Speaker #0Les éditions Quae vous présentent Chroniques de la Nature. Printemps, épisode 2. Extrait de l'ouvrage de Philippe Gramet, lu par François Muller.
Admirables pères hippocampes…
La silhouette si caractéristique de ce petit poisson marin est connue de tous mais, par contre, sa biologie demeure assez méconnue ; ce qui est une lacune regrettable étant donné son originalité. C’est pourquoi, après un bref rappel de sa morphologie, nous nous attacherons à lever le voile sur son comportement reproducteur des plus inattendus. L’hippocampe est le seul poisson dont la tête n’est pas dans le prolongement du corps. Celle-ci, de par la présence d’un museau allongé et étroit, de larges joues surmontées de deux yeux saillants, fait tout de suite penser au cavalier d’un jeu d’échecs d’autant que la nageoire dorsale, constituée de filaments minces et souples, évoque immédiatement la crinière de cet animal. De la famille des Syngnathidés, l’hippocampe n’a pas le corps recouvert d’écailles mais de plaques ossifiées garnies de crêtes saillantes. Est-on en présence d’un poisson marin ou d’un destrier harnaché pour le combat ? L’observation de la partie terminale du corps évite toute confusion : celui-ci s’achève, en effet, par une « queue » préhensile qui est mise à contribution pour s’accrocher à des végétaux… ou à un congénère ! Cet enroulement est rendu possible par la disposition particulière des plaques qui constituent des anneaux mobiles les uns par rapport aux autres. À noter que le terme de « queue » est passé dans le langage courant pour cette espèce tandis que normalement, pour cette classe de vertébrés, la queue correspond à la nageoire caudale… inexistante chez l’hippocampe. C’est par son comportement reproducteur que l’hippocampe se singularise de façon incroyable mais vraie et ce, dès la phase de la parade conduisant à la formation des couples. Il s’agit d’une véritable danse nuptiale dont les jeux gracieux semblent réglés par un invisible orchestre. Ces jeux peuvent se maintenir durant des jours. Pour tenter de mieux les imaginer, il faut rappeler que cet animal demeure toujours dressé, même au repos. Lors de ses déplacements – qu’il réduit au minimum – il reste encore droit et raide. Il avance sans à-coups grâce aux mouvements de ses nageoires pectorales utilisées comme des hélices tandis que c’est grâce à des mouvements de tête qu’il contrôle aussi bien sa direction de progression (mouvements latéraux) que sa profondeur d’immersion (par des mouvements verticaux exploitant ainsi à son profit le théorème d’Archimède en jouant sur la position de son centre de gravité). Les projets d’avenir ayant fait l’objet d’un accord entre les deux danseurs, ceux-ci s’accolent. À cette pression, la femelle expulse ses oeufs qui sont fécondés par le mâle avant qu’il ne les récupère dans une poche située sur son abdomen. Notre cavalier se transforme dès lors en « kangourou femelle » abandonnant sa cavalière mais conservant de 200 à 300 oeufs qui se fixent, côte-à-côte, sur la paroi interne de la poche où ils s’engluent dans du mucus. L’hippocampe mâle (gardons-lui son nom et son sexe !) ne se contente pas de protéger mécaniquement sa future progéniture mais il contribue à son développement tout comme les embryons de mammifères dans l’utérus profitent d’une alimentation maternelle. En effet, durant l’incubation, se développent, à l’intérieur de la poche, des appendices riches en vaisseaux sanguins qui, peu à peu, recouvrent les oeufs et permettront, ainsi, leur alimentation par simple osmose. L’hippocampe restera « enceint » pendant deux mois environ avant de « souffrir les affres de la délivrance » : c’est son comportement qui incite à employer cette expression car, le moment venu, le père se laisse choir sur le fond, s’allonge sur le ventre, se contorsionne tant et plus, presse sa queue contre sa poche incubatrice afin d’accélérer l’expulsion des jeunes. Ceci peut, cependant, exiger de nombreuses heures, aussi, cette parturition active est-elle entre-coupée de périodes apparentes de repos. Après un tel dévouement, il peut sembler curieux que l’hippocampe se désintéresse aussitôt du devenir de sa progéniture, mais cependant tel est le cas. La dispersion des jeunes est très rapide, chacun ne devant plus compter que sur lui-même pour survivre. Trois espèces d’hippocampes peuvent être rencontrées dans les eaux européennes, soit sur les côtes atlantiques – de l’Angleterre à Gibraltar – soit en Méditerranée. Les distinguer les uns des autres est, pourrait-on dire, affaire de spécialistes. Certes, l’obstination peut conduire à la réussite mais, a priori, il faut avoir conscience que celle-ci « n’est pas dans la poche »…
