Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - HIVER - épisode 4", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
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Signaux sonores, l’effarouchement acoustique
Les résultats obtenus avec l’effarouchement acoustique des corbeaux avaient retenu l’attention du Service technique de la navigation aérienne qui avait demandé à l’INRA30 s’il ne serait pas possible, par cette méthode, d’éloigner mouettes et goélands des aérodromes où les risques de collision avec les avions sont à prendre en considération. Une fois la Convention signée, les expérimentations ont commencé… de façon prudente c’est- à-dire en n’opérant pas sur un aérodrome avant de bien connaître les réactions de ces oiseaux aux émissions sonores ! C’est pourquoi, nous nous sommes installés dans un port de pêche du Calvados, vrai garde-manger pour ces Laridés avec l’idée suivante : si nous réussissons à leur interdire l’accès à leurs sources habituelles de nourriture, il devrait être possible de les maintenir à l’écart des pistes recherchées, essentiellement, pour leur chaleur et leur tranquillité (du moins en l’absence de mouvements d’avions…). Lors de ces essais préliminaires, nous avons retrouvé l’inters- pécificité des messages entre les différentes espèces de Laridés présentes, où dominaient les mouettes rieuses, les goélands argentés et les goélands marins. Là encore, nous avons pu faire vérifier aux États-Unis que « leur » goéland argenté comprenait ses frères européens. Rien de très neuf dans ces résultats, sinon les espèces en cause ! Il est donc temps de se tourner vers les communautés animales afin d’élargir le sujet…
Dans les champs, les corbeaux ne sont pas les seuls êtres vivants ; dans les ports, sur les plages, d’autres oiseaux approchent ou se mêlent aux Laridés. Dans cette dernière situation, il apparaît, assez rapidement, que les corneilles noires, les choucas qui exploitent les laisses de mer (espace que la mer laisse à découvert à chaque marée) en compagnie des mouettes et des goélands réagissent à certains signaux sonores émis par ceux-ci. Cette impression a pu être confirmée après quelques expériences adaptées : la cohabitation, dans ces lieux, a conduit à une bonne intercompréhension ; ce qui, évidemment, est bénéfique pour tous.
Deuxième observation, non faite dans les mêmes sites car, à la période de reproduction, les mouettes adultes abandonnent les rivages marins pour gagner des marais de l’intérieur afin d’y nidifier (Sologne, Brenne, Dombes…). Tout comme les corbeaux, elles suivent les labours mais, dans ces régions au moins, elles ont « oublié » le langage des corbeaux car une émission de cette nature les laisse indifférentes. De même, les corbeaux
« de l’intérieur » n’ont pas appris le langage des mouettes. Il y a donc, là, cohabitation momentanée mais sans que celle-ci se traduise au niveau des échanges acoustiques qui restent « propriété de la famille ».
Sans nous limiter au seul domaine humoristique – et pourtant les bons souvenirs ne manquent pas – évoquons quelques autres réactions à des émissions réalisées, par exemple, à partir de cris de corbeaux.
• Les pigeons. Lors d’une émission, une bande de pigeons posée à proxi- mité de corbeaux s’envole en même temps que ceux-ci mais, après un ou deux tours de piste, ne tarde pas à se reposer. La même émission faite, cette fois, en l’absence de corbeaux laisse le plus souvent les pigeons pratiquement sans réaction. Comment expliquer cette différence de comportement ? Le premier cas est une bonne illustration d’un phénomène de « panurgisme optique » : ce n’est pas à l’émission que les pigeons ont réagi mais à la vue des corbeaux prenant leur vol. Traduite « en langage humain », la situation pourrait se résumer ainsi : « les corbeaux partent, il doit y avoir un danger qui nous a échappé. Partons nous aussi : on n’est jamais trop prudent ! » Mais, la vue aérienne des lieux les rassure : « ce n’était qu’une fausse alerte, reposons-nous et remettons-nous à “casser les graines” ». En l’absence de corbeaux, ils perçoivent bien l’émission mais celle-ci n’a pas, pour eux, de signification donc ne les perturbe pas : une écoute de quelques instants puis les activités antérieures reprennent.
