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Sous les Aurores

#2 - IMMIGRÉ-E OU EXPATRIÉ-E, 20 ANS DE VIE EN NORVÈGE AVEC VÉRONIQUE

#2 - IMMIGRÉ-E OU EXPATRIÉ-E, 20 ANS DE VIE EN NORVÈGE AVEC VÉRONIQUE

54min |18/02/2025
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#2 - IMMIGRÉ-E OU EXPATRIÉ-E, 20 ANS DE VIE EN NORVÈGE AVEC VÉRONIQUE

#2 - IMMIGRÉ-E OU EXPATRIÉ-E, 20 ANS DE VIE EN NORVÈGE AVEC VÉRONIQUE

54min |18/02/2025
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Description

Dans ce deuxième épisode de Sous les Aurores, nous recevons Véronique, qui vit en Norvège depuis plus de vingt ans. Partie par amour, elle nous raconte comment son installation s’est transformée en une véritable aventure d’immigration. Au fil de notre conversation, nous découvrons avec elle son parcours entre le Sud de la France, l'Écosse, Paris et Oslo. Elle nous raconte les défis de la langue et la recherche de travail, le choix de scolariser son fils entre système français et norvégien ainsi que son regard sur l’identité, la politique et la vie quotidienne en Norvège.


Véronique partage aussi ses astuces pour s’adapter à l’hiver et profiter de la culture norvégienne, sans renier ses racines françaises - le tout avec une touche d'humour.


Prêts à explorer une autre facette de l’expatriation ? Alors, installez-vous confortablement et laissez-vous guider Sous les Aurores !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Lucie

    Salut, c'est Lucie.

  • Alban

    Salut, c'est Alban.

  • Lucie

    Trentenaire et parent de deux petites filles.

  • Alban

    Bienvenue dans Sous les Aurores.

  • Lucie

    Le premier podcast réalisé par un couple de Français en Norvège.

  • Alban

    Sous les Aurores, c'est le podcast haut en couleurs qui vous emmène vivre toutes les nuances de l'expatriation et de l'immigration en Norvège et bien au-delà.

  • Lucie

    Que vous soyez déjà expatrié, immigré, que vous rêviez de le devenir ou que vous soyez simplement curieux de découvrir d'autres façons de vivre, ce podcast est fait pour vous.

  • Alban

    Alors, mettez-vous à l'aise, servez-vous une bonne tasse de thé ou un verre de vin. et rejoignez-nous sous les aurores. Au menu, discussion sincère,

  • Lucie

    moment de rire et d'émotion,

  • Alban

    et surtout, beaucoup de belles découvertes.

  • Lucie

    Alors, bienvenue chez nous sur un nouvel épisode de Sous les aurores.

  • Alban

    Bienvenue à tous sur un nouvel épisode de Sous les aurores. Aujourd'hui, nous recevons une nouvelle invitée. Il n'est pas une inconnue, en tout cas pas pour moi. un peu plus pour Lucie, mais nous avons tous les deux très hâte de faire plus en plus connaissances, donc merci à toi d'être ici. Je vais te poser quelques questions. Comment t'appelles-tu ? Depuis combien de temps vis-tu en Norvège ? Dans quel domaine travailles-tu ? Et enfin, est-ce que tu pourrais nous parler d'un culture shock ?

  • Véronique

    Bonjour à tous les deux, merci de l'invitation, c'est super sympa. Je m'appelle Véronique Revoy, je suis arrivée en Norvège en août 2002, donc ça va faire plus de... 22 ans. Mais j'ai commencé à venir en Norvège plus tôt. A partir de 1996, j'ai fait des allers-retours, uniquement à Oslo à l'époque. Pour le reste, au quotidien, je travaille dans une grande entreprise norvégienne où je suis responsable d'une équipe qui fait de l'innovation pour l'Europe. Je suis dans un milieu qui n'est pas si norvégien que ça au quotidien, il faut le dire, c'est très international, il y a beaucoup de nationalités. Mais bon, j'habite quand même ici. Quoi d'autre ? Culture choc. Alors... En même temps, je pensais connaître. C'est ça qui a été le plus...

  • Alban

    Parce que tu faisais déjà des allers-retours ?

  • Véronique

    Oui, je faisais des allers-retours. Donc, ma vie, elle était entre Paris, des projets internationaux où je voyageais beaucoup, et puis Oslo, où j'avais mon copain d'époque. Je me suis dit, ouais, facile, quoi. Là, tu le connais. Ça fait quand même beaucoup d'années que tu pratiques la Norvège. Ce n'est pas une découverte. En fait, il y en a eu plein. Le premier, ça a été de me retrouver à Körbrugge, avec mon fils qui était bébé. Et de me balader, c'est au mois d'août, mais d'avoir froid. C'est vrai. Donc, le 15 août, ça peut arriver qu'il y ait du gel. Donc, ça, c'était... Ah, mais c'est le 15 août. Non, non, mais le 15 août, c'est l'automne. Bon, voilà, ou le début de l'automne. Ça, ça a été le premier culture-choc. Et le deuxième, c'est en les regardant. C'était à Aker Brygge, qui est quand même un quartier où les gens...

  • Lucie

    Pour les auditeurs, c'est le port d'Oslo.

  • Véronique

    Voilà. Et de me dire, mais j'ai l'impression de vivre dans une pub Ralph Lauren. Parce qu'ils étaient... tous tellement bien habillés, soignés, propres sur eux, blonds. Je me disais, mais c'est quoi ce truc ?

  • Alban

    J'adore parce que c'est vrai que c'est soit un culture shock ou un stéréotype ou peu importe. Je continue de le vivre,

  • Véronique

    ça. Oui, voilà, c'est ça. C'est un souvenir que j'ai des tout premiers jours qui a été assez marquant.

  • Lucie

    Et du coup, tu nous disais que tu faisais des allers-retours. Pourquoi la Norvège ? C'était pour le travail ?

  • Véronique

    Non, c'était pour un Norvégien. Pour un Norvégien. Donc, Venus Trap, pour l'amour. Enfin, voilà quoi. Je veux dire, il y a une très grosse partie de la communauté, non seulement française, mais étrangère, qui est là parce qu'ils ont, par hasard, à un moment dans leur vie, rencontré un Norvégien ou une Norvégienne.

  • Lucie

    Et comment tu l'as rencontré ?

  • Véronique

    Oh là là, ça, c'est une très longue histoire. Donc, en fait, je l'ai rencontré à Moscou. Ah oui. Où j'étais parce que j'avais un copain qui avait des ambitions pour être à la tête. de la Fédération Internationale des Échecs.

  • Alban

    Ah, j'adore !

  • Véronique

    Un truc improbable. J'étais au Jeux Olympiques des Échecs, où j'étais là, mais pas parce que je joue, mais parce que je l'aidais. Je l'aidais au quotidien à faire sa campagne politique. J'ai fait des études de sciences politiques, j'ai toujours fait des campagnes politiques. Par un copain intermédiaire, on s'est rencontrés. Je me suis retrouvée catapultée à Moscou, et dans son équipe, c'est une présentation... d'une liste de candidats, il y avait le président de la Fédération Norvégienne des Échecs qui est devenu mon conjoint pendant un certain nombre d'années et le père de mon fils. D'accord.

  • Lucie

    Et du coup, tu faisais au départ des allers-retours pour le voir en Norvège. Oui,

  • Véronique

    c'était ça. Toi,

  • Lucie

    tu es d'où à la base ?

  • Véronique

    Bon, je vais dire plutôt où j'ai habité. Donc, Paris, le sud de la France, du côté d'une petite ville qui s'appelle Martigues.

  • Lucie

    Un petit voisin d'Alban.

  • Alban

    Mais attends, on a plein de choses à se raconter.

  • Véronique

    Voilà. Et ensuite, mon père a eu un job. Il est parti en expatriation à Édimbourg. Donc en gros, il travaillait dans le milieu du pétrole. Donc Édimbourg. J'ai aussi passé à Oxford pendant un an. Et Oslo. En fait, maintenant, Oslo, c'est l'endroit où j'ai lu. pratiquement le plus vécu le plus longtemps.

  • Lucie

    Et du coup, qu'est-ce qui t'a décidé à déménager là-bas ? Comment il t'a convaincu ?

  • Véronique

    Le bébé.

  • Lucie

    Ah !

  • Véronique

    Voilà. On a eu à un moment un fils qui est né à Paris. C'était mon choix plutôt d'accoucher à Paris parce qu'à l'époque, je ne connaissais pas la langue. Voilà, donc je me suis dit, il y a ma famille. Donc j'étais mieux à Paris. Mais à ce moment-là, je travaillais pour une boîte qui s'appelle Ericsson. Et Ericsson a vraiment fait un énorme plan social, environ 50% des gens au niveau mondial. Donc, j'étais en congé maternité et mon chef m'appelle. Il me dit, voilà, on va vraiment réduire l'équipe. Je te propose de rester. Moi, j'ai dit, en fait, non. L'opportunité fait la ronde. Donc, je vais récupérer un petit package. Et puis, avec ces sous, je vais pouvoir profiter un peu plus longtemps du congé maternité et puis faire une petite tentative de la Norvège. Mais c'était jamais dans l'idée d'y rester. Et j'arrive avec mon fils qui avait trois mois, enfin quatre mois, c'était vraiment un nourrisson. Et je me rends compte très rapidement qu'au-delà de l'aspect vie de famille, je lui offrais deux choses. Un, l'opportunité d'être vraiment dans du franco-norvégien. C'est-à-dire que la Norvège en France, c'est tout petit. Il y a très peu de Norvégiens. J'aurais dû travailler beaucoup pour lui donner les deux, la culture. Il aurait fallu trouver des moyens. d'y arriver. Moi-même, j'ai un background familial mixte. Je voulais lui donner les deux. J'ai vraiment travaillé dans cette optique-là. Et la deuxième chose, c'était vous avez des enfants jeunes, c'est un hôtel 5 étoiles. Donc je me suis dit, je suis arrivée en août avec lui, à l'entour du 15 août, et en octobre, j'ai déposé les papiers pour faire l'Opal Stigartalsen, le permis de s'installer en Norvège. Et donc, c'est arrivé évidemment très très vite. dans le cas de réunir la famille.

  • Alban

    Et donc, c'est vraiment un peu, comme tu disais, cette opportunité. À la base, il n'en est pas une, donc c'est déjà super d'avoir envisagé ça. Mais c'est ça qui a déclenché votre projet d'installation en Norvège ?

  • Véronique

    Le papa était en Norvège. Et lui, il a un métier qui faisait que c'était beaucoup plus difficile pour lui de s'expatrier. Donc, il a fait, sur les années où on a été ensemble sans enfants, il y avait des périodes où... Il était plus à Paris. Il y a eu des périodes où j'étais plus à Oslo. Donc on a fait un petit peu toutes les combinaisons. Mais c'est vrai, une fois que tu as une vie de famille, c'est un peu n'importe quoi d'être sur deux pays. La question ne s'est pas posée. Moi, je ne me la suis pas posée. C'était juste une opportunité. J'avais tout d'un coup un peu d'argent devant moi. L'envie de faire un petit peu un congé maternité à la norvégienne. Si j'avais été résidente norvégienne, c'est ça qui m'avait dit. Si tu viens et que tu accouches, on aura quelque chose voilà je me suis dit non non je préfère faire tout ça en France donc il a vécu trois mois en France donc une fois ici c'était un peu une évidence même si je recommande pas de s'installer au mois d'octobre tiens tiens je sais pas vous êtes arrivé aussi en octobre ?

  • Alban

    non en août ah ouais d'accord non on a discuté on sera arrivé dans un autre épisode pour le coup ça a été au début ça a été août 2018 et je sais pas si tu t'en rappelles mais les norvégiens en parlent comme de l'été indien.

  • Lucie

    Je comprends que quand t'arrives, tu te rends compte que c'est quand même un peu un paradis pour construire sa famille. Qu'est-ce qui a été en revanche le plus difficile en s'installant ?

  • Véronique

    Trouver un travail. Donc en fait, j'arrive, je n'ai pas de travail. J'ai le petit bébé, donc du coup, c'était vraiment l'idée de garder un peu de temps pour lui. Mais il fallait quand même avoir une petite rentrée d'argent parce que ce n'est pas donné la Norvège. Ouais. En partant de France, je dis à des gens que je me mets très rapidement en freelance. Et donc, j'avais une espèce d'équilibre qui était du temps pour l'enfant, travailler. Mais le problème, c'est que tous mes contrats étaient à l'extérieur de la Norvège. Donc, je cherche du travail. Je me rends compte rapidement que la langue est indispensable, non seulement pour la vie de couple, la vie de famille, mais aussi pour le travail. Et du coup, je prends des cours. Et à l'époque, je pense que c'est fini maintenant. Mais si tu venais dans le... cadre d'une réunion familiale avec un citoyen d'un pays nordique, tu avais 800 heures de cours gratuits.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Maintenant, je crois que c'est juste pour les réfugiés. Donc, je vais à ces cours et je me dis, non mais tu ne vas pas faire qu'apprendre le norvégien. Et à un moment, la prof explique que voilà, on a fini la grammaire. C'est vrai que ce n'est pas une grammaire qui est archi difficile.

  • Alban

    Ça, c'est clair. C'est justement pour ça qu'on ne s'est malheureusement pas, nous, empressés. Mais c'est vrai. Voilà.

  • Véronique

    Donc là, en bonne française, je me dis, ah bon, il n'y a plus rien à apprendre. Donc on va aller pratiquer. En fait, j'ai arrêté les cours, mais je n'ai pas franchement pratiqué. Et du coup, je me suis trouvée dans une espèce de truc qui a fait que si j'allais trouver du travail, mon norvégien n'était pas super au top. Il fallait que ce soit dans un environnement international. Donc j'ai mis beaucoup de temps. J'ai mis quatre ans.

  • Alban

    T'inquiète pas, il y a des gens qui sont là depuis six ans et ils sont loin d'être impeccables.

  • Véronique

    Non,

  • Lucie

    Quatre ans a trouver du travail.

  • Véronique

    A trouvé du boulot.

  • Alban

    A trouvé du boulot.

  • Véronique

    Ah ouais, c'est quand même... Je le dis aux gens qui arrivent.

  • Lucie

    Je pense que c'était la langue qui faisait barrière.

  • Véronique

    Dans un métier où le contenu de ce que tu écris importe, où la langue importe, je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas informaticienne, je ne suis pas... Quelqu'un qui travaille avec des chiffres, qui travaille avec la langue.

  • Lucie

    Et le norvégien, au bout de quatre ans, tu le maîtrisais ?

  • Véronique

    Non.

  • Lucie

    Est-ce que tu parlais norvégien avec ton conjoint ?

  • Véronique

    Non. Non. Donc, il y avait les Français, Anglais, Norvégiens à la maison. Moi, ayant pratiqué l'anglais, j'ai habité en Écosse quand j'étais petite. L'anglais, c'est comme le français pour moi. Je n'avais pas besoin du norvégien. Vous savez, ça commençait au début. Oui,

  • Lucie

    parce que dans ton quotidien, aller faire tes courses, l'anglais, ça suffisait même à l'époque.

  • Véronique

    Oui, oui, largement. Ça a freiné les choses en termes de la possibilité de trouver un travail qui soit dans un cadre norvégien. À un moment, je rencontre une agence de marketing norvégienne qui est très particulière, très innovatrice par rapport au truc traditionnel. Et eux, je ne sais pas, ça tilte et ils me proposent de m'installer dans leur bureau. J'étais une source d'inspiration. C'était un win-win parce que pour moi... Je me retrouvais dans un milieu norvégien professionnel pour la première fois de ma vie.

  • Alban

    Mais alors du coup, quand tu dis « ils me proposent de venir dans leur bureau » , c'était en tant qu'employé ?

  • Véronique

    Non, juste m'installer. C'était comme si c'était aujourd'hui, c'est-à-dire que j'arrivais avec mon ordinateur.

  • Alban

    Les prémices du coworking.

  • Véronique

    Ouais, voilà, c'est ça. Je te dis, ils étaient très très en avance sur plein de trucs. Maintenant, ils se sont éparpillés parce que la boîte n'existe plus. Mais quand je lis les articles, en particulier sur les deux fondateurs qui font encore des trucs... C'est des gens marquants en Norvège, par rapport aux études d'opinion en particulier. Tout ça pour dire que ça, ça a facilité mon intégration, parce que je me retrouvais pour la première fois au quotidien avec des Norvégiens qui n'étaient pas simplement mon conjoint.

  • Alban

    Et est-ce qu'avant ça, parce que tu dis que tu t'es retrouvé avec d'autres Norvégiens que ton compagnon au quotidien, est-ce que vous aviez quand même, en plus tu avais l'habitude de venir déjà avant votre installation, est-ce que tu avais un noyau social aussi ici ?

  • Véronique

    Oui, à travers lui, mais qui était parce que ce n'est pas un Norvégien. Alors, il n'aime pas faire du ski. Il y avait...

  • Lucie

    Ce n'est pas un vrai Norvégien.

  • Véronique

    C'est un Norvégien, mais de passeport et d'identité et très Oslo.

  • Alban

    En plus. En plus.

  • Véronique

    Donc, il est grandi à Oslo, toute sa vie à Oslo. Nordstrand, c'est très, très marqué. Même un quartier d'Oslo. Donc, les gens autour de lui étaient très internationaux. J'ai... pas eu vraiment une intégration norvégienne. Donc, je l'ai cherché, donc, familie Bornhage comme vous, c'est-à-dire donc une crèche pour l'enfant où il y avait une implication des parents. Et puis, en fait, la deuxième chose que j'ai faite, j'ai cherché des gens qui me ressemblaient, c'est-à-dire que je suis allée à la PMI, à Health Station, ça s'appelle ici, avec l'enfant pour les contrôles réguliers. Et j'ai... très rapidement posé la question, disait est-ce que là, vous avez des femmes francophones qui viennent vous voir ? Et quelle chance, dès que j'ai posé la question, elle m'a dit justement, j'en connais une autre, je vais lui demander si elle est ok pour avoir ton numéro, et boum, de là je suis rentrée dans un petit cercle que j'ai encore de mamans franco-norvégiennes qui avaient eu des bébés à ce moment-là, donc j'ai fait un Barshels Group. Donc le Barchels Group, pour expliquer, c'est quand tu as un enfant, tu es dans une cohorte de parents qui ont eu un enfant au même moment et qui se retrouvent pour faire des activités en commun. Donc on a créé notre petite Barchels Group franco-norvégien.

  • Lucie

    Ça existait le Barchels Group ?

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Mais toi,

  • Lucie

    tu as fait ton groupe français ?

  • Véronique

    J'ai fait mon groupe français.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Enfin francophone. Les personnes que j'ai rencontrées à ce moment-là sont encore des amies.

  • Alban

    c'est génial parce que c'est très culturellement norvégien ces groupes de naissance mais certains se suivent toute la vie c'est ce que j'essaie d'expliquer parfois à d'autres personnes des adultes aujourd'hui ont fait la même école, le même collège, le même lycée mais certains même,

  • Véronique

    les mamans se connaissaient dans le groupe de naissance donc c'est quand même incroyable et toi tu as fait ça quelque part on a fait ça mais c'est tout petit et puis forcément comme on est des expatriés il y en a qui sont partis oui,

  • Alban

    oui

  • Véronique

    De ce groupe-là, nous restons trois. Les garçons, c'est trois garçons qui sont nés au même moment, qui ont pour certains été au même barnageux et qui sont meilleurs potes.

  • Lucie

    C'est génial.

  • Véronique

    C'est incroyable.

  • Alban

    C'est fou ça.

  • Véronique

    Donc, on a fait notre petit truc à la norvégienne.

  • Lucie

    Ton fils, maintenant il a 22 ans, c'est ça ? Il a toujours été dans le système éducatif norvégien ?

  • Véronique

    Non, il a commencé en barnhage, donc en crèche slash école maternelle norvégienne. C'était très difficile, on en a parlé tout à l'heure, de trouver une place. Donc on a un peu... On a dit la vérité, on a dit qu'il n'y avait pas de Norvégiens à la maison. Et du coup, ça l'a propulsé pour avoir une place. De même que son meilleur pote. son ami d'enfance. Mais à un moment, il faut comprendre que moi, mon parcours, il a été de me retrouver tout d'un coup en Écosse. Là, j'ai eu presque dix ans. En gros, je suis passée d'une petite école primaire à côté de Martigues, du jour au lendemain, au mois de janvier ou février, à une école primaire uniquement en anglais en Écosse.

  • Alban

    Et là aussi, tu suivais les élèves un peu de classe en classe et que là, boum, tu changes tout. Tu changes ton quotidien, ta maison, la langue.

  • Lucie

    La langue,

  • Véronique

    oui. Tout, tout. Ils ont fait ce choix, mes parents. Je pense que les parents d'aujourd'hui ne font pas forcément les mêmes choix. Mais bon, ça a été quand même pas évident, mais ça m'a appris beaucoup de choses. Et nos parents nous parlaient français, mais nous, on parlait anglais. Et voilà, donc je savais que de mettre un enfant dans un système scolaire... d'une autre langue, ça veut dire que c'est cette langue-là qui va dominer.

  • Alban

    La langue du système scolaire, donc ? Oui.

  • Véronique

    Parce que l'enfant, et moi j'étais cet enfant-là, donc je parle de mon vécu d'enfant, veut être comme les autres.

  • Alban

    Oui.

  • Lucie

    Bien sûr.

  • Véronique

    Donc, il y avait plein de choses qui se passent, qui sont passées dans ce moment-là de ma vie, où j'ai vécu la différence. Et je sais qu'en tant qu'enfant, c'est pas facile. Le deuxième sur le, c'est que pendant ce moment de vie, si on voulait entretenir le français, d'abord moi... En tant qu'enfant, j'étais récalcitrante. Et donc, il y a eu quelques moments, les parents n'ont pas été trop dans ça, mais je me rappelle de moments où il fallait s'asseoir le week-end et faire des dictées.

  • Alban

    Ah oui, quand même.

  • Véronique

    Bah oui, parce que sinon, tu perds la langue. Moi, j'en ai des séquelles. Je ne veux pas dire qu'elles sont horribles, mais il faut d'orthographe. C'est une langue difficile. Je voulais vraiment qu'il ait cet équilibre. C'est lui, un papa norvégien, une maman française, ça c'est lui. Je voulais qu'il ait cet équilibre à tous les moments. Et donc, il a commencé en barnhage, enfin en crèche norvégienne. Mais à un moment, moi, je ne voulais pas que ce soit moi qui ai le boulot de lui apprendre le français. Je ne parle pas de l'oral, je parle de l'écrit et du lu. Et donc, j'ai délégué ça à l'école française. Donc, je l'ai mis là-dedans.

  • Lucie

    À partir de quelle classe ?

  • Véronique

    Il est rentré en moyenne section de maternelle. Tout simplement, après, c'est quel enfant tu as en face de toi. Et il se trouvait que c'était quelqu'un qui était très scolaire, même à l'âge de 4 ans, c'est-à-dire à déchiffrer les lettres. Et donc, le barnhage norvégien, c'était bien, mais c'était que du jeu.

  • Lucie

    Pour expliquer quand même la différence, c'est qu'une école maternelle norvégienne et une école maternelle française, c'est très différent. La Norvège, ça va être... beaucoup plus dans le jeu, dans la nature, dehors, apprendre...

  • Alban

    L'autonomie, le quotidien un peu, on va dire.

  • Lucie

    Voilà, et l'école maternelle française, ça va être beaucoup plus scolaire, avec des acquis précis à avoir pour ensuite la primaire.

  • Véronique

    J'étais plus au départ dans l'idée qu'il rentre plus tard, enfin je veux dire plus proche de la primaire que là où il est rentré, mais ça lui correspondait. Et il s'y retrouvait comme un poisson dans l'eau, c'est-à-dire qu'avec des enfants... qui était comme lui, dans le bi culturel, je veux dire à tel point qu'un jour plus tard, quand il était en primaire, ils ont travaillé sur les origines, la généalogie, tout ça. Et puis, il rentre de l'école et il me raconte qu'il y avait une petite fille dans sa classe extraordinaire. Elle est franco-française. C'est trop chou !

  • Alban

    C'est fou !

  • Véronique

    Elle a ses deux parents français ! Alors je lui dis, écoute, en fait, ça, c'est le modèle dominant en France.

  • Alban

    C'est trop drôle.

  • Lucie

    Il y a des franco-français.

  • Véronique

    Il y a des franco-français, ça existe. Mais pour lui, ce n'était pas le modèle dominant, ni dans son quotidien à lui, ni dans sa classe.

  • Lucie

    Oui, c'était soit tu as deux parents norvégiens,

  • Véronique

    soit tu as un parent d'un norvégien et de l'autre, soit tu as deux parents qui ne sont pas norvégiens. Trop drôle. Et son père était favorable. Donc, je n'ai pas eu ce débat.

  • Lucie

    Et vous habitiez proche de l'école française ? Oui. Parce qu'il n'y en avait qu'une ?

  • Véronique

    Oui, il n'y en avait qu'une qui a toujours été au même endroit depuis les années 60. Oui,

  • Lucie

    donc ça ne se posait pas la question. C'était facile de savoir.

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Tu fais un choix de vie qui s'articule autour de ça.

  • Alban

    Oui, c'est vrai. Ça reste une contrainte logistique, on va dire, en tout cas. Oui,

  • Véronique

    parce qu'il faut y aller. J'ai eu le bonheur de, à l'époque... Non, mais alors ça, c'était bingo total. C'était qu'en fait, mon bureau... Donc, quand j'ai trouvé mon travail, le bureau était... Quasiment en face. Tu vois, à Soli Place, quoi.

  • Lucie

    Ah oui.

  • Véronique

    Donc, pendant des années, je me suis retrouvée avec un bureau qui était à deux minutes de pied de l'école, quoi. Royal.

  • Lucie

    Le bonheur,

  • Alban

    ouais. Et aujourd'hui, j'imagine, pour en tout cas toutes les grosses entreprises, c'est plus très stratégique. Non. Le quartier dans lequel se situe le lycée français.

  • Véronique

    Pas du tout. Mais il est très bien disservi, donc c'est pas un handicap.

  • Lucie

    Du coup, il a fait toute sa scolarité là-bas.

  • Véronique

    Ça n'a pas été le choix de base, mais on a fini comme ça, oui. Mais à un moment, c'est devenu son choix.

  • Alban

    Il a fait son avis, ça lui allait bien.

  • Véronique

    Ça lui allait très bien pour un tas de raisons. Il a fait de la maternelle au lycée. On a eu une année à Oxford. Il est passé en lycée norvégien en seconde ou en première, avec un objectif particulier. Il voulait faire un bac L, qui à l'époque existait. Et en fait, le lycée français n'était pas certifié pour faire un bac L. Pour que le lycée puisse scolariser les enfants dans une section de bac, Il faut que les professeurs, un certain nombre de professeurs, soient certifiés par rapport à certaines matières. Et ce n'était pas le cas. Et du coup, l'option qui se posait à lui, c'est que s'il avait voulu rester au lycée français et faire un bac L de l'époque, il fallait qu'il fasse beaucoup de trucs par correspondance, en ligne, avec le CNED. Il y avait le CNED pour des matières importantes. Et ça, c'était le deuxième truc qui ne m'a vraiment pas du tout plu. C'est qu'il aurait fallu qu'il fasse son bac à ce... Stockholm ou Copenhague. On a cherché d'autres options. Il a fini par faire une tentative à Blindern en IB, International Baccalaureate.

  • Lucie

    Mais en section littéraire ?

  • Véronique

    En section littéraire. Donc là,

  • Alban

    c'était du coup en anglais ?

  • Véronique

    C'était en anglais. Mais tu pouvais faire aussi des trucs en français, un module, je ne sais pas quoi. Mais il est rentré en août. Socialement, il s'est bien intégré, il n'y a pas eu de problème. Mais il a conclu en novembre qu'il souhaitait retourner au lycée français. Donc, il est retourné, mais il n'a pas fait bac L. D'accord. Mais c'était un choix. Enfin, je veux dire, tu as 17 ans, tu as les envies, elles sont exprimées, elles correspondent à quelque chose. À ce moment-là, on s'est projeté. Donc, OK, si tu fais ça, ça veut dire qu'ensuite, les études universitaires, ça serait ça. Et du coup,

  • Lucie

    il a été faire ses études en France ou ?

  • Véronique

    Oui, il est en France.

  • Lucie

    D'accord. Donc, après le bac, il est parti en France.

  • Véronique

    Il est parti en France et il est actuellement en master à Sciences Po à Paris.

  • Lucie

    J'entends parfois que quand on est à l'école française, c'est plus difficile de se faire des amis avec, surtout quand on est plus petit, les enfants du quartier, parce qu'on ne va pas au barnet à gueux local et tout. Comment ça s'est passé pour lui ? Est-ce qu'il avait plutôt des amis du lycée français qu'il arrivait quand même à voir en dehors ? Parce que j'imagine que le lycée français, c'est plus éparpillé là où les gens habitent. Ou est-ce qu'il arrivait quand même à connecter avec les gens de son quartier ?

  • Véronique

    Ah, tu... Peu connecté. Ce qui est important, je pense, pour éviter ce biais, c'est que toutes les activités extrascolaires ne soient pas au lycée. Tout était en extérieur. Il en faisait aussi au lycée. Je ne vais pas nier. Il a fait un petit peu de tout. C'est sûr que sa base d'amis d'enfance sont des gens qui ont fait le lycée français comme lui, mais qui aujourd'hui se retrouvent... Il a été le bac Covid. C'est une génération, je ne sais pas maintenant et je ne sais pas avant, Mais cette génération-là de bacheliers du lycée français, beaucoup ont fini en Norvège. Il fallait quand même oser partir à ce moment-là, en année Covid, à l'étranger. Je ne dis pas que c'était très, très, très courageux de savoir, mais du coup, il y avait beaucoup qui ont fait plutôt le choix de la Norvège. Deuxième chose, enfants, ça donnait des activités qui faisaient qu'il était avec des enfants norvégiens du quartier, étudiants. Il est dans l'association des étudiants norvégiens à l'étranger. Enfin, voilà quoi.

  • Alban

    Ah, super.

  • Véronique

    Oui, donc, quand même, si tu veux, je pense que quand tu es dans tes binationals, tu revendiques ta nationalité minoritaire.

  • Alban

    Par rapport à là où tu te situes.

  • Véronique

    Par rapport à là où tu te situes. Donc, tu vas être plus norvégien en France et plus français en Norvège, par exemple, tu vois, pour défendre un petit peu ta particularité et garder cette culture, cette langue.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que c'est vraiment les questions qu'on se pose, notamment le système scolaire. Aussitôt qu'on attendait l'aîné, on se posait la question. Et l'identité. Tu as en partie répondu peut-être déjà pour ton fils, mais je voulais aussi savoir par rapport à toi. Après toutes ces années, comment tu vis la France, la Norvège et ta propre identité ?

  • Véronique

    Moi aussi, je viens d'un couple mixte culturellement. Et ensuite, j'ai vécu dans un tiers-pays quand j'étais enfant. Donc, waouh ! Il y a pas mal de choses qui brassent. Au final, t'es toi, quoi. Et t'es un peu unique. Alors c'est vrai que, par exemple, le mélange que j'ai moi, qu'a mon fils qui est franco-arménien-norvégien... Il n'y en a pas des milliers, mais quand on en rencontre, on est assez subjugué de dire « Ah bah ouais, il n'y a pas que nous » . Bon, c'est un ou deux individus. Quand on rencontre ce mix-là, tu n'es pas là en train de parler de l'identité, parce que l'identité, c'est toi qui l'as construite, je veux dire. J'ai l'habitude de dire que je suis de là où j'ai habité.

  • Lucie

    Mais du coup, est-ce que, parce que maintenant, ça fait 20 ans que tu es en Norvège, plus de 20 ans, est-ce que tu te sens norvégienne ?

  • Véronique

    Alors, j'ai le passeport. C'est une acquisition récente.

  • Alban

    Bravo.

  • Véronique

    Oui.

  • Lucie

    Ça veut dire que la langue a été validée.

