- Lucie
Alors moi, j'ai trop envie, parce que je me rappelle quand t'as écouté pendant ta présentation, ça m'a fait bien rire, tous les aspects, les différences culturelles au boulot et tout. J'ai trop envie de revenir dessus. Mais Mélanie, j'aimerais bien savoir comment tu as vécu cette deuxième grossesse, donc cette fois en Norvège, l'accouchement en Norvège. Comment ça s'est passé pour toi comparé à la France ?
- Mélanie
Ce n'est pas du tout pareil. C'est pas du tout pareil. Déjà, il y avait une première grossesse qui était... Alors, les deux étaient super stressantes pour le coup, puisqu'il y en avait une sous Covid en quarantaine. Et puis, la deuxième, c'était ici.
- Lucie
Sans boulot.
- Mélanie
Sans boulot. Donc, les deux étaient assez stressantes. Mais il n'y a pas du tout le même rapport à la maternité, en fait. Donc, je peux comparer parce qu'elles ne sont pas très éloignées. et puis en France, j'ai été... Il y avait beaucoup de... Beaucoup de suivis. Je rentre dans les détails plus maternité, mais c'est vraiment plus intrusif. En France ? En France. Très médicalisé. Moi, j'ai eu beaucoup d'examens, beaucoup de prises de sang tout le temps, de suivis sans arrêt. Je sais qu'il y en a d'autres pour qui c'est un peu plus léger, mais moi, j'ai eu vraiment une grossesse où on m'a beaucoup suivi. Alors,
- Lucie
tu n'avais pas de problème particulier ?
- Mélanie
Ben, aussi, ils se sont trompés. Ils nous ont annoncé une trisomie 21 par erreur.
- Alban
Ah !
- Mélanie
Donc, voilà. Ah oui, quand même. Donc, forcément, j'ai été peut-être plus suivie que d'autres grossesses.
- Lucie
D'accord. Mais vous l'avez su quand, que c'était une erreur, du coup ?
- Mélanie
On l'a su 15 jours après. Donc, bon, c'était peut-être pour ça aussi qu'après, on a eu un suivi plus intense que les autres. Et du coup,
- Lucie
quand tu arrives en Norvège, j'imagine que là, est-ce que ça t'a fait... Peur de ne pas du tout être suivie. Et bien voilà,
- Mélanie
c'est ce qui s'est passé au début. C'est que, donc l'inverse, la différence avec la Norvège, c'est qu'il y a un suivi hyper léger, mais très très léger, comparé au suivi que j'ai pu avoir en France, encore plus du coup. Mais vraiment, j'avais l'impression qu'ils avaient oublié de me donner les rendez-vous.
- Lucie
Non mais t'inquiète,
- Mélanie
même team. Voilà. Je me demandais, mais...
- Alban
J'ai un bébé là, dans le ventre ! Oui,
- Mélanie
je suis quand même enceinte, là, il y a quelque chose qui se passe. Vous ne voulez pas me suivre un peu, vérifier que tout va bien ? Non, non, non. Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Oui, en fait, ils partent du principe que tout va bien. Ils partent du principe que tout va bien. Donc, tout va bien.
- Lucie
Sauf s'il y a un red flag. Oui,
- Mélanie
mais moi, j'ai trouvé ça très déstabilisant. D'autant plus que je venais de vivre, très peu de temps avant, une grossesse où j'étais extrêmement suivie. Donc là, j'avais l'impression d'être laissée à l'abandon, toute seule chez moi, à attendre que ça se passe.
- Lucie
Et du coup, toi, à cette époque, est-ce que c'était le moment où il n'y avait qu'une seule échographie ? Il n'y avait que la T2 en Norvège ?
- Mélanie
Non, j'avais quand même deux échographies. Enfin non, j'avais une échographie à 18 semaines. Donc non, il n'y avait qu'une seule échographie. mais on a On a fait des échographies dans le privé. Oui, comme fond,
- Alban
beaucoup de monde...
- Mélanie
On a fait des échographies dans le privé, parce que moi, je ne pouvais pas imaginer passer neuf mois avec une seule échographie. Donc, on a fait plusieurs échographies dans le privé en parallèle, pour se rassurer aussi. Puis, vu ce qu'on avait vécu sur la grossesse d'avant, on avait envie d'être sûr que cette fois-ci aussi, tout allait bien. Mais c'est vrai que par exemple, en France, moi, j'ai été suivie sur... La toxoplasmose, j'avais des prises de sang tous les mois, bien rythmées, bien réglées. Là, je crois que j'ai eu une prise de sang dans ma grossesse. C'était vraiment très léger.
- Lucie
Donc ça t'a quand même un peu angoissée de ne pas être autant suivie ? Au début.
