Speaker #0Voilà pour les quatre points, et donc pour conclure, Arnaud, quatre questions que je souhaite te poser. Et bien sûr, répond-y sans nécessairement les séparer. Moi, je les distingue, pour essayer d'être un peu clair au niveau juridique, mais je comprends... Sous ta perspective, ne les distingue pas nécessairement. Et je reprends donc sur l'objet protégé. En quoi, selon toi, l'imbrication, cette imbrication entre données et instructions, eh bien, en quoi cette imbrication... est ou n'est pas un problème vis-à-vis de la possibilité de protéger ce qui s'affiche sur l'écran, disons du prompteur par exemple. Deuxième question, toujours sur l'objet protégé, est-ce que cela a du sens selon toi, cette distinction entre interface comme pur effet graphique et interface comme forme interne ? Le code, en fait. Et puis, deux questions sur l'originalité. Le critère, avant qu'un... Alors déjà, j'aimerais... Enfin, je serais content de connaître ton avis sur le bilan de cette évolution. Parce que si on est très fataliste sur ce bilan, qu'on dit qu'il est décevant, eh bien, on peut dire finalement que... Même pas besoin de chercher la personnalité de l'auteur. Personnalité serait un terme trop verbal, ou une notion trop verbale, une notion trop abstraite. Finalement, suffirait de... s'intéresser à l'auteur lui-même, ses actes, à savoir celui qui n'a rien copié. Deuxième question, j'imagine que cette question te permettra de passer la balle à Antoine. C'est une question qui... qui relève aussi d'un avis personnel, à savoir que pour moi, on ne peut pas confondre le travail de qualification. qualification de l'originalité par le juge, donc. On ne peut pas confondre ce travail de qualification, de l'originalité, du travail de démonstration de cette originalité par le plaideur. Travail qui envoie d'ailleurs à son travail artistique propre. Pourquoi ? Parce que le juge, oui, il peut conserver l'aspect abstrait. de la personnalité de l'auteur, puisque c'est ça qui a fait jurisprudence, pour finalement bien motiver et ne pas faire que sa décision soit réformée ou cassée par la Cour de cassation.
Speaker #1Alors, c'est une considération fort intéressante, je crois devoir dire qu'elle reflète de manière honnête à peu près un champ des possibles juridiques manifestés par la jurisprudence et la doctrine. Je dois même aussi dire que le code de la propriété intellectuelle, en tout cas le droit français, en distinguant conception et réalisation, la conception réalisée nous fait un vrai beau cadeau. Il s'agit bien d'un mouvement dans lequel l'auteur réalise quelque chose qu'il a conçu, construit quelque chose qu'il va réaliser, et finalement il s'agit bien de mettre en lien ces deux pôles. On comprend que la réalisation c'est la forme qui apparaît, la conception, quelque chose à voir avec la genèse, s'il y en a une, de l'effort créatif. Ou en tout cas un moment de prise de conscience d'un effort créatif. Donc cette polarisation, cette tension, cet arc tendu que nous propose le législateur peut servir de base de réflexion et tu l'as bien déployé je trouve. On veut retrouver ce continuum, cette même raison d'élire que l'on regarde l'activité créative ou son résultat. Et cela doit être ni trop subjectif, ni trop objectif. Trop objectif dans le sens trop fonctionnel, trop mécanique. On comprend que la pure production d'une machine, il n'y a pas d'auteur. Et le droit d'auteur, à l'évidence, c'est un droit humain qui cherche à protéger un acteur humain. Ou à reconnaître un acteur humain. Ni trop subjectif, simplement l'effort, l'intention ne doit pas être trop véléitaire. Voilà, ici. celui qui conçoit et qui fait réaliser ou qui réalise lui-même une statue et qui revendiquerait le bruit du vent comme une œuvre de l'esprit mais d'une forme musicale, on lui refuserait puisqu'on dirait que là c'est trop subjectif. Ainsi donc, ta présentation me convient du point de vue de la... du champ des possibles à penser et c'est très bien. Reste la question des distinctions, des sous-distinctions, des aspects sous lesquels on peut appréhender la forme logicielle. Et là, évidemment, nous devons faire un petit peu de théorie de l'ordinateur. D'ailleurs, je pense au passage que nous