Aider la nidification
En février, le printemps peut déjà se manifester mais des coups de froid sont encore à craindre et c’est pourquoi, entre autres, les arboriculteurs, les jardiniers doivent rester vigilants : des attaques d’ébourgeonneurs, parmi lesquels les bouvreuils, les mésanges et même les moineaux sont les plus redoutables, peuvent encore se produire. Si une protection mécanique n’est pas en place, qu’ils soient prêts à réagir par une pulvérisation répulsive adaptée dès que des dégâts seront repérés. Ne pas remettre au lendemain ce qui doit être fait le jour même : un bouvreuil, « à plein rendement », peut ingérer de 30 à 40 bourgeons à la minute ! Les oiseaux migrateurs vont regagner leur aire de reproduction. Pour les étourneaux venus hiverner dans notre pays, ce n’est, malheureusement qu’un au revoir mais il faut souligner le fait suivant, trop souvent méconnu : il n’y a pas colonisation par des individus nés à l’étranger, la ségrégation des populations demeure la règle. En conclusion, si, au printemps, il est noté une augmentation des populations locales, il faut avoir conscience que celle-ci est la conséquence directe d’une augmentation de nos propres populations. D’autres espèces, par contre, méritent de retenir notre attention et surtout notre protection. Si l’on tient, par exemple, à aider certaines d’entre elles à nidifier, il est grand temps de mettre en oeuvre des techniques appropriées : pose de nichoirs pour les espèces nidifiant dans des cavités (mésanges, rapaces nocturnes…), formation temporaire de gobelets artificiels pour celles recherchant des enfourchures pour amener leur nid à ciel ouvert. Dès les premiers beaux jours, les mâles, en effet, vont se mettre à la recherche d’un territoire qui doit comprendre, au moins, un site de nidification répondant aux exigences propres de l’espèce. Ayant trouvé ce qui lui convient, il proclamera ses droits de propriété. Ce sera, alors, le début du concert caractéristique du réveil printanier… et de la répartition territoriale du milieu. Attendre ce stade pour intervenir est limite, attendre encore plus est des plus aléatoires, car cela conduit simplement à ajouter des sites potentiels de nidification dans des territoires déjà occupés. Maître d’un territoire, il reste encore au mâle à conquérir, « à séduire » une partenaire. Les parades nuptiales, chez les oiseaux, peuvent revêtir bien des modalités. Les stratégies adoptées varient d’une espèce à l’autre mais leurs études révèlent que toutes sont fort bien adaptées pour assurer la survie de l’espèce. Le rouge-gorge, si vite familier envers l’Homme, est un individualiste farouche et se montre d’une intolérance exacerbée vis-à-vis de tout autre congénère. Comment, dans ces conditions, réussira-t-il à s’apparier, aucun facteur optique ne lui permettant de distinguer un mâle d’une femelle ? La solution réside, pourrait-on dire, dans « l’inconscience féminine » ! À la saison des amours, ces dernières évoluent de-ci de-là, sans tenir aucun compte des proclamations des droits de propriété – ni même des postures agressives – des mâles dont le territoire se trouve, ainsi, momentanément envahi. Cette absence totale de réaction à des signaux pourtant fort explicites est plus ou moins rapidement intégrée, les célibataires amoureux se rendant compte, alors, qu’il y a erreur sur la personne… Tout rentre donc dans l’ordre peu après et, l’union faisant la force, ce territoire sera désormais défendu par le couple.
