- Speaker #0
Bonjour à toutes et tous, je suis Stéphanie Pelleret-Delga. Vous écoutez le podcast Sois.Vis.Aime. Oser un leadership authentique et inspirant, au service de soi, des autres, de son écosystème et du vivant. Tous les mois, je reçois des dirigeantes, dirigeants, experts, expertes. entrepreneurs, entrepreneuses qui ont fait ce chemin entre vulnérabilité et puissance, qui ouvrent leur cœur et partagent leurs expériences professionnelles et plus personnelles. Par leur parcours et personnalité, ils, elles, sèment des graines sources d'inspiration. Et vous, quelles graines avez-vous envie de semer ? Quel leadership souhaitez-vous incarner ? À mon micro, aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Olivier Perrin. Bonjour Olivier.
- Speaker #1
Bonjour Stéphanie.
- Speaker #0
Merci d'être là.
- Speaker #1
C'est un grand plaisir.
- Speaker #0
Merci beaucoup, pour moi aussi. Alors, on enregistre cette interview après une petite balade en forêt dans mon salon transformé en studio pour l'occasion. Cher Olivier, tu es coach professionnel, engagé pour l'écologie et la justice sociale, après un passage par le ministère de la Transition écologique. Tu te lances en 2018 dans l'accompagnement, la formation et le conseil. Tu es conseiller en bilan de compétences à impact positif pour Mon Job de Sens. Tu es praticien et formateur en pratique narrative au sein de la Fabrique Narrative. Tu as écrit Oser les métiers de la transition écologique et solidaire, édité en mai 2024 chez Dunod. Et tu as écrit et coordonné avec d'autres auteurs l'ouvrage accompagné avec l'approche narrative parue cette année chez Interédition. Tu es papa et plein d'autres choses. Alors nous deux, Olivier, on se connaît parce que nous intervenons ensemble chez Be Good. Petite dédicace au passage à Laetitia, Olivier, Coco Braque de la Perrère et l'équipe de Good Angel. Be Good qui propose notamment des programmes construits autour des 3 C, cœur, corps, cerveau, pour accompagner de façon holistique la santé globale des salariés. Alors en termes de santé, qu'est-ce qui t'a amené à passer du ministère de la transition écologique à coach ?
- Speaker #1
En termes de santé, c'est intéressant parce que tout de suite tu convoques le corps. Et effectivement, j'avais déjà fait un petit pas de côté en prenant une année sabbatique. On avait choisi d'arrêter de travailler, les enfants n'allaient plus à l'école pendant un an. Et puis pendant cette magnifique année, un moment est venu où il fallait penser au retour au travail. Et j'ai commencé à regarder alors les annonces. de poste où je pouvais postuler au ministère. Et là, mon corps m'a dit non. J'avais mal au ventre, je me reculais sur ma chaise, au plus je voyais les annonces, et donc je me suis dit, tiens, si j'écoutais cette petite voix intérieure, cette petite sensation corporelle, ça donnerait quoi ? Et là, évidemment, ce qui m'est apparu clairement, c'est, bon, j'ai fait un pas de côté, il est temps de faire le plus grand saut, en passant de l'année juste de disponibilité à une démission, pour me lancer enfin dans ce qui me tenait à cœur depuis longtemps, accompagner les personnes. Faire du coaching et essayer de transformer les choses d'une autre manière, sans être dans une administration.
- Speaker #0
Transformer les choses d'une autre manière, puisque tu accompagnais déjà certaines transformations. Et est-ce qu'il y a eu à ce moment-là, donc j'entends il y a le voyage, il y a ce pas de côté, pendant un an vous faites un voyage en famille. Est-ce qu'il y a eu un moment charnière, une prise, c'est ton corps tu me dis, qui parlait ? Est-ce que ça t'a raconté une prise de conscience, ce non, il parlait de quelque chose de plus précis ou pas ?
- Speaker #1
Oui, alors bien sûr, je me suis questionné pourquoi ce rejet quasiment corporel. Et en réfléchissant, je me suis rendu compte que les postes qui s'ouvraient à moi au niveau de responsabilité où j'étais, c'était d'être directeur adjoint ou secrétaire général d'un établissement public et que j'allais avoir des années devant moi consacrées à réduire les moyens et faire toujours plus de missions et négocier peut-être avec les syndicats, les représentants du personnel. Comment on fait ça ? Je ne me voyais pas là-dedans. pas vraiment envie d'être, j'ai envie de dire complice, en tout cas de participer à un État qui réduit ses moyens et qui met de la pression sur les personnes. Parce que l'écologie, la transition vers un autre type de société, c'est un énorme chantier. Et effectivement, depuis, je ne regrette pas, parce que ça s'est un petit peu confirmé dans ce sens-là.
- Speaker #0
Donc, pas être celui qui accompagne la réduction ou la pression.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et alors... Alors moi ça m'amène justement à avoir envie de te questionner sur certaines de tes pratiques majeures aujourd'hui. C'est quoi qui t'anime dans les outils que tu vas utiliser dans l'accompagnement individuel ?
- Speaker #1
Alors, ce qui m'anime, justement, plutôt que de la réduction de moyens, c'est plutôt l'ouverture de plus de possibles. Et ça passe, dans ma pratique, tu as cité les pratiques narratives, par ouvrir des nouvelles histoires possibles, raconter des choses qu'on ne raconte pas habituellement et se rendre compte que la vie de chacun d'entre nous est infiniment plus riche, intéressante, nuancée, complexe et donc fascinante que ce qu'on pourrait croire à première vue. On est souvent en train de se définir, alors comme entreprise ou comme même un service ou un département d'entreprise ou même comme une personne, avec des histoires très simples, trop simplistes en fait, qui ne rendent pas hommage à notre richesse. Et moi je me vois dans mon petit rôle modeste d'accompagnant comme celui qui ouvre des perspectives, qui redonne de la couleur, de la lumière à des parties de nos histoires qui ne sont pas suffisamment racontées.
- Speaker #0
Ça parle de quoi, là, ce petit rôle modeste en termes de narratif ? Je te taquine !
- Speaker #1
Oui, ça parle de mon ambition qui est grande. Je ne veux pas me prendre pour un sauveur ou pour quelqu'un de tout puissant. Mais ce rôle modeste, il peut être aussi grandiose. Donc, rassure-toi !
- Speaker #0
J'avais pas trop de doutes en vérité.
- Speaker #1
C'est ça. Parfois, ça donne des choses incroyables. Effectivement, ça me permet de vivre avec les personnes que j'accompagne des moments et des conversations fous, folles. En tout cas, de très belles choses quand la personne prend conscience elle-même de la richesse de sa vie et de ses ressources qu'elle avait oubliées en chemin parce que trop embarquée dans une histoire de productivité, de rentabilité. d'efficacité, de vitesse aussi. On est beaucoup dans l'accélération dans notre époque. Et voilà, donc j'aide aussi à ralentir et à prendre du temps.
