Speaker #0Les éditions Quae vous présentent Chroniques de la nature, printemps épisode 1, extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet, lu par François Muller.
Où l’on découvre… si le bébé hérisson naît avec des piquants si la salamandre traverse les flammes sans dommage un oiseau qui coince et martèle les fruits pour faire céder leur coque quel animal peut voir 180° à gauche et 180° à droite que c’est l’hippocampe mâle qui porte les petits dans son ventre un oiseau qui sautille la tête en bas sur le tronc d’un arbre que le duvet du héron devient une poudre pour nettoyer et imperméabiliser son plumage.
Le réveil du hérisson
Le hérisson est un insectivore que tout le monde croit bien connaître ; en réalité il est méconnu de beaucoup. À cet animal s’attachent bien des « on-dit » qui justifient pleinement une mise au point objective. Première précision : en France, il n’existe qu’une espèce de hérisson, Erinaceus europaeus et non pas, d’une part, « des nez de cochon » et d’autre part, « des nez de chien » : même si l’on peut rencontrer des individus bien différents morphologiquement. L’explication de cette fausse dualité est simple : l’aspect du museau est lié à l’état d’embonpoint de l’animal. Si ce dernier est gras, il présentera une face en groin : ce qui est normalement le cas à l’automne, époque où le hérisson accumule des « provisions pré-hibernation ». Au printemps, ces réserves seront épuisées d’où un réveil avec « un nez de chien » bien plus effilé… Seconde croyance à revoir : le hérisson est insensible au venin de vipère et peut donc être un bon agent de lutte biologique. C’est faux ! Dans la nature, le hérisson ne s’attaque qu’exceptionnellement aux serpents même en cas de disette alimentaire. C’est en laboratoire que cette immunité toute relative d’ailleurs (question de dose inoculée) a été mise en évidence. « Bon, il ne s’attaque pas aux serpents mais croyez-moi, il représente une menace sérieuse pour les poulaillers ». Cette affirmation péremptoire mérite d’être relativisée : s’il est vrai que le hérisson est un mangeur d’oeufs, il faut savoir qu’il est dans l’incapacité de casser un oeuf de poule. Son attirance vers les poulaillers est réelle mais ses incursions ne sont payantes que si elles déclenchent un phénomène de panique pouvant provoquer le bris d’oeufs… dont il se régalera. Sinon, il repartira le ventre vide. Classé parmi les insectivores, ce mammifère a, en réalité, un régime bien plus éclectique, ce qui le conduit à déguster aussi limaces, escargots et autres vermines peu appréciées des jardiniers. L’espèce est légalement protégée mais veillez vous-même à cet auxiliaire en prenant soin, par exemple, de ne pas mettre le feu à un tas de feuilles, de broussailles avant d’avoir vérifié qu’un ou plusieurs hérissons n’y ont pas cherché refuge. « Chez cette espèce, l’accouplement doit poser des problèmes épineux ». Non, même si la position adoptée est comme chez la plupart des vertébrés, la position dorso-ventrale. Certes, cet acte ne se réalise pas dans la discrétion mais les nombreux cris qui l’accompagnent font partie du cérémonial spécifique et ne sont nullement liés à la « fourrure » de la femelle… Le séjour au nid dure environ 21 jours. Le sevrage est un peu plus tardif (un mois). À ce stade, les jeunes de la première nichée se dispersent tandis que, bien souvent, ceux de la seconde resteront groupés et hiberneront en compagnie de leur mère. Dernière interrogation : « le nouveau-né hérisson a-t-il ou non des piquants ? » Il en a mais… ils sont mous. Ils tombent au bout de 48 heures et laissent la place à des piquants durs et protecteurs. Piquants par-ci, piquants par-là mais que sont en fait ces piquants ? Tout simplement des poils modifiés dotés d’une forte musculature basale ; ce qui leur permet de se dresser en tous sens. Cette diversité d’orientation accroît très fortement l’efficacité de cette