Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - HIVER - épisode 1", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
[Musique]
Hiver.
Volent les écureuils, grandissent les montagnes de la nuit - Mitsuhashi Toshio
Hiver.
Où l’on se demande si le gui est vraiment un parasite et où l’on parle du seul animal qui a su domestiquer l’Homme.
Hiver.
Où l’on raconte l’histoire d’un casse-noix avec des ailes, d’une pelote à la carte et d’une longue langue de soies pour retenir les petites proies.
Hiver enfin, où l’on s’émerveille devant des oiseaux qui n’ont pas le même langage, un rat trompette à la queue « rame-godille » et de nouvelles collections hiver et été, en plumes.
Au gui, l’an neuf !
Une nourriture d’hiver pour les oiseaux
Chaque année, nombreux sont ceux qui perdent la boule lors des embras- sades sous le gui aux douze coups de zéro heure ! Savent-ils, par exemple, qu’il existe des boules mâles et des boules femelles. Chez les mâles, pas de pétales mais quatre « tépales » ouverts en croix : chez les femelles, les fleurs sont disposées, deux à deux ou trois à trois, à l’aisselle des rameaux. En décembre, les baies sont encore blanches et transparentes. Pour acquérir leur pouvoir germinatif, il semblerait qu’elles doivent auparavant subir l’action du froid. Trois races de gui peuvent se rencontrer en France : la plus commune est le gui des feuillus qui peut vivre aux dépens d’au moins cent vingt essences ; ce qui, malgré les fêtes de fin d’année, lui assure sans doute encore de beaux jours…
Si les touffes de gui, Viscum album, qui habillent certains arbres, surtout les pommiers et les peupliers23, sont connues de tous, la biologie de ce végétal demeure assez mystérieuse pour nombre d’entre nous. Il est aisé de se faire « coller », dans les diverses acceptions de ce terme, à son sujet. Première « colle » : le gui est-il, ou non, un parasite ? La réponse est : oui puis non ! En effet, tant que la plante n’a pas développé ses premières feuilles, elle vit en parasite aux dépens de la plante-hôte dans laquelle elle enfonce des suçoirs pour se nourrir. Ensuite, lorsqu’elle pratique elle-même la photosynthèse, elle ne se comporte plus en parasite. D’aucuns prétendent que le gui pourrait même revigorer certains vieux arbres pendant l’hiver confortant l’adage selon lequel « qui enlève le gui fait mourir l’arbre ».
Cette affirmation reste à démontrer tandis que ce qui est sûr, par contre, est que trop de touffes de gui sur un arbre le condamnent !
Afin de respecter cette évolution physiologique, les botanistes ont donc classé le gui parmi les hémi-parasites.
Deuxième « colle » : comment se fait-il que le gui, à feuilles caduques, conserve toujours des feuilles ? Cela tient à la durée de vie de ces dernières, qui est de l’ordre de 18 mois : lorsqu’elles tombent, d’autres sont déjà en place et la touffe garde cet aspect de verdure persistante. Avant de nous inté- resser plus particulièrement aux rapports oiseaux-gui, approchons-nous ; ce qui nous permettra de noter que toutes les touffes de gui ne sont pas porteuses de boules. Le gui est une plante dioïque (à sexe séparé) : seules donc, les touffes femelles présenteront des baies. Les fleurs mâles, dénom- mées tépales, ne possèdent ni pétales, ni étamines : le pollen s’en échappe par une multitude d’ouvertures microscopiques.
Le gui se développe très lentement, au rythme d’un « étage d’articles »24 par an ; ce qui permet de déterminer aisément l’âge d’une touffe donnée. Entre l’accrochage (le collage !) d’une graine et la formation d’une touffe femelle apte à être exploitée pour la décoration, il faut compter dix à quinze ans.
