Speaker #1En France, on a quelques espèces qui sont vraiment en grande difficulté. Il faut distinguer des espèces qui seraient en limite orientale ou occidentale ou septentrionale de répartition, qui arrivent en bordure de ce qu'est la France d'un point de vue politique, et juste un petit bout de l'Europe, mais d'un point de vue biologique, les frontières de France n'ont pas de particularité exceptionnelle. Et donc ça, c'est vraiment différent. Si jamais cette frontière bouge de 10 km et que l'animal n'est plus présent en France, mais chez les voisins, c'est juste un peu dommage pour nous, mais ce n'est pas dramatique. Par contre, il y a deux exemples que j'aimerais un tout petit peu préciser qui sont assez différents dans leurs conséquences. Il y a un petit mammifère qui s'appelle le vison d'Europe, avec un V, ce n'est pas le gros bison, c'est le petit vison, petit carnivore qui pèse à peine un kilo adulte, très mignon, qui a un joli pelage chocolat, et qui a les lèvres blanches, il a un petit masque blanc sur le bout du museau, la lèvre supérieure et le menton. Et cet animal paradoxalement, n'a été découvert scientifiquement que dans le courant du 19e siècle. Avant le 19e, on ne le connaissait pas ou on le confondait avec un autre. On l'appelait parfois putois d'eau. Est-ce que c'était une confusion avec le vison ? On a des textes qui ne sont pas très précis, jusqu'au courant des années 1800 et quelques. En tout cas, aujourd'hui, depuis qu'on a commencé à l'étudier au milieu du XXe siècle, on a constaté une chose malheureusement extrêmement claire, il régresse considérablement et il n'est plus présent que sur quelques départements de la façade atlantique française, depuis les Charentes jusqu'aux Pyrénées-Atlantique et tout le reste de l'espace où il était présent, il allait jusque dans le centre du pays, sur le Val-de-Loire, il a complètement disparu. Or, c'est une espèce qui était présente depuis l'ouest de la Russie jusqu'à l'Atlantique en France et qui disparaît de Russie, qui disparaît de Roumanie, qui disparaît des Pays-Baltes. Et c'est une espèce qui non seulement est proche de l'extinction complète en France, mais également proche de l'extinction universelle, totale sur la planète. Il avait une répartition assez vaste et pour des raisons qu'on ne sait pas bien expliquer, depuis le XIXe siècle, il régresse. Actuellement c'est une tendance qui se poursuit. Et donc là, avec ce petit vison, on a une grande responsabilité parce que la population française, avec quelques extensions côté de l'Espagne, donc à l'ouest des Pyrénées dans le nord-ouest de l'Espagne. On a une population encore présente, mais encore combien de temps, je ne sais pas. C'est aussi très compliqué côté espagnol. Dans le delta du Danube, côté Roumanie, c'est en régression. Pays-Bas, c'est en régression. Et Russie, on ne sait pas s'il en reste. Et donc, là, il y a vraiment un enjeu patrimonial au-delà de notre propre pays. Est-ce qu'on saura faire en sorte de le garder ? De quoi souffre-t-il ? Concurrence avec le vison d'Amérique qu'on a apporté pour l'élevage, qu'on apporte toujours comme animal de compagnie, qui s'échappe évidemment, et qui est un concurrent écologique, qui lui transmet des maladies, et qui est plus puissant que lui, et qui l'élimine physiquement ? Et on ajoute à cela l'aménagement du territoire, l'assèchement des zones humides, puisque c'est un petit mammifère de zones humides, on a tous les paramètres qui expliquent sa disparition, et pour l'instant, on n'est vraiment pas certain de le récupérer. La deuxième espèce, c'est vraiment différent, c'est l'ours brun. L'ours brun est présent sur toute la zone européenne, russe, nord du Japon, Kamchatka en Russie, et puis Amérique du Nord, c'est la même espèce avec des animaux beaucoup plus grands en Russie, beaucoup plus grands en Amérique du Nord, mais c'est l'ours brun. Et depuis quelques millénaires, depuis la fin de la préhistoire et le début de l'histoire, l'humanité, les humains ont éliminé les ours parce que c'était encombrant, ça les gênait, pour prendre leur fourrure aussi parce que c'était sympa, ça faisait joli et très chaud l'hiver. Et donc les ours maintenant sont éparpillés en petites populations complètement isolées les unes des autres, depuis la Cantabrie en Espagne, les Pyrénées, France-Espagne, jusqu'au Kamchatka, où là c'est des plus grands espaces, mais qui n'évoluent malheureusement pas toujours dans le bon sens. Et donc, à la fin du XXe siècle, il restait 5-6 ours dans les Pyrénées, des deux côtés de la chaîne. Et à partir de 1996, on a réintroduit les ours depuis la Slovénie pour que l'espèce ne disparaisse pas en France. C'était une espèce patrimoniale, elle a toujours été présente chez nous, elle a été présente avant que les humains n'arrivent en France, dans ce qui s'appelle la France aujourd'hui. Et on a fait le choix de préférer les garder que de les laisser disparaître. Mais on a aujourd'hui une centaine d'ours. Ce n'est pas beaucoup pour la chaîne des Pyrénéennes qui pourrait, d'après les données biologiques, en héberger deux ou trois fois plus. Les ours sont encombrants, c'est certain. Ils passent l'hiver en léthargie, un peu comme les marmottes, même si ce n'est pas une hibernation aussi profonde. Et donc ils ne sont pas présents à ce moment-là sur le terrain, ils ne peuvent pas gêner les gens puisqu'il n'y en a plus. Et ils sont simplement bien vus par certains, moins bien vus par d'autres, alors que les conditions de cohabitation sont beaucoup plus simples qu'avec le loup, par exemple, qui est vraiment un prédateur 100% pour son alimentation d'animaux sauvages ou d'animaux domestiques. Et donc l'ours, il en reste 100. Il y a des pressions très fortes dans les Pyrénées françaises pour combattre son extension. Et donc là, il y a vraiment un enjeu politique. Au niveau biologique, les ours savent quoi faire si on les laisse tranquilles. C'est au niveau politique que les humains doivent trouver encore des façons de cohabiter, les uns avec les autres, et avec aussi des autres qu'humains. Je préfère dire autres qu'humains que non-humains, parce que si on dit non-humains, on leur retire quelque chose. Si on dit autres qu'humains, ils sont eux-mêmes, mais d'une façon différente, il n'y a pas de comparaison en plus ou en moins. Et donc, voilà, le vison d'Europe, espèces en voie de disparition en France et d'extinction mondiale, ça, c'est vraiment, ça serait triste. On peut vivre sans, mais je pense que ça serait mieux avec. Et l'ours, il est encore présent dans d'autres pays. Il y a beaucoup de petites populations isolées dont la survie est toujours difficile. On en a une qui va plutôt bien dans les Pyrénées grâce à des efforts que nous avons faits, quand je dis nous, c'est le pays, c'est pas moi, pour que l'espèce ne disparaisse pas. Et les Pyrénées ont une histoire avec des ours. Donc les Pyrénées sans ours, ça serait les Pyrénées autrement et peut-être pas forcément beaucoup mieux. Donc voilà, l'enjeu c'est de trouver la réponse entre humains, parce que les ours ils savent comment faire si on les laisse tranquilles. C'est nous comment on fait pour être capable de cohabiter entre nous et avec des autres comme des ours.