Speaker #0Les éditions Quæ vous présentent "Chronique de la nature - HIVER - épisode 5", extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet lu par François Muller.
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Le desman, un montagnard des torrents pyrénéens
Je me propose de vous entraîner dans le sud-ouest de la France à la décou- verte d’un montagnard pyrénéo-ibérique des plus particuliers : le desman des Pyrénées, dit aussi rat trompette en raison de l’anatomie spéciale de son appendice nasal. En réalité, il ne s’agit pas d’un rat ni même d’un rongeur : le Galemys pyrenaicus est un insectivore. C’est pourrait-on dire, une taupe aquatique fort discrète. Cette espèce n’a d’ailleurs été découverte qu’en 1825. Animal de 60 g environ, il mesure aux alentours de 25 cm dont 12 pour le corps et 13 pour la queue qui est écailleuse, cylindrique et comprimée latéralement. Le desman l’utilise aussi bien comme gouvernail que comme
« rame-godille ». Les pattes sont palmées et les doigts munis de longues griffes permettront à l’animal de s’accrocher aux aspérités afin de ne pas être entraîné par le courant. Une description du desman comprend
bien entendu un commentaire sur la tête : tout d’abord le museau qui se présente sous la forme d’une trompe raide et horizontale, puis les yeux qui sont punctiformes et les oreilles sans pavillon externe. Noter aussi la bouche aux grosses lèvres roses tirées dans un perpétuel sourire goguenard. Au total, un animal vraiment hors du commun et dont malheureusement la survie est de plus en plus menacée en raison de ses exigences écologiques fort strictes qui se trouvent remises en question aussi bien par les activités humaines conduisant à des pollutions diverses (dont le salage hivernal des routes) qu’à celles entraînant des déboisements intempestifs modifiant le régime des eaux encore habitées par cette espèce.
Voici pour le côté français des Pyrénées ; du côté espagnol, il faut ajouter une autre menace consécutive à la présence de plus en plus fréquente de visons américains échappés d’élevages. Ces animaux sont, pour le desman, des prédateurs redoutables qui savent – bien mieux que l’Homme – découvrir ce petit mammifère.
En effet, cet insectivore demeure fort mal connu. Difficile à capturer, très délicat à élever en captivité, il est pratiquement inobservable en nature. Les quelques connaissances quant à ses rythmes d’activités ont été obtenues par suivis d’animaux… invisibles mais munis d’émetteurs radios !
Les milieux préférés du desman des Pyrénées sont constitués par des ruisseaux ou rivières, souvent de régime plus ou moins torrentiel, à eaux froides et fortement oxygénées qui lui fournissent des terrains de chasse abondamment pourvus en proies diverses qu’il va rechercher dans et au fond des eaux. Pour ce faire, il n’hésitera pas à retourner les petits galets, à farfouiller avec sa trompe dans les fonds sableux, venant de temps en temps à l’air libre pour respirer.
Dans l’eau, sa face ventrale apparaît d’un blanc brillant alors qu’en réalité, elle n’est que blanchâtre. Cette différence d’aspect est due au fait qu’en plongée le desman emmagasine une couche d’air qui l’allège (le principe d’Archimède) et lui assure une isolation thermique relative.
Comme tous les insectivores, le desman a un fort appétit : en hiver, il doit absorber à peu près son propre poids de nourriture par jour, se conten- tant de la moitié en été ; ce qui, pour un homme de 70 kg représenterait déjà 35 kg quotidiens !
En attendant qu’un miracle se produise, c’est-à-dire qu’un desman se mette à évoluer sous vos yeux! bien d’autres spectacles dans ces milieux
« encore presque naturels » méritent de retenir votre attention comme
par exemple les évolutions de différents représentants des Paléoptères, ces insectes « aux ailes de type ancien », les libellules et les éphémères.
Collections d’hiver et d’été
Normalement, un oiseau est un être vivant doué de la faculté de vol mais évidemment et comme toujours, il y a des exceptions. Certaines sont bien connues : les autruches et leurs cousines sud-américaines, les nandous par exemple tandis que d’autres le sont moins car ces dernières ne sont que temporaires. En effet, malgré tous les soins que les oiseaux portent à l’entretien de leur plumage (bains, « repassage » avec le bec joint à une imperméabilisation des plumes), celui-ci se détériore et perd de ses qualités fonctionnelles. Il faut donc qu’il puisse être renouvelé et, en ce domaine, il n’y a pas possibilité d’échange standard ! Si remplacements « au coup par coup » – et dans le cas présent « à la plume par plume » – peuvent exister, pour l’ensemble du plumage, des saisons bien déterminées sont prévues par Dame Nature qui, d’ailleurs, propose diverses solutions selon
« ses clients »… C’est ainsi que l’on peut assister au cours du cycle annuel à la présentation des collections, qui, si elles ne changent pas de style, font régulièrement l’admiration des foules aimant la gente ailée.
