- Speaker #0
A quoi ressemblerait ta crèche si tu pouvais t'entourer des meilleurs ? Moi, c'est ce que j'ai fait. Pendant les 15 dernières années, de la crèche collective associative à la micro-crèche privée, j'ai tout expérimenté. La petite enfance est un métier à forte contrainte, mais aussi à forte valeur ajoutée. Avec les meilleurs psys, pédiatres, directeurs pédagogiques et les meilleures formations, j'ai pu développer la qualité d'accueil et la qualité de vie au travail. Alors si toi aussi tu es motivé par la qualité... Bienvenue dans Références Petite Enfance, bienvenue dans ton podcast. Damien, tu es psychologue, est-ce que tu peux te présenter comment tu es arrivé à dire que tu étais psychologue dans la petite enfance ?
- Speaker #1
Moi j'ai été diplômé en 2012. Au tout début j'ai commencé avec les personnes âgées. C'était pas forcément un choix mais plutôt c'était une drôle d'époque où il y avait ce qu'on appelle la pénurie d'emploi. Aujourd'hui c'est la pénurie de main d'oeuvre. Donc je m'étais dirigé là-bas un peu cartésien. Avec ma femme, on avait le projet de partir au Canada, ce qu'on a réussi à faire. Et là-bas, par contre, il y avait déjà la pénurie de main-d'œuvre qu'on est aujourd'hui.
- Speaker #0
Donc je veux dire que c'était l'inverse. Aujourd'hui, on dit la pénurie de main-d'œuvre. Il n'y a pas assez de pros, quoi. Pénurie de pros, on dit souvent. Et à l'époque, c'était la pénurie de postes, en fait. Il y avait trop de pros.
- Speaker #1
Exact. Pour peu de postes.
- Speaker #0
OK.
- Speaker #1
Donc on se faisait un petit peu la guerre et l'objectif c'était quand même d'arriver en emploi. Donc quand j'arrive au Canada, il faut que je me reforme parce que là-bas, le niveau, c'est un niveau doctoral pour les psychologues. Moi, je suis à niveau master et je me dis, bon, tant qu'à faire, à retourner vers mon coup de cœur initial, qui est vraiment la petite enfance. Et je n'ai pas regretté parce que j'ai eu une très, très belle formation sur tout ce qui était neurosciences, tout ce qui était psychopathologie. Et j'ai commencé à travailler là-bas en cabinet libéral et je me suis vraiment régalé. Après, notre parcours de vie a fait qu'on a dû retourner en Europe. Donc, on a commencé par le Luxembourg et ensuite, après le Covid, on est arrivé en France. Et en arrivant en France, je redécouvre un petit crèche que je connaissais un petit peu avant de partir au Québec. Et là, déjà, je vois une transformation incroyable sur le positionnement professionnel, avec beaucoup plus de bienveillance, avec ces notions-là qui sont arrivées en l'espace d'une dizaine d'années. Et je découvre aussi l'obligation d'avoir un psychologue en crèche. et de devoir faire des analyses de pratiques professionnelles. Donc moi, je saute là-dessus pour pouvoir me mettre dans ce milieu-là chez les 0-3 ans. Et au fur et à mesure, je découvre qu'en plus des analyses de pratiques, on peut aussi faire des interventions sur le terrain pour accompagner les enfants, les équipes. Donc voilà un petit peu mon parcours. Ça a commencé par la raison, ça a fini par la passion.
- Speaker #0
Ça a commencé par la raison, ça a fini par la passion. Alors là, tu m'as donné envie de te poser plein de questions. Déjà la question du Canada. Est-ce que ça t'a donné une vision de la petite enfance différente ? Est-ce que là-bas, c'est très différent de ce qu'on fait en France ?
- Speaker #1
Exactement. Mais en France, on se rapproche de plus en plus de ce que peut faire le Canada. Alors, je parle vraiment pour le Québec parce qu'après, je n'ai pas visité les autres provinces.
- Speaker #0
Moi, j'avais rencontré une éduque il y a quelques années qui m'avait dit qu'au Canada, le taux d'encadrement était beaucoup moins élevé et qu'elle pouvait avoir des groupes plus grands, mais que c'était organisé complètement différemment et qu'elle ne ressentait pas. de manque en fait de personnel autour des enfants.
- Speaker #1
Oui, alors l'auto-encadrement aujourd'hui, il est à peu près similaire à ce qu'on connaît en France, dans le sens où on va être sur du 1 pour 5, 1 pour 6, pour à peu près jusqu'à 18 mois, 1 pour 8 entre 18 mois et 3 ans et demi, et après 3 ans et demi, 5 ans, parce que là-bas ils vont à l'école à partir de 5 ans obligatoirement, ils peuvent y aller à 4 ans aussi, là on est plutôt sur du 1 pour 12. Après il peut y avoir des taux qui sont un peu plus hauts, Mais c'est plus sur l'organisation que vraiment là on a une différence.
- Speaker #0
Alors c'est quoi les grosses différences ?
- Speaker #1
Alors grosses différences, là je parle vraiment pour des crèches qui ne ressemblent peut-être pas à toutes les crèches au Canada parce qu'ils connaissent aussi une crise là-bas. Mais c'est des crèches que j'ai visitées l'automne dernier où le choix était fait d'être tournées vers la nature. Donc tout est vraiment organisé pour pouvoir permettre à l'enfant d'être à l'extérieur et l'enfant il est professionnel. Donc on a cette différence-là. Il faut savoir qu'au Canada, ils n'ont quand même pas les mêmes conditions météo que nous. Les crèches que j'ai visitées, les limites avec lesquelles ils travaillaient, c'était vraiment moins 28 degrés. Donc il faut y aller. Ce n'est pas tous les jours moins 28 degrés, même au Québec. Et voilà, tempête de neige, pluie, pluie vert glaçante, mais pluie forte, pas la petite pluie.
- Speaker #0
Ce que tu veux dire, c'est que ça ne les empêche pas d'aller dehors ?
- Speaker #1
Absolument pas.
- Speaker #0
Ils ont un rapport plus fort à la nature. Là-bas, c'est plus répandu.
- Speaker #1
C'est plus répandu. De manière générale, les gens ont ce contact aussi avec la nature. Vous imaginez que le Québec, en tout cas, c'est trois fois la France avec 8 millions d'habitants. Donc, il y a de l'espace pour tout le monde. Des fois, on imagine en hiver, les gens qui sont dans leur chaumière bien au chaud, c'est absolument pas ça. C'est des gens qui vont skier, c'est des gens qui vont se mettre sur le fleuve et faire du canotage. Donc voilà, le contact avec la nature, il est là, il est fort.
- Speaker #0
Et ça se ressent aussi dans les crèches.
- Speaker #1
Exactement. Et ça, ça vient... Je sais que tu as déjà fait des épisodes avec des professionnels qui travaillent sur ce mode-là. Et je confirme ce qu'elles ont dit. Il y a moins de maladies. Il y a moins d'arrêts maladie chez les professionnels. Il y a un bien-être qui se sent. Alors, c'est un pas à passer. Mais après, on y va vraiment à fond. Il y a aussi un investissement au niveau des professionnels qui est différent parce qu'on a un niveau de formation requis qui est beaucoup plus haut qu'en France.