En réalité, en nature, tous les intermédiaires peuvent être rencontrés et incitent à des formulations plus nuancées… Ainsi, confronté un jour à un problème mixte corbeaux-pigeons sur un aérodrome, j’avais prudem- ment averti le Commandant de l’Aéroport que, vis-à-vis des pigeons, je ne lui garantissais pas le résultat. En 24 heures, les pigeons avaient déserté les lieux tandis qu’il m’a fallu poursuivre 3 jours pour que les corbeaux en fassent autant !
• Quittons les oiseaux pour nous intéresser aux mammifères. À tout seigneur, tout honneur : assez fréquemment, des gens – et pas seulement des enfants – ont couru vers notre voiture émettrice car « ils n’avaient pas bien compris notre annonce » (la cohabitation avec les corbeaux n’est pas parfaite…) tandis que d’autres – surtout en vignobles – partaient à la recherche de l’animal qui criait et qui devait être pris dans un piège. Interviewées, ces personnes donnaient leur identification du cri de l’animal : faisan ou lapin mais jamais corbeau… Autre cas encore plus exceptionnel : arrêt sur une route de campagne par un véhicule de la Gendarmerie à la suite d’une plainte formulée par une adhérente de la SPA. Le motif : « ces gens égorgent les chiens pour faire fuir les mouettes » (sic). Devant la Maréchaussée – un peu gênée – nous avons procédé à une émission et nous avons été « innocentés »…
• Les chiens et les chats ont été, pour nous, d’accidentels propagan- distes fort efficaces. Plantons le décor : un petit groupe d’agriculteurs et moi-même en train d’expliquer la méthode d’effarouchement acoustique en insistant sur le fait que les émissions sont porteuses d’une information précise. Si, pendant ce discours, un chat ou un chien avait la bonne idée de se diriger, en attitude de chasse, vers le haut-parleur la partie était pratique- ment gagnée : « Il a vraiment cru qu’il y avait un oiseau ! Vous avez réussi à le tromper : les corbeaux s’y laisseront sûrement prendre aussi… »
• Les bovins – et les chevaux à un degré moindre – sont des auditeurs attentifs. Il est vrai que bien des petites lignes SNCF ne sont plus en service… Dès que des vaches perçoivent les premiers cris, elles relèvent la tête puis accourent « pour venir aux nouvelles ».
Ces quelques exemples conduiront sans doute certains d’entre vous à se demander comment, dans ces conditions, il pouvait être envisagé, raison- nablement, d’exploiter pratiquement cette méthode semant « la révolution » parmi le monde animal. La réponse est simple : à la première émission tout le monde est surpris et réagit selon son environnement, son caractère mais, souvent, dès la deuxième émission, un tri s’opère et une sélection se déve- loppe très vite. Si, au début, certaines espèces réagissent au bruit (intensité sonore) celui-ci les laissera indifférentes peu après (phénomènes d’accou- tumance). Seules, continueront à réagir celles pour lesquelles ces messages ont une signification psychologique précise qui demeure valable malgré les répétitions. La technique du test aux gagnages31 nous a permis de juger de la valeur réactogène propre des divers signaux en notre possession. Parmi les meilleurs, certains se sont, ensuite, révélé malgré tout insuffisants pour éviter que l’accoutumance ne se manifeste dans des délais inférieurs à la durée du stade végétatif critique des cultures à protéger. Par des combinaisons variées – en exploitant, précisément, l’inter-spécificité des messages – il est possible d’éviter cet écueil aussi bien dans les champs que sur les aérodromes.
Nous donnerons simplement deux exemples montrant bien que les oiseaux intègrent l’information diffusée :
• après seulement quelques émissions, les oiseaux cessent de s’intéresser à la source d’émission pour fuir directement ; ils évitent, d’eux-mêmes, la zone mise en protection acoustique dont ils connaissent bien les limites. Ceci est particulièrement net dans le cas de Laridés en bordure de mer. Posés sur l’eau ils sont, parfois, ramenés vers la côte par les courants marins. Sans émission, on constate qu’ils se ré-envolent d’eux-mêmes lorsqu’ils sont sur le point de pénétrer « dans la zone interdite »… Pour en terminer avec ce sujet… inépuisable, je ferai appel à une anecdote africaine. En mission au Mali, j’ai procédé à des émissions de cris d’étourneaux sansonnets français en direction de bandes de merles métalliques (ces « merles » appartiennent, en fait, à la famille des étourneaux) après avoir bien expliqué à mes collègues ce qui allait se produire si l’interspécificité des messages existait chez cette famille aviaire. J’avais oublié deux choses dont, en tout premier lieu, qu’une démonstration ne se déroule jamais comme cela est prévu. Que s’est-il passé ?