- Speaker #0
Merci Olivier. Et donc là, tu viens de définir les pratiques narratives. Et de façon concrète, ce que j'entends, c'est que tu vas inviter, quand t'accompagnes avec les pratiques narratives, à revisiter les histoires que les personnes se racontent au sujet d'elles-mêmes. Et tu vas les inviter... À regarder les histoires sous un angle positif, c'est ça ?
- Speaker #1
Ou pas,
- Speaker #0
tu peux redéfinir avec tes mots.
- Speaker #1
Oui, positif voudrait dire que j'ai déjà un avis sur ce qui est positif et négatif. Donc la question clé qui me guide, c'est est-ce que ça convient à la personne ? Ok. Et donc je lui demande de raconter quelques éléments de sa vie ou ce qui la tracasse en ce moment. Et on est souvent dans des histoires de problèmes, des histoires qui ne lui conviennent pas. Comme si ça s'imposait à elle. Oui. Et donc je vais aller chercher d'autres histoires qu'elle n'a pas encore racontées. Donc, ce n'est pas tellement écrire une autre histoire, c'est qu'il y a des moments de vie que tu racontes peu, en fait, et souvent se cachent des pépites dans ces moments-là. Et donc, questionner sur un moment qu'on appelle d'exception, une fine trace qui est passée comme ça dans la conversation, où les choses n'étaient pas forcément si noires, où j'ai quand même tenté de résister à l'histoire de problèmes qui me domine, c'est ça que je vais creuser, et ça va permettre de faire émerger une autre histoire, effectivement, qui convient à la personne, c'est ça.
- Speaker #0
Le fil conducteur, c'est qu'il lui convient. Est-ce que tu peux nous partager un exemple ? C'est possible, ça ?
- Speaker #1
Oui, l'exemple type, c'est une jeune fille qui vient me voir et qui me dit « je suis timide » . Et donc, je vois tout de suite qu'elle a une étiquette, une histoire de timidité qui lui colle à la peau. Elle se définit elle-même comme timide. Les gens disent d'elle qu'elle est timide, donc ça s'auto-valide bien. On ne raconte que ça. C'est ce que j'appelle une histoire simplifiée, simplifiante, qui ne la définit pas de manière riche. Et ma réaction, c'est de lui dire déjà, ah, il y a la timidité qui vient parfois dans ta vie. La timidité t'embête. Et donc, je lui parle de elle comme une personne et de sa timidité comme une chose différente. Je refuse les tictages. Et dans un deuxième temps, je lui dis, est-ce que tu te souviens de moments où la timidité était moins présente ou pas du tout là ? Et là, elle me dit, ah oui, mais la timidité, c'est juste quand il y a du monde. Quand je suis avec ma meilleure amie, il n'y a aucune timidité. Ah, intéressant. Tu peux me raconter un moment avec ta meilleure amie ? Et là, j'obtiens une autre histoire. qu'elle n'avait pas eu l'occasion de raconter. Parce que ça s'est passé, elle n'avait même pas noté que ça ne colle pas avec l'histoire principale de timidité. Et elle me dit, avec ma meilleure amie, une fois on était en train de faire du shopping, on était dans une cabine d'essayage, on a pris un fou rire en essayant des habits, tout le magasin nous a entendus, le videur est venu nous sortir du magasin, devant tout le monde, on a rigolé, c'était un fou rire. Et je lui ai dit, oui, ça ce n'est pas quelqu'un de timide qui fait ça. Donc j'ai récupéré une autre histoire qui ne colle pas tout à fait avec... ce qu'elle croit être son identité.
- Speaker #0
Et cette histoire-là lui convient.
- Speaker #1
Et je lui demande.
- Speaker #0
Ah oui ?
- Speaker #1
T'aimes bien vivre des moments comme ça ? Elle me dit ah oui carrément, c'était chouette. Et puis je lui dis aussi, mais la timidité, elle a toujours été là dans ta vie ? Ou est-ce qu'il y a un moment où elle est apparue ? Elle me dit, oh, ça a dû apparaître vers 6-7 ans. En moi-même, je me dis, génial, j'ai une réserve d'expérience entre 0 et 7 ans, où cette jeune personne a dû vivre des moments hors timidité. Et donc je lui dis, tu peux te souvenir d'un moment, quand tu étais toute petite, avant tes 7 ans, qui me montrerait comment c'était ta vie sans la timidité. Et là, elle me dit, un jour, je vais avoir 4 ou 5 ans, c'était mon anniversaire, je suis monté sur la table, j'ai senti une chanson, tout le monde a applaudi. C'était génial, je lui ai dit « Ah oui, effectivement, ça ne colle pas avec une histoire de timidité non plus. » Et puis on fait comme ça plusieurs recherches d'expériences, d'autres contextes, y compris plus récents, plus professionnels. Et à la fin, je lui dis « Donc si on remet à bout à bout ces petits moments que tu viens de me raconter, la petite fille qui monte sur la table pour chanter, la jeune adote qui a un fou rire dans une cabine, tu appellerais ça comment ? Ce serait quoi l'histoire ? Si ça, c'était les chapitres d'un livre, quel est le titre que tu donnerais au livre ? » Et elle me dit, je suis à l'aise. Je suis à l'aise en toutes circonstances. Elle aurait pu me dire, j'ai du culot. Mais c'est elle qui définit sa propre histoire. Ce n'est pas moi qui vais me permettre de nommer. Et juste pour te montrer comment on fonctionne quand on accompagne quelqu'un avec cette approche narrative, je lui dis, la prochaine fois qu'une situation va se présenter, qui pourrait activer l'histoire de timidité, parce qu'elle n'a pas disparu. Est-ce que ça pourrait te faire du bien de penser à cette histoire qui s'appelle « Je suis à l'aise » et de remettre dans ta mémoire, de te rester en contact proche avec ces moments vivants de la petite fille qui chantait sur la table ou du fourrir ? Elle va me dire « Oui, carrément ! » C'est génial ça ! Et effectivement, la prochaine fois qu'elle sera en réunion, à ne pas oser prendre la parole ou à être obligée de parler professionnellement devant un groupe de personnes qui l'impressionnent, elle va reconvoquer cette histoire et elle va se rappeler que, même si elle sent très fortement l'appel... de l'histoire, un peu l'autoroute ou les rails de l'histoire principale de « je suis une fille timide » , elle a aussi la capacité de dire « je suis à l'aise, je suis capable d'être à l'aise dans toutes circonstances » . Ça ouvre des possibles, ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure, ça ouvre un autre possible, après une simple conversation qui n'a pas duré très longtemps, dans laquelle je lui ai demandé de me partager des moments de vie, des petits points sur la ligne du temps qui pourraient illustrer une autre histoire ou révéler une autre histoire d'elle-même.
- Speaker #0
Très inspirant. Merci pour le partage. le partage de cette histoire. Ça peut parler, je pense, à beaucoup de monde, même si chaque histoire, évidemment, est unique et singulière. Et alors, je crois que tu organises aussi des semaines entières de balades avec des ânes et les pratiques narratives.
