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Dominique (Chalem) Prisonnière hors les murs cover
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Rôle Titre - femmes de fiction

Dominique (Chalem) Prisonnière hors les murs

Dominique (Chalem) Prisonnière hors les murs

13min |27/06/2024
Play
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Rôle Titre - femmes de fiction

Dominique (Chalem) Prisonnière hors les murs

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13min |27/06/2024
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Description

“Tu dis rien si tu veux rien dire. Ici, personne n’est obligé de raconter sa vie.” Dominique, scène 5
Comment la parole se libère dans le lieu de l'enfermement ?
Dans une cellule de prison, Caroline et Dominique se rencontrent, se racontent puis se séparent.

Dans cet épisode qui cogne contre des barreaux métalliques :
- la violence de l'univers carcéral
- la pudeur, le minuscule espace personnel et les non-dits qui se maintiennent dans la promiscuité
Bonne écoute

📢 Rôle Titre c’est aussi :
Une newsletter
: du contenu exclusif sur chaque héroïne en avant-première des épisodes. ⏩⏩S’abonner : https://bit.ly/NLroletitre
Un compte Instagram : pour discuter, apprendre, se marrer, vous connaissez le principe… ⏩⏩Rejoindre la commu : https://www.instagram.com/roletitre/
Un
compte Ko-fi : une plateforme qui vous permet de soutenir le podcast par un don du montant de votre choix (CB, Paypal…). ⏩⏩Faire un don : https://ko-fi.com/roletitre 


🔎 Références sources :
Théâtre (Actes Sud): Dis à ma fille que je pars en voyage, Denise Chalem, 2005, Créé au théâtre de l'Oeuvre

Articles de décryptage “Femmes détenues” (Observatoire International des prisons)

Article "Le vécu des femmes en prison mis en scène dans une pièce de théâtre, RTBF actus, février 2023