  • Véronique

    Oui, au niveau où il le fallait. Mais bon, ça va. Maintenant, je suis dans une phase beaucoup plus d'intégration. Avant, j'étais vraiment purement immigrée. Maintenant, je suis norvégienne d'origine étrangère. Depuis cette année, j'ai adhéré à un parti politique. Le politique est quelque chose qui m'intéresse, donc je suis revenue. membre du Parti, arbaille de parti, par conviction, surtout par rapport aux élections qui arrivent, où je ne souhaite pas qu'il y ait une très forte domination de l'extrême droite en Norvège. Et ça, ça me propulse depuis quelques mois dans énormément de rencontres et de choses que j'apprends sur la Norvège. Mais eux-mêmes, c'était assez amusant. Quand je suis arrivée au sein de la section du parti dans mon quartier, quelqu'un rapidement, sans que je demande quoi que ce soit, m'a dit je vais te proposer de faire partie des militants qui vont travailler sur la campagne électorale à venir vis-à-vis des minorités multiculturelles. Donc, ils m'ont renvoyé à mon statut d'immigré. Mais de toute façon, je le suis. Donc, je ne combats pas cette idée. Je suis immigré. Je parlerai toujours avec un accent, très mal. Tu vois, je suis immigré première génération. Je ne suis pas intégré. Et ça a été intéressant de me dire, j'arrive, je dis bonjour, je m'appelle Véronique. J'ai tout de suite dit, je suis d'origine française, voilà. Je me retrouve là-dedans et je m'étais préparée. Je me dis, bon, il va y avoir des Pakistanais, des Somaliens, des Érythréens, des Indiens, pas de Français. Et effectivement, il n'y avait pas d'Européens. Mais quand ils ont parlé des difficultés et des problèmes qu'ils ont, 90% des problèmes et des questions qui comptaient pour eux, c'est des questions qui comptent pour la communauté française en Norvège. Barnevernet. qui est l'office qui s'occupe de l'aide à l'enfance pour l'enfance maltraitée. Typiquement le racisme, l'intégration, le fait d'être différent, le fait de pratiquer sa culture, de parler sa langue. Donc t'es immigrée, tu le restes.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que ça fait six ans qu'on est ici, on n'a jamais trop eu besoin de la langue. On a fait l'effort quand même de prendre pas mal de cours pour s'améliorer, c'est toujours pas fluide. Là, avec les enfants, je trouve que c'est un niveau supérieur parce que, peut-être un peu comme tu l'as dit, nous, étant tous les deux Français, on a vraiment envie qu'elles puissent s'intégrer à fond. On ne veut pas être un peuple pour elles. Donc, on joue le jeu. Là, on en a mentionné la dernière fois, la fête d'Halloween, à laquelle on s'est rendus. C'était un moment un peu solennel pour nous. Mais entre l'expatriation et l'immigration, chaque Français qui s'expatrie à l'étranger, c'est fun, c'est cool. Mais en fait, on reste immigrés. Et je le me rends compte aujourd'hui. Quand je suis entouré de parents norvégiens, que j'essaie de marmonner mon norvégien, ou bien alors que j'essaie du coup de changer à l'anglais pour que je puisse les comprendre, c'est un poids, c'est dur. Et ça, ça met un coup à ta confiance en toi, à tes questions d'identité, c'est vraiment difficile. Mais d'un autre côté, c'est aussi sur ça que je me dis que ça nous rend tellement fort de vivre ça au quotidien. Parce qu'on se confronte toujours à des choses qui te... que parfois ce sont des petites claques. On parle beaucoup maintenant, on est très sur la santé mentale, les micro-agressions. Parfois, c'est très, très bien. Il va y avoir beaucoup de discrimination positive, mais parfois, sans s'en rendre compte, on se prend des claques sans le vouloir. Et après, il faut arriver à les digérer. Donc, c'est super intéressant d'entendre un peu ton vécu sur ça aussi.

  • Véronique

    Non, moi, je suis fondamentalement une immigrée. Oui. Voilà, point. Donc, du coup, même par rapport à ce qui se passe en France ou ce qui se passe en Europe ou ce qui se passe dans le monde, par rapport à... Je ne suis pas une réfugiée, je n'ai pas été à la guerre. Ça a été un choix, un moment, pour des raisons x, y, dont on a parlé tout à l'heure.

  • Lucie

    Je suis et je resterai une immigrée. Un exemple, je ne sais pas si vous vous rappelez de Raphaël Poiré. Raphaël Poiré, c'était un très grand skieur, un biathlon, les années 90, début des années 2000. Et il se trouve qu'il s'est marié avec une très grande athlète de biathlon norvégienne, dont le nom m'échappe. Bref, ils étaient un couple très connu dans les médias norvégiens quand je suis arrivée en Norvège. Et à l'époque, Raphaël Poiré commence à s'interviewer en Norvège. Je ne sais pas à quel point il vivait en Norvège, mais bon, il apprend le norvégien. Et il fait une interview en norvégien. Et là, je me dis, waouh, t'as un très, très fort accent. Lui. Et là, j'étais avec des Norvégiens et les Norvégiens disent, ah bah, il parle comme toi. Ah, la vache. Ouais, exactement. Donc là, le coup de poing dans le ventre. Et là, je me suis dit, ah ouais. Non, mais bon, d'accord. Donc, je n'aurai jamais un accent de Bergen. Voilà, c'est clair.

  • Alban

    Non, et puis à savoir que le Norvégien ne s'est pas parlé de manière égale dans toute la Norvège. Ils ont des accents spécifiques.

  • Lucie

    Et donc maintenant, je n'hésite pas, j'y vais franco. Je dis, voilà, j'ai un accent. Donc, c'est l'histoire de se sentir plus petit ou différent. Ben oui, je le suis. Et on ne va pas le cacher.

  • Alban

    Non. Je trouve que du moment que les gens te comprennent et que tu comprends les gens...

  • Lucie

    Tout à fait, d'accord.

  • Alban

    C'est le principal. Ça me rappelle quand on était en Amérique latine, je parlais espagnol avec un très fort accent. Mais moi, du moment que les gens pouvaient me comprendre et que je les comprenais, tant pis pour l'accent. J'aurais préféré avoir un super accent latino, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est de pouvoir communiquer, je trouve.

  • Lucie

    Mais Alban a raison, parce qu'il y a des fois, sur certaines personnes, ça joue des complexes. Et même moi, inconsciemment, tu as des complexes, tu hésites à parler. Du coup, je me force.

  • Alban

    Non, mais moi, la première, surtout en norvégien. En tout cas, le feedback que j'ai de nos amis norvégiens, du moment qu'on fait l'effort d'apprendre la langue, même si on a un super accent, ils seront hyper contents qu'on leur parle en norvégien.

  • Véronique

    Et pour revenir sur la notion un peu d'identité ou de complexe qu'on peut développer, dans l'entreprise dans laquelle tu travailles, quand on était collègue, je ne l'avais jamais ressenti. Puis, j'ai changé d'entreprise. Et même si j'étais très bien accueilli, il y a une très bonne culture, je pense qu'ils n'en sont pas au même niveau. Et j'ai commencé un peu à ressentir que j'étais plus... l'expatrié qui avait vécu dans beaucoup de pays, qui avait appris plusieurs langues, qui était audacieux, on va dire, quelque part, de faire tous ses choix de vie, je me sentais comme une moins bonne version qu'un Norvégien. Et ça, ça a été difficile. Maintenant, je prends du recul sur ça. Il m'a fallu digérer un peu toute cette année. Mais voilà, je le mentionne parce que c'est des choses auxquelles on ne pense pas forcément, peut-être en arrivant dans un pays. Certains vont peut-être avoir des difficultés dès le début pour se faire accepter. Ça n'a pas été notre cas. Le travail se passait bien, le cercle social se passait bien. Et puis, tu te heurtes à différents âges, différentes cultures, différentes réactions de personnes. Et ça peut te renvoyer une image de toi-même qui, si tu n'es pas suffisant, ce n'est pas assez bien ce que tu fais. Au bout de six ans, je suis difficile quand même avec moi à me dire « Mais pourquoi tu ne parles toujours pas couramment norvégien ? »

  • Alban

    C'est plus l'appréhension que là, si tu veux évoluer dans ta boîte actuelle, tu as l'impression qu'il faut absolument parler norvégien.

  • Véronique

    C'est vrai.

  • Alban

    Ce que tu n'avais pas avant.

  • Véronique

    Et comme tu dis, les impressions aussi, c'est parfois des choses qu'on s'impose. Oui. Donc, c'est délicat. Est-ce que toi, d'ailleurs, dans le cadre du travail, quand tu as fait la bascule un peu système français, système norvégien, ou en tout cas quand tu as commencé à rejoindre des grandes boîtes, est-ce que tu as eu des bonnes surprises, des mauvaises surprises un peu ? Ou est-ce que tu as vu les choses évoluer au cours du temps ?

  • Lucie

    Bon, c'est lié aussi à la boîte. Moi, je n'ai jamais eu comme ambition d'avoir le passeport, oui, d'être intégrée, oui, de me sentir bien dans ce pays et de le faire le mien, oui. Mais de devenir norvégienne, non. Parce que... Ici, il y a un système scolaire qui fait qu'en fait, les gens se connaissent depuis la naissance, quasiment. Et c'est un tout petit pays. Ils se connaissent tous. Et je ne sais pas vous, mais moi, ça m'arrive assez fréquemment de me retrouver dans une soirée où il y a des Norvégiens que je ne connais pas. Et en l'espace de deux ou trois phrases, on va se trouver une connexion. C'est-à-dire, ils connaissent quelqu'un qui travaille dans la même boîte que moi. moi viens j'ai pratiqué un sport où je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un qui voilà donc c'est très très étriqué c'est un village c'est incroyable et ça d'ailleurs pareil je ne m'en rendais pas compte dans mon ancienne boîte j'ai changé de boîte et puis je vois tous les mêmes visages quasiment alors je grossis le trait bien sûr mais que ce soit les consultants ou les gens internes c'est vraiment les chaises musicales tout à fait c'est tout petit

  • Alban

    Dans l'anecdote, d'ailleurs, en disant que c'est tout petit, t'es quand même arrivé au boulot un jour et tu reconnais une dame. Tu te dis, je la connais de quelque part. Ah ben, c'est la dame qui nous a racheté notre appartement.

  • Lucie

    Oh la vache.

  • Véronique

    Voilà.

  • Lucie

    Oui, oui, non, mais c'est impossible de se balader à Oslo, et je pense que c'est encore plus vrai dans d'autres lieux de Norvège, sans tomber sur des gens au quotidien. C'est pas anonyme. Moi, je ne peux pas récupérer, je suis arrivée, j'avais 36 ans, je ne peux pas récupérer 36 ans de non-Norvège. Bien sûr. C'est un... récupérable. Donc du coup... Mon identité, c'est moi, avec le parcours que j'ai eu avant, comme le parcours que vous avez eu, qui a été multiculturel, différent, ailleurs. Et tu arrives et tu essayes de te sentir bien là où tu es et d'y contribuer. Ça s'arrête là. Je ne vais pas essayer d'être à leur niveau. Ça ne rime à rien. Et de toute façon, ils vont me renvoyer, comme je vous l'ai expliqué, par rapport à l'expérience récente. C'est vrai, je ne peux pas le nier. Je ne suis pas née ici. Mon fils, c'est pareil. Pour moi, il est franco-norvégien. Ça veut dire qu'il est franco d'un côté, norvégien de l'autre, et que dans les deux pays, quelque part, c'est un étranger. C'est bizarre, hein ? Et oui,

  • Véronique

    complètement.

  • Lucie

    Mais je suis aussi très marquée par le fait d'être passée par un système français. Je suis en France, je vais entendre des trucs que je ne vais pas comprendre. Je suis ici, alors je vais les comprendre mieux, mais en miroir. Je pense que ça ne marche pas d'essayer de devenir quelqu'un que tu n'es pas. Et c'est une force.

  • Véronique

    Mais complètement, c'est pour ça qu'il faut... Je trouve que c'est important de montrer combien c'est une richesse. Peut-être à la base d'arriver en tant qu'expatrié et de se sentir immigré, ça c'est une difficulté, mais au quotidien, malgré toutes ces difficultés, pour moi on est riche. On est riche des expériences qu'on vit, même si certaines peuvent être difficiles. Et je pense qu'au bout de quelques années, si d'autres personnes sont amenées à peut-être vivre ce que tu as vécu, ou moins un peu une des phases que je traverse actuellement, c'est ok, mais avant tout on est soi. Pas besoin d'être norvégien, on est soit en Norvège.

  • Alban

    Tu as toujours de la famille, des amis en France. Et comment tu vis l'éloignement ? Comment tu l'as vécu en tout cas toutes ces années ? Pour ton fils aussi ?

  • Véronique

    Et d'ailleurs, quand tu as annoncé que tu étais installé en Norvège, comment ça s'est fait tout ça ?

  • Lucie

    Il y avait une logique qui ne les a pas surpris, parce que j'étais avec un Norvégien depuis très longtemps, ce n'était pas étonnant. Par contre, j'ai longtemps vécu dans l'idée du retour. Alors il se trouve que depuis, on s'est séparés. et que maintenant, j'habite ici avec un Allemand. Voilà. Donc, c'est une autre configuration. C'est-à-dire qu'on est tous les deux immigrés. C'est un petit peu comme vous. Et ce n'est pas du tout pareil que d'être dans un groupe avec un Norvégien ou une Norvégienne qui est chez lui ou chez elle. Ça n'a rien à voir. Je vais dire que c'est beaucoup plus facile pour moi. Parce qu'on est tous les deux dans notre rôle à l'intérieur de la société, il est le même. Dans notre parcours, il est le même. Dans les challenges et les défis qu'on a. Ce sont les mêmes, même si, parce qu'il est Allemand, il a d'autres challenges que moi. Je n'ai pas cette tristesse de l'exil parce que je l'ai choisi. Et qu'il faut se rappeler que je l'ai vécu quand j'étais enfant. Et c'était un moment de bonheur. Et ce qui a été difficile, en fait, ça a été le retour. Alors, on devait partir dans un autre pays et puis les choses ne se sont pas faites. On a été dans une espèce de limbo pendant quelques mois.

  • Véronique

    Quand vous étiez donc en Écosse.

  • Lucie

    En Écosse, oui. Donc, en gros, je crois que comme on est arrivé vers janvier, février, ça devrait se terminer en janvier, février. Mais en fait, ça s'est terminé... autour de Pâques, et moi, tout d'un coup, à un moment, j'arrive au mois de juin, en sixième en France. Alors j'avais changé. J'étais en primaire en Écosse, je me retrouve en sixième, je me retrouve à faire plein de cours que je ne connaissais pas. Voilà, c'était waouh, n'importe quoi. J'ai mon bulletin scolaire de un mois en sixième, c'était 0, 0, 0, genre je dois faire des efforts, sinon, voilà. Mes parents ont convaincu que j'avais le niveau scolaire et c'est vrai que c'était une question de temps et ça, ça a marché. Ce qui s'est passé à ce moment-là... c'est que j'ai réalisé, et ça reste encore marqué, et c'est encore plus marqué maintenant que je suis ici, c'est que t'as beau te tenir au courant, t'as beau être dans le coup, en contact avec des Français, t'as un gap, t'as des trucs que tu comprends pas. Les références culturelles, moi j'ai trois ans, je veux dire, je savais pas qui était Claude François. Enfin des trucs qui, pour des Français, étaient d'une évidence totale. donc je n'ai jamais vécu dans la tristesse je sais qu'il y a des gens qui ont ça qui se sentent trop loin de la famille et je pense que si c'est le cas c'est très difficile d'être heureux ici moi j'ai fait un choix j'ai une sœur qui habite à Londres donc c'est un peu normal j'ai des cousins en Irlande des cousins aux Etats-Unis un autre cousin qui est à Malte on est un peu tous comme ça c'est admis comment vous arrivez à maintenir le lien à distance ? On a fait pendant une période des cousinates qui faisait qu'on gardait des liens très forts. Moi, je vais régulièrement voir ma sœur qui est en Grande-Bretagne, qui elle est anglaise. Après le Brexit, j'ai une autre sœur qui est à Paris. J'ai une autre sœur qui est à Pau. J'essaie d'y retourner plus souvent maintenant. C'est-à-dire qu'avant, c'était des vacances scolaires, Noël, l'été. Maintenant, ça va être tous les deux mois. Parce que j'ai déjà des parents un peu. Peut-être que j'ai plus envie de les voir maintenant. Il y a l'âge. Il y a mon fils qui est à Paris. Il y a plein d'autres raisons qui font...

  • Alban

    Oui, bien sûr.

  • Lucie

    Tu vois, plus le temps passe... Je dis à des collègues, quand tu dépasses trois ans dans un pays, ça y est, c'est très difficile de passer à autre chose.

  • Véronique

    Je rebondis sur ça parce que, comme tu dis, l'histoire des trois ans, tu arrives en France... T'es à la masse.

  • Lucie

    Complètement.

  • Véronique

    Et en Norvège, en tout cas dans mon cas, moi je m'intéresse peu à l'actualité et tout ça. Je suis toujours un petit peu aussi à la masse. Mais j'apprends petit à petit et ça me va comme ça. Alors là, pour le coup, pas de complexe et tout. C'est moins un choix. Je n'aime pas trop les informations et tout ça. Mais ouais, c'est vrai que je pense qu'au bout d'un moment, t'importe les deux.

  • Alban

    Je ne sais pas si toi, tu aimes bien la neige, l'hiver. Comment tu vis le climat norvégien ?

  • Véronique

    Je venais du sud, en plus du sud de la France.

  • Lucie

    Oui, c'est sûr que je préférais qu'il fasse un petit peu plus chaud. et que quand on arrive ici à 25 degrés, je me sens bien. Et que mes collègues, cette année, je me rappelle, je ne sais plus quel jour, en mai, où il a fait super bon. J'arrive au bureau, mais j'étais là, enfin, il fait bon, quoi. Il faisait 25. Et un collègue qui arrive en même temps et qui me dit, je suis en sueur, c'est l'horreur. Je suis comme une cochon. C'est pas possible. Voilà. Donc, bon, t'es acclimaté à ce que t'as connu petit.

  • Véronique

    Ce qui est rigolo, c'est que tu parlais tout à l'heure, bon, je ne suis pas réfugié non plus politique, Je fais la blague, alors je ne sais pas si elle est bonne, mais je me considère déjà un réfugié climatique. Parce que pour le coup, moi, j'ai grandi et fait mes études dans le sud de la France. Et à partir du moment où j'ai commencé à bosser, qu'il fallait, tu sais, un peu chemise, y compris en été, je me suis dit, mais pas possible, en fait. J'avais eu l'occasion dans mes études de partir à Brest. Et je me suis dit, j'adore. Il fait meilleur. Tant pis si il fait gris. Il fait juste meilleur. Je peux travailler et vivre au quotidien comme ça. Et en arrivant à Norvège, on rebelote. C'est complètement ce qui me va. et j'en parle à d'autres personnes, notamment une collègue, une ancienne collègue brésilienne, elle aussi beaucoup trop chaud au Brésil. Elle était contente d'avoir plus frais ici. Mais c'est vrai que sur la durée, quand l'été arrive ou quand tu te rapproches, t'as bien envie d'avoir ces 25 degrés qui font plaisir.

  • Alban

    Ouais, parce que moi, autant j'ai l'impression de m'être habituée au climat norvégien et c'est vrai que j'ai plus de mal à supporter les grosses chaleurs qu'avant ou alors je supporte mieux les grands froids, on va dire. Mais par contre, c'est vrai que l'été, j'en vis les vraies températures d'été. L'été dernier, on est resté au mois de juillet en Norvège. J'adore pour tout ce qu'on a fait. Mais à la fin du mois de juillet, je lui ai dit, j'ai l'impression de ne pas avoir eu d'été.

  • Lucie

    On n'a pas fait gâter.

  • Alban

    Heureusement qu'on avait eu mai-juin où il avait fait super beau.

  • Lucie

    Typiquement, mon père a une super maison en Bretagne. Je lui ai dit, je suis désolée, je n'y vais pas parce que moi, il me faut une garantie de soleil.

  • Véronique

    J'adore, c'est exactement ce que tu apprendrais à me dire.

  • Lucie

    Chaque hiver est tellement différent. J'avais depuis longtemps acheté des chaussures à Campo, même si j'habite en centre-ville. C'est la première fois en 20 ans que je les ai portées plus de trois jours. J'ai porté trois semaines consécutives. Autour de moi, des gens, ce n'était pas que les mamies et les papys qui portaient ça. C'était tout le monde, même les jeunes. Donc un hiver vert glacé, c'est le « j'avais jamais eu » . Chaque hiver est différent.

  • Alban

    C'est quoi ton petit conseil pour survivre à l'hiver ?

  • Lucie

    C'est vraiment lié, je te dis, à l'illuminosité. Donc, ça va être la vitamine D dès le mois de septembre. On a ce qu'on appelle à la maison une lampe très forte. On l'appelle la happiness lamp à la maison. Et on la met. Je ne suis pas là devant, mais elle est dans la cuisine.

  • Véronique

    Alors, une petite anecdote. Notre fenêtre principale, la baie vitrée, donne sur la nature. Donc, il n'y a pas de lumière. Quelque chose qui est important pour nous depuis, ça fait un peu plus d'un an qu'on y vit. On met normalement déjà des éclairages en gros de Noël à partir de fin octobre, début novembre, pour nous renvoyer la lumière dès 16h ou avant, même quand les jours sont plus courts. Et pour ceux qui se demandent un peu parfois aussi le coût de la main-d'œuvre norvégienne, on a remplacé des fenêtres, donc on nous a dit ne faites pas passer le câble par la fenêtre pour ne pas endommager le joint. Ok, donc installons une prise dehors. Il n'y en a pas. On a demandé à notre ancien voisin électricien de vie pour poser la prise dehors. Roulement de tambour, qu'est-ce que tu dirais peut-être Véronique ?

  • Lucie

    Ouais, plusieurs milliers de couronnes, mais je ne sais pas si tu touches aux dizaines.

  • Véronique

    Alors quand même pas.

  • Lucie

    Quand même pas.

  • Véronique

    Je vais parler en euros grosso modo pour que ça parle à ceux qui nous écoutent. Entre 400 et 600 euros pour la prise. Oui,

  • Lucie

    mais parce que c'est le coût de la main d'œuvre. Toi aussi, ton coût horaire.

  • Véronique

    Bien sûr, il est très élevé.

  • Lucie

    Très élevé. Le coût horaire de toute personne en Norvège est très élevé.

  • Véronique

    Mais ça fait mal, voilà. C'est d'actualité parce qu'on a reçu l'info hier et je suis en train de la digérer toujours.

  • Lucie

    Le premier mois en Norvège, en gros, on était une famille de trois. Et je regardais les prix et je me suis dit, c'est quoi ? C'est n'importe quoi. En fait, j'ai eu un réflexe. J'ai tout noté ce qu'on dépensait en alimentation pour me faire une idée. Donc, j'ai su combien c'était, même si on n'avait qu'un nourrisson. Donc, en fait, on était deux. Et je suis sortie de cette expérience en me disant, voilà, tant que tu restes ici, ça, c'est quelque chose qui ne compte pas. Combien tu vas dépenser pour l'alimentation ? Tu vas t'adapter pour bien manger. Je ne peux pas manger des pizzas grandioses à surgeler tous les jours. C'est une miette, quoi. Donc, je fais beaucoup d'efforts dans ce domaine-là. Je fais partie de quelque chose qui s'appelle Coopérative, qui est un endroit où tu récupères des paniers. Et Coopérative, c'est bizarre, 30 à 40 % des gens qui viennent chercher les paniers, ils parlent français.

  • Véronique

    Ah oui, ça ne m'étonne pas.

  • Lucie

    Voilà, donc tu vas te dire, il y a un truc là. Parce qu'il n'y a pas 30 à 40% des habitants d'Oslo qui sont français. Ça compte, en particulier pour moi, et je pense que c'est un trait culturel. Et donc, non, je ne m'interdis rien pour passer ces six mois. Mais au début, c'est vrai que je disais, j'ai vécu, au lieu de dire j'ai vécu 22 ans, j'ai survécu 20 hivers.

  • Alban

    Peut-être, moi, ce qui m'intéresse... Est-ce qu'il y a des traditions norvégiennes ou des habitudes norvégiennes que tu as adoptées dans ton quotidien comme une vraie norvégienne ?

  • Lucie

    Tout ce qui est schéma pour survivre l'hiver. Donc, les bougies, la vitamine D, la lampe, la happiness lamp. Au niveau alimentation, non, on mange plutôt comme les Français, normalement. Il faut dire ce qui est.

  • Alban

    Mais est-ce que, par exemple, vous mangez plus tôt ? Parce qu'en France, on avait peut-être tendance... Oui,

  • Lucie

    mais bon, on a aussi une vie humaine. Maintenant, on n'a pas d'enfants à la maison. On va faire du sport, donc on va monter plutôt comme des Français. J'ai un conjoint qui aime beaucoup la nature, qui pratique des sports en extérieur. Donc, lui, il va faire du ski de fond, tout ça. C'est pas mon truc. Je survis sans faire du ski.

  • Véronique

    Bravo, parce que nous, on a tendance à dire l'hiver peut être long si on ne fait pas d'activités de sport d'hiver. C'est cool de voir que si, c'est possible aussi.

  • Lucie

    C'est possible, mais aussi parce que j'étais... Quand j'ai vécu avec un Norvégien, c'était un Norvégien qui n'en faisait pas.

  • Véronique

    Oui, oui, voilà.

  • Lucie

    C'est d'autres choses. Plein d'autres choses à faire. Mais effectivement, la nature, elle est à disposition. C'est à toi de l'utiliser quand on a envie.

  • Alban

    Et pour ceux qui n'aiment pas le ski, alors qu'est-ce qu'on peut faire l'hiver de sympa en Norvège ? Ou à Oslo, du moins ?

  • Lucie

    Oslo s'est transformé sur un plan culturel d'une manière extraordinaire. L'Oslo que je venais visiter fin des années 90. n'est pas l'Oslo d'aujourd'hui. Donc, il y a déjà le rassemblement qu'ils ont fait des musées. Il y a beaucoup plus d'expos. Il y a une offre ciné qui n'existait pas. Évidemment, ce n'est pas Paris ou Londres. On ne va pas...

  • Véronique

    Oui, bien sûr.

  • Alban

    Oui, mais je suis assez d'accord. Même, je trouve que depuis notre arrivée, je trouve que ça a vachement évolué.

  • Lucie

    Oui. Et puis,

  • Véronique

    ils veulent se rendre attractifs, je pense. Contrairement à Stockholm, on va dire, qui est très, très connu aussi par les étrangers, Oslo, je pense, n'a pas atteint le même rang. Mais la ville... se mobilisent énormément, en tout cas c'est mon impression, pour être une ville très très agréable, y compris pour les week-end getaway.

  • Lucie

    Il se passe toujours des trucs, mais maintenant on a une saison incroyable, on a des aurores boréales en pleine ville. C'est fou ça. Un truc dingue, j'ai jamais vu en 20 ans. Moi-même, le fameux jour où il y en a eu le plus, c'était un jeudi soir, sur mon balcon, en plein centre-ville. De fou.

  • Alban

    Il y a des trucs à faire.

  • Lucie

    Il y a des trucs à faire, même si tu n'es pas sportif et nature à 110%.

  • Alban

    Et au contraire, est-ce qu'il y a des trucs que tu ne veux pas de... de tradition norvégienne.

  • Véronique

    Y compris culinaire, d'ailleurs. Parce que ça, ça peut être un peu parfois délicat.

  • Lucie

    Non, j'ai mangé du lutefisque. Je ne suis pas très viande, donc je ne vais pas manger du pinechiotte et tout ça. Non, je ne suis pas réfractaire à quoi que ce soit. Même le fromage en tube ? Oui, oui, tout ça, je fais. Oui,

  • Véronique

    elle est super.

  • Lucie

    Oui, oui, je ne sais pas ce quotidien.

  • Véronique

    Ça fait un pur noir. Oui,

  • Lucie

    oui, non, mais je fais mackerel et tomate. Oui, oui, non, mais je ne m'interdis rien. Non, mais... C'est pas mon quotidien. J'ai pas grandi avec. J'ai pas de bunade. Je me vois pas porter le costume paléonel norvégien. Et je sais qu'au 17 mai, tu vois beaucoup d'immigrés, je pense, deuxième génération, qui vont en porter. Moi, je me vois pas m'acheter et porter un bunade.

  • Véronique

    C'est vrai que j'imagine peut-être nos filles.

  • Lucie

    Nos filles, c'est évident. Parce que quand t'es gamin, tu veux être comme...

  • Véronique

    Bien sûr,

  • Lucie

    une fois de plus, t'as rien. Et puis, elles, ça dépend combien de temps vous restez ici, mais elles sont norvégiennes. Ici, c'est leur vie. Même les Norvégiens, entre eux, le disent, parce que des fois, t'as des modes de bunade. Si t'es pas de cette région et que tu vas le porter juste parce qu'il est à la mode, moyen, quoi.

  • Alban

    Ça perd un peu le sens du...

  • Lucie

    Oui, voilà, le truc, c'est lié à un attachement à quelque chose.

  • Véronique

    Véronique, c'était vraiment super agréable de t'avoir avec nous. Je pense que tu as encore plein d'autres choses à partager, donc volontiers, si un jour tu veux revenir avec nous. Merci pour tous tes conseils et toute ton honnêteté. C'est génial et je pense que ça va autant servir à des gens qui peut-être vivent actuellement en Norvège ou sur Oslo. Et j'espère aussi autant pour ceux qui ont peut-être projet de s'y installer ou simplement les curieux qui nous écoutent. Pour terminer, j'aimerais te demander... Est-ce que tu pourrais partager quelque chose que tu adores de la Norvège ?

  • Lucie

    Le pragmatisme. J'adore, il y a une solution à tout. Je regarde mes collègues ou mes amis norvégiens dans la difficulté et comment ils s'en sortent. Et c'est super positif. Et venant d'un pays, la France, où on est plus du côté négatif. c'est-à-dire à plus à râler. L'orégien ne râle pas autant. Il ne va pas cacher son opinion. Mais j'admire qu'il y a des situations de vie au boulot ou ailleurs où je les vois régler des problèmes. C'est vrai qu'aussi, ils vont avoir tendance à les mettre sous le tapis.

  • Véronique

    C'est parfois le contre...

  • Lucie

    Il y a aussi cette tendance-là, et ce n'est pas celle-là que j'admire. Celle que j'admire, c'est une capacité sans hausser le ton. sans aller vers le conflit, à trouver une solution en commun. Et sur un plan politique, on aurait des... On pourrait parler pendant cinq heures parce que...

  • Alban

    Ça m'intéresse.

  • Lucie

    Ils sont conditionnés à ça, élevés à ça.

  • Alban

    Même en politique, tu trouves qu'il y a cet aspect-là ?

  • Lucie

    Ah oui, mais totalement. Je vois les politiciens en France,

  • Alban

    j'ai l'impression que c'est...

  • Lucie

    Non, non, non. Je vais te donner... Il y a deux trucs. D'abord, un, je me rappelle quand je commençais à comprendre les Norvégiens à suivre des débats politiques en Norvège, parce que je m'intéressais à la politique, je suis impliquée. J'ai dit à un collègue... au bureau. Qu'est-ce qu'ils sont polis entre eux ? Et lui, on a fait une chronique politique, parce qu'il est journaliste aussi, et il a écrit dans un des papiers en disant, une collègue venant d'étrangers trouve que nous sommes trop polis politiquement. En fait, maintenant, je dirais, non, ça fait partie du consensus. Et la manière dont c'est construit, c'est qu'il y a deux éléments qui sont dans la constitution politique norvégienne qui participent de ça. Le un, c'est que si vous allez visiter le Parlement, vous allez vous rendre compte qu'ils sont installés pas par droite et gauche, comme l'hémicycle français. Non, ils sont installés par région. Donc, si tu es élu d'Oslo, si à côté de toi, tu as un mec du RN et toi, tu es un parti de gauche, vous allez être assis ensemble, au même pupitre. Donc, tu résonnes, tu représentes ta région.

  • Véronique

    Ça change déjà complètement l'approche d'hémicycle. Exactement.

  • Lucie

    Ça change, oui. Ils travaillent ensemble. Et deuxième truc, c'est la seule constitution au monde qui est une démocratie et où il n'y a pas de dissolution.

  • Véronique

    Donc, c'est décidé, c'est décidé.

  • Lucie

    C'est décidé, c'est décidé. Les gens ont voté. Ça a duré quatre ans. débrouillez-vous. Et ça oblige la meilleure solution en commun. Bon voilà,

  • Alban

    je suis en train de te dire qu'un petit épisode sur la politique, ça serait peut-être pas mal.

  • Véronique

    Je pense qu'il n'y a plus d'insuivisme sur lequel tu pourrais revenir. Avant qu'on termine Véronique, je voulais te demander, est-ce qu'il y a quelque chose que tu détestes en Norvège, ou qui est très difficile à dire ?

  • Lucie

    Non, il y a des choses qui me choquent parce que culturellement, je ne suis pas habituée. Est-ce que je vais détester à ce point ? C'est un mot fort. Je n'apprécie pas forcément leur... tendance à facilement... Je ne sais pas comment on dit en français. Accountability. Ils vont facilement trouver une porte de sortie. C'est-à-dire qu'il y a une difficulté. Ils vont te dire je ne l'ai pas fait exprès et excuse-moi. Et après, le truc est réglé. Je ne sais pas si vous vous rencontrez ça. Au final,

  • Alban

    je ne travaille pas beaucoup avec des Norvégiens.

  • Lucie

    Ah oui, d'accord. Ok.

  • Véronique

    Ce n'est pas la première fois que je l'entends. Mais est-ce que moi, je le ressens ? Peut-être moins.

  • Lucie

    Mais c'est mineur. Non, je déteste rien en fait. Tant mieux.

  • Alban

    Et est-ce que tu envisages de partir de la Norvège ? Non,

  • Lucie

    non, non, plus du tout. Alors si j'ai du mal à me projeter dans une maison de retraite pour des raisons juste simplement de gastronomie. J'adore. Donc j'ai dit à mon fils, pas dans une sucueille. Non, non, non, mais bon, il y a plein de raisons pour lesquelles on y est bien. Et il faut se rapprocher au positif parce qu'évidemment, c'est pas chez toi, mais c'est comme chez toi.

  • Alban

    Je te connaissais pas et du coup, ça a été super d'apprendre tout ça sur ta vie. Même moi qui suis là depuis six ans, parfois tu faisais des réflexions, surtout par rapport à l'éducation de ton fils et tout. Et dans ma tête, ça fusait. Même alors pour mes filles, moi, comment on va faire et tout. Donc, je pense qu'on va avoir des petites discussions suite à cet épisode. Donc, je suis sûre que pour d'autres personnes, ça va faire pareil. Merci beaucoup Véronique. Et puis, à très bientôt.