- Speaker #0
Au Québec, c'est quel niveau ?
- Speaker #1
Alors, on est sur un niveau qu'on pourrait situer à peu près à Bac plus 2. Un tout petit peu moins qu'une licence, c'est quasiment des EJE, avec une formation qui est assez diverse et variée, peut-être un petit peu moins psycho que ce qu'on a en France. Et dans le meilleur des cas, parce que je sais qu'il y a beaucoup de crèches au Québec où ce n'est absolument pas le cas, mais dans le meilleur des cas, on a ces personnes qui ont ce profil-là, qui vont être dans les sections et s'occuper des enfants, qui sont directement sur le terrain. Après, il y a d'autres crèches, voilà, il faut quand même... mettre un petit peu la réalité. Il y a d'autres crèches où il y a des pros qui sont embauchés parce qu'elles ont une paire de bras et rien d'autre. C'est aussi une autre réalité.
- Speaker #0
C'est pas plus le monde idéal des bisounours.
- Speaker #1
Exactement. Rappelons-le, Zeldorado, il y a toujours une face cachée.
- Speaker #0
En tout cas, on pourrait parler de ça pendant des heures. Donc là, j'ai envie de te poser mille questions sur le Québec, mais je vais essayer de me canaliser. Donc, dans ton introduction, il y a autre chose que j'ai trouvé assez frappant, c'est que tu dis, moi, quand je suis revenue en France, juste après le Covid, j'ai noté une évolution des professionnels, de la professionnalisation aussi, je pense, où tu trouves qu'en fait, dans les crèches, on voit plus la bienveillance. Tu sens que ça a vraiment évolué. Alors, je suis contente de t'entendre dire ça parce qu'en ce moment, j'entends plutôt des choses assez horribles sur les pros de la petite enfance et les crèches. Donc quand j'entends des gens me dire des trucs positifs... Je suis super contente. Est-ce que tu peux me dire à quoi tu vois ça et où tu l'as vu ?
- Speaker #1
Alors, à quoi je vois ça, c'est déjà dans les pratiques professionnelles. On est beaucoup moins dans hurler sur les enfants, dans stopper l'émotion nette et ne plus l'entendre. Alors, ça peut être encore présent, mais j'entends moins le mot caprice. Ça déjà, c'est un mot qui commence à disparaître du vocabulaire des professionnels ou qui est déjà bien instauré. On a des pros qui sont de plus en plus formés sur ce qui est neurosciences. Donc ils comprennent qu'un enfant, à un moment donné, on lui formule un interdit, il connaît la règle, il nous rappelle la règle, mais il n'est quand même pas capable de pouvoir l'appliquer, tout simplement parce que l'impulsivité n'est pas encore assez régulée à cet âge-là. Et ça, c'est des choses que j'entends dans le discours de certaines professionnelles, et je me dis, ça fait plaisir d'entendre ça. Il y a moins ce rôle, je ne sais pas si tu as un peu stéréotype, mais moi je vois bien l'ancienne pro qui est là depuis 30, 35, 40 ans. Un peu ce truc de Matron qui va dire « Moi, tu ne me la fais pas. Avec moi, ils sont calmes. De toute façon, je les mets à leur place et ils comprennent que ça va aller très vite avec moi. » Ça, je le vois de moins en moins, ce profil.
- Speaker #0
C'est vrai qu'il y a aussi beaucoup de Matron, comme tu dis, les pauvres, si elles nous écoutent, qui sont partis à la retraite.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Et c'est vrai qu'en ce moment, dans mes crèches que j'ai gérées jusqu'en 2022, il y avait beaucoup de jeunes qui manquaient aussi d'expérience. Donc, ce n'est pas non plus la panacée. Il n'y a ni de vieux parfait, ni de jeune parfait. On a tous nos atouts et nos lacunes. Et donc, chez les jeunes, on voit aussi un manque d'expérience et aussi un manque de formation qu'on voit beaucoup aujourd'hui. De toute façon, aujourd'hui, il y a une pénurie de professionnels dans les crèches énormes. Donc ça, je pense que tu le vois aussi. Tu n'es pas tombé dans le monde des bisounours non plus.
- Speaker #1
Pas du tout. Tu as raison. Je te rejoins à 200%. Je pense que ce n'est pas une tranche d'âge qui joue. Je pense que c'est une question de savoir-faire et savoir-être. Ce qui manque cruellement aussi, je trouve, à des pros qui arrivent sur le terrain, c'est un savoir-être. Ça, c'est assez difficile. Tu me posais la question de où est-ce que je trouve ces pros-là. Au début, je les trouvais partout. Plus on avance et moins je les trouve dans les groupes privés. Ça dépend. Si on a des gros, gros groupes, c'est très compliqué. Si on a des petits groupes, des fois, on a des groupes privés qui font trois, quatre crèches, où là, on reste sur de l'humain, ça va. Mais dans les gros groupes, malheureusement, il tire la couette Et on se retrouve avec des pros qui acceptent des conditions de travail qui peuvent être assez rudes. Et ces pros-là, malheureusement, ce n'est pas souvent les meilleurs. Ce n'est pas souvent celles qui vont avoir le meilleur CV. Il y a des perles des fois, mais elles ne vont pas rester.
- Speaker #0
Toi, tu travailles pour plusieurs groupes ?
- Speaker #1
Oui, je travaille pour plusieurs groupes. Je travaille pour des associatives, je travaille pour des municipales. J'ai tout.
- Speaker #0
Tu as du privé, du public, de l'associatif.
- Speaker #1
Voilà. De tout.
- Speaker #0
Et tu travailles sur du récurrent, parce que tu disais que tu faisais notamment des APP et des interventions sur le terrain. C'est ça. Donc, il y a un suivi. c'est plutôt si tu fais moins de one-shot, tu fais plutôt du suivi.
- Speaker #1
Exactement. Donc on va être sur une intervention tous les mois. J'ai des crèches plus petites où on respecte vraiment Norma, c'est-à-dire 6 heures par pro et par année pour les APP. Donc ça fait à peu près 3 fois 2 heures par an. On est vraiment sur le minimum. Ça peut m'arriver d'avoir des crèches où on est sur ces suivis-là. Donc oui, je peux voir l'évolution de certaines crèches pour te donner un exemple concret. L'été dernier, j'étais sur une crèche où tous les mois, je me présentais. Parce que tous les mois, j'avais des nouvelles professionnelles. Et je cherchais les pros que je connaissais. Donc je voyais leur petit regard, l'air de dire, est-ce que c'est un papa ? Est-ce que c'est le RH ? Qui c'est ce gars-là ? Et je dis, bonjour, je suis Damien, je suis le psychologue. Ah, enchanté ! Et là, il y a tous les petits qui viennent vers moi. Damien ! Ah oui, en effet, vous êtes connu. Oui, tout à fait, d'accord. Bon, là, je les vois un petit peu angoissés. qu'est-ce qu'on fait on part sur une activité Donc voilà, ça peut ressembler à ça, où d'autres fois, juste j'arrive, et vu que les pros sont récurrentes et qu'on a un bon système, c'est plus apaisé.