©️ Crédits
Rôle Titre est un podcast de Camille Forbes propulsé par Ausha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Rôle titre, le podcast des femmes de fiction. Je m'appelle Camille Forbe, je suis comédienne et je vous emmène à la rencontre d'une héroïne. Pour profiter du son binaural, mettez votre casque aux vos écouteurs. Entrez en immersion sonore dans son univers. Cet épisode existe pour faire entendre sa voix. Alors j'espère que vous aussi, vous garderez un fragment d'elle. Une cellule, deux lits. Au mur est suspendu un petit poste de télévision. Face au public, une fenêtre munie de barreaux laisse filtrer la lumière extérieure. Dans un recoin, un lavabo avec au-dessus une petite glace et une cuvette de WC. Au plafond, une ampoule pan, entourée d'un grillage. Dans la salle, avant le spectacle, sur le rideau de fer baissé, projection d'une diapositive en noir et blanc qui représente la façade d'un bâtiment pénitentiaire, avec sa succession de fenêtres à barreaux. Dominique, isolée parce qu'elle est en prison. Message de service ! Rôle-titre n'est pas une fiche de lecture, mais révèle tout de même l'histoire de ces héroïnes, alors ça va spoiler ! Rôle-titre, c'est aussi une newsletter et des réseaux sociaux pour approfondir le podcast. Toutes les sources sont dans les notes de l'épisode. Mais pour l'instant, il est l'heure, pour rôle-titre, d'entrer en scène. On dit que pour comprendre la ville, il y a trois lieux à visiter. L'hôpital, le cimetière, la prison. Si les deux premiers sont en accès libre, le troisième l'est un peu moins. Par chance, Denise Chalem nous y emmène dans la pièce Dis à ma fille que je pars en voyage Entrons dans la prison en même temps que Caroline, la nouvelle co-détenue de Dominique. Caroline est jeune, éduquée, coincée, et elle débarque complètement. Dominique est rustre, mais c'est l'ancienne, qui connaît les combines de la prison. Leurs deux parcours se croisent jusqu'au dernier jour de détention de Dominique où elles sont séparées. Comme si la prison n'était qu'un lieu de passage. Entre-temps, pas grand-chose. Juste une relation humaine, dans un monde sacrément dégueulasse. Vous écoutez Rôle titre, l'épisode Dominique, prisonnière hors les murs. Dominique, c'est une femme, on nous le précise des fois qu'on aurait un doute. Ma mère avait un goût de chiotte et en plus elle était paresseuse. Elle a choisi un prénom qui s'adapte, fille, garçon, chien. Dès la première page, présentation des personnages, Caroline, Solange, Suzanne, il n'y a pas de précision. Par contre Dominique, là il y a écrit Femme, entre 45 et 50 ans Ok donc, Dominique, femme, mais pas féminine. En tout cas, ce n'est pas l'élégance qui l'étouffe. Première scène, elle lâche pas un bonjour. Deuxième scène, elle pisse devant sa co-détenue sans tirer la chasse. Troisième scène, elle rote. Quatrième scène, elle injurie. Mais quoi, connasse ? Cinquième scène, elle tient des propos racistes. Vous avez saisi le portrait. Vulgaire, sans gêne, Dominique s'en tape. Elle fait très mauvaise première impression. Il faudra se lever de bonheur pour l'entendre faire preuve de douceur. Vous êtes gentille dans le fond. Ta gueule ! Alors ça, ça nous change, tiens. Une héroïne rustre. Une femme de plus de 45 ans. Déjà, on a tendance à oublier qu'il y en a. Grosse, de surcroît. Pas mal, on continue à cocher les cases des femmes invisibilisées. Mais alors, rajoutons qu'elle est en taule. Et là, vraiment, personne ne veut plus la voir. Sûrement pour ça qu'elle s'en fout de l'image qu'elle renvoie à Dominique. Aux yeux du monde, elle n'existe pas. Dans cette saison de podcast sur les isolés, il en fallait bien une, une héroïne mise à l'isolement. Place à la prison donc. La prison, c'est la mise au banc de la société, pour ceux qu'on exclut et qu'on finit par oublier. Quand on pense aux prisons, on pense surtout aux hommes. Les prisons de femmes sont encore plus difficiles à concevoir dans notre imaginaire collectif. Qui sont les femmes qu'on emprisonne ? On a bien un archétype de la prisonnière en tête. Une femme dure, solitaire, certainement violente. Alors vu le premier aperçu de Dominique, ça colle. Mais au fur et à mesure, ça décolle. Ça se décale même. Oui, Dominique jure comme elle respire. Putain de bordel de putain de bordel à queue ! Mais elle ne loupe jamais un épisode des amours sur France 2, sur sa petite télé. Et elle adore qu'on lui raconte des histoires à l'eau de rose. Oui, Dominique est provoque. Je me plais en tôle, moi. Mais elle est sensible. Elle s'allonge en pleurs sur le sol de sa cellule, parce que c'est le seul angle duquel on peut voir passer les avions par la fenêtre. Oui, Dominique ne se lave qu'une fois par semaine et ne fait jamais le ménage. Mais c'est pour s'économiser le prix des produits d'entretien et les emmerde. Donc pas parce que c'est une sauvage, mais pour des raisons bien sensées. Et surtout... Dominique a tué son mari Une vraie bonne raison d'être en taule Mais elle a deux enfants Dont une fille A qui elle écrit des lettres pleines d'amour Ma petite puce Ne me demande pas la date, je sais jamais Je devrais t'appeler ma grande puce Puisqu'il paraît que maintenant tu as presque ma taille Mais maman t'a quitté petite puce Et les petites puces ne grandissent pas Alors tu restes pour elle son bébé Rien n'est tout blanc ou tout noir. C'est rayé, comme les tenues des bagnards. Et le cliché de la prisonnière s'efface un peu. On voit la personne, l'individu. Mais par instant seulement. À travers les barreaux. Dominique n'est, je pense, pas le genre de rôle auquel on s'identifie naturellement, à moins d'avoir fait un petit séjour en prison soi-même. Mais petit à petit, elle s'absorbe. Moi, en tout cas, j'ai l'impression que Dominique se fait une petite place à l'intérieur de moi. Et paradoxalement, oui, c'est une toute petite place. Parce que Dominique est imposante, elle prend de la place physiquement, vocalement aussi. Le jour, elle gueule et la nuit, elle ronfle. Mais Dominique, c'est l'héroïne du minimum vital. Repliée sur elle-même. Elle occupe un tout petit espace. Ça tient beaucoup à la cellule dans laquelle se passe toute la pièce. On finit par les connaître par cœur, ces quelques mètres carrés, avec deux étagères, une cuvette de WC. Alors j'imagine pas Dominique au grand air, mais au contraire, compressée, serrée à l'intérieur de moi comme une boule de neige bien compacte, pour mieux résister. C'est aussi l'héroïne recluse dans le bruit. Parce qu'en prison, on ne voit rien, mais on entend tout, tout le temps, en permanence. C'est d'ailleurs pour ça que Dominique ne parle que si c'est vraiment indispensable. Ça lui fait des vacances. Toutes ces sensations, ces ressentis dans l'histoire, ça finit par allumer une petite lumière en moi, une étincelle que je reconnais. Quand je sature, je fais bloc. Je me mets en boule et j'attends que ça passe. Ça ressemble à Dominique. Moi aussi, dans ce cas-là, je lâche la politesse. J'en ai rien à foutre de ce que pensent les autres. Moi, je me tape de tout. Alors évidemment, cette boule bien compacte, chez moi, elle est petite. Je n'ai pas vécu la moitié du quart de ce qu'a traversé Dominique. Je n'ai pas eu à me mettre en boule bien souvent. Mais c'est la même. C'est le même noyau impénétrable. C'est juste que chez Dominique, elle a grossi et grossi en rajoutant une couche à chaque fois. Pourquoi je trouverais de l'intérêt à la vie d'une tollarde ? Pour ça, pour ce protocole de mise en boule qu'on a en commun. Dominique, c'est la grosse dame ou la petite voix qui me dit Allez, on se blinde et on avance Denise Chalem est sympa quand elle nous décrit le monde de la prison de Dominique. C'est entrecoupé d'humour, de légèreté, de voyage. alors que fondamentalement, ça reste un concentré de violence. En prison, on vit le racket, le viol, le vol, le suicide, le racisme, les coups, les lynchages, la saleté, la négligence, des injustices à non plus finir. Mais surtout, tout semble sur le même plan, sans hiérarchie dans les violences. Pour le spectateur, les scènes se succèdent, et pour Dominique, ce sont les jours qui passent. Il peut y avoir un jour où on se fait violer et un jour où on se fait piquer ses chaussures. C'est pas que ce soit tout à fait la même chose, mais c'est comme ça. Ça s'enchaîne. T'as juste à mettre un pied devant l'autre. Le système carcéral le fait bien comprendre aux prisonnières. À chaque jour, suffit sa peine. Un verset biblique bien à propos. En cela, Dominique est l'héroïne d'une certaine patience. Je vais pas dire résilience. Elle sait faire avec les circonstances du moment, avec les moyens du bord, prendre ce qu'il y a à prendre. Elle ne va pas chercher à changer le monde, ni à protester comme Caroline. Dominique n'a aucune capacité d'indignation. Son ressort est pété. Ce n'est pas évident de dire laquelle est la plus forte dans le binôme entre les deux héroïnes. Caroline n'est pas la seule. Pas encore broyée par le système, mais franchement, elle risque de mourir un jour sur deux. Dominique navigue mieux en prison. Mais parfois, elle s'écrase. Sans reprendre sa forme, elle encaisse. Ne te laisse pas aller, sinon t'es foutue ! Sa phrase préférée n'est peut-être pas un verset biblique, mais mérite tout autant d'être notée. C'est Oublie Jésus et cogne ! Regarder le féminin, le féminisme, les femmes placées dans le décor d'une prison, c'est très particulier, parce que c'est loin de nous. Je me sens plus proche de certaines héroïnes du XVIIe siècle ou de pays que je n'ai jamais visités, voire de rôles féminins qui ne sont même pas des femmes, mais des sirènes, des fées ou des sorcières. En ça, Dominique est très importante, parce que c'est un rôle fictif qui représente une réalité. On sait tous qu'elles existent, les femmes prisonnières. C'est pas de la science-fiction. Il y en a peu, mais il y en a. En France, il y a environ 2500 femmes en prison. Denise Chalem ne nous en montre qu'une. Elle est deux avec Caroline. Et ça suffit déjà à s'imprégner de plein de choses. Il y a des mères en prison. Ça veut dire des familles, des sœurs, des enfants de l'autre côté. Ensuite, être une femme en prison, c'est généralement ne pas avoir de visite. Beaucoup moins que les hommes, en tout cas. Soit parce que le stigma d'une femme condamnée est plus fort, soit parce que comme il y a très peu de prisons pour femmes, les détenus se trouvent souvent trop éloignés de leur famille. Autre sujet, la féminité en prison. C'est à la fois essentiel et la dernière des priorités. D'abord, il faut se soucier de rester humaine, décente, digne. Et après, si on a le temps, féminine. Sauf que la féminité, ça fait aussi partie de l'identité. Ne pas voir un rouge à lèvres ou ne pas pouvoir enfiler une jupe pendant 5 ans, ça finit par devenir une autre forme de violence. Si le sujet de la prison aux féminins vous intéresse, je vous renvoie à deux liens en note de l'épisode. Un, les ressources de l'Observatoire international des prisons, qui mène des analyses sur l'accès au travail, aux soins, la précarité menstruelle des femmes en prison. Et deuxièmement, une autre pièce de théâtre sur les femmes en prison, qui porte un titre tout aussi évocateur, Tous mes rêves partent de la gare d'Austerlitz. Dominique voyage, même depuis les quatre murs de sa prison. Depuis toujours, dans les conditions les plus abominables, elle se met en boule et en avant. C'est comme ça qu'elle roule sa bosse et qu'elle s'évade. C'est une criminelle, une femme que personne ne veut voir, Très bien, si c'est comme ça, elle est déjà loin, à l'horizon. Mais depuis la terre ferme où vous vous trouvez, n'y a-t-il pas une part de vous qui bourlingue aussi ? Merci d'avoir écouté Rôle titre. Si vous avez apprécié l'épisode, voici trois choses que vous pouvez faire. 1. Vous abonner à Rôle titre sur votre plateforme de podcast préférée et laisser 5 étoiles si c'est Apple Podcast ou Spotify. 2. Rejoindre la newsletter de Roll Titre ou son compte Instagram pour découvrir encore plus de contenu inspirant. Et troisièmement, me soutenir financièrement par une donation sur la plateforme Ko-fi. Je vous explique tout en détail dans les notes de l'épisode. Une dernière chose. Roll Titre abrite les femmes de fiction qui appartiennent à mon panthéon intérieur. Mais leur voix ne peut se propager que grâce à vous. Parlez du podcast autour de vous, partagez ces épisodes sur les réseaux sociaux. C'est faire entendre la voix de ces héroïnes à des auditeurs toujours plus nombreux. Je vous dis à très vite pour lever le rideau sur une prochaine héroïne. Et si vous avez accueilli en vous un fragment de celle d'aujourd'hui, faites entendre sa voix. Faites résonner Rôle titre.