À la surface des mares et des étangs
« En mai, fais ce qu’il te plaît » dit le proverbe mais, en amoureux de la nature, ne prenez pas cette autorisation au pied de la lettre si, par exemple, vous décidez d’aller traquer le brin de muguet sauvage ou, tout au moins, de prendre ce prétexte pour une promenade sylvestre. En effet, vous allez être, ainsi, conduit à circuler dans ces zones où, à cette époque, nombre d’espèces sont en pleine reproduction et ont besoin de calme. Ne les dérangez pas car, si le muguet est considéré comme un porte-bonheur, ce ne doit pas être au détriment des autres êtres vivants… Au bord des mares, la discrétion est aussi de rigueur, cette attitude vous permettant de vous fondre dans l’environnement et passer ainsi inaperçu de la faune locale si vive à disparaître dans le cas contraire. Méfiez-vous, tout particulièrement, des vibrations transmises par le sol, des ombres portées sur la surface des eaux et, évidemment, de tous mouvements brusques. Vous pourrez, alors, faire connaissance, par exemple, avec les hydromètres arpentant la mare sans se mouiller les pattes (phénomène de tension superficielle). Vous les différencierez, aisément, des diverses espèces de gerris (dits clics-clics ou patineurs), nettement plus petites, aux deux paires de pattes postérieures disposées en X. « Ah oui, les araignées d’eau, on connaît ! ». Certes, tel est le nom populaire de ces punaises aquatiques (Hémiptères), regardez d’un peu plus près : ces animaux n’ont que trois paires de pattes. Ce ne sont donc pas des arachnides mais des insectes. D’une bonne détente, ces invertébrés peuvent progresser de plus d’un mètre ou même pratiquer le saut de puce. Ils ne peuvent, toutefois, pas se mesurer aux gyrins (Coléoptères), véritables hors-bord de ces lieux capables de foncer en ligne droite ou de tourner presque sur eux-mêmes avec une maestria remarquable ; ce qui leur vaut aussi le nom bien justifié de tourniquets. Avantage sérieux par rapport à un hors-bord classique, ces gyrins peuvent, en cas de danger, se transformer en quelques instants en sous-marins ; sa provision d’air étant stockée sous forme d’une bulle coincée en bout d’élytres qu’il peut entraîner en profondeur s’il est contraint de plonger ! Le calme régnant, entreront en jeu, peu après, les notonectes qui se propulsent à l’aide de vigoureux coups de rames, 2 de chaque côté. Ces punaises – attention, qui dit punaise, dit piqûres possibles… et douloureuses – dans le cas présent nagent sur le dos. L’espèce la plus commune est la notonecte glauque porteuse d’un écusson noir dorsal caractéristique tandis que la face ventrale, plus ou moins visible au repos, est d’un jaune sale. Chez ces espèces, les larves sont des adultes en miniature, seules celles des deux derniers stades ayant des ébauches d’ailes. Peut-être aurez-vous, aussi, la chance de déceler la présence d’une nèpe, Hémiptère connu également sous le nom de scorpion d’eau. Cet animal, non dérangé, est fort avare de ses mouvements. Cela est si vrai que si, dans son milieu, il découvre un site où il peut se mettre à l’affût tout en ayant contact par son siphon respiratoire avec la surface de l’eau, il pourra rester immobile fort longtemps. La paire de pattes antérieures, « démesurée », constitue des bras ravisseurs redoutables car tibias et tarses peuvent se replier dans une dépression du fémur selon un mouvement comparable à celui d’une lame de couteau que l’on referme d’un coup sec.