Schématiquement, chez la majorité des espèces, il se produit une mue partielle à la fin de l’hiver, les oiseaux – et surtout les mâles ! – se parant alors de leurs plus beaux atours, le plumage nuptial – avant de se mettre en quête d’une compagne avec laquelle ils participent à la pérennité de l’espèce.
Les jeunes une fois émancipés, les adultes peuvent « penser à eux » et parmi leurs préoccupations, s’impose celle de prévoir un renouvellement du plumage qui a bien souffert au cours des mois précédents. À ce stade, une mue totale n’est pas superflue, mais comme c’est pour affronter l’hiver, un plumage plus terne et plus discret peut très bien faire l’affaire : les oiseaux adoptent donc la ligne « plumage d’éclipse ».
Les jeunes de l’année après avoir troqué leur duvet de naissance contre un plumage juvénile « de transition » vont étrenner à cette même époque un nouveau plumage qui selon les espèces peut ressembler à s’y méprendre à celui des adultes – cas du moineau domestique – ou continuer à traduire leur statut d’immature – cas des goélands qui conservent un plumage grisâtre quelle que soit leur espèce. Ce sont de tels individus que vous pourrez trouver sur des cartes postales portant la légende « goéland
grisâtre », l’auteur de ces clichés n’ayant su déterminer l’espèce photogra- phiée ; ce qui l’a incité à rester dans le vague – c’est maritime ! – plutôt que de tomber dans l’erreur (de) systématique…
La durée d’une mue en fonction de l’espèce ? deux mois environ chez les petits Passereaux, de cinq à six chez les Gallinacés par exemple. Normalement, en effet, ce phénomène se réalise lentement et progressive- ment afin de ne pas priver l’oiseau de sa faculté de voler. « Normalement »… donc il y a des exceptions : certaines espèces se trouvent brutalement clouées au sol, toutes leurs plumes tombant simultanément. Chez le manchot, qui de toute façon est inapte au vol ! ce sont les jeunes plumes qui, en pous- sant, déclenchent la chute des anciennes. Chez les Anatidés (canards, oies, cygnes) les vieilles rémiges (plumes du vol) tombent d’elles-mêmes. C’est évidemment pour ces oiseaux une période critique pendant laquelle ils se trouvent être plus vulnérables.
L’eider à duvet, Somateria mollissima, le « canard marin en cinq lettres » des cruciverbistes, pratique, en plus une « mue provoquée » au moment nidifi- cation : la cane, en effet, arrache son duvet ventral pour en garnir la coupe de son nid. L’Homme n’est pas resté indifférent vis-à-vis de ce dévouement maternel et s’est mis à exploiter ce comportement particulier en s’appro- priant de 20 à 30 g de duvet par nid ! Localement, ces initiatives individuelles sont organisées pour atteindre un niveau industriel. C’est ainsi que dans les îles Lofoten (Norvège) zone d’intense nidification cette espèce, il était récu- péré vers 1930 plus de 3 tonnes de duvet d’eider tandis que dès le début du siècle, la Russie en commercialisait de 60 à 70 tonnes…
À noter qu’après avoir dévalisé une fois la propriétaire des lieux, l’Homme respecte les efforts qu’elle fait pour réparer – grâce à un nouvel arrachage – les dégradations apportées à son nid : il lui faut en effet préserver l’avenir en ne l’empêchant pas de se reproduire.
De nos jours, l’eider a vu sa tranquillité s’accroître en raison de la mise au point de duvets artificiels. Son aire de répartition s’est accrue : cette espèce niche maintenant en Hollande.
D’octobre à juin, il vous sera possible de repérer des eiders le long des côtes de la Manche : le profil triangulaire de leur tête vous facilitera leur identification.