Description

“Tu dis rien si tu veux rien dire. Ici, personne n’est obligé de raconter sa vie.” Dominique, scène 5
Comment la parole se libère dans le lieu de l'enfermement ?
Dans une cellule de prison, Caroline et Dominique se rencontrent, se racontent puis se séparent.

Dans cet épisode qui cogne contre des barreaux métalliques :
- la violence de l'univers carcéral
- la pudeur, le minuscule espace personnel et les non-dits qui se maintiennent dans la promiscuité
Bonne écoute

📢 Rôle Titre c’est aussi :
Une newsletter
: du contenu exclusif sur chaque héroïne en avant-première des épisodes. ⏩⏩S’abonner : https://bit.ly/NLroletitre
Un compte Instagram : pour discuter, apprendre, se marrer, vous connaissez le principe… ⏩⏩Rejoindre la commu : https://www.instagram.com/roletitre/
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🔎 Références sources :
Théâtre (Actes Sud): Dis à ma fille que je pars en voyage, Denise Chalem, 2005, Créé au théâtre de l'Oeuvre

Articles de décryptage “Femmes détenues” (Observatoire International des prisons)

Article "Le vécu des femmes en prison mis en scène dans une pièce de théâtre, RTBF actus, février 2023


©️ Crédits
Rôle Titre est un podcast de Camille Forbes propulsé par Ausha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Rôle titre, le podcast des femmes de fiction. Je m'appelle Camille Forbe, je suis comédienne et je vous emmène à la rencontre d'une héroïne. Pour profiter du son binaural, mettez votre casque aux vos écouteurs. Entrez en immersion sonore dans son univers. Cet épisode existe pour faire entendre sa voix. Alors j'espère que vous aussi, vous garderez un fragment d'elle. Une cellule, deux lits. Au mur est suspendu un petit poste de télévision. Face au public, une fenêtre munie de barreaux laisse filtrer la lumière extérieure. Dans un recoin, un lavabo avec au-dessus une petite glace et une cuvette de WC. Au plafond, une ampoule pan, entourée d'un grillage. Dans la salle, avant le spectacle, sur le rideau de fer baissé, projection d'une diapositive en noir et blanc qui représente la façade d'un bâtiment pénitentiaire, avec sa succession de fenêtres à barreaux. Dominique, isolée parce qu'elle est en prison. Message de service ! Rôle-titre n'est pas une fiche de lecture, mais révèle tout de même l'histoire de ces héroïnes, alors ça va spoiler ! Rôle-titre, c'est aussi une newsletter et des réseaux sociaux pour approfondir le podcast. Toutes les sources sont dans les notes de l'épisode. Mais pour l'instant, il est l'heure, pour rôle-titre, d'entrer en scène. On dit que pour comprendre la ville, il y a trois lieux à visiter. L'hôpital, le cimetière, la prison. Si les deux premiers sont en accès libre, le troisième l'est un peu moins. Par chance, Denise Chalem nous y emmène dans la pièce Dis à ma fille que je pars en voyage Entrons dans la prison en même temps que Caroline, la nouvelle co-détenue de Dominique. Caroline est jeune, éduquée, coincée, et elle débarque complètement. Dominique est rustre, mais c'est l'ancienne, qui connaît les combines de la prison. Leurs deux parcours se croisent jusqu'au dernier jour de détention de Dominique où elles sont séparées. Comme si la prison n'était qu'un lieu de passage. Entre-temps, pas grand-chose. Juste une relation humaine, dans un monde sacrément dégueulasse. Vous écoutez Rôle titre, l'épisode Dominique, prisonnière hors les murs. Dominique, c'est une femme, on nous le précise des fois qu'on aurait un doute. Ma mère avait un goût de chiotte et en plus elle était paresseuse. Elle a choisi un prénom qui s'adapte, fille, garçon, chien. Dès la première page, présentation des personnages, Caroline, Solange, Suzanne, il n'y a pas de précision. Par contre Dominique, là il y a écrit Femme, entre 45 et 50 ans Ok donc, Dominique, femme, mais pas féminine. En tout cas, ce n'est pas l'élégance qui l'étouffe. Première scène, elle lâche pas un bonjour. Deuxième scène, elle pisse devant sa co-détenue sans tirer la chasse. Troisième scène, elle rote. Quatrième scène, elle injurie. Mais quoi, connasse ? Cinquième scène, elle tient des propos racistes. Vous avez saisi le portrait. Vulgaire, sans gêne, Dominique s'en tape. Elle fait très mauvaise première impression. Il faudra se lever de bonheur pour l'entendre faire preuve de douceur. Vous êtes gentille dans le fond. Ta gueule ! Alors ça, ça nous change, tiens. Une héroïne rustre. Une femme de plus de 45 ans. Déjà, on a tendance à oublier qu'il y en a. Grosse, de surcroît. Pas mal, on continue à cocher les cases des femmes invisibilisées. Mais alors, rajoutons qu'elle est en taule. Et là, vraiment, personne ne veut plus la voir. Sûrement pour ça qu'elle s'en fout de l'image qu'elle renvoie à Dominique. Aux yeux du monde, elle n'existe pas. Dans cette saison de podcast sur les isolés, il en fallait bien une, une héroïne mise à l'isolement. Place à la prison donc. La prison, c'est la mise au banc de la société, pour ceux qu'on exclut et qu'on finit par oublier. Quand on pense aux prisons, on pense surtout aux hommes. Les prisons de femmes sont encore plus difficiles à concevoir dans notre imaginaire collectif. Qui sont les femmes qu'on emprisonne ? On a bien un archétype de la prisonnière en tête. Une femme dure, solitaire, certainement violente. Alors vu le premier aperçu de Dominique, ça colle. Mais au fur et à mesure, ça décolle. Ça se décale même. Oui, Dominique jure comme elle respire. Putain de bordel de putain de bordel à queue ! Mais elle ne loupe jamais un épisode des amours sur France 2, sur sa petite télé. Et elle adore qu'on lui raconte des histoires à l'eau de rose. Oui, Dominique est provoque. Je me plais en tôle, moi. Mais elle est sensible. Elle s'allonge en pleurs sur le sol de sa cellule, parce que c'est le seul angle duquel on peut voir passer les avions par la fenêtre. Oui, Dominique ne se lave qu'une fois par semaine et ne fait jamais le ménage. Mais c'est pour s'économiser le prix des produits d'entretien et les emmerde. Donc pas parce que c'est une sauvage, mais pour des raisons bien sensées. Et surtout... Dominique a tué son mari Une vraie bonne raison d'être en taule Mais elle a deux enfants Dont une fille A qui elle écrit des lettres pleines d'amour Ma petite puce Ne me demande pas la date, je sais jamais Je devrais t'appeler ma grande puce Puisqu'il paraît que maintenant tu as presque ma taille Mais maman t'a quitté petite puce Et les petites puces ne grandissent pas Alors tu restes pour elle son bébé Rien n'est tout blanc ou tout noir. C'est rayé, comme les tenues des bagnards. Et le cliché de la prisonnière s'efface un peu. On voit la personne, l'individu. Mais par instant seulement. À travers les barreaux. Dominique n'est, je pense, pas le genre de rôle auquel on s'identifie naturellement, à moins d'avoir fait un petit séjour en prison soi-même. Mais petit à petit, elle s'absorbe. Moi, en tout cas, j'ai l'impression que Dominique se fait une