- Speaker #1
Oui, alors ça, c'est un projet. Je ne le fais pas, ça va être une première. Ça se passe au mois d'octobre prochain, avec Cécile Jolie, qui est une collègue à moi, qui s'est installée dans un magnifique endroit, dans le Haut-Longuedoc. et qui élève des ânes. Et elle propose des balades. Et on a décidé d'offrir au mois d'octobre une balade narrative. C'est-à-dire qu'on va voir comment la relation avec les ânes, avec aussi le territoire, l'environnement, et nos propres corps, parce qu'on va marcher, ça fait émerger d'autres histoires. Et ça nous permet de vivre justement des choses qu'on ne vit peut-être pas dans nos vies urbaines, accélérées, trépidantes. Et ces histoires, on va essayer de les recueillir soigneusement. de les documenter, de les faire écrire aux gens à travers des conversations qu'on aura à la pause, pas forcément en marchant, mais en tout cas pendant ces quelques jours d'expérience narrative avec Zezane. Merci de parler de ça, je ne pensais pas qu'on allait aller là-dessus.
- Speaker #0
Avec joie qu'on y va ! Tu parles en plus de l'environnement, du corps, donc de documentation suite aux conversations, des histoires. J'imagine qu'elles sont au service aussi peut-être d'une intention, d'un objectif ?
- Speaker #1
Oui, alors... Mon intention, moi, de manière très globale, c'est le lien. À une époque, je me définissais en disant, j'aide les gens à prendre soin du lien avec eux-mêmes, avec les autres et avec le vivant. Donc, il y a plusieurs échelles. Et là, effectivement, une expérience comme ça avec les ânes, ça va intégrer un peu tout ça. Parce que la relation avec l'âne, on l'a, c'est quelque chose de vivant, c'est un animal extrêmement intuitif qui nous perçoit en fait, et qui vibre avec nous. C'est fascinant, je ne connais pas encore très bien, mais j'ai hâte de découvrir ça. Il y aura effectivement la relation avec un grand tout, la nature, l'environnement, et puis mon propre corps. Donc tout ça converge, et c'est vrai que notre expérience en tant que praticien narratif nous dit que si l'histoire n'est pas écrite quelque part, en quelque sorte enregistrée, alors ça peut être comme ça dans un podcast, avec des mots, ou une affiche, on dessine des arbres de vie, en narratif on fait plein de choses en fait, pour qu'il y ait une trace des histoires préférées des personnes. Parce qu'une histoire qui n'est pas enregistrée, pour qu'elle résiste au temps, c'est bien qu'elle soit écrite ou documentée, le mot n'est pas très joli, mais en tout cas c'est en garder une trace, comme une sauvegarde des choses précieuses. Et puis la deuxième manière de lui donner de l'écho, de la force à cette histoire, c'est qu'il y a plus de gens qui soient au courant. Une histoire a besoin d'un public pour exister. Et donc, c'est cette dimension relationnelle et interactionnelle.
- Speaker #0
Merci pour ces éléments. Pardon, je t'allais dire, t'allais rajouter quelque chose.
- Speaker #1
Non, je t'en prie, j'attends ta prochaine question avec impatience.
- Speaker #0
Quand je te posais la question par rapport à l'intention, donc merci beaucoup par rapport à cette intention globale. Est-ce que les personnes, elles arrivent avec une intention personnelle ? Est-ce qu'elles viennent avec une problématique, un sujet particulier et une intention ? où elles vont vivre l'expérience comme elle est ?
- Speaker #1
Pour la semaine avec les ânes ? Oui. Alors ça, ça va dépendre des gens. On va faire un point au début, justement, sur les intentions, les espoirs des gens à travers cette expérience. Et je ne peux pas te dire aujourd'hui comment ils vont arriver. Ce que je peux te dire, c'est que dans les différents contextes d'accompagnement que je pratique, les gens peuvent avoir des intentions des fois très précises. Des fois, c'est se débarrasser d'un problème. Je veux être un meilleur manager en coaching ou je veux que mon équipe s'entende mieux dans les coachings collectifs. On veut plus de cohésion, on veut avoir une vision commune, un sens. Il y a plein de demandes de ce type qui sont tout à fait, j'allais dire, accessibles avec des histoires et en racontant des choses qu'on ne raconte pas habituellement. Quand les gens me disent qu'on manque de cohésion, je dis mais alors expliquez-moi un moment où il y avait de la cohésion. Et on va chercher une ressource par une petite histoire. Et on va faire le même schéma qu'avec la jeune fille et sa timidité. On va en accrocher plusieurs perles sur un collier pour essayer de voir à quoi ressemble la cohésion chez nous quand elle est présente. C'est du sur-mesure total. Moi, je n'ai pas d'expertise sur comment on crée de la cohésion dans un groupe. En revanche, j'anime des séminaires de cohésion et à chaque fois, c'est une aventure différente. Et puis, par rapport à un tout autre contexte individuel, c'est quand j'accompagne des personnes dans le cadre de mon job de sens. C'est un bilan de compétences pour des gens qui souhaitent se reconvertir. Là, ils ont une attente très forte, c'est remettre du sens dans leur vie professionnelle. Ils font le constat qu'il y a un mal-être. parfois jusqu'au burn-out, au épuisement professionnel, pas que lié à une charge de travail, lié au fait qu'ils ne s'y reconnaissent plus, que leurs valeurs profondes ne sont pas respectées par leur milieu professionnel, leur entreprise, ou que ça ne fait plus sens. Et donc là, on va vivre ensemble un parcours d'accompagnement dans lequel on va mettre des conversations narratives pour se reconnecter à des ressources, à quoi ça ressemble quand je suis vraiment moi-même. Quand je suis à la juste place, quand on me reconnaît pour ce que je suis, pour mes qualités, mes talents, mes forces, ma singularité en quelque sorte. Et c'est toujours cet équilibre entre comment je peux être singulier ou singulière et assez complètement moi-même, accepté comme tel, tout en étant en lien avec les autres. Quand je trouve cet endroit-là, je commence à être dans un équilibre qui va me donner une vie professionnelle épanouissante. Et donc, la dimension narrative, tiens, raconte-moi les moments où c'était chouette dans ta vie professionnelle. Est-ce qu'il y a des moments que tu considères comme des réussites ? Est-ce qu'on peut tirer de ça des éléments, de ce qui compte pour toi, de ce qui te constitue quand ça va bien ? En fait, ça fait un réalignement. Il y a quelque chose qui se passe, qui reconnecte la personne, parfois à des choses d'enfance ou à des histoires récentes ou anciennes, qui sont vraiment de l'or, souvent c'est des pépites pour construire le nouveau projet professionnel. Donc plutôt qu'aller sur les compétences, bien sûr on en parle, ou sur le CV, comment je peux me vendre à un employeur, on est déjà d'abord sur un recentrage un petit peu plus identitaire, en disant si je connais un petit peu mieux la personne que je suis et ce que je peux apporter au monde, ça va être beaucoup plus facile de trouver en quelque sorte ma contribution juste et la place que je souhaite occuper et que je vais adorer occuper, en tout cas pour un prochain projet. Ce n'est pas à vie, mais je ne suis pas en train de dire qu'on va... toujours sur une vocation très long terme mais c'est en tout cas comme ça que j'aime beaucoup travailler quand j'aide les gens, alors souvent à changer d'entreprise ou à se reconvertir vers un métier qui fait sens pour eux.