Je ne sais si vous avez noté, au passage, que la qualification du nom latin de cet oiseau est… mollissima tandis que je vous préciserai, pour finir, qu’en italien il est appelé… Edredone : tout un programme dans lequel les eiders ont laissé bien des plumes…
Le crabe chinois
C’est une espèce fort mal connue de beaucoup, et avec laquelle il ne faut pas chinoiser puisqu’il s’agit d’un redoutable ravageur en certaines zones : le crabe chinois Eriocher sinensis. D’où provient cette dénomination? Tout simplement de la zone géographique des premières trouvailles de ce crus- tacé : la mer de Chine. Depuis, son aire de répartition s’est très largement agrandie car il a su « profiter » des transports maritimes. En Europe, il a été repéré pour la première fois dans le port de Hambourg en 1912 où il avait dû arriver dans l’eau embarquée en Extrême-Orient pour lester les ballasts. La vie de ce crabe se déroule essentiellement en eaux douces, vives ou stagnantes. C’est dans ces milieux qu’il est redouté pour ses activités de terrassements, ses terriers minant les berges. Pour se préparer à la reproduction, il doit gagner des eaux d’une salinité d’environ 15 %. Les accouplements peuvent se produire en ces zones ou plus précocement : dans ce dernier cas, les femelles poursuivent leur avalaison32 en portant leurs œufs serrés entre la carapace de leur corps et celle de leur abdomen replié. Cet handicap ne les empêche nullement de prendre des raccourcis terrestres et de progresser parfois de 8 à 12 kilomètres par jour ! Peu après la ponte, des larves minuscules s’échappent, se mêlent au plancton et se trouvent ainsi disséminées au gré des courants marins. Peu avant leur dernière métamorphose, elles regagnent le rivage et remontent le premier
fleuve rencontré.
Les « pertes en mer » sont, il est aisé de l’imaginer, élevées mais ceci ne compromet pas – malheureusement – la survie de l’espèce car une femelle peut pondre de 300 000 à 900 000 œufs… À noter que la plupart d’entre elles meurent peu après.
Les jeunes crabes effectuent leur montaison33 durant la nuit, les obstacles rencontrés – digues, barrages – étant contournés par voie terrestre. Ces passages traditionnels sont bien connus et certains d’entre eux ont même été mis à profit pour procéder à des captures en masse et ce, dans un double but, éliminer certes le plus grand nombre possible de ces ravageurs tout en récoltant à peu de frais, une matière première permettant de fabriquer des farines alimentaires pour animaux domestiques. Certaines années, il a été ainsi récupéré aux chutes de l’Elbe 45 millions d’individus ; ce qui a permis la confection de 500 tonnes de nourriture pour poules.
Adulte, ce crabe a une morphologie très caractéristique : carapace presque circulaire pouvant atteindre près de 9 à 10 cm de diamètre ; ce qui en fait un beau crabe par rapport, par exemple, à notre crabe enragé ou à nos étrilles ! Le dernier article des pinces est très massif et recouvert d’une pilosité abon- dante : divers auteurs n’hésitent pas à parler de « mitaines » ! les autres pattes sont longues et également velues mais toutefois à un degré moindre.
En plus des ravages dus aux activités de terrassement, bien des griefs à son encontre découlent de sa voracité. Certes son régime est normalement, à base de nourriture végétale mais… les écarts de régime sont fréquents et c’est ainsi que mollusques, insectes et annélides imprudents ne trouvent pas grâce devant ses pinces ! De même, il n’hésitera pas à s’attaquer à des poissons sans défense comme par exemple ceux pris dans les filets ou les nasses des pêcheurs. Il peut aussi se présenter comme un compétiteur redoutable pour les écrevisses ou même les poissons libres par suite d’un appauvrissement considérable des richesses alimentaires du milieu. Ce phénomène a été particulièrement net dans certaines rivières d’Allemagne où la faune se raréfiait de plus en plus tandis que les crabes chinois pros- péraient. La pollution a « résolu » le problème en ne laissant subsister que les crabes chinois qui, eux, sont très résistants ! Restés seuls, que manger ? La solution adoptée a été un développement rapide du cannibalisme, les individus les plus menacés étant ceux venant de muer car ils ne bénéfi- cient plus alors de la protection d’une carapace dure. Actuellement grâce à cette « auto-consommation », les crabes chinois subsistent, certes, mais en nombre réduit et ils ne posent pratiquement plus de problèmes.
En Europe, c’est le bassin de l’Elbe qui est, pourrait-on dire, le centre de
distribution d’origine du crabe chinois. En France, cette espèce semble être en phase de stabilisation. Elle est plus commune dans les eaux douces et les estuaires du nord-ouest mais elle peut toutefois être rencontrée plus au sud. En Charente, les « autochtones » écrasent ces crabes sans pitié tandis que bien des touristes doivent en manger. Il est vrai, qu’en Chine ces animaux sont ramassés et que leur dégustation est fort prisée mais, personnellement, leur aspect, leur manque de vitalité me rebutent et à ce jour, je ne les ai appréciés que comme appâts pour attirer les crabes de notre faune.