technique de défense et de dissuasion. C’est pourquoi le recours à la fuite n’est guère en vogue chez le hérisson : ce que Dame Nature doit maintenant regretter en raison du développement du trafic automobile contre lequel la « mise en boule » est parfaitement inefficace : si bien que la mortalité sur route est élevée. Savez-vous que ces cadavres ne font pas que le bonheur des pies et des corneilles noires ? Des équipes de chercheurs les exploitent aussi pour pouvoir établir, selon un protocole strict, l’importance et la structure des populations locales survivantes. Si le hérisson est craintif de nature, il peut, par contre, très vite se familiariser et, mis en confiance, venir chercher sa nourriture dans la main. N’en profitez cependant pas pour trop le cajoler ou plus exactement le cajoler de trop près car tous ces animaux, incapables de se gratter, hébergent un grand nombre d’ectoparasites dont certains pourraient fort bien vous adopter à l’occasion… Le parasitisme est d’ailleurs un facteur important de mortalité naturelle chez cette espèce, le trafic automobile étant, quant à lui, le facteur prépondérant d’accidents non naturels. Le hérisson, comme tous les insectivores, taupe exceptée, appartient aux espèces protégées. Veillez donc à ne pas en inscrire à votre tableau de chasse ni, si possible, à vos tableaux de bord !
« Lézardons » au premier soleil
Février sait être, parfois, un mois froid mais il peut nous réserver, également, de belles journées ensoleillées qui seront rapidement mises à profit par différentes espèces en fin d’hibernation. Parmi elles, il faut citer les petites tortues dont les évolutions attirent et ravissent l’oeil. Non, ne regardez pas à terre car il s’agit d’un Lépidoptère, l’Aglais urticae, de la famille des Nymphalidés ! La petite tortue est, en effet, ce papillon très coloré ayant pour couleur de base un rouge vif orangé marqué de taches noires et dont les ailes sont bordées : la bordure interne noirâtre est ornée de nombreuses lunules bleues très caractéristiques. Ces adultes, ayant passé l’hiver dans un abri, ne vont pas tarder à s’accoupler, acte qui donnera naissance en mai à la première génération. Les chenilles, vivant en groupes, sont noires et possèdent des épines jaunes. Elles se rencontrent fréquemment sur l’ortie mais en réalité elles ne sont pas strictement inféodées à cette plante si bien que d’autres végétaux peuvent en accueillir comme les saules, les ormes – les rares qui subsistent – et même certains arbres fruitiers. La seconde génération apparaîtra en août. Peuvent également sortir de leur léthargie, les premiers lézards et tout particulièrement, le lézard vivipare, Lacerta vivipara, aux exigences thermiques moins grandes. Cette espèce peut se rencontrer aussi bien dans les massifs montagneux que dans les prairies humides ou même à tendance marécageuse. De petite taille – inférieure à 15 cm – il est dit vivipare car si la femelle pond des oeufs, ceux-ci éclosent très peu de temps après. Chaque « nichée » comprend de 3 à 14 lézardeaux. Pour le distinguer des autres lézards, il suffit de regarder sur les flancs de l’animal : vous y découvrirez deux bandes latérales foncées bordées d’un liseré clair. Chez la femelle, le ventre est jaune orange pâle tandis qu’il est vermillon chez les mâles. Le lézard des souches – ou lézard agile – Lacerta agilis, ne rentre en activité qu’un peu plus tardivement. Cette espèce est relativement rare dans le sud de notre pays. En parure de noce, les mâles acquièrent souvent une livrée verte. Pas de confusion possible cependant avec le lézard vert, « le vrai », plus grand : 60 cm contre 20. La femelle du lézard agile garde, quant à elle, sa livrée brune tout au long de l’année. Cette espèce est ovipare. Le lézard des murailles, Lacerta muralis, est un lézard connu pratiquement de tous. Son museau pointu attire l’oeil et permet une reconnaissance aisée. En