- Speaker #0
Et tu en parles justement dans ton ouvrage Oser les métiers de la transition écologique et solidaire, puisque tu as une partie dédiée justement au fait de comprendre le besoin de sens au travail et tu aides en fait à prendre cette question du sens. Oui,
- Speaker #1
et alors, dans ma posture de coach, je n'ai pas d'idée préconçue sur ce qu'est le sens pour l'autre.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
On va questionner ça.
- Speaker #0
C'est qu'on est d'accord là.
- Speaker #1
Oui, je vois que tu le précises. J'en profite pour le préciser. Ben oui. Voilà, il y a des personnes pour qui le sens va être extrêmement relationnel. Et à la limite, à quoi sert l'entreprise et quelle est la vision globale, ça devient secondaire. Il y a des gens, au contraire, qui ont un très grand besoin d'alignement et de... contribuer à un monde, une société qui leur convienne. Et donc, ils vont soit lutter contre des problèmes, s'engager pour le climat. Et c'est OK. L'idéal, c'est quand les deux vont bien, que je peux m'engager pour le climat dans un cadre relationnel qui me convient. Et la troisième brique, c'est avec un type d'activité qui me convient. Et donc, on va balayer un peu ces différentes dimensions du sens. À quoi je contribue ? Comment je le fais ? Comment je mobilise des parties de moi qui me conviennent, mes talents, mes forces ? Est-ce que j'aime le faire ? Et dans quel cadre ? Alors, culture d'entreprise ou climat relationnel, tout ça se passe. Quand on a aligné ces trois choses, en général, déjà, on a fait un bon pas dans la bonne direction.
- Speaker #0
Et ce qui n'est pas si simple, par ailleurs, d'aligner ces trois choses. Donc génial. Comment ça se passe ? Parce que quand tu accompagnes justement ces personnes qui souhaitent avoir cette audace de passer le cap et de pouvoir se... remettre dans un job qui font sens pour eux, par rapport aux difficultés que chacun, chacune rencontre. Dis-moi un peu, comment tu t'y prends ? Tu en parles aussi dans ton livre, comment tu lèves les freins ?
- Speaker #1
Si j'ai décidé d'écrire un livre, c'est parce qu'effectivement, malgré la grande singularité de chacun, il y a des freins communs. Et on est soumis, ça je ne l'ai pas encore dit, à des histoires qui sont aussi collectives, qui viennent de la société, qui nous disent que le marché de l'emploi c'est difficile, qui nous disent qu'il faut être efficace, performant. Il y a plein de petites injonctions comme ça, ou grosses injonctions. Il ne peut pas avoir de trou dans son CV. Oh là là, moi j'ai fait une année sans travailler, qu'est-ce que va dire mon employeur ? Et donc déjà, il y a beaucoup de réassurance, de soins en fait, et de dire à la personne, c'est OK. Donc je suis beaucoup dans l'écoute, la validation et l'autorisation. Et une des phrases que je dis le plus presque à chaque accompagnement, c'est mais l'employeur qui va être bloqué là-dessus, ce n'est peut-être pas le bon employeur pour toi. Qu'en penses-tu ? Un employeur qui s'arrête sur le fait que tu as pris une année pour voyager, c'est étonnant parce que je pense que ça t'a enrichi. Qu'est-ce que tu en penses toi ? Ah oui, carrément. Ah bon, alors on va se dire qu'il y a une moitié des employeurs qui vont en refuser ça et tant pis pour eux, ils n'auront pas la chance de travailler avec toi. Donc voilà, beaucoup de moments comme ça où la personne a besoin de quelqu'un, d'être dans une relation qui justement lui ouvre un autre possible, une autre identité. Et puis beaucoup aussi d'injonctions. autour de la recherche d'emploi, il faut regarder les annonces, il faut rentrer dans des cases en fait, tout ça est très normatif. Souvent la personne aussi croit qu'il faut une formation ou des formations, surtout pour les métiers de l'environnement qui peuvent être très techniques, il faut maîtriser absolument beaucoup de choses. Je suis aussi là en apaisement par rapport à ça, et je lui dis t'es vraiment sûr que les employeurs ont besoin de cette formation-là, de ce diplôme, de ce certificat. On va d'abord en discuter avec trois ou quatre employeurs. sans leur demander un emploi, mais s'ils valident qu'ils ne prennent que des gens qui ont ce diplôme, après, ok, on pourra voir pour faire la formation. Et bien souvent, ça s'arrête là parce que ce n'est pas le cas. Le monde est plus ouvert, plus créatif, plus nuancé, plus complexe que ce qu'on pense. Donc, je ne sais plus quelle était ta question. J'ai perdu le fil, mais c'était comment on s'y prend avec les gens qui arrivent avec une demande.
- Speaker #0
Pour accompagner à lever les freins. C'est à ça que tu réponds.
- Speaker #1
Voilà, je réponds, merci. Et j'ai répondu aussi... Sur la question, il y a des freins communs. Il y a deux ou trois qui reviennent un peu tout le temps. Un des plus puissants, c'est le regard des proches. Tu n'as quand même pas fait toutes ces études pour finir boulanger ou te lancer dans la permaculture alors que tu as fait une école de commerce, ma fille, mon fils. Donc ça, ça se discute, ça se négocie. Et encore une fois, c'est nos proches et les histoires.
- Speaker #0
Ça se négocie, tu veux dire, excuse-moi, soit à soi ?