Les merles se sont envolés, sont venus vers la source sonore mais, là, au lieu de la survoler en cherchant l’oiseau en train de crier, ils se sont posés à côté de nous et ont écouté jusqu’au bout… Quel était mon second oubli ? Tout simplement que, dans ce pays, la chasse n’existe pratiquement pas ; pourquoi, dans ces conditions, s’évertuer à voler hors de portée de fusil comme le font prudemment – à juste titre – les espèces mises en expérience chez nous ?
Cherchez les pères… Le blaireau
Intéressons-nous à un mammifère, grand bâtisseur devant l’Éternel mais qui, devant les Hommes, est souvent fort mal connu et qui s’est permis, de plus, de mettre pendant longtemps les physiologistes dans l’embarras, à savoir Messire le blaireau.
Les phénomènes de la reproduction chez cette espèce ne sont, en effet, connus que depuis peu, leur originalité est certaine et comme février est la période de mise bas, essayons de comprendre comment ont été conçus ces jeunes. Ils proviennent, bien évidemment, de la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde mais comment expliquer qu’il n’y ait qu’une saison de mise bas alors que les femelles peuvent présenter des chaleurs aussi bien au printemps qu’à l’automne et qu’à ces deux saisons des accouplements se produisent ? L’explication ? Il y en a, essentiellement, deux :
• une femelle est fécondée à l’automne : les embryons se développent tout à fait normalement et les naissances se produisent en février ;
• une femelle, même allaitante, est fécondée au printemps : les œufs, après les stades préliminaires de multiplication, voient leur développement s’arrêter. Cette période de latence – dite de progestation – dure jusqu’en décembre ; ce qui nous ramène, ainsi, au cas de figure précédent.
Une troisième éventualité doit être évoquée : celle d’une femelle fécondée au printemps et qui s’accouple à nouveau à l’automne car de nouvelles fécondations sont possibles. Ce cas qui regroupe, si l’on peut dire, les deux précédents conduit à la conclusion suivante : les jeunes d’une même nichée peuvent fort bien être de pères différents, certains ayant été conçus au printemps et d’autres à l’automne.
Profitons de cette rencontre avec cette espèce pour faire un peu plus ample connaissance… le blaireau, Meles meles, présente des exigences écologiques assez strictes en raison, pour une part, de ses conditions d’habitat – il lui faut disposer d’un sol meuble facile à creuser, d’un couvert végétal lui assurant des sorties discrètes – et d’autre part, de ses besoins alimentaires : proximité de points d’eau et de sources de nourritures.
Décrire un blaireau serait… rasoir (!), la silhouette de cet animal étant connue de tous. Par contre, quelques précisions relatives à son terrier s’imposent et vont permettre, de plus, des parallèles (quelque peu osés !) entre le blaireau et la taupe.
Le terrier est, en fait, un réseau complexe de galeries, de chambres qui s’ouvrent à l’extérieur par diverses gueules pouvant atteindre 50 cm de diamètre. C’est un chantier permanent toujours en aménagements et réaménagements si bien qu’au bout d’un certain temps d’occupation il peut avoir un très grand développement. Aux Pays-Bas, l’un d’eux a été trouvé couvrant plus d’un hectare et comportant plus de 100 gueules. Premier « parallèle » : il est impossible d’établir une relation valable entre le développement d’un terrier de blaireau et le nombre d’animaux suscep- tibles de l’occuper tout comme il est impossible de relier le nombre de taupinières en un lieu au nombre de taupes présentes… sous ce lieu.