- Speaker #0
Alors, tu as dit que tu avais aussi appris que les interventions des psychologues étaient obligatoires, et du coup, tu t'es mise sur ce travail-là. Moi, quand j'ai commencé, j'ai eu une psychologue assez vite, notamment Marie-Rose Scaveli, c'était la psychologue de mes micro-crèches. Elle est restée pendant plusieurs années, jusqu'à encore aujourd'hui, elle est toujours psychologue dans ces crèches-là. Et en fait, c'était un travail qui était incroyable. Nous, on se voyait toutes les semaines. Elle venait sur le terrain, elle observait les pratiques professionnelles, elle observait les enfants, elle restait plusieurs heures avec l'équipe dans la crèche. Et ensuite, on faisait des débriefs, on en tirait des plans d'action, des conclusions. Elle avait aussi des rendez-vous pour écouter les familles ou pour écouter certaines professionnelles. désamorcer des choses. Il y avait un travail que je trouvais, moi, personnellement, extrêmement riche. Il y avait beaucoup de confrères qui n'avaient pas forcément cette démarche-là. Je pense que certains, c'est une question de moyens, mais je pense aussi que c'est une question de méconnaissance parce que, justement, ce n'est pas obligatoire. Et là, tu me dis que c'est obligatoire, mais en fait, les APP, aujourd'hui, elles peuvent être faites par d'autres personnes. Ce n'est pas forcément des psychologues.
- Speaker #1
Il y a une obligation d'APP, tu as raison de faire la nuance. mais pas une obligation de psychologue. Donc ça peut être fait par des EJE, psychomotricien, psychomotricienne, des personnes qui ont une certaine expérience en petite enfance. J'ai vu des infirmières en faire aussi. Mais voilà, c'est cette obligation d'avoir un temps où on prend le temps d'analyser les pratiques professionnelles.
- Speaker #0
Le temps est quand même très court. Enfin, moi,
- Speaker #1
6 heures par an.
- Speaker #0
C'est très, très court.
- Speaker #1
Bien d'accord. Donc c'est un sacré défi et beaucoup de crèches avec qui je travaille font le choix d'augmenter ce temps-là. soit par le biais d'associations avec qui elle travaille. Je pense à l'association ASEP pour les crèches associatives où on a des budgets qui leur sont alloués. Ou alors, ça va être un choix des mairies de dire, allez, c'est parti, on met un budget, on y va, on est pour la petite enfance. Vous avez besoin de soutien psychologique, on vous le rajoute dans le budget.
- Speaker #0
Je connais bien l'ASEP en effet parce que j'ai eu une crèche associative que j'ai gérée en tant que présidente pendant huit ans. Donc, j'étais adhérente de l'ASEP à cette époque-là. Alors les APP, pour une crèche qui veut démarrer, il faut qu'elle compte quel budget ? Est-ce qu'on est sur les mêmes prix qu'un psychologue ? C'est-à-dire qu'en général, un psychologue, c'est entre, on va dire, 60 et 100 euros de l'heure à peu près. Est-ce que l'APP, c'est un peu plus cher ?
- Speaker #1
Tout dépend du lieu géographique où on se situe. Moi, par exemple, je suis dans la région Provençal-Côte d'Azur. Plus on se rapproche de la ville d'Aix et plus ça va monter. On va dire que la moyenne se situe autour de 100 euros de l'heure. Il faut compter aussi des fois des frais de déplacement, mais j'ai des collègues qui peuvent facturer 150, 175 euros de l'heure. Personnellement, je ne m'engagerai pas sur ces tarifs-là parce que c'est peut-être une question de légitimité, je ne sais pas si. Mais bon, je me dis que c'est peut-être un petit peu trop et je demande à voir leur carnet de crèche. Mais je sais que ça peut se faire en tout cas sur les grosses, grosses villes. Plus on s'éloigne, plus on va à la campagne et là, on se retrouve plus vers du 80 euros à peu près.
- Speaker #0
En fait, c'est vrai que la difficulté, c'est que si tu ne fais pas les interventions telles que moi je les ai décrites au début, où je te disais que la psychologue venait pour 3, 4, 5, 6 heures, toute la journée, à ce moment-là, c'est intéressant pour le psychologue déjà d'un point de vue technique, parce que c'est beaucoup plus intéressant d'être dans une équipe pendant plusieurs heures, d'observer, de faire un retour, de faire des entretiens. Mais en plus, financièrement, si toutes les heures, il faut changer de service et de secteur, on a 50 000 trajets. Déjà, on en a plein la tête parce qu'il faut aller d'une crèche à l'autre. Donc, ce n'est pas évident. Mais en plus, financièrement, ce n'est pas très efficace.
- Speaker #1
Bien sûr, il faut trouver le juste milieu. Et après aussi, il y a des budgets qui peuvent nous être donnés pour ça. Moi, ce que je fais, c'est une fois par mois, avec deux heures d'observation et deux heures d'APP, le même jour. Comme ça, il y a un retour direct aussi. Je trouve que c'est assez correct. Ça permet de travailler des problématiques et de laisser le temps aussi à l'équipe de pouvoir avancer. Parce que des fois, j'ai vu, il y a des crèches où j'interviens deux fois par mois. On n'a même pas le temps de mettre en place des choses que déjà j'en vois d'autres. Alors je me retiens de leur dire pour ne pas les mettre en échec. Je me dis que c'est plutôt un bon rythme et financièrement, on s'y retrouve assez facilement au niveau de la gestion.