petite place à l'intérieur de moi. Et paradoxalement, oui, c'est une toute petite place. Parce que Dominique est imposante, elle prend de la place physiquement, vocalement aussi. Le jour, elle gueule et la nuit, elle ronfle. Mais Dominique, c'est l'héroïne du minimum vital. Repliée sur elle-même. Elle occupe un tout petit espace. Ça tient beaucoup à la cellule dans laquelle se passe toute la pièce. On finit par les connaître par cœur, ces quelques mètres carrés, avec deux étagères, une cuvette de WC. Alors j'imagine pas Dominique au grand air, mais au contraire, compressée, serrée à l'intérieur de moi comme une boule de neige bien compacte, pour mieux résister. C'est aussi l'héroïne recluse dans le bruit. Parce qu'en prison, on ne voit rien, mais on entend tout, tout le temps, en permanence. C'est d'ailleurs pour ça que Dominique ne parle que si c'est vraiment indispensable. Ça lui fait des vacances. Toutes ces sensations, ces ressentis dans l'histoire, ça finit par allumer une petite lumière en moi, une étincelle que je reconnais. Quand je sature, je fais bloc. Je me mets en boule et j'attends que ça passe. Ça ressemble à Dominique. Moi aussi, dans ce cas-là, je lâche la politesse. J'en ai rien à foutre de ce que pensent les autres. Moi, je me tape de tout. Alors évidemment, cette boule bien compacte, chez moi, elle est petite. Je n'ai pas vécu la moitié du quart de ce qu'a traversé Dominique. Je n'ai pas eu à me mettre en boule bien souvent. Mais c'est la même. C'est le même noyau impénétrable. C'est juste que chez Dominique, elle a grossi et grossi en rajoutant une couche à chaque fois. Pourquoi je trouverais de l'intérêt à la vie d'une tollarde ? Pour ça, pour ce protocole de mise en boule qu'on a en commun. Dominique, c'est la grosse dame ou la petite voix qui me dit Allez, on se blinde et on avance Denise Chalem est sympa quand elle nous décrit le monde de la prison de Dominique. C'est entrecoupé d'humour, de légèreté, de voyage. alors que fondamentalement, ça reste un concentré de violence. En prison, on vit le racket, le viol, le vol, le suicide, le racisme, les coups, les lynchages, la saleté, la négligence, des injustices à non plus finir. Mais surtout, tout semble sur le même plan, sans hiérarchie dans les violences. Pour le spectateur, les scènes se succèdent, et pour Dominique, ce sont les jours qui passent. Il peut y avoir un jour où on se fait violer et un jour où on se fait piquer ses chaussures. C'est pas que ce soit tout à fait la même chose, mais c'est comme ça. Ça s'enchaîne. T'as juste à mettre un pied devant l'autre. Le système carcéral le fait bien comprendre aux prisonnières. À chaque jour, suffit sa peine. Un verset biblique bien à propos. En cela, Dominique est l'héroïne d'une certaine patience. Je vais pas dire résilience. Elle sait faire avec les circonstances du moment, avec les moyens du bord, prendre ce qu'il y a à prendre. Elle ne va pas chercher à changer le monde, ni à protester comme Caroline. Dominique n'a aucune capacité d'indignation. Son ressort est pété. Ce n'est pas évident de dire laquelle est la plus forte dans le binôme entre les deux héroïnes. Caroline n'est pas la seule. Pas encore broyée par le système, mais franchement, elle risque de mourir un jour sur deux. Dominique navigue mieux en prison. Mais parfois, elle s'écrase. Sans reprendre sa forme, elle encaisse. Ne te laisse pas aller, sinon t'es foutue ! Sa phrase préférée n'est peut-être pas un verset biblique, mais mérite tout autant d'être notée. C'est Oublie Jésus et cogne ! Regarder le féminin, le féminisme, les femmes placées dans le décor d'une prison, c'est très particulier, parce que c'est loin de nous. Je me sens plus proche de certaines héroïnes du XVIIe siècle ou de pays que je n'ai jamais visités, voire de rôles féminins qui ne sont même pas des femmes, mais des sirènes, des fées ou des sorcières. En ça, Dominique est très importante, parce que c'est un rôle fictif qui représente une réalité. On sait tous qu'elles existent, les femmes prisonnières. C'est pas de la science-fiction. Il y en a peu, mais il y en a. En France, il y a environ 2500 femmes en prison. Denise Chalem ne nous en montre qu'une. Elle est deux avec Caroline. Et ça suffit déjà à s'imprégner de plein de choses. Il y a des mères en prison. Ça veut dire des familles, des sœurs, des enfants de l'autre côté. Ensuite, être une femme en prison, c'est généralement ne pas avoir de visite. Beaucoup moins que les hommes, en tout cas. Soit parce que le stigma d'une femme condamnée est plus fort, soit parce que comme il y a très peu de prisons pour femmes, les détenus se trouvent souvent trop éloignés de leur famille. Autre sujet, la féminité en prison. C'est à la fois essentiel et la dernière des priorités. D'abord, il faut se soucier de rester humaine, décente, digne. Et après, si on a le temps, féminine. Sauf que la féminité, ça fait aussi partie de l'identité. Ne pas voir un rouge à lèvres ou ne pas pouvoir enfiler une jupe pendant 5 ans, ça finit par devenir une autre forme de violence. Si le sujet de la prison aux féminins vous intéresse, je vous renvoie à deux liens en note de l'épisode. Un, les ressources de l'Observatoire international des prisons, qui mène des analyses sur l'accès au travail, aux soins, la précarité menstruelle des femmes en prison. Et deuxièmement, une autre pièce de théâtre sur les femmes en prison, qui porte un titre tout aussi évocateur, Tous mes rêves partent de la gare d'Austerlitz. Dominique voyage, même depuis les quatre murs de sa prison. Depuis toujours, dans les conditions les plus abominables, elle se met en boule et en avant. C'est comme ça qu'elle roule sa bosse et qu'elle s'évade. C'est une criminelle, une femme que personne ne veut voir, Très bien, si c'est comme ça, elle est déjà loin, à l'horizon. Mais depuis la terre ferme où vous vous trouvez, n'y a-t-il pas une part de vous qui bourlingue aussi ? Merci d'avoir écouté Rôle titre. Si vous avez apprécié l'épisode, voici trois choses que vous pouvez faire. 1. Vous abonner à Rôle titre sur votre plateforme de podcast préférée et laisser 5 étoiles si c'est Apple Podcast ou Spotify. 2. Rejoindre la newsletter de Roll Titre ou son compte Instagram pour découvrir encore plus de contenu inspirant. Et troisièmement, me soutenir financièrement par une donation sur la plateforme Ko-fi. Je vous explique tout en détail dans les notes de l'épisode. Une dernière chose. Roll Titre abrite les femmes de fiction qui appartiennent à mon panthéon intérieur. Mais leur voix ne peut se propager que grâce à vous. Parlez du podcast autour de vous, partagez ces épisodes sur les réseaux sociaux. C'est faire entendre la voix de ces héroïnes à des auditeurs toujours plus nombreux. Je vous dis à très vite pour lever le rideau sur une prochaine héroïne. Et si vous avez accueilli en vous un fragment de celle d'aujourd'hui, faites entendre sa voix. Faites résonner Rôle titre.

