Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - ÉTÉ - épisode 4", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
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Le poisson-chat sort ses griffes
Parmi les pêcheurs en eaux douces, rares sont ceux qui ne se sont pas trouvé un jour ou l’autre confrontés avec une bête bizarre… un affreux « silurien », à savoir un poisson-chat, Amerius nebulosus. Cette espèce est maintenant courante – trop courante même – dans maints marais, lacs ou rivières calmes possédant un fond ou un lit relativement meuble. Quand on pense qu’elle a été volontairement introduite d’Amérique vers les années 1880 ! La motiva- tion de cette entreprise, dans l’esprit de ses promoteurs, était double :
• d’une part, ce poisson est un grand consommateur de débris végétaux. Exploiter cette tendance pouvait être intéressante pour l’entretien des sites ;
• d’autre part, grâce à cette opération de salubrité biologique, il devait être possible d’obtenir des individus susceptibles de fournir des pièces recherchées par les pêcheurs, ce poisson étant fort apprécié aux États-Unis. Autrement dit, l’avenir pouvait être envisagé avec sérénité, l’Homme devant y trouver son bénéfice à tous les stades de développement de cette espèce. Mais, une fois encore, le fossé a été grand entre les prévisions et la réalité biologique. Certes, l’introduction a été une « réussite ». Cette espèce s’est merveilleusement bien adaptée à nos eaux mais elle n’a pas pour autant répondu aux espoirs mis en elle. Les plus beaux spécimens français ne dépassent que très rarement les 20 ans – contre 40 et plus pour les « Catfish » américains – et ne sont pratiquement jamais bien en chair. Les arêtes prédominent toujours, d’où la réalisation de filets devient des plus aléatoires. Pour compléter ce tableau, il faut noter que si la couleur originelle orangée subsiste, son goût naturel douceâtre est souvent masqué par un goût de vase !
Dommage, car sa pêche est à la portée de tous et dans un secteur à poissons-chats, il est difficile de rentrer bredouille : il y aura toujours certains d’entre eux prêts à piquer à n’importe quel appât ! La récupéra- tion de l’hameçon peut être délicate car, même sorti de l’eau, ces animaux continuent à piquer… douloureusement14 cette fois. Ils ne sont pas faciles à saisir : la peau de leur corps est en effet sans écailles et enduite d’un mucus épais. Il y a certes les nageoires mais, là encore, attention : la nageoire dorsale qui comprend 7 rayons mous possède en plus, un premier rayon dur et pointu qui est relié à une glande à venin ! Nous retrouvons ce même type de défense sur les nageoires pectorales. Ces deux rayons venimeux, un de chaque côté, sont continuellement dirigés vers l’exté- rieur, prêts à remplir leur office. De ce fait même, les prédateurs naturels respectent, pour la plupart, cette espèce (le pêcheur, lui, ne choisit pas…). Toutefois, des hérons cendrés peuvent fort bien se spécialiser dans cette pêche dangereuse. Par exemple, un jeune héron a été trouvé mort, les deux rayons venimeux d’un poisson-chat ayant traversé le cou de l’oiseau qui ne pouvait plus ni déglutir ni rejeter sa (funeste) capture.
Dans ce même ordre d’idées, des loutres peuvent mourir à la suite de perforations intestinales.