Le blaireau, économe de ses déplacements – toujours dangereux pour sa survie – n’hésite pas à abandonner, momentanément, son habitation principale pour des résidences secondaires qu’il exploitera tant que des sources alimentaires proches existeront ; là, il se contente d’abris sommaires mais possédant toujours au moins une gueule. Conclusion pratique et nouveau
« parallèle » : on ne peut pas, non plus, estimer l’importance d’une population locale de blaireaux en fonction du nombre de terriers découverts. Agir ainsi serait aller, très souvent, à une nette surestimation comme cela se produit dans un terrain meuble très aisé à fouir pour une taupe ! Fréquemment, les terriers principaux ont leurs abords fleuris : il ne faut pas en conclure hâtivement que les blaireaux aiment les fleurs sinon… indirectement ils sont, par exemple, friands de baies de sureau aussi expulsent-ils régulièrement des graines de cette plante dans leurs fécès. Le transit intestinal n’altérant pas leur pouvoir germinatif, cette zone se transforme assez vite en une belle plantation qui ne manque pas de fumure… De même prévoyants, ils constituent des réserves de bulbes de jacinthes pour l’hiver mais, la saison venue, ils sont loin de tous les retrouver d’où ces tapis bleus au printemps. Beaucoup de controverses existent à propos du blaireau : cette espèce est-elle « nuisible » ? Impossible de répondre par oui ou par non à une telle question car, en ce domaine, chaque cas est un cas particulier. Il faut en effet tenir compte du nombre d’animaux, de l’environnement des cultures… C’est pourquoi nous nous contenterons de préciser son statut légal : sur le plan national le blaireau figure sur la liste des espèces gibiers mais attention, au niveau départemental il peut, parfois, être classé parmi les « nuisibles ».
Les rasoirs électriques, le nylon, ont chassé les blaireaux, les vrais : que l’Homme, dans toute la mesure du possible, le garde, au moins, dans son patrimoine faunistique…
Poule d’eau ou foulque ?
En début d’année, il est de tradition de prendre de bonnes résolu- tions. Permettez-moi de vous en proposer une qui ne vous coûtera pas de gros efforts et se transformera vite en un acquis définitif : au cours de vos promenades en bordure d’étangs, de lacs ou même de certaines pièces d’eau en milieux urbains, regardez avec un peu d’attention les oiseaux qui y évoluent afin d’apprendre à distinguer au moins deux espèces : la poule d’eau et la foulque.
La poule d’eau
Gallinula chloropus est commune partout où la végétation est abondante (observez-là avant qu’elle ne s’y cache !). Pour encore vous simplifier la tâche, sachez que, chez cet oiseau, il n’existe pas de dimorphisme sexuel : mâles et femelles ont le dessus du corps gris noir. Leurs ailes sont brun foncé ; leurs flancs sont barrés d’un long trait blanc mais les deux caractères suivants sont particulièrement précieux : le bec est rouge à pointe jaune et on note la présence d’une plaque frontale rouge… qui attire l’attention.
La taille d’une poule d’eau est, approximativement, celle d’un pigeon ! Parmi les adultes, à certaines saisons, évolueront des oiseaux à gorge blanche et possesseurs d’une plaque frontale brun verdâtre : il s’agit de jeunes. Les poussins, encore plus petits, sont, eux aussi, très caractéristiques : ce sont de petites « boules noires au bec rouge »… Inaptes au vol avant l’âge de deux mois, ils se révèlent, en revanche, être d’excellents nageurs et très à l’aise, également, lorsqu’il s’agit de se faufiler dans une végétation dense, leur refuge ! Ayant repéré l’espèce, il est temps de faire un peu plus ample connaissance. Ainsi, par exemple, une poule d’eau en train de nager a des attitudes « bien à elle » : sa progression est saccadée et vous remarquerez vite qu’à chaque coup de pattes (palmées) exploitées comme rames, l’oiseau penche la tête en avant tandis qu’il balance sa queue de haut en bas. Cet animal peut nager sous l’eau, les ailes étant, alors, écartées. En vol, autre particularité facile à découvrir : la poule d’eau ne rentre pas « son train d’atterrissage »,
ses pattes étant pendantes.