Plusieurs espèces de gui peuvent se rencontrer en France mais seules, celles inféodées aux arbres feuillus, produisent des boules blanches et arrondies. Celles associées au pin ou au sapin sont piriformes et d’un blanc sale. Une dernière précision : le gui sacré que récoltaient les druides avec leurs serpes d’or était uniquement prélevé sur des chênes. Les druides ont disparu tandis que, dans notre pays, subsiste seulement une quinzaine de chênes porteurs de gui…
Connaissant la composition d’une baie, il est aisé de comprendre le mécanisme de propagation de cet hémi-parasite : le noyau est englobé dans une substance mucilagineuse, la viscine « qui s’attache » fortement à quiconque s’intéresse à elle ! Essayez d’en écraser une entre vos doigts : vous réussirez sans difficulté mais il n’en ira pas de même pour vous en débar- rasser. Cette substance était autrefois utilisée pour la fabrication de la glu. L’infestation directe par chute d’une baie mûre sur un support favorable est possible mais, le plus souvent, la propagation se réalise par contamina- tion indirecte et, en ce domaine, certaines espèces d’oiseaux jouent un rôle prépondérant. Si la grive draine est l’un des disséminateurs les plus zélés du gui, le transport de graines par voie digestive est fréquent chez d’autres oiseaux. Ceux qui fréquentent les dortoirs d’étourneaux en savent quelque chose. En hiver, les taches jaunes émaillant le blanc crémeux des fientes correspondent chacune à un grain de maïs entier. Dans les dortoirs d’été, le maïs est absent mais, par contre, l’abondance des noyaux de cerise « bien propres » révèle l’attraction qu’exercent ces fruits sur les étourneaux. Dans le midi, un peu plus tard, les cerises cèdent la place aux olives. Un chiffre à méditer à ce propos : si, dans un dortoir d’un million d’étourneaux – cas assez fréquent maintenant – un oiseau sur deux expulse, pendant la nuit, un ou deux noyaux (il peut en avoir plus « en attente ») ce sont de 500 000 à 1 000 000 de noyaux qui joncheront le sol chaque matin… Nous en signalerons quatre autres : deux d’entre elles aident à la propagation du gui tandis que les deux autres la freinent.
Tout d’abord la fauvette à tête noire, Sylvia atricapilla (dont le capuchon de la tête n’est noir que chez le mâle), est une « disséminatrice locale » : à une vingtaine de mètres de la touffe-mère. Cet oiseau « se régale » unique- ment de la pulpe ; aussi essaie-t-il de se débarrasser au plus vite du noyau en le « collant » sur tout support voulant bien le retenir. La graine, intacte, ne demandera qu’à germer si ce support lui est favorable.
La grive draine assure, par contre, une « dissémination à distance » car elle avale la baie entière, la partie charnue et le noyau se séparant au cours du transit intestinal. Comme les sucs digestifs de cet oiseau n’altèrent en rien le pouvoir germinatif, le devenir ultérieur des graines expulsées dépendra uniquement de leur point de chute. Une précision : le nom latin de la grive draine est Turdus viscivorus, « la mangeuse de gui ». Les noyaux, laissés pour compte par les fauvettes, sont une aubaine pour les mésanges bleues, Parus caeruleus, qui en sont friandes. Avant d’être ingé- rées, ces graines sont mises en morceaux si bien que, dans de nombreux cas, les mésanges évitent à l’arbre porteur de touffes de gui femelles d’être surinfesté et donc condamné.
Dernier « anti-gui » cité : le pigeon ramier, Palumba columbus (la palombe du Sud-Ouest). Son comportement alimentaire est similaire à celui de la grive draine mais, dans le cas présent, sous l’action des sucs digestifs, les graines qui seront « restituées » entières ultérieurement auront perdu leur pouvoir germinatif.
Il est bien évident que le taux de noyaux tombant sur des supports favo- rables à un développement ultérieur est infime et, dans un certain sens, il faut s’en réjouir.
Même si les chances de survie d’une graine de gui sont d’une sur 10 à 15 000, cette espèce n’est nullement menacée comme vous pourrez vous en rendre compte lors de vos promenades.