Toutes précautions de manipulation étant respectées, profitons de cette prise pour au moins examiner ce poisson. Sa tête, élargie et plate, porte 8 barbillons (4 à chaque mâchoire) et c’est sans doute à ces « moustaches » qu’il doit son nom… la bouche est très grande. La partie dorsale du corps est de couleur gris-brun olivâtre tandis que le dessous est soit blanc pur, soit jaunâtre comme d’ailleurs chez la plupart des espèces de poissons de fond. La période de frai se situe vers le mois de juillet dans des eaux de 18 à 20 degrés. La femelle dépose ses œufs dans une légère dépression préparée par le mâle. Chacun des œufs a un diamètre d’environ 3 mm. Ils sont pondus par paquets, une ponte totale pouvant représenter de 500 à 3 500 œufs. L’éclosion se produit une huitaine de jours plus tard. Dans les premiers stades de développement, le naissain est surveillé au moins par le mâle. Peu après ces jeunes font penser à des têtards nés hors saison. Ne succombez pas à cette similitude car, dès cet âge, ils possèdent déjà de quoi laisser des souvenirs cuisants à tout imprudent voulant en attraper… S’il est vrai que le poisson-chat consomme des débris organiques les plus divers, il n’en dédaigne pas pour autant les frais des autres espèces, les larves et mollusques aquatiques, ce qui évide sérieusement son image
« d’éboueur ». S’en débarrasser n’est pas tâche facile – ni souvent possible –
car même l’assèchement d’un lieu pendant plusieurs semaines ne le condamne pas s’il peut disposer de vase légèrement humide dans laquelle il attendra le retour de jours meilleurs…
Les méduses, la galère…
Les méduses ont parfois droit à la Une des journaux de l’été lorsque, par leur nombre, elles « réussissent » à rejeter le flot des baigneurs sur les plages. Il est vrai que vis-à-vis de ces animaux, il est bon de garder ses distances, tous les représentants de ces espèces possédant des armes empoisonnées capables d’immobiliser leurs victimes avant de les digérer. Certes, l’Homme ne fait pas partie de ses proies mais « qui s’y frotte s’y pique » car tout contact avec l’un des filaments pendant sous l’ombrelle (le corps) déclenche la libération immédiate de fines aiguilles empoisonnées contenues, au préalable, dans des cellules spécialisées : les nématocystes. La quantité de toxique ainsi inoculée n’est pas telle qu’un baigneur puisse être immobilisé mais elle sera suffisante, par contre, pour déclencher une réac- tion épidermique plus ou moins intense – et durable – selon les sensibilités individuelles… et l’espèce rencontrée (dans les mers chaudes, certains accidents mortels ont été enregistrés…).
Les « invasions » les plus courantes – surtout en Méditerranée – sont dues, c’est un comble, à l’espèce qui, apparemment, est la mieux adaptée à la vie en haute mer : chez cette méduse en effet, la Pelagia noctiluca, le stade où la larve vit fixée a disparu… Les risques s’accroissent après quelques années peu pluvieuses entraînant une augmentation du taux de salinité. L’ennui est, qu’une fois enclenché, le phénomène tend à se maintenir pendant environ 5 années…
Pourquoi venir s’échouer sur les plages alors que la haute mer leur est indis- pensable ? Tout simplement parce que lorsque l’on naît méduse, on ne fait pas ce que l’on veut. Si ces animaux ont presque résolu le problème de leur sustentation automatique dans l’eau grâce à leur poids qui est sensiblement égal à celui du volume d’eau déplacé (le sacro-saint principe d’Archimède) il leur suffit, pour maintenir cet équilibre vital, « d’onduler de leur ombrelle ». Par contre, ces pulsations ne peuvent, en aucun cas, être exploitées pour se déplacer où bon leur semble et, à plus forte raison encore, leur permettre de lutter contre les courants marins. C’est ainsi que nombre d’entre elles se trouvent parfois rejetées sur les grèves où, assez rapidement « elles fondront » au soleil tout en présentant une certaine phosphorescence.
Pour ceux – et celles – qui auront la chance de fréquenter des mers chaudes souhaitons-leur de rencontrer des galères portugaises, seuls lieux où leur navigation se maintient encore de nos jours. Ne cherchez pas des vaisseaux anciens mais des physalies qui sont, en fait, des colonies de méduses fort bien organisées : un individu – et un seul – assure la flottaison de l’ensemble (plusieurs centaines d’individus). C’est sa forme qui permet d’évoquer – avec bonne volonté – la silhouette d’une galère tandis que les autres membres de la colonie, selon leur spécialisation, participent à la nutrition, la capture des proies, la reproduction : autrement dit, la devise d’une physalie pourrait être « un pour tous et tous pour tous ».