Plongeurs sans bouteilles
La faune aquatique regroupe un très grand nombre d’espèces d’insectes aux biologies des plus variées. Certaines d’entre elles, bien que respirant l’air par des poumons, se révèlent fort bien adaptées à des évolutions sous-marines de durées remarquables. L’Homme, plongeant en apnée, est quant à lui très vite limité d’où son appel à divers subterfuges techniques dont le port de bouteilles d’air comprimé afin d’accroître son autonomie sans avoir à refaire surface. Ces dispositifs sont inconnus des insectes mais Dame Nature a, dans bien des cas, prévu des systèmes de stockage d’air des plus ingénieux. Quelques exemples pris chez des espèces que vous pourrez avoir l’occasion d’observer un jour ou l’autre vont nous prouver la véracité de cette affirmation. Le dytique marginé, Dytiscus marginalis, tout d’abord qui est un chasseur sous-marin redoutable – le tigre des eaux douces – aussi bien à l’état larvaire qu’au stade adulte. La larve, blanchâtre ou jaunâtre, a une silhouette caractéristique, en portemanteau, lorsqu’elle est au repos. Sa tête aplatie porte 2 fortes mandibules en forme de crochets. C’est avec celles-ci qu’elle capture ses proies ; n’ayant pas de branchies, elle ne peut pas exploiter l’oxygène dissous et doit donc venir respirer en surface. Elle « fait le plein » par l’extrémité de son abdomen doté de 2 expansions pourvues de poils non mouillables ; ce qui lui permet de se maintenir en surface le temps d’aspirer de l’air par des stigmates. L’adulte, un coléoptère de 3,5 cm de longueur, de forme ovale, au dessus verdâtre avec des marges jaunâtres sur le thorax, procède un peu selon le même mécanisme mais à la respiration directe par les stigmates terminaux, il adjoint la constitution d’une réserve d’air, retenue par des poils, entre son abdomen et ses élytres ; ce qui accroît son autonomie. Cet air supplémentaire sera pompé le moment venu à l’aide de stigmates s’ouvrant dans cette zone. À noter que, simultanément, cet air l’aide dans ses déplacements comme le démontre l’expérience suivante : si, à l’aide d’un compte-gouttes on aspire celui-ci… l’insecte coule aussitôt et, étant dans l’incapacité de regagner la surface, meurt noyé. L’hydrophile sombre, Hydrophilus piceus, est le plus gros coléoptère aquatique de France pouvant atteindre 5 cm de longueur. De couleur noire, de forme ovale, il apparaît, à l’inverse du dytique comme un animal débonnaire, pataud. C’est un herbivore qui broute les pâturages sousmarins, se déplaçant lentement et en zig-zag (il ne nage pas, il godille). Sa larve est, quant à elle, carnivore et de biologie voisine de celle du dytique, mobilité mise à part. L’adulte, lui, a développé un mode de respiration très particulier : il respire « par la tête ». Ayant besoin de faire ses provisions, il gagne la surface, sort la tête de l’eau et stocke de l’air sous son thorax, les différents segments de ses antennes s’emboîtant pratiquement les uns sur les autres afin de former une gouttière de cheminement. En plongée, il exploitera cet air grâce à 2 stigmates ventraux tandis que l’air expiré sera stocké à son tour sous les élytres afin de réduire ses dépenses énergétiques lors des déplacements : « pataud » mais ingénieux… Si la très grande majorité des araignées « n’aiment pas se mouiller », l’argyronète, Argyroneta aquatica, est l’une des exceptions qui confirment cette règle. En effet, cette espèce vit sous l’eau bien que dotée d’une respiration pulmonée aérienne. Dans un premier stade, elle se construit – au cours de nombreux va-et-vient – une petite cloche soyeuse accrochée aux plantes immergées puis elle remplit celle-ci d’air qu’elle rapporte emprisonné entre ses poils non mouillables. C’est également dans cette cloche que se développera sa ponte. L’argyronète est la seule araignée réellement aquatique de notre faune. Elle peut se rencontrer partout sauf dans la région méditerranéenne. Par contre, sur ce littoral, vous pourrez découvrir sur les côtes rocheuses Desidiopsis racovitzai, petite araignée qui n’hésite pas à s’installer dans la zone recouverte lors des marées hautes. Afin de pouvoir survivre pendant ses heures d’immersion, elle se réfugie sous sa toile et exploite l’air qui y est retenu prisonnier… Relu par Alain Fraval