L’art d’éliminer la concurrence, les rapaces
Cette situation sera abordée par le biais des rapaces diurnes et de la compétition susceptible de se développer entre diverses espèces recherchant leur nourriture dans un même milieu.
Plusieurs cas de figure doivent être envisagés. Tout d’abord celui des
« spécialistes » comme, par exemple, en France le Circaète Jean-le-Blanc qui ne se nourrit pratiquement que de reptiles ou, en Afrique, l’aigle de Verreaux dont le régime est à 99,9 % à base de damans (rongeurs). C’est, dans cette situation, le comportement territorial qui joue un rôle prépondérant.
Pour des espèces « aux goûts plus variés », une compréhension de la réalité biologique exige des études plus complexes mais aux résultats fort instructifs ! Avant tout, il faut bien comprendre que si chaque espèce peut consommer un éventail plus large de proies, ceci ne signifie nullement qu’elle attrapera tout ce qui se présente. Chacune a ses limites : un aigle, malgré certains articles de presse, ne s’attaquera pas à un enfant ou à un mouton. Physiquement il en est incapable. Il ne « s’amusera » pas non plus à « courir après des moineaux » respectant ainsi, sans le savoir, « l’indice d’appétence » selon lequel un prédateur portera ses activités de chasse sur des proies telles que le rapport de l’énergie apportée par la capture réalisée à l’énergie dépensée pour cette action, soit bénéfique pour l’animal.
Il ne faut pas en conclure pour autant que, plus une proie sera abon- dante, plus elle sera recherchée par le prédateur car il faut envisager aussi sa facilité – ou difficulté – de capture. Ceci explique, par exemple, que ce sont très souvent des individus isolés ou inexpérimentés qui payent un lourd tribut tandis que des groupes bien organisés, mettant en pratique l’idiome
« l’union fait la force », se défendent plus efficacement contre des attaques éventuelles. En ce domaine, les étourneaux savent y faire…
Chaque rapace a donc développé ses propres techniques de chasse ; ce qui élimine déjà une part des phénomènes compétitifs – la « concurrence » ! – susceptibles de se créer dans une zone donnée où cohabitent plusieurs espèces. D’autres facteurs visent encore à réduire ceux-ci et, parmi eux, un rôle important peut être attribué aux besoins propres du prédateur, besoins qui sont toujours plus ou moins en rapport direct avec sa taille. Ainsi, aux États-Unis, il est possible de rencontrer 3 espèces de rapaces diurnes appartenant au genre Accipiter. Elles sont de tailles bien distinctes ; ce qui conduit, déjà, à 3 catégories de proies potentielles. Mais, allons plus loin : pour chacune de ces espèces, il existe un dimorphisme sexuel très marqué si bien, qu’en réalité, nous ne nous trouvons plus en face de 3 catégories mais de 6. C’est cette différence de taille qui a valu, par exemple, à notre épervier – du genre Accipiter lui aussi – le nom de Tiercelet car… « sa moitié » est environ 3 fois plus grande que lui !
Les 6 listes de proies potentielles qui ont pu être établies présentent, certes, des plages de recouvrement mais celles-ci n’ont pas une ampleur telle, que la compétition jouant à leur niveau puisse avoir normalement une influence sensible sur les chances de survie des individus. Chacun d’eux peut en effet trouver en dehors de ces espèces communes de quoi se nourrir sans difficultés insurmontables.
Un dernier cas de figure retiendra, maintenant, notre attention. Rentrent dans cette catégorie des espèces ayant des modes de chasse semblables, des proies identiques comme, par exemple, les 3 espèces de busards pouvant se rencontrer en France. Les recherches entreprises ont mis en évidence que, dans ce cas, l’absence pratique de compétition est due à l’intervention de facteurs beaucoup plus subtils comme, par exemple, l’échelonnement dans les dates de nidification, les rôles respectifs des mâles et des femelles lors de l’élevage des jeunes… ce qui, en fin de compte, revient à créer une sorte d’isolement écologique annulant, ainsi, la possibilité d’une réelle compétition sur le terrain.