Mais à propos, d’où les méduses tirent-elles leur nom ? De la mythologie : Méduse était l’une des 3 Gorgones dont Athéna avait changé les cheveux en serpents et dont le regard pétrifiait les êtres vivants. Vous comprendrez, en même temps, pourquoi de temps en temps pouvons-nous être médusés.
Géomètre papillonnaire, balanin des noisettes et autres parasites
Si « petit à petit l’oiseau fait son nid », les chenilles des Géométridés avancent à petits pas comptés qui rappellent l’allure des géomètres en pleine action… Pourquoi donc les chenilles de cette famille se singularisent-elles ainsi, ce qui leur vaut l’appellation évocatrice de « chenilles arpenteuses » ? Cette démarche particulière est une conséquence directe de différences anatomiques : ces chenilles ne disposent en effet que de 2 paires de fausses pattes, la paire anale et celle portée par le sixième segment abdominal. De plus – et ceci n’arrange rien – chez ces larves les segments médiaux, sans fausses pattes, sont bien développés. Pour surmonter ces handicaps, il a été nécessaire de faire appel à un mode de progression fonctionnel qui comprend les phases suivantes, faciles à observer sur le terrain car leur succession n’est pas des plus rapides ! Avant de se mettre en mouvement, l’animal s’accroche au support à l’aide de ses vraies pattes thoraciques situées à sa partie antérieure. Dans un deuxième temps, la chenille s’arc-boute afin de rapprocher ses fausses pattes du point d’ancrage. Ce mouvement achevé, elles prennent le relais ; ce qui permet à la chenille de se projeter en avant à la recherche d’un nouveau support qui sera trouvé après divers tâtonnements se traduisant par des mouvements saccadés faisant penser aux évolutions d’un automate. Le cycle sera bouclé dès que la chenille se sera débouclée ! Si la route à parcourir est plus longue, le schéma précédent se reproduira aussi souvent que nécessaire ; ce qui est une bonne occasion pour l’analyser à loisir…
Au repos, par contre, ces chenilles sont très difficiles à déceler car elles savent demeurer d’une immobilité parfaite se tenant droites fixées par leurs fausses pattes.
Si vous ouvrez un œil, vous ne tarderez pas à découvrir au moins l’une des 609 espèces susceptibles d’être rencontrées en France ; deux seulement seront évoquées. La Grande Naïade ou Papillonnaire, Geometra papilionaria, est une espèce assez commune ; les papillons évoluent de juin à août en milieu forestier. Au repos, ces animaux se posent sur les troncs, les ailes étalées ; ce qui représente une envergure d’environ 5 cm. À noter que, chez cette espèce, la chenille, avant l’apparition des bourgeons sur les arbres nourriciers – aulnes et bouleaux très souvent – est de couleur brune tandis qu’ensuite elle acquiert une couleur verte ; ce qui, évidemment, lui assure une protection accrue contre d’éventuels prédateurs.
Attention cependant : le changement de coloration ne se réalise pas comme chez un caméléon mais se produit à l’occasion d’une mue. Ne vous étonnez donc pas si un jour vous en découvrez qui ne sont pas encore dans le ton !
La zérène du groseillier (ou phalène mouchetée), Abraxas grossulariata, de taille un peu plus petite, vole, elle aussi, de juin à août. Les pontes sont déposées, préférentiellement sur les groseilliers et les pruniers. Dans quelques cas, la voracité de ces chenilles peut être à l’origine de problèmes locaux. Les papillons sont d’un blanc moucheté de noir avec des bandes orange, couleurs que l’on retrouve chez les chenilles dont les pattes et les stigmates sont teintés de jaune orange.