- Speaker #0
Ce n'est pas une règle générale. C'est-à-dire que tu ne fais pas ça systématiquement. Des interventions longues,
- Speaker #1
tu fais aussi des interventions d'une heure. parce qu'une heure, c'est trop court. Pour te donner peut-être un petit exemple à quoi ça ressemble une intervention. En général, quand j'arrive, je vais directement voir la direction, le JE, peut-être les professionnels qui sont là, pour me faire un petit résumé des épisodes précédents, parce que souvent, il se passe pas mal de choses, surtout sur un mois. Et à partir de là, moi, je vais leur demander quel est leur besoin, quelle est leur attente, et je vais me fixer des objectifs sur l'observation que je vais faire. Après, je vais directement sur le terrain. Bon, ce petit rendez-vous avec la directrice, ça peut aussi se faire en amont, ça dépend aussi. Ça peut être un temps aussi pour la direction de parler, de se confier. C'est quand même un métier, un poste qui est assez rude. Donc des fois, quand j'ai un peu plus de temps, je me permets de garder du temps aussi pour que la direction puisse s'exprimer sur ses problématiques. Ça peut arriver qu'il y ait des APP spéciales aussi avec les directrices. Ça, c'est un autre sujet. Après, je vais directement sur le terrain, je rencontre les professionnels. Je sais qu'il y a des psychologues qui vont avoir tendance à faire... Aujourd'hui, je sais que... que sur une section, mais s'il y a trois sections, ça veut dire qu'il y a des trimestres ratés pour certaines pros. Moi, je vais aller plutôt là où on a besoin de moi, là où on m'attend, et régler mon intervention en fonction de ça. Je passerai quand même faire un petit coucou aux autres, histoire de prendre la température. Et là, ça va être observation des pratiques professionnelles, interaction avec les enfants. Alors, sachez qu'il y a plusieurs écoles aussi, au niveau des professionnels, des psychologues. Il y en a qui vont se mettre en mode caméra, j'observe, je n'interagis pas. Moi, j'ai beaucoup de mal à faire ça. Je suis plutôt en mode « je vais directement dans le groupe, je ne prends pas de décision sur l'activité ou quoi que ce soit, mais je vais interagir avec les enfants de manière aussi à les évaluer, parce que des fois je les attends sur certaines compétences, les professionnels ont un regard, me disent « tel enfant, est-ce qu'il est bien dans les acquisitions standards ? » Et cette interaction va me permettre aussi d'évaluer directement l'enfant. Et ensuite, en fonction du temps qui me reste, ça peut être un petit débrief rapide dans le bureau de la direction, histoire de dire, voilà, on a vu ça, ça, ça. J'essaie de toujours être transparent avec chaque niveau, avec chaque professionnel. Des fois, il y a des pros qui peuvent être frustrés, me disent, oui, le retour, il n'est fait qu'avec la direction. OK, dans ce cas-là, si vous, vous avez besoin d'un retour, on le fait. On peut le faire aussi en APP le soir. Je veux vraiment que chaque pro se sente considéré. Il peut y avoir des fois des psychologues qui se refusent à faire un retour direct au pro. C'est difficile parce que finalement, elles se sentent un petit peu jugées pendant un temps. Et ensuite, on leur dit, vous ne saurez même pas ce qui vous pend au nez, les filles.
- Speaker #0
Je suis complètement d'accord avec toi. Surtout qu'en tout cas, le travail qu'on a fait avec notre psychologue a fait énormément évoluer nos professionnels. Et à coup de petits rendez-vous, on peut énormément évoluer. On n'a pas besoin forcément de dizaines d'heures, finalement, pour donner des... des axes de travail à une personne et les personnes en sont très friandes, quel que soit leur niveau de diplôme. Vraiment, c'est un sujet que je trouve absolument passionnant et très enrichissant pour les crèches, donc faire intervenir un psy. Tout à l'heure, dans ton exemple, tu disais par exemple deux heures d'observation et ensuite deux heures d'APP, mais comment tu cales ça dans le temps de la crèche ? Parce que dans le temps de la crèche, prendre deux heures avec l'équipe, c'est quand même assez compliqué. Est-ce que c'est des crèches qui organisent une fermeture lorsque tu viens ?
- Speaker #1
Alors ça peut être une fermeture anticipée, c'est-à-dire de dire aux parents, écoutez, ce soir on a réunion, nous fermerons à 17h30. En général, c'est plutôt bien accepté. Ou alors faire au-delà des horaires d'ouverture. Donc là, on est plutôt sur du 18h, 18h30. Et ça implique de faire revenir certaines professionnelles sur le lieu de travail. Ça veut dire qu'il y en a qui ont une journée, voire même plusieurs journées de travail dans les pattes et qu'elles peuvent être assez fatiguées à ce moment-là. Mais en général, on est beaucoup sur le soir, sur le temps 18h20, 18h30, 20h30.
- Speaker #0
D'accord. Donc toi, généralement, tu interviens sur les APP, c'est après 17h30.
- Speaker #1
Voilà. Il y a de rares crèches où c'est entre midi et deux. Souvent, c'est des crèches où on est sur presque de la micro crèche, tous les enfants dorment. Donc, il y a juste besoin d'une professionnelle qui se détache pour la sieste. Donc, il y aura un roulement au fur et à mesure. Et le reste, on se voit deux heures, à peu près de 13h à 15h. on se voit à part pour l'APP.
- Speaker #0
Tu abordes le sujet des microcrèches. Est-ce que c'est un sujet sur lequel tu as un point de vue ou une observation par rapport à ton expérience ? En ce moment, les microcrèches sont extrêmement critiquées. Elles souffrent beaucoup de cette critique. Comment tu te situes par rapport à ce contexte un peu politique où les microcrèches sont décriées par l'administration notamment et quelques fédérations ?
- Speaker #1
Je pense que les microcrèches, il y a une idée qui est vraiment intéressante. Il y a un projet qui est intéressant à la base et au fur et à mesure, il commence à être modifié. Être 12 enfants dans une micro, je trouve que ça a du sens. Monter à 14, ça commence à être compliqué. Là où je trouve qu'il y a une problématique dans le fonctionnement de la micro-crèche, c'est aussi définir le rôle. Il y a beaucoup de pros qui sont là pour travailler avec les enfants qui se retrouvent à faire de la cuisine, à faire du ménage. et qui ne comprennent pas forcément qu'il y a à faire ces tâches-là parce que le fonctionnement l'exige quelque part. La polémique aujourd'hui, est-ce qu'elle est du fait du fonctionnement microcrèche ou plutôt du fait de la précarisation de la profession ? J'aurais tendance à penser plutôt au numéro 2 parce que ce qui pose problème, ce n'est pas tant la microcrèche en elle-même. Je trouve que le fonctionnement est sympa. Si on a un petit coin de nature juste à côté, c'est génial. Après, si on embauche n'importe qui, comme on a pu le voir dans certains reportages, notamment le plus connu, celui de BFM, là, en effet, on a un problème. Les plus grosses problématiques que j'ai vues, jusqu'à l'été dernier, je travaillais dans 40 crèches différentes et je pouvais intervenir dans même plus. Les plus grosses problématiques que j'ai pu voir, c'était absolument pas en microcrèche, c'était en multi-accueil.
- Speaker #0
Donc pour toi, ce n'est pas vraiment la microcrèche le problème, c'est plutôt la précarisation du métier qui va avec la pénurie de professionnels et tout son... florilège de problématiques qu'on a en ce moment. En tout cas, je rebondis sur ce que tu dis parce que j'en parle souvent dans mon podcast. La question de la spécialisation du professionnel, pour moi, c'est une question fondamentale. Je trouve que la polyvalence est à exclure et malheureusement, aujourd'hui, et pas qu'en microcrèche, on a cette croyance qu'on peut demander à un professionnel de faire un peu de tout. Et donc, moi, je prône vraiment la spécialisation par des rôles définis. notamment avec un système de référence qui permet d'accentuer la continuité de soins et surtout aussi de donner une traçabilité et une bonne compréhension de notre responsabilité à tous.
- Speaker #1
Et ça va permettre de limiter les conflits, parce qu'on se retrouve parfois dans des structures où tout va bien, et c'est ça qui est très frustrant, avec des conflits sur qui a laissé l'assiette dans le lave-vaisselle, qui a laissé traîner ça, et là la poubelle n'est pas partie. donc si on sait par avance Si tout est défini par avance et qu'on sait qui est responsable de quoi, la question ne se pose même plus et on arrête de se battre là-dessus.