Les couples se forment en mars-avril. Le nid, parfois flottant, est un amas de tiges sèches. La coupe est tapissée d’herbes et de feuilles sur lesquelles seront déposés les 6 à 10 œufs beige clair, pointillés de marron qui constituent la ponte.
En France, les poules d’eau sont sédentaires. Les effectifs susceptibles d’être observés en hiver sont plus importants car, à nos populations, viennent s’adjoindre celles du nord de l’Europe. Ces oiseaux migrent la nuit… ce qui ne facilite pas la vision des pattes pendantes !
La foulque macroule
Fulica atra, est souvent aussi dénommée judelle. Dans le Midi, elle devient « macreuse » mais, là, attention aux confusions éventuelles car les macreuses – les vraies – existent et sont, en réalité, des canards.
La foulque est plus grande que la poule d’eau : elle est, en effet, d’une taille voisine de celle d’une poule de ferme. Pour cette espèce, les carac- tères à repérer sont le bec et la plaque frontale : tous deux sont de couleur blanche et tranchent nettement avec la coloration noire ardoisée du reste du plumage, chez les adultes du moins. Chez les jeunes, la plaque frontale blanche brille… par son absence tandis que le bec est verdâtre. Gorge et haut de poitrine sont blancs, le reste du corps étant à dominante gris brunâtre. Pour les poussins, noirs comme ceux de la poule d’eau, la coloration rouge-orangé de la tête autorise une distinction fort aisée.
La foulque recherche l’eau libre. Sa nourriture est, essentiellement, d’ori- gine végétale, l’oiseau allant, sous l’eau, faire ses provisions. Incapable de nager sous l’eau, la foulque a mis au point une technique de plongée qui doit sérieusement accroître son rayon d’action : dans un premier temps, après avoir pris appui sur ses pattes, elle opère un léger bond hors de l’eau puis, aussitôt, se bascule en avant ayant, ainsi, un angle de pénétration fort efficace. Pour la remontée, c’est beaucoup plus simple : l’animal s’en remet à la poussée d’Archimède si bien qu’il jaillit tel un bouchon !
Une foulque n’a recours au vol que, pourrait-on dire, contrainte et forcée. Il faut reconnaître que, chez cette espèce, les décollages sont labo- rieux, étant précédés d’une phase de course sur l’eau… et de nombreuses éclaboussures. Peu après sa séparation d’avec l’élément liquide, la foulque replie ses pattes vers l’arrière du corps d’où elles dépassent quelque peu.
Le nid est, en général, un radeau de roseaux, amarré assez lâchement aux plantes voisines.
Comme partout à la belle saison, cette espèce peut, également, être vue, parfois en grandes bandes, sur les côtes pendant l’hiver.
Le troglodyte… et les roitelets
« Le troglodyte… et les roitelets » car le troglodyte n’est pas un roitelet comme on le croit souvent encore. Il existe même, en France, deux espèces de roitelets que nous évoquerons en fin de chronique mais, auparavant, identifions le troglodyte.
Le troglodyte mignon
Troglodytes troglodytes, est cette petite boule de plumes brunâtres, à la courte queue dressée à la verticale qui se faufile partout et n’hésite même pas à s’approcher des êtres humains… tout en restant sur ses gardes. De plus, pour proclamer ses droits territoriaux, cet oiseau choisit des postes de chant élevés, bien dégagés : ce qui lui permet des observations aisées.
D’un poids d’environ 9 g, le troglodyte a une envergure de 19 cm pour une longueur de 12. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel mais les jeunes peuvent se repérer à leur couleur plus rousse et à l’absence de blanc aux couvertures alaires.
Dans notre pays, cette espèce est sédentaire mais parfois un peu nomade. Elle est commune dans tous les lieux boisés possédant des buissons, des fourrés ou des enchevêtrements de bois mort. De ce milieu naturel originel, le troglodyte a su quelque peu « se libérer » pour profiter des réserves de bois proches des habitations ou même pénétrer dans ces dernières s’il trouve de minuscules passages par où il pourra se faufiler.