« Appeler un chat, un chat »
L’expression populaire souhaitant que l’on appelle un chat, un chat ne peut que séduire en raison de son objectivité mais nous allons voir que son application aux Félidés précisément ne va pas sans soulever quelques difficultés ! Pour ces derniers, en effet, bien des appellations traditionnelles mériteraient d’être revues car « non heureuses» diraient les latinistes en pensant à Félix le chat.
Il convient tout d’abord d’être en mesure de pouvoir distinguer sans ambiguïté un chat domestique d’un chat sauvage. Ces deux qualificatifs, non explicités, prêtent, en effet, à critiques : des chats domestiques peuvent retourner à la vie sauvage tandis qu’il est connu des exemples de chats sauvages ayant adopté la vie domestique… La solution à ce dilemme se
trouve dans un retour aux sources zoologiques : les chats domestiques sont des Felix catus, les (vrais) chats sauvages des Felix sylvestris. Cette précision suggère simultanément d’abandonner cette appellation de « chat sauvage » au profit de « chat forestier » ; ce qui, d’un même coup, supprime bien des ambiguïtés tout en précisant le milieu naturel de vie de cette espèce.
Reste « le groupe » des Felix catus où, afin de mieux cerner la réalité biologique, il va nous falloir envisager des subdivisions : il y a, en effet, des chats plus ou moins domestiques ou domestiqués ! Premier groupe : les « braves matous » qui attendent tout de ceux qui s’en croient les propriétaires oubliant ainsi que ces chats sont les seuls animaux qui ont su domestiquer l’Homme (ou peu s’en faut !). Nous les désignerons sous le nom de chats familiers. Deuxième groupe : les chats domestiques qui sont, en quelque sorte, des animaux commensaux de l’Homme. Ils ont, plus ou moins, le droit de pénétrer dans les habitations, reçoivent de la nourriture quand il y a des restes ; ce qui les incite grandement à errer de-ci, de-là d’où le qualificatif d’errant qui s’attache à eux (... plus que les Hommes auprès desquels ils vivent !). Troisième et dernier groupe : les chats harets (à la fourrure unie, tachetée ou, parfois à raies) qui mènent une vie totalement indépendante de l’Homme : chats abandonnés par des maîtres indignes, chats perdus ou descendants de ceux-ci qui, dans ce cas, n’ont jamais eu de contact avec l’espèce humaine.
Ces distinctions, claires et se référant à la réalité… de tous les jours, n’ont malheureusement pas reçu l’agrément du législateur. Pour ce dernier, en effet, le terme d’errant s’applique « à tous les animaux qui ne sont pas sous la surveillance directe de leur maître ». Étant donné leur indépen- dance naturelle, rares sont les chats qui, à un moment ou à un autre, ne se comportent pas en chats errants ! Les études éthologiques réalisées sur les Felix catus autorisent un autre critère de distinction entre les « vrais » chats errants et les chats harets : tout animal rencontré à plus de 1 000 mètres d’une habitation a de fortes chances d’être un « vrai » chat haret. Dans le cas inverse, il s’agit le plus souvent de chats errants tels que nous les avons définis ou de chats familiers « en vadrouille occasionnelle ».
Éloignons-nous, nous aussi, des habitations, pénétrons en forêt : comment, en cas de rencontre avec « un chat » savoir si l’on se trouve en présence d’un chat forestier ou d’un chat haret ? Observer le pelage tout d’abord : s’il n’est pas tigré, pas de problème : c’est un Felix catus : si son pelage, par contre, est tigré méfiez-vous de conclusions hâtives car, dans ces conditions, même des spécialistes confirmés sont prêts à y perdre leur latin
(catus ou sylvestris !). Le meilleur critère de détermination est le rapport de deux mesures crâniennes à moins que vous vous promeniez dans une région où le chat forestier n’existe pas. Dans les autres – et principalement dans le quart nord-est de notre pays – il faut savoir que le chat forestier a des mœurs essentiellement crépusculaires et matinales et que son habitat préférentiel correspond à des forêts de feuillus présentant des clairières.