- Speaker #0
Oui, alors j'en suis convaincue à 100%. Et tu sais, c'est une grosse part de ce qu'on fait, nous, avec les crèches qu'on accompagne et les porteurs de projets aussi, quand ils veulent ouvrir des crèches, c'est qu'en fait, on leur donne un fil rouge, une organisation suivie. Après, on la modifie en fonction, bien sûr, du projet personnel de la crèche. Mais il y a toujours cette organisation qui permet de se repérer. dans le temps, dans l'espace, dans les responsabilités, et d'enlever cette charge mentale surtout du professionnel qui doit sans arrêt se demander si c'était à lui ou pas de faire ci, de faire ça, à quelle heure il aurait dû aller, comme tu disais, enlever l'assiette du lave-vaisselle ou je ne sais pas quoi. En fait, c'est plein de questions qu'on se pose tout le temps, tous les jours, et qui n'ont pas une énorme valeur ajoutée à être posées et reposées. Donc là-dessus, je suis complètement d'accord avec toi.
- Speaker #1
Et ça fait terrible sur la pédagogie ? Parce que finalement, cette charge mentale, cette énergie est dédiée au fonctionnement, mais plus à ce qu'on va faire avec les enfants et comment on s'y investit. Ce n'est pas évident d'animer une activité, d'être leader de jeu ou metteur en scène d'une activité, si en arrière-fond, on a ce truc de « ok, ensuite je dois aller là, je dois ranger ceci, faire cela » . Ça sera toujours présent, c'est sûr, mais plus on est polyvalent, plus on va avoir de charge mentale, et moins on sera efficace sur nos spécialités. Et malheureusement, j'ai l'impression que plus on avance dans le temps, plus on en rajoute sur le dos des professionnels, et ça, tout secteur confondu, tout en donnant moins de moyens. Il y a certaines crèches où j'ai vu des postes, des 35 heures disparaître d'une année à l'autre, sans qu'on ait aucune justification, sans que le nombre d'enfants diminue. La charge de travail était la même, comment peut-on faire mieux avec moins ?
- Speaker #0
Ça, c'est une grande question, oui. Tu n'es pas le seul à te la poser. Il y a notamment Caroline Vallette qui est venue sur le podcast il y a très peu de temps, il y a quelques semaines, et qui disait exactement la même chose que toi, comment on fait plus avec moins ? Donc cette question, on l'entend souvent en ce moment.
- Speaker #1
Il y a aussi une considération à remettre dans cette profession-là. Je le vois quand je discute avec des personnes et que je dis je travaille en crèche, je dis oui, les pros elles s'amusent bien, des fois on passe à côté d'une crèche et on les voit, elles sont dehors, elles sont assises, elles ne font rien, elles s'amusent. Ça doit être un métier facile. Derrière cette croyance-là, c'est facile de se dire, si elles sont là à s'amuser, on va leur mettre un petit peu de travail histoire de les occuper quelque part.
- Speaker #0
Je pense qu'il y a peut-être cette ambivalence-là qui a pu se glisser. Je ne pense pas que c'est si récent que ça. Je pense que ça fait déjà un moment que certains gestionnaires, quels qu'ils soient privés ou publics, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas du terrain, peuvent se dire, on peut bien rajouter ci, on peut bien rajouter ça. Je pense que c'est plus une méconnaissance qu'une réelle volonté de surcharger le professionnel. J'ai vu des crèches où il y avait les moyens de spécialiser les pros. Ce n'était pas une question de manque de moyens, c'était plus un problème de manque de technique qui faisait qu'on ne se rendait pas compte de ce qu'on était en train d'induire sur le terrain. Ce n'est pas la professionnelle, elle, qui est en bas de l'échelle managériale, celle qui n'a pas le pouvoir de décision. Ce n'est pas elle qui peut dire « Attendez, moi, je suis trop polyvalente » . je n'y arrive plus. Donc elle, elle fait ce qu'elle peut et puis au bout d'un moment, elle se décourage. Mais c'est à la tête pensante qui pense l'organisation de se rendre compte du manque de technique et de se dire attention, en fait, on est en train de rendre le métier inintéressant en le rendant complètement polyvalent avec un manque de compétence, un manque de technique qui tue l'intérêt du métier, qui le précarise. Mais voilà, pour moi, c'est pas forcément... Parce qu'on a enlevé des postes, je pense que ce n'est pas que ça.
- Speaker #1
Il n'y a pas que ça, tu as tout à fait raison.
- Speaker #0
Les connaissances.
- Speaker #1
Je vais te donner un exemple clair qui pourrait illustrer ce que tu viens de dire. Il y a des crèches où je vois des professionnels qui arrivent, qui font leur activité avec les enfants, qui prennent le temps de ranger l'activité avec les enfants, qui vont passer sur les différentes tâches sans problème, on sent que c'est fluide. Et d'autres professionnels où, une fois que l'activité est faite, je valide sur l'iPad. que j'ai fait une activité et que c'était cette activité. Donc j'ai mon écran avec les enfants à côté. Je dois aller au dortoir, donc il faut que je vérifie que le dortoir est propre et j'ai une feuille sur laquelle je dois écrire que le dortoir est propre. Quand je vais dehors, je dois vérifier que les espaces sont propres et je l'écris. En fait, il y a une masse aussi administrative qui est en train de venir sur certaines crèches qui, à mon sens, je te dis ça en toute transparence, a qu'un seul objectif, c'est de dire, ok, s'il y a eu un problème, c'est finalement de la faute de la pro parce qu'elle n'a pas vérifié ci, elle n'a pas vérifié ça. J'ai des crèches à Marseille où l'extérieur, c'est une espèce de bâtiment carré où il y a des habitants au-dessus. Bien sûr qu'il faut vérifier l'extérieur parce que des fois, tu as des seringues, tu as des mégots de cigarettes. J'ai envie de dire que ça relève du bon sens. Après, le bon sens, on n'a pas tous le même, mais on en est au point de devoir le noter sur des feuilles, finalement, pour pallier à des professionnels qui sont de moins en moins qualifiés, qui ont moins en moins de bon sens, qui ont moins en moins de savoir-être. Parce que finalement, le contexte a fait qu'on ne peut plus vraiment embaucher des professionnels qui ont du galon. Ces professionnels-là, je les retrouve sur d'autres postes où des fois, on va avoir des avantages salariaux qui sont assez conséquents et moins sur des crèches où on n'est vraiment à rien du tout. Plus on avance sur une précarisation et plus ça la nourrit aussi cette précarisation, que quand on va vers une spécificité du poste et on se dit « ok, là, c'est ton rôle » . Tu as travaillé pour ça, tu as fait un diplôme pour ça, on va y aller sur l'accompagnement des enfants. Là, on a moins ces biais-là. C'est un avis personnel.