- Speaker #1
C'est-à-dire, en tout cas, c'est des croyances ou des histoires qui s'appliquent à la personne qu'on peut repenser, réexplorer. Et souvent, la personne projette des pensées ou des idées sur ses proches qu'ils n'ont pas forcément. Donc je dis, mais t'as vraiment discuté de ça avec tes parents ? T'es sûr qu'ils seraient fâchés si tu te lances dans l'artisanat après avoir fait un diplôme d'informaticien ? Ah ben oui, oui, je pense, parce qu'ils ont quand même payé mes études. Discute-en quand même. Et souvent, les choses s'assuplissent quand la relation s'installe. Ou pas. Ou pas. Ou se corse. Et alors là, s'ouvre un autre champ en disant... mais tes parents, ils t'ont transmis aussi certaines choses importantes, peut-être des valeurs de liberté, d'émancipation, de t'autoriser à être toi-même. Peut-être qu'ils t'ont suffisamment transmis ça pour que ce soit le moment de leur dire zut, aussi, éventuellement, ou de faire un truc qu'ils vont désapprouver, qu'en penses-tu ? Et après, la personne fait ses choix, et évidemment, je ne vais jamais forcer quelqu'un ni à démissionner, à prendre des risques, ou à fâcher sa famille, mais bien souvent, juste d'aller sur ces points-là qui sont très nébuleux, c'est un peu brouillard, de clarifier les choses et de dire mais en fait qui désappauvrait ? Ok, c'est ta mère, c'est ton père, c'est ton conjoint, c'est tes voisins, c'est tes collègues. On va en parler et avec chacun, on va voir comment tu peux lui présenter le projet. Ton projet, parce que ça c'est dans l'hypothèse qu'on a un projet qui est en train de se construire. Souvent d'ailleurs, j'ai ce conseil de dire ne parle pas trop vite de ton projet aux gens proches. attend qu'il soit un peu solidifié, trouve d'abord quelques alliés avec vraiment cette idée que notre identité, elle bouge et que c'est relationnel. Donc si j'ai Stéphanie, Laetitia et Coco qui sont déjà au courant que mon projet, qu'ils le trouvent chouette, qu'ils l'adorent et qu'ils me soutiennent, c'est un peu plus simple de savoir que ma belle-sœur au repas de Noël va me dire « Non, c'est naze ton truc, trouve-toi un vrai job » . Donc tu vois ce que je veux dire ? On va aller vers les proches ou les personnes qui pourraient désapprouver un peu dans un second temps.
- Speaker #0
Tu prends chaque frein en fait et par le biais notamment de... Tu fais parler la personne depuis l'histoire qu'elle se raconte. tu l'invites à se raconter une autre histoire et cette autre histoire si elle est bien validée et juste pour cette personne là elle peut être largement aidante à lever le frein exactement,
- Speaker #1
un autre frein je te parlais du frein de regard des autres le deuxième gros frein c'est l'argent Je vais manquer d'argent, je vais gagner beaucoup moins. On sait très bien que les métiers engagés, dès qu'un métier, bizarrement, est utile à la société, que ce soit infirmière, enseignante, ou dans une association de soutien aux plus démunis, ça paye mal. Et donc, je vais être pauvre, et donc ça active des peurs incroyables. L'argent est un support d'émotions phénoménales, de stress. Souvent, les gens, quand on leur dit, mais t'as peur de quoi, en fait ? Et qu'est-ce qui pourrait se passer de pire, de pire, de pire ? On arrive tout de suite à, je vais être sous les ponts. Ce qui n'est pas rien. C'est une énorme angoisse. Et je lui dis, vraiment, si tu n'as pas de revenus pendant quelques mois, tu tentes un projet et puis ça ne marche pas, imaginons, au pire du pire, tu te retrouves vraiment sous les ponts. Il me dit, ah ben non, parce que ma femme a quand même un salaire et puis mes parents pourraient nous héberger au pire du pire. Et donc, on va explorer comme ça des peurs et puis on voit si on peut les lever ou pas en fonction de la réalité de la chose. Souvent, il y a énormément d'interprétations et d'exagérations, notamment au sujet de l'argent. Et donc, on a développé avec l'équipe de Mon Job de Sens des manières de parler d'argent et de la personne aussi à redéfinir une relation avec l'argent qui lui convient. Souvent, ça consiste à ne pas voir l'argent comme un but en soi, mais plutôt comme un moyen, déjà. Comme une espèce de... de flux sanguins qui circulent dans un organisme vivant. Et donc, il faut que le sang circule. Si le sang s'accumule dans un organe, c'est la mort. Je pense que notre société, d'ailleurs, est largement, avec les milliardaires qu'on a et la pauvreté qu'on a, dans une espèce de... Il y a des organes cyanosés qui ont trop de sang et d'autres qui sont, au contraire, en manque d'argent. Et ce n'est pas équilibré. Il y a quelque chose qui n'est pas vivant là-dedans, qui n'est pas conforme, en tout cas, à la logique du vivant telle que je la... Je l'aperçois et tel que je la vis, tu vois, sous cet angle un peu systémique. Moi, j'aime bien voir une entreprise comme plutôt un organisme vivant et une société aussi. Je ferme la parenthèse, mais en tout cas, l'argent comme un flux qui circule et c'est quand il circule que les choses sont vivantes. C'est une belle définition. Et puis,
- Speaker #0
ça donne des autorisations.
- Speaker #1
Voilà, ça ouvre des possibles souvent que la personne n'avait pas envisagé auparavant. Et cette idée aussi que l'argent, en fait, il se crée par la confiance dans le futur. Si j'ai un beau projet, je vais discuter avec un banquier, s'il croit à mon histoire et qu'il pense, il est assez confiant sur le fait que je vais le rembourser, il va écrire 100 000 euros sur mon compte qui n'existait pas la seconde d'avant. La création monétaire, elle est expansive au sens où elle va dépendre des projets qu'on a et de notre capacité à donner envie à des gens. Et ça, les gens ne le savent pas du tout. C'est très étonnant. Ils considèrent que c'est comme s'il y avait un gâteau à se partager. Et donc c'est dur, on n'a que des petites miettes alors que d'autres ont des grosses parts. Mais en fait, l'idée que je pourrais moi-même créer du gâteau en plus n'est pas souvent présente dans les consciences. Bref, tout ça pour revenir au fait que l'argent est souvent un frein qui revient et qui...
- Speaker #0
Majeur.
- Speaker #1
Majeur, voilà, et que ça fait du bien de le traiter. Alors on ne peut pas parfois aller sur toutes ces dimensions-là dans un seul bilan de compétences avec une personne. Mais souvent, en tout cas, c'est un sujet qui vient. Et la question, une fois que le projet commence à se préciser, c'est qui est prêt à me payer aujourd'hui pour ce que je fais de mieux et ce que j'ai envie de faire, ce à quoi je contribue. Et quand on pose la question comme ça, on trouve.
- Speaker #0
Donc ça, c'est un peu comment je passe à l'action.
- Speaker #1
Comment je passe à l'action ou comment je définis un modèle économique pour mon projet, avant même de savoir si je vais créer peut-être un projet d'entreprise ou devenir salarié d'une entreprise. Peut-être évoluer dans ma propre entreprise, tout est possible en termes de trajectoire, mais l'idée c'est que s'il n'y a personne à l'instant T qui est prêt à payer pour mes services, ça va être compliqué. Ce qui n'est pas non plus rédhibitoire, parce que si c'est compliqué, justement, on sait le gérer en tant que société humaine, ça s'appelle les services publics. Quelque chose qui n'est pas rentable à court terme, mais qui est utile au collectif, est pris en charge.