Du groseillier débarrassé de ses chenilles, si ces dernières défeuillent de façon un peu trop intense, jetons un coup d’œil aux noisetiers voisins où se dessinent déjà les promesses de la prochaine récolte qui, malheureuse- ment, n’intéresse pas que l’Homme! Parmi les compétiteurs à redouter, il faut citer le balanin des noisettes, Balanus nucum (aujourd’hui Curculio nucum), qui est un charançon de 6 à 9 mm, d’une coloration générale rousse plus ou moins cendrée.
Cette espèce est très pubescente. Les femelles sont dotées d’un rostre dont la longueur est supérieure à celle de l’animal lui-même. Très résistant, il peut traverser les enveloppes protectrices de la future noisette. Si l’attaque est précoce dans la saison le fruit ne se développe pas mais tombe peu après : en l’ouvrant, vous ne trouverez qu’une pourriture verte. Plus tardivement, l’évolution sera différente car il s’agit le plus souvent dans ce cas de fruits piqués par des femelles fécondées pour y déposer leurs œufs. En pratique, chaque dépôt d’œuf exige la mise en œuvre d’une technique bien particu- lière : dans un premier stade, la femelle, par son rostre atteint le fruit à travers les enveloppes florales. Cette galerie préparée, elle enfonce l’œuf grâce à son ovipositeur, se retourne, pond en surface, fait à nouveau demi-tour pour pouvoir… « à coups de rostre » enfoncer l’œuf jusqu’au fruit. En réaction à cette agression, une galle interne se développe qui servira de nourriture à la larve dès son éclosion. L’appétit de celle-ci étant grand, la galle est vite entiè- rement consommée ; ce qui la conduit à s’attaquer à l’amande elle-même. Au dernier stade larvaire, « le ver de la noisette » perce la coquille et se laisse choir à terre, la nymphose s’effectuant dans le sol. Évidemment, si vous cueillez les noisettes plus précocement, le cycle sera brutalement interrompu mais vous- même aurez peut-être à casser plusieurs noisettes avant d’en trouver une non occupée ! Voici une bonne réalité biologique à exploiter pour décourager vos enfants – ou petits-enfants – de casser les noisettes avec leurs dents !
Les ramasseurs de châtaignes peuvent, eux aussi, être victimes de malheurs similaires mais, ce qui apparaît logique, le responsable dans ce cas est le balanin des châtaignes, Curculio glandum (aujourd’hui Curculio elephas). En fait, cette espèce est plus fréquente encore dans les glands mais l’Occupation et les ersatz de café n’étant plus que de mauvais souvenirs, l’Homme a beaucoup moins l’occasion de la constater !
Tourteau et melon : même constat !
Pendant la période des grandes vacances, les crustacés ne sont pas à la fête : certains sont pourchassés dans leurs dernières retraites rocheuses tandis que de nombreux autres repartent en petits morceaux après avoir fait le régal de consommateurs avertis. Cette classe d’invertébrés est… surchargée : seules seront évoquées parmi les décapodes (5 paires de pattes) quelques espèces de Brachyoures c’est-à-dire des espèces chez lesquelles l’abdomen est de taille réduite et replié sous le « corps » de l’animal, en fait, le céphalothorax.
Pour attraper un crabe sans risque, la technique est simple : aplatis- sez-le, pas trop fort ! sur le sol puis, saisissez-le par l’arrière des pinces. Là, il est à votre merci. Il vous est alors loisible de l’examiner sous tous ses angles. En observant sa face ventrale vous saurez, par exemple, si vous avez capturé un mâle ou une femelle : la forme et la largeur de l’abdomen sont en effet caractéristiques. Chez le mâle, l’abdomen est étroit et triangulaire tandis qu’il est nettement plus large et renflé chez une femelle. Après la ponte, les femelles l’exploitent pour maintenir les œufs jusqu’à leur éclosion. Connaissant cela, sa taille se comprend aisément : une femelle de tourteau peut, par exemple, porter jusqu’à 3 millions d’œufs, d’un diamètre voisin de 0,4 mm, et ce, pendant près de 8 mois ! Ce dimorphisme sexuel est mis à profit par certains acheteurs de crustacés : mâle ou femelle ? Cela dépend des préférences de chacun en fonction de ce que l’on désire trouver… à l’intérieur mais une fois le sexe choisi, il faut ensuite savoir déterminer celui qui sera digne de votre court-bouillon (le critère suivant est surtout valable pour des animaux vivants). C’est simple : opérez comme pour un melon !