- Mélanie
Et puis après ? Et puis après, une fois que j'ai fait mon petit suivi de mon côté dans le privé et que je me suis rassurée toute seule, je me suis dit, ok, profite-en en fait. Il y a eu vraiment une étape où je me suis dit, là, j'ai envie d'en profiter, du coup, de faire confiance. On est au bon endroit. C'est un pays hyper familial, donc ils doivent savoir ce qu'ils font. Donc, il faut que je fasse confiance. Et puis, de toute façon, j'étais loin de mes repères. On était dans une situation où on n'avait plus aucun repère. On vivait les imprévus les uns derrière les autres. Chaque jour était différent, on ne savait pas vers où on allait, on ne savait pas où est-ce qu'on allait vivre, on était dans une zone de flou constante. Chaque matin, je me levais en me demandant si aujourd'hui on allait décider de redéménager vers la France ou rester. Est-ce que Thomas allait recevoir un coup de fil qui allait faire qu'on allait pouvoir rester ? Merci. Est-ce que j'allais aller au bout de ma grossesse sereinement et accoucher ici en Norvège ? Ou est-ce qu'il fallait qu'on rentre en catastrophe avant que je ne puisse plus prendre l'avion pour que je puisse rentrer et accoucher en France ? Vraiment, il y avait cet état de panique aussi qui faisait que j'avais besoin de me reposer sur des choses rassurantes. Et donc, du coup, au bout d'un moment, j'ai lâché cet aspect-là et j'ai dit, je vais me dire que du côté de ma grossesse, ça se passe bien. ils ont l'air de me dire que ça se passe bien, je vais leur faire confiance parce qu'en fait je ne peux pas être stressée sur tous les fronts et puis même pour ce bébé qui est en train de grandir, j'ai pas envie de lui faire absorber tout le stress qu'on a autour de nous là j'ai déjà eu le cas pour mon premier avec l'ambiance anxiogène du Covid etc, c'est bon quoi je vais pas avoir que des grossesses où j'envoie à mes enfants plein d'ondes négatives. Donc en fait, je me suis mise dans une bulle un peu en me disant...
- Lucie
Ça va aller.
- Mélanie
Ça va aller, en fait. Jusqu'à preuve du contraire,
- Alban
ça ira bien.
- Mélanie
Et même par rapport à Thomas, et au travail, et à notre situation, je crois qu'à un moment, j'ai basculé. Je pense que c'était aussi en décembre, janvier, quand vraiment on était arrivé au bout, où j'ai dit, OK, quoi qu'il arrive là, il faut se dire qu'on rentre en France, qu'on reste ici, ça va aller. En fait, on va trouver, on va rebondir. Et je ne peux pas stresser pour tous les aspects de notre vie actuellement. Donc, de ce côté-là, on va dire que tout va bien. On va faire confiance. Tu as eu raison. Et voilà. Et en fait, tout s'est très bien passé.
- Lucie
Comme quoi, quand tu visualises que tout sera bien, parfois...
- Mélanie
Parfois, ça aide.
- Alban
Ça aide.
- Mélanie
Ce n'est pas facile. On ne pouvait pas être stressé pour tout, en fait, à ce moment-là. Et puis, je refusais d'avoir ce petit bébé qui prenait tout un corps plein d'angoisse, en fait, pour grandir. je voulais que ça... première maison, elle soit douce, sereine. Donc, je me suis mise dans une bulle où j'ai un peu fait l'autruche. Pour me protéger, pour protéger mon bébé, il fallait dire, non, mais là, en fait, ça va aller. On arrête. On va trouver des solutions. Tout va bien.
- Lucie
Et du coup, la grossesse s'est bien passée ?
- Mélanie
La grossesse s'est super bien passée.
- Lucie
Et l'accouchement en Norvège, est-ce que c'était différent aussi ? de la France ?
- Mélanie
Alors, il y a des choses qui sont différentes, mais je ne sais pas si c'est lié à la Norvège ou si c'est lié à l'endroit où on accouche, à la clinique. Moi, pour mon expérience, ça a été différent dans le sens où ce qu'on a beaucoup apprécié, c'était que on a eu la chance d'être dans un... Ça, c'est très... Ça fait un peu justement film norvégien, mais on est arrivés dans une salle de naissance avec des grandes baies vitrées qui donnaient sur les montagnes. avec la neige alors que c'était fin avril c'est moins rigolo par contre il y avait de la neige il y avait de la neige fin avril je suis en train de m'imaginer les montagnes à ce coup mais c'était très beau et c'était tout féerique moi en tout cas j'étais dans mon truc un peu avec les hormones aussi donc j'ai trouvé ça très chouette et c'était une belle vue pour accueillir un bébé ... Et puis, on avait une sage-femme qui était là avec nous tout le temps, qui s'occupait de nous, qui était adorable.
- Lucie
C'était la première fois que tu l'as rencontrée ?
- Mélanie
C'était la première fois que je la rencontrais.
- Lucie
Peut-être qu'en France, c'était un personnel médical ? Non.
- Mélanie
En fait, en France, nous, le jour de l'accouchement, les sages-femmes qui se sont occupées de nous, elles ne se sont pas occupées de nous.
- Lucie
D'accord.
- Mélanie
Et c'était...
- Thomas Malmonte
En France, c'était compliqué, l'accouchement. Mais le cadre était très, très différent.
- Mélanie
Ah oui ?
- Thomas Malmonte
En France, on était en sous-sol, on était monitorés avec des câbles partout.
