procédé à des lâchers dans le Doubs mais semble-t-il sans succès. Les silures de la Seille ont une origine beaucoup plus récente comme par exemple ce lâcher pratiqué en 1968 dans un de ses affluents. Sa répartition actuelle est la conséquence d’initiatives similaires tandis, qu’occasionnellement il n’est pas à exclure la possibilité d’introduc- tions involontaires9 lors d’alevinages à partir de carpillons en provenance d’Europe de l’Est.
Sa réussite, son implantation sont variables en raison même de sa biologie : le silure a besoin d’eaux profondes et relativement chaudes au moment de la reproduction (20 °C environ). Les grands travaux10 effec- tués sur les cours d’eau l’ont souvent favorisé et tout particulièrement les extractions de gravier qui sont à l’origine de fosses qui constituent des habitats répondant parfaitement à ses exigences spécifiques. La tempé- rature de l’eau peut, quant à elle, freiner localement ses potentialités de reproduction. Tel ne semble pas être le cas pour la Seine où, à la suite des prélèvements effectués, il apparaît que la proportion est bien équilibrée.
L’espérance de vie, chez le silure, est d’au moins 30 à 40 ans tandis que la maturité sexuelle est atteinte entre 3 et 5 ans.
Il n’est pas possible dans l’état actuel de nos connaissances, de se prononcer quant au rôle que le silure glane peut avoir sur le devenir des espèces indi- gènes bien qu’il s’agisse, a priori, d’un prédateur redoutable. Les études réalisées dans la Seille, cours d’eau de 2e catégorie, révèlent une diversité faunistique normale mais avec de faibles densités : affaire à suivre…
À côté de ces réalités bien des légendes s’attachent à ce poisson : lavan- dières attaquées, chiens entraînés par ces « monstres » qui lors d’inondations, taperaient de leur queue les arbustes où se sont réfugiés des animaux.
Vous voici prévenus : si malgré tout vous désirez « monter en ligne », prévoyez un montage résistant et ne pataugez pas inconsidérément !
La huppe
Profitons du séjour, relativement court, de la huppe dans notre pays, pour faire plus ample connaissance avec cet oiseau, si agréable à regarder, tandis que la croyance populaire a trop tendance à ne voir en lui qu’un animal sale – nous verrons pourquoi – ce qui lui a valu l’appellation de
« huppe puput ».
La huppe fasciée, Upupa epops, est un insectivore au bec long et recourbé qui, pour une longueur corporelle de 25 cm, a une envergure de 45 cm. Migratrice, cette espèce qui hiverne en Afrique tropicale, regagne notre pays courant avril. Pour son estivage, elle recherche de préférence des milieux ouverts, ensoleillés et chauds. Ceci explique, entre autres choses, que sa présence devienne très aléatoire au nord d’une ligne joignant les villes de Mézières, Melun, Le Mans, Rennes et Quimper.
Une fois connus les grands traits relatifs à la coloration de son plumage, son identification sera encore plus facile si cet oiseau daigne déployer sa huppe ! Pour le corps, c’est le beige orangé qui domine tandis que les ailes et la queue sont noir et blanc. La huppe, érectile, est rousse avec une bordure externe noire. Au repos, c’est-à-dire plaquée sur le crâne, elle forme une pointe dépassant de la nuque. Dressée, elle confère à l’oiseau une silhouette très caractéristique.