Le troglodyte appartient au petit nombre des espèces susceptibles de chanter tout au long de l’année. Le chant principal, très sonore, est composé de motifs musicaux variés entrecoupés de trilles aiguës. Le chanteur repéré, vous pourrez noter qu’il accompagne ses vocalises de toute une série de révérences effectuées, toujours, la petite queue à la verticale. Ses cris sont brefs et émis à un rythme variable, fonction de l’état d’excitation de l’animal. Cet oiseau est, pourrait-on dire, en perpétuel mouvement, se déplaçant soit en sautant de perchoir à perchoir, soit en se livrant à de courts vols rectilignes à faible hauteur.
Peu avant la période des accouplements, les mâles sont très actifs car, pour eux, défendre leur territoire n’est pas leur seule préoccupation. Il leur faut en effet choisir plusieurs sites possibles pour l’édification future d’un nid et, en chaque emplacement retenu, en ébaucher l’assise. Qu’il s’agisse de mâles monogames ou polygames (50/50 environ), la phase suivante est identique : une éventuelle partenaire se présentant, le « propriétaire des lieux » lui fera faire le tour du propriétaire, tout en lui laissant « fort galamment » le choix d’une des ébauches de nid avant de s’accoupler.
Le déroulement ultérieur dépend du « statut » du mâle :
• s’il est monogame, il observera sa partenaire terminer la construction du nid en attendant de participer à l’élevage des jeunes ;
• si, par contre, il a une « vocation » de polygame… il « retourne à la case départ » consistant à guetter une seconde partenaire à laquelle il proposera le choix entre les ébauches restantes et ce, jusqu’à épuisement des stocks.
Le nid du troglodyte est très caractéristique : c’est une boule de mousse, de feuilles et d’herbes de 10 à 13 cm de diamètre accrochée, en général, à faible hauteur. L’intérieur est garni de plumes. L’entrée est toujours en position latérale. La ponte comprend de cinq à huit petits œufs tachetés de roux. Parfois, parmi eux, trône un gros œuf, déposé là par une femelle de coucou gris. Les cas de parasitisme sont plus fréquents en forêt que près des habitations en raison de la défiance du coucou vis-à-vis de l’Homme qui protège ainsi, sans le savoir, les troglodytes les moins farouches. Une ponte parasitée n’est pas abandonnée; ce qui, une douzaine de jours après, sera le début d’un « calvaire » pour le couple hôte : les exigences alimen- taires de leur poussin n’ont, en effet, aucune commune mesure avec celles d’une nichée naturelle de troglodytes. Les nourrissages incessants portent leurs fruits et, très vite, le « petit » dépasse en taille ses parents adoptifs et doit abandonner le nid bien trop étroit… tout en continuant à quémander jusqu’à son émancipation précédant de peu son départ en migration.
La nourriture du troglodyte est constituée essentiellement de petites proies animales, dont des araignées, durant la belle saison tandis qu’ensuite la fraction d’origine végétale ne cesse de croître.
Les roitelets
Le troglodyte vous étant, maintenant, familier il est temps de dire un mot des roitelets. Ils ne se montrent que rarement en terrain découvert préfé- rant demeurer dans le feuillu des arbres où ils prospectent leur nourriture. Ce sont de tout petits passereaux (poids de 5 g environ pour une longueur de 9 cm). Ils sont de couleur générale vert olive clair et se caractérisent par une bande vivement colorée sur le sommet de la tête.
• Chez le roitelet huppé, Regulus regulus, celle-ci est jaune vif et bordée de noir.
• Chez le roitelet triple-bandeau. Regulus ignicapillus, notez plus parti- culièrement, le sourcil blanc et la présence d’une raie noire traversant l’œil tandis que la bande est riche de trois couleurs : orangée en sa partie centrale puis, comme dans l’espèce précédente, jaune vif et noire.
Pour conforter celles et ceux d’entre vous qui, jusqu’à ce jour, confon- daient allègrement troglodyte et roitelet, signalons que l’idée de royauté, pour le troglodyte, est courante en Europe : aux Pays-Bas c’est « le roi de l’hiver », en Allemagne « le roi des haies »… et précisons, pour finir, qu’en hiver vous ne verrez pas de roitelets qui sont des oiseaux migrateurs.
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Vous venez d'écouter "HIVER - épisode 4", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.