  • Lucie

    À bientôt.

  • Alban

    Et nous, on se retrouve pour un prochain épisode. Et on vous dit à très bientôt.

  • Véronique

    Sous les aurores.

  • Alban

    Si cet épisode vous a plu. Pensez à nous laisser une note et un avis sur votre application de coup de préféré.

  • Véronique

    Ou un commentaire sur YouTube, ça nous aide énormément à faire grandir le podcast.

  • Alban

    Merci et à très vite pour le prochain épisode.

Description

Dans ce deuxième épisode de Sous les Aurores, nous recevons Véronique, qui vit en Norvège depuis plus de vingt ans. Partie par amour, elle nous raconte comment son installation s’est transformée en une véritable aventure d’immigration. Au fil de notre conversation, nous découvrons avec elle son parcours entre le Sud de la France, l'Écosse, Paris et Oslo. Elle nous raconte les défis de la langue et la recherche de travail, le choix de scolariser son fils entre système français et norvégien ainsi que son regard sur l’identité, la politique et la vie quotidienne en Norvège.


Véronique partage aussi ses astuces pour s’adapter à l’hiver et profiter de la culture norvégienne, sans renier ses racines françaises - le tout avec une touche d'humour.


Prêts à explorer une autre facette de l’expatriation ? Alors, installez-vous confortablement et laissez-vous guider Sous les Aurores !


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Transcription

  • Lucie

    Salut, c'est Lucie.

  • Alban

    Salut, c'est Alban.

  • Lucie

    Trentenaire et parent de deux petites filles.

  • Alban

    Bienvenue dans Sous les Aurores.

  • Lucie

    Le premier podcast réalisé par un couple de Français en Norvège.

  • Alban

    Sous les Aurores, c'est le podcast haut en couleurs qui vous emmène vivre toutes les nuances de l'expatriation et de l'immigration en Norvège et bien au-delà.

  • Lucie

    Que vous soyez déjà expatrié, immigré, que vous rêviez de le devenir ou que vous soyez simplement curieux de découvrir d'autres façons de vivre, ce podcast est fait pour vous.

  • Alban

    Alors, mettez-vous à l'aise, servez-vous une bonne tasse de thé ou un verre de vin. et rejoignez-nous sous les aurores. Au menu, discussion sincère,

  • Lucie

    moment de rire et d'émotion,

  • Alban

    et surtout, beaucoup de belles découvertes.

  • Lucie

    Alors, bienvenue chez nous sur un nouvel épisode de Sous les aurores.

  • Alban

    Bienvenue à tous sur un nouvel épisode de Sous les aurores. Aujourd'hui, nous recevons une nouvelle invitée. Il n'est pas une inconnue, en tout cas pas pour moi. un peu plus pour Lucie, mais nous avons tous les deux très hâte de faire plus en plus connaissances, donc merci à toi d'être ici. Je vais te poser quelques questions. Comment t'appelles-tu ? Depuis combien de temps vis-tu en Norvège ? Dans quel domaine travailles-tu ? Et enfin, est-ce que tu pourrais nous parler d'un culture shock ?

  • Véronique

    Bonjour à tous les deux, merci de l'invitation, c'est super sympa. Je m'appelle Véronique Revoy, je suis arrivée en Norvège en août 2002, donc ça va faire plus de... 22 ans. Mais j'ai commencé à venir en Norvège plus tôt. A partir de 1996, j'ai fait des allers-retours, uniquement à Oslo à l'époque. Pour le reste, au quotidien, je travaille dans une grande entreprise norvégienne où je suis responsable d'une équipe qui fait de l'innovation pour l'Europe. Je suis dans un milieu qui n'est pas si norvégien que ça au quotidien, il faut le dire, c'est très international, il y a beaucoup de nationalités. Mais bon, j'habite quand même ici. Quoi d'autre ? Culture choc. Alors... En même temps, je pensais connaître. C'est ça qui a été le plus...

  • Alban

    Parce que tu faisais déjà des allers-retours ?

  • Véronique

    Oui, je faisais des allers-retours. Donc, ma vie, elle était entre Paris, des projets internationaux où je voyageais beaucoup, et puis Oslo, où j'avais mon copain d'époque. Je me suis dit, ouais, facile, quoi. Là, tu le connais. Ça fait quand même beaucoup d'années que tu pratiques la Norvège. Ce n'est pas une découverte. En fait, il y en a eu plein. Le premier, ça a été de me retrouver à Körbrugge, avec mon fils qui était bébé. Et de me balader, c'est au mois d'août, mais d'avoir froid. C'est vrai. Donc, le 15 août, ça peut arriver qu'il y ait du gel. Donc, ça, c'était... Ah, mais c'est le 15 août. Non, non, mais le 15 août, c'est l'automne. Bon, voilà, ou le début de l'automne. Ça, ça a été le premier culture-choc. Et le deuxième, c'est en les regardant. C'était à Aker Brygge, qui est quand même un quartier où les gens...

  • Lucie

    Pour les auditeurs, c'est le port d'Oslo.

  • Véronique

    Voilà. Et de me dire, mais j'ai l'impression de vivre dans une pub Ralph Lauren. Parce qu'ils étaient... tous tellement bien habillés, soignés, propres sur eux, blonds. Je me disais, mais c'est quoi ce truc ?

  • Alban

    J'adore parce que c'est vrai que c'est soit un culture shock ou un stéréotype ou peu importe. Je continue de le vivre,

  • Véronique

    ça. Oui, voilà, c'est ça. C'est un souvenir que j'ai des tout premiers jours qui a été assez marquant.

  • Lucie

    Et du coup, tu nous disais que tu faisais des allers-retours. Pourquoi la Norvège ? C'était pour le travail ?

  • Véronique

    Non, c'était pour un Norvégien. Pour un Norvégien. Donc, Venus Trap, pour l'amour. Enfin, voilà quoi. Je veux dire, il y a une très grosse partie de la communauté, non seulement française, mais étrangère, qui est là parce qu'ils ont, par hasard, à un moment dans leur vie, rencontré un Norvégien ou une Norvégienne.

  • Lucie

    Et comment tu l'as rencontré ?

  • Véronique

    Oh là là, ça, c'est une très longue histoire. Donc, en fait, je l'ai rencontré à Moscou. Ah oui. Où j'étais parce que j'avais un copain qui avait des ambitions pour être à la tête. de la Fédération Internationale des Échecs.

  • Alban

    Ah, j'adore !

  • Véronique

    Un truc improbable. J'étais au Jeux Olympiques des Échecs, où j'étais là, mais pas parce que je joue, mais parce que je l'aidais. Je l'aidais au quotidien à faire sa campagne politique. J'ai fait des études de sciences politiques, j'ai toujours fait des campagnes politiques. Par un copain intermédiaire, on s'est rencontrés. Je me suis retrouvée catapultée à Moscou, et dans son équipe, c'est une présentation... d'une liste de candidats, il y avait le président de la Fédération Norvégienne des Échecs qui est devenu mon conjoint pendant un certain nombre d'années et le père de mon fils. D'accord.

  • Lucie

    Et du coup, tu faisais au départ des allers-retours pour le voir en Norvège. Oui,

  • Véronique

    c'était ça. Toi,

  • Lucie

    tu es d'où à la base ?

  • Véronique

    Bon, je vais dire plutôt où j'ai habité. Donc, Paris, le sud de la France, du côté d'une petite ville qui s'appelle Martigues.

  • Lucie

    Un petit voisin d'Alban.

  • Alban

    Mais attends, on a plein de choses à se raconter.

  • Véronique

    Voilà. Et ensuite, mon père a eu un job. Il est parti en expatriation à Édimbourg. Donc en gros, il travaillait dans le milieu du pétrole. Donc Édimbourg. J'ai aussi passé à Oxford pendant un an. Et Oslo. En fait, maintenant, Oslo, c'est l'endroit où j'ai lu. pratiquement le plus vécu le plus longtemps.

  • Lucie

    Et du coup, qu'est-ce qui t'a décidé à déménager là-bas ? Comment il t'a convaincu ?

  • Véronique

    Le bébé.

  • Lucie

    Ah !

  • Véronique

    Voilà. On a eu à un moment un fils qui est né à Paris. C'était mon choix plutôt d'accoucher à Paris parce qu'à l'époque, je ne connaissais pas la langue. Voilà, donc je me suis dit, il y a ma famille. Donc j'étais mieux à Paris. Mais à ce moment-là, je travaillais pour une boîte qui s'appelle Ericsson. Et Ericsson a vraiment fait un énorme plan social, environ 50% des gens au niveau mondial. Donc, j'étais en congé maternité et mon chef m'appelle. Il me dit, voilà, on va vraiment réduire l'équipe. Je te propose de rester. Moi, j'ai dit, en fait, non. L'opportunité fait la ronde. Donc, je vais récupérer un petit package. Et puis, avec ces sous, je vais pouvoir profiter un peu plus longtemps du congé maternité et puis faire une petite tentative de la Norvège. Mais c'était jamais dans l'idée d'y rester. Et j'arrive avec mon fils qui avait trois mois, enfin quatre mois, c'était vraiment un nourrisson. Et je me rends compte très rapidement qu'au-delà de l'aspect vie de famille, je lui offrais deux choses. Un, l'opportunité d'être vraiment dans du franco-norvégien. C'est-à-dire que la Norvège en France, c'est tout petit. Il y a très peu de Norvégiens. J'aurais dû travailler beaucoup pour lui donner les deux, la culture. Il aurait fallu trouver des moyens. d'y arriver. Moi-même, j'ai un background familial mixte. Je voulais lui donner les deux. J'ai vraiment travaillé dans cette optique-là. Et la deuxième chose, c'était vous avez des enfants jeunes, c'est un hôtel 5 étoiles. Donc je me suis dit, je suis arrivée en août avec lui, à l'entour du 15 août, et en octobre, j'ai déposé les papiers pour faire l'Opal Stigartalsen, le permis de s'installer en Norvège. Et donc, c'est arrivé évidemment très très vite. dans le cas de réunir la famille.

  • Alban

    Et donc, c'est vraiment un peu, comme tu disais, cette opportunité. À la base, il n'en est pas une, donc c'est déjà super d'avoir envisagé ça. Mais c'est ça qui a déclenché votre projet d'installation en Norvège ?

  • Véronique

    Le papa était en Norvège. Et lui, il a un métier qui faisait que c'était beaucoup plus difficile pour lui de s'expatrier. Donc, il a fait, sur les années où on a été ensemble sans enfants, il y avait des périodes où... Il était plus à Paris. Il y a eu des périodes où j'étais plus à Oslo. Donc on a fait un petit peu toutes les combinaisons. Mais c'est vrai, une fois que tu as une vie de famille, c'est un peu n'importe quoi d'être sur deux pays. La question ne s'est pas posée. Moi, je ne me la suis pas posée. C'était juste une opportunité. J'avais tout d'un coup un peu d'argent devant moi. L'envie de faire un petit peu un congé maternité à la norvégienne. Si j'avais été résidente norvégienne, c'est ça qui m'avait dit. Si tu viens et que tu accouches, on aura quelque chose voilà je me suis dit non non je préfère faire tout ça en France donc il a vécu trois mois en France donc une fois ici c'était un peu une évidence même si je recommande pas de s'installer au mois d'octobre tiens tiens je sais pas vous êtes arrivé aussi en octobre ?

  • Alban

    non en août ah ouais d'accord non on a discuté on sera arrivé dans un autre épisode pour le coup ça a été au début ça a été août 2018 et je sais pas si tu t'en rappelles mais les norvégiens en parlent comme de l'été indien.

  • Lucie

    Je comprends que quand t'arrives, tu te rends compte que c'est quand même un peu un paradis pour construire sa famille. Qu'est-ce qui a été en revanche le plus difficile en s'installant ?

  • Véronique

    Trouver un travail. Donc en fait, j'arrive, je n'ai pas de travail. J'ai le petit bébé, donc du coup, c'était vraiment l'idée de garder un peu de temps pour lui. Mais il fallait quand même avoir une petite rentrée d'argent parce que ce n'est pas donné la Norvège. Ouais. En partant de France, je dis à des gens que je me mets très rapidement en freelance. Et donc, j'avais une espèce d'équilibre qui était du temps pour l'enfant, travailler. Mais le problème, c'est que tous mes contrats étaient à l'extérieur de la Norvège. Donc, je cherche du travail. Je me rends compte rapidement que la langue est indispensable, non seulement pour la vie de couple, la vie de famille, mais aussi pour le travail. Et du coup, je prends des cours. Et à l'époque, je pense que c'est fini maintenant. Mais si tu venais dans le... cadre d'une réunion familiale avec un citoyen d'un pays nordique, tu avais 800 heures de cours gratuits.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Maintenant, je crois que c'est juste pour les réfugiés. Donc, je vais à ces cours et je me dis, non mais tu ne vas pas faire qu'apprendre le norvégien. Et à un moment, la prof explique que voilà, on a fini la grammaire. C'est vrai que ce n'est pas une grammaire qui est archi difficile.

  • Alban

    Ça, c'est clair. C'est justement pour ça qu'on ne s'est malheureusement pas, nous, empressés. Mais c'est vrai. Voilà.

  • Véronique

    Donc là, en bonne française, je me dis, ah bon, il n'y a plus rien à apprendre. Donc on va aller pratiquer. En fait, j'ai arrêté les cours, mais je n'ai pas franchement pratiqué. Et du coup, je me suis trouvée dans une espèce de truc qui a fait que si j'allais trouver du travail, mon norvégien n'était pas super au top. Il fallait que ce soit dans un environnement international. Donc j'ai mis beaucoup de temps. J'ai mis quatre ans.

  • Alban

    T'inquiète pas, il y a des gens qui sont là depuis six ans et ils sont loin d'être impeccables.

  • Véronique

    Non,

  • Lucie

    Quatre ans a trouver du travail.

  • Véronique

    A trouvé du boulot.

  • Alban

    A trouvé du boulot.

  • Véronique

    Ah ouais, c'est quand même... Je le dis aux gens qui arrivent.

  • Lucie

    Je pense que c'était la langue qui faisait barrière.

  • Véronique

    Dans un métier où le contenu de ce que tu écris importe, où la langue importe, je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas informaticienne, je ne suis pas... Quelqu'un qui travaille avec des chiffres, qui travaille avec la langue.

  • Lucie

    Et le norvégien, au bout de quatre ans, tu le maîtrisais ?

  • Véronique

    Non.

  • Lucie

    Est-ce que tu parlais norvégien avec ton conjoint ?

  • Véronique

    Non. Non. Donc, il y avait les Français, Anglais, Norvégiens à la maison. Moi, ayant pratiqué l'anglais, j'ai habité en Écosse quand j'étais petite. L'anglais, c'est comme le français pour moi. Je n'avais pas besoin du norvégien. Vous savez, ça commençait au début. Oui,

  • Lucie

    parce que dans ton quotidien, aller faire tes courses, l'anglais, ça suffisait même à l'époque.

  • Véronique

    Oui, oui, largement. Ça a freiné les choses en termes de la possibilité de trouver un travail qui soit dans un cadre norvégien. À un moment, je rencontre une agence de marketing norvégienne qui est très particulière, très innovatrice par rapport au truc traditionnel. Et eux, je ne sais pas, ça tilte et ils me proposent de m'installer dans leur bureau. J'étais une source d'inspiration. C'était un win-win parce que pour moi... Je me retrouvais dans un milieu norvégien professionnel pour la première fois de ma vie.

  • Alban

    Mais alors du coup, quand tu dis « ils me proposent de venir dans leur bureau » , c'était en tant qu'employé ?

  • Véronique

    Non, juste m'installer. C'était comme si c'était aujourd'hui, c'est-à-dire que j'arrivais avec mon ordinateur.

  • Alban

    Les prémices du coworking.

  • Véronique

    Ouais, voilà, c'est ça. Je te dis, ils étaient très très en avance sur plein de trucs. Maintenant, ils se sont éparpillés parce que la boîte n'existe plus. Mais quand je lis les articles, en particulier sur les deux fondateurs qui font encore des trucs... C'est des gens marquants en Norvège, par rapport aux études d'opinion en particulier. Tout ça pour dire que ça, ça a facilité mon intégration, parce que je me retrouvais pour la première fois au quotidien avec des Norvégiens qui n'étaient pas simplement mon conjoint.

  • Alban

    Et est-ce qu'avant ça, parce que tu dis que tu t'es retrouvé avec d'autres Norvégiens que ton compagnon au quotidien, est-ce que vous aviez quand même, en plus tu avais l'habitude de venir déjà avant votre installation, est-ce que tu avais un noyau social aussi ici ?

  • Véronique

    Oui, à travers lui, mais qui était parce que ce n'est pas un Norvégien. Alors, il n'aime pas faire du ski. Il y avait...

  • Lucie

    Ce n'est pas un vrai Norvégien.

  • Véronique

    C'est un Norvégien, mais de passeport et d'identité et très Oslo.

  • Alban

    En plus. En plus.

  • Véronique

    Donc, il est grandi à Oslo, toute sa vie à Oslo. Nordstrand, c'est très, très marqué. Même un quartier d'Oslo. Donc, les gens autour de lui étaient très internationaux. J'ai... pas eu vraiment une intégration norvégienne. Donc, je l'ai cherché, donc, familie Bornhage comme vous, c'est-à-dire donc une crèche pour l'enfant où il y avait une implication des parents. Et puis, en fait, la deuxième chose que j'ai faite, j'ai cherché des gens qui me ressemblaient, c'est-à-dire que je suis allée à la PMI, à Health Station, ça s'appelle ici, avec l'enfant pour les contrôles réguliers. Et j'ai... très rapidement posé la question, disait est-ce que là, vous avez des femmes francophones qui viennent vous voir ? Et quelle chance, dès que j'ai posé la question, elle m'a dit justement, j'en connais une autre, je vais lui demander si elle est ok pour avoir ton numéro, et boum, de là je suis rentrée dans un petit cercle que j'ai encore de mamans franco-norvégiennes qui avaient eu des bébés à ce moment-là, donc j'ai fait un Barshels Group. Donc le Barchels Group, pour expliquer, c'est quand tu as un enfant, tu es dans une cohorte de parents qui ont eu un enfant au même moment et qui se retrouvent pour faire des activités en commun. Donc on a créé notre petite Barchels Group franco-norvégien.

  • Lucie

    Ça existait le Barchels Group ?

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Mais toi,

  • Lucie

    tu as fait ton groupe français ?

  • Véronique

    J'ai fait mon groupe français.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Enfin francophone. Les personnes que j'ai rencontrées à ce moment-là sont encore des amies.

  • Alban

    c'est génial parce que c'est très culturellement norvégien ces groupes de naissance mais certains se suivent toute la vie c'est ce que j'essaie d'expliquer parfois à d'autres personnes des adultes aujourd'hui ont fait la même école, le même collège, le même lycée mais certains même,

  • Véronique

    les mamans se connaissaient dans le groupe de naissance donc c'est quand même incroyable et toi tu as fait ça quelque part on a fait ça mais c'est tout petit et puis forcément comme on est des expatriés il y en a qui sont partis oui,

  • Alban

    oui

  • Véronique

    De ce groupe-là, nous restons trois. Les garçons, c'est trois garçons qui sont nés au même moment, qui ont pour certains été au même barnageux et qui sont meilleurs potes.

  • Lucie

    C'est génial.

  • Véronique

    C'est incroyable.

  • Alban

    C'est fou ça.

  • Véronique

    Donc, on a fait notre petit truc à la norvégienne.

  • Lucie

    Ton fils, maintenant il a 22 ans, c'est ça ? Il a toujours été dans le système éducatif norvégien ?

  • Véronique

    Non, il a commencé en barnhage, donc en crèche slash école maternelle norvégienne. C'était très difficile, on en a parlé tout à l'heure, de trouver une place. Donc on a un peu... On a dit la vérité, on a dit qu'il n'y avait pas de Norvégiens à la maison. Et du coup, ça l'a propulsé pour avoir une place. De même que son meilleur pote. son ami d'enfance. Mais à un moment, il faut comprendre que moi, mon parcours, il a été de me retrouver tout d'un coup en Écosse. Là, j'ai eu presque dix ans. En gros, je suis passée d'une petite école primaire à côté de Martigues, du jour au lendemain, au mois de janvier ou février, à une école primaire uniquement en anglais en Écosse.

  • Alban

    Et là aussi, tu suivais les élèves un peu de classe en classe et que là, boum, tu changes tout. Tu changes ton quotidien, ta maison, la langue.

  • Lucie

    La langue,

  • Véronique

    oui. Tout, tout. Ils ont fait ce choix, mes parents. Je pense que les parents d'aujourd'hui ne font pas forcément les mêmes choix. Mais bon, ça a été quand même pas évident, mais ça m'a appris beaucoup de choses. Et nos parents nous parlaient français, mais nous, on parlait anglais. Et voilà, donc je savais que de mettre un enfant dans un système scolaire... d'une autre langue, ça veut dire que c'est cette langue-là qui va dominer.

  • Alban

    La langue du système scolaire, donc ? Oui.

  • Véronique

    Parce que l'enfant, et moi j'étais cet enfant-là, donc je parle de mon vécu d'enfant, veut être comme les autres.

  • Alban

    Oui.

  • Lucie

    Bien sûr.

  • Véronique

    Donc, il y avait plein de choses qui se passent, qui sont passées dans ce moment-là de ma vie, où j'ai vécu la différence. Et je sais qu'en tant qu'enfant, c'est pas facile. Le deuxième sur le, c'est que pendant ce moment de vie, si on voulait entretenir le français, d'abord moi... En tant qu'enfant, j'étais récalcitrante. Et donc, il y a eu quelques moments, les parents n'ont pas été trop dans ça, mais je me rappelle de moments où il fallait s'asseoir le week-end et faire des dictées.

  • Alban

    Ah oui, quand même.

  • Véronique

    Bah oui, parce que sinon, tu perds la langue. Moi, j'en ai des séquelles. Je ne veux pas dire qu'elles sont horribles, mais il faut d'orthographe. C'est une langue difficile. Je voulais vraiment qu'il ait cet équilibre. C'est lui, un papa norvégien, une maman française, ça c'est lui. Je voulais qu'il ait cet équilibre à tous les moments. Et donc, il a commencé en barnhage, enfin en crèche norvégienne. Mais à un moment, moi, je ne voulais pas que ce soit moi qui ai le boulot de lui apprendre le français. Je ne parle pas de l'oral, je parle de l'écrit et du lu. Et donc, j'ai délégué ça à l'école française. Donc, je l'ai mis là-dedans.

  • Lucie

    À partir de quelle classe ?

  • Véronique

    Il est rentré en moyenne section de maternelle. Tout simplement, après, c'est quel enfant tu as en face de toi. Et il se trouvait que c'était quelqu'un qui était très scolaire, même à l'âge de 4 ans, c'est-à-dire à déchiffrer les lettres. Et donc, le barnhage norvégien, c'était bien, mais c'était que du jeu.

  • Lucie

    Pour expliquer quand même la différence, c'est qu'une école maternelle norvégienne et une école maternelle française, c'est très différent. La Norvège, ça va être... beaucoup plus dans le jeu, dans la nature, dehors, apprendre...

  • Alban

    L'autonomie, le quotidien un peu, on va dire.

  • Lucie

    Voilà, et l'école maternelle française, ça va être beaucoup plus scolaire, avec des acquis précis à avoir pour ensuite la primaire.

  • Véronique

    J'étais plus au départ dans l'idée qu'il rentre plus tard, enfin je veux dire plus proche de la primaire que là où il est rentré, mais ça lui correspondait. Et il s'y retrouvait comme un poisson dans l'eau, c'est-à-dire qu'avec des enfants... qui était comme lui, dans le bi culturel, je veux dire à tel point qu'un jour plus tard, quand il était en primaire, ils ont travaillé sur les origines, la généalogie, tout ça. Et puis, il rentre de l'école et il me raconte qu'il y avait une petite fille dans sa classe extraordinaire. Elle est franco-française. C'est trop chou !

  • Alban

    C'est fou !

  • Véronique

    Elle a ses deux parents français ! Alors je lui dis, écoute, en fait, ça, c'est le modèle dominant en France.

  • Alban

    C'est trop drôle.

  • Lucie

    Il y a des franco-français.

  • Véronique

    Il y a des franco-français, ça existe. Mais pour lui, ce n'était pas le modèle dominant, ni dans son quotidien à lui, ni dans sa classe.

  • Lucie

    Oui, c'était soit tu as deux parents norvégiens,

  • Véronique

    soit tu as un parent d'un norvégien et de l'autre, soit tu as deux parents qui ne sont pas norvégiens. Trop drôle. Et son père était favorable. Donc, je n'ai pas eu ce débat.

  • Lucie

    Et vous habitiez proche de l'école française ? Oui. Parce qu'il n'y en avait qu'une ?

  • Véronique

    Oui, il n'y en avait qu'une qui a toujours été au même endroit depuis les années 60. Oui,

  • Lucie

    donc ça ne se posait pas la question. C'était facile de savoir.

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Tu fais un choix de vie qui s'articule autour de ça.

  • Alban

    Oui, c'est vrai. Ça reste une contrainte logistique, on va dire, en tout cas. Oui,

  • Véronique

    parce qu'il faut y aller. J'ai eu le bonheur de, à l'époque... Non, mais alors ça, c'était bingo total. C'était qu'en fait, mon bureau... Donc, quand j'ai trouvé mon travail, le bureau était... Quasiment en face. Tu vois, à Soli Place, quoi.

  • Lucie

    Ah oui.

  • Véronique

    Donc, pendant des années, je me suis retrouvée avec un bureau qui était à deux minutes de pied de l'école, quoi. Royal.

  • Lucie

    Le bonheur,

  • Alban

    ouais. Et aujourd'hui, j'imagine, pour en tout cas toutes les grosses entreprises, c'est plus très stratégique. Non. Le quartier dans lequel se situe le lycée français.

  • Véronique

    Pas du tout. Mais il est très bien disservi, donc c'est pas un handicap.

  • Lucie

    Du coup, il a fait toute sa scolarité là-bas.

  • Véronique

    Ça n'a pas été le choix de base, mais on a fini comme ça, oui. Mais à un moment, c'est devenu son choix.

  • Alban

    Il a fait son avis, ça lui allait bien.

  • Véronique

    Ça lui allait très bien pour un tas de raisons. Il a fait de la maternelle au lycée. On a eu une année à Oxford. Il est passé en lycée norvégien en seconde ou en première, avec un objectif particulier. Il voulait faire un bac L, qui à l'époque existait. Et en fait, le lycée français n'était pas certifié pour faire un bac L. Pour que le lycée puisse scolariser les enfants dans une section de bac, Il faut que les professeurs, un certain nombre de professeurs, soient certifiés par rapport à certaines matières. Et ce n'était pas le cas. Et du coup, l'option qui se posait à lui, c'est que s'il avait voulu rester au lycée français et faire un bac L de l'époque, il fallait qu'il fasse beaucoup de trucs par correspondance, en ligne, avec le CNED. Il y avait le CNED pour des matières importantes. Et ça, c'était le deuxième truc qui ne m'a vraiment pas du tout plu. C'est qu'il aurait fallu qu'il fasse son bac à ce... Stockholm ou Copenhague. On a cherché d'autres options. Il a fini par faire une tentative à Blindern en IB, International Baccalaureate.

  • Lucie

    Mais en section littéraire ?

  • Véronique

    En section littéraire. Donc là,

  • Alban

    c'était du coup en anglais ?

  • Véronique

    C'était en anglais. Mais tu pouvais faire aussi des trucs en français, un module, je ne sais pas quoi. Mais il est rentré en août. Socialement, il s'est bien intégré, il n'y a pas eu de problème. Mais il a conclu en novembre qu'il souhaitait retourner au lycée français. Donc, il est retourné, mais il n'a pas fait bac L. D'accord. Mais c'était un choix. Enfin, je veux dire, tu as 17 ans, tu as les envies, elles sont exprimées, elles correspondent à quelque chose. À ce moment-là, on s'est projeté. Donc, OK, si tu fais ça, ça veut dire qu'ensuite, les études universitaires, ça serait ça. Et du coup,

  • Lucie

    il a été faire ses études en France ou ?

  • Véronique

    Oui, il est en France.

  • Lucie

    D'accord. Donc, après le bac, il est parti en France.

  • Véronique

    Il est parti en France et il est actuellement en master à Sciences Po à Paris.

  • Lucie

    J'entends parfois que quand on est à l'école française, c'est plus difficile de se faire des amis avec, surtout quand on est plus petit, les enfants du quartier, parce qu'on ne va pas au barnet à gueux local et tout. Comment ça s'est passé pour lui ? Est-ce qu'il avait plutôt des amis du lycée français qu'il arrivait quand même à voir en dehors ? Parce que j'imagine que le lycée français, c'est plus éparpillé là où les gens habitent. Ou est-ce qu'il arrivait quand même à connecter avec les gens de son quartier ?

  • Véronique

    Ah, tu... Peu connecté. Ce qui est important, je pense, pour éviter ce biais, c'est que toutes les activités extrascolaires ne soient pas au lycée. Tout était en extérieur. Il en faisait aussi au lycée. Je ne vais pas nier. Il a fait un petit peu de tout. C'est sûr que sa base d'amis d'enfance sont des gens qui ont fait le lycée français comme lui, mais qui aujourd'hui se retrouvent... Il a été le bac Covid. C'est une génération, je ne sais pas maintenant et je ne sais pas avant, Mais cette génération-là de bacheliers du lycée français, beaucoup ont fini en Norvège. Il fallait quand même oser partir à ce moment-là, en année Covid, à l'étranger. Je ne dis pas que c'était très, très, très courageux de savoir, mais du coup, il y avait beaucoup qui ont fait plutôt le choix de la Norvège. Deuxième chose, enfants, ça donnait des activités qui faisaient qu'il était avec des enfants norvégiens du quartier, étudiants. Il est dans l'association des étudiants norvégiens à l'étranger. Enfin, voilà quoi.

  • Alban

    Ah, super.

  • Véronique

    Oui, donc, quand même, si tu veux, je pense que quand tu es dans tes binationals, tu revendiques ta nationalité minoritaire.

  • Alban

    Par rapport à là où tu te situes.

  • Véronique

    Par rapport à là où tu te situes. Donc, tu vas être plus norvégien en France et plus français en Norvège, par exemple, tu vois, pour défendre un petit peu ta particularité et garder cette culture, cette langue.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que c'est vraiment les questions qu'on se pose, notamment le système scolaire. Aussitôt qu'on attendait l'aîné, on se posait la question. Et l'identité. Tu as en partie répondu peut-être déjà pour ton fils, mais je voulais aussi savoir par rapport à toi. Après toutes ces années, comment tu vis la France, la Norvège et ta propre identité ?

  • Véronique

    Moi aussi, je viens d'un couple mixte culturellement. Et ensuite, j'ai vécu dans un tiers-pays quand j'étais enfant. Donc, waouh ! Il y a pas mal de choses qui brassent. Au final, t'es toi, quoi. Et t'es un peu unique. Alors c'est vrai que, par exemple, le mélange que j'ai moi, qu'a mon fils qui est franco-arménien-norvégien... Il n'y en a pas des milliers, mais quand on en rencontre, on est assez subjugué de dire « Ah bah ouais, il n'y a pas que nous » . Bon, c'est un ou deux individus. Quand on rencontre ce mix-là, tu n'es pas là en train de parler de l'identité, parce que l'identité, c'est toi qui l'as construite, je veux dire. J'ai l'habitude de dire que je suis de là où j'ai habité.

  • Lucie

    Mais du coup, est-ce que, parce que maintenant, ça fait 20 ans que tu es en Norvège, plus de 20 ans, est-ce que tu te sens norvégienne ?

  • Véronique

    Alors, j'ai le passeport. C'est une acquisition récente.

  • Alban

    Bravo.

  • Véronique

    Oui.

  • Lucie

    Ça veut dire que la langue a été validée.