dehors de la saison de reproduction, cette espèce peut se présenter sous des livrées les plus variées selon les zones. À la période des amours, une certaine homogénéité se réalise, tous les mâles ayant alors une couleur ventrale brique tandis que leurs flancs sont ornés d’écailles bleues. Le lézard vert, Lacerta viridis, est assez largement réparti au sud d’une ligne reliant Rouen à Bâle. À la période des amours, les mâles abandonnent leurs livrées unicolores (vertes !) pour se parer d’une magnifique gorge bleue qu’ils ne manquent pas de mettre en valeur lorsqu’une partenaire éventuelle se présente. Les jeunes lézards verts sont bruns et possèdent deux rangées de taches blanc jaunâtre qui iront en s’estompant au cours de la croissance. Ils n’atteignent leur maturité sexuelle qu’après trois ans de vie… s’ils surmontent toutes les embûches et les prédateurs qui les guettent. La femelle prend un grand soin de ses oeufs à enveloppe molle. Chacun d’eux peut atteindre jusqu’à 2 cm de longueur et être enterré jusqu’à 30 cm de profondeur. À la naissance, le lézardeau mesure à peine 5 cm. Sa première activité est de se mettre en chasse de proies… à sa taille. La morsure d’un lézard vert n’est pas dangereuse mais, croyez-en mon expérience passée, fort douloureuse. Pour en souffrir… il faut l’avoir cherchée car, en nature, une attaque n’est pas à craindre. Ces souvenirs remontent à l’époque où « j’apprivoisais » des lézards, certains recueillis dans les dunes royannaises, à l’état d’oeufs ! Pour faire lâcher prise, il faut recourir à la douceur : poser à terre l’animal fortement accroché à votre doigt et… le caresser sous le cou. Dans cette situation, progressivement, il desserre sa prise et, brusquement, ouvre la bouche et file sans demander son reste. Nous étant brièvement intéressés aux « lézards vrais », citons au moins, les autres familles vivant en France : • les Gekkonidés qui sont des lézards à corps trapu et aplati vivant dans les régions méridionales. Ils sont dits aussi « lézards à pattes adhésives » : tarente, gecko et phyllodactyle ; • les Scincidés avec une seule espèce, également méridionale, le Seps strié qui peut mesurer jusqu’à 40 cm. C’est un « lézard à pattes réduites ». Après « les pattes réduites », il faut citer pour terminer, l’orvet qui est le représentant des « lézards sans pattes ». Ce n’est pas un serpent sachez-le et, surtout, faites-le savoir autour de vous afin que cessent ces hécatombes stupides de bêtes parfaitement inoffensives et de plus, légalement protégées.
Animatrice de nos forêts, la sittelle
La sittelle est un oiseau qui sait être fort bruyant, surtout au printemps. Ses sifflements vigoureux commencent de fort bonne heure de même que ses martèlements répétés et sonores. Voici des manifestations acoustiques qui donnent l’envie d’en découvrir l’auteur, et quelle surprise alors de voir que celui-ci est à peine plus grand qu’un moineau domestique ! Pouvoir identifier, à coup sûr, un oiseau inconnu à la suite d’une simple observation est exceptionnel sauf s’il s’agit de la sittelle d’Europe, Sitta europaea, descendant « allègrement » le long d’un tronc la tête la première. Elle seule, en effet, est apte à descendre le long d’un tronc en sautillant… la tête en bas. Pour les ascensions, là encore, une légère supériorité : la prise assurée par ses doigts pourvus d’ongles longs et acérés suffit à la sittelle pour progresser sans peine et sans avoir besoin d’un point d’appui supplémentaire, les plumes de la queue, comme chez les pics. Il est vrai que l’ascension n’est pas directe mais se réalise le plus souvent en spirales lâches. Cette espèce est, en effet, la seule de notre avifaune capable de cette prouesse. Mais évidemment, ce passereau d’une taille voisine de celle d’un moineau, ne fait pas que ça ; d’où il est préférable d’avoir en mémoire d’autres caractères d’identification. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel chez la sittelle : les adultes ont le dos gris perle clair, les flancs brun marron et le ventre roussâtre. La queue, gris bleu, est bordée de noir sur les côtés tandis que du blanc apparaît aux coins. Ce mélange contrasté de coloris, joint à une observation de la tête, vous permettra de vous prononcer sans risque d’erreur ; cette dernière est typique grâce à la présence d’une calotte d’un beau gris bleu et d’une raie noire traversant l’oeil pour atteindre le bec, long, pointu, de couleur gris ardoisé. Chez les jeunes de cette espèce, le brun aux flancs fait défaut tandis que la calotte est brunâtre. Originellement inféodée aux milieux forestiers, la sittelle s’est fort bien adaptée aux parcs, aux jardins ; ce qui multiplie encore les occasions de rencontre et ce, tout au long de l’année. C’est donc un oiseau commun mais qui se fait toutefois plus rare sur le littoral méditerranéen. Quant à la Corse… gardons le « suspense » pour le moment. La sittelle « ne reste guère en place » : suivre ses évolutions vous permettra de découvrir sa sûreté dans toutes les circonstances. Qu’il s’agisse de grimper, de descendre, de s’accrocher aux branches ou branchettes, l’oiseau est toujours à l’aise comme il l’est lorsqu’il se déplace sur le sol. Dans toutes ses activités, il demeure vigilant et, par exemple, adoptera une technique semblable à celle exploitée par l’écureuil pour rester dissimulé à votre vue : au fur et à mesure de votre progression, il tournera autour du tronc auquel il est agrippé pour que celui-ci soit, toujours, entre vous et lui. Sa nourriture est des plus variées : elle comporte, tout d’abord, des proies animales recherchées dans les fentes des écorces, sur les branches, au sol. Le bec est l’outil qui est mis le plus souvent à contribution : c’est avec lui que la sittelle prospecte les fentes des écorces, la litière au sol, à la recherche d’insectes et de petits mollusques. Les aliments d’origine végétale ne sont pas dédaignés pour autant et prennent même une importance capitale pendant l’hiver. Graines diverses, faînes, glands, noisettes, tout est bon car ce n’est pas une coque dure qui peut arrêter une sittelle amatrice d’amandes. La découverte effectuée, la prise sera transportée jusqu’à l’un des « étaux » dont la sittelle connaît bien l’emplacement. Il s’agit en réalité d’une fente, dans un arbre, qui lui permettra de coincer le fruit sec dans une position telle que, prenant place légèrement en surplomb, il lui sera possible de le marteler systématiquement, jusqu’à ce que la coque cède. Une faible ouverture suffit pour extraire l’amande (en petits morceaux) ; la coquille vide reste coincée ou est expulsée (il lui arrive aussi de tomber en cours d’exploitation, dans ce cas l’oiseau ne va pas la récupérer au sol). Sachant cela, au cours de vos promenades en forêt, n’hésitez pas à vous baisser pour ramasser des noisettes attaquées, afin de savoir s’il s’agit de fruits consommés par des petits rongeurs ou par une sittelle. Dans le premier cas, vous découvrirez des traces de dents, dans le second… non, mais profitez-en pour admirer la précision du travail : aucun coup de bec ne s’est égaré. Ces activités de transport nous conduisent à évoquer un nouveau phénomène de convergence entre la sittelle et l’écureuil : cet oiseau a, lui aussi, tendance à constituer des réserves alimentaires dont seule une fraction sera consommée ultérieurement. À ce propos, une remarque sur l’expression « avoir un appétit d’oiseau » : quelle erreur biologique ! Quel être humain, en effet, serait capable d’ingérer, quotidiennement plus du tiers de son propre poids de nourriture ? Cette parenthèse fermée, essayons de retrouver les caches constituées par les sittelles. Il ne faut pas compter sur elles pour nous aider dans cette tâche, car, là encore, nouveau point commun avec les écureuils : elles en oublient les emplacements et doivent