- Speaker #0
par le fait qu'il y a des structures qui gèrent ça avec nos impôts. Une maternité, par exemple, n'est pas rentable. Il y a très peu de maternités en clinique privée, je ne sais pas si tu as remarqué, parce qu'avoir des anesthésistes qui sont prêts à intervenir pour faire une péridurale toute la nuit, y compris les week-ends et les jours fériés, ça coûte très cher. Et des obstétriciens, et des infirmières, des sages-femmes. Donc c'est une structure qui coûte cher. Et bien la société a décidé de s'organiser avec l'hôpital public pour que ce soit disponible et qu'on... puissent faire naître les bébés dans les meilleures conditions possibles tout le temps. Et c'est ok. Moi je suis content que mes impôts servent à ce qu'il y ait des maternités sécurisantes et sécurisées pour accueillir les bébés. C'est pas un problème. Et donc, pardon, du coup le modèle public existe, le modèle associatif existe aussi, avec des subventions, c'est un peu un intermédiaire. Le modèle privé avec des clients qu'on va trouver à Kutem existe. Et là aussi souvent il y a beaucoup de... Les gens ont souvent un seul modèle, et d'élargir la palette des possibles, ça leur fait du bien.
- Speaker #1
Mais alors, quand tu dis élargir la palette des possibles, c'est pouvoir me raconter une autre histoire à moi-même si j'ai un projet d'utilité publique, savoir qu'il existe d'autres façons d'envisager par le biais d'une association. Excuse-moi, je n'ai pas bien compris. Quand tu veux te reconvertir et que ton projet, c'est un projet sur lequel tu ne vois pas très bien comment tu vas construire un modèle économique qui soit viable. Quand tu partages le fait que ça existe aussi, les projets d'utilité publique et qui sont financés, comment tu le relis à la personne qui a son projet personnel ?
- Speaker #0
Alors, la première chose que je vais lui proposer, c'est de vivre une expérience d'apprentissage. On va rencontrer quelqu'un qui vit déjà quelque chose de similaire. Soit qui a créé sa structure associative, soit allé faire un stage dans une association, une expérience de bénévolat, pourquoi pas. Souvent, ça répond à plein de questions parce que ça donne du concret. Et c'est par le corps. Et donc, plutôt que de discuter pendant des heures pour savoir ce qui est possible ou pas, ou d'aller voir des pages internet, je dis, il faut que tu rencontres quelqu'un. Et on va prendre un café ensemble, on va discuter comme on le fait là, et des nouvelles choses vont apparaître dans l'échange. Juste pour illustrer ça, une fois, j'avais une personne qui rêvait d'être libraire dans les personnes que j'accompagnais. Et ce qui la faisait rêver, j'avais un petit peu questionné, c'était lire des romans, en parler à des clients, les convaincre et les embarquer avec eux dans un imaginaire. Elle adorait la littérature. Je lui ai dit, va passer une journée dans une librairie, on va voir ce que ça donne. Elle est revenue dépité en me disant, en fait, être libraire, c'est descendre des cartons au sous-sol, attendre des livraisons, travailler le samedi jusqu'à 20h. Et en fait, les romans que je lis, c'est sur mon temps libre. J'ai remarqué que je n'ai pas du tout le temps en boutique. Donc finalement, ce n'est peut-être pas ça mon métier. La confrontation au concret est la meilleure clé, je trouve, pour avancer.
- Speaker #1
Ok. Et du coup, quand il y a un rêve, il y a l'histoire que je me raconte. Et dans cette histoire que je me raconte, je peux avoir des préjudices sur le fait que ça, c'est pas possible ou que ça, ça serait comme ça. Et que toi, tu vas inviter à expérimenter par le réel, avec l'échange, avec une personne qui travaille à l'endroit de ce que projette la personne que tu accompagnes et d'être dans quelque chose de plus concret. Que ce soit pour... Et ça peut donner quelque chose de rassurant ou au contraire. peut-être invité à revoir le projet initial.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Donc, merci Olivier d'inviter à comprendre le besoin du sens, à quoi j'ai envie de participer, comment je veux y participer, dans quel domaine et comment je peux voir les choses différemment. C'est quoi les freins que je peux lever ? Et puis, comment je confronte au réel mon projet en rencontrant des gens, en réajustant. Et quand je rencontre des gens, j'entends que ce qui est important, ça va être ce lien. que je lis aussi avec la personne.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. C'est le début d'une démarche de réseau, en fait.
- Speaker #1
Et tout ça, ça va être... Dans tout ce que tu dis là, il y a vraiment cette invitation, en fait, à raconter des nouvelles histoires, faire raconter, faire en sorte que la personne puisse se raconter des nouvelles histoires par le biais du vécu.
- Speaker #0
Exactement, et ce n'est pas des nouvelles histoires au sens où on va construire une fiction un peu inspirante.
- Speaker #1
On va regarder un autre endroit.
- Speaker #0
C'est plutôt aller voir des expériences de vie qui n'ont pas été suffisamment racontées jusqu'à maintenant, où je me sentais vivant, je me sentais aligné avec mes valeurs, où je me sentais à ma place tout simplement. Et là-dedans, je fais l'hypothèse qu'il y a beaucoup de ressources à aller chercher pour les réutiliser aujourd'hui.
- Speaker #1
Tu fais l'hypothèse et puis c'est ce que tu expérimentes aussi énormément, j'ai l'impression.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Et d'après toi, aujourd'hui, merci d'accompagner à ça, d'accompagner à pouvoir trouver du sens et construire un projet et le faire aboutir. Ce serait quoi les conditions qui permettraient d'accélérer, tu crois, les reconversions vers des métiers avec plus de sens ?
- Speaker #0
Les conditions pour accélérer ?
- Speaker #1
Oui, pour accélérer ces envies chez plus de monde.
- Speaker #0
Alors, la bonne nouvelle, c'est que je crois que l'envie de contribution, elle est assez universelle. L'humain est une espèce sociale et sociable. On a besoin d'être reconnu dans le groupe, d'apporter quelque chose au groupe. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un, alors peut-être que si j'attire... certaines personnes, qui soit un pur individualiste, matérialiste, quelqu'un qui dise, moi, mon truc, c'est d'exploiter les autres, la planète, les ressources. Donc, si les gens le font ou sont dans des métiers qui contribuent à ça, c'est bien souvent parce que d'autres histoires ont pris le dessus, qui sont des histoires de prestige, de statut, justement d'argent, de besoin de sécurité, de besoin de visibilité, tout ce qu'on peut imaginer.
- Speaker #1
Il y en a quand même pas mal.