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Description

“Tu dis rien si tu veux rien dire. Ici, personne n’est obligé de raconter sa vie.” Dominique, scène 5
Comment la parole se libère dans le lieu de l'enfermement ?
Dans une cellule de prison, Caroline et Dominique se rencontrent, se racontent puis se séparent.

Dans cet épisode qui cogne contre des barreaux métalliques :
- la violence de l'univers carcéral
- la pudeur, le minuscule espace personnel et les non-dits qui se maintiennent dans la promiscuité
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©️ Crédits
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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Rôle titre, le podcast des femmes de fiction. Je m'appelle Camille Forbe, je suis comédienne et je vous emmène à la rencontre d'une héroïne. Pour profiter du son binaural, mettez votre casque aux vos écouteurs. Entrez en immersion sonore dans son univers. Cet épisode existe pour faire entendre sa voix. Alors j'espère que vous aussi, vous garderez un fragment d'elle. Une cellule, deux lits. Au mur est suspendu un petit poste de télévision. Face au public, une fenêtre munie de barreaux laisse filtrer la lumière extérieure. Dans un recoin, un lavabo avec au-dessus une petite glace et une cuvette de WC. Au plafond, une ampoule pan, entourée d'un grillage. Dans la salle, avant le spectacle, sur le rideau de fer baissé, projection d'une diapositive en noir et blanc qui représente la façade d'un bâtiment pénitentiaire, avec sa succession de fenêtres à barreaux. Dominique, isolée parce qu'elle est en prison. Message de service ! Rôle-titre n'est pas une fiche de lecture, mais révèle tout de même l'histoire de ces héroïnes, alors ça va spoiler ! Rôle-titre, c'est aussi une newsletter et des réseaux sociaux pour approfondir le podcast. Toutes les sources sont dans les notes de l'épisode. Mais pour l'instant, il est l'heure, pour rôle-titre, d'entrer en scène. On dit que pour comprendre la ville, il y a trois lieux à visiter. L'hôpital, le cimetière, la prison. Si les deux premiers sont en accès libre, le troisième l'est un peu moins. Par chance, Denise Chalem nous y emmène dans la pièce Dis à ma fille que je pars en voyage Entrons dans la prison en même temps que Caroline, la nouvelle co-détenue de Dominique. Caroline est jeune, éduquée, coincée, et elle débarque complètement. Dominique est rustre, mais c'est l'ancienne, qui connaît les combines de la prison. Leurs deux parcours se croisent jusqu'au dernier jour de détention de Dominique où elles sont séparées. Comme si la prison n'était qu'un lieu de passage. Entre-temps, pas grand-chose. Juste une relation humaine, dans un monde sacrément dégueulasse. Vous écoutez Rôle titre, l'épisode Dominique, prisonnière hors les murs. Dominique, c'est une femme, on nous le précise des fois qu'on aurait un doute. Ma mère avait un goût de chiotte et en plus elle était paresseuse. Elle a choisi un prénom qui s'adapte, fille, garçon, chien. Dès la première page, présentation des personnages, Caroline, Solange, Suzanne, il n'y a pas de précision. Par contre Dominique, là il y a écrit Femme, entre 45 et 50 ans Ok donc, Dominique, femme, mais pas féminine. En tout cas, ce n'est pas l'élégance qui l'étouffe. Première scène, elle lâche pas un bonjour. Deuxième scène, elle pisse devant sa co-détenue sans tirer la chasse. Troisième scène, elle rote. Quatrième scène, elle injurie. Mais quoi, connasse ? Cinquième scène, elle tient des propos racistes. Vous avez saisi le portrait. Vulgaire, sans gêne, Dominique s'en tape. Elle fait très mauvaise première impression. Il faudra se lever de bonheur pour l'entendre faire preuve de douceur. Vous êtes gentille dans le fond. Ta gueule ! Alors ça, ça nous change, tiens. Une héroïne rustre. Une femme de plus de 45 ans. Déjà, on a tendance à oublier qu'il y en a. Grosse, de surcroît. Pas mal, on continue à cocher les cases des femmes invisibilisées. Mais alors, rajoutons qu'elle est en taule. Et là, vraiment, personne ne veut plus la voir. Sûrement pour ça qu'elle s'en fout de l'image qu'elle renvoie à Dominique. Aux yeux du monde, elle n'existe pas. Dans cette saison de podcast sur les isolés, il en fallait bien une, une héroïne mise à l'isolement. Place à la prison donc. La prison, c'est la mise au banc de la société, pour ceux qu'on exclut et qu'on finit par oublier. Quand on pense aux prisons, on pense surtout aux hommes. Les prisons de femmes sont encore plus difficiles à concevoir dans notre imaginaire collectif. Qui sont les femmes qu'on emprisonne ? On a bien un archétype de la prisonnière en tête. Une femme dure, solitaire, certainement violente. Alors vu le premier aperçu de Dominique, ça colle. Mais au fur et à mesure, ça décolle. Ça se décale même. Oui, Dominique jure comme elle respire. Putain de bordel de putain de bordel à queue ! Mais elle ne loupe jamais un épisode des amours sur France 2, sur sa petite télé. Et elle adore qu'on lui raconte des histoires à l'eau de rose. Oui, Dominique est provoque. Je me plais en tôle, moi. Mais elle est sensible. Elle s'allonge en pleurs sur le sol de sa cellule, parce que c'est le seul angle duquel on peut voir passer les avions par la fenêtre. Oui, Dominique ne se lave qu'une fois par semaine et ne fait jamais le ménage. Mais c'est pour s'économiser le prix des produits d'entretien et les emmerde. Donc pas parce que c'est une sauvage, mais pour des raisons bien sensées. Et surtout... Dominique a tué son mari Une vraie bonne raison d'être en taule Mais elle a deux enfants Dont une fille A qui elle écrit des lettres pleines d'amour Ma petite puce Ne me demande pas la date, je sais jamais Je devrais t'appeler ma grande puce Puisqu'il paraît que maintenant tu as presque ma taille Mais maman t'a quitté petite puce Et les petites puces ne grandissent pas Alors tu restes pour elle son bébé Rien n'est tout blanc ou tout noir. C'est rayé, comme les tenues des bagnards. Et le cliché de la prisonnière s'efface un peu. On voit la personne, l'individu. Mais par instant seulement. À travers les barreaux. Dominique n'est, je pense, pas le genre de rôle auquel on s'identifie naturellement, à moins d'avoir fait un petit séjour en prison soi-même. Mais petit à petit, elle s'absorbe. Moi, en tout cas, j'ai l'impression que Dominique se fait une petite place à l'intérieur de moi. Et paradoxalement, oui, c'est une toute petite place. Parce que Dominique est imposante, elle prend de la place physiquement, vocalement aussi. Le jour, elle gueule et la nuit, elle ronfle. Mais Dominique, c'est l'héroïne du minimum vital. Repliée sur elle-même. Elle