Le reste du temps, il se repose (en dormant d’un œil !) ou prend des bains de soleil… Il fréquente surtout les lisières car c’est un animal qui chasse à l’affût en milieu découvert. Ses proies sont, dans un très fort pourcen- tage (95 %), constituées de rongeurs ; ce qui révèle bien que ce Félidé ne représente pas une menace pour le gibier.
Le chat forestier peut mesurer, du bout du museau à l’extrémité de la queue, de 80 à 115 cm – dont 30 à 35 pour cet appendice caudal qui est plus ou moins nettement tronqué. Donner un poids moyen est beaucoup plus délicat en raison des variations saisonnières qui peuvent atteindre 2 kg : mâle, de 5,5 à 7,5 kg ; femelle, de 4 à 5 kg.
Chez un adulte, la queue cylindrique et bien fournie en poils, est ornée d’anneaux noirs en nombre variable : le plus souvent 2, très nets, précédant le manchon terminal noir et d’autres, plus ou moins effacés. Jusqu’à 6 mois environ, les jeunes ont une queue mince et pointue.
Cette espèce a une saison annuelle de rut (mi-janvier-fin février), une portée moyenne comprenant de 2 à 6 chatons qui, à la naissance pèsent de 100 à 150 g comme les chatons domestiques. Par contre, ils sont élevés plus à la dure : la chatte ne prépare pas de nid douillet mais les dépose sur un substrat dur parfaitement nettoyé (trou, dans un stère, un roncier ou, quelquefois, en hauteur dans un arbre). L’allaitement maternel est leur nourriture exclusive pendant un mois. Ils deviennent indépendants à l’âge de 3-4 mois mais, fréquemment, ils demeurent encore quelque temps avec leur mère, chassant de conserve avec elle. La maturité sexuelle est acquise en fin de première année. L’espérance de vie est de l’ordre de 12 à 15 ans. Les chats forestiers ont quelques points communs avec les chats domes- tiques. Par exemple, ils miaulent, ronronnent, ne descendent pas des arbres la tête en avant mais, par contre, il ne semble pas qu’ils enterrent – systéma- tiquement du moins – leurs excréments pouvant exploiter ceux-ci comme marquage olfactif (et optique?) de leur territoire, À ce propos, une nette différence existe entre mâles et femelles : ces dernières sont beaucoup plus sédentaires et se « contentent » d’un territoire 2 à 3 fois plus petit que celui
des mâles… ce qui représente, quand même, environ 75 hectares.
Cette espèce, depuis sa mise en protection, n’a plus, théoriquement, à redouter l’Homme mais, en pratique, celui-ci demeure une menace sérieuse par ses interventions sur le milieu sylvestre, des piégeages aberrants et la circulation automobile. Un autre facteur de mortalité peut revêtir, certains hivers, une grande influence : la disette alimentaire particulièrement à craindre lors de longues périodes enneigées.
Si la présence de chats harets peut représenter un danger pour la faune sauvage, il n’en va pas de même pour le chat forestier étant donné son spectre de proies préférentielles.
Le chat forestier appartient aux espèces légalement protégées.
La genette : un chat… qui n’en est pas un !
Si la genette et le chat ont pratiquement la même taille, leur morphologie est quand même bien distincte : la genette est plus courte sur pattes, a une silhouette plus fine, plus allongée et, ce qui attire l’œil, est porteuse d’une longue queue pourvue de 8 à 10 anneaux foncés. Présence, aussi, sur le cou et le dos de taches noires ou brunes foncées formant 5 rangées longitudi- nales de part et d’autre d’une rayure médiane foncée. La coloration générale de l’animal est de gris jaunâtre à gris brun avec une face ventrale un peu plus claire, à moins que, comme cela m’est arrivé au Kenya, vous ne vous trouviez confronté avec un individu mélanique… donc entièrement noir !