Soupesez votre capture « à l’étal », à volume égal, prenez le plus lourd.
Pourquoi ? Tout simplement parce que ces animaux à carapace ne peuvent croître que par mue. Peu après celle-ci, le crustacé se trouve au large dans
son nouvel « habit » d’où un rapport poids/volume faible. Au contraire, avant la mue, il manque d’espace vital et sa chair est ferme : vous avez tout compris et saurez maintenant « faire le bon choix ».
Si vous vous refusez à opérer cette discrimination, voici une technique qui vous retirera tout scrupule mais elle n’est pas applicable chez un pois- sonnier. Les pêcheurs de Patagonie n’attrapent pas toutes leurs araignées de mer dans des casiers : certains, ayant une femelle en leur possession, attachent fortement celle-ci à une longue corde et la relâche dans une zone jugée propice. La vérification en sera donnée au premier relevé : si le coin est bon, cette prisonnière, exploitée comme appât sexuel, sera recouverte d’araignées entremêlées… qui seront toutes des mâles. L’achat est fait. Il reste à le valoriser par une cuisson adaptée mais ici, pas de rubrique culi- naire : expliquons plutôt pourquoi les crustacés perdent leurs couleurs naturelles pour devenir uniformément rouge brique. La chaleur provoque la destruction d’une substance organique de la carapace qui libère alors un caroténoïde orange. Comme toujours, il existe des exceptions. Parmi elles :
• le crabe marbré, de forme presque carrée (il faut qu’il se distingue !), de couleur brun foncé agrémentée de traits et points plus sombres. En captu- rerez-vous ? Vous en verrez facilement, certes, mais ils sont d’une agilité remarquable et savent, de plus, prendre des attitudes fort dissuasives en redressant, par exemple, leurs pinces à la verticale ;
• le grain de pois (sans d) qui est ce petit crabe que vous pourrez découvrir, sans plaisir cette fois, dans un plat de moules, ce n’est pas un parasite mais un squatter de ces mollusques, profitant de l’abri offert par leurs coquilles et des courants d’eau dans lesquels il prélève, au passage, sa nourriture ;
• sur les rochers, l’espèce la plus courante, le crabe enragé, peut revêtir des habits de couleurs diverses. Si, pour vous en faire une cuisine (expres- sion charentaise), vous êtes contraints de retourner des rochers, n’oubliez surtout pas de les remettre ensuite en place afin de ne pas détruire toute la faune et la flore inféodées au littoral marin et qui ne peuvent survivre que dans des conditions écologiques bien précises.
Fouines et martres
Fouines et martres sont des carnivores de notre faune aisés à distinguer l’un de l’autre par simple observation de la couleur de leur bavette : si celle-ci est blanche, il s’agit d’une fouine ; celle de la martre étant jaune. Leur biologie est bien distincte, aussi ces deux espèces n’ont-elles pas
du tout les mêmes rapports éventuels avec l’Homme. Les convergences physiologiques sont en revanche nombreuses et, parmi elles, il faut souli- gner tout de suite le phénomène d’implantation retardée des embryons. Ces animaux sont en rut en été et s’accouplent peu après mais les ovules ne se fixeront, réellement, que quelques mois plus tard. La mise bas se produira vers mars-avril ; ce qui sous-entend que ces animaux ont une gestation apparente de neuf mois alors qu’en réalité, la gestation, au sens habituel de ce terme, ne dure que neuf semaines.