manquons d'une science de l'ordinateur, non pas de mathématiques appliquées ou de sciences computationnelles. Je parle bien d'un travail théorique sur ce qu'est un ordinateur sous le regard humain, et sous la main humaine. C'est un objet qui est difficile à appréhender intellectuellement. D'ailleurs... Je crois que les sciences cognitives ont montré que l'esprit humain ne pouvait pas comprendre ce qui se passe dans un microprocesseur. Alors, oui, l'expérience a distingué à raison l'interface graphique utilisateur. On comprend que c'est ce qui apparaît sur l'écran et puis le reste. Et bien sûr, cela nous renvoie à la distinction classique pour les juristes. en théorie de la forme intellectuelle, entre la forme sensible et la forme fonctionnelle. Alors, non, ce n'est pas la forme fonctionnelle, mais la forme sensible et la forme conventionnelle. La forme conventionnelle est plus du côté, finalement, du code source, très proche de la notion de partition musicale, alors que la forme sensible, sinon, ça serait la partition réalisée. Mais on comprend qu'il s'agit de la même... œuvre, deux regards sur la même œuvre. Mais au fond, dans l'ordinateur, c'est avant tout la transformation de données, a fortiori dans un ordinateur connecté, mais ce qui est vrai au niveau de granularité d'un ordinateur est vrai a fortiori sur un ensemble d'ordinateurs connectés, finalement, tant que l'on se trouve dans une architecture von Neumann. On peut dire qu'il y a un seul ordinateur, un seul grand ordinateur. Il s'agit de la fameuse distinction entre le matériel et le logiciel. Le logiciel est abstrait, donc on ne va pas s'intéresser au support matériel, on va essayer de penser les formes intellectuelles qui se trouveraient dans les formes électroniques du logiciel, indépendamment du fait, par exemple, que si on a distribué les traitements sur un cloud. Alors... Cela dit, la question est donc bien de comprendre ce qui, dans cet océan de données en mouvement, peut être saisi et appréhendé intellectuellement, avec le langage humain, et donc peut-être donner lieu à des protections, en particulier celles du droit d'auteur. Je disais, l'interface graphique utilisateur... Évidemment, comme forme figée sur un écran, elle nous convient bien, puisque c'est l'équivalent d'un tableau qu'on en regarderait. Donc là, c'est tout à fait clair. La distinction des données et des instructions me paraît un petit peu bancale. Je pense qu'en organisateur, il faut distinguer les données et le traitement, soit les données robots ou les données qui bougent. Des 1 et des 0 qui deviennent des 0 et des 1. Ainsi, données et instructions ne me plaît guère, mais je comprends ce que le juge cherchait. Il cherchait à dire que les instructions, c'est finalement l'expression du code source sur une interface de développement. Ce sont les instructions dans un certain langage de programmation, et puis les données, c'est tout le reste. Une autre chose assez facile à appréhender, c'est au-delà de données-traitement, Il me semble que c'est le fait qu'il y a des coups, si l'on en suit le modèle OSI, c'est un modèle de l'ascenseur, qui monte, et qu'il y a des coups de décompilation et de compilation. C'est-à-dire que l'instruction entrée en entrée, qui peut être un prompt d'ailleurs, va être progressivement traduite. dans différents langages jusqu'à pouvoir être opéré sur les portes logiques des microprocesseurs sous une forme binaire. Il y a alors, on le comprend, une désabstraction de l'intention en langage naturel, de l'écrit, jusqu'à son découpage, sa forme de filtrage progressif qui le rend opératoire. Une fois que, disons, puis une recomposition dans ces couches de traitement, ce qui opère aussi une forme de torsion, de deuxième dégradation à la remontée, si l'on veut, pour que le résultat puisse s'afficher sur un écran. Il faut donc passer par un, si l'on conçoit cela comme dans un mouvement vertical, de verticalité, on comprend que le signal... doit passer par un certain nombre de contraintes, de tortions symboliques, qui nous éloignent du trop haut degré d'abstraction, piège dans lequel sont tombés la plupart des juristes, mais pas ceux qui se trouvent autour de cette table. C'est-à-dire que