- Speaker #0
Je comprends ce que tu dis, mais en même temps, c'est vrai que moi, j'ai été plusieurs fois à la tête d'une équipe de crèche et donc responsable. Et donc, quand on est responsable, quand on transmet une responsabilité à d'autres personnes, on a envie d'être sûr que la personne, elle prend cette responsabilité, qu'elle en a conscience, qu'elle le fait sérieusement et que ça ne va pas nous échapper. Et donc, je comprends aussi cette traçabilité, ce degré de contrôle. Je le comprends. Et parce qu'en fait, les enfants sont vulnérables. Et donc, on ne peut pas se dire que le bon sens suffit. On est obligé de baliser le parcours. Donc, je comprends à la fois ton point de vue, mais à la fois, je m'accroche quand même à la traçabilité. En revanche, c'est vrai que c'est important pour moi que la professionnelle soit référente de son groupe et que du coup, elle a quelques tâches qu'elle va devoir, comme tu dis, pointer. mais elle en a pas forcément 150 000. Ça dépend de son poste. Donc, c'est toujours les mêmes. Et je trouve que c'est important. Tu vois, par exemple, il y a des crèches où on dit, il faudrait que la personne qui fait les repas, ça tourne tous les jours parce que comme ça, c'est moins monotone. C'est des logiques qui, moi, m'échappent. Mais moi, je dis, c'est le contraire, en fait. Il faut que ce soit toujours la même parce que c'est des tâches extrêmement techniques où il y a beaucoup de risques. On peut générer des problèmes alimentaires, des problèmes d'hygiène, plein de problèmes, des brûlures, tout ce que tu peux imaginer de pire dans une crèche. Et donc, il vaut mieux que ce soit tout le temps la même personne et qu'elle maîtrise à 100% son sujet, plutôt que de dire, on va faire tourner tout le monde parce que, je ne sais pas, parce qu'on considère que ce n'est pas suffisamment noble pour intéresser une personne qui va le faire tous les jours. Moi, je trouve ça dénigrant et dommage. Je suis
- Speaker #1
100% d'accord avec toi. Je trouve que le poste de cuisine, c'est un poste très technique qui nécessite aussi une formation spécifique. Au-delà du technique, il y a aussi un lien affectif avec les enfants qui se créent au travers de l'aliment. Le nombre de fois où, quand le chariot s'approche, tous les enfants tapent sur la table et mentionnent le nom de la personne qui gère la cuisine, qui se trouve valorisée. Pour te dire l'anecdote aussi, un jour, il y avait une pro qui venait de la restauration.
- Speaker #0
Et à chaque fois, elle faisait une présentation gastronomique des plats qu'avaient les enfants. Et ça faisait rire tout le monde parce que forcément, tu imagines bien que des fois, c'était de la purée, c'était des choses comme ça. Donc, on avait droit à l'écraser de pommes de terre. Et les enfants attendaient ce moment. Ils étaient là. Elle va nous le dire. On ne sait pas trop ce qui va se passer. Et je trouve que ça induit aussi une culture alimentaire qui est particulière. Les pros qui étaient très enthousiastes à l'idée d'entendre ça. Enfin, voilà, il y a un lien affectif aussi qui se crée.
- Speaker #1
Il y a un lien affectif et il y a le... Ne serait-ce que le lien de la faim, parce que quand ils ont faim, si la gouvernante n'est pas ponctuelle, n'est pas organisée, ils vont attendre, ça va être des pleurs. C'est vrai que c'est un poste qui est stratégique d'après moi. Je rebondis sur le sujet des micro-crèches, encore une question là-dessus. C'est la réforme dont on parle beaucoup en ce moment, puisque à l'heure où je t'interview, on est en mars 2025. En ce moment, il y a beaucoup de remous autour d'un projet de réforme qui limite... la possibilité d'employer des CAP petite enfance, des CAP AEP, que moi je dis CAP petite enfance parce que je suis vieille, donc je continue à dire ça.
- Speaker #0
C'est récent, je te rassure.
- Speaker #1
Donc ma question c'est, est-ce que toi, comme tu parlais des qualifications que tu avais pu voir justement au Québec etc, et puis tu vois quand même beaucoup de professionnels sur le terrain, est-ce que toi tu trouves qu'avec un CAP petite enfance, on a cette dégradation de la qualité ? du travail sur le terrain, de l'accueil.
- Speaker #0
Il y a une variabilité entre professionnels qui ne dépendent pas forcément du diplôme, mais plutôt du savoir-être. C'est énorme. Je peux avoir une AP qui a un savoir-être vraiment très bas, une CAP qui a un savoir-être assez haut. Je vais prendre la CAP, on est bien d'accord. Aujourd'hui, je trouve qu'autour du CAP, il y a quand même quelque chose qui me dérange énormément, c'est que c'est un diplôme et qu'on n'arrête pas de dire que ces personnes-là sont non diplômées. Donc, dans ce cas-là, à quoi bon maintenir le CAP ? Qu'est-ce qu'on va faire avec un CAP ? Est-ce qu'il y a juste une carrière d'ADSEM qui nous attend ? Il y a aussi quelque chose à revoir dans nos diplômes. On a quand même plusieurs diplômes qui permettent d'accéder au travail en petite enfance, en crèche. CAP, AP, on a des BTS, ASSP, JE. Au Québec, ça va être éducatrice. On a juste celui-là. Et au moins, je trouve qu'il n'y a pas cette problématique-là. Bien évidemment, en tant que recruteur, on va se dire que ça va être plus facile d'avoir des CAP que des AP, leur nombre est beaucoup plus grand. mais je trouve qu'aujourd'hui au lieu de dire les micro-crèches prenez que des AP, ça serait bien de réfléchir en amont déjà sur la manière dont on construit le diplôme pour travailler en petite enfance et comme le recommandait Boris Cyrulnik à la commission des 1000 premiers jours ajoutons de la formation, ajoutons de la qualification, plutôt que de dire bon ben finalement on vous bloque, parce que là demain on va se retrouver avec une pénurie de manœuvres énorme et est-ce que la qualité sera au rendez-vous ? J'ai envie de dire oui. Là, je travaille avec l'Institut de formation des auxiliaires de puriculture à Manosque. On a eu une promo qui était géniale, des pros avec vraiment une belle réflexion. J'ai vu d'autres AP, on n'en était absolument pas là.
- Speaker #1
C'est vrai que ce n'est pas une question de diplôme uniquement.
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
Ils ne sont pas entièrement bloqués à 100%, parce qu'en fait, c'est un quota de 40% qu'il faudra respecter. Donc, il restera encore la place pour des CAP petite enfance, mais elle sera moindre. Donc, on va avoir des CAP qui vont... finalement se retrouver sans poste. Et par contre, il y aura des postes qui vont se retrouver sans AP, sans EGGE. En tout cas, toi, par rapport à ton expérience de psychologue de crèche, tu n'as pas ce regard sur le diplôme qui résoudrait la crise. Pour toi, ce n'est pas la réforme du quota, le fait de rajouter des catégories 1 qui va nous sauver.