- Speaker #0
Alors, il y en a pas mal, mais je fais l'hypothèse que c'est une couche superficielle. Oui. Et que derrière chaque cravate se cache un cœur. et voilà cravate c'est un peu masculin, je suis désolé pour la comparaison mais c'est malheureusement souvent le cynisme est souvent habillé d'une cravate j'ai remarqué, donc non non je fais l'hypothèse que dans chaque personne il y a une sensibilité et une envie plus ou moins secrète plus ou moins avouée de contribuer à quelque chose que moi je mets sous le grand label transition de la société nouveau modèle de vie collective qui s'appelle transition écologique Permaculture, permaéconomie, de la sobriété, de la simplicité, des circuits plus courts, une reconnexion, plus de liens, moins de biens. Je vois que ça résonne, peu importe comment on nomme ça. Mais moi, c'est ça que je vais chercher chez les personnes. Et c'est vrai que le projet Mon Job 200, il a deux facettes. Il y a une facette, si la personne se réaligne avec ses valeurs, ça lui fait du bien et ça fait du bien à son environnement proche.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
En fait, quand on est à l'aise dans ses baskets, on n'est pas un poison pour les autres. En général, on devient moins toxique. Donc déjà, ce réalignement, il est bénéfique pour la personne et son environnement. Et la deuxième dimension, c'est que si on est plus nombreux au quotidien à œuvrer plutôt dans les solutions que maintenir les problèmes, à se décarcasser pour une société, construire un petit peu une société dans laquelle on a envie de vivre, on a des chances, des petites chances d'arriver un peu plus vite, de s'en sortir face aux défis qui sont... plutôt plombant, des règlements climatiques généralisés, de l'envahissement de nos vies par une profitabilité, rentabilité permanente de partout, y compris jusque dans la manière de faire du sport ou de vivre nos relations, même intimes. Donc, la sphère des discours économiques, de croissance, concurrence, s'immisce un peu partout. Et je crois que, secrètement ou non, on est beaucoup arrivé d'autres choses.
- Speaker #1
Et puis en plus, tu t'y frottes, c'est-à-dire que tu le vois que les gens rêvent d'autres choses. Et je sens beaucoup de positivisme, je ne sais pas si je peux le dire comme ça. Je sens qu'il y a beaucoup d'optimisme chez toi à ce qu'il y ait beaucoup de monde qui rêve de ça, y compris ceux que tu nommais avec des cravates, des égaux, des envies, d'exploitation, de performance au-delà de toutes les limites planétaires. C'est assez naturel. d'avoir envie de contribuer au bien ?
- Speaker #0
Oui, en tout cas, quand on pose les bonnes questions, les gens vont volontiers là-dessus. Mais il faut créer le contexte pour que ça s'y prête et ça verrait que ça nécessite un minimum de sécurité, de confiance, une relation où ils vont se sentir pas jugés, acceptés tels qu'ils sont. Et donc c'est ça que j'essaie de créer dans mes accompagnements, que ce soit collectif ou en individuel. C'est sur la base d'une relation. que je peux appeler agréable, saine, confiante, que ça peut émerger. Sinon, les gens ressortent vite toutes les protections et les carapaces.
- Speaker #1
Et puis, ça se diffuse. C'est-à-dire que plus tu as de personnes qui vont se reconnecter à cet élan du cœur, plus, tu disais, elles vont faire du bien à leur environnement proche, et plus ça sera exponentiel.
- Speaker #0
Et inspirer d'autres personnes à suivre aussi leur propre voie, et à se reconvertir, ou en tout cas... Oser simplement être soi-même au travail en fait. Parce que l'autre vision que je partage aussi avec mon job de sens, c'est qu'on a quand même 8 heures par jour, 35 heures par semaine à peu près, voire souvent plus, où on consacre notre énergie vitale, on se lève le matin pour aller faire ça, c'est quand même là où on peut agir. C'est bien d'être un éco-citoyen, c'est évidemment très important de voter pour nos convictions, et au passage pour des gens qui ne mentent pas trop et qui s'intéressent un peu à l'intérêt général, ça c'est bien. L'engagement associatif aussi, il est très important en tant que bénévole. Mais si on fait tout ça et que 8 heures par jour, 35 heures par semaine, on contribue à dégrader le vivant, à créer des relations néfastes entre les humains ou à surexploiter juste une partie de la population humaine ou non humaine, ça va être compliqué. Déjà, on est un peu schizophrène. Et deuxièmement, on est épuisé. C'est vrai que j'ai connu ça aussi avant la pause que j'ai faite avec mon année sabbatique en famille. C'est que je travaillais au ministère à temps plein, je faisais des interventions en tant que conférencier sur mes temps libres en plus, j'avais une association, je retapais ma maison, j'avais des enfants en bas âge.
- Speaker #1
Tu Ausha beaucoup de caisses.
- Speaker #0
Et j'étais épuisé. Et à partir de là, de retour, et ça revient à ta toute première question, c'est rigolo comment on boucle la boucle, de retour de mon année sabbatique et quand il fallait reprendre un boulot, je me suis dit, je vais faire en sorte que mes engagements et mes valeurs soient respectés et honorés dans ma vie professionnelle. Et je vais un peu calmer sur l'engagement associatif, parce que les réunions le soir, le week-end et tout ce qu'on fait comme ça, pendant ce temps, je ne suis pas avec mes enfants. Et une de mes valeurs clés, moi, c'est la transmission. Et je me suis rendu compte que je faisais des conférences un peu partout, je parlais d'écologie, de développement durable, de transition, et puis je ne voyais plus mes propres enfants. Et je me suis un peu recentré en me disant, mais si j'ai quelque chose à transmettre qui sera un peu durable, un peu à long terme, c'est déjà aux trois petites personnes qui vivent chez moi. Et donc, essayons de leur consacrer au moins le temps du week-end et des soirées, et d'avoir un métier qui nourrit mon besoin de contribution dans mes heures de travail.
- Speaker #1
Donc c'est intéressant parce que du coup... tourner vers l'extérieur, au service de l'écologie. Puis à un moment donné, tu es tellement épuisé que tu prends conscience qu'il est peut-être important de se recentrer sur l'essentiel. Tu nommes ici du temps pour tes trois enfants, notamment. Et moi, j'ai envie de te poser la question. Est-ce que tu te poses la question ? À l'époque, du temps pour toi ?
- Speaker #0
Du temps pour moi ?
- Speaker #1
De l'espace, toi avec toi ?
- Speaker #0
Alors, je me pose la question ou la question me rattrape. Des fois, je suis tellement en générosité ou en disponibilité pour les autres que j'ai l'impression de me perdre un petit peu. Et là, je prends des mesures un peu radicales. D'ailleurs, l'année sabbatique, c'était un petit peu ça. C'était, on s'est rendu compte avec mon épouse, Cécile, que je salue si tu écoutes, qu'on a un rapport un peu addictif au travail. Comme on est passionné par notre métier, on y va à fond, effectivement, on s'y engage. et on s'est dit, il ne faut pas... Pour un changement assez radical, il faut une cure de désintox en fait. C'est presque ça. Et effectivement, ça a été génial. C'est comme si on a vécu tout à fait autre chose pendant un an sans la valeur travail ou la dimension travail dans notre vie. Et puis de retour, on s'y est remis et on a un peu replongé dans un travail passion. Je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde et que c'est une immense chance. Et en même temps, ça rend la limite entre le temps pour moi et le temps pour les autres un peu plus difficile peut-être à maintenir. Donc je trouve d'autres stratégies que prendre une année tous les cinq ans. Alors,
- Speaker #1
c'est quoi tes stratégies ?