Bien que capable d’effectuer de grands déplacements, la huppe n’appa- raît pas douée pour les activités de vol : celui-ci semble quelque peu « mou » et hésitant et cet oiseau aux ailes arrondies fait penser à un (grand) papillon pratiquant un vol ondulé et à faible hauteur : il est, en effet, assez rare de voir une huppe s’élever au-dessus de la cime des arbres environnants. S’il est aisé de déceler sa présence à la simple audition de son chant – un
« oup-oup-oup » grave et sourd –, découvrir l’émetteur est beaucoup plus délicat, car non seulement ce signal porte loin, mais, de plus, l’oiseau ne séjourne pas longtemps à la même place ! Comptez donc, un peu, sur le hasard – mais sachez aussi le forcer… pour, un jour ou l’autre, tomber
« nez à bec » avec un individu au sol occupé à prendre un bain de poussière (activité très appréciée par cette espèce) ou en recherche de proies chassées à vue ou débusquées de leurs abris à coups de bec. Les plus petites seront avalées aussitôt tandis que les plus volumineuses pourront faire l’objet d’une préparation plus ou moins sophistiquée. Avant tout, la huppe se doit de faire cesser toute velléité de résistance, ce qu’elle obtient en les assom- mant (ou en les tuant ?) par des coups répétés sur le sol. Ce stade atteint, les captures pourront être dépecées en toute tranquillité, tandis que, éventuel- lement, les parties chitineuses, non digestibles, seront écartées. L’ingestion elle-même peut donner lieu à un cérémonial particulier : en effet, il n’y a pas toujours prise dans le bec puis déglutition, certains morceaux pouvant être projetés en l’air pour récupération directe dans un bec grand ouvert.
Etant donné son régime alimentaire, les chances de rencontre sont évidemment accrues dans des zones riches en pâtures… pâturées, les bouses attirant les insectes qui attirent, eux-mêmes, les huppes. Les vergers sont également appréciés, même en l’absence de bétail !
Peut-être aurez-vous l’occasion – et la chance – d’observer une huppe dans une attitude surprenante : plaquée au sol, ailes et queue étalées, la tête renversée avec le bec pointé vers le ciel. Pour certains, il s’agit là d’un comportement de défense (passive) à l’encontre des rapaces.
C’est en abordant les phénomènes de reproduction que nous allons retrouver la notion de saleté qui s’attache à cette espèce.
La huppe, pour nicher, recherche une cavité naturelle dans laquelle elle déposera, pratiquement sans aménagements préalables, les 5 à 7 œufs de sa ponte. C’est la femelle qui a en charge la couvaison, tandis que son partenaire, tout comme chez les Corvidés, pourvoit à ses besoins alimen- taires. Les jeunes restent au nid de 3 à 4 semaines et, c’est à ce stade que
« tout se gâte » !
Durant cette période, en effet : tout d’abord les oisillons, lorsqu’ils sont inquiets, se révèlent capables d’émettre une sécrétion nauséabonde qui, selon certains auteurs, repousserait les éventuels prédateurs ; de plus, les cavités retenues s’avèrent souvent exiguës dès que les jeunes ont atteint un certain développement. Ceci explique que, malgré leur comportement inné, ils ne puissent pas toujours se trouver « au bon moment » devant l’orifice du nid pour projeter à l’extérieur leurs besoins naturels.
Dans ces conditions le nid se transforme très vite en un bourbier infect – et le mot est faible ! – tandis que s’exhale une odeur pouvant être exploitée pour repérer les nichées (attention : la huppe appartient aux espèces proté- gées !). Cette explication donnée, le qualificatif de « puput » se comprend mieux. Quelques bonnes pluies, peu après l’abandon du nid par les jeunes, seront donc les bienvenues pour leur donner une allure plus présentable. En septembre, ce sera le départ, que l’on peut accompagner – si l’on n’en est pas à une approximation près – d’un « Hup, hup, hup ira… en Afrique », en leur souhaitant des conditions d’hivernage correctes, ce qui n’est plus toujours le cas en raison de la désertification grandissante…
Grandeur et misère de la vie sédentaire
En période estivale, je vous propose régulièrement une escapade vers le littoral : intéressons-nous aux balanes. Non, il ne s’agit pas d’une faute typographique mais bien de balanes, crustacés cirripèdes sédentaires à l’état adulte.
Ce sont ces petits animaux en forme de cônes, de « volcans », pressés les uns contre les autres, en colonies souvent très denses, que l’on peut trouver sur des substrats les plus divers : rochers, jetées, ou même sur d’autres coquillages. C’est cette dernière éventualité qui vous fournit ainsi l’occasion de gratter les moules avant de les cuisiner…
Le rythme de vie, en bordure de mer, est très largement sous la dépen- dance des marées et les balanes, espèces de l’estran – lieu de rencontre de la mer et de la terre – n’échappent pas à cette règle. Il vous faudra donc les observer à marée basse et à marée haute (ou montante!). À marée basse, la logette est close par des plaques operculaires – de 2 à 4 selon les espèces – ce qui permet de conserver, à son intérieur, une humidité suffisante pour que l’animal puisse survivre en attendant le retour des flots.