elles-mêmes les redécouvrir au hasard. Une curiosité comportementale : même si une sittelle transporte plusieurs graines à la fois, elle prendra le soin de les enfouir une à une. Un couple de sittelles peut effectuer en moyenne 920 stockages quotidiens. Si l’occasion s’en présente, les sittelles adopteront très vite les postes de nourrissage hivernal… ou même les gamelles de vos animaux. Ce comportement leur aurait valu l’appellation de sittelles torchepots, leur nettoyage étant assuré en « deux coups de cuiller à pot ». La période de reproduction est à l’origine d’une seconde appellation traduisant une autre aptitude de cette espèce : la sittelle maçonne. En effet, très « exigeant » quant à ses conditions de logement, cet oiseau ne trouve pratiquement pas en nature de cavités pouvant le satisfaire pleinement. Force lui est donc de mettre le bec « à la pâte » pour l’aménager. Pour ce faire, la sittelle récolte, à terre, divers matériaux qu’elle mélange avec de l’argile. Ces boulettes de mortier sont ensuite appliquées où nécessaire, le bec servant de truelle : réduction du trou d’envol et obturation de toutes les fentes. Par contre, beaucoup moins de soins sont apportés à la confection du nid, rudimentaire, composé de fragments d’écorce et de feuilles sèches. La ponte, en général une seule par année, comprend de six à huit oeufs blancs tachetés de roux. Dès leur indépendance alimentaire acquise, au bout d’environ trois semaines, les jeunes se dispersent, laissant le territoire à leurs parents. Levons maintenant le « suspense corse » annoncé : dans l’île de Beauté si vous avez de bons yeux (ou des jumelles), vous pourrez observer des sittelles… mais il ne s’agit pas de la même espèce. Cette dernière, la sittelle corse, n’a été découverte qu’en 1883 par l’ornithologue anglais Whiteheadi d’où ses deux noms latins : Sitta Whitehead ou… canadensis (mais comment serait-elle venue ?). Cet oiseau est de la taille d’un grimpereau et fréquente surtout la cime des arbres où il prospecte sa nourriture un peu à la manière des mésanges. Ayant fait un premier bond du continent à la Corse, effectuons-en un second pour nous retrouver en Algérie où, en 1976, Ledant observa et décrivit une espèce jusqu’alors inconnue : la sittelle… de Ledant, Sitta Ledanti. Ce sanctuaire fut aussitôt classé comme Parc national étant donné le très faible effectif de cette population. En réalité, depuis, son aire de répartition semble être plus vaste.
Bon pied, bon œil
Voici quelques notions générales relatives aux oiseaux nous permettant des comparaisons avec l’Homme car c’est en fait le vertébré qui est le moins abordé dans cette chronique… la majorité des exemples retenus pourront faire l’objet de vérifications personnelles ; ce qui est, nous semble-t-il, la meilleure façon non pas d’apprendre mais de retenir. La première comparaison Homme-oiseau se situera au niveau des membres. Par rapport à notre membre antérieur comment se présente une aile ? Le bras – de l’épaule au coude – correspond à l’humérus qui, chez les oiseaux, est souvent pneumatisé. L’avant-bras est formé du radius et du cubitus, la main ne comprend que 3 métacarpiens dont un portant le pouce est rudimentaire. Les 2 autres soudés à leur extrémité, portent les 2e et 3e doigts. Les différences principales sont donc, pour ce membre, la réduction du nombre de doigts et leur non-dépendance individuelle. Pour le membre postérieur, la cuisse – de la hanche au genou – n’est pas visible chez l’oiseau car le fémur est inclus dans le corps. La jambe – du genou à la cheville – est la première partie visible ; ce qui revient à dire que la première articulation n’est pas le genou mais la cheville, la patte est donc, de ce fait même… le pied ou disons le tarse ; ce qui choque moins l’image habituelle que nous nous faisons d’un pied ! Les doigts sont le plus souvent au nombre de 4 et portent selon les espèces un nombre