Bondrées et buses, ne vous laissez pas abuser…
Tous les rapaces sont protégés par la législation. Il est peut- être difficile de distinguer une bondrée apivore d’une buse variable qui sont pourtant deux espèces bien différentes… au moins en ce qui concerne leur biologie ! Un miaulement dans le ciel : une buse ou une bondrée est proche et va peutêtre vous donner l’occasion d’exercer vos talents de détective ! L’envergure de l’oiseau – 1,20 m environ – n’est pas un critère de détermination. Il faut porter son attention à la longueur relative de la queue par rapport au corps : une queue « longue » et surtout porteuse de 3 bandes foncées plaide en faveur d’une bondrée apivore. Un coup d’oeil à la tête de l’animal : tête petite et cou bien marqué confirment cette identification mais une vérification supplémentaire est toujours souhaitable. Pour cela, regarder la forme des ailes bien plus étroites chez la bondrée apivore que chez la buse. Il n’a pas été fait mention de la coloration du plumage car celle-ci chez les deux espèces peut présenter de très grandes variations individuelles (c’est d’ailleurs ce phénomène qui a valu à la buse son qualificatif de « variable »). Les bondrées apivores sont migratrices et ne séjournent pratiquement dans notre pays que le temps d’y nidifier et d’élever leurs jeunes soit, approximativement, de mai à fin août-début septembre. Des buses, par contre, peuvent être observées tout au long de l’année. Bondrée apivore, Pernis apivorus : que ce qualificatif de mangeuse d’abeilles n’inquiète pas les apiculteurs car, en réalité, ces oiseaux « se contentent » d’Hyménoptères sauvages qu’ils apprécient quel que soit le stade de développement. Si une bondrée découvre un nid, celui-ci ne tardera pas à être déterré à moins que le sol ne soit trop dur. Il semblerait d’ailleurs que ce soit ce facteur qui explique l’absence de cette espèce dans la zone méditerranéenne où les Hyménoptères abondent mais dont les nids se trouvent protégés de façon purement mécanique. S’attaquer à un nid de guêpes ou de frelons implique, cela va sans dire – et va encore mieux en le disant –, des adaptations particulières car les propriétaires ne se laissent pas spolier sans tenter de réagir. Mais en ce domaine que faire ? La bondrée est parfaitement protégée des piqûres aussi bien par la densité de son plumage que par la présence, sur ses tarses, d’écailles interdisant toute pénétration d’un dard. Avaler un adulte nécessite par contre, quelque précaution : une fois « son éducation faite », l’oiseau ne saisira plus ses proies que par le travers et se hâtera de détacher la partie postérieure de l’insecte qui contient dard et glande à venin. Certains printemps, un peu tardifs, les proies peuvent être relativement rares. Adaptant le proverbe : « Faute de grives on mange des merles » (ou des étourneaux, seuls pâtés pouvant, actuellement, être commercialisés), la bondrée se contentera de chenilles, orthoptères ou parfois même, lézards et grenouilles, mais ne s’attaquera pratiquement jamais à des rongeurs. Autre écart éventuel de régime : l’ingestion de divers fruits ou baies et, à ce propos, si par hasard une bondrée rend visite à votre cerisier, ne la chassez surtout pas car elle n’en consommera que fort peu, tandis que pendant toute la durée de son séjour merles, étourneaux, moineaux cesseront leurs ravages. La ponte, en général de 2 oeufs, est déposée dans une aire des plus sommaires mais qui, par contre, est toujours décorée de branchages verts que les parents prennent soin de renouveler en temps opportun. Les oisillons sont nourris essentiellement à partir de larves que l’un des adultes extrait une à une, du morceau de rayon rapporté à l’aire. Dès la 3e semaine, les jeunes s’occupent eux-mêmes de ces « containers alimentaires ».