l'abstraction qui consiste à dire qu'il y a un clavier, un écran et un truc derrière. qui nous donne un résultat. Et ne voyons pas plus loin, parce que sinon, ça devient compliqué. Oui, c'est compliqué, mais si l'on veut appréhender les faits de manière à peu près raisonnable et rationnelle, il faut ouvrir cette question. Ainsi donc, nous sommes dans une difficulté, avec la théorie de la forme, pour appréhender ce qui se passe vraiment dans un ordinateur. Et la question que j'évoquais de la... du caractère sériel et divergent, comme des ramifications qui écartent les unes des autres, et des sous-ramifications à partir du prompt, disons par exemple, dont tout cet écheveau de calcul qui se répand, bien en dehors du regard et de la conscience du prompteur, mais de manière parfaitement objective, pardon de le répéter, mais... C'est un point crucial, à défaut de quoi on entre dans une pensée vraiment magique et infantile. C'est un parfait renoncement. La position doctrinale moyenne aujourd'hui sur cette question-là est un complet renoncement à penser. Il s'agit de dire qu'il y a un truc derrière l'écran qui nous rend une forme et nous ne voyons pas plus loin. C'est intellectuellement révoltant de faire ça. C'est la porte ouverte à toutes les injustices. L'impossibilité de juger, l'injustice, l'impossibilité de juger lorsqu'on n'a rien compris. Alors, tes questions consistent à savoir si tout cela est décevant. Non, moi je trouve que la jurisprudence se tient. Elle se tient, elle montre une direction assez claire. Elle indique ce continuum. À mon aval, des choix créatifs pas trop contraints qui mènent à une forme conçue et réalisée par l'auteur. C'est la manière raisonnable et constante de chercher à qualifier une œuvre de l'esprit. Et je pense que ça, ce n'est pas du tout décevant de ce point de vue-là. La personnalité de l'auteur, ma foi, je conçois qu'en fonction du type de forme. Et là, il ne faut peut-être pas sacraliser l'interdiction de faire des catégories de formes. Nous savons que le droit britannique appréhende l'œuvre de l'esprit par catégorie, par catégorie de style. Et cette interdiction légale française de distinguer les catégories, je pense qu'il ne faut pas trop y prêter attention. Il y a quand même des particularités. Si l'on veut vraiment une œuvre de l'esprit, une notion d'œuvre de l'esprit relativement unitaire, il faut bien accepter de se distinguer. Sinon, on n'y comprend rien. Sur la question de l'implication, pour finir, qu'est-ce qu'on peut faire de mieux ? C'est bien difficile à dire. Moi, je donnerais simplement une pique de réflexion et à la recherche de critères, des critères de distinction. C'est de dire qu'il faut bien avoir conscience de ce caractère d'océan de données en transformation. Et bien avoir conscience que les mots que l'on cherche à poser visent à... à capturer à échelle humaine ce qui importe. Ainsi, je peux bien imaginer que ce que fait directement un programmeur, ou un prompteur, disons, ce qu'il fait, c'est-à-dire écrire ce qu'il écrit, donne lieu à un texte, dans un langage particulier, qui peut être un langage naturel ou un langage de programmation de haut niveau, Il me convient tout à fait qu'on dise que cet objet immédiat, immédiatement obtenu avant la transformation, et c'est là qu'il y aura une zone de gris tout de même, puisque dès qu'on écrit finalement par l'intermédiaire d'un clavier, il y a déjà de la transformation électronique, mais disons, il y a l'objet immédiat qui produit directement, créé directement par l'auteur éventuel, et là je pense que... il est raisonnable de dire qu'il y a quelque chose à protéger. Ensuite, plus les traitements logiciels, donc si c'est la notion de pipeline logiciel, il faudra peut-être réfléchir à un équivalent français, mais plus le pipeline logiciel est étendu et divers, et appelle des logiciels différents et complexes, qui mobilisent de l'aléa, moins on peut rattacher ce qui en résulte à une quelconque conception de l'auteur. On ne peut plus rien concevoir. Il est très difficile de concevoir ce qui va se passer à la sortie d'un modèle de langage, par exemple. C'est impossible. D'ailleurs, ce que néglige de dire cette doctrine majoritaire, c'est que...