Chez la genette, au pelage revêche, les griffes sont seulement semi- rétractiles ; ce qui, là encore, la différencie du chat : la genette n’est pas un Félidé mais un Viverridé.
Son nom français provient de l’espagnol « gineta » qui signifie « genêt » mais, en réalité, il est possible de rencontrer ce carnivore dans bien d’autres biotopes. Son mode de pénétration en Europe n’est pas connu avec certitude. Pour les uns, elle serait venue du Maroc avant que l’Afrique ne se sépare de l’Europe. Pour d’autres, elle aurait été introduite par les Arabes dès le IXe siècle. Une chose, par contre, est sûre : lorsque Charles Martel arrêta les Sarrazins à Poitiers en 732, il récupéra dans le butin saisi nombre de peaux de genette et même des animaux vivants ; ce qui lui donna l’idée de créer l’Ordre de la Genette destiné à récompenser ses plus vaillants soldats.
Cette espèce a été exploitée comme moyen de lutte biologique anti- rongeurs dans de nombreux pays, dont l’Egypte, tandis qu’en France elle s’est hissée au rang d’animal de compagnie. C’est ainsi que vous pourrez en voir représentées sur la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne.
Rejetée ensuite au profit du chat domestique, cette espèce s’est maintenue à l’état sauvage et en 1972, a bénéficié du statut d’espèce protégée. Ses effectifs actuels sont en accroissement et des genettes peuvent se rencontrer non seulement dans le Sud-Ouest mais aussi dans le Centre, la Haute- Marne et à l’est du Rhône.
En pratique, les rencontres sont rares et surtout brèves car il s’agit d’un animal solitaire, aux mœurs essentiellement nocturnes, très craintif et sachant fort bien se dissimuler. Très sédentaire, la genette connaît parfaitement tous les coins et recoins du domaine où elle se déplace avec agilité et sans avoir, pourrait-on dire, regardé où elle pose ses pattes. Des expériences permettent de concrétiser cette affirmation : des obstacles ayant été déposés sur certains de ses passages traditionnels, la genette les évite très facilement soit en les contournant soit en sautant par-dessus. Cette habitude devient vite pour elle une seconde nature, si bien que même si ceux-ci sont enlevés, elle conservera le même mode de progression !
Le régime alimentaire de la genette est constitué essentiellement de petits rongeurs, mais, si l’occasion s’en présente, les oiseaux ne sont pas dédaignés pour autant. En été elle peut, de plus, adjoindre divers fruits à sa carte.
Une dernière différence à signaler vis-à-vis du chat : une genette peut fort bien descendre le long d’un tronc d’arbre la tête la première. Ceci n’est pas une raison cependant pour que vous confondiez genette et écureuil…
La châtaigne et le dindon
À la période des fêtes, il est souvent question de marrons tandis que les châtaignes qui ont été, il y a seulement quelques mois, le prétexte à d’agréables sorties en forêt, sont totalement ignorées. Comment expliquer ce brusque changement d’appellation ?
Le marron, pour beaucoup, est le fruit – non comestible – du marronnier d’Inde, Aesculus hippocastanum, ornement de nombreux parcs et jardins tandis que c’est le châtaignier, Castanea, qui produit les châtaignes comestibles. Jusqu’à ce point du raisonnement, l’accord est facile à obtenir mais c’est ensuite que tout peut, très facilement, prêter à confusion… En raison des possibilités agro-alimentaires offertes par les différentes espèces de châtaignes – cultivées ou non – il a été nécessaire de distinguer dans la production castanéicole, deux types de châtaignes, les unes restant des
« châtaignes », les autres méritant la qualification de « marrons ». Seront regroupées dans cette dernière catégorie, les variétés donnant un fruit à
une seule graine et dont l’amande n’est pas cloisonnée. Quant aux fruits à deux ou plusieurs graines et dont l’amande est cloisonnée, ce seront des châtaignes. Évidemment, cette classification « tranchée » est théorique : la réalité est plus nuancée ; une variété mérite la qualification de marron lorsque la proportion moyenne de fruits cloisonnés est inférieure à 12 %. Elle mérite, en revanche, la qualification de châtaigne lorsque cette même proportion est supérieure à 12 %.