Le chevreuil
Si les espèces menacées font couler beaucoup d’encre, il en est d’autres qui progressent allègrement ! Parmi ces dernières, le plus petit Cervidé d’Europe, le chevreuil, en est un exemple typique ; ce qui, assez souvent, n’est pas pour réjouir les forestiers… Certes, découvrir ce gracieux animal est un spectacle auquel personne ne peut rester indifférent, même si cette vision est fréquemment des plus fugitives. Mais, et il faut le comprendre, l’observation, durable celle-ci, des atteintes portées aux arbres et aux arbustes réduit quelque peu le plaisir des propriétaires des sites ! Le chevreuil, Capreolus capreolus, se développe en France, non seulement en ce qui concerne ses effectifs, mais également quant à sa répartition spatiale. En 1981, les experts estimaient qu’un minimum de 318 000 chevreuils vivaient dans notre pays, tandis qu’en 1987 il en était dénombré de l’ordre de 500 000. La progression continue…2 Une « crise du logement » n’est pas à redouter – pour ces animaux du moins – tandis que, pour les forestiers, en divers secteurs la densité critique maximale est atteinte et, même, dépassée. Reprenons les mêmes points de repère : en 1981, le chevreuil pouvait se rencontrer sur 82 % de la surface forestière mais était absent de l’arc méditerranéen et de la Corse. Depuis, il a colonisé très rapidement de nouveaux milieux. Il faut citer, par exemple, sa présence actuelle sur un tiers des communes méditerranéennes, son adoption de l’étage montagnard de nos différents massifs et, localement, son installation en plaine agricole. Dans cette dernière situation, il est à noter que cette espèce a développé des comportements distincts de ceux des populations continuant à exploiter le couvert forestier. C’est ainsi qu’en automne et en hiver, ces animaux, en plaine, marquent une nette tendance à se rassembler. Le chevreuil, au moins à l’âge adulte, n’a pratiquement plus d’ennemis naturels à moins de classer l’Homme dans cette catégorie. Le chevreuil a toujours été un gibier apprécié. À cette « prédation » directe, il convient d’ajouter un autre facteur de mortalité : le trafic routier. Les collisions avec de « grands animaux » sont un phénomène connu et redouté, bien que peu d’automobilistes tiennent compte des panneaux routiers implantés dans les zones « à haut risque ». La route accroît de plus de 20 % le prélèvement cynégétique : cette donnée (approximative) mériterait d’être connue car elle donne à réfléchir… Près du quart des collisions se produit sur autoroutes ou routes nationales alors que cet ensemble ne représente que 4 % de notre réseau routier… Vitesse et sécurité… À l’inverse de ce qui est constaté vis-à-vis des autres espèces, la fréquence des collisions mortelles est indépendante des fluctuations saisonnières des effectifs de chevreuils. Ainsi, c’est en avril-mai, période d’effectifs minima, que la mortalité est la plus élevée. L’explication est à rechercher dans le comportement de cette espèce : le printemps correspond à la phase d’éclatement de la cellule familiale, moment où les jeunes chevreuils sont contraints de partir vers des zones inconnues. La seconde période critique se situe à l’automne. Il faut, dans ces conditions, envisager l’influence simultanée de divers facteurs comme, par exemple, une activité accrue des femelles, une certaine raréfaction de la nourriture imposant des déplacements plus grands, sans oublier, de plus, des causes humaines de trouble comme celles provoquées par des cueilleurs de champignons arpentant les bois en tous sens ! Malgré ces pertes, les populations de chevreuils ont, avons-nous vu, tendance à se développer et peuvent, ainsi, dans certaines conditions, être à l’origine de déprédations… Les deux types de dégâts les plus caractéristiques sont de nature différente. Le premier correspond à des besoins alimentaires de l’animal et se traduit par un abroutissement des plants, notamment sur les