  • Véronique

    Oui, au niveau où il le fallait. Mais bon, ça va. Maintenant, je suis dans une phase beaucoup plus d'intégration. Avant, j'étais vraiment purement immigrée. Maintenant, je suis norvégienne d'origine étrangère. Depuis cette année, j'ai adhéré à un parti politique. Le politique est quelque chose qui m'intéresse, donc je suis revenue. membre du Parti, arbaille de parti, par conviction, surtout par rapport aux élections qui arrivent, où je ne souhaite pas qu'il y ait une très forte domination de l'extrême droite en Norvège. Et ça, ça me propulse depuis quelques mois dans énormément de rencontres et de choses que j'apprends sur la Norvège. Mais eux-mêmes, c'était assez amusant. Quand je suis arrivée au sein de la section du parti dans mon quartier, quelqu'un rapidement, sans que je demande quoi que ce soit, m'a dit je vais te proposer de faire partie des militants qui vont travailler sur la campagne électorale à venir vis-à-vis des minorités multiculturelles. Donc, ils m'ont renvoyé à mon statut d'immigré. Mais de toute façon, je le suis. Donc, je ne combats pas cette idée. Je suis immigré. Je parlerai toujours avec un accent, très mal. Tu vois, je suis immigré première génération. Je ne suis pas intégré. Et ça a été intéressant de me dire, j'arrive, je dis bonjour, je m'appelle Véronique. J'ai tout de suite dit, je suis d'origine française, voilà. Je me retrouve là-dedans et je m'étais préparée. Je me dis, bon, il va y avoir des Pakistanais, des Somaliens, des Érythréens, des Indiens, pas de Français. Et effectivement, il n'y avait pas d'Européens. Mais quand ils ont parlé des difficultés et des problèmes qu'ils ont, 90% des problèmes et des questions qui comptaient pour eux, c'est des questions qui comptent pour la communauté française en Norvège. Barnevernet. qui est l'office qui s'occupe de l'aide à l'enfance pour l'enfance maltraitée. Typiquement le racisme, l'intégration, le fait d'être différent, le fait de pratiquer sa culture, de parler sa langue. Donc t'es immigrée, tu le restes.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que ça fait six ans qu'on est ici, on n'a jamais trop eu besoin de la langue. On a fait l'effort quand même de prendre pas mal de cours pour s'améliorer, c'est toujours pas fluide. Là, avec les enfants, je trouve que c'est un niveau supérieur parce que, peut-être un peu comme tu l'as dit, nous, étant tous les deux Français, on a vraiment envie qu'elles puissent s'intégrer à fond. On ne veut pas être un peuple pour elles. Donc, on joue le jeu. Là, on en a mentionné la dernière fois, la fête d'Halloween, à laquelle on s'est rendus. C'était un moment un peu solennel pour nous. Mais entre l'expatriation et l'immigration, chaque Français qui s'expatrie à l'étranger, c'est fun, c'est cool. Mais en fait, on reste immigrés. Et je le me rends compte aujourd'hui. Quand je suis entouré de parents norvégiens, que j'essaie de marmonner mon norvégien, ou bien alors que j'essaie du coup de changer à l'anglais pour que je puisse les comprendre, c'est un poids, c'est dur. Et ça, ça met un coup à ta confiance en toi, à tes questions d'identité, c'est vraiment difficile. Mais d'un autre côté, c'est aussi sur ça que je me dis que ça nous rend tellement fort de vivre ça au quotidien. Parce qu'on se confronte toujours à des choses qui te... que parfois ce sont des petites claques. On parle beaucoup maintenant, on est très sur la santé mentale, les micro-agressions. Parfois, c'est très, très bien. Il va y avoir beaucoup de discrimination positive, mais parfois, sans s'en rendre compte, on se prend des claques sans le vouloir. Et après, il faut arriver à les digérer. Donc, c'est super intéressant d'entendre un peu ton vécu sur ça aussi.

  • Véronique

    Non, moi, je suis fondamentalement une immigrée. Oui. Voilà, point. Donc, du coup, même par rapport à ce qui se passe en France ou ce qui se passe en Europe ou ce qui se passe dans le monde, par rapport à... Je ne suis pas une réfugiée, je n'ai pas été à la guerre. Ça a été un choix, un moment, pour des raisons x, y, dont on a parlé tout à l'heure.

  • Lucie

    Je suis et je resterai une immigrée. Un exemple, je ne sais pas si vous vous rappelez de Raphaël Poiré. Raphaël Poiré, c'était un très grand skieur, un biathlon, les années 90, début des années 2000. Et il se trouve qu'il s'est marié avec une très grande athlète de biathlon norvégienne, dont le nom m'échappe. Bref, ils étaient un couple très connu dans les médias norvégiens quand je suis arrivée en Norvège. Et à l'époque, Raphaël Poiré commence à s'interviewer en Norvège. Je ne sais pas à quel point il vivait en Norvège, mais bon, il apprend le norvégien. Et il fait une interview en norvégien. Et là, je me dis, waouh, t'as un très, très fort accent. Lui. Et là, j'étais avec des Norvégiens et les Norvégiens disent, ah bah, il parle comme toi. Ah, la vache. Ouais, exactement. Donc là, le coup de poing dans le ventre. Et là, je me suis dit, ah ouais. Non, mais bon, d'accord. Donc, je n'aurai jamais un accent de Bergen. Voilà, c'est clair.

  • Alban

    Non, et puis à savoir que le Norvégien ne s'est pas parlé de manière égale dans toute la Norvège. Ils ont des accents spécifiques.

  • Lucie

    Et donc maintenant, je n'hésite pas, j'y vais franco. Je dis, voilà, j'ai un accent. Donc, c'est l'histoire de se sentir plus petit ou différent. Ben oui, je le suis. Et on ne va pas le cacher.

  • Alban

    Non. Je trouve que du moment que les gens te comprennent et que tu comprends les gens...

  • Lucie

    Tout à fait, d'accord.

  • Alban

    C'est le principal. Ça me rappelle quand on était en Amérique latine, je parlais espagnol avec un très fort accent. Mais moi, du moment que les gens pouvaient me comprendre et que je les comprenais, tant pis pour l'accent. J'aurais préféré avoir un super accent latino, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est de pouvoir communiquer, je trouve.

  • Lucie

    Mais Alban a raison, parce qu'il y a des fois, sur certaines personnes, ça joue des complexes. Et même moi, inconsciemment, tu as des complexes, tu hésites à parler. Du coup, je me force.

  • Alban

    Non, mais moi, la première, surtout en norvégien. En tout cas, le feedback que j'ai de nos amis norvégiens, du moment qu'on fait l'effort d'apprendre la langue, même si on a un super accent, ils seront hyper contents qu'on leur parle en norvégien.

  • Véronique

    Et pour revenir sur la notion un peu d'identité ou de complexe qu'on peut développer, dans l'entreprise dans laquelle tu travailles, quand on était collègue, je ne l'avais jamais ressenti. Puis, j'ai changé d'entreprise. Et même si j'étais très bien accueilli, il y a une très bonne culture, je pense qu'ils n'en sont pas au même niveau. Et j'ai commencé un peu à ressentir que j'étais plus... l'expatrié qui avait vécu dans beaucoup de pays, qui avait appris plusieurs langues, qui était audacieux, on va dire, quelque part, de faire tous ses choix de vie, je me sentais comme une moins bonne version qu'un Norvégien. Et ça, ça a été difficile. Maintenant, je prends du recul sur ça. Il m'a fallu digérer un peu toute cette année. Mais voilà, je le mentionne parce que c'est des choses auxquelles on ne pense pas forcément, peut-être en arrivant dans un pays. Certains vont peut-être avoir des difficultés dès le début pour se faire accepter. Ça n'a pas été notre cas. Le travail se passait bien, le cercle social se passait bien. Et puis, tu te heurtes à différents âges, différentes cultures, différentes réactions de personnes. Et ça peut te renvoyer une image de toi-même qui, si tu n'es pas suffisant, ce n'est pas assez bien ce que tu fais. Au bout de six ans, je suis difficile quand même avec moi à me dire « Mais pourquoi tu ne parles toujours pas couramment norvégien ? »

  • Alban

    C'est plus l'appréhension que là, si tu veux évoluer dans ta boîte actuelle, tu as l'impression qu'il faut absolument parler norvégien.

  • Véronique

    C'est vrai.

  • Alban

    Ce que tu n'avais pas avant.

  • Véronique

    Et comme tu dis, les impressions aussi, c'est parfois des choses qu'on s'impose. Oui. Donc, c'est délicat. Est-ce que toi, d'ailleurs, dans le cadre du travail, quand tu as fait la bascule un peu système français, système norvégien, ou en tout cas quand tu as commencé à rejoindre des grandes boîtes, est-ce que tu as eu des bonnes surprises, des mauvaises surprises un peu ? Ou est-ce que tu as vu les choses évoluer au cours du temps ?

  • Lucie

    Bon, c'est lié aussi à la boîte. Moi, je n'ai jamais eu comme ambition d'avoir le passeport, oui, d'être intégrée, oui, de me sentir bien dans ce pays et de le faire le mien, oui. Mais de devenir norvégienne, non. Parce que... Ici, il y a un système scolaire qui fait qu'en fait, les gens se connaissent depuis la naissance, quasiment. Et c'est un tout petit pays. Ils se connaissent tous. Et je ne sais pas vous, mais moi, ça m'arrive assez fréquemment de me retrouver dans une soirée où il y a des Norvégiens que je ne connais pas. Et en l'espace de deux ou trois phrases, on va se trouver une connexion. C'est-à-dire, ils connaissent quelqu'un qui travaille dans la même boîte que moi. moi viens j'ai pratiqué un sport où je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un qui voilà donc c'est très très étriqué c'est un village c'est incroyable et ça d'ailleurs pareil je ne m'en rendais pas compte dans mon ancienne boîte j'ai changé de boîte et puis je vois tous les mêmes visages quasiment alors je grossis le trait bien sûr mais que ce soit les consultants ou les gens internes c'est vraiment les chaises musicales tout à fait c'est tout petit

  • Alban

    Dans l'anecdote, d'ailleurs, en disant que c'est tout petit, t'es quand même arrivé au boulot un jour et tu reconnais une dame. Tu te dis, je la connais de quelque part. Ah ben, c'est la dame qui nous a racheté notre appartement.

  • Lucie

    Oh la vache.

  • Véronique

    Voilà.

  • Lucie

    Oui, oui, non, mais c'est impossible de se balader à Oslo, et je pense que c'est encore plus vrai dans d'autres lieux de Norvège, sans tomber sur des gens au quotidien. C'est pas anonyme. Moi, je ne peux pas récupérer, je suis arrivée, j'avais 36 ans, je ne peux pas récupérer 36 ans de non-Norvège. Bien sûr. C'est un... récupérable. Donc du coup... Mon identité, c'est moi, avec le parcours que j'ai eu avant, comme le parcours que vous avez eu, qui a été multiculturel, différent, ailleurs. Et tu arrives et tu essayes de te sentir bien là où tu es et d'y contribuer. Ça s'arrête là. Je ne vais pas essayer d'être à leur niveau. Ça ne rime à rien. Et de toute façon, ils vont me renvoyer, comme je vous l'ai expliqué, par rapport à l'expérience récente. C'est vrai, je ne peux pas le nier. Je ne suis pas née ici. Mon fils, c'est pareil. Pour moi, il est franco-norvégien. Ça veut dire qu'il est franco d'un côté, norvégien de l'autre, et que dans les deux pays, quelque part, c'est un étranger. C'est bizarre, hein ? Et oui,

  • Véronique

    complètement.

  • Lucie

    Mais je suis aussi très marquée par le fait d'être passée par un système français. Je suis en France, je vais entendre des trucs que je ne vais pas comprendre. Je suis ici, alors je vais les comprendre mieux, mais en miroir. Je pense que ça ne marche pas d'essayer de devenir quelqu'un que tu n'es pas. Et c'est une force.

  • Véronique

    Mais complètement, c'est pour ça qu'il faut... Je trouve que c'est important de montrer combien c'est une richesse. Peut-être à la base d'arriver en tant qu'expatrié et de se sentir immigré, ça c'est une difficulté, mais au quotidien, malgré toutes ces difficultés, pour moi on est riche. On est riche des expériences qu'on vit, même si certaines peuvent être difficiles. Et je pense qu'au bout de quelques années, si d'autres personnes sont amenées à peut-être vivre ce que tu as vécu, ou moins un peu une des phases que je traverse actuellement, c'est ok, mais avant tout on est soi. Pas besoin d'être norvégien, on est soit en Norvège.

  • Alban

    Tu as toujours de la famille, des amis en France. Et comment tu vis l'éloignement ? Comment tu l'as vécu en tout cas toutes ces années ? Pour ton fils aussi ?

  • Véronique

    Et d'ailleurs, quand tu as annoncé que tu étais installé en Norvège, comment ça s'est fait tout ça ?

  • Lucie

    Il y avait une logique qui ne les a pas surpris, parce que j'étais avec un Norvégien depuis très longtemps, ce n'était pas étonnant. Par contre, j'ai longtemps vécu dans l'idée du retour. Alors il se trouve que depuis, on s'est séparés. et que maintenant, j'habite ici avec un Allemand. Voilà. Donc, c'est une autre configuration. C'est-à-dire qu'on est tous les deux immigrés. C'est un petit peu comme vous. Et ce n'est pas du tout pareil que d'être dans un groupe avec un Norvégien ou une Norvégienne qui est chez lui ou chez elle. Ça n'a rien à voir. Je vais dire que c'est beaucoup plus facile pour moi. Parce qu'on est tous les deux dans notre rôle à l'intérieur de la société, il est le même. Dans notre parcours, il est le même. Dans les challenges et les défis qu'on a. Ce sont les mêmes, même si, parce qu'il est Allemand, il a d'autres challenges que moi. Je n'ai pas cette tristesse de l'exil parce que je l'ai choisi. Et qu'il faut se rappeler que je l'ai vécu quand j'étais enfant. Et c'était un moment de bonheur. Et ce qui a été difficile, en fait, ça a été le retour. Alors, on devait partir dans un autre pays et puis les choses ne se sont pas faites. On a été dans une espèce de limbo pendant quelques mois.

  • Véronique

    Quand vous étiez donc en Écosse.

  • Lucie

    En Écosse, oui. Donc, en gros, je crois que comme on est arrivé vers janvier, février, ça devrait se terminer en janvier, février. Mais en fait, ça s'est terminé... autour de Pâques, et moi, tout d'un coup, à un moment, j'arrive au mois de juin, en sixième en France. Alors j'avais changé. J'étais en primaire en Écosse, je me retrouve en sixième, je me retrouve à faire plein de cours que je ne connaissais pas. Voilà, c'était waouh, n'importe quoi. J'ai mon bulletin scolaire de un mois en sixième, c'était 0, 0, 0, genre je dois faire des efforts, sinon, voilà. Mes parents ont convaincu que j'avais le niveau scolaire et c'est vrai que c'était une question de temps et ça, ça a marché. Ce qui s'est passé à ce moment-là... c'est que j'ai réalisé, et ça reste encore marqué, et c'est encore plus marqué maintenant que je suis ici, c'est que t'as beau te tenir au courant, t'as beau être dans le coup, en contact avec des Français, t'as un gap, t'as des trucs que tu comprends pas. Les références culturelles, moi j'ai trois ans, je veux dire, je savais pas qui était Claude François. Enfin des trucs qui, pour des Français, étaient d'une évidence totale. donc je n'ai jamais vécu dans la tristesse je sais qu'il y a des gens qui ont ça qui se sentent trop loin de la famille et je pense que si c'est le cas c'est très difficile d'être heureux ici moi j'ai fait un choix j'ai une sœur qui habite à Londres donc c'est un peu normal j'ai des cousins en Irlande des cousins aux Etats-Unis un autre cousin qui est à Malte on est un peu tous comme ça c'est admis comment vous arrivez à maintenir le lien à distance ? On a fait pendant une période des cousinates qui faisait qu'on gardait des liens très forts. Moi, je vais régulièrement voir ma sœur qui est en Grande-Bretagne, qui elle est anglaise. Après le Brexit, j'ai une autre sœur qui est à Paris. J'ai une autre sœur qui est à Pau. J'essaie d'y retourner plus souvent maintenant. C'est-à-dire qu'avant, c'était des vacances scolaires, Noël, l'été. Maintenant, ça va être tous les deux mois. Parce que j'ai déjà des parents un peu. Peut-être que j'ai plus envie de les voir maintenant. Il y a l'âge. Il y a mon fils qui est à Paris. Il y a plein d'autres raisons qui font...

  • Alban

    Oui, bien sûr.

  • Lucie

    Tu vois, plus le temps passe... Je dis à des collègues, quand tu dépasses trois ans dans un pays, ça y est, c'est très difficile de passer à autre chose.

  • Véronique

    Je rebondis sur ça parce que, comme tu dis, l'histoire des trois ans, tu arrives en France... T'es à la masse.

  • Lucie

    Complètement.

  • Véronique

    Et en Norvège, en tout cas dans mon cas, moi je m'intéresse peu à l'actualité et tout ça. Je suis toujours un petit peu aussi à la masse. Mais j'apprends petit à petit et ça me va comme ça. Alors là, pour le coup, pas de complexe et tout. C'est moins un choix. Je n'aime pas trop les informations et tout ça. Mais ouais, c'est vrai que je pense qu'au bout d'un moment, t'importe les deux.

  • Alban

    Je ne sais pas si toi, tu aimes bien la neige, l'hiver. Comment tu vis le climat norvégien ?

  • Véronique

    Je venais du sud, en plus du sud de la France.

  • Lucie

    Oui, c'est sûr que je préférais qu'il fasse un petit peu plus chaud. et que quand on arrive ici à 25 degrés, je me sens bien. Et que mes collègues, cette année, je me rappelle, je ne sais plus quel jour, en mai, où il a fait super bon. J'arrive au bureau, mais j'étais là, enfin, il fait bon, quoi. Il faisait 25. Et un collègue qui arrive en même temps et qui me dit, je suis en sueur, c'est l'horreur. Je suis comme une cochon. C'est pas possible. Voilà. Donc, bon, t'es acclimaté à ce que t'as connu petit.

  • Véronique

    Ce qui est rigolo, c'est que tu parlais tout à l'heure, bon, je ne suis pas réfugié non plus politique, Je fais la blague, alors je ne sais pas si elle est bonne, mais je me considère déjà un réfugié climatique. Parce que pour le coup, moi, j'ai grandi et fait mes études dans le sud de la France. Et à partir du moment où j'ai commencé à bosser, qu'il fallait, tu sais, un peu chemise, y compris en été, je me suis dit, mais pas possible, en fait. J'avais eu l'occasion dans mes études de partir à Brest. Et je me suis dit, j'adore. Il fait meilleur. Tant pis si il fait gris. Il fait juste meilleur. Je peux travailler et vivre au quotidien comme ça. Et en arrivant à Norvège, on rebelote. C'est complètement ce qui me va. et j'en parle à d'autres personnes, notamment une collègue, une ancienne collègue brésilienne, elle aussi beaucoup trop chaud au Brésil. Elle était contente d'avoir plus frais ici. Mais c'est vrai que sur la durée, quand l'été arrive ou quand tu te rapproches, t'as bien envie d'avoir ces 25 degrés qui font plaisir.

  • Alban

    Ouais, parce que moi, autant j'ai l'impression de m'être habituée au climat norvégien et c'est vrai que j'ai plus de mal à supporter les grosses chaleurs qu'avant ou alors je supporte mieux les grands froids, on va dire. Mais par contre, c'est vrai que l'été, j'en vis les vraies températures d'été. L'été dernier, on est resté au mois de juillet en Norvège. J'adore pour tout ce qu'on a fait. Mais à la fin du mois de juillet, je lui ai dit, j'ai l'impression de ne pas avoir eu d'été.

  • Lucie

    On n'a pas fait gâter.

  • Alban

    Heureusement qu'on avait eu mai-juin où il avait fait super beau.

  • Lucie

    Typiquement, mon père a une super maison en Bretagne. Je lui ai dit, je suis désolée, je n'y vais pas parce que moi, il me faut une garantie de soleil.

  • Véronique

    J'adore, c'est exactement ce que tu apprendrais à me dire.

  • Lucie

    Chaque hiver est tellement différent. J'avais depuis longtemps acheté des chaussures à Campo, même si j'habite en centre-ville. C'est la première fois en 20 ans que je les ai portées plus de trois jours. J'ai porté trois semaines consécutives. Autour de moi, des gens, ce n'était pas que les mamies et les papys qui portaient ça. C'était tout le monde, même les jeunes. Donc un hiver vert glacé, c'est le « j'avais jamais eu » . Chaque hiver est différent.

  • Alban

    C'est quoi ton petit conseil pour survivre à l'hiver ?

  • Lucie

    C'est vraiment lié, je te dis, à l'illuminosité. Donc, ça va être la vitamine D dès le mois de septembre. On a ce qu'on appelle à la maison une lampe très forte. On l'appelle la happiness lamp à la maison. Et on la met. Je ne suis pas là devant, mais elle est dans la cuisine.

  • Véronique

    Alors, une petite anecdote. Notre fenêtre principale, la baie vitrée, donne sur la nature. Donc, il n'y a pas de lumière. Quelque chose qui est important pour nous depuis, ça fait un peu plus d'un an qu'on y vit. On met normalement déjà des éclairages en gros de Noël à partir de fin octobre, début novembre, pour nous renvoyer la lumière dès 16h ou avant, même quand les jours sont plus courts. Et pour ceux qui se demandent un peu parfois aussi le coût de la main-d'œuvre norvégienne, on a remplacé des fenêtres, donc on nous a dit ne faites pas passer le câble par la fenêtre pour ne pas endommager le joint. Ok, donc installons une prise dehors. Il n'y en a pas. On a demandé à notre ancien voisin électricien de vie pour poser la prise dehors. Roulement de tambour, qu'est-ce que tu dirais peut-être Véronique ?

  • Lucie

    Ouais, plusieurs milliers de couronnes, mais je ne sais pas si tu touches aux dizaines.

  • Véronique

    Alors quand même pas.

  • Lucie

    Quand même pas.

  • Véronique

    Je vais parler en euros grosso modo pour que ça parle à ceux qui nous écoutent. Entre 400 et 600 euros pour la prise. Oui,

  • Lucie

    mais parce que c'est le coût de la main d'œuvre. Toi aussi, ton coût horaire.

  • Véronique

    Bien sûr, il est très élevé.

  • Lucie

    Très élevé. Le coût horaire de toute personne en Norvège est très élevé.

  • Véronique

    Mais ça fait mal, voilà. C'est d'actualité parce qu'on a reçu l'info hier et je suis en train de la digérer toujours.

  • Lucie

    Le premier mois en Norvège, en gros, on était une famille de trois. Et je regardais les prix et je me suis dit, c'est quoi ? C'est n'importe quoi. En fait, j'ai eu un réflexe. J'ai tout noté ce qu'on dépensait en alimentation pour me faire une idée. Donc, j'ai su combien c'était, même si on n'avait qu'un nourrisson. Donc, en fait, on était deux. Et je suis sortie de cette expérience en me disant, voilà, tant que tu restes ici, ça, c'est quelque chose qui ne compte pas. Combien tu vas dépenser pour l'alimentation ? Tu vas t'adapter pour bien manger. Je ne peux pas manger des pizzas grandioses à surgeler tous les jours. C'est une miette, quoi. Donc, je fais beaucoup d'efforts dans ce domaine-là. Je fais partie de quelque chose qui s'appelle Coopérative, qui est un endroit où tu récupères des paniers. Et Coopérative, c'est bizarre, 30 à 40 % des gens qui viennent chercher les paniers, ils parlent français.

  • Véronique

    Ah oui, ça ne m'étonne pas.

  • Lucie

    Voilà, donc tu vas te dire, il y a un truc là. Parce qu'il n'y a pas 30 à 40% des habitants d'Oslo qui sont français. Ça compte, en particulier pour moi, et je pense que c'est un trait culturel. Et donc, non, je ne m'interdis rien pour passer ces six mois. Mais au début, c'est vrai que je disais, j'ai vécu, au lieu de dire j'ai vécu 22 ans, j'ai survécu 20 hivers.

  • Alban

    Peut-être, moi, ce qui m'intéresse... Est-ce qu'il y a des traditions norvégiennes ou des habitudes norvégiennes que tu as adoptées dans ton quotidien comme une vraie norvégienne ?

  • Lucie

    Tout ce qui est schéma pour survivre l'hiver. Donc, les bougies, la vitamine D, la lampe, la happiness lamp. Au niveau alimentation, non, on mange plutôt comme les Français, normalement. Il faut dire ce qui est.

  • Alban

    Mais est-ce que, par exemple, vous mangez plus tôt ? Parce qu'en France, on avait peut-être tendance... Oui,

  • Lucie

    mais bon, on a aussi une vie humaine. Maintenant, on n'a pas d'enfants à la maison. On va faire du sport, donc on va monter plutôt comme des Français. J'ai un conjoint qui aime beaucoup la nature, qui pratique des sports en extérieur. Donc, lui, il va faire du ski de fond, tout ça. C'est pas mon truc. Je survis sans faire du ski.

  • Véronique

    Bravo, parce que nous, on a tendance à dire l'hiver peut être long si on ne fait pas d'activités de sport d'hiver. C'est cool de voir que si, c'est possible aussi.

  • Lucie

    C'est possible, mais aussi parce que j'étais... Quand j'ai vécu avec un Norvégien, c'était un Norvégien qui n'en faisait pas.

  • Véronique

    Oui, oui, voilà.

  • Lucie

    C'est d'autres choses. Plein d'autres choses à faire. Mais effectivement, la nature, elle est à disposition. C'est à toi de l'utiliser quand on a envie.

  • Alban

    Et pour ceux qui n'aiment pas le ski, alors qu'est-ce qu'on peut faire l'hiver de sympa en Norvège ? Ou à Oslo, du moins ?

  • Lucie

    Oslo s'est transformé sur un plan culturel d'une manière extraordinaire. L'Oslo que je venais visiter fin des années 90. n'est pas l'Oslo d'aujourd'hui. Donc, il y a déjà le rassemblement qu'ils ont fait des musées. Il y a beaucoup plus d'expos. Il y a une offre ciné qui n'existait pas. Évidemment, ce n'est pas Paris ou Londres. On ne va pas...

  • Véronique

    Oui, bien sûr.

  • Alban

    Oui, mais je suis assez d'accord. Même, je trouve que depuis notre arrivée, je trouve que ça a vachement évolué.

  • Lucie

    Oui. Et puis,

  • Véronique

    ils veulent se rendre attractifs, je pense. Contrairement à Stockholm, on va dire, qui est très, très connu aussi par les étrangers, Oslo, je pense, n'a pas atteint le même rang. Mais la ville... se mobilisent énormément, en tout cas c'est mon impression, pour être une ville très très agréable, y compris pour les week-end getaway.

  • Lucie

    Il se passe toujours des trucs, mais maintenant on a une saison incroyable, on a des aurores boréales en pleine ville. C'est fou ça. Un truc dingue, j'ai jamais vu en 20 ans. Moi-même, le fameux jour où il y en a eu le plus, c'était un jeudi soir, sur mon balcon, en plein centre-ville. De fou.

  • Alban

    Il y a des trucs à faire.

  • Lucie

    Il y a des trucs à faire, même si tu n'es pas sportif et nature à 110%.

  • Alban

    Et au contraire, est-ce qu'il y a des trucs que tu ne veux pas de... de tradition norvégienne.

  • Véronique

    Y compris culinaire, d'ailleurs. Parce que ça, ça peut être un peu parfois délicat.

  • Lucie

    Non, j'ai mangé du lutefisque. Je ne suis pas très viande, donc je ne vais pas manger du pinechiotte et tout ça. Non, je ne suis pas réfractaire à quoi que ce soit. Même le fromage en tube ? Oui, oui, tout ça, je fais. Oui,

  • Véronique

    elle est super.

  • Lucie

    Oui, oui, je ne sais pas ce quotidien.

  • Véronique

    Ça fait un pur noir. Oui,

  • Lucie

    oui, non, mais je fais mackerel et tomate. Oui, oui, non, mais je ne m'interdis rien. Non, mais... C'est pas mon quotidien. J'ai pas grandi avec. J'ai pas de bunade. Je me vois pas porter le costume paléonel norvégien. Et je sais qu'au 17 mai, tu vois beaucoup d'immigrés, je pense, deuxième génération, qui vont en porter. Moi, je me vois pas m'acheter et porter un bunade.

  • Véronique

    C'est vrai que j'imagine peut-être nos filles.

  • Lucie

    Nos filles, c'est évident. Parce que quand t'es gamin, tu veux être comme...

  • Véronique

    Bien sûr,

  • Lucie

    une fois de plus, t'as rien. Et puis, elles, ça dépend combien de temps vous restez ici, mais elles sont norvégiennes. Ici, c'est leur vie. Même les Norvégiens, entre eux, le disent, parce que des fois, t'as des modes de bunade. Si t'es pas de cette région et que tu vas le porter juste parce qu'il est à la mode, moyen, quoi.

  • Alban

    Ça perd un peu le sens du...

  • Lucie

    Oui, voilà, le truc, c'est lié à un attachement à quelque chose.

  • Véronique

    Véronique, c'était vraiment super agréable de t'avoir avec nous. Je pense que tu as encore plein d'autres choses à partager, donc volontiers, si un jour tu veux revenir avec nous. Merci pour tous tes conseils et toute ton honnêteté. C'est génial et je pense que ça va autant servir à des gens qui peut-être vivent actuellement en Norvège ou sur Oslo. Et j'espère aussi autant pour ceux qui ont peut-être projet de s'y installer ou simplement les curieux qui nous écoutent. Pour terminer, j'aimerais te demander... Est-ce que tu pourrais partager quelque chose que tu adores de la Norvège ?

  • Lucie

    Le pragmatisme. J'adore, il y a une solution à tout. Je regarde mes collègues ou mes amis norvégiens dans la difficulté et comment ils s'en sortent. Et c'est super positif. Et venant d'un pays, la France, où on est plus du côté négatif. c'est-à-dire à plus à râler. L'orégien ne râle pas autant. Il ne va pas cacher son opinion. Mais j'admire qu'il y a des situations de vie au boulot ou ailleurs où je les vois régler des problèmes. C'est vrai qu'aussi, ils vont avoir tendance à les mettre sous le tapis.

  • Véronique

    C'est parfois le contre...

  • Lucie

    Il y a aussi cette tendance-là, et ce n'est pas celle-là que j'admire. Celle que j'admire, c'est une capacité sans hausser le ton. sans aller vers le conflit, à trouver une solution en commun. Et sur un plan politique, on aurait des... On pourrait parler pendant cinq heures parce que...

  • Alban

    Ça m'intéresse.

  • Lucie

    Ils sont conditionnés à ça, élevés à ça.

  • Alban

    Même en politique, tu trouves qu'il y a cet aspect-là ?

  • Lucie

    Ah oui, mais totalement. Je vois les politiciens en France,

  • Alban

    j'ai l'impression que c'est...

  • Lucie

    Non, non, non. Je vais te donner... Il y a deux trucs. D'abord, un, je me rappelle quand je commençais à comprendre les Norvégiens à suivre des débats politiques en Norvège, parce que je m'intéressais à la politique, je suis impliquée. J'ai dit à un collègue... au bureau. Qu'est-ce qu'ils sont polis entre eux ? Et lui, on a fait une chronique politique, parce qu'il est journaliste aussi, et il a écrit dans un des papiers en disant, une collègue venant d'étrangers trouve que nous sommes trop polis politiquement. En fait, maintenant, je dirais, non, ça fait partie du consensus. Et la manière dont c'est construit, c'est qu'il y a deux éléments qui sont dans la constitution politique norvégienne qui participent de ça. Le un, c'est que si vous allez visiter le Parlement, vous allez vous rendre compte qu'ils sont installés pas par droite et gauche, comme l'hémicycle français. Non, ils sont installés par région. Donc, si tu es élu d'Oslo, si à côté de toi, tu as un mec du RN et toi, tu es un parti de gauche, vous allez être assis ensemble, au même pupitre. Donc, tu résonnes, tu représentes ta région.

  • Véronique

    Ça change déjà complètement l'approche d'hémicycle. Exactement.

  • Lucie

    Ça change, oui. Ils travaillent ensemble. Et deuxième truc, c'est la seule constitution au monde qui est une démocratie et où il n'y a pas de dissolution.

  • Véronique

    Donc, c'est décidé, c'est décidé.

  • Lucie

    C'est décidé, c'est décidé. Les gens ont voté. Ça a duré quatre ans. débrouillez-vous. Et ça oblige la meilleure solution en commun. Bon voilà,

  • Alban

    je suis en train de te dire qu'un petit épisode sur la politique, ça serait peut-être pas mal.

  • Véronique

    Je pense qu'il n'y a plus d'insuivisme sur lequel tu pourrais revenir. Avant qu'on termine Véronique, je voulais te demander, est-ce qu'il y a quelque chose que tu détestes en Norvège, ou qui est très difficile à dire ?

  • Lucie

    Non, il y a des choses qui me choquent parce que culturellement, je ne suis pas habituée. Est-ce que je vais détester à ce point ? C'est un mot fort. Je n'apprécie pas forcément leur... tendance à facilement... Je ne sais pas comment on dit en français. Accountability. Ils vont facilement trouver une porte de sortie. C'est-à-dire qu'il y a une difficulté. Ils vont te dire je ne l'ai pas fait exprès et excuse-moi. Et après, le truc est réglé. Je ne sais pas si vous vous rencontrez ça. Au final,

  • Alban

    je ne travaille pas beaucoup avec des Norvégiens.

  • Lucie

    Ah oui, d'accord. Ok.

  • Véronique

    Ce n'est pas la première fois que je l'entends. Mais est-ce que moi, je le ressens ? Peut-être moins.

  • Lucie

    Mais c'est mineur. Non, je déteste rien en fait. Tant mieux.

  • Alban

    Et est-ce que tu envisages de partir de la Norvège ? Non,

  • Lucie

    non, non, plus du tout. Alors si j'ai du mal à me projeter dans une maison de retraite pour des raisons juste simplement de gastronomie. J'adore. Donc j'ai dit à mon fils, pas dans une sucueille. Non, non, non, mais bon, il y a plein de raisons pour lesquelles on y est bien. Et il faut se rapprocher au positif parce qu'évidemment, c'est pas chez toi, mais c'est comme chez toi.

  • Alban

    Je te connaissais pas et du coup, ça a été super d'apprendre tout ça sur ta vie. Même moi qui suis là depuis six ans, parfois tu faisais des réflexions, surtout par rapport à l'éducation de ton fils et tout. Et dans ma tête, ça fusait. Même alors pour mes filles, moi, comment on va faire et tout. Donc, je pense qu'on va avoir des petites discussions suite à cet épisode. Donc, je suis sûre que pour d'autres personnes, ça va faire pareil. Merci beaucoup Véronique. Et puis, à très bientôt.

  • Lucie

    À bientôt.

  • Alban

    Et nous, on se retrouve pour un prochain épisode. Et on vous dit à très bientôt.

  • Véronique

    Sous les aurores.