L’oiseau venu de l’Est… la tourterelle turque
La colombe, symbole de la paix, aurait pu être un bon sujet de chronique pour vous présenter mes vœux – sincères – mais j’ai toutefois choisi une
autre espèce de cette famille des Colombidés en raison de son originalité : la tourterelle turque, Streptopelia decaocto.
Le foyer originel de cet oiseau est, semble-t-il, l’Inde mais l’aire de répartition s’est rapidement accrue ; vers le XVIIIe siècle il est présent à Constantinople et, en 1986, il peut encore se rencontrer à… Istanbul ! Ensuite a commencé la conquête pacifique. Marche en avant avec, toutefois, quelques à-coups (cf. plus loin) mais qui, au total, est une réussite si bien que cette espèce fait, maintenant, partie intégrante de l’avifaune européenne.
Avant d’évoquer quelques-unes de ses étapes expansionnistes, il faut se souvenir – ou apprendre ! – que la tourterelle turque a toujours été un animal respecté des musulmans. Diverses explications peuvent être formulées pour comprendre cette attitude particulière :
• tout d’abord, le fait que cet oiseau porte sur l’arrière du cou, un croissant (noir) montrant bien qu’il avait été « choisi » par le Prophète ;
• son chant de parade a dû également jouer en sa faveur car certains voient – ou plutôt, entendent – en lui une louange à Allah : « Allah hu akbar » ; ce qui comme tout un chacun le sait veut dire « Allah est très grand »;
• enfin, sa présence très fréquente dans les cours des mosquées ne pouvait être interprétée que d’une façon très favorable…
Si cet aspect « religion islamique » n’apparaît pas dans son nom, ceci est sans doute dû au simple fait qu’il doit celui-ci… à des chrétiens. Respectée par les musulmans turcs qui, au XIXe siècle, occupaient une partie du continent européen lui a valu par contre, bien des persécutions lors de leur retrait de ces territoires : les Turcs étaient chassés, la tourterelle du même nom le fut aussi !
Ce déclin, sensible, fut cependant de courte durée : la recolonisation reprit de plus belle et ne s’arrêta pas aux frontières antérieures. C’est en 1928 qu’un premier cas de nidification est signalé en Hongrie. Les phéno- mènes s’accélèrent ensuite : 1936/38, Tchécoslovaquie et Autriche ; 1940, Pologne ; 1944, Allemagne et Italie du Nord; 1947, Hollande. En France, premières découvertes de sa présence dans les Vosges en 1950, près de Reims en 1952 ; puis elle gagne toutes les autres régions. En 1975, la Corse a ses premiers couples qui gagneront, eux ou leurs descendants ! la Sardaigne. Un rectificatif historique s’impose : la tourterelle turque avait déjà séjourné un peu en France, En effet, en 1547 Henri II en avait reçu un couple en cadeau lors de son couronnement… En 1955, elle gagne l’Angleterre, en 1960 l’Espagne mais elle n’est trouvée au Portugal qu’en 1974, année où elle pénètre aussi dans… Moscou.
Cette espèce étant maintenant, bien de chez nous, apprenons à la reconnaître : de la taille d’une tourterelle des bois mais apparaissant plus grande en raison de la longueur de sa queue; elle s’en distingue, tout particulièrement par le demi-collier noir de l’arrière du cou (le croissant mentionné précédemment). Celui-ci est absent chez les tout jeunes individus de moins d’un mois et demi. Pas de dimorphisme sexuel : mâles et femelles ont un plumage dorsal brun gris tandis que le ventre est plus pâle et même presque blanc au niveau de la gorge. La queue, à sa face supérieure, est unicolore à l’exception d’une bande terminale un peu plus claire.
La tourterelle turque est commune dans les zones marginales des cités où elle peut être souvent observée, posée bien en vue, sur des lampadaires ou des antennes de télévision. Elle se plaît moins dans les milieux urbains denses mais peut par contre, se rencontrer en pleine campagne. Cette espèce est classée parmi les sédentaires ; ce qui permet de rappeler que le terme de
« migrateur » doit être réservé aux oiseaux qui, même après de grands dépla- cements saisonniers (automne et printemps sous nos climats) regagnent régulièrement leur aire de nidification. Cette espèce très prolifique, pouvant avoir de 3 à 6 pontes annuelles, peut même se reproduire pendant l’hiver : les jeunes sont capables de résister à des températures de moins 10 °C.