occupe un tout petit espace. Ça tient beaucoup à la cellule dans laquelle se passe toute la pièce. On finit par les connaître par cœur, ces quelques mètres carrés, avec deux étagères, une cuvette de WC. Alors j'imagine pas Dominique au grand air, mais au contraire, compressée, serrée à l'intérieur de moi comme une boule de neige bien compacte, pour mieux résister. C'est aussi l'héroïne recluse dans le bruit. Parce qu'en prison, on ne voit rien, mais on entend tout, tout le temps, en permanence. C'est d'ailleurs pour ça que Dominique ne parle que si c'est vraiment indispensable. Ça lui fait des vacances. Toutes ces sensations, ces ressentis dans l'histoire, ça finit par allumer une petite lumière en moi, une étincelle que je reconnais. Quand je sature, je fais bloc. Je me mets en boule et j'attends que ça passe. Ça ressemble à Dominique. Moi aussi, dans ce cas-là, je lâche la politesse. J'en ai rien à foutre de ce que pensent les autres. Moi, je me tape de tout. Alors évidemment, cette boule bien compacte, chez moi, elle est petite. Je n'ai pas vécu la moitié du quart de ce qu'a traversé Dominique. Je n'ai pas eu à me mettre en boule bien souvent. Mais c'est la même. C'est le même noyau impénétrable. C'est juste que chez Dominique, elle a grossi et grossi en rajoutant une couche à chaque fois. Pourquoi je trouverais de l'intérêt à la vie d'une tollarde ? Pour ça, pour ce protocole de mise en boule qu'on a en commun. Dominique, c'est la grosse dame ou la petite voix qui me dit Allez, on se blinde et on avance Denise Chalem est sympa quand elle nous décrit le monde de la prison de Dominique. C'est entrecoupé d'humour, de légèreté, de voyage. alors que fondamentalement, ça reste un concentré de violence. En prison, on vit le racket, le viol, le vol, le suicide, le racisme, les coups, les lynchages, la saleté, la négligence, des injustices à non plus finir. Mais surtout, tout semble sur le même plan, sans hiérarchie dans les violences. Pour le spectateur, les scènes se succèdent, et pour Dominique, ce sont les jours qui passent. Il peut y avoir un jour où on se fait violer et un jour où on se fait piquer ses chaussures. C'est pas que ce soit tout à fait la même chose, mais c'est comme ça. Ça s'enchaîne. T'as juste à mettre un pied devant l'autre. Le système carcéral le fait bien comprendre aux prisonnières. À chaque jour, suffit sa peine. Un verset biblique bien à propos. En cela, Dominique est l'héroïne d'une certaine patience. Je vais pas dire résilience. Elle sait faire avec les circonstances du moment, avec les moyens du bord, prendre ce qu'il y a à prendre. Elle ne va pas chercher à changer le monde, ni à protester comme Caroline. Dominique n'a aucune capacité d'indignation. Son ressort est pété. Ce n'est pas évident de dire laquelle est la plus forte dans le binôme entre les deux héroïnes. Caroline n'est pas la seule. Pas encore broyée par le système, mais franchement, elle risque de mourir un jour sur deux. Dominique navigue mieux en prison. Mais parfois, elle s'écrase. Sans reprendre sa forme, elle encaisse. Ne te laisse pas aller, sinon t'es foutue ! Sa phrase préférée n'est peut-être pas un verset biblique, mais mérite tout autant d'être notée. C'est Oublie Jésus et cogne ! Regarder le féminin, le féminisme, les femmes placées dans le décor d'une prison, c'est très particulier, parce que c'est loin de nous. Je me sens plus proche de certaines héroïnes du XVIIe siècle ou de pays que je n'ai jamais visités, voire de rôles féminins qui ne sont même pas des femmes, mais des sirènes, des fées ou des sorcières. En ça, Dominique est très importante, parce que c'est un rôle fictif qui représente une réalité. On sait tous qu'elles existent, les femmes prisonnières. C'est pas de la science-fiction. Il y en a peu, mais il y en a. En France, il y a environ 2500 femmes en prison. Denise Chalem ne nous en montre qu'une. Elle est deux avec Caroline. Et ça suffit déjà à s'imprégner de plein de choses. Il y a des mères en prison. Ça veut dire des familles, des sœurs, des enfants de l'autre côté. Ensuite, être une femme en prison, c'est généralement ne pas avoir de visite. Beaucoup moins que les hommes, en tout cas. Soit parce que le stigma d'une femme condamnée est plus fort, soit parce que comme il y a très peu de prisons pour femmes, les détenus se trouvent souvent trop éloignés de leur famille. Autre sujet, la féminité en prison. C'est à la fois essentiel et la dernière des priorités. D'abord, il faut se soucier de rester humaine, décente, digne. Et après, si on a le temps, féminine. Sauf que la féminité, ça fait aussi partie de l'identité. Ne pas voir un rouge à lèvres ou ne pas pouvoir enfiler une jupe pendant 5 ans, ça finit par devenir une autre forme de violence. Si le sujet de la prison aux féminins vous intéresse, je vous renvoie à deux liens en note de l'épisode. Un, les ressources de l'Observatoire international des prisons, qui mène des analyses sur l'accès au travail, aux soins, la précarité menstruelle des femmes en prison. Et deuxièmement, une autre pièce de théâtre sur les femmes en prison, qui porte un titre tout aussi évocateur, Tous mes rêves partent de la gare d'Austerlitz. Dominique voyage, même depuis les quatre murs de sa prison. Depuis toujours, dans les conditions les plus abominables, elle se met en boule et en avant. C'est comme ça qu'elle roule sa bosse et qu'elle s'évade. C'est une criminelle, une femme que personne ne veut voir, Très bien, si c'est comme ça, elle est déjà loin, à l'horizon. Mais depuis la terre ferme où vous vous trouvez, n'y a-t-il pas une part de vous qui bourlingue aussi ? Merci d'avoir écouté Rôle titre. Si vous avez apprécié l'épisode, voici trois choses que vous pouvez faire. 1. Vous abonner à Rôle titre sur votre plateforme de podcast préférée et laisser 5 étoiles si c'est Apple Podcast ou Spotify. 2. Rejoindre la newsletter de Roll Titre ou son compte Instagram pour découvrir encore plus de contenu inspirant. Et troisièmement, me soutenir financièrement par une donation sur la plateforme Ko-fi. Je vous explique tout en détail dans les notes de l'épisode. Une dernière chose. Roll Titre abrite les femmes de fiction qui appartiennent à mon panthéon intérieur. Mais leur voix ne peut se propager que grâce à vous. Parlez du podcast autour de vous, partagez ces épisodes sur les réseaux sociaux. C'est faire entendre la voix de ces héroïnes à des auditeurs toujours plus nombreux. Je vous dis à très vite pour lever le rideau sur une prochaine héroïne. Et si vous avez accueilli en vous un fragment de celle d'aujourd'hui, faites entendre sa voix. Faites résonner Rôle titre.