- Speaker #0
Disons que si c'était que du savoir-faire, pourquoi pas ? Mais là, il y a une grosse variabilité avec le savoir-être. Et finalement, est-ce que derrière ce diplôme-là, il y a les attentes qui vont avec ? Comme je te dis, il y a des AP qui sont extraordinaires, donc qui sont un peu moins performantes. Je me dis que ce n'est pas juste changer le diplôme des gens à l'entrée, c'est plutôt révolutionner un petit peu. Bon là, c'est l'idéaliste qui parle, mais révolutionner un peu cette formation et redonner... à la petite enfance les lettres d'or qu'elle mérite. La petite enfance, aujourd'hui, malheureusement, c'est une voie de garage. Et pourtant, ça devrait être une voie de prestige. Si on monte chez les Nordiques, chez les Scandinaves, c'est une voie de prestige. Les gens qui travaillent en petite enfance sont considérés dans leur famille. Et je trouve qu'aujourd'hui, malheureusement, c'est pas un métier de prestige. Quand on dit qu'on travaille en petite enfance, on s'imagine tout de suite quelque chose de très léger, de très facile. Alors que c'est un métier très technique où il y a besoin d'une remise en question constante. où le privé et le pro ne font qu'un sur certaines thématiques, quand on n'arrive pas à s'affirmer dans la vie et qu'il y a un enfant qui a un tempérament de feu auprès duquel il faut s'affirmer et qu'on n'y arrive pas, c'est un travail personnel qu'il va falloir engager, ce n'est pas juste professionnel. Tu vois ce que je veux dire ? Donc je pense que si demain, ils veulent vraiment augmenter la qualité en crèche, déjà qu'ils rémunèrent mieux les professionnels, qu'ils leur donnent de meilleures conditions de travail et aussi un diplôme qui leur donne accès à certaines formations, à certaines qualifications. d'office, que tu n'es pas à devoir reformer les pros dès qu'elles arrivent sur le terrain. Là, demain, tu embauches une CAP, une AP, tu vas leur dire, voilà, il y a ça, ça, ça. Ah oui, mais ça, comment on fait ? Eh bien, tu es censée le savoir. Et cette phrase, on la répète beaucoup trop souvent.
- Speaker #1
Alors, moi, justement, j'ai assez peu d'attentes de la formation professionnelle, c'est-à-dire que, en tant qu'employeur de pros de la petite enfance, en fait, j'ai toujours eu, et j'ai encore aujourd'hui, avec les crèches avec qui je travaille, c'est vraiment moi qui les forme. Enfin, J'exagère parce qu'elles arrivent avec une base théorique, mais c'est vrai qu'il y a plein de choses qui sont beaucoup plus concrètes, dont on a besoin au quotidien, qu'on doit leur apporter de nous. Et donc, c'est pour ça que, d'après moi, ce qui va faire la différence, c'est le management plus que le diplôme de la personne. Je trouve que parmi les pros que je reçois dans mes crèches pendant 17 ans, je vois énormément de personnes qui veulent bien faire. et qui sont motivés. Et en fait, il suffit de les alimenter, de leur donner envie de progresser, et ça marche, et on fait des trucs incroyables. Mais ça, c'est du management, et ce n'est pas évident non plus. Il faut avoir ce savoir-être, nous, en tant que manager, des attentes claires, des objectifs clairs, des directives claires. Oui,
- Speaker #0
et je pense aussi à un regard, une capacité à identifier la personnalité de la personne qu'on a en face. C'est très difficile, je pense que ça prend du temps et de l'expérience. mais juste se dire, cette personne-là, quel est son potentiel ? Sur quoi on va pouvoir travailler avec celle-là ? Est-ce qu'on va être sur une professionnelle qui va nous apporter du créatif ? Est-ce qu'on va être sur une professionnelle qui va nous apporter plutôt quelque chose de technique ? Et du moment qu'on arrive à repérer ça, on va pouvoir composer une équipe qui va avoir du sens, de la cohérence. Te rejoindre à 200% sur le management, ça va être vraiment central, même des gens qui n'ont pas forcément beaucoup de savoir-faire et de savoir-être. C'est des gens qui vont pouvoir être tirés vers le haut. Et si on arrive à comprendre leur fonctionnement, il n'y a plus qu'à.
- Speaker #1
Alors Damien, j'ai fait un peu l'interview à l'envers, parce qu'on a commencé cette interview dans le vif du sujet. Et je ne t'ai pas posé ma première question, donc je vais te la poser maintenant. C'est quoi le rôle et la fonction du psychologue dans une crèche ?
- Speaker #0
Alors, le rôle de base, on va dire, ça va être vraiment d'accompagner les professionnels sur leur pratique. qu'elles vont avoir sur le terrain. Ça, c'est vraiment le rôle de base. Après, il peut y en avoir d'autres. Mais déjà, pour décliner un peu, développer un peu ce rôle-là, on va observer déjà comment les professionnels évoluent sur le terrain, la manière dont elles conceptualisent un petit peu leur métier, comment elles se comportent avec les enfants, avec leurs collègues. Et à partir de là, on va leur proposer une guidance au travers de questions posées, au travers de suggestions aussi, pour pouvoir... améliorer ses pratiques professionnelles. On va essayer d'augmenter la qualité du travail sur le terrain. Moi, je fonctionne beaucoup par des recommandations. J'ai vu avec le temps que poser des questions, ce n'était pas assez rapide. On a un turnover énorme. Il faut que ça aille vite. Il faut qu'on avance au plus vite.
- Speaker #1
Oui, tu es revenu de tes idéaux, tu as remis les pieds sur terre et tu t'es dit, vu qu'elles ne sont pas là pendant 6 ans, on va essayer de leur apporter quelque chose. Tout de suite, plutôt que dans six mois.
- Speaker #0
C'est ça. Disons que mon séjour au Québec m'a fait voir les choses différemment parce qu'en France, la psychologie, on est beaucoup sur aider la personne à développer un raisonnement, tout ça. Quand je suis arrivé au Québec, mes patients m'ont dit « Écoute, moi, je veux une solution tout de suite. Je veux que tu me dises où est-ce que je m'en vais. » Et il y en a un qui vient, deux qui viennent, trois qui viennent comme ça. Je me dis « D'accord, c'est comme ça que ça se passe ici. » Non pas que c'est de la cistana, mais c'est plutôt... On ne va pas tourner autour du pot. Moi, ce que je veux, c'est avancer. Tu me dis sur quel chemin je mets les pieds. Après, je vais faire toutes les découvertes que je dois faire et je le ferai tout seul. Fais-moi confiance. Et là, je me suis dit, OK, on va revoir le paradigme et je vais le tester. Et en effet, les pros sont très réceptifs sur le terrain à ça. En général, elles restent sur leur fin. Quand elles me disent, voilà, pourquoi il se passe ça ? Eh bien, toi, pourquoi tu penses qu'il se passe... Non, arrête de reposer la question. Il se passe ça parce que j'ai observé. C'est une hypothèse. Ça, ça, ça. qu'est-ce que tu en dis ? on en discute ensemble et derrière on fait des tests.
- Speaker #1
Tu as un peu dépoussiéré le rôle du psychologue et du coup tu as répondu un petit peu à ma dernière question que j'allais te poser la question suivante, j'allais te demander quelles sont les attentes des professionnels vis-à-vis du psychologue et en fait je crois que tu m'as un petit peu répondu, c'est que finalement elles attendent... plutôt des solutions, des réponses.