- Speaker #0
Mes stratégies, c'est d'écouter mon corps, comme j'avais déjà aussi commencé à le dire. De voir quand les tensions du dos ou le sommeil commencent à aller moins bien. Quand j'ai des pensées qui me réveillent la nuit à propos d'un client ou d'un truc de boulot, c'est une grosse alerte pour moi qu'il faut que je fasse quelque chose. Après, j'ai des pratiques corporelles que je ne vais pas peut-être détailler ici. Merci.
- Speaker #1
Tu peux nous dire, c'est quoi tes pratiques principales ?
- Speaker #0
Je fais un peu de yoga, par moi-même, et je me fais accompagner en Feldenkrais, qui est une manière de bouger, c'est une pratique de bien-être par le mouvement, que j'adore, et qui me fait beaucoup de bien, qui remet en mouvement beaucoup de parties du corps. Ça c'est des moments chouettes, je fais aussi un petit peu d'hypnose, d'auto-hypnose. Et je lis aussi beaucoup. Je me régénère par la lecture et la découverte d'auteurs inspirants.
- Speaker #1
Merci d'incarner de l'intérieur ce tête-coeur-corps avec lequel tu accompagnes aussi les groupes et les individus. Moi, je trouve ça assez génial parce que dans ton parcours, dès le départ, toi quand même, tu as du sens dans ton métier de départ. Tu es au service de l'écologie, mais tu es finalement un petit peu... Tu t'oublies un petit peu dans ton écologie intérieure à ce moment-là. Tu as un burn-out. Je dis, j'ai des choix assez radicaux. C'est vrai qu'avec ma femme, à ce moment-là, on est aussi des passionnés, on bosse beaucoup. On prend une décision radicale et on va faire un voyage, une pause sabbatique d'un an en famille. Ce qui nous reconnecte à beaucoup de choses. On revient, il y a des signaux de « Ah ouais, mais je ne peux pas recommencer comme avant. Donc justement, je vais aller chercher un job. » qui fait sens et qui vient nourrir des éléments importants. Justement, tu te lances dans, à ce moment-là, l'accompagnement. Tu es, et notamment avec cet outil des pratiques narratives dont tu nous parles là, dans chacun de tes accompagnements, que ce soit en individuel ou en collectif. Et ce que j'aime dans tout ce qu'on vient d'échanger, c'est comment tu incarnes ce à quoi tu accompagnes. C'est-à-dire, c'est quoi le sens ? Comment je le vis ? Au service de quoi ? Mais la façon dont je le vis, c'est depuis qui je suis.
- Speaker #0
J'essaye en tout cas. J'essaie de rester fidèle à qui je suis et à aussi mon héritage, y compris familial. Tu as pu deviner qu'il y avait des valeurs d'intérêt général,
- Speaker #1
de transmission,
- Speaker #0
de générosité aussi. J'essaie modestement d'être à ma place dans la grande chaîne. Quand je disais que j'avais envie de transmettre aussi à mes enfants, c'est de les laisser partir dans le monde chaotique qui s'annonce avec un petit bagage quand même. De sécurité affective, intérieure, de quelques valeurs aussi. Après, ils vont prendre ou pas prendre. Un héritage se renégocie parfois. Mais oui, merci de souligner ça, cette espèce d'alignement que j'essaye moi-même d'incarner. Ce n'est pas facile tous les jours. Des fois, je me laisse aussi... Merci de le rappeler.
- Speaker #1
Et dans cet alignement intérieur, tu nous as parlé de quelques pratiques corporelles, aussi de l'auto-hypnose, aussi...
- Speaker #0
De la respiration, j'ai oublié.
- Speaker #1
De la respiration. Tu te fais accompagner, toi, par des praticiens narratifs ?
- Speaker #0
Oui, en pratique narrative, comme dans les métiers d'accompagnement, on a une logique de supervision. Et donc j'ai un espace de supervision où je peux déposer ou évoquer des situations et me redéfinir aussi en tant que praticien, malaxer mon identité professionnelle pour qu'à partir de cas ou d'histoires vécues, ça ne reste pas comme des traces qui ne me conviennent pas, mais que j'évolue. donc il y a ça et après je me fais accompagner plutôt ponctuellement et par différents praticiens ou praticiennes. Et c'est vrai que juste avant de démarrer, on a fait un petit centrage, une balade en forêt, une petite relaxation que tu as guidée. Je te remercie parce que ça m'a vraiment aidé à me mettre dans notre échange et à me recentrer justement.
- Speaker #1
Et j'ai l'impression que tu es un passeur d'histoire. Je trouve ça assez poétique d'être passeur d'histoire dans la vie.
- Speaker #0
Oui, alors... Merci. Passeur, j'aime bien le mot, mais ce n'est pas des histoires dont j'ai hérité et que je vais re-raconter. C'est plutôt, je les fais émerger chez les gens.
- Speaker #1
C'est exactement ça et j'avais envie en plus de le reformuler. Tu es un passeur d'histoire et tu invites chacun à être son propre passeur d'histoire.
- Speaker #0
Oui, et elle est cultivée aussi. C'est-à-dire que quand on commence à porter le regard sur plutôt le plein que le vide, sur ce qui marche bien ou sur les ressources dont on dispose, ou sur nos capacités même de résistance. à des choses inacceptables pour nous, et bien après, on en voit de plus en plus. Et c'est un peu comme une hygiène identitaire, de regarder aussi, oui d'accord, c'était difficile, mais j'ai réussi à résister, ou j'ai tenu bon face à ça, ou même si ça n'a pas abouti, j'ai au moins essayé. Et ça, c'est très chouette, parce que ça me reconnecte à des valeurs.
- Speaker #1
Voilà. Et c'est tellement précieux. On arrive, Olivier, vers la fin de cette interview. Je vais te proposer un petit voyage, t'es d'accord ?
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Alors, ce que je te propose, c'est de fermer les yeux. Si tu es d'accord, pouvoir mettre les mains sur ton cœur. Et je te propose de voyager. De voyager en 2035. En 2035, qu'est-ce qui fait battre ton cœur ?
- Speaker #0
Des enfants. Je ne sais pas, c'est dans 10 ans, ça, 2035. Je ne sais pas quel âge j'aurai, si j'aurai des petits-enfants ou pas. Mais en tout cas, le contact avec l'enfance, c'est ce qui me vient.
- Speaker #1
Le contact avec l'enfance. Le contact avec ton enfant intérieur.
- Speaker #0
Peut-être. Je crois aussi le vivant. On parlait des ânes là au début. J'ai des poules, j'ai un chat, mais j'ai besoin de m'entourer plus d'êtres vivants, y compris non-humains.
- Speaker #1
Merci beaucoup Olivier.
- Speaker #0
Merci Stéphanie.
- Speaker #1
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