pousses terminales. Le danger disparaît dès que ces végétaux atteignent une taille de plus de 1,20 m. Le second type est, quant à lui, d’ordre comportemental et est, en fait, une conséquence d’actions de marquages de leurs territoires par les brocards : il s’agit de frottis dont la répétition peut entraîner la mort du plant. En milieu agricole, l’impact des chevreuils est bien plus délicat à quantifier : des études réalisées surtout sur des chevreuils de plaine, montrent clairement qu’il ne faut surtout pas assimiler l’impact visible à l’impact réel qui en résultera lors de la récolte. Autre certitude : les indemnisations qui sont versées au titre « dégâts de chevreuils » n’ont aucune mesure avec celles concernant les dégâts de cerfs ou de sangliers. Les protections mécaniques, bien appliquées et en temps voulu, c’est-à-dire préventivement, sont efficaces mais elles représentent un investissement parfois difficile à rentabiliser. Une remarque : ne pas compter sur les clôtures électriques, le chevreuil « contournant » aisément ce dispositif soit en sautant par-dessus, soit en se glissant en dessous, un passage de 45 cm de hauteur suffit. L’application de divers produits chimiques peut être préconisée mais le résultat recherché n’est pas, semble-t-il, automatiquement atteint. La seule méthode pouvant conduire à une solution raisonnable – et raisonnée – de ces problèmes réside en une saine gestion des populations locales de chevreuils.
Histoires d’oeufs…
Que l’on soit émerveillé par l’adaptation remarquable des comportements parentaux des oiseaux vis-à-vis de jeunes est une attitude que je comprends d’autant plus aisément que je suis moi-même dans ce cas. Par contre, il me semble regrettable que la réalité biologique soit trop souvent reléguée au second plan au profit d’explications plus ou moins fantaisistes qui font, la plupart du temps, appel à des raisonnements ou à des sentiments humains inconnus des oiseaux ! Par quelques exemples, nous allons tenter d’exposer certains de ces phénomènes tels qu’ils se présentent aux intéressés et de voir, alors, comment ils y répondent. Nous sauterons les premiers stades de la période de reproduction – nidification, ponte – non sans, toutefois, avoir précisé que ceux-ci sont également soumis à des déterminismes stricts conditionnant le succès des phases suivantes. La ponte est achevée, l’incubation des oeufs – la couvaison – commence. C’est une période de transition qui prépare à la « révolution comportementale » qui éclatera lorsque les premières éclosions se produiront. Cette étape constitue, en effet, un moment-clé du cycle reproducteur car à partir de ce moment, le ou les parents, si les deux participent à l’élevage des jeunes, se trouvent confrontés à des jeunes « mobiles et sonores » tandis qu’auparavant les oeufs n’étaient qu’une source d’informations variées mais inertes. Heureusement penseront certains que les parents au cours de la période de couvaison ont eu le temps de se préparer à cet événement. Je suis au « regret » d’avoir à les détromper mais la durée de cette phase – propre à chaque espèce – n’est en réalité que sous la dépendance du temps nécessaire à l’embryon pour se développer et sortir de l’oeuf. Les adultes sont prêts depuis longtemps à assumer les premiers nourrissages comme le démontrent, entre autres, certaines de nos expériences… simples dans leur principe mais rarement aisées à réaliser en nature sur des oiseaux sauvages ! Chez le choucas – famille des Corvidés – l’incubation dure, en moyenne, de 18 à 20 jours. Par transfert de nouveau-nés (avec ou sans transport simultané des coquilles vides)nous avons pu faire élever des poussins par des couples venant d’achever leur ponte à peine 24 heures auparavant… Une réduction encore plus grande n’a été tentée qu’à 2 reprises et dans les 2 cas, il y a eu refus d’adoption. Évidemment, il n’en est de même tant que la femelle n’a pas achevé sa