Les grèbes
Les grèbes font partie des oiseaux qui donnent de l’animation à de nombreux plans d’eau, naturels ou non. Leurs évolutions, leurs plongées, avec « à la clé » les pronostics pour deviner où ils vont refaire surface, sont des spectacles dont il faut savoir profiter !
Il est aisé de distinguer un grèbe d’un canard par simple observation du bec de l’oiseau – pointu chez un grèbe – et l’absence (apparente) de queue. Exclusivement aquatiques, ces animaux ne vont que rarement à terre. Ils ne sont d’ailleurs pas « conçus » pour marcher, leurs pattes étant insérées tout à l’arrière du corps, « comme les hélices à la poupe d’un navire ». La palmure est incomplète, c’est-à-dire que tous les doigts ne sont pas reliés : chacun d’eux, en revanche, possède une bande membraneuse indépendante
(les doigts sont dits « lobés »).
Le plumage de ces oiseaux est très dense, surtout au niveau du duvet. Il est très soigneusement – et fréquemment – lissé et huilé.
Une même espèce peut se présenter à un observateur sous des silhouettes différentes car les grèbes « savent jouer » au sous-marin ! Lorsqu’il est au repos et en sécurité, il dépasse très nettement de la surface tandis que si un
danger potentiel est repéré, l’animal réduira, aussitôt, son volume émergé comme un sous-marin en pré-immersion. Pour ce faire, il lui suffit de resserrer son plumage. Si le danger se précise, il cherchera son salut en plongeant : sa tête se projette en avant tandis que, d’une poussée de ses pattes, il gagne les profondeurs tout en s’éloignant.
Les grèbes construisent des nids flottants en eaux peu profondes où seront déposés les 2 à 6 œufs de la ponte (une à deux pontes annuelles) qui, selon les espèces, sont ou non amarrées à la végétation environnante. Lorsque la ponte est effectuée, avant toute absence, les parents prennent le soin de dissimuler celle-ci à la vue des prédateurs en la recouvrant de végétaux, toujours plus ou moins en état de décomposition, si bien que les œufs, originellement blancs, acquièrent vite une couleur brunâtre.
Il vous sera peut-être donné, peu après la naissance des poussins, de voir leurs têtes rayées émergeant des plumes dorsales de leurs parents qui « les promènent » ainsi en toute sécurité. Il est vrai que les jeunes sont des proies recherchées par maints prédateurs dont les corneilles noires… et les brochets. Le premier représentant de cette famille des Podicipidés est le grèbe huppé, Podiceps cristatus, qui est également celui ayant la plus grande taille. Oiseau au corps élancé, aux ailes étroites et longues, il se repère bien à son long cou. La tête est allongée, la queue courte. Son poids peut varier de 650 à 1 400 g. La longueur corporelle – cou non étiré à l’horizontale ! – est de 46 à 51 cm pour une envergure de 85 à 90 cm. En plumage hivernal, noter la calotte noire contrastant avec le blanc des joues et du cou. Noter, aussi, le trait noir qui va de l’œil à la base du bec. En plumage nuptial, la détermi- nation devient plus aisée car, à cette époque, la calotte noire se prolonge en arrière par deux petites « cornes » bien apparentes et, surtout, l’oiseau porte une collerette de plumes rousses bordées de noir (dans le cou). Les flancs sont roussâtres. D’une manière générale, le grèbe huppé est plus abondant dans la moitié nord de la France, ne se rencontrant que localement dans le sud (même en Corse). À la belle saison, le grèbe huppé recherche essentiel- lement les grands étangs ou les lacs bordés de roseaux et/ou de joncs mais il est cependant possible d’en observer çà et là, sur des rivières à faible courant. En hiver, nos populations sont rejointes par des migrateurs. L’effectif total est alors estimé de l’ordre de 20 à 25 000 individus dont le quart évolue sur
les gravières, dans les estuaires et les eaux côtières.
Les grèbes huppés sont, eux-mêmes, des prédateurs de diverses espèces d’invertébrés, de batraciens et de poissons dont la taille n’excède pas 12 cm (ablettes, goujons et petits gardons tout particulièrement).
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Vous venez d'écouter "HIVER - épisode 5", extrait des "Chroniques de la nature" publié aux éditions Quae en 2022. Retrouvez ce titre et nos ouvrages au format papier et numérique sur www.quae.com.