variable de phalanges. La répartition la plus fréquente est facile à retenir : pouce, le 1er doigt : 2 phalanges ; le 2e : 3 ; le 3e : 4 et le 4e : 5. Selon le mode de vie, un ou deux doigts peuvent être dirigés vers l’avant, les autres vers l’arrière. La répartition la plus fréquente est de 3 en avant, 1 en arrière (le pouce). Les oiseaux grimpeurs, quant à eux, jouent l’équilibre : 2/2 ; ce qui se comprend lorsque l’on sait qu’ils ont fréquemment à grimper à la verticale. Dans ce cas, d’ailleurs, ils mettent aussi à contribution leur queue comme point d’appui supplémentaire. Ces différences anatomiques Homme-oiseau ne sont pas, toutefois, aussi spectaculaires que celles ayant trait à la tranquillité d’un oiseau perché sur une petite branche balancée par le vent. Penser qu’il peut même dormir dans ces conditions, nous laisse rêveurs car toutes proportions gardées, combien d’entre nous seraient capables de semblables acrobaties ? Deuxième sujet de réflexion motivé par la simple constatation, qu’il est difficile de surprendre un oiseau : « Ils doivent avoir une vue bien meilleure que la nôtre ». En toute humilité, il faut reconnaître que ce constat est exact… au moins dans les domaines explorés car, par exemple, nos connaissances de la vision colorée de son environnement par l’oiseau demeurent des plus légères. Par contre, à partir des mêmes cellules nerveuses spécialisées – à cônes et à bâtonnets – regroupées dans la rétine, l’oiseau révèle des capacités visuelles bien plus développées. Il est vrai que chez lui le slogan « la vue c’est la vie » a une valeur de survie encore plus grande que chez l’Homme. Mais c’est dans le domaine de la vision monoculaire que nous sommes complètement dépassés : la position latérale des yeux chez beaucoup d’espèces d’oiseaux n’est pas la seule explication. Celle-ci permet déjà à l’individu de voir près de 180° à gauche et 180° à droite (Qui dit mieux ?) mais le fait remarquable est que l’oiseau peut utiliser simultanément et indépendamment ses deux yeux : le cerveau ne mélange pas les informations qui lui parviennent ! Autrement dit… tout l’horizon – ou presque – peut être surveillé « d’un coup de chaque oeil ». La vision binoculaire existe également et est plus ou moins développée selon les espèces. C’est pratiquement la seule à exister chez les rapaces nocturnes – aux yeux frontaux, comme les nôtres – mais ces oiseaux peuvent tourner la tête presque de 180° sans bouger le corps. Surtout, n’essayez pas d’en faire autant : mieux vaut vous retourner ! Après cette présentation théorique, passons aux travaux pratiques en observant un merle noir à la chasse aux vers de terre sur une pelouse. Il progresse en sautillant d’un air décontracté mais en fait, il prospecte avec attention et à droite et à gauche. Ayant reçu quelque part sur l’une de ses deux rétines, ce qui lui semble être l’image d’une proie potentielle, il s’arrête et penche la tête pour amener cette image non précise sur la zone sensible en vision monoculaire, la fovea de découverte. Si c’est une erreur, il reprend sa prospection, sinon il dirige son corps dans cette direction afin de bénéficier cette fois d’une vision binoculaire lui permettant d’apprécier avec exactitude la distance pour que son attaque soit couronnée de succès. Une analyse semblable pourrait être faite vis-à-vis d’un faucon crécerelle en chasse : il plane de-ci de-là surveillant en fait le terrain qu’il survole. Il adoptera le vol en Saint-Esprit – vol sur place – pour vérifier une impression et, s’il s’agit bien d’une proie, souvent un petit rongeur, il plongera… tout en passant ainsi en vision binoculaire. En conclusion de ces quelques rappels, ne nous voilons pas la face mais au contraire ouvrons grand les yeux et augmentons si nécessaire leurs possibilités en ayant recours à des jumelles afin de mieux découvrir les oiseaux dans leurs beautés, leurs vies de tous les jours.