ponte. De cet ensemble d’expériences – juste évoqué présentement – il est possible de conclure que des adultes sont capables d’élever des jeunes presque aussitôt après la fin de la ponte. La couvaison peut donc être considérée comme un temps mort pour les adultes après une courte période de maturation initiale. Dès celle-ci opérée, ils sont prêts à leur future mission de nourrisseurs. Autre point à noter : les oiseaux n’ont pas une pré-connaissance de la durée spécifique de ce « temps mort » ; ce qui permet également d’obtenir, aisément aussi, des allongements expérimentaux. Ce phénomène est d’ailleurs parfois exploité en aviculture (non industrielle…). Ici, nous choisirons un exemple où mâle et femelle sont tous deux concernés. Chez les Corvidés, la femelle est nourrie au nid par le mâle jusqu’à la période des éclosions – et même quelques jours après. Par une substitution, en temps opportun, des oeufs, nous avons pu prolonger cette phase de plus d’un mois. Pour la femelle, cela correspondait « à des vacances supplémentaires » tandis que, durant tout ce temps, le mâle a poursuivi avec assiduité ses nourrissages sans manifester la moindre perplexité. C’est, pensons-nous, une bonne illustration des étroites interactions qui existent entre les deux partenaires et qui concourent toujours à accroître les chances de réussite de la couvée. Avance, retard, délai normal, voici le temps des premières éclosions venu. Dès que l’un des jeunes vivants est présent dans la coupe du nid, on assiste à une modification non seulement très rapide des comportements parentaux, mais de plus, irréversible. Expliquons-nous : si auparavant des couples ayant perdu leur ponte pour un motif quelconque, se révélaient capables d’effectuer une ponte de remplacement – de recoquetage – cela leur est désormais impossible même si les jeunes meurent quelques heures après leur naissance. De même, ils n’accepteront pas de couver des oeufs mis en remplacement des oisillons : la « page est tournée », ils ne peuvent plus revivre une phase déjà vécue au préalable. Ce phénomène est relativement facile à mettre en évidence chez les espèces n’élevant qu’une nichée par saison : c’est le cas des corbeaux et c’est de là que provient le conseil de ne détruire les nids qu’après les éclosions car ainsi, il n’y aura pas de nouvelle ponte. Pour les espèces à nichées multiples – comme le moineau domestique – il y aura, après quelques jours, nouvelle nidification et nouvelle ponte mais cela relève d’un autre déterminisme : c’est le deuxième cycle reproducteur qui commence, ce n’est pas une reprise du premier ! Il faut d’ailleurs noter que la femelle peut très bien changer de partenaire ; ce qui ne se produit pas dans le cas d’un recoquetage. En corollaire de ces conclusions, notons que si un couple est prêt, dans toute la mesure de ses moyens à défendre sa ponte contre des prédateurs, il se désintéressera de celle-ci si des oisillons sont introduits dans son nid et pourra même la considérer, peu après, comme une source providentielle de nourriture (à moins qu’il ne se contente de la balancer par-dessus bord en pure perte !). Cette évolution met bien une fois encore, la prédominance qu’ont pour les parents « légaux ou adoptifs » les informations émises par des jeunes par rapport à celles émanant de leurs propres oeufs. Autre façon objective de présenter ces phénomènes : • le nid est le pôle quasi exclusif de l’intérêt des adultes, de la nidification à la phase d’envol des jeunes (chez les nidicoles, type corbeaux ou petits passereaux) ou à la phase de l’éclosion (chez les nidifuges, type poule) • les stimulations reçues de la part d’oisillons vivants, présents dans la coupe du nid, peuvent leur « faire oublier » leur propre ponte. Ici, il a été fait appel à des situations expérimentales mais en nature, le cas se présente régulièrement pour des nids parasités soit par le coucou gris, soit par le coucou geai.