Description

“Tu dis rien si tu veux rien dire. Ici, personne n’est obligé de raconter sa vie.” Dominique, scène 5
Comment la parole se libère dans le lieu de l'enfermement ?
Dans une cellule de prison, Caroline et Dominique se rencontrent, se racontent puis se séparent.

Dans cet épisode qui cogne contre des barreaux métalliques :
- la violence de l'univers carcéral
- la pudeur, le minuscule espace personnel et les non-dits qui se maintiennent dans la promiscuité
Bonne écoute

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🔎 Références sources :
Théâtre (Actes Sud): Dis à ma fille que je pars en voyage, Denise Chalem, 2005, Créé au théâtre de l'Oeuvre

Articles de décryptage “Femmes détenues” (Observatoire International des prisons)

Article "Le vécu des femmes en prison mis en scène dans une pièce de théâtre, RTBF actus, février 2023


©️ Crédits
Rôle Titre est un podcast de Camille Forbes propulsé par Ausha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Rôle titre, le podcast des femmes de fiction. Je m'appelle Camille Forbe, je suis comédienne et je vous emmène à la rencontre d'une héroïne. Pour profiter du son binaural, mettez votre casque aux vos écouteurs. Entrez en immersion sonore dans son univers. Cet épisode existe pour faire entendre sa voix. Alors j'espère que vous aussi, vous garderez un fragment d'elle. Une cellule, deux lits. Au mur est suspendu un petit poste de télévision. Face au public, une fenêtre munie de barreaux laisse filtrer la lumière extérieure. Dans un recoin, un lavabo avec au-dessus une petite glace et une cuvette de WC. Au plafond, une ampoule pan, entourée d'un grillage. Dans la salle, avant le spectacle, sur le rideau de fer baissé, projection d'une diapositive en noir et blanc qui représente la façade d'un bâtiment pénitentiaire, avec sa succession de fenêtres à barreaux. Dominique, isolée parce qu'elle est en prison. Message de service ! Rôle-titre n'est pas une fiche de lecture, mais révèle tout de même l'histoire de ces héroïnes, alors ça va spoiler ! Rôle-titre, c'est aussi une newsletter et des réseaux sociaux pour approfondir le podcast. Toutes les sources sont dans les notes de l'épisode. Mais pour l'instant, il est l'heure, pour rôle-titre, d'entrer en scène. On dit que pour comprendre la ville, il y a trois lieux à visiter. L'hôpital, le cimetière, la prison. Si les deux premiers sont en accès libre, le troisième l'est un peu moins. Par chance, Denise Chalem nous y emmène dans la pièce Dis à ma fille que je pars en voyage Entrons dans la prison en même temps que Caroline, la nouvelle co-détenue de Dominique. Caroline est jeune, éduquée, coincée, et elle débarque complètement. Dominique est rustre, mais c'est l'ancienne, qui connaît les combines de la prison. Leurs deux parcours se croisent jusqu'au dernier jour de détention de Dominique où elles sont séparées. Comme si la prison n'était qu'un lieu de passage. Entre-temps, pas grand-chose. Juste une relation humaine, dans un monde sacrément dégueulasse. Vous écoutez Rôle titre, l'épisode Dominique, prisonnière hors les murs. Dominique, c'est une femme, on nous le précise des fois qu'on aurait un doute. Ma mère avait un goût de chiotte et en plus elle était paresseuse. Elle a choisi un prénom qui s'adapte, fille, garçon, chien. Dès la première page, présentation des personnages, Caroline, Solange, Suzanne, il n'y a pas de précision. Par contre Dominique, là il y a écrit Femme, entre 45 et 50 ans Ok donc, Dominique, femme, mais pas féminine. En tout cas, ce n'est pas l'élégance qui l'étouffe. Première scène, elle lâche pas un bonjour. Deuxième scène, elle pisse devant sa co-détenue sans tirer la chasse. Troisième scène, elle rote. Quatrième scène, elle injurie. Mais quoi, connasse ? Cinquième scène, elle tient des propos racistes. Vous avez saisi le portrait. Vulgaire, sans gêne, Dominique s'en tape. Elle fait très mauvaise première impression. Il faudra se lever de bonheur pour l'entendre faire preuve de douceur. Vous êtes gentille dans le fond. Ta gueule ! Alors ça, ça nous change, tiens. Une héroïne rustre. Une femme de plus de 45 ans. Déjà, on a tendance à oublier qu'il y en a. Grosse, de surcroît. Pas mal, on continue à cocher les cases des femmes invisibilisées. Mais alors, rajoutons qu'elle est en taule. Et là, vraiment, personne ne veut plus la voir. Sûrement pour ça qu'elle s'en fout de l'image qu'elle renvoie à Dominique. Aux yeux du monde, elle n'existe pas. Dans cette saison de podcast sur les isolés, il en fallait bien une, une héroïne mise à l'isolement. Place à la prison donc. La prison, c'est la mise au banc de la société, pour ceux qu'on exclut et qu'on finit par oublier. Quand on pense aux prisons, on pense surtout aux hommes. Les prisons de femmes sont encore plus difficiles à concevoir dans notre imaginaire collectif. Qui sont les femmes qu'on emprisonne ? On a bien un archétype de la prisonnière en tête. Une femme dure, solitaire, certainement violente. Alors vu le premier aperçu de Dominique, ça colle. Mais au fur et à mesure, ça décolle. Ça se décale même. Oui, Dominique jure comme elle respire. Putain de bordel de putain de bordel à queue ! Mais elle ne loupe jamais un épisode des amours sur France 2, sur sa petite télé. Et elle adore qu'on lui raconte des histoires à l'eau de rose. Oui, Dominique est provoque. Je me plais en tôle, moi. Mais elle est sensible. Elle s'allonge en pleurs sur le sol de sa cellule, parce que c'est le seul angle duquel on peut voir passer les avions par la fenêtre. Oui, Dominique ne se lave qu'une fois par semaine et ne fait jamais le ménage. Mais c'est pour s'économiser le prix des produits d'entretien et les emmerde. Donc pas parce que c'est une sauvage, mais pour des raisons bien sensées. Et surtout... Dominique a tué son mari Une vraie bonne raison d'être en taule Mais elle a deux enfants Dont une fille A qui elle écrit des lettres pleines d'amour Ma petite puce Ne me demande pas la date, je sais jamais Je devrais t'appeler ma grande puce Puisqu'il paraît que maintenant tu as presque ma taille Mais maman t'a quitté petite puce Et les petites puces ne grandissent pas Alors tu restes pour elle son bébé Rien n'est tout blanc ou tout noir. C'est rayé, comme les tenues des bagnards. Et le cliché de la prisonnière s'efface un peu. On voit la personne, l'individu. Mais par instant seulement. À travers les barreaux. Dominique n'est, je pense, pas le genre de rôle auquel on s'identifie naturellement, à moins d'avoir fait un petit séjour en prison soi-même. Mais petit à petit, elle s'absorbe. Moi, en tout cas, j'ai l'impression que Dominique se fait une petite place à l'intérieur de moi. Et paradoxalement, oui, c'est une toute petite place. Parce que Dominique est imposante, elle prend de la place physiquement, vocalement aussi. Le