La fouine
La fouine, Martes foina, est pour les Allemands, la martre des maisons. Avant les Croisades, sa présence dans les habitations était appréciée à sa juste valeur en raison de leur habileté à chasser les rats. C’est un animal à tête courte, triangulaire, aux yeux marron foncé, au nez couleur chair. Les oreilles triangulaires, elles aussi, sont courtes et larges. La queue est touffue. La coloration générale du pelage est brun assez gris avec, en contraste, la tache blanche qui recouvre la gorge et se prolonge vers ou même sur les pattes antérieures. Les mensurations moyennes d’un adulte sont les suivantes : longueur corporelle, 45 à 50 cm pour un mâle, 40 à 44 pour une femelle ; longueur de la queue, 25 à 27 pour un mâle, 23 à 25 pour une femelle. Il est normal, dans ces conditions, que les femelles soient un peu plus légères (de 1,1 à 1,5 kg) que les mâles (1,7 à 2,1). Excellente grim- peuse, pouvant se faufiler par des orifices de 8 cm de diamètre, la fouine peut se rencontrer un peu partout en France, Corse exceptée.
Si, de nos jours, la présence d’une fouine dans une habitation est, le plus souvent, assez mal acceptée par le propriétaire des lieux, il faut rappeler que, jusqu’au Moyen Âge, cette espèce était un animal domestique. Les Croisades n’ont, c’est évident, pas fait disparaître celle-ci mais elles ont permis l’introduction des chats, tout à la fois chasseurs de rats et compa- gnons… moins sauvages. J’hésite à employer le qualificatif de « domestique » car, à mon point de vue, le chat est le seul animal qui ait réussi à domesti- quer l’Homme et non pas à se faire domestiquer par lui. Observez les chats : ils font bien ce qu’ils veulent et ce, quand ils en ont envie !
Dans ces conditions, évoquer la durée de vie d’une fouine devient aléa- toire : sans « accident de parcours » son espérance de vie est de l’ordre de 8 à 10 ans. En France, elle subsiste encore un peu partout, même dans les grandes villes où, contrainte à prendre ses distances avec l’Homme, elle s’observe plus facilement !
Cette espèce ne creuse jamais de terrier. Pour s’installer elle recherche, préférentiellement, non seulement des emplacements rarement visités par l’Homme – les temps ont changé ! – mais, également, peu soumis à des fluctuations importantes de températures. Pour les atteindre, elle mettra à profit ses qualités de grimpeuse ou même de descendeuse, la tête la première et pourra se faufiler dans des orifices relativement étroits (8 cm de diamètre lui suffisent). À l’exception de la période du rut, la fouine est un animal strictement nocturne, actif surtout en début et fin de nuit.
Avec ce carnivore, comme chez la martre, il y a implantation retardée des embryons si bien que ces animaux ont une gestation apparente de 9 mois mais celle-ci, au sens habituel de ce terme, n’est que de 9 semaines, la mise bas se produisant en mars-avril. Le couple ne reste pas uni après la mise bas, le mâle étant, à ce stade, chassé par la mère qui s’occupe seule de sa progéniture de 2 à 4 jeunes. Elle les allaite pendant, environ, deux mois mais dès 6 semaines, leur ration comprend également des proies rapportées au gîte. À trois mois, ils sont capables de se nourrir tout seuls… ce qu’ils devront prouver car c’est à leur tour d’être chassés du territoire maternel. La fouine est souvent considérée comme un carnivore sanguinaire, « tuant pour tuer ». Il s’agit là, en réalité, d’un comportement instinctif qui impose de tuer tant que cela bouge encore. Ceci explique aussi bien certains des carnages spectaculaires qui lui sont reprochés que cette observation où, d’un poulailler, seule une poule fut épargnée car, « couveuse consciencieuse », elle n’avait absolument pas bougé !