  • Alban

    Si cet épisode vous a plu. Pensez à nous laisser une note et un avis sur votre application de coup de préféré.

  • Véronique

    Ou un commentaire sur YouTube, ça nous aide énormément à faire grandir le podcast.

  • Alban

    Merci et à très vite pour le prochain épisode.

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Description

Dans ce deuxième épisode de Sous les Aurores, nous recevons Véronique, qui vit en Norvège depuis plus de vingt ans. Partie par amour, elle nous raconte comment son installation s’est transformée en une véritable aventure d’immigration. Au fil de notre conversation, nous découvrons avec elle son parcours entre le Sud de la France, l'Écosse, Paris et Oslo. Elle nous raconte les défis de la langue et la recherche de travail, le choix de scolariser son fils entre système français et norvégien ainsi que son regard sur l’identité, la politique et la vie quotidienne en Norvège.


Véronique partage aussi ses astuces pour s’adapter à l’hiver et profiter de la culture norvégienne, sans renier ses racines françaises - le tout avec une touche d'humour.


Prêts à explorer une autre facette de l’expatriation ? Alors, installez-vous confortablement et laissez-vous guider Sous les Aurores !


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Transcription

  • Lucie

    Salut, c'est Lucie.

  • Alban

    Salut, c'est Alban.

  • Lucie

    Trentenaire et parent de deux petites filles.

  • Alban

    Bienvenue dans Sous les Aurores.

  • Lucie

    Le premier podcast réalisé par un couple de Français en Norvège.

  • Alban

    Sous les Aurores, c'est le podcast haut en couleurs qui vous emmène vivre toutes les nuances de l'expatriation et de l'immigration en Norvège et bien au-delà.

  • Lucie

    Que vous soyez déjà expatrié, immigré, que vous rêviez de le devenir ou que vous soyez simplement curieux de découvrir d'autres façons de vivre, ce podcast est fait pour vous.

  • Alban

    Alors, mettez-vous à l'aise, servez-vous une bonne tasse de thé ou un verre de vin. et rejoignez-nous sous les aurores. Au menu, discussion sincère,

  • Lucie

    moment de rire et d'émotion,

  • Alban

    et surtout, beaucoup de belles découvertes.

  • Lucie

    Alors, bienvenue chez nous sur un nouvel épisode de Sous les aurores.

  • Alban

    Bienvenue à tous sur un nouvel épisode de Sous les aurores. Aujourd'hui, nous recevons une nouvelle invitée. Il n'est pas une inconnue, en tout cas pas pour moi. un peu plus pour Lucie, mais nous avons tous les deux très hâte de faire plus en plus connaissances, donc merci à toi d'être ici. Je vais te poser quelques questions. Comment t'appelles-tu ? Depuis combien de temps vis-tu en Norvège ? Dans quel domaine travailles-tu ? Et enfin, est-ce que tu pourrais nous parler d'un culture shock ?

  • Véronique

    Bonjour à tous les deux, merci de l'invitation, c'est super sympa. Je m'appelle Véronique Revoy, je suis arrivée en Norvège en août 2002, donc ça va faire plus de... 22 ans. Mais j'ai commencé à venir en Norvège plus tôt. A partir de 1996, j'ai fait des allers-retours, uniquement à Oslo à l'époque. Pour le reste, au quotidien, je travaille dans une grande entreprise norvégienne où je suis responsable d'une équipe qui fait de l'innovation pour l'Europe. Je suis dans un milieu qui n'est pas si norvégien que ça au quotidien, il faut le dire, c'est très international, il y a beaucoup de nationalités. Mais bon, j'habite quand même ici. Quoi d'autre ? Culture choc. Alors... En même temps, je pensais connaître. C'est ça qui a été le plus...

  • Alban

    Parce que tu faisais déjà des allers-retours ?

  • Véronique

    Oui, je faisais des allers-retours. Donc, ma vie, elle était entre Paris, des projets internationaux où je voyageais beaucoup, et puis Oslo, où j'avais mon copain d'époque. Je me suis dit, ouais, facile, quoi. Là, tu le connais. Ça fait quand même beaucoup d'années que tu pratiques la Norvège. Ce n'est pas une découverte. En fait, il y en a eu plein. Le premier, ça a été de me retrouver à Körbrugge, avec mon fils qui était bébé. Et de me balader, c'est au mois d'août, mais d'avoir froid. C'est vrai. Donc, le 15 août, ça peut arriver qu'il y ait du gel. Donc, ça, c'était... Ah, mais c'est le 15 août. Non, non, mais le 15 août, c'est l'automne. Bon, voilà, ou le début de l'automne. Ça, ça a été le premier culture-choc. Et le deuxième, c'est en les regardant. C'était à Aker Brygge, qui est quand même un quartier où les gens...

  • Lucie

    Pour les auditeurs, c'est le port d'Oslo.

  • Véronique

    Voilà. Et de me dire, mais j'ai l'impression de vivre dans une pub Ralph Lauren. Parce qu'ils étaient... tous tellement bien habillés, soignés, propres sur eux, blonds. Je me disais, mais c'est quoi ce truc ?

  • Alban

    J'adore parce que c'est vrai que c'est soit un culture shock ou un stéréotype ou peu importe. Je continue de le vivre,

  • Véronique

    ça. Oui, voilà, c'est ça. C'est un souvenir que j'ai des tout premiers jours qui a été assez marquant.

  • Lucie

    Et du coup, tu nous disais que tu faisais des allers-retours. Pourquoi la Norvège ? C'était pour le travail ?

  • Véronique

    Non, c'était pour un Norvégien. Pour un Norvégien. Donc, Venus Trap, pour l'amour. Enfin, voilà quoi. Je veux dire, il y a une très grosse partie de la communauté, non seulement française, mais étrangère, qui est là parce qu'ils ont, par hasard, à un moment dans leur vie, rencontré un Norvégien ou une Norvégienne.

  • Lucie

    Et comment tu l'as rencontré ?

  • Véronique

    Oh là là, ça, c'est une très longue histoire. Donc, en fait, je l'ai rencontré à Moscou. Ah oui. Où j'étais parce que j'avais un copain qui avait des ambitions pour être à la tête. de la Fédération Internationale des Échecs.

  • Alban

    Ah, j'adore !

  • Véronique

    Un truc improbable. J'étais au Jeux Olympiques des Échecs, où j'étais là, mais pas parce que je joue, mais parce que je l'aidais. Je l'aidais au quotidien à faire sa campagne politique. J'ai fait des études de sciences politiques, j'ai toujours fait des campagnes politiques. Par un copain intermédiaire, on s'est rencontrés. Je me suis retrouvée catapultée à Moscou, et dans son équipe, c'est une présentation... d'une liste de candidats, il y avait le président de la Fédération Norvégienne des Échecs qui est devenu mon conjoint pendant un certain nombre d'années et le père de mon fils. D'accord.

  • Lucie

    Et du coup, tu faisais au départ des allers-retours pour le voir en Norvège. Oui,

  • Véronique

    c'était ça. Toi,

  • Lucie

    tu es d'où à la base ?

  • Véronique

    Bon, je vais dire plutôt où j'ai habité. Donc, Paris, le sud de la France, du côté d'une petite ville qui s'appelle Martigues.

  • Lucie

    Un petit voisin d'Alban.

  • Alban

    Mais attends, on a plein de choses à se raconter.

  • Véronique

    Voilà. Et ensuite, mon père a eu un job. Il est parti en expatriation à Édimbourg. Donc en gros, il travaillait dans le milieu du pétrole. Donc Édimbourg. J'ai aussi passé à Oxford pendant un an. Et Oslo. En fait, maintenant, Oslo, c'est l'endroit où j'ai lu. pratiquement le plus vécu le plus longtemps.

  • Lucie

    Et du coup, qu'est-ce qui t'a décidé à déménager là-bas ? Comment il t'a convaincu ?

  • Véronique

    Le bébé.

  • Lucie

    Ah !

  • Véronique

    Voilà. On a eu à un moment un fils qui est né à Paris. C'était mon choix plutôt d'accoucher à Paris parce qu'à l'époque, je ne connaissais pas la langue. Voilà, donc je me suis dit, il y a ma famille. Donc j'étais mieux à Paris. Mais à ce moment-là, je travaillais pour une boîte qui s'appelle Ericsson. Et Ericsson a vraiment fait un énorme plan social, environ 50% des gens au niveau mondial. Donc, j'étais en congé maternité et mon chef m'appelle. Il me dit, voilà, on va vraiment réduire l'équipe. Je te propose de rester. Moi, j'ai dit, en fait, non. L'opportunité fait la ronde. Donc, je vais récupérer un petit package. Et puis, avec ces sous, je vais pouvoir profiter un peu plus longtemps du congé maternité et puis faire une petite tentative de la Norvège. Mais c'était jamais dans l'idée d'y rester. Et j'arrive avec mon fils qui avait trois mois, enfin quatre mois, c'était vraiment un nourrisson. Et je me rends compte très rapidement qu'au-delà de l'aspect vie de famille, je lui offrais deux choses. Un, l'opportunité d'être vraiment dans du franco-norvégien. C'est-à-dire que la Norvège en France, c'est tout petit. Il y a très peu de Norvégiens. J'aurais dû travailler beaucoup pour lui donner les deux, la culture. Il aurait fallu trouver des moyens. d'y arriver. Moi-même, j'ai un background familial mixte. Je voulais lui donner les deux. J'ai vraiment travaillé dans cette optique-là. Et la deuxième chose, c'était vous avez des enfants jeunes, c'est un hôtel 5 étoiles. Donc je me suis dit, je suis arrivée en août avec lui, à l'entour du 15 août, et en octobre, j'ai déposé les papiers pour faire l'Opal Stigartalsen, le permis de s'installer en Norvège. Et donc, c'est arrivé évidemment très très vite. dans le cas de réunir la famille.

  • Alban

    Et donc, c'est vraiment un peu, comme tu disais, cette opportunité. À la base, il n'en est pas une, donc c'est déjà super d'avoir envisagé ça. Mais c'est ça qui a déclenché votre projet d'installation en Norvège ?

  • Véronique

    Le papa était en Norvège. Et lui, il a un métier qui faisait que c'était beaucoup plus difficile pour lui de s'expatrier. Donc, il a fait, sur les années où on a été ensemble sans enfants, il y avait des périodes où... Il était plus à Paris. Il y a eu des périodes où j'étais plus à Oslo. Donc on a fait un petit peu toutes les combinaisons. Mais c'est vrai, une fois que tu as une vie de famille, c'est un peu n'importe quoi d'être sur deux pays. La question ne s'est pas posée. Moi, je ne me la suis pas posée. C'était juste une opportunité. J'avais tout d'un coup un peu d'argent devant moi. L'envie de faire un petit peu un congé maternité à la norvégienne. Si j'avais été résidente norvégienne, c'est ça qui m'avait dit. Si tu viens et que tu accouches, on aura quelque chose voilà je me suis dit non non je préfère faire tout ça en France donc il a vécu trois mois en France donc une fois ici c'était un peu une évidence même si je recommande pas de s'installer au mois d'octobre tiens tiens je sais pas vous êtes arrivé aussi en octobre ?

  • Alban

    non en août ah ouais d'accord non on a discuté on sera arrivé dans un autre épisode pour le coup ça a été au début ça a été août 2018 et je sais pas si tu t'en rappelles mais les norvégiens en parlent comme de l'été indien.

  • Lucie

    Je comprends que quand t'arrives, tu te rends compte que c'est quand même un peu un paradis pour construire sa famille. Qu'est-ce qui a été en revanche le plus difficile en s'installant ?

  • Véronique

    Trouver un travail. Donc en fait, j'arrive, je n'ai pas de travail. J'ai le petit bébé, donc du coup, c'était vraiment l'idée de garder un peu de temps pour lui. Mais il fallait quand même avoir une petite rentrée d'argent parce que ce n'est pas donné la Norvège. Ouais. En partant de France, je dis à des gens que je me mets très rapidement en freelance. Et donc, j'avais une espèce d'équilibre qui était du temps pour l'enfant, travailler. Mais le problème, c'est que tous mes contrats étaient à l'extérieur de la Norvège. Donc, je cherche du travail. Je me rends compte rapidement que la langue est indispensable, non seulement pour la vie de couple, la vie de famille, mais aussi pour le travail. Et du coup, je prends des cours. Et à l'époque, je pense que c'est fini maintenant. Mais si tu venais dans le... cadre d'une réunion familiale avec un citoyen d'un pays nordique, tu avais 800 heures de cours gratuits.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Maintenant, je crois que c'est juste pour les réfugiés. Donc, je vais à ces cours et je me dis, non mais tu ne vas pas faire qu'apprendre le norvégien. Et à un moment, la prof explique que voilà, on a fini la grammaire. C'est vrai que ce n'est pas une grammaire qui est archi difficile.

  • Alban

    Ça, c'est clair. C'est justement pour ça qu'on ne s'est malheureusement pas, nous, empressés. Mais c'est vrai. Voilà.

  • Véronique

    Donc là, en bonne française, je me dis, ah bon, il n'y a plus rien à apprendre. Donc on va aller pratiquer. En fait, j'ai arrêté les cours, mais je n'ai pas franchement pratiqué. Et du coup, je me suis trouvée dans une espèce de truc qui a fait que si j'allais trouver du travail, mon norvégien n'était pas super au top. Il fallait que ce soit dans un environnement international. Donc j'ai mis beaucoup de temps. J'ai mis quatre ans.

  • Alban

    T'inquiète pas, il y a des gens qui sont là depuis six ans et ils sont loin d'être impeccables.

  • Véronique

    Non,

  • Lucie

    Quatre ans a trouver du travail.

  • Véronique

    A trouvé du boulot.

  • Alban

    A trouvé du boulot.

  • Véronique

    Ah ouais, c'est quand même... Je le dis aux gens qui arrivent.

  • Lucie

    Je pense que c'était la langue qui faisait barrière.

  • Véronique

    Dans un métier où le contenu de ce que tu écris importe, où la langue importe, je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas informaticienne, je ne suis pas... Quelqu'un qui travaille avec des chiffres, qui travaille avec la langue.

  • Lucie

    Et le norvégien, au bout de quatre ans, tu le maîtrisais ?

  • Véronique

    Non.

  • Lucie

    Est-ce que tu parlais norvégien avec ton conjoint ?

  • Véronique

    Non. Non. Donc, il y avait les Français, Anglais, Norvégiens à la maison. Moi, ayant pratiqué l'anglais, j'ai habité en Écosse quand j'étais petite. L'anglais, c'est comme le français pour moi. Je n'avais pas besoin du norvégien. Vous savez, ça commençait au début. Oui,

  • Lucie

    parce que dans ton quotidien, aller faire tes courses, l'anglais, ça suffisait même à l'époque.

  • Véronique

    Oui, oui, largement. Ça a freiné les choses en termes de la possibilité de trouver un travail qui soit dans un cadre norvégien. À un moment, je rencontre une agence de marketing norvégienne qui est très particulière, très innovatrice par rapport au truc traditionnel. Et eux, je ne sais pas, ça tilte et ils me proposent de m'installer dans leur bureau. J'étais une source d'inspiration. C'était un win-win parce que pour moi... Je me retrouvais dans un milieu norvégien professionnel pour la première fois de ma vie.

  • Alban

    Mais alors du coup, quand tu dis « ils me proposent de venir dans leur bureau » , c'était en tant qu'employé ?

  • Véronique

    Non, juste m'installer. C'était comme si c'était aujourd'hui, c'est-à-dire que j'arrivais avec mon ordinateur.

  • Alban

    Les prémices du coworking.

  • Véronique

    Ouais, voilà, c'est ça. Je te dis, ils étaient très très en avance sur plein de trucs. Maintenant, ils se sont éparpillés parce que la boîte n'existe plus. Mais quand je lis les articles, en particulier sur les deux fondateurs qui font encore des trucs... C'est des gens marquants en Norvège, par rapport aux études d'opinion en particulier. Tout ça pour dire que ça, ça a facilité mon intégration, parce que je me retrouvais pour la première fois au quotidien avec des Norvégiens qui n'étaient pas simplement mon conjoint.

  • Alban

    Et est-ce qu'avant ça, parce que tu dis que tu t'es retrouvé avec d'autres Norvégiens que ton compagnon au quotidien, est-ce que vous aviez quand même, en plus tu avais l'habitude de venir déjà avant votre installation, est-ce que tu avais un noyau social aussi ici ?

  • Véronique

    Oui, à travers lui, mais qui était parce que ce n'est pas un Norvégien. Alors, il n'aime pas faire du ski. Il y avait...

  • Lucie

    Ce n'est pas un vrai Norvégien.

  • Véronique

    C'est un Norvégien, mais de passeport et d'identité et très Oslo.

  • Alban

    En plus. En plus.

  • Véronique

    Donc, il est grandi à Oslo, toute sa vie à Oslo. Nordstrand, c'est très, très marqué. Même un quartier d'Oslo. Donc, les gens autour de lui étaient très internationaux. J'ai... pas eu vraiment une intégration norvégienne. Donc, je l'ai cherché, donc, familie Bornhage comme vous, c'est-à-dire donc une crèche pour l'enfant où il y avait une implication des parents. Et puis, en fait, la deuxième chose que j'ai faite, j'ai cherché des gens qui me ressemblaient, c'est-à-dire que je suis allée à la PMI, à Health Station, ça s'appelle ici, avec l'enfant pour les contrôles réguliers. Et j'ai... très rapidement posé la question, disait est-ce que là, vous avez des femmes francophones qui viennent vous voir ? Et quelle chance, dès que j'ai posé la question, elle m'a dit justement, j'en connais une autre, je vais lui demander si elle est ok pour avoir ton numéro, et boum, de là je suis rentrée dans un petit cercle que j'ai encore de mamans franco-norvégiennes qui avaient eu des bébés à ce moment-là, donc j'ai fait un Barshels Group. Donc le Barchels Group, pour expliquer, c'est quand tu as un enfant, tu es dans une cohorte de parents qui ont eu un enfant au même moment et qui se retrouvent pour faire des activités en commun. Donc on a créé notre petite Barchels Group franco-norvégien.

  • Lucie

    Ça existait le Barchels Group ?

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Mais toi,

  • Lucie

    tu as fait ton groupe français ?

  • Véronique

    J'ai fait mon groupe français.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Enfin francophone. Les personnes que j'ai rencontrées à ce moment-là sont encore des amies.

  • Alban

    c'est génial parce que c'est très culturellement norvégien ces groupes de naissance mais certains se suivent toute la vie c'est ce que j'essaie d'expliquer parfois à d'autres personnes des adultes aujourd'hui ont fait la même école, le même collège, le même lycée mais certains même,

  • Véronique

    les mamans se connaissaient dans le groupe de naissance donc c'est quand même incroyable et toi tu as fait ça quelque part on a fait ça mais c'est tout petit et puis forcément comme on est des expatriés il y en a qui sont partis oui,

  • Alban

    oui

  • Véronique

    De ce groupe-là, nous restons trois. Les garçons, c'est trois garçons qui sont nés au même moment, qui ont pour certains été au même barnageux et qui sont meilleurs potes.

  • Lucie

    C'est génial.

  • Véronique

    C'est incroyable.

  • Alban

    C'est fou ça.

  • Véronique

    Donc, on a fait notre petit truc à la norvégienne.

  • Lucie

    Ton fils, maintenant il a 22 ans, c'est ça ? Il a toujours été dans le système éducatif norvégien ?

  • Véronique

    Non, il a commencé en barnhage, donc en crèche slash école maternelle norvégienne. C'était très difficile, on en a parlé tout à l'heure, de trouver une place. Donc on a un peu... On a dit la vérité, on a dit qu'il n'y avait pas de Norvégiens à la maison. Et du coup, ça l'a propulsé pour avoir une place. De même que son meilleur pote. son ami d'enfance. Mais à un moment, il faut comprendre que moi, mon parcours, il a été de me retrouver tout d'un coup en Écosse. Là, j'ai eu presque dix ans. En gros, je suis passée d'une petite école primaire à côté de Martigues, du jour au lendemain, au mois de janvier ou février, à une école primaire uniquement en anglais en Écosse.

  • Alban

    Et là aussi, tu suivais les élèves un peu de classe en classe et que là, boum, tu changes tout. Tu changes ton quotidien, ta maison, la langue.

  • Lucie

    La langue,

  • Véronique

    oui. Tout, tout. Ils ont fait ce choix, mes parents. Je pense que les parents d'aujourd'hui ne font pas forcément les mêmes choix. Mais bon, ça a été quand même pas évident, mais ça m'a appris beaucoup de choses. Et nos parents nous parlaient français, mais nous, on parlait anglais. Et voilà, donc je savais que de mettre un enfant dans un système scolaire... d'une autre langue, ça veut dire que c'est cette langue-là qui va dominer.

  • Alban

    La langue du système scolaire, donc ? Oui.

  • Véronique

    Parce que l'enfant, et moi j'étais cet enfant-là, donc je parle de mon vécu d'enfant, veut être comme les autres.

  • Alban

    Oui.

  • Lucie

    Bien sûr.

  • Véronique

    Donc, il y avait plein de choses qui se passent, qui sont passées dans ce moment-là de ma vie, où j'ai vécu la différence. Et je sais qu'en tant qu'enfant, c'est pas facile. Le deuxième sur le, c'est que pendant ce moment de vie, si on voulait entretenir le français, d'abord moi... En tant qu'enfant, j'étais récalcitrante. Et donc, il y a eu quelques moments, les parents n'ont pas été trop dans ça, mais je me rappelle de moments où il fallait s'asseoir le week-end et faire des dictées.

  • Alban

    Ah oui, quand même.

  • Véronique

    Bah oui, parce que sinon, tu perds la langue. Moi, j'en ai des séquelles. Je ne veux pas dire qu'elles sont horribles, mais il faut d'orthographe. C'est une langue difficile. Je voulais vraiment qu'il ait cet équilibre. C'est lui, un papa norvégien, une maman française, ça c'est lui. Je voulais qu'il ait cet équilibre à tous les moments. Et donc, il a commencé en barnhage, enfin en crèche norvégienne. Mais à un moment, moi, je ne voulais pas que ce soit moi qui ai le boulot de lui apprendre le français. Je ne parle pas de l'oral, je parle de l'écrit et du lu. Et donc, j'ai délégué ça à l'école française. Donc, je l'ai mis là-dedans.

  • Lucie

    À partir de quelle classe ?

  • Véronique

    Il est rentré en moyenne section de maternelle. Tout simplement, après, c'est quel enfant tu as en face de toi. Et il se trouvait que c'était quelqu'un qui était très scolaire, même à l'âge de 4 ans, c'est-à-dire à déchiffrer les lettres. Et donc, le barnhage norvégien, c'était bien, mais c'était que du jeu.

  • Lucie

    Pour expliquer quand même la différence, c'est qu'une école maternelle norvégienne et une école maternelle française, c'est très différent. La Norvège, ça va être... beaucoup plus dans le jeu, dans la nature, dehors, apprendre...

  • Alban

    L'autonomie, le quotidien un peu, on va dire.

  • Lucie

    Voilà, et l'école maternelle française, ça va être beaucoup plus scolaire, avec des acquis précis à avoir pour ensuite la primaire.

  • Véronique

    J'étais plus au départ dans l'idée qu'il rentre plus tard, enfin je veux dire plus proche de la primaire que là où il est rentré, mais ça lui correspondait. Et il s'y retrouvait comme un poisson dans l'eau, c'est-à-dire qu'avec des enfants... qui était comme lui, dans le bi culturel, je veux dire à tel point qu'un jour plus tard, quand il était en primaire, ils ont travaillé sur les origines, la généalogie, tout ça. Et puis, il rentre de l'école et il me raconte qu'il y avait une petite fille dans sa classe extraordinaire. Elle est franco-française. C'est trop chou !

  • Alban

    C'est fou !

  • Véronique

    Elle a ses deux parents français ! Alors je lui dis, écoute, en fait, ça, c'est le modèle dominant en France.

  • Alban

    C'est trop drôle.

  • Lucie

    Il y a des franco-français.

  • Véronique

    Il y a des franco-français, ça existe. Mais pour lui, ce n'était pas le modèle dominant, ni dans son quotidien à lui, ni dans sa classe.

  • Lucie

    Oui, c'était soit tu as deux parents norvégiens,

  • Véronique

    soit tu as un parent d'un norvégien et de l'autre, soit tu as deux parents qui ne sont pas norvégiens. Trop drôle. Et son père était favorable. Donc, je n'ai pas eu ce débat.

  • Lucie

    Et vous habitiez proche de l'école française ? Oui. Parce qu'il n'y en avait qu'une ?

  • Véronique

    Oui, il n'y en avait qu'une qui a toujours été au même endroit depuis les années 60. Oui,

  • Lucie

    donc ça ne se posait pas la question. C'était facile de savoir.

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Tu fais un choix de vie qui s'articule autour de ça.

  • Alban

    Oui, c'est vrai. Ça reste une contrainte logistique, on va dire, en tout cas. Oui,

  • Véronique

    parce qu'il faut y aller. J'ai eu le bonheur de, à l'époque... Non, mais alors ça, c'était bingo total. C'était qu'en fait, mon bureau... Donc, quand j'ai trouvé mon travail, le bureau était... Quasiment en face. Tu vois, à Soli Place, quoi.

  • Lucie

    Ah oui.

  • Véronique

    Donc, pendant des années, je me suis retrouvée avec un bureau qui était à deux minutes de pied de l'école, quoi. Royal.

  • Lucie

    Le bonheur,

  • Alban

    ouais. Et aujourd'hui, j'imagine, pour en tout cas toutes les grosses entreprises, c'est plus très stratégique. Non. Le quartier dans lequel se situe le lycée français.

  • Véronique

    Pas du tout. Mais il est très bien disservi, donc c'est pas un handicap.

  • Lucie

    Du coup, il a fait toute sa scolarité là-bas.

  • Véronique

    Ça n'a pas été le choix de base, mais on a fini comme ça, oui. Mais à un moment, c'est devenu son choix.

  • Alban

    Il a fait son avis, ça lui allait bien.

  • Véronique

    Ça lui allait très bien pour un tas de raisons. Il a fait de la maternelle au lycée. On a eu une année à Oxford. Il est passé en lycée norvégien en seconde ou en première, avec un objectif particulier. Il voulait faire un bac L, qui à l'époque existait. Et en fait, le lycée français n'était pas certifié pour faire un bac L. Pour que le lycée puisse scolariser les enfants dans une section de bac, Il faut que les professeurs, un certain nombre de professeurs, soient certifiés par rapport à certaines matières. Et ce n'était pas le cas. Et du coup, l'option qui se posait à lui, c'est que s'il avait voulu rester au lycée français et faire un bac L de l'époque, il fallait qu'il fasse beaucoup de trucs par correspondance, en ligne, avec le CNED. Il y avait le CNED pour des matières importantes. Et ça, c'était le deuxième truc qui ne m'a vraiment pas du tout plu. C'est qu'il aurait fallu qu'il fasse son bac à ce... Stockholm ou Copenhague. On a cherché d'autres options. Il a fini par faire une tentative à Blindern en IB, International Baccalaureate.

  • Lucie

    Mais en section littéraire ?

  • Véronique

    En section littéraire. Donc là,

  • Alban

    c'était du coup en anglais ?

  • Véronique

    C'était en anglais. Mais tu pouvais faire aussi des trucs en français, un module, je ne sais pas quoi. Mais il est rentré en août. Socialement, il s'est bien intégré, il n'y a pas eu de problème. Mais il a conclu en novembre qu'il souhaitait retourner au lycée français. Donc, il est retourné, mais il n'a pas fait bac L. D'accord. Mais c'était un choix. Enfin, je veux dire, tu as 17 ans, tu as les envies, elles sont exprimées, elles correspondent à quelque chose. À ce moment-là, on s'est projeté. Donc, OK, si tu fais ça, ça veut dire qu'ensuite, les études universitaires, ça serait ça. Et du coup,

  • Lucie

    il a été faire ses études en France ou ?

  • Véronique

    Oui, il est en France.

  • Lucie

    D'accord. Donc, après le bac, il est parti en France.

  • Véronique

    Il est parti en France et il est actuellement en master à Sciences Po à Paris.

  • Lucie

    J'entends parfois que quand on est à l'école française, c'est plus difficile de se faire des amis avec, surtout quand on est plus petit, les enfants du quartier, parce qu'on ne va pas au barnet à gueux local et tout. Comment ça s'est passé pour lui ? Est-ce qu'il avait plutôt des amis du lycée français qu'il arrivait quand même à voir en dehors ? Parce que j'imagine que le lycée français, c'est plus éparpillé là où les gens habitent. Ou est-ce qu'il arrivait quand même à connecter avec les gens de son quartier ?

  • Véronique

    Ah, tu... Peu connecté. Ce qui est important, je pense, pour éviter ce biais, c'est que toutes les activités extrascolaires ne soient pas au lycée. Tout était en extérieur. Il en faisait aussi au lycée. Je ne vais pas nier. Il a fait un petit peu de tout. C'est sûr que sa base d'amis d'enfance sont des gens qui ont fait le lycée français comme lui, mais qui aujourd'hui se retrouvent... Il a été le bac Covid. C'est une génération, je ne sais pas maintenant et je ne sais pas avant, Mais cette génération-là de bacheliers du lycée français, beaucoup ont fini en Norvège. Il fallait quand même oser partir à ce moment-là, en année Covid, à l'étranger. Je ne dis pas que c'était très, très, très courageux de savoir, mais du coup, il y avait beaucoup qui ont fait plutôt le choix de la Norvège. Deuxième chose, enfants, ça donnait des activités qui faisaient qu'il était avec des enfants norvégiens du quartier, étudiants. Il est dans l'association des étudiants norvégiens à l'étranger. Enfin, voilà quoi.

  • Alban

    Ah, super.

  • Véronique

    Oui, donc, quand même, si tu veux, je pense que quand tu es dans tes binationals, tu revendiques ta nationalité minoritaire.

  • Alban

    Par rapport à là où tu te situes.

  • Véronique

    Par rapport à là où tu te situes. Donc, tu vas être plus norvégien en France et plus français en Norvège, par exemple, tu vois, pour défendre un petit peu ta particularité et garder cette culture, cette langue.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que c'est vraiment les questions qu'on se pose, notamment le système scolaire. Aussitôt qu'on attendait l'aîné, on se posait la question. Et l'identité. Tu as en partie répondu peut-être déjà pour ton fils, mais je voulais aussi savoir par rapport à toi. Après toutes ces années, comment tu vis la France, la Norvège et ta propre identité ?

  • Véronique

    Moi aussi, je viens d'un couple mixte culturellement. Et ensuite, j'ai vécu dans un tiers-pays quand j'étais enfant. Donc, waouh ! Il y a pas mal de choses qui brassent. Au final, t'es toi, quoi. Et t'es un peu unique. Alors c'est vrai que, par exemple, le mélange que j'ai moi, qu'a mon fils qui est franco-arménien-norvégien... Il n'y en a pas des milliers, mais quand on en rencontre, on est assez subjugué de dire « Ah bah ouais, il n'y a pas que nous » . Bon, c'est un ou deux individus. Quand on rencontre ce mix-là, tu n'es pas là en train de parler de l'identité, parce que l'identité, c'est toi qui l'as construite, je veux dire. J'ai l'habitude de dire que je suis de là où j'ai habité.

  • Lucie

    Mais du coup, est-ce que, parce que maintenant, ça fait 20 ans que tu es en Norvège, plus de 20 ans, est-ce que tu te sens norvégienne ?

  • Véronique

    Alors, j'ai le passeport. C'est une acquisition récente.

  • Alban

    Bravo.

  • Véronique

    Oui.

  • Lucie

    Ça veut dire que la langue a été validée.

  • Véronique

    Oui, au niveau où il le fallait. Mais bon, ça va. Maintenant, je suis dans une phase beaucoup plus d'intégration. Avant, j'étais vraiment purement immigrée. Maintenant, je suis norvégienne d'origine étrangère. Depuis cette année, j'ai adhéré à un parti politique. Le politique est quelque chose qui m'intéresse, donc je suis revenue. membre du Parti, arbaille de parti, par conviction, surtout par rapport aux élections qui arrivent, où je ne souhaite pas qu'il y ait une très forte domination de l'extrême droite en Norvège. Et ça, ça me propulse depuis quelques mois dans énormément de rencontres et de choses que j'apprends sur la Norvège. Mais eux-mêmes, c'était assez amusant. Quand je suis arrivée au sein de la section du parti dans mon quartier, quelqu'un rapidement, sans que je demande quoi que ce soit, m'a dit je vais te proposer de faire partie des militants qui vont travailler sur la campagne électorale à venir vis-à-vis des minorités multiculturelles. Donc, ils m'ont renvoyé à mon statut d'immigré. Mais de toute façon, je le suis. Donc, je ne combats pas cette idée. Je suis immigré. Je parlerai toujours avec un accent, très mal. Tu vois, je suis immigré première génération. Je ne suis pas intégré. Et ça a été intéressant de me dire, j'arrive, je dis bonjour, je m'appelle Véronique. J'ai tout de suite dit, je suis d'origine française, voilà. Je me retrouve là-dedans et je m'étais préparée. Je me dis, bon, il va y avoir des Pakistanais, des Somaliens, des Érythréens, des Indiens, pas de Français. Et effectivement, il n'y avait pas d'Européens. Mais quand ils ont parlé des difficultés et des problèmes qu'ils ont, 90% des problèmes et des questions qui comptaient pour eux, c'est des questions qui comptent pour la communauté française en Norvège. Barnevernet. qui est l'office qui s'occupe de l'aide à l'enfance pour l'enfance maltraitée. Typiquement le racisme, l'intégration, le fait d'être différent, le fait de pratiquer sa culture, de parler sa langue. Donc t'es immigrée, tu le restes.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que ça fait six ans qu'on est ici, on n'a jamais trop eu besoin de la langue. On a fait l'effort quand même de prendre pas mal de cours pour s'améliorer, c'est toujours pas fluide. Là, avec les enfants, je trouve que c'est un niveau supérieur parce que, peut-être un peu comme tu l'as dit, nous, étant tous les deux Français, on a vraiment envie qu'elles puissent s'intégrer à fond. On ne veut pas être un peuple pour elles. Donc, on joue le jeu. Là, on en a mentionné la dernière fois, la fête d'Halloween, à laquelle on s'est rendus. C'était un moment un peu solennel pour nous. Mais entre l'expatriation et l'immigration, chaque Français qui s'expatrie à l'étranger, c'est fun, c'est cool. Mais en fait, on reste immigrés. Et je le me rends compte aujourd'hui. Quand je suis entouré de parents norvégiens, que j'essaie de marmonner mon norvégien, ou bien alors que j'essaie du coup de changer à l'anglais pour que je puisse les comprendre, c'est un poids, c'est dur. Et ça, ça met un coup à ta confiance en toi, à tes questions d'identité, c'est vraiment difficile. Mais d'un autre côté, c'est aussi sur ça que je me dis que ça nous rend tellement fort de vivre ça au quotidien. Parce qu'on se confronte toujours à des choses qui te... que parfois ce sont des petites claques. On parle beaucoup maintenant, on est très sur la santé mentale, les micro-agressions. Parfois, c'est très, très bien. Il va y avoir beaucoup de discrimination positive, mais parfois, sans s'en rendre compte, on se prend des claques sans le vouloir. Et après, il faut arriver à les digérer. Donc, c'est super intéressant d'entendre un peu ton vécu sur ça aussi.