jour, elle gueule et la nuit, elle ronfle. Mais Dominique, c'est l'héroïne du minimum vital. Repliée sur elle-même. Elle occupe un tout petit espace. Ça tient beaucoup à la cellule dans laquelle se passe toute la pièce. On finit par les connaître par cœur, ces quelques mètres carrés, avec deux étagères, une cuvette de WC. Alors j'imagine pas Dominique au grand air, mais au contraire, compressée, serrée à l'intérieur de moi comme une boule de neige bien compacte, pour mieux résister. C'est aussi l'héroïne recluse dans le bruit. Parce qu'en prison, on ne voit rien, mais on entend tout, tout le temps, en permanence. C'est d'ailleurs pour ça que Dominique ne parle que si c'est vraiment indispensable. Ça lui fait des vacances. Toutes ces sensations, ces ressentis dans l'histoire, ça finit par allumer une petite lumière en moi, une étincelle que je reconnais. Quand je sature, je fais bloc. Je me mets en boule et j'attends que ça passe. Ça ressemble à Dominique. Moi aussi, dans ce cas-là, je lâche la politesse. J'en ai rien à foutre de ce que pensent les autres. Moi, je me tape de tout. Alors évidemment, cette boule bien compacte, chez moi, elle est petite. Je n'ai pas vécu la moitié du quart de ce qu'a traversé Dominique. Je n'ai pas eu à me mettre en boule bien souvent. Mais c'est la même. C'est le même noyau impénétrable. C'est juste que chez Dominique, elle a grossi et grossi en rajoutant une couche à chaque fois. Pourquoi je trouverais de l'intérêt à la vie d'une tollarde ? Pour ça, pour ce protocole de mise en boule qu'on a en commun. Dominique, c'est la grosse dame ou la petite voix qui me dit Allez, on se blinde et on avance Denise Chalem est sympa quand elle nous décrit le monde de la prison de Dominique. C'est entrecoupé d'humour, de légèreté, de voyage. alors que fondamentalement, ça reste un concentré de violence. En prison, on vit le racket, le viol, le vol, le suicide, le racisme, les coups, les lynchages, la saleté, la négligence, des injustices à non plus finir. Mais surtout, tout semble sur le même plan, sans hiérarchie dans les violences. Pour le spectateur, les scènes se succèdent, et pour Dominique, ce sont les jours qui passent. Il peut y avoir un jour où on se fait violer et un jour où on se fait piquer ses chaussures. C'est pas que ce soit tout à fait la même chose, mais c'est comme ça. Ça s'enchaîne. T'as juste à mettre un pied devant l'autre. Le système carcéral le fait bien comprendre aux prisonnières. À chaque jour, suffit sa peine. Un verset biblique bien à propos. En cela, Dominique est l'héroïne d'une certaine patience. Je vais pas dire résilience. Elle sait faire avec les circonstances du moment, avec les moyens du bord, prendre ce qu'il y a à prendre. Elle ne va pas chercher à changer le monde, ni à protester comme Caroline. Dominique n'a aucune capacité d'indignation. Son ressort est pété. Ce n'est pas évident de dire laquelle est la plus forte dans le binôme entre les deux héroïnes. Caroline n'est pas la seule. Pas encore broyée par le système, mais franchement, elle risque de mourir un jour sur deux. Dominique navigue mieux en prison. Mais parfois, elle s'écrase. Sans reprendre sa forme, elle encaisse. Ne te laisse pas aller, sinon t'es foutue ! Sa phrase préférée n'est peut-être pas un verset biblique, mais mérite tout autant d'être notée. C'est Oublie Jésus et cogne ! Regarder le féminin, le féminisme, les femmes placées dans le décor d'une prison, c'est très particulier, parce que c'est loin de nous. Je me sens plus proche de certaines héroïnes du XVIIe siècle ou de pays que je n'ai jamais visités, voire de rôles féminins qui ne sont même pas des femmes, mais des sirènes, des fées ou des sorcières. En ça, Dominique est très importante, parce que c'est un rôle fictif qui représente une réalité. On sait tous qu'elles existent, les femmes prisonnières. C'est pas de la science-fiction. Il y en a peu, mais il y en a. En France, il y a environ 2500 femmes en prison. Denise Chalem ne nous en montre qu'une. Elle est deux avec Caroline. Et ça suffit déjà à s'imprégner de plein de choses. Il y a des mères en prison. Ça veut dire des familles, des sœurs, des enfants de l'autre côté. Ensuite, être une femme en prison, c'est généralement ne pas avoir de visite. Beaucoup moins que les hommes, en tout cas. Soit parce que le stigma d'une femme condamnée est plus fort, soit parce que comme il y a très peu de prisons pour femmes, les détenus se trouvent souvent trop éloignés de leur famille. Autre sujet, la féminité en prison. C'est à la fois essentiel et la dernière des priorités. D'abord, il faut se soucier de rester humaine, décente, digne. Et après, si on a le temps, féminine. Sauf que la féminité, ça fait aussi partie de l'identité. Ne pas voir un rouge à lèvres ou ne pas pouvoir enfiler une jupe pendant 5 ans, ça finit par devenir une autre forme de violence. Si le sujet de la prison aux féminins vous intéresse, je vous renvoie à deux liens en note de l'épisode. Un, les ressources de l'Observatoire international des prisons, qui mène des analyses sur l'accès au travail, aux soins, la précarité menstruelle des femmes en prison. Et deuxièmement, une autre pièce de théâtre sur les femmes en prison, qui porte un titre tout aussi évocateur, Tous mes rêves partent de la gare d'Austerlitz. Dominique voyage, même depuis les quatre murs de sa prison. Depuis toujours, dans les conditions les plus abominables, elle se met en boule et en avant. C'est comme ça qu'elle roule sa bosse et qu'elle s'évade. C'est une criminelle, une femme que personne ne veut voir, Très bien, si c'est comme ça, elle est déjà loin, à l'horizon. Mais depuis la terre ferme où vous vous trouvez, n'y a-t-il pas une part de vous qui bourlingue aussi ? Merci d'avoir écouté Rôle titre. Si vous avez apprécié l'épisode, voici trois choses que vous pouvez faire. 1. Vous abonner à Rôle titre sur votre plateforme de podcast préférée et laisser 5 étoiles si c'est Apple Podcast ou Spotify. 2. Rejoindre la newsletter de Roll Titre ou son compte Instagram pour découvrir encore plus de contenu inspirant. Et troisièmement, me soutenir financièrement par une donation sur la plateforme Ko-fi. Je vous explique tout en détail dans les notes de l'épisode. Une dernière chose. Roll Titre abrite les femmes de fiction qui appartiennent à mon panthéon intérieur. Mais leur voix ne peut se propager que grâce à vous. Parlez du podcast autour de vous, partagez ces épisodes sur les réseaux sociaux. C'est faire entendre la voix de ces héroïnes à des auditeurs toujours plus nombreux. Je vous dis à très vite pour lever le rideau sur une prochaine héroïne. Et si vous avez accueilli en vous un fragment de celle d'aujourd'hui, faites entendre sa voix. Faites résonner Rôle titre.

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