Voilà, maintenant tout est clair et, tout risque de « mésemploi » écarté : si vous souffrez de rhumatisme et si vous croyez aux vertus des marrons d’Inde portés dans la poche… ramassez bien des marrons d’Inde et non… des « marrons-châtaignes ». Au contraire, sélectionnez ceux-ci pour entourer ou garnir votre dinde de Noël sinon, le repas de fête risquerait de mal se terminer !
Si, autrefois, le principal débouché pour ces fruits était la consommation en frais, de nos jours, c’est l’industrie agro-alimentaire qui est le premier demandeur. À elle seule, la fabrication de marrons glacés utilise, par exemple, de 1 200 à 1 500 tonnes par an.
Les balanins sont des insectes susceptibles de parasiter les châtaignes. Savez-vous que ceux-ci, aidés par les Carpocapses, peuvent, en années normales, attaquer jusqu’à 30 à 40 % des fruits si les arbres ne sont pas traités aux moments opportuns. Lors de vos récoltes en forêt, pensez-y afin de ne pas vous charger en vain… et en asticots !
Mais, plutôt que de nous apesantir sur des châtaignes farcies de balanins, mieux vaut songer aux dindes farcies de marrons… même si, dans bien des cas, ces « dindes » sont, en réalité, des dindons, l’usage courant réservant le terme de dinde aux animaux de consommation quel que soit leur sexe.
Le dindon est le seul oiseau d’Amérique du Nord à avoir été domestiqué. L’espèce sauvage du Mexique, Meleagris gallopavo, était déjà exploitée par les Indiens 600 ans avant J.-C. Il a été importé en Europe en 1523 et était, alors, dénommé – évidemment – coq d’Inde puisqu’il provenait… des Indes occidentales.
La première mention française de son utilisation en cuisine apparaît être celle relative au festin de noces de Charles IX, en 1575, tandis que le premier élevage connu aurait été réalisé sous Louis XII.
Très rapidement, le dindon – sous forme de dinde – a détrôné pour les grandes fêtes le paon qui, depuis, a pu – et peut – se pavaner sans avoir à redouter… les maîtres queux ! Le plumage du dindon présente des reflets métalliques. Le mâle, tout comme le paon, peut étaler sa queue en éventail
mais celle-ci n’est pas aussi décorative ! La caroncule, charnue et érectile, est exploitée bien souvent comme prise lors de combats entre mâles. Elle n’en souffre pas car elle a la consistance du cuir. La fin du combat est ritua- lisée : celui qui se sent dominé fait arrêter le combat en s’accroupissant devant son adversaire tandis qu’il pose la tête et le cou sur le sol. Cette attitude fait, aussitôt, tomber l’agressivité du vainqueur.
Le bec – tranchant comme un poignard – et les tarses, munis d’ergots, sont des armes redoutables. Vis-à-vis des êtres humains, les dindons ont, bien souvent, tendance à jouer « aux fiers-à-bras », à faire les matamores… mais ils tournent vite casaque si l’on sait leur tenir tête. Je me souviens, par exemple, d’un dindon assez vindicatif qui prenait « un malin plaisir » à foncer sur une de mes filles afin de déclencher, chez elle, une fuite éperdue. Elle a mis assez longtemps à mettre en pratique le conseil que je lui prodiguais lorsqu’elle venait me présenter ses doléances : « Cours un peu puis, arrête-toi, fais-lui face et tu verras, c’est lui qui filera… ». Ayant tenté l’expérience et, celle-ci s’étant révélée concluante, les jours suivants son persécuteur a eu maintes fois l’occasion de développer sa musculation de coureur de fond ! En fin de compte, il était devenu, sinon l’arroseur arrosé mais… le dindon de la farce ; ce qui, une fois encore, nous conduit à évoquer les fêtes !
[Musique]
Vous venez d'écouter "HIVER - épisode 1", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.