  • Véronique

    Non, moi, je suis fondamentalement une immigrée. Oui. Voilà, point. Donc, du coup, même par rapport à ce qui se passe en France ou ce qui se passe en Europe ou ce qui se passe dans le monde, par rapport à... Je ne suis pas une réfugiée, je n'ai pas été à la guerre. Ça a été un choix, un moment, pour des raisons x, y, dont on a parlé tout à l'heure.

  • Lucie

    Je suis et je resterai une immigrée. Un exemple, je ne sais pas si vous vous rappelez de Raphaël Poiré. Raphaël Poiré, c'était un très grand skieur, un biathlon, les années 90, début des années 2000. Et il se trouve qu'il s'est marié avec une très grande athlète de biathlon norvégienne, dont le nom m'échappe. Bref, ils étaient un couple très connu dans les médias norvégiens quand je suis arrivée en Norvège. Et à l'époque, Raphaël Poiré commence à s'interviewer en Norvège. Je ne sais pas à quel point il vivait en Norvège, mais bon, il apprend le norvégien. Et il fait une interview en norvégien. Et là, je me dis, waouh, t'as un très, très fort accent. Lui. Et là, j'étais avec des Norvégiens et les Norvégiens disent, ah bah, il parle comme toi. Ah, la vache. Ouais, exactement. Donc là, le coup de poing dans le ventre. Et là, je me suis dit, ah ouais. Non, mais bon, d'accord. Donc, je n'aurai jamais un accent de Bergen. Voilà, c'est clair.

  • Alban

    Non, et puis à savoir que le Norvégien ne s'est pas parlé de manière égale dans toute la Norvège. Ils ont des accents spécifiques.

  • Lucie

    Et donc maintenant, je n'hésite pas, j'y vais franco. Je dis, voilà, j'ai un accent. Donc, c'est l'histoire de se sentir plus petit ou différent. Ben oui, je le suis. Et on ne va pas le cacher.

  • Alban

    Non. Je trouve que du moment que les gens te comprennent et que tu comprends les gens...

  • Lucie

    Tout à fait, d'accord.

  • Alban

    C'est le principal. Ça me rappelle quand on était en Amérique latine, je parlais espagnol avec un très fort accent. Mais moi, du moment que les gens pouvaient me comprendre et que je les comprenais, tant pis pour l'accent. J'aurais préféré avoir un super accent latino, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est de pouvoir communiquer, je trouve.

  • Lucie

    Mais Alban a raison, parce qu'il y a des fois, sur certaines personnes, ça joue des complexes. Et même moi, inconsciemment, tu as des complexes, tu hésites à parler. Du coup, je me force.

  • Alban

    Non, mais moi, la première, surtout en norvégien. En tout cas, le feedback que j'ai de nos amis norvégiens, du moment qu'on fait l'effort d'apprendre la langue, même si on a un super accent, ils seront hyper contents qu'on leur parle en norvégien.

  • Véronique

    Et pour revenir sur la notion un peu d'identité ou de complexe qu'on peut développer, dans l'entreprise dans laquelle tu travailles, quand on était collègue, je ne l'avais jamais ressenti. Puis, j'ai changé d'entreprise. Et même si j'étais très bien accueilli, il y a une très bonne culture, je pense qu'ils n'en sont pas au même niveau. Et j'ai commencé un peu à ressentir que j'étais plus... l'expatrié qui avait vécu dans beaucoup de pays, qui avait appris plusieurs langues, qui était audacieux, on va dire, quelque part, de faire tous ses choix de vie, je me sentais comme une moins bonne version qu'un Norvégien. Et ça, ça a été difficile. Maintenant, je prends du recul sur ça. Il m'a fallu digérer un peu toute cette année. Mais voilà, je le mentionne parce que c'est des choses auxquelles on ne pense pas forcément, peut-être en arrivant dans un pays. Certains vont peut-être avoir des difficultés dès le début pour se faire accepter. Ça n'a pas été notre cas. Le travail se passait bien, le cercle social se passait bien. Et puis, tu te heurtes à différents âges, différentes cultures, différentes réactions de personnes. Et ça peut te renvoyer une image de toi-même qui, si tu n'es pas suffisant, ce n'est pas assez bien ce que tu fais. Au bout de six ans, je suis difficile quand même avec moi à me dire « Mais pourquoi tu ne parles toujours pas couramment norvégien ? »

  • Alban

    C'est plus l'appréhension que là, si tu veux évoluer dans ta boîte actuelle, tu as l'impression qu'il faut absolument parler norvégien.

  • Véronique

    C'est vrai.

  • Alban

    Ce que tu n'avais pas avant.

  • Véronique

    Et comme tu dis, les impressions aussi, c'est parfois des choses qu'on s'impose. Oui. Donc, c'est délicat. Est-ce que toi, d'ailleurs, dans le cadre du travail, quand tu as fait la bascule un peu système français, système norvégien, ou en tout cas quand tu as commencé à rejoindre des grandes boîtes, est-ce que tu as eu des bonnes surprises, des mauvaises surprises un peu ? Ou est-ce que tu as vu les choses évoluer au cours du temps ?

  • Lucie

    Bon, c'est lié aussi à la boîte. Moi, je n'ai jamais eu comme ambition d'avoir le passeport, oui, d'être intégrée, oui, de me sentir bien dans ce pays et de le faire le mien, oui. Mais de devenir norvégienne, non. Parce que... Ici, il y a un système scolaire qui fait qu'en fait, les gens se connaissent depuis la naissance, quasiment. Et c'est un tout petit pays. Ils se connaissent tous. Et je ne sais pas vous, mais moi, ça m'arrive assez fréquemment de me retrouver dans une soirée où il y a des Norvégiens que je ne connais pas. Et en l'espace de deux ou trois phrases, on va se trouver une connexion. C'est-à-dire, ils connaissent quelqu'un qui travaille dans la même boîte que moi. moi viens j'ai pratiqué un sport où je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un qui voilà donc c'est très très étriqué c'est un village c'est incroyable et ça d'ailleurs pareil je ne m'en rendais pas compte dans mon ancienne boîte j'ai changé de boîte et puis je vois tous les mêmes visages quasiment alors je grossis le trait bien sûr mais que ce soit les consultants ou les gens internes c'est vraiment les chaises musicales tout à fait c'est tout petit

  • Alban

    Dans l'anecdote, d'ailleurs, en disant que c'est tout petit, t'es quand même arrivé au boulot un jour et tu reconnais une dame. Tu te dis, je la connais de quelque part. Ah ben, c'est la dame qui nous a racheté notre appartement.

  • Lucie

    Oh la vache.

  • Véronique

    Voilà.

  • Lucie

    Oui, oui, non, mais c'est impossible de se balader à Oslo, et je pense que c'est encore plus vrai dans d'autres lieux de Norvège, sans tomber sur des gens au quotidien. C'est pas anonyme. Moi, je ne peux pas récupérer, je suis arrivée, j'avais 36 ans, je ne peux pas récupérer 36 ans de non-Norvège. Bien sûr. C'est un... récupérable. Donc du coup... Mon identité, c'est moi, avec le parcours que j'ai eu avant, comme le parcours que vous avez eu, qui a été multiculturel, différent, ailleurs. Et tu arrives et tu essayes de te sentir bien là où tu es et d'y contribuer. Ça s'arrête là. Je ne vais pas essayer d'être à leur niveau. Ça ne rime à rien. Et de toute façon, ils vont me renvoyer, comme je vous l'ai expliqué, par rapport à l'expérience récente. C'est vrai, je ne peux pas le nier. Je ne suis pas née ici. Mon fils, c'est pareil. Pour moi, il est franco-norvégien. Ça veut dire qu'il est franco d'un côté, norvégien de l'autre, et que dans les deux pays, quelque part, c'est un étranger. C'est bizarre, hein ? Et oui,

  • Véronique

    complètement.

  • Lucie

    Mais je suis aussi très marquée par le fait d'être passée par un système français. Je suis en France, je vais entendre des trucs que je ne vais pas comprendre. Je suis ici, alors je vais les comprendre mieux, mais en miroir. Je pense que ça ne marche pas d'essayer de devenir quelqu'un que tu n'es pas. Et c'est une force.

  • Véronique

    Mais complètement, c'est pour ça qu'il faut... Je trouve que c'est important de montrer combien c'est une richesse. Peut-être à la base d'arriver en tant qu'expatrié et de se sentir immigré, ça c'est une difficulté, mais au quotidien, malgré toutes ces difficultés, pour moi on est riche. On est riche des expériences qu'on vit, même si certaines peuvent être difficiles. Et je pense qu'au bout de quelques années, si d'autres personnes sont amenées à peut-être vivre ce que tu as vécu, ou moins un peu une des phases que je traverse actuellement, c'est ok, mais avant tout on est soi. Pas besoin d'être norvégien, on est soit en Norvège.

  • Alban

    Tu as toujours de la famille, des amis en France. Et comment tu vis l'éloignement ? Comment tu l'as vécu en tout cas toutes ces années ? Pour ton fils aussi ?

  • Véronique

    Et d'ailleurs, quand tu as annoncé que tu étais installé en Norvège, comment ça s'est fait tout ça ?

  • Lucie

    Il y avait une logique qui ne les a pas surpris, parce que j'étais avec un Norvégien depuis très longtemps, ce n'était pas étonnant. Par contre, j'ai longtemps vécu dans l'idée du retour. Alors il se trouve que depuis, on s'est séparés. et que maintenant, j'habite ici avec un Allemand. Voilà. Donc, c'est une autre configuration. C'est-à-dire qu'on est tous les deux immigrés. C'est un petit peu comme vous. Et ce n'est pas du tout pareil que d'être dans un groupe avec un Norvégien ou une Norvégienne qui est chez lui ou chez elle. Ça n'a rien à voir. Je vais dire que c'est beaucoup plus facile pour moi. Parce qu'on est tous les deux dans notre rôle à l'intérieur de la société, il est le même. Dans notre parcours, il est le même. Dans les challenges et les défis qu'on a. Ce sont les mêmes, même si, parce qu'il est Allemand, il a d'autres challenges que moi. Je n'ai pas cette tristesse de l'exil parce que je l'ai choisi. Et qu'il faut se rappeler que je l'ai vécu quand j'étais enfant. Et c'était un moment de bonheur. Et ce qui a été difficile, en fait, ça a été le retour. Alors, on devait partir dans un autre pays et puis les choses ne se sont pas faites. On a été dans une espèce de limbo pendant quelques mois.

  • Véronique

    Quand vous étiez donc en Écosse.

  • Lucie

    En Écosse, oui. Donc, en gros, je crois que comme on est arrivé vers janvier, février, ça devrait se terminer en janvier, février. Mais en fait, ça s'est terminé... autour de Pâques, et moi, tout d'un coup, à un moment, j'arrive au mois de juin, en sixième en France. Alors j'avais changé. J'étais en primaire en Écosse, je me retrouve en sixième, je me retrouve à faire plein de cours que je ne connaissais pas. Voilà, c'était waouh, n'importe quoi. J'ai mon bulletin scolaire de un mois en sixième, c'était 0, 0, 0, genre je dois faire des efforts, sinon, voilà. Mes parents ont convaincu que j'avais le niveau scolaire et c'est vrai que c'était une question de temps et ça, ça a marché. Ce qui s'est passé à ce moment-là... c'est que j'ai réalisé, et ça reste encore marqué, et c'est encore plus marqué maintenant que je suis ici, c'est que t'as beau te tenir au courant, t'as beau être dans le coup, en contact avec des Français, t'as un gap, t'as des trucs que tu comprends pas. Les références culturelles, moi j'ai trois ans, je veux dire, je savais pas qui était Claude François. Enfin des trucs qui, pour des Français, étaient d'une évidence totale. donc je n'ai jamais vécu dans la tristesse je sais qu'il y a des gens qui ont ça qui se sentent trop loin de la famille et je pense que si c'est le cas c'est très difficile d'être heureux ici moi j'ai fait un choix j'ai une sœur qui habite à Londres donc c'est un peu normal j'ai des cousins en Irlande des cousins aux Etats-Unis un autre cousin qui est à Malte on est un peu tous comme ça c'est admis comment vous arrivez à maintenir le lien à distance ? On a fait pendant une période des cousinates qui faisait qu'on gardait des liens très forts. Moi, je vais régulièrement voir ma sœur qui est en Grande-Bretagne, qui elle est anglaise. Après le Brexit, j'ai une autre sœur qui est à Paris. J'ai une autre sœur qui est à Pau. J'essaie d'y retourner plus souvent maintenant. C'est-à-dire qu'avant, c'était des vacances scolaires, Noël, l'été. Maintenant, ça va être tous les deux mois. Parce que j'ai déjà des parents un peu. Peut-être que j'ai plus envie de les voir maintenant. Il y a l'âge. Il y a mon fils qui est à Paris. Il y a plein d'autres raisons qui font...

  • Alban

    Oui, bien sûr.

  • Lucie

    Tu vois, plus le temps passe... Je dis à des collègues, quand tu dépasses trois ans dans un pays, ça y est, c'est très difficile de passer à autre chose.

  • Véronique

    Je rebondis sur ça parce que, comme tu dis, l'histoire des trois ans, tu arrives en France... T'es à la masse.

  • Lucie

    Complètement.

  • Véronique

    Et en Norvège, en tout cas dans mon cas, moi je m'intéresse peu à l'actualité et tout ça. Je suis toujours un petit peu aussi à la masse. Mais j'apprends petit à petit et ça me va comme ça. Alors là, pour le coup, pas de complexe et tout. C'est moins un choix. Je n'aime pas trop les informations et tout ça. Mais ouais, c'est vrai que je pense qu'au bout d'un moment, t'importe les deux.

  • Alban

    Je ne sais pas si toi, tu aimes bien la neige, l'hiver. Comment tu vis le climat norvégien ?

  • Véronique

    Je venais du sud, en plus du sud de la France.

  • Lucie

    Oui, c'est sûr que je préférais qu'il fasse un petit peu plus chaud. et que quand on arrive ici à 25 degrés, je me sens bien. Et que mes collègues, cette année, je me rappelle, je ne sais plus quel jour, en mai, où il a fait super bon. J'arrive au bureau, mais j'étais là, enfin, il fait bon, quoi. Il faisait 25. Et un collègue qui arrive en même temps et qui me dit, je suis en sueur, c'est l'horreur. Je suis comme une cochon. C'est pas possible. Voilà. Donc, bon, t'es acclimaté à ce que t'as connu petit.

  • Véronique

    Ce qui est rigolo, c'est que tu parlais tout à l'heure, bon, je ne suis pas réfugié non plus politique, Je fais la blague, alors je ne sais pas si elle est bonne, mais je me considère déjà un réfugié climatique. Parce que pour le coup, moi, j'ai grandi et fait mes études dans le sud de la France. Et à partir du moment où j'ai commencé à bosser, qu'il fallait, tu sais, un peu chemise, y compris en été, je me suis dit, mais pas possible, en fait. J'avais eu l'occasion dans mes études de partir à Brest. Et je me suis dit, j'adore. Il fait meilleur. Tant pis si il fait gris. Il fait juste meilleur. Je peux travailler et vivre au quotidien comme ça. Et en arrivant à Norvège, on rebelote. C'est complètement ce qui me va. et j'en parle à d'autres personnes, notamment une collègue, une ancienne collègue brésilienne, elle aussi beaucoup trop chaud au Brésil. Elle était contente d'avoir plus frais ici. Mais c'est vrai que sur la durée, quand l'été arrive ou quand tu te rapproches, t'as bien envie d'avoir ces 25 degrés qui font plaisir.

  • Alban

    Ouais, parce que moi, autant j'ai l'impression de m'être habituée au climat norvégien et c'est vrai que j'ai plus de mal à supporter les grosses chaleurs qu'avant ou alors je supporte mieux les grands froids, on va dire. Mais par contre, c'est vrai que l'été, j'en vis les vraies températures d'été. L'été dernier, on est resté au mois de juillet en Norvège. J'adore pour tout ce qu'on a fait. Mais à la fin du mois de juillet, je lui ai dit, j'ai l'impression de ne pas avoir eu d'été.

  • Lucie

    On n'a pas fait gâter.

  • Alban

    Heureusement qu'on avait eu mai-juin où il avait fait super beau.

  • Lucie

    Typiquement, mon père a une super maison en Bretagne. Je lui ai dit, je suis désolée, je n'y vais pas parce que moi, il me faut une garantie de soleil.

  • Véronique

    J'adore, c'est exactement ce que tu apprendrais à me dire.

  • Lucie

    Chaque hiver est tellement différent. J'avais depuis longtemps acheté des chaussures à Campo, même si j'habite en centre-ville. C'est la première fois en 20 ans que je les ai portées plus de trois jours. J'ai porté trois semaines consécutives. Autour de moi, des gens, ce n'était pas que les mamies et les papys qui portaient ça. C'était tout le monde, même les jeunes. Donc un hiver vert glacé, c'est le « j'avais jamais eu » . Chaque hiver est différent.

  • Alban

    C'est quoi ton petit conseil pour survivre à l'hiver ?

  • Lucie

    C'est vraiment lié, je te dis, à l'illuminosité. Donc, ça va être la vitamine D dès le mois de septembre. On a ce qu'on appelle à la maison une lampe très forte. On l'appelle la happiness lamp à la maison. Et on la met. Je ne suis pas là devant, mais elle est dans la cuisine.

  • Véronique

    Alors, une petite anecdote. Notre fenêtre principale, la baie vitrée, donne sur la nature. Donc, il n'y a pas de lumière. Quelque chose qui est important pour nous depuis, ça fait un peu plus d'un an qu'on y vit. On met normalement déjà des éclairages en gros de Noël à partir de fin octobre, début novembre, pour nous renvoyer la lumière dès 16h ou avant, même quand les jours sont plus courts. Et pour ceux qui se demandent un peu parfois aussi le coût de la main-d'œuvre norvégienne, on a remplacé des fenêtres, donc on nous a dit ne faites pas passer le câble par la fenêtre pour ne pas endommager le joint. Ok, donc installons une prise dehors. Il n'y en a pas. On a demandé à notre ancien voisin électricien de vie pour poser la prise dehors. Roulement de tambour, qu'est-ce que tu dirais peut-être Véronique ?

  • Lucie

    Ouais, plusieurs milliers de couronnes, mais je ne sais pas si tu touches aux dizaines.

  • Véronique

    Alors quand même pas.

  • Lucie

    Quand même pas.

  • Véronique

    Je vais parler en euros grosso modo pour que ça parle à ceux qui nous écoutent. Entre 400 et 600 euros pour la prise. Oui,

  • Lucie

    mais parce que c'est le coût de la main d'œuvre. Toi aussi, ton coût horaire.

  • Véronique

    Bien sûr, il est très élevé.

  • Lucie

    Très élevé. Le coût horaire de toute personne en Norvège est très élevé.

  • Véronique

    Mais ça fait mal, voilà. C'est d'actualité parce qu'on a reçu l'info hier et je suis en train de la digérer toujours.

  • Lucie

    Le premier mois en Norvège, en gros, on était une famille de trois. Et je regardais les prix et je me suis dit, c'est quoi ? C'est n'importe quoi. En fait, j'ai eu un réflexe. J'ai tout noté ce qu'on dépensait en alimentation pour me faire une idée. Donc, j'ai su combien c'était, même si on n'avait qu'un nourrisson. Donc, en fait, on était deux. Et je suis sortie de cette expérience en me disant, voilà, tant que tu restes ici, ça, c'est quelque chose qui ne compte pas. Combien tu vas dépenser pour l'alimentation ? Tu vas t'adapter pour bien manger. Je ne peux pas manger des pizzas grandioses à surgeler tous les jours. C'est une miette, quoi. Donc, je fais beaucoup d'efforts dans ce domaine-là. Je fais partie de quelque chose qui s'appelle Coopérative, qui est un endroit où tu récupères des paniers. Et Coopérative, c'est bizarre, 30 à 40 % des gens qui viennent chercher les paniers, ils parlent français.

  • Véronique

    Ah oui, ça ne m'étonne pas.

  • Lucie

    Voilà, donc tu vas te dire, il y a un truc là. Parce qu'il n'y a pas 30 à 40% des habitants d'Oslo qui sont français. Ça compte, en particulier pour moi, et je pense que c'est un trait culturel. Et donc, non, je ne m'interdis rien pour passer ces six mois. Mais au début, c'est vrai que je disais, j'ai vécu, au lieu de dire j'ai vécu 22 ans, j'ai survécu 20 hivers.

  • Alban

    Peut-être, moi, ce qui m'intéresse... Est-ce qu'il y a des traditions norvégiennes ou des habitudes norvégiennes que tu as adoptées dans ton quotidien comme une vraie norvégienne ?

  • Lucie

    Tout ce qui est schéma pour survivre l'hiver. Donc, les bougies, la vitamine D, la lampe, la happiness lamp. Au niveau alimentation, non, on mange plutôt comme les Français, normalement. Il faut dire ce qui est.

  • Alban

    Mais est-ce que, par exemple, vous mangez plus tôt ? Parce qu'en France, on avait peut-être tendance... Oui,

  • Lucie

    mais bon, on a aussi une vie humaine. Maintenant, on n'a pas d'enfants à la maison. On va faire du sport, donc on va monter plutôt comme des Français. J'ai un conjoint qui aime beaucoup la nature, qui pratique des sports en extérieur. Donc, lui, il va faire du ski de fond, tout ça. C'est pas mon truc. Je survis sans faire du ski.

  • Véronique

    Bravo, parce que nous, on a tendance à dire l'hiver peut être long si on ne fait pas d'activités de sport d'hiver. C'est cool de voir que si, c'est possible aussi.

  • Lucie

    C'est possible, mais aussi parce que j'étais... Quand j'ai vécu avec un Norvégien, c'était un Norvégien qui n'en faisait pas.

  • Véronique

    Oui, oui, voilà.

  • Lucie

    C'est d'autres choses. Plein d'autres choses à faire. Mais effectivement, la nature, elle est à disposition. C'est à toi de l'utiliser quand on a envie.

  • Alban

    Et pour ceux qui n'aiment pas le ski, alors qu'est-ce qu'on peut faire l'hiver de sympa en Norvège ? Ou à Oslo, du moins ?

  • Lucie

    Oslo s'est transformé sur un plan culturel d'une manière extraordinaire. L'Oslo que je venais visiter fin des années 90. n'est pas l'Oslo d'aujourd'hui. Donc, il y a déjà le rassemblement qu'ils ont fait des musées. Il y a beaucoup plus d'expos. Il y a une offre ciné qui n'existait pas. Évidemment, ce n'est pas Paris ou Londres. On ne va pas...

  • Véronique

    Oui, bien sûr.

  • Alban

    Oui, mais je suis assez d'accord. Même, je trouve que depuis notre arrivée, je trouve que ça a vachement évolué.

  • Lucie

    Oui. Et puis,

  • Véronique

    ils veulent se rendre attractifs, je pense. Contrairement à Stockholm, on va dire, qui est très, très connu aussi par les étrangers, Oslo, je pense, n'a pas atteint le même rang. Mais la ville... se mobilisent énormément, en tout cas c'est mon impression, pour être une ville très très agréable, y compris pour les week-end getaway.

  • Lucie

    Il se passe toujours des trucs, mais maintenant on a une saison incroyable, on a des aurores boréales en pleine ville. C'est fou ça. Un truc dingue, j'ai jamais vu en 20 ans. Moi-même, le fameux jour où il y en a eu le plus, c'était un jeudi soir, sur mon balcon, en plein centre-ville. De fou.

  • Alban

    Il y a des trucs à faire.

  • Lucie

    Il y a des trucs à faire, même si tu n'es pas sportif et nature à 110%.

  • Alban

    Et au contraire, est-ce qu'il y a des trucs que tu ne veux pas de... de tradition norvégienne.

  • Véronique

    Y compris culinaire, d'ailleurs. Parce que ça, ça peut être un peu parfois délicat.

  • Lucie

    Non, j'ai mangé du lutefisque. Je ne suis pas très viande, donc je ne vais pas manger du pinechiotte et tout ça. Non, je ne suis pas réfractaire à quoi que ce soit. Même le fromage en tube ? Oui, oui, tout ça, je fais. Oui,

  • Véronique

    elle est super.

  • Lucie

    Oui, oui, je ne sais pas ce quotidien.

  • Véronique

    Ça fait un pur noir. Oui,

  • Lucie

    oui, non, mais je fais mackerel et tomate. Oui, oui, non, mais je ne m'interdis rien. Non, mais... C'est pas mon quotidien. J'ai pas grandi avec. J'ai pas de bunade. Je me vois pas porter le costume paléonel norvégien. Et je sais qu'au 17 mai, tu vois beaucoup d'immigrés, je pense, deuxième génération, qui vont en porter. Moi, je me vois pas m'acheter et porter un bunade.

  • Véronique

    C'est vrai que j'imagine peut-être nos filles.

  • Lucie

    Nos filles, c'est évident. Parce que quand t'es gamin, tu veux être comme...

  • Véronique

    Bien sûr,

  • Lucie

    une fois de plus, t'as rien. Et puis, elles, ça dépend combien de temps vous restez ici, mais elles sont norvégiennes. Ici, c'est leur vie. Même les Norvégiens, entre eux, le disent, parce que des fois, t'as des modes de bunade. Si t'es pas de cette région et que tu vas le porter juste parce qu'il est à la mode, moyen, quoi.

  • Alban

    Ça perd un peu le sens du...

  • Lucie

    Oui, voilà, le truc, c'est lié à un attachement à quelque chose.

  • Véronique

    Véronique, c'était vraiment super agréable de t'avoir avec nous. Je pense que tu as encore plein d'autres choses à partager, donc volontiers, si un jour tu veux revenir avec nous. Merci pour tous tes conseils et toute ton honnêteté. C'est génial et je pense que ça va autant servir à des gens qui peut-être vivent actuellement en Norvège ou sur Oslo. Et j'espère aussi autant pour ceux qui ont peut-être projet de s'y installer ou simplement les curieux qui nous écoutent. Pour terminer, j'aimerais te demander... Est-ce que tu pourrais partager quelque chose que tu adores de la Norvège ?

  • Lucie

    Le pragmatisme. J'adore, il y a une solution à tout. Je regarde mes collègues ou mes amis norvégiens dans la difficulté et comment ils s'en sortent. Et c'est super positif. Et venant d'un pays, la France, où on est plus du côté négatif. c'est-à-dire à plus à râler. L'orégien ne râle pas autant. Il ne va pas cacher son opinion. Mais j'admire qu'il y a des situations de vie au boulot ou ailleurs où je les vois régler des problèmes. C'est vrai qu'aussi, ils vont avoir tendance à les mettre sous le tapis.

  • Véronique

    C'est parfois le contre...

  • Lucie

    Il y a aussi cette tendance-là, et ce n'est pas celle-là que j'admire. Celle que j'admire, c'est une capacité sans hausser le ton. sans aller vers le conflit, à trouver une solution en commun. Et sur un plan politique, on aurait des... On pourrait parler pendant cinq heures parce que...

  • Alban

    Ça m'intéresse.

  • Lucie

    Ils sont conditionnés à ça, élevés à ça.

  • Alban

    Même en politique, tu trouves qu'il y a cet aspect-là ?

  • Lucie

    Ah oui, mais totalement. Je vois les politiciens en France,

  • Alban

    j'ai l'impression que c'est...

  • Lucie

    Non, non, non. Je vais te donner... Il y a deux trucs. D'abord, un, je me rappelle quand je commençais à comprendre les Norvégiens à suivre des débats politiques en Norvège, parce que je m'intéressais à la politique, je suis impliquée. J'ai dit à un collègue... au bureau. Qu'est-ce qu'ils sont polis entre eux ? Et lui, on a fait une chronique politique, parce qu'il est journaliste aussi, et il a écrit dans un des papiers en disant, une collègue venant d'étrangers trouve que nous sommes trop polis politiquement. En fait, maintenant, je dirais, non, ça fait partie du consensus. Et la manière dont c'est construit, c'est qu'il y a deux éléments qui sont dans la constitution politique norvégienne qui participent de ça. Le un, c'est que si vous allez visiter le Parlement, vous allez vous rendre compte qu'ils sont installés pas par droite et gauche, comme l'hémicycle français. Non, ils sont installés par région. Donc, si tu es élu d'Oslo, si à côté de toi, tu as un mec du RN et toi, tu es un parti de gauche, vous allez être assis ensemble, au même pupitre. Donc, tu résonnes, tu représentes ta région.

  • Véronique

    Ça change déjà complètement l'approche d'hémicycle. Exactement.

  • Lucie

    Ça change, oui. Ils travaillent ensemble. Et deuxième truc, c'est la seule constitution au monde qui est une démocratie et où il n'y a pas de dissolution.

  • Véronique

    Donc, c'est décidé, c'est décidé.

  • Lucie

    C'est décidé, c'est décidé. Les gens ont voté. Ça a duré quatre ans. débrouillez-vous. Et ça oblige la meilleure solution en commun. Bon voilà,

  • Alban

    je suis en train de te dire qu'un petit épisode sur la politique, ça serait peut-être pas mal.

  • Véronique

    Je pense qu'il n'y a plus d'insuivisme sur lequel tu pourrais revenir. Avant qu'on termine Véronique, je voulais te demander, est-ce qu'il y a quelque chose que tu détestes en Norvège, ou qui est très difficile à dire ?

  • Lucie

    Non, il y a des choses qui me choquent parce que culturellement, je ne suis pas habituée. Est-ce que je vais détester à ce point ? C'est un mot fort. Je n'apprécie pas forcément leur... tendance à facilement... Je ne sais pas comment on dit en français. Accountability. Ils vont facilement trouver une porte de sortie. C'est-à-dire qu'il y a une difficulté. Ils vont te dire je ne l'ai pas fait exprès et excuse-moi. Et après, le truc est réglé. Je ne sais pas si vous vous rencontrez ça. Au final,

  • Alban

    je ne travaille pas beaucoup avec des Norvégiens.

  • Lucie

    Ah oui, d'accord. Ok.

  • Véronique

    Ce n'est pas la première fois que je l'entends. Mais est-ce que moi, je le ressens ? Peut-être moins.

  • Lucie

    Mais c'est mineur. Non, je déteste rien en fait. Tant mieux.

  • Alban

    Et est-ce que tu envisages de partir de la Norvège ? Non,

  • Lucie

    non, non, plus du tout. Alors si j'ai du mal à me projeter dans une maison de retraite pour des raisons juste simplement de gastronomie. J'adore. Donc j'ai dit à mon fils, pas dans une sucueille. Non, non, non, mais bon, il y a plein de raisons pour lesquelles on y est bien. Et il faut se rapprocher au positif parce qu'évidemment, c'est pas chez toi, mais c'est comme chez toi.

  • Alban

    Je te connaissais pas et du coup, ça a été super d'apprendre tout ça sur ta vie. Même moi qui suis là depuis six ans, parfois tu faisais des réflexions, surtout par rapport à l'éducation de ton fils et tout. Et dans ma tête, ça fusait. Même alors pour mes filles, moi, comment on va faire et tout. Donc, je pense qu'on va avoir des petites discussions suite à cet épisode. Donc, je suis sûre que pour d'autres personnes, ça va faire pareil. Merci beaucoup Véronique. Et puis, à très bientôt.

  • Lucie

    À bientôt.

  • Alban

    Et nous, on se retrouve pour un prochain épisode. Et on vous dit à très bientôt.

  • Véronique

    Sous les aurores.

  • Alban

    Si cet épisode vous a plu. Pensez à nous laisser une note et un avis sur votre application de coup de préféré.

  • Véronique

    Ou un commentaire sur YouTube, ça nous aide énormément à faire grandir le podcast.