Vivre ainsi, replié sur soi-même, ne nourrit pas sa balane et c’est pour- quoi, dès que l’occasion lui en est donnée, chaque individu se remet en quête de nourriture… sans bouger de place. Pour ce faire, il s’ouvre et projette à l’extérieur une série d’appendices – les cirres – qui brassent l’eau au gré des courants et happent ce qui est consommable. Évolutivement, ces cirres sont des pattes transformées, adaptées à ce mode de vie sédentaire.
En réalité, il n’y a pas simultanéité – loin s’en faut – dans les « heures d’ouverture et de fermeture» de toutes les balanes d’une colonie donnée, chaque individu réagissant en fonction du microclimat local dans lequel il se trouve. C’est pourquoi, même à marée basse, vous pourrez en décou- vrir tandis que vous percevrez, nettement, les petits claquements secs produits rabattant leurs plaques operculaires. Des études acoustiques ont mis en évidence que chaque espèce avait des caractéristiques propres : un concert de balanes, avec amplification adaptée, ne manque ni d’intérêt ni d’originalité.
Les balanes sont hermaphrodites mais ne sont jamais en même temps mâles et femelles ; ce qui implique une fécondation externe. Au stade de maturité sexuelle mâle, les balanes possèdent un tentacule particulier qui sort de la coque protectrice, ausculte l’environnement et… féconde tout individu au stade de maturité sexuelle femelle se trouvant à sa portée. Les œufs se développent dans la logette maternelle. À l’éclosion, les larves mènent une vie pélagique qui assure leur dispersion au gré des courants. Le taux de réussite est faible – bien des larves n’atteindront jamais le stade de la fixation – mais ce mode de dissémination demeure efficace et un support favorable ne demeure pas longtemps sans balanes… même s’il n’existe pas de colonies proches.
Après plusieurs mues – caractéristiques des crustacés – la larve atteint le stade carapace en deux pièces. Se produit la fixation suivie, en quelques heures, par la métamorphose. Il a été démontré que le site déclenchant ce phénomène de fixation est dû à la fois, à sa structure physique et à sa structure chimique.
Balanes et propriétaires de bateaux cohabitent mal et cela ne date pas d’aujourd’hui : du temps des Phéniciens et des Romains, on évitait leur fixation sur les coques en recouvrant celles-ci de plaques de plomb. Au XVIIIe siècle, le plomb a cédé la place au cuivre ; de nos jours celui-ci a lui-même disparu au profit des peintures antifouling. Attention cependant, messieurs les plaisanciers : des bateaux protégés par cette technique peuvent être interdits de séjour dans certaines zones car ils ne sont pas
« inoffensifs » vis-à-vis de divers coquillages…
En vacances, « on a le temps » ou, du moins, il faut savoir le prendre ! Aussi, voici un petit exercice pratique de terrain : apprendre à distinguer quelques-unes des principales espèces peuplant nos côtes.
La plus commune, tout d’abord : Balanus balanoides dont le cône est formé de 6 plaques calcaires et qui possède 4 plaques operculaires. Certains individus peuvent avoir des habitats atteignant, à la base, 1 cm de diamètre. Leur zone habituelle de répartition correspond aux parties médiane et supérieure de l’estran.
Verruca stroemia se rencontre, essentiellement, dans la partie basse de l’estran. De diamètre semblable à la précédente, elle peut s’en distinguer aisément en comptant les plaques calcaires présentes : elles ne sont qu’au nombre de 4.
Balanus perforatus est « la géante » : certains cônes de 2,5 cm de diamètre basal, 6 plaques calcaires, de couleur rose. Elle vit, surtout, dans le bas de l’estran.
Signalons, enfin, Elminius modestus, originaire de Nouvelle-Zélande et qui est arrivée en Europe via la Tamise où elle a été identifiée pour la première fois à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
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Vous venez d'écouter "ÉTÉ - épisode 1", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.