- Speaker #0
Bien sûr, mais sur tous les sujets, autant dans la dynamique professionnelle, comment je dis à ma collègue que là, l'acte qu'elle a posé, il me choque, il n'est pas en accord avec mes valeurs, ça peut être là-dessus, donc là, je vais parler de techniques de communication non violente, on va partir là-dessus. Ça peut être aussi des fois des apports théoriques, c'est-à-dire, je vois cet enfant-là, de ce que je pense, il a l'air un petit peu autiste, mais j'y connais rien, qu'est-ce que tu peux me dire là-dessus ? Allez, c'est parti. Prochaine APP, on fait un petit point sur l'autisme, on en discute. Et aussi, voilà, au niveau de la posture avec l'enfant. Est-ce que je fais bien de me comporter comme ça ? Je te donne un exemple. Il y a une petite fille que j'accompagne sur une crèche qui a un niveau d'impulsivité assez fort. Et on sait que cette petite, plus le temps avance, plus elle se fatigue. Et là, il y a deux écoles qui se confrontent. C'est-à-dire qu'il y a l'école de dès qu'elle commence à taper ou à mordre, eh bien, c'est au coin. C'est-à-dire, elle a besoin de ce temps-là pour pouvoir se ressourcer ou quoi que ce soit. Enfin bon, moi, je ne suis pas du tout adepte de cette théorie-là. Mais voilà, il y a cette école de pensée. Et de l'autre côté, il y a une autre école de pensée, c'est que cet enfant n'arrive plus à gérer son émotion. Elle est montée trop haut et là, elle a besoin de redescendre. Et elle sera incapable de le faire toute seule. Elle a besoin de vous. Donc, moi, j'aurais tendance à développer ce discours-là, mais je ne vais pas que le développer. Je vais le remontrer. Donc, je vais sur le terrain. Je laisse la crise s'installer, parce que de toute façon, elle vient, la crise. C'est assez récurrent. Et là, je vais m'approcher de l'enfant. Je vais lui dire, est-ce que ça va ? Non, il y a des coups qui partent, tout ça. Si l'enfant est vraiment agité, je vais lui dire, écoute, là, je vois que c'est trop difficile pour toi. On va se mettre à part du groupe, mais pas toi toute seule. On va y aller tous les deux. Et je vais te garder un petit peu sur moi. On va rester un peu comme ça. Tu préfères aller avec la pro que tu connais mieux que moi ? Il n'y a pas de problème. Ou tu préfères rester avec moi ? On va rester comme ça tous les deux, le temps que tu récupères un petit peu. Et ensuite, pas de problème, on retourne sur le groupe. Et là, en fait, je vais faire ce qu'on appelle du modelage. C'est-à-dire que je vais leur montrer ce que j'attends d'elles. Et je trouve que c'est super important, parce que la théorie de « il suffit, yaka fokon » , les pros, au bout d'un moment, elles en ont marre, parce qu'elles voient que ça ne fonctionne pas. Quand moi, je vais sur le terrain et que je vais au casse-pipe, et que des fois, je me prends des revers, je dis pas que tout fonctionne, je suis pas un magicien. Des fois, je me prends des revers, je vais les voir, je leur dis wow, là c'était intense ils me regardent et disent Tu vois, ce n'est pas facile quand même. J'ai dit, oui, vous avez raison. Franchement, vous avez raison. Donc là, on essaie d'autres stratégies.
- Speaker #1
Je comprends. Et avec Marie-Rose, c'est ce qu'on faisait, en fait. Et c'est ce qu'elle me disait. Moi, je vais au casse-pique, elle me disait. Je vais sur le terrain. Et c'est important. Nous, en tout cas, dans notre façon de travailler, chez Références Petites Enfances, on a vraiment cette approche très pragmatique. Donc, on peut parfois se dire, c'est peut-être trop dans l'action, pas de recul, etc. Mais moi, je suis pour vraiment action-réaction. Pour moi, les pros, elles sont dans une urgence aussi. Et même si j'essaye toujours de remettre le temps crèche, de dire attention, c'est un temps long et on ne peut pas résoudre les problèmes en cinq minutes, mais quand même de trouver tout de suite une piste, parce que sinon, on se décourage très vite. Donc, avoir une piste de travail, avoir un chemin à suivre et se dire, bon, voilà, qu'est-ce que je peux faire cette semaine pour avancer avec telle situation ? Cette semaine, je vais observer telle chose, etc. Et puis la semaine prochaine, on va en reparler et on aura déjà des éléments de réflexion, des éléments de réponse.
- Speaker #0
Je pense qu'il y a aussi une attente sur un lieu d'expression. Les APP, je le précise, c'est secret professionnel. Rien ne peut en sortir sans que tout le groupe soit d'accord de manière unanime pour qu'on sorte des éléments. Et cet espace, il est important aussi. Et des fois, il y a juste de l'expression qui n'attend pas une demande de solution derrière. Il y a une expression de souffrance, de dire voilà, c'est difficile. Nous, on est là aussi pour entendre cette souffrance-là, mais juste l'entendre, ça fait aussi du bien aux pros, parce que ça leur pèse, c'est quelque chose qui peut rester au quotidien, et une fois que c'est sorti, même des situations avec des enfants, des fois, moi je suis là, écoutez les filles, franchement, bravo, parce que vous avez mis en place énormément de choses, mais là, j'ai pas trop d'idées, je vais continuer à réfléchir, mais j'ai pas trop d'idées de choses à mettre en place. Le lendemain, j'ai un petit coup de fil de la crèche, oui, en fait, écoute, après qu'on en ait parlé, C'est retombé. Je pense qu'on était tellement en tension que le fait d'en avoir parlé, ça a libéré cette tension-là et les choses se sont résolues. Ok, parfait. Donc voilà, il y a cette écoute-là qui est aussi importante.
- Speaker #1
Merci Damien d'être venu sur le podcast. Tu sais que tu es le premier psychologue de toute la série de références petite enfance. Et pourtant, là, on est dans la neuvième saison. Ça fait plus de 80 épisodes. Et les psychologues, c'est quand même une profession que j'adore. Et j'ai beaucoup, beaucoup travaillé avec les psychologues de crèche. Donc, c'est assez surprenant, mais voilà, il y a un début à tout. On aurait dû le faire plus tôt, mieux vaut tard que jamais. Donc, je te remercie vraiment d'être venu parler. à nos auditeurs. Je ne sais pas si tu avais autre chose que tu voulais ajouter, un dernier message pour les auditeurs.
- Speaker #0
Écoute, déjà, merci à toi pour ce podcast qui est vraiment intéressant. J'ai pu le découvrir ces derniers temps. Je suis content d'être le premier, j'espère pas le dernier, je pense.
- Speaker #1
C'est le début d'une longue série, je pense.
- Speaker #0
C'est le début d'une longue série. Peut-être un message aux auditeurs, ça serait de continuer vraiment dans ce métier avec passion. Je sais qu'il y a des moments difficiles, mais je pense que le meilleur est devant nous. On va vers détails. révolutions qui nous attendent. Donc, ne lâchez pas, continuez d'avancer, mais surtout, surtout, un grand merci pour ce que vous faites, pour ce métier extraordinaire que vous faites. Vous portez la société de demain. Merci pour ça.
- Speaker #1
Merci Damien, et à très bientôt.
- Speaker #0
À bientôt.