  • Alban

    Merci et à très vite pour le prochain épisode.

Description

Dans ce deuxième épisode de Sous les Aurores, nous recevons Véronique, qui vit en Norvège depuis plus de vingt ans. Partie par amour, elle nous raconte comment son installation s’est transformée en une véritable aventure d’immigration. Au fil de notre conversation, nous découvrons avec elle son parcours entre le Sud de la France, l'Écosse, Paris et Oslo. Elle nous raconte les défis de la langue et la recherche de travail, le choix de scolariser son fils entre système français et norvégien ainsi que son regard sur l’identité, la politique et la vie quotidienne en Norvège.


Véronique partage aussi ses astuces pour s’adapter à l’hiver et profiter de la culture norvégienne, sans renier ses racines françaises - le tout avec une touche d'humour.


Prêts à explorer une autre facette de l’expatriation ? Alors, installez-vous confortablement et laissez-vous guider Sous les Aurores !


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Transcription

  • Lucie

    Salut, c'est Lucie.

  • Alban

    Salut, c'est Alban.

  • Lucie

    Trentenaire et parent de deux petites filles.

  • Alban

    Bienvenue dans Sous les Aurores.

  • Lucie

    Le premier podcast réalisé par un couple de Français en Norvège.

  • Alban

    Sous les Aurores, c'est le podcast haut en couleurs qui vous emmène vivre toutes les nuances de l'expatriation et de l'immigration en Norvège et bien au-delà.

  • Lucie

    Que vous soyez déjà expatrié, immigré, que vous rêviez de le devenir ou que vous soyez simplement curieux de découvrir d'autres façons de vivre, ce podcast est fait pour vous.

  • Alban

    Alors, mettez-vous à l'aise, servez-vous une bonne tasse de thé ou un verre de vin. et rejoignez-nous sous les aurores. Au menu, discussion sincère,

  • Lucie

    moment de rire et d'émotion,

  • Alban

    et surtout, beaucoup de belles découvertes.

  • Lucie

    Alors, bienvenue chez nous sur un nouvel épisode de Sous les aurores.

  • Alban

    Bienvenue à tous sur un nouvel épisode de Sous les aurores. Aujourd'hui, nous recevons une nouvelle invitée. Il n'est pas une inconnue, en tout cas pas pour moi. un peu plus pour Lucie, mais nous avons tous les deux très hâte de faire plus en plus connaissances, donc merci à toi d'être ici. Je vais te poser quelques questions. Comment t'appelles-tu ? Depuis combien de temps vis-tu en Norvège ? Dans quel domaine travailles-tu ? Et enfin, est-ce que tu pourrais nous parler d'un culture shock ?

  • Véronique

    Bonjour à tous les deux, merci de l'invitation, c'est super sympa. Je m'appelle Véronique Revoy, je suis arrivée en Norvège en août 2002, donc ça va faire plus de... 22 ans. Mais j'ai commencé à venir en Norvège plus tôt. A partir de 1996, j'ai fait des allers-retours, uniquement à Oslo à l'époque. Pour le reste, au quotidien, je travaille dans une grande entreprise norvégienne où je suis responsable d'une équipe qui fait de l'innovation pour l'Europe. Je suis dans un milieu qui n'est pas si norvégien que ça au quotidien, il faut le dire, c'est très international, il y a beaucoup de nationalités. Mais bon, j'habite quand même ici. Quoi d'autre ? Culture choc. Alors... En même temps, je pensais connaître. C'est ça qui a été le plus...

  • Alban

    Parce que tu faisais déjà des allers-retours ?

  • Véronique

    Oui, je faisais des allers-retours. Donc, ma vie, elle était entre Paris, des projets internationaux où je voyageais beaucoup, et puis Oslo, où j'avais mon copain d'époque. Je me suis dit, ouais, facile, quoi. Là, tu le connais. Ça fait quand même beaucoup d'années que tu pratiques la Norvège. Ce n'est pas une découverte. En fait, il y en a eu plein. Le premier, ça a été de me retrouver à Körbrugge, avec mon fils qui était bébé. Et de me balader, c'est au mois d'août, mais d'avoir froid. C'est vrai. Donc, le 15 août, ça peut arriver qu'il y ait du gel. Donc, ça, c'était... Ah, mais c'est le 15 août. Non, non, mais le 15 août, c'est l'automne. Bon, voilà, ou le début de l'automne. Ça, ça a été le premier culture-choc. Et le deuxième, c'est en les regardant. C'était à Aker Brygge, qui est quand même un quartier où les gens...

  • Lucie

    Pour les auditeurs, c'est le port d'Oslo.

  • Véronique

    Voilà. Et de me dire, mais j'ai l'impression de vivre dans une pub Ralph Lauren. Parce qu'ils étaient... tous tellement bien habillés, soignés, propres sur eux, blonds. Je me disais, mais c'est quoi ce truc ?

  • Alban

    J'adore parce que c'est vrai que c'est soit un culture shock ou un stéréotype ou peu importe. Je continue de le vivre,

  • Véronique

    ça. Oui, voilà, c'est ça. C'est un souvenir que j'ai des tout premiers jours qui a été assez marquant.

  • Lucie

    Et du coup, tu nous disais que tu faisais des allers-retours. Pourquoi la Norvège ? C'était pour le travail ?

  • Véronique

    Non, c'était pour un Norvégien. Pour un Norvégien. Donc, Venus Trap, pour l'amour. Enfin, voilà quoi. Je veux dire, il y a une très grosse partie de la communauté, non seulement française, mais étrangère, qui est là parce qu'ils ont, par hasard, à un moment dans leur vie, rencontré un Norvégien ou une Norvégienne.

  • Lucie

    Et comment tu l'as rencontré ?

  • Véronique

    Oh là là, ça, c'est une très longue histoire. Donc, en fait, je l'ai rencontré à Moscou. Ah oui. Où j'étais parce que j'avais un copain qui avait des ambitions pour être à la tête. de la Fédération Internationale des Échecs.

  • Alban

    Ah, j'adore !

  • Véronique

    Un truc improbable. J'étais au Jeux Olympiques des Échecs, où j'étais là, mais pas parce que je joue, mais parce que je l'aidais. Je l'aidais au quotidien à faire sa campagne politique. J'ai fait des études de sciences politiques, j'ai toujours fait des campagnes politiques. Par un copain intermédiaire, on s'est rencontrés. Je me suis retrouvée catapultée à Moscou, et dans son équipe, c'est une présentation... d'une liste de candidats, il y avait le président de la Fédération Norvégienne des Échecs qui est devenu mon conjoint pendant un certain nombre d'années et le père de mon fils. D'accord.

  • Lucie

    Et du coup, tu faisais au départ des allers-retours pour le voir en Norvège. Oui,

  • Véronique

    c'était ça. Toi,

  • Lucie

    tu es d'où à la base ?

  • Véronique

    Bon, je vais dire plutôt où j'ai habité. Donc, Paris, le sud de la France, du côté d'une petite ville qui s'appelle Martigues.

  • Lucie

    Un petit voisin d'Alban.

  • Alban

    Mais attends, on a plein de choses à se raconter.

  • Véronique

    Voilà. Et ensuite, mon père a eu un job. Il est parti en expatriation à Édimbourg. Donc en gros, il travaillait dans le milieu du pétrole. Donc Édimbourg. J'ai aussi passé à Oxford pendant un an. Et Oslo. En fait, maintenant, Oslo, c'est l'endroit où j'ai lu. pratiquement le plus vécu le plus longtemps.

  • Lucie

    Et du coup, qu'est-ce qui t'a décidé à déménager là-bas ? Comment il t'a convaincu ?

  • Véronique

    Le bébé.

  • Lucie

    Ah !

  • Véronique

    Voilà. On a eu à un moment un fils qui est né à Paris. C'était mon choix plutôt d'accoucher à Paris parce qu'à l'époque, je ne connaissais pas la langue. Voilà, donc je me suis dit, il y a ma famille. Donc j'étais mieux à Paris. Mais à ce moment-là, je travaillais pour une boîte qui s'appelle Ericsson. Et Ericsson a vraiment fait un énorme plan social, environ 50% des gens au niveau mondial. Donc, j'étais en congé maternité et mon chef m'appelle. Il me dit, voilà, on va vraiment réduire l'équipe. Je te propose de rester. Moi, j'ai dit, en fait, non. L'opportunité fait la ronde. Donc, je vais récupérer un petit package. Et puis, avec ces sous, je vais pouvoir profiter un peu plus longtemps du congé maternité et puis faire une petite tentative de la Norvège. Mais c'était jamais dans l'idée d'y rester. Et j'arrive avec mon fils qui avait trois mois, enfin quatre mois, c'était vraiment un nourrisson. Et je me rends compte très rapidement qu'au-delà de l'aspect vie de famille, je lui offrais deux choses. Un, l'opportunité d'être vraiment dans du franco-norvégien. C'est-à-dire que la Norvège en France, c'est tout petit. Il y a très peu de Norvégiens. J'aurais dû travailler beaucoup pour lui donner les deux, la culture. Il aurait fallu trouver des moyens. d'y arriver. Moi-même, j'ai un background familial mixte. Je voulais lui donner les deux. J'ai vraiment travaillé dans cette optique-là. Et la deuxième chose, c'était vous avez des enfants jeunes, c'est un hôtel 5 étoiles. Donc je me suis dit, je suis arrivée en août avec lui, à l'entour du 15 août, et en octobre, j'ai déposé les papiers pour faire l'Opal Stigartalsen, le permis de s'installer en Norvège. Et donc, c'est arrivé évidemment très très vite. dans le cas de réunir la famille.

  • Alban

    Et donc, c'est vraiment un peu, comme tu disais, cette opportunité. À la base, il n'en est pas une, donc c'est déjà super d'avoir envisagé ça. Mais c'est ça qui a déclenché votre projet d'installation en Norvège ?

  • Véronique

    Le papa était en Norvège. Et lui, il a un métier qui faisait que c'était beaucoup plus difficile pour lui de s'expatrier. Donc, il a fait, sur les années où on a été ensemble sans enfants, il y avait des périodes où... Il était plus à Paris. Il y a eu des périodes où j'étais plus à Oslo. Donc on a fait un petit peu toutes les combinaisons. Mais c'est vrai, une fois que tu as une vie de famille, c'est un peu n'importe quoi d'être sur deux pays. La question ne s'est pas posée. Moi, je ne me la suis pas posée. C'était juste une opportunité. J'avais tout d'un coup un peu d'argent devant moi. L'envie de faire un petit peu un congé maternité à la norvégienne. Si j'avais été résidente norvégienne, c'est ça qui m'avait dit. Si tu viens et que tu accouches, on aura quelque chose voilà je me suis dit non non je préfère faire tout ça en France donc il a vécu trois mois en France donc une fois ici c'était un peu une évidence même si je recommande pas de s'installer au mois d'octobre tiens tiens je sais pas vous êtes arrivé aussi en octobre ?

  • Alban

    non en août ah ouais d'accord non on a discuté on sera arrivé dans un autre épisode pour le coup ça a été au début ça a été août 2018 et je sais pas si tu t'en rappelles mais les norvégiens en parlent comme de l'été indien.

  • Lucie

    Je comprends que quand t'arrives, tu te rends compte que c'est quand même un peu un paradis pour construire sa famille. Qu'est-ce qui a été en revanche le plus difficile en s'installant ?

  • Véronique

    Trouver un travail. Donc en fait, j'arrive, je n'ai pas de travail. J'ai le petit bébé, donc du coup, c'était vraiment l'idée de garder un peu de temps pour lui. Mais il fallait quand même avoir une petite rentrée d'argent parce que ce n'est pas donné la Norvège. Ouais. En partant de France, je dis à des gens que je me mets très rapidement en freelance. Et donc, j'avais une espèce d'équilibre qui était du temps pour l'enfant, travailler. Mais le problème, c'est que tous mes contrats étaient à l'extérieur de la Norvège. Donc, je cherche du travail. Je me rends compte rapidement que la langue est indispensable, non seulement pour la vie de couple, la vie de famille, mais aussi pour le travail. Et du coup, je prends des cours. Et à l'époque, je pense que c'est fini maintenant. Mais si tu venais dans le... cadre d'une réunion familiale avec un citoyen d'un pays nordique, tu avais 800 heures de cours gratuits.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Maintenant, je crois que c'est juste pour les réfugiés. Donc, je vais à ces cours et je me dis, non mais tu ne vas pas faire qu'apprendre le norvégien. Et à un moment, la prof explique que voilà, on a fini la grammaire. C'est vrai que ce n'est pas une grammaire qui est archi difficile.

  • Alban

    Ça, c'est clair. C'est justement pour ça qu'on ne s'est malheureusement pas, nous, empressés. Mais c'est vrai. Voilà.

  • Véronique

    Donc là, en bonne française, je me dis, ah bon, il n'y a plus rien à apprendre. Donc on va aller pratiquer. En fait, j'ai arrêté les cours, mais je n'ai pas franchement pratiqué. Et du coup, je me suis trouvée dans une espèce de truc qui a fait que si j'allais trouver du travail, mon norvégien n'était pas super au top. Il fallait que ce soit dans un environnement international. Donc j'ai mis beaucoup de temps. J'ai mis quatre ans.

  • Alban

    T'inquiète pas, il y a des gens qui sont là depuis six ans et ils sont loin d'être impeccables.

  • Véronique

    Non,

  • Lucie

    Quatre ans a trouver du travail.

  • Véronique

    A trouvé du boulot.

  • Alban

    A trouvé du boulot.

  • Véronique

    Ah ouais, c'est quand même... Je le dis aux gens qui arrivent.

  • Lucie

    Je pense que c'était la langue qui faisait barrière.

  • Véronique

    Dans un métier où le contenu de ce que tu écris importe, où la langue importe, je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas informaticienne, je ne suis pas... Quelqu'un qui travaille avec des chiffres, qui travaille avec la langue.

  • Lucie

    Et le norvégien, au bout de quatre ans, tu le maîtrisais ?

  • Véronique

    Non.

  • Lucie

    Est-ce que tu parlais norvégien avec ton conjoint ?

  • Véronique

    Non. Non. Donc, il y avait les Français, Anglais, Norvégiens à la maison. Moi, ayant pratiqué l'anglais, j'ai habité en Écosse quand j'étais petite. L'anglais, c'est comme le français pour moi. Je n'avais pas besoin du norvégien. Vous savez, ça commençait au début. Oui,

  • Lucie

    parce que dans ton quotidien, aller faire tes courses, l'anglais, ça suffisait même à l'époque.

  • Véronique

    Oui, oui, largement. Ça a freiné les choses en termes de la possibilité de trouver un travail qui soit dans un cadre norvégien. À un moment, je rencontre une agence de marketing norvégienne qui est très particulière, très innovatrice par rapport au truc traditionnel. Et eux, je ne sais pas, ça tilte et ils me proposent de m'installer dans leur bureau. J'étais une source d'inspiration. C'était un win-win parce que pour moi... Je me retrouvais dans un milieu norvégien professionnel pour la première fois de ma vie.

  • Alban

    Mais alors du coup, quand tu dis « ils me proposent de venir dans leur bureau » , c'était en tant qu'employé ?

  • Véronique

    Non, juste m'installer. C'était comme si c'était aujourd'hui, c'est-à-dire que j'arrivais avec mon ordinateur.

  • Alban

    Les prémices du coworking.

  • Véronique

    Ouais, voilà, c'est ça. Je te dis, ils étaient très très en avance sur plein de trucs. Maintenant, ils se sont éparpillés parce que la boîte n'existe plus. Mais quand je lis les articles, en particulier sur les deux fondateurs qui font encore des trucs... C'est des gens marquants en Norvège, par rapport aux études d'opinion en particulier. Tout ça pour dire que ça, ça a facilité mon intégration, parce que je me retrouvais pour la première fois au quotidien avec des Norvégiens qui n'étaient pas simplement mon conjoint.

  • Alban

    Et est-ce qu'avant ça, parce que tu dis que tu t'es retrouvé avec d'autres Norvégiens que ton compagnon au quotidien, est-ce que vous aviez quand même, en plus tu avais l'habitude de venir déjà avant votre installation, est-ce que tu avais un noyau social aussi ici ?

  • Véronique

    Oui, à travers lui, mais qui était parce que ce n'est pas un Norvégien. Alors, il n'aime pas faire du ski. Il y avait...

  • Lucie

    Ce n'est pas un vrai Norvégien.

  • Véronique

    C'est un Norvégien, mais de passeport et d'identité et très Oslo.

  • Alban

    En plus. En plus.

  • Véronique

    Donc, il est grandi à Oslo, toute sa vie à Oslo. Nordstrand, c'est très, très marqué. Même un quartier d'Oslo. Donc, les gens autour de lui étaient très internationaux. J'ai... pas eu vraiment une intégration norvégienne. Donc, je l'ai cherché, donc, familie Bornhage comme vous, c'est-à-dire donc une crèche pour l'enfant où il y avait une implication des parents. Et puis, en fait, la deuxième chose que j'ai faite, j'ai cherché des gens qui me ressemblaient, c'est-à-dire que je suis allée à la PMI, à Health Station, ça s'appelle ici, avec l'enfant pour les contrôles réguliers. Et j'ai... très rapidement posé la question, disait est-ce que là, vous avez des femmes francophones qui viennent vous voir ? Et quelle chance, dès que j'ai posé la question, elle m'a dit justement, j'en connais une autre, je vais lui demander si elle est ok pour avoir ton numéro, et boum, de là je suis rentrée dans un petit cercle que j'ai encore de mamans franco-norvégiennes qui avaient eu des bébés à ce moment-là, donc j'ai fait un Barshels Group. Donc le Barchels Group, pour expliquer, c'est quand tu as un enfant, tu es dans une cohorte de parents qui ont eu un enfant au même moment et qui se retrouvent pour faire des activités en commun. Donc on a créé notre petite Barchels Group franco-norvégien.

  • Lucie

    Ça existait le Barchels Group ?

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Mais toi,

  • Lucie

    tu as fait ton groupe français ?

  • Véronique

    J'ai fait mon groupe français.

  • Alban

    Génial.

  • Véronique

    Enfin francophone. Les personnes que j'ai rencontrées à ce moment-là sont encore des amies.

  • Alban

    c'est génial parce que c'est très culturellement norvégien ces groupes de naissance mais certains se suivent toute la vie c'est ce que j'essaie d'expliquer parfois à d'autres personnes des adultes aujourd'hui ont fait la même école, le même collège, le même lycée mais certains même,

  • Véronique

    les mamans se connaissaient dans le groupe de naissance donc c'est quand même incroyable et toi tu as fait ça quelque part on a fait ça mais c'est tout petit et puis forcément comme on est des expatriés il y en a qui sont partis oui,

  • Alban

    oui

  • Véronique

    De ce groupe-là, nous restons trois. Les garçons, c'est trois garçons qui sont nés au même moment, qui ont pour certains été au même barnageux et qui sont meilleurs potes.

  • Lucie

    C'est génial.

  • Véronique

    C'est incroyable.

  • Alban

    C'est fou ça.

  • Véronique

    Donc, on a fait notre petit truc à la norvégienne.

  • Lucie

    Ton fils, maintenant il a 22 ans, c'est ça ? Il a toujours été dans le système éducatif norvégien ?

  • Véronique

    Non, il a commencé en barnhage, donc en crèche slash école maternelle norvégienne. C'était très difficile, on en a parlé tout à l'heure, de trouver une place. Donc on a un peu... On a dit la vérité, on a dit qu'il n'y avait pas de Norvégiens à la maison. Et du coup, ça l'a propulsé pour avoir une place. De même que son meilleur pote. son ami d'enfance. Mais à un moment, il faut comprendre que moi, mon parcours, il a été de me retrouver tout d'un coup en Écosse. Là, j'ai eu presque dix ans. En gros, je suis passée d'une petite école primaire à côté de Martigues, du jour au lendemain, au mois de janvier ou février, à une école primaire uniquement en anglais en Écosse.

  • Alban

    Et là aussi, tu suivais les élèves un peu de classe en classe et que là, boum, tu changes tout. Tu changes ton quotidien, ta maison, la langue.

  • Lucie

    La langue,

  • Véronique

    oui. Tout, tout. Ils ont fait ce choix, mes parents. Je pense que les parents d'aujourd'hui ne font pas forcément les mêmes choix. Mais bon, ça a été quand même pas évident, mais ça m'a appris beaucoup de choses. Et nos parents nous parlaient français, mais nous, on parlait anglais. Et voilà, donc je savais que de mettre un enfant dans un système scolaire... d'une autre langue, ça veut dire que c'est cette langue-là qui va dominer.

  • Alban

    La langue du système scolaire, donc ? Oui.

  • Véronique

    Parce que l'enfant, et moi j'étais cet enfant-là, donc je parle de mon vécu d'enfant, veut être comme les autres.

  • Alban

    Oui.

  • Lucie

    Bien sûr.

  • Véronique

    Donc, il y avait plein de choses qui se passent, qui sont passées dans ce moment-là de ma vie, où j'ai vécu la différence. Et je sais qu'en tant qu'enfant, c'est pas facile. Le deuxième sur le, c'est que pendant ce moment de vie, si on voulait entretenir le français, d'abord moi... En tant qu'enfant, j'étais récalcitrante. Et donc, il y a eu quelques moments, les parents n'ont pas été trop dans ça, mais je me rappelle de moments où il fallait s'asseoir le week-end et faire des dictées.

  • Alban

    Ah oui, quand même.

  • Véronique

    Bah oui, parce que sinon, tu perds la langue. Moi, j'en ai des séquelles. Je ne veux pas dire qu'elles sont horribles, mais il faut d'orthographe. C'est une langue difficile. Je voulais vraiment qu'il ait cet équilibre. C'est lui, un papa norvégien, une maman française, ça c'est lui. Je voulais qu'il ait cet équilibre à tous les moments. Et donc, il a commencé en barnhage, enfin en crèche norvégienne. Mais à un moment, moi, je ne voulais pas que ce soit moi qui ai le boulot de lui apprendre le français. Je ne parle pas de l'oral, je parle de l'écrit et du lu. Et donc, j'ai délégué ça à l'école française. Donc, je l'ai mis là-dedans.

  • Lucie

    À partir de quelle classe ?

  • Véronique

    Il est rentré en moyenne section de maternelle. Tout simplement, après, c'est quel enfant tu as en face de toi. Et il se trouvait que c'était quelqu'un qui était très scolaire, même à l'âge de 4 ans, c'est-à-dire à déchiffrer les lettres. Et donc, le barnhage norvégien, c'était bien, mais c'était que du jeu.

  • Lucie

    Pour expliquer quand même la différence, c'est qu'une école maternelle norvégienne et une école maternelle française, c'est très différent. La Norvège, ça va être... beaucoup plus dans le jeu, dans la nature, dehors, apprendre...

  • Alban

    L'autonomie, le quotidien un peu, on va dire.

  • Lucie

    Voilà, et l'école maternelle française, ça va être beaucoup plus scolaire, avec des acquis précis à avoir pour ensuite la primaire.

  • Véronique

    J'étais plus au départ dans l'idée qu'il rentre plus tard, enfin je veux dire plus proche de la primaire que là où il est rentré, mais ça lui correspondait. Et il s'y retrouvait comme un poisson dans l'eau, c'est-à-dire qu'avec des enfants... qui était comme lui, dans le bi culturel, je veux dire à tel point qu'un jour plus tard, quand il était en primaire, ils ont travaillé sur les origines, la généalogie, tout ça. Et puis, il rentre de l'école et il me raconte qu'il y avait une petite fille dans sa classe extraordinaire. Elle est franco-française. C'est trop chou !

  • Alban

    C'est fou !

  • Véronique

    Elle a ses deux parents français ! Alors je lui dis, écoute, en fait, ça, c'est le modèle dominant en France.

  • Alban

    C'est trop drôle.

  • Lucie

    Il y a des franco-français.

  • Véronique

    Il y a des franco-français, ça existe. Mais pour lui, ce n'était pas le modèle dominant, ni dans son quotidien à lui, ni dans sa classe.

  • Lucie

    Oui, c'était soit tu as deux parents norvégiens,

  • Véronique

    soit tu as un parent d'un norvégien et de l'autre, soit tu as deux parents qui ne sont pas norvégiens. Trop drôle. Et son père était favorable. Donc, je n'ai pas eu ce débat.

  • Lucie

    Et vous habitiez proche de l'école française ? Oui. Parce qu'il n'y en avait qu'une ?

  • Véronique

    Oui, il n'y en avait qu'une qui a toujours été au même endroit depuis les années 60. Oui,

  • Lucie

    donc ça ne se posait pas la question. C'était facile de savoir.

  • Véronique

    Oui, oui, oui. Tu fais un choix de vie qui s'articule autour de ça.

  • Alban

    Oui, c'est vrai. Ça reste une contrainte logistique, on va dire, en tout cas. Oui,

  • Véronique

    parce qu'il faut y aller. J'ai eu le bonheur de, à l'époque... Non, mais alors ça, c'était bingo total. C'était qu'en fait, mon bureau... Donc, quand j'ai trouvé mon travail, le bureau était... Quasiment en face. Tu vois, à Soli Place, quoi.

  • Lucie

    Ah oui.

  • Véronique

    Donc, pendant des années, je me suis retrouvée avec un bureau qui était à deux minutes de pied de l'école, quoi. Royal.

  • Lucie

    Le bonheur,

  • Alban

    ouais. Et aujourd'hui, j'imagine, pour en tout cas toutes les grosses entreprises, c'est plus très stratégique. Non. Le quartier dans lequel se situe le lycée français.

  • Véronique

    Pas du tout. Mais il est très bien disservi, donc c'est pas un handicap.

  • Lucie

    Du coup, il a fait toute sa scolarité là-bas.

  • Véronique

    Ça n'a pas été le choix de base, mais on a fini comme ça, oui. Mais à un moment, c'est devenu son choix.

  • Alban

    Il a fait son avis, ça lui allait bien.

  • Véronique

    Ça lui allait très bien pour un tas de raisons. Il a fait de la maternelle au lycée. On a eu une année à Oxford. Il est passé en lycée norvégien en seconde ou en première, avec un objectif particulier. Il voulait faire un bac L, qui à l'époque existait. Et en fait, le lycée français n'était pas certifié pour faire un bac L. Pour que le lycée puisse scolariser les enfants dans une section de bac, Il faut que les professeurs, un certain nombre de professeurs, soient certifiés par rapport à certaines matières. Et ce n'était pas le cas. Et du coup, l'option qui se posait à lui, c'est que s'il avait voulu rester au lycée français et faire un bac L de l'époque, il fallait qu'il fasse beaucoup de trucs par correspondance, en ligne, avec le CNED. Il y avait le CNED pour des matières importantes. Et ça, c'était le deuxième truc qui ne m'a vraiment pas du tout plu. C'est qu'il aurait fallu qu'il fasse son bac à ce... Stockholm ou Copenhague. On a cherché d'autres options. Il a fini par faire une tentative à Blindern en IB, International Baccalaureate.

  • Lucie

    Mais en section littéraire ?

  • Véronique

    En section littéraire. Donc là,

  • Alban

    c'était du coup en anglais ?

  • Véronique

    C'était en anglais. Mais tu pouvais faire aussi des trucs en français, un module, je ne sais pas quoi. Mais il est rentré en août. Socialement, il s'est bien intégré, il n'y a pas eu de problème. Mais il a conclu en novembre qu'il souhaitait retourner au lycée français. Donc, il est retourné, mais il n'a pas fait bac L. D'accord. Mais c'était un choix. Enfin, je veux dire, tu as 17 ans, tu as les envies, elles sont exprimées, elles correspondent à quelque chose. À ce moment-là, on s'est projeté. Donc, OK, si tu fais ça, ça veut dire qu'ensuite, les études universitaires, ça serait ça. Et du coup,

  • Lucie

    il a été faire ses études en France ou ?

  • Véronique

    Oui, il est en France.

  • Lucie

    D'accord. Donc, après le bac, il est parti en France.

  • Véronique

    Il est parti en France et il est actuellement en master à Sciences Po à Paris.

  • Lucie

    J'entends parfois que quand on est à l'école française, c'est plus difficile de se faire des amis avec, surtout quand on est plus petit, les enfants du quartier, parce qu'on ne va pas au barnet à gueux local et tout. Comment ça s'est passé pour lui ? Est-ce qu'il avait plutôt des amis du lycée français qu'il arrivait quand même à voir en dehors ? Parce que j'imagine que le lycée français, c'est plus éparpillé là où les gens habitent. Ou est-ce qu'il arrivait quand même à connecter avec les gens de son quartier ?

  • Véronique

    Ah, tu... Peu connecté. Ce qui est important, je pense, pour éviter ce biais, c'est que toutes les activités extrascolaires ne soient pas au lycée. Tout était en extérieur. Il en faisait aussi au lycée. Je ne vais pas nier. Il a fait un petit peu de tout. C'est sûr que sa base d'amis d'enfance sont des gens qui ont fait le lycée français comme lui, mais qui aujourd'hui se retrouvent... Il a été le bac Covid. C'est une génération, je ne sais pas maintenant et je ne sais pas avant, Mais cette génération-là de bacheliers du lycée français, beaucoup ont fini en Norvège. Il fallait quand même oser partir à ce moment-là, en année Covid, à l'étranger. Je ne dis pas que c'était très, très, très courageux de savoir, mais du coup, il y avait beaucoup qui ont fait plutôt le choix de la Norvège. Deuxième chose, enfants, ça donnait des activités qui faisaient qu'il était avec des enfants norvégiens du quartier, étudiants. Il est dans l'association des étudiants norvégiens à l'étranger. Enfin, voilà quoi.

  • Alban

    Ah, super.

  • Véronique

    Oui, donc, quand même, si tu veux, je pense que quand tu es dans tes binationals, tu revendiques ta nationalité minoritaire.

  • Alban

    Par rapport à là où tu te situes.

  • Véronique

    Par rapport à là où tu te situes. Donc, tu vas être plus norvégien en France et plus français en Norvège, par exemple, tu vois, pour défendre un petit peu ta particularité et garder cette culture, cette langue.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que c'est vraiment les questions qu'on se pose, notamment le système scolaire. Aussitôt qu'on attendait l'aîné, on se posait la question. Et l'identité. Tu as en partie répondu peut-être déjà pour ton fils, mais je voulais aussi savoir par rapport à toi. Après toutes ces années, comment tu vis la France, la Norvège et ta propre identité ?

  • Véronique

    Moi aussi, je viens d'un couple mixte culturellement. Et ensuite, j'ai vécu dans un tiers-pays quand j'étais enfant. Donc, waouh ! Il y a pas mal de choses qui brassent. Au final, t'es toi, quoi. Et t'es un peu unique. Alors c'est vrai que, par exemple, le mélange que j'ai moi, qu'a mon fils qui est franco-arménien-norvégien... Il n'y en a pas des milliers, mais quand on en rencontre, on est assez subjugué de dire « Ah bah ouais, il n'y a pas que nous » . Bon, c'est un ou deux individus. Quand on rencontre ce mix-là, tu n'es pas là en train de parler de l'identité, parce que l'identité, c'est toi qui l'as construite, je veux dire. J'ai l'habitude de dire que je suis de là où j'ai habité.

  • Lucie

    Mais du coup, est-ce que, parce que maintenant, ça fait 20 ans que tu es en Norvège, plus de 20 ans, est-ce que tu te sens norvégienne ?

  • Véronique

    Alors, j'ai le passeport. C'est une acquisition récente.

  • Alban

    Bravo.

  • Véronique

    Oui.

  • Lucie

    Ça veut dire que la langue a été validée.

  • Véronique

    Oui, au niveau où il le fallait. Mais bon, ça va. Maintenant, je suis dans une phase beaucoup plus d'intégration. Avant, j'étais vraiment purement immigrée. Maintenant, je suis norvégienne d'origine étrangère. Depuis cette année, j'ai adhéré à un parti politique. Le politique est quelque chose qui m'intéresse, donc je suis revenue. membre du Parti, arbaille de parti, par conviction, surtout par rapport aux élections qui arrivent, où je ne souhaite pas qu'il y ait une très forte domination de l'extrême droite en Norvège. Et ça, ça me propulse depuis quelques mois dans énormément de rencontres et de choses que j'apprends sur la Norvège. Mais eux-mêmes, c'était assez amusant. Quand je suis arrivée au sein de la section du parti dans mon quartier, quelqu'un rapidement, sans que je demande quoi que ce soit, m'a dit je vais te proposer de faire partie des militants qui vont travailler sur la campagne électorale à venir vis-à-vis des minorités multiculturelles. Donc, ils m'ont renvoyé à mon statut d'immigré. Mais de toute façon, je le suis. Donc, je ne combats pas cette idée. Je suis immigré. Je parlerai toujours avec un accent, très mal. Tu vois, je suis immigré première génération. Je ne suis pas intégré. Et ça a été intéressant de me dire, j'arrive, je dis bonjour, je m'appelle Véronique. J'ai tout de suite dit, je suis d'origine française, voilà. Je me retrouve là-dedans et je m'étais préparée. Je me dis, bon, il va y avoir des Pakistanais, des Somaliens, des Érythréens, des Indiens, pas de Français. Et effectivement, il n'y avait pas d'Européens. Mais quand ils ont parlé des difficultés et des problèmes qu'ils ont, 90% des problèmes et des questions qui comptaient pour eux, c'est des questions qui comptent pour la communauté française en Norvège. Barnevernet. qui est l'office qui s'occupe de l'aide à l'enfance pour l'enfance maltraitée. Typiquement le racisme, l'intégration, le fait d'être différent, le fait de pratiquer sa culture, de parler sa langue. Donc t'es immigrée, tu le restes.