Abriter, chez soi, un tel animal ne paraît donc pas réjouissant a priori. Attention aux conclusions hâtives : cela, au contraire, peut être une bonne assurance car la fouine ne s’attaquera jamais à des volailles proches de son gîte afin, semble-t-il, de ne pas faciliter la découverte de celui-ci. En revanche, elle ne supportera pas la présence de surmulots auxquels elle livrera une guerre acharnée… et victorieuse. Avoir une fouine chez soi, c’est donc être gagnant sur ces deux tableaux… à la condition de savoir, parallèlement, supporter ses cavalcades nocturnes parfois fort bruyantes !
Si certaines de vos nuits sont troublées par ces sarabandes, avant de porter une accusation, il est toujours prudent de rechercher une preuve irréfutable : une inspection des lieux doit vous permettre de découvrir des laissées – les crottes – noirâtres, d’une dizaine de centimètres de longueur et d’un diamètre voisin de 1 cm. Certains scientifiques ont étudié, systéma- tiquement, ces indices afin d’aborder le problème du régime alimentaire de la fouine. Un des résultats obtenus a été la mise en évidence d’une
tendance nettement frugivore de cette espèce qui apprécie tout particu- lièrement les cerises et qui peut aussi… avaler des morceaux de papiers d’emballage ou de ficelle.
La martre
La martre, Mustela martes, espèce sylvicole, a une tête plus large que celle de la fouine et de coloration plus claire que le reste du corps. Chez cet animal, les oreilles, régulièrement arrondies, sont dressées. Le museau est pointu. Le pelage du dos, brun foncé, contraste avec celui de la zone ventrale encore plus foncé. La tache de la gorge est, rappelons-le, jaune orange clair. Un adulte pèse de 1 à 2 kg pour une longueur corporelle de 45 à 52 cm à laquelle il faut ajouter de 22 à 25 cm pour la queue qui est très fournie en poils.
La martre n’est pas très commune en France ; elle manque en Corse et dans le Nord-Ouest tandis qu’elle est très rare dans le Midi. Son habitat préférentiel est représenté par les grandes forêts et les bois de pins ou sapins. La martre n’aime pas fréquenter les zones broussailleuses tandis qu’elle peut fort bien évoluer dans des futaies. Ce qu’elle fuit, avant tout, c’est l’Homme et là, il est difficile de lui donner tort car les rapports ne sont pas bons ! Ce carnivore est, en effet, un chasseur émérite ; ce n’est pas apprécié – mais pas du tout – des chasseurs… bipèdes. La martre est le seul prédateur qui s’attaque régulièrement à l’écureuil dont l’agilité, bien connue de tous, est loin d’être une défense suffisante. De plus, la martre est, elle aussi, très agile et sait, si nécessaire, aller le traquer jusque dans ses repaires les plus secrets.
Animal très éclectique dans ses menus, la martre mettra à profit tout ce qu’elle pourra trouver dans le domaine qu’elle prospecte, de nuit : oiseaux – et œufs – petits mammifères, insectes, fruits et même miel ce qui est, parfois, à l’origine d’attaques de ruchers placés en bordure de forêt.
Ses laissées sont caractéristiques : noires, contournées et dégageant une forte odeur de musc. Elles sont exploitées par l’animal lui-même pour marquer son territoire et c’est pourquoi elles sont très souvent bien en évidence.
Découvrir une fouine ou une martre dans son milieu naturel n’est pas un spectacle qui sera donné à chacun de nous mais le cas échéant – l’espoir fait vivre ! – connaissant, maintenant, leurs milieux préférentiels respectifs, la détermination de l’espèce vous sera facilitée, même si vous ne distinguez pas clairement la couleur de la bavette…
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Vous venez d'écouter "ÉTÉ - épisode 4", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.