Le coucou annonce le printemps
En avril, il n’est pas rare de rencontrer des rassemblements de gendarmes prenant le soleil au pied de différents arbres, souvent des tilleuls, peupliers ou ormes (lorsque ces derniers sont encore vivants). Il ne s’agit nullement d’hommes de la Maréchaussée en repos mais d’insectes Hémiptères, les Pyrrhocoris apterus, qui attirent l’oeil en raison de leur coloration rouge vif parsemée de taches noires ; ce qui leur vaut, parfois aussi, les appellations de Soldats ou même de Diables. Chez cette espèce, les partenaires accouplés sont en opposition ; chacun semblant vouloir entraîner l’autre dans sa direction ! Inaptes au vol, ces animaux, même en grand nombre, ne sont à l’origine d’aucune déprédation. Attirent l’oeil également à cette époque, les petites masses spongieuses réparties le long de la tige de certaines plantes. Ces masses sont facilement prises pour des crachats mais un doute naît, cependant, en leur abondance. En réalité, à l’intérieur de chacune d’elles, vit une nymphe qui, par cette technique, à la fois lutte contre la dessiccation et se dissimule à ses prédateurs potentiels. L’adulte, Aphrophore écumeuse, est un suceur de sève. « la sagesse populaire » parle de « crachats de cou-cou » ; ce qui, en fait, est une calomnie consécutive à une mauvaise interprétation de deux événements : l’audition des premiers chants de coucou et l’apparition des premières nymphes. Par contre, le coucou, lui, est capable de rejeter par le bec la paroi interne de son estomac lorsque celle-ci devient feutrée en raison d’un grand nombre de poils de chenilles bleues qui se sont plantés dedans. C’est ce mécanisme qui permet à cette espèce d’en faire une grande consommation tandis que les non dotés de cette faculté de régénération de la paroi stomacale, les respectent. Mais parlons du chant de cet oiseau, qui lui a valu son nom. Le « cou-cou » traditionnel est l’apanage des mâles. Les femelles possèdent, quant à elles, un chant beaucoup plus discret et dont, d’ailleurs, elles n’usent que fort peu. Il est vrai qu’étant donné le rôle qui leur est imparti, elles n’ont aucun intérêt à se faire repérer des propriétaires des nids qu’elles s’apprêtent à parasiter ! Ces derniers d’ailleurs tombent assez aisément dans le piège que leur tendent les mâles en attirant sur eux l’agressivité des petits passereaux, donnant ainsi la possibilité aux femelles d’avoir le champ libre. Pour rester dans le cadre des manifestations acoustiques – et envisager d’éventuels travaux pratiques – tournons-nous vers le criocère du lis, petit Coléoptère (8 mm), aisément repérable de par sa couleur presque entièrement rouge vermillon dessus tandis que la partie antérieure de la tête, les pattes et le dessous du corps sont noirs. Si vous en apercevez un, approchez- vous précautionneusement sans vous faire repérer, sinon l’animal se laisse tomber dans la végétation. Attrapez-le et portez-le à votre oreille. Là, vous le serrerez (doucement) entre deux doigts ; ce qui déclenchera chez lui l’émission d’une série de petits cris fort audibles… à faible distance. Un moyen mnémotechnique de retenir son nom : « Crie, on serre » ! Avec les autres représentants de cette famille, tel le criocère de l’asperge, je ne peux pas garantir la même réaction, par manque d’expériences personnelles…
Vous venez d'écouter Printemps épisode 1, extrait des chroniques de la nature, publié aux éditions Quae en 2022.