  • Alban

    C'est super intéressant parce que ça fait six ans qu'on est ici, on n'a jamais trop eu besoin de la langue. On a fait l'effort quand même de prendre pas mal de cours pour s'améliorer, c'est toujours pas fluide. Là, avec les enfants, je trouve que c'est un niveau supérieur parce que, peut-être un peu comme tu l'as dit, nous, étant tous les deux Français, on a vraiment envie qu'elles puissent s'intégrer à fond. On ne veut pas être un peuple pour elles. Donc, on joue le jeu. Là, on en a mentionné la dernière fois, la fête d'Halloween, à laquelle on s'est rendus. C'était un moment un peu solennel pour nous. Mais entre l'expatriation et l'immigration, chaque Français qui s'expatrie à l'étranger, c'est fun, c'est cool. Mais en fait, on reste immigrés. Et je le me rends compte aujourd'hui. Quand je suis entouré de parents norvégiens, que j'essaie de marmonner mon norvégien, ou bien alors que j'essaie du coup de changer à l'anglais pour que je puisse les comprendre, c'est un poids, c'est dur. Et ça, ça met un coup à ta confiance en toi, à tes questions d'identité, c'est vraiment difficile. Mais d'un autre côté, c'est aussi sur ça que je me dis que ça nous rend tellement fort de vivre ça au quotidien. Parce qu'on se confronte toujours à des choses qui te... que parfois ce sont des petites claques. On parle beaucoup maintenant, on est très sur la santé mentale, les micro-agressions. Parfois, c'est très, très bien. Il va y avoir beaucoup de discrimination positive, mais parfois, sans s'en rendre compte, on se prend des claques sans le vouloir. Et après, il faut arriver à les digérer. Donc, c'est super intéressant d'entendre un peu ton vécu sur ça aussi.

  • Véronique

    Non, moi, je suis fondamentalement une immigrée. Oui. Voilà, point. Donc, du coup, même par rapport à ce qui se passe en France ou ce qui se passe en Europe ou ce qui se passe dans le monde, par rapport à... Je ne suis pas une réfugiée, je n'ai pas été à la guerre. Ça a été un choix, un moment, pour des raisons x, y, dont on a parlé tout à l'heure.

  • Lucie

    Je suis et je resterai une immigrée. Un exemple, je ne sais pas si vous vous rappelez de Raphaël Poiré. Raphaël Poiré, c'était un très grand skieur, un biathlon, les années 90, début des années 2000. Et il se trouve qu'il s'est marié avec une très grande athlète de biathlon norvégienne, dont le nom m'échappe. Bref, ils étaient un couple très connu dans les médias norvégiens quand je suis arrivée en Norvège. Et à l'époque, Raphaël Poiré commence à s'interviewer en Norvège. Je ne sais pas à quel point il vivait en Norvège, mais bon, il apprend le norvégien. Et il fait une interview en norvégien. Et là, je me dis, waouh, t'as un très, très fort accent. Lui. Et là, j'étais avec des Norvégiens et les Norvégiens disent, ah bah, il parle comme toi. Ah, la vache. Ouais, exactement. Donc là, le coup de poing dans le ventre. Et là, je me suis dit, ah ouais. Non, mais bon, d'accord. Donc, je n'aurai jamais un accent de Bergen. Voilà, c'est clair.

  • Alban

    Non, et puis à savoir que le Norvégien ne s'est pas parlé de manière égale dans toute la Norvège. Ils ont des accents spécifiques.

  • Lucie

    Et donc maintenant, je n'hésite pas, j'y vais franco. Je dis, voilà, j'ai un accent. Donc, c'est l'histoire de se sentir plus petit ou différent. Ben oui, je le suis. Et on ne va pas le cacher.

  • Alban

    Non. Je trouve que du moment que les gens te comprennent et que tu comprends les gens...

  • Lucie

    Tout à fait, d'accord.

  • Alban

    C'est le principal. Ça me rappelle quand on était en Amérique latine, je parlais espagnol avec un très fort accent. Mais moi, du moment que les gens pouvaient me comprendre et que je les comprenais, tant pis pour l'accent. J'aurais préféré avoir un super accent latino, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est de pouvoir communiquer, je trouve.

  • Lucie

    Mais Alban a raison, parce qu'il y a des fois, sur certaines personnes, ça joue des complexes. Et même moi, inconsciemment, tu as des complexes, tu hésites à parler. Du coup, je me force.

  • Alban

    Non, mais moi, la première, surtout en norvégien. En tout cas, le feedback que j'ai de nos amis norvégiens, du moment qu'on fait l'effort d'apprendre la langue, même si on a un super accent, ils seront hyper contents qu'on leur parle en norvégien.

  • Véronique

    Et pour revenir sur la notion un peu d'identité ou de complexe qu'on peut développer, dans l'entreprise dans laquelle tu travailles, quand on était collègue, je ne l'avais jamais ressenti. Puis, j'ai changé d'entreprise. Et même si j'étais très bien accueilli, il y a une très bonne culture, je pense qu'ils n'en sont pas au même niveau. Et j'ai commencé un peu à ressentir que j'étais plus... l'expatrié qui avait vécu dans beaucoup de pays, qui avait appris plusieurs langues, qui était audacieux, on va dire, quelque part, de faire tous ses choix de vie, je me sentais comme une moins bonne version qu'un Norvégien. Et ça, ça a été difficile. Maintenant, je prends du recul sur ça. Il m'a fallu digérer un peu toute cette année. Mais voilà, je le mentionne parce que c'est des choses auxquelles on ne pense pas forcément, peut-être en arrivant dans un pays. Certains vont peut-être avoir des difficultés dès le début pour se faire accepter. Ça n'a pas été notre cas. Le travail se passait bien, le cercle social se passait bien. Et puis, tu te heurtes à différents âges, différentes cultures, différentes réactions de personnes. Et ça peut te renvoyer une image de toi-même qui, si tu n'es pas suffisant, ce n'est pas assez bien ce que tu fais. Au bout de six ans, je suis difficile quand même avec moi à me dire « Mais pourquoi tu ne parles toujours pas couramment norvégien ? »

  • Alban

    C'est plus l'appréhension que là, si tu veux évoluer dans ta boîte actuelle, tu as l'impression qu'il faut absolument parler norvégien.

  • Véronique

    C'est vrai.

  • Alban

    Ce que tu n'avais pas avant.

  • Véronique

    Et comme tu dis, les impressions aussi, c'est parfois des choses qu'on s'impose. Oui. Donc, c'est délicat. Est-ce que toi, d'ailleurs, dans le cadre du travail, quand tu as fait la bascule un peu système français, système norvégien, ou en tout cas quand tu as commencé à rejoindre des grandes boîtes, est-ce que tu as eu des bonnes surprises, des mauvaises surprises un peu ? Ou est-ce que tu as vu les choses évoluer au cours du temps ?

  • Lucie

    Bon, c'est lié aussi à la boîte. Moi, je n'ai jamais eu comme ambition d'avoir le passeport, oui, d'être intégrée, oui, de me sentir bien dans ce pays et de le faire le mien, oui. Mais de devenir norvégienne, non. Parce que... Ici, il y a un système scolaire qui fait qu'en fait, les gens se connaissent depuis la naissance, quasiment. Et c'est un tout petit pays. Ils se connaissent tous. Et je ne sais pas vous, mais moi, ça m'arrive assez fréquemment de me retrouver dans une soirée où il y a des Norvégiens que je ne connais pas. Et en l'espace de deux ou trois phrases, on va se trouver une connexion. C'est-à-dire, ils connaissent quelqu'un qui travaille dans la même boîte que moi. moi viens j'ai pratiqué un sport où je connais quelqu'un qui connaît quelqu'un qui voilà donc c'est très très étriqué c'est un village c'est incroyable et ça d'ailleurs pareil je ne m'en rendais pas compte dans mon ancienne boîte j'ai changé de boîte et puis je vois tous les mêmes visages quasiment alors je grossis le trait bien sûr mais que ce soit les consultants ou les gens internes c'est vraiment les chaises musicales tout à fait c'est tout petit

  • Alban

    Dans l'anecdote, d'ailleurs, en disant que c'est tout petit, t'es quand même arrivé au boulot un jour et tu reconnais une dame. Tu te dis, je la connais de quelque part. Ah ben, c'est la dame qui nous a racheté notre appartement.

  • Lucie

    Oh la vache.

  • Véronique

    Voilà.

  • Lucie

    Oui, oui, non, mais c'est impossible de se balader à Oslo, et je pense que c'est encore plus vrai dans d'autres lieux de Norvège, sans tomber sur des gens au quotidien. C'est pas anonyme. Moi, je ne peux pas récupérer, je suis arrivée, j'avais 36 ans, je ne peux pas récupérer 36 ans de non-Norvège. Bien sûr. C'est un... récupérable. Donc du coup... Mon identité, c'est moi, avec le parcours que j'ai eu avant, comme le parcours que vous avez eu, qui a été multiculturel, différent, ailleurs. Et tu arrives et tu essayes de te sentir bien là où tu es et d'y contribuer. Ça s'arrête là. Je ne vais pas essayer d'être à leur niveau. Ça ne rime à rien. Et de toute façon, ils vont me renvoyer, comme je vous l'ai expliqué, par rapport à l'expérience récente. C'est vrai, je ne peux pas le nier. Je ne suis pas née ici. Mon fils, c'est pareil. Pour moi, il est franco-norvégien. Ça veut dire qu'il est franco d'un côté, norvégien de l'autre, et que dans les deux pays, quelque part, c'est un étranger. C'est bizarre, hein ? Et oui,

  • Véronique

    complètement.

  • Lucie

    Mais je suis aussi très marquée par le fait d'être passée par un système français. Je suis en France, je vais entendre des trucs que je ne vais pas comprendre. Je suis ici, alors je vais les comprendre mieux, mais en miroir. Je pense que ça ne marche pas d'essayer de devenir quelqu'un que tu n'es pas. Et c'est une force.

  • Véronique

    Mais complètement, c'est pour ça qu'il faut... Je trouve que c'est important de montrer combien c'est une richesse. Peut-être à la base d'arriver en tant qu'expatrié et de se sentir immigré, ça c'est une difficulté, mais au quotidien, malgré toutes ces difficultés, pour moi on est riche. On est riche des expériences qu'on vit, même si certaines peuvent être difficiles. Et je pense qu'au bout de quelques années, si d'autres personnes sont amenées à peut-être vivre ce que tu as vécu, ou moins un peu une des phases que je traverse actuellement, c'est ok, mais avant tout on est soi. Pas besoin d'être norvégien, on est soit en Norvège.

  • Alban

    Tu as toujours de la famille, des amis en France. Et comment tu vis l'éloignement ? Comment tu l'as vécu en tout cas toutes ces années ? Pour ton fils aussi ?

  • Véronique

    Et d'ailleurs, quand tu as annoncé que tu étais installé en Norvège, comment ça s'est fait tout ça ?

  • Lucie

    Il y avait une logique qui ne les a pas surpris, parce que j'étais avec un Norvégien depuis très longtemps, ce n'était pas étonnant. Par contre, j'ai longtemps vécu dans l'idée du retour. Alors il se trouve que depuis, on s'est séparés. et que maintenant, j'habite ici avec un Allemand. Voilà. Donc, c'est une autre configuration. C'est-à-dire qu'on est tous les deux immigrés. C'est un petit peu comme vous. Et ce n'est pas du tout pareil que d'être dans un groupe avec un Norvégien ou une Norvégienne qui est chez lui ou chez elle. Ça n'a rien à voir. Je vais dire que c'est beaucoup plus facile pour moi. Parce qu'on est tous les deux dans notre rôle à l'intérieur de la société, il est le même. Dans notre parcours, il est le même. Dans les challenges et les défis qu'on a. Ce sont les mêmes, même si, parce qu'il est Allemand, il a d'autres challenges que moi. Je n'ai pas cette tristesse de l'exil parce que je l'ai choisi. Et qu'il faut se rappeler que je l'ai vécu quand j'étais enfant. Et c'était un moment de bonheur. Et ce qui a été difficile, en fait, ça a été le retour. Alors, on devait partir dans un autre pays et puis les choses ne se sont pas faites. On a été dans une espèce de limbo pendant quelques mois.

  • Véronique

    Quand vous étiez donc en Écosse.

  • Lucie

    En Écosse, oui. Donc, en gros, je crois que comme on est arrivé vers janvier, février, ça devrait se terminer en janvier, février. Mais en fait, ça s'est terminé... autour de Pâques, et moi, tout d'un coup, à un moment, j'arrive au mois de juin, en sixième en France. Alors j'avais changé. J'étais en primaire en Écosse, je me retrouve en sixième, je me retrouve à faire plein de cours que je ne connaissais pas. Voilà, c'était waouh, n'importe quoi. J'ai mon bulletin scolaire de un mois en sixième, c'était 0, 0, 0, genre je dois faire des efforts, sinon, voilà. Mes parents ont convaincu que j'avais le niveau scolaire et c'est vrai que c'était une question de temps et ça, ça a marché. Ce qui s'est passé à ce moment-là... c'est que j'ai réalisé, et ça reste encore marqué, et c'est encore plus marqué maintenant que je suis ici, c'est que t'as beau te tenir au courant, t'as beau être dans le coup, en contact avec des Français, t'as un gap, t'as des trucs que tu comprends pas. Les références culturelles, moi j'ai trois ans, je veux dire, je savais pas qui était Claude François. Enfin des trucs qui, pour des Français, étaient d'une évidence totale. donc je n'ai jamais vécu dans la tristesse je sais qu'il y a des gens qui ont ça qui se sentent trop loin de la famille et je pense que si c'est le cas c'est très difficile d'être heureux ici moi j'ai fait un choix j'ai une sœur qui habite à Londres donc c'est un peu normal j'ai des cousins en Irlande des cousins aux Etats-Unis un autre cousin qui est à Malte on est un peu tous comme ça c'est admis comment vous arrivez à maintenir le lien à distance ? On a fait pendant une période des cousinates qui faisait qu'on gardait des liens très forts. Moi, je vais régulièrement voir ma sœur qui est en Grande-Bretagne, qui elle est anglaise. Après le Brexit, j'ai une autre sœur qui est à Paris. J'ai une autre sœur qui est à Pau. J'essaie d'y retourner plus souvent maintenant. C'est-à-dire qu'avant, c'était des vacances scolaires, Noël, l'été. Maintenant, ça va être tous les deux mois. Parce que j'ai déjà des parents un peu. Peut-être que j'ai plus envie de les voir maintenant. Il y a l'âge. Il y a mon fils qui est à Paris. Il y a plein d'autres raisons qui font...

  • Alban

    Oui, bien sûr.

  • Lucie

    Tu vois, plus le temps passe... Je dis à des collègues, quand tu dépasses trois ans dans un pays, ça y est, c'est très difficile de passer à autre chose.

  • Véronique

    Je rebondis sur ça parce que, comme tu dis, l'histoire des trois ans, tu arrives en France... T'es à la masse.

  • Lucie

    Complètement.

  • Véronique

    Et en Norvège, en tout cas dans mon cas, moi je m'intéresse peu à l'actualité et tout ça. Je suis toujours un petit peu aussi à la masse. Mais j'apprends petit à petit et ça me va comme ça. Alors là, pour le coup, pas de complexe et tout. C'est moins un choix. Je n'aime pas trop les informations et tout ça. Mais ouais, c'est vrai que je pense qu'au bout d'un moment, t'importe les deux.

  • Alban

    Je ne sais pas si toi, tu aimes bien la neige, l'hiver. Comment tu vis le climat norvégien ?

  • Véronique

    Je venais du sud, en plus du sud de la France.

  • Lucie

    Oui, c'est sûr que je préférais qu'il fasse un petit peu plus chaud. et que quand on arrive ici à 25 degrés, je me sens bien. Et que mes collègues, cette année, je me rappelle, je ne sais plus quel jour, en mai, où il a fait super bon. J'arrive au bureau, mais j'étais là, enfin, il fait bon, quoi. Il faisait 25. Et un collègue qui arrive en même temps et qui me dit, je suis en sueur, c'est l'horreur. Je suis comme une cochon. C'est pas possible. Voilà. Donc, bon, t'es acclimaté à ce que t'as connu petit.

  • Véronique

    Ce qui est rigolo, c'est que tu parlais tout à l'heure, bon, je ne suis pas réfugié non plus politique, Je fais la blague, alors je ne sais pas si elle est bonne, mais je me considère déjà un réfugié climatique. Parce que pour le coup, moi, j'ai grandi et fait mes études dans le sud de la France. Et à partir du moment où j'ai commencé à bosser, qu'il fallait, tu sais, un peu chemise, y compris en été, je me suis dit, mais pas possible, en fait. J'avais eu l'occasion dans mes études de partir à Brest. Et je me suis dit, j'adore. Il fait meilleur. Tant pis si il fait gris. Il fait juste meilleur. Je peux travailler et vivre au quotidien comme ça. Et en arrivant à Norvège, on rebelote. C'est complètement ce qui me va. et j'en parle à d'autres personnes, notamment une collègue, une ancienne collègue brésilienne, elle aussi beaucoup trop chaud au Brésil. Elle était contente d'avoir plus frais ici. Mais c'est vrai que sur la durée, quand l'été arrive ou quand tu te rapproches, t'as bien envie d'avoir ces 25 degrés qui font plaisir.

  • Alban

    Ouais, parce que moi, autant j'ai l'impression de m'être habituée au climat norvégien et c'est vrai que j'ai plus de mal à supporter les grosses chaleurs qu'avant ou alors je supporte mieux les grands froids, on va dire. Mais par contre, c'est vrai que l'été, j'en vis les vraies températures d'été. L'été dernier, on est resté au mois de juillet en Norvège. J'adore pour tout ce qu'on a fait. Mais à la fin du mois de juillet, je lui ai dit, j'ai l'impression de ne pas avoir eu d'été.

  • Lucie

    On n'a pas fait gâter.

  • Alban

    Heureusement qu'on avait eu mai-juin où il avait fait super beau.

  • Lucie

    Typiquement, mon père a une super maison en Bretagne. Je lui ai dit, je suis désolée, je n'y vais pas parce que moi, il me faut une garantie de soleil.

  • Véronique

    J'adore, c'est exactement ce que tu apprendrais à me dire.

  • Lucie

    Chaque hiver est tellement différent. J'avais depuis longtemps acheté des chaussures à Campo, même si j'habite en centre-ville. C'est la première fois en 20 ans que je les ai portées plus de trois jours. J'ai porté trois semaines consécutives. Autour de moi, des gens, ce n'était pas que les mamies et les papys qui portaient ça. C'était tout le monde, même les jeunes. Donc un hiver vert glacé, c'est le « j'avais jamais eu » . Chaque hiver est différent.

  • Alban

    C'est quoi ton petit conseil pour survivre à l'hiver ?

  • Lucie

    C'est vraiment lié, je te dis, à l'illuminosité. Donc, ça va être la vitamine D dès le mois de septembre. On a ce qu'on appelle à la maison une lampe très forte. On l'appelle la happiness lamp à la maison. Et on la met. Je ne suis pas là devant, mais elle est dans la cuisine.

  • Véronique

    Alors, une petite anecdote. Notre fenêtre principale, la baie vitrée, donne sur la nature. Donc, il n'y a pas de lumière. Quelque chose qui est important pour nous depuis, ça fait un peu plus d'un an qu'on y vit. On met normalement déjà des éclairages en gros de Noël à partir de fin octobre, début novembre, pour nous renvoyer la lumière dès 16h ou avant, même quand les jours sont plus courts. Et pour ceux qui se demandent un peu parfois aussi le coût de la main-d'œuvre norvégienne, on a remplacé des fenêtres, donc on nous a dit ne faites pas passer le câble par la fenêtre pour ne pas endommager le joint. Ok, donc installons une prise dehors. Il n'y en a pas. On a demandé à notre ancien voisin électricien de vie pour poser la prise dehors. Roulement de tambour, qu'est-ce que tu dirais peut-être Véronique ?

  • Lucie

    Ouais, plusieurs milliers de couronnes, mais je ne sais pas si tu touches aux dizaines.

  • Véronique

    Alors quand même pas.

  • Lucie

    Quand même pas.

  • Véronique

    Je vais parler en euros grosso modo pour que ça parle à ceux qui nous écoutent. Entre 400 et 600 euros pour la prise. Oui,

  • Lucie

    mais parce que c'est le coût de la main d'œuvre. Toi aussi, ton coût horaire.

  • Véronique

    Bien sûr, il est très élevé.

  • Lucie

    Très élevé. Le coût horaire de toute personne en Norvège est très élevé.

  • Véronique

    Mais ça fait mal, voilà. C'est d'actualité parce qu'on a reçu l'info hier et je suis en train de la digérer toujours.

  • Lucie

    Le premier mois en Norvège, en gros, on était une famille de trois. Et je regardais les prix et je me suis dit, c'est quoi ? C'est n'importe quoi. En fait, j'ai eu un réflexe. J'ai tout noté ce qu'on dépensait en alimentation pour me faire une idée. Donc, j'ai su combien c'était, même si on n'avait qu'un nourrisson. Donc, en fait, on était deux. Et je suis sortie de cette expérience en me disant, voilà, tant que tu restes ici, ça, c'est quelque chose qui ne compte pas. Combien tu vas dépenser pour l'alimentation ? Tu vas t'adapter pour bien manger. Je ne peux pas manger des pizzas grandioses à surgeler tous les jours. C'est une miette, quoi. Donc, je fais beaucoup d'efforts dans ce domaine-là. Je fais partie de quelque chose qui s'appelle Coopérative, qui est un endroit où tu récupères des paniers. Et Coopérative, c'est bizarre, 30 à 40 % des gens qui viennent chercher les paniers, ils parlent français.

  • Véronique

    Ah oui, ça ne m'étonne pas.

  • Lucie

    Voilà, donc tu vas te dire, il y a un truc là. Parce qu'il n'y a pas 30 à 40% des habitants d'Oslo qui sont français. Ça compte, en particulier pour moi, et je pense que c'est un trait culturel. Et donc, non, je ne m'interdis rien pour passer ces six mois. Mais au début, c'est vrai que je disais, j'ai vécu, au lieu de dire j'ai vécu 22 ans, j'ai survécu 20 hivers.

  • Alban

    Peut-être, moi, ce qui m'intéresse... Est-ce qu'il y a des traditions norvégiennes ou des habitudes norvégiennes que tu as adoptées dans ton quotidien comme une vraie norvégienne ?

  • Lucie

    Tout ce qui est schéma pour survivre l'hiver. Donc, les bougies, la vitamine D, la lampe, la happiness lamp. Au niveau alimentation, non, on mange plutôt comme les Français, normalement. Il faut dire ce qui est.

  • Alban

    Mais est-ce que, par exemple, vous mangez plus tôt ? Parce qu'en France, on avait peut-être tendance... Oui,

  • Lucie

    mais bon, on a aussi une vie humaine. Maintenant, on n'a pas d'enfants à la maison. On va faire du sport, donc on va monter plutôt comme des Français. J'ai un conjoint qui aime beaucoup la nature, qui pratique des sports en extérieur. Donc, lui, il va faire du ski de fond, tout ça. C'est pas mon truc. Je survis sans faire du ski.

  • Véronique

    Bravo, parce que nous, on a tendance à dire l'hiver peut être long si on ne fait pas d'activités de sport d'hiver. C'est cool de voir que si, c'est possible aussi.

  • Lucie

    C'est possible, mais aussi parce que j'étais... Quand j'ai vécu avec un Norvégien, c'était un Norvégien qui n'en faisait pas.

  • Véronique

    Oui, oui, voilà.

  • Lucie

    C'est d'autres choses. Plein d'autres choses à faire. Mais effectivement, la nature, elle est à disposition. C'est à toi de l'utiliser quand on a envie.

  • Alban

    Et pour ceux qui n'aiment pas le ski, alors qu'est-ce qu'on peut faire l'hiver de sympa en Norvège ? Ou à Oslo, du moins ?

  • Lucie

    Oslo s'est transformé sur un plan culturel d'une manière extraordinaire. L'Oslo que je venais visiter fin des années 90. n'est pas l'Oslo d'aujourd'hui. Donc, il y a déjà le rassemblement qu'ils ont fait des musées. Il y a beaucoup plus d'expos. Il y a une offre ciné qui n'existait pas. Évidemment, ce n'est pas Paris ou Londres. On ne va pas...

  • Véronique

    Oui, bien sûr.

  • Alban

    Oui, mais je suis assez d'accord. Même, je trouve que depuis notre arrivée, je trouve que ça a vachement évolué.

  • Lucie

    Oui. Et puis,

  • Véronique

    ils veulent se rendre attractifs, je pense. Contrairement à Stockholm, on va dire, qui est très, très connu aussi par les étrangers, Oslo, je pense, n'a pas atteint le même rang. Mais la ville... se mobilisent énormément, en tout cas c'est mon impression, pour être une ville très très agréable, y compris pour les week-end getaway.

  • Lucie

    Il se passe toujours des trucs, mais maintenant on a une saison incroyable, on a des aurores boréales en pleine ville. C'est fou ça. Un truc dingue, j'ai jamais vu en 20 ans. Moi-même, le fameux jour où il y en a eu le plus, c'était un jeudi soir, sur mon balcon, en plein centre-ville. De fou.

  • Alban

    Il y a des trucs à faire.

  • Lucie

    Il y a des trucs à faire, même si tu n'es pas sportif et nature à 110%.

  • Alban

    Et au contraire, est-ce qu'il y a des trucs que tu ne veux pas de... de tradition norvégienne.

  • Véronique

    Y compris culinaire, d'ailleurs. Parce que ça, ça peut être un peu parfois délicat.

  • Lucie

    Non, j'ai mangé du lutefisque. Je ne suis pas très viande, donc je ne vais pas manger du pinechiotte et tout ça. Non, je ne suis pas réfractaire à quoi que ce soit. Même le fromage en tube ? Oui, oui, tout ça, je fais. Oui,

  • Véronique

    elle est super.

  • Lucie

    Oui, oui, je ne sais pas ce quotidien.

  • Véronique

    Ça fait un pur noir. Oui,

  • Lucie

    oui, non, mais je fais mackerel et tomate. Oui, oui, non, mais je ne m'interdis rien. Non, mais... C'est pas mon quotidien. J'ai pas grandi avec. J'ai pas de bunade. Je me vois pas porter le costume paléonel norvégien. Et je sais qu'au 17 mai, tu vois beaucoup d'immigrés, je pense, deuxième génération, qui vont en porter. Moi, je me vois pas m'acheter et porter un bunade.

  • Véronique

    C'est vrai que j'imagine peut-être nos filles.

  • Lucie

    Nos filles, c'est évident. Parce que quand t'es gamin, tu veux être comme...

  • Véronique

    Bien sûr,

  • Lucie

    une fois de plus, t'as rien. Et puis, elles, ça dépend combien de temps vous restez ici, mais elles sont norvégiennes. Ici, c'est leur vie. Même les Norvégiens, entre eux, le disent, parce que des fois, t'as des modes de bunade. Si t'es pas de cette région et que tu vas le porter juste parce qu'il est à la mode, moyen, quoi.

  • Alban

    Ça perd un peu le sens du...

  • Lucie

    Oui, voilà, le truc, c'est lié à un attachement à quelque chose.

  • Véronique

    Véronique, c'était vraiment super agréable de t'avoir avec nous. Je pense que tu as encore plein d'autres choses à partager, donc volontiers, si un jour tu veux revenir avec nous. Merci pour tous tes conseils et toute ton honnêteté. C'est génial et je pense que ça va autant servir à des gens qui peut-être vivent actuellement en Norvège ou sur Oslo. Et j'espère aussi autant pour ceux qui ont peut-être projet de s'y installer ou simplement les curieux qui nous écoutent. Pour terminer, j'aimerais te demander... Est-ce que tu pourrais partager quelque chose que tu adores de la Norvège ?

  • Lucie

    Le pragmatisme. J'adore, il y a une solution à tout. Je regarde mes collègues ou mes amis norvégiens dans la difficulté et comment ils s'en sortent. Et c'est super positif. Et venant d'un pays, la France, où on est plus du côté négatif. c'est-à-dire à plus à râler. L'orégien ne râle pas autant. Il ne va pas cacher son opinion. Mais j'admire qu'il y a des situations de vie au boulot ou ailleurs où je les vois régler des problèmes. C'est vrai qu'aussi, ils vont avoir tendance à les mettre sous le tapis.

  • Véronique

    C'est parfois le contre...

  • Lucie

    Il y a aussi cette tendance-là, et ce n'est pas celle-là que j'admire. Celle que j'admire, c'est une capacité sans hausser le ton. sans aller vers le conflit, à trouver une solution en commun. Et sur un plan politique, on aurait des... On pourrait parler pendant cinq heures parce que...

  • Alban

    Ça m'intéresse.

  • Lucie

    Ils sont conditionnés à ça, élevés à ça.

  • Alban

    Même en politique, tu trouves qu'il y a cet aspect-là ?

  • Lucie

    Ah oui, mais totalement. Je vois les politiciens en France,

  • Alban

    j'ai l'impression que c'est...

  • Lucie

    Non, non, non. Je vais te donner... Il y a deux trucs. D'abord, un, je me rappelle quand je commençais à comprendre les Norvégiens à suivre des débats politiques en Norvège, parce que je m'intéressais à la politique, je suis impliquée. J'ai dit à un collègue... au bureau. Qu'est-ce qu'ils sont polis entre eux ? Et lui, on a fait une chronique politique, parce qu'il est journaliste aussi, et il a écrit dans un des papiers en disant, une collègue venant d'étrangers trouve que nous sommes trop polis politiquement. En fait, maintenant, je dirais, non, ça fait partie du consensus. Et la manière dont c'est construit, c'est qu'il y a deux éléments qui sont dans la constitution politique norvégienne qui participent de ça. Le un, c'est que si vous allez visiter le Parlement, vous allez vous rendre compte qu'ils sont installés pas par droite et gauche, comme l'hémicycle français. Non, ils sont installés par région. Donc, si tu es élu d'Oslo, si à côté de toi, tu as un mec du RN et toi, tu es un parti de gauche, vous allez être assis ensemble, au même pupitre. Donc, tu résonnes, tu représentes ta région.

  • Véronique

    Ça change déjà complètement l'approche d'hémicycle. Exactement.

  • Lucie

    Ça change, oui. Ils travaillent ensemble. Et deuxième truc, c'est la seule constitution au monde qui est une démocratie et où il n'y a pas de dissolution.

  • Véronique

    Donc, c'est décidé, c'est décidé.

  • Lucie

    C'est décidé, c'est décidé. Les gens ont voté. Ça a duré quatre ans. débrouillez-vous. Et ça oblige la meilleure solution en commun. Bon voilà,

  • Alban

    je suis en train de te dire qu'un petit épisode sur la politique, ça serait peut-être pas mal.

  • Véronique

    Je pense qu'il n'y a plus d'insuivisme sur lequel tu pourrais revenir. Avant qu'on termine Véronique, je voulais te demander, est-ce qu'il y a quelque chose que tu détestes en Norvège, ou qui est très difficile à dire ?

  • Lucie

    Non, il y a des choses qui me choquent parce que culturellement, je ne suis pas habituée. Est-ce que je vais détester à ce point ? C'est un mot fort. Je n'apprécie pas forcément leur... tendance à facilement... Je ne sais pas comment on dit en français. Accountability. Ils vont facilement trouver une porte de sortie. C'est-à-dire qu'il y a une difficulté. Ils vont te dire je ne l'ai pas fait exprès et excuse-moi. Et après, le truc est réglé. Je ne sais pas si vous vous rencontrez ça. Au final,

  • Alban

    je ne travaille pas beaucoup avec des Norvégiens.

  • Lucie

    Ah oui, d'accord. Ok.

  • Véronique

    Ce n'est pas la première fois que je l'entends. Mais est-ce que moi, je le ressens ? Peut-être moins.

  • Lucie

    Mais c'est mineur. Non, je déteste rien en fait. Tant mieux.

  • Alban

    Et est-ce que tu envisages de partir de la Norvège ? Non,

  • Lucie

    non, non, plus du tout. Alors si j'ai du mal à me projeter dans une maison de retraite pour des raisons juste simplement de gastronomie. J'adore. Donc j'ai dit à mon fils, pas dans une sucueille. Non, non, non, mais bon, il y a plein de raisons pour lesquelles on y est bien. Et il faut se rapprocher au positif parce qu'évidemment, c'est pas chez toi, mais c'est comme chez toi.

  • Alban

    Je te connaissais pas et du coup, ça a été super d'apprendre tout ça sur ta vie. Même moi qui suis là depuis six ans, parfois tu faisais des réflexions, surtout par rapport à l'éducation de ton fils et tout. Et dans ma tête, ça fusait. Même alors pour mes filles, moi, comment on va faire et tout. Donc, je pense qu'on va avoir des petites discussions suite à cet épisode. Donc, je suis sûre que pour d'autres personnes, ça va faire pareil. Merci beaucoup Véronique. Et puis, à très bientôt.

  • Lucie

    À bientôt.

  • Alban

    Et nous, on se retrouve pour un prochain épisode. Et on vous dit à très bientôt.

  • Véronique

    Sous les aurores.

  • Alban

    Si cet épisode vous a plu. Pensez à nous laisser une note et un avis sur votre application de coup de préféré.

  • Véronique

    Ou un commentaire sur YouTube, ça nous aide énormément à faire grandir le podcast.

  • Alban

    Merci et à très vite pour le prochain épisode.

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