- Mélanie
Oui, alors que là, pas du tout. Là, c'était beaucoup plus, comment dire, on va laisser le corps faire, on va l'écouter, on va laisser le corps faire. Il sait ce qu'il doit faire. Et puis, on aidera si besoin. Il y avait vraiment tout un état d'esprit très naturel. Et puis... avec une sage-femme qui était là pour nous, qui me tenait la main, qui était très douce. Alors qu'à Paris, c'est notre expérience aussi, mais elle n'a vraiment pas été très chouette. On était laissés tous les deux, alors que c'était notre premier accouchement, avec des complications, et puis on était tout seuls. Vraiment tout seul. Et quand on allait demander de l'aide, on voyait l'écran, tout allait bien. Moi, dans ma chambre, je n'allais pas bien. Même si sur l'écran, ça avait l'air d'aller bien, moi, je n'allais pas bien. Ça aurait été bien de venir me voir.
- Lucie
Donc là, contexte plus rassurant d'avoir quelqu'un à vos côtés.
- Mélanie
Si j'avais pu demander, je l'aurais demandé, mais je n'ai pas eu besoin. parce qu'en fait c'était prévu. Suite à l'accouchement qu'on a eu qui était difficile en France, c'est vrai que quand on est arrivé ici, si j'avais dû demander quelque chose, j'aurais demandé à ce que quelqu'un soit avec nous tout le temps. Puisque justement, on a eu des complications sur mon premier parce qu'ils n'étaient pas là, en fait. D'accord. Et qu'ils nous ont laissés tout seuls.
- Lucie
C'était quel genre de complications ?
- Mélanie
C'était... Ils m'ont fait une péridurale beaucoup trop forte, ce qui a coupé tout mon travail. Parce que j'étais en grande souffrance avant la péridurale. Et donc, du coup, ils m'ont fait une péridurale trop forte qui m'a paralysé le bas du corps et où je n'avais plus rien, mais plus du tout de travail non plus. Ça a tout stoppé et puis c'est parvenu. Et pendant tout ce temps, on attendait pendant des heures et des heures. Et puis finalement, ils ont dû me redéclencher. Et puis finalement, pour s'apercevoir qu'en fait, le bébé était coincé. Il était mal positionné, coincé. Il était mal positionné, coincé, en souffrance. Moi, je vomissais parce que la péridurale m'avait... Enfin, j'étais vraiment... Je tremblais dans tous les... J'étais vraiment pas bien. Oh, vous pouvez dormir et vous reprendre. reposer, bien sûr.
- Lucie
Et puis attendre toutes ces heures, du coup, ça n'a pas aidé.
- Mélanie
Non, non, non. Il fallait nous aider dès le départ, en fait, plutôt que de nous laisser dans cette situation-là. Donc, bon, ça fait partie des récits qui ne sont pas très rassurants pour d'autres gens, mais c'est vrai que ce n'était pas le meilleur contexte. Et pourtant, c'était un hôpital qui est très bien, qui est super. On était à Paris, dans un très bon hôpital. Il n'y a pas de... La maternité était très bien. Le jour, les personnes, les services. Voilà. On a, à la suite, dès le lendemain ou deux jours après, ils ont fait un changement d'équipe. Et puis, j'ai eu une sage-femme merveilleuse, formidable, qui s'est bien occupée de moi suite aux complications derrière, pour moi. Elle m'a dit une phrase que je répète à tout le monde à chaque fois, qui m'a vraiment fait beaucoup de bien et qui, je pense, est très importante. Elle a dit, mais arrêtez de vous occuper de ce bébé, sa maman s'en occupe très très bien, par contre la maman a besoin qu'on s'occupe d'elle. On oublie souvent qu'en fait, à la maternité, la maman elle est là pour s'occuper de son bébé. Et son bébé, s'il lui arrive quelque chose, n'importe quel problème, sa maman elle sait, elle va pouvoir le dire. Elle va dire, mon bébé il a quelque chose qui ne va pas, je sens. Alors que la maman, si elle ne va pas bien, personne ne s'en occupe. Parce que plus la maman elle est en forme, mieux elle peut s'occuper de son bébé.
- Alban
Petite parenthèse, c'est intéressant de souligner ce que tu viens de dire, la phrase, parce que surtout sur un premier enfant, chaque parole, chaque comportement est tellement important. Moi, je dis à tout le monde, je n'ai jamais été aussi vulnérable et à poil que quand on a eu notre première fille. En plus, c'était un 24 décembre, neige, glace, noir tout le temps. Voilà, donc c'était comme quoi, tu vois, une petite phrase comme ça. carrément te changer ta vision des choses.
- Mélanie
C'était très fort, ça m'a beaucoup impacté positivement. Donc il n'y a pas eu que du mauvais dans cette expérience. Il n'y a pas eu que des mauvaises rencontres.
- Lucie
Mais tu étais contente du coup en Norvège d'avoir ce soutien.
- Mélanie
Et pourtant, on avait peur. On était à l'étranger, on n'avait plus de repères. Pour le coup, on était vraiment... On ne connaissait pas l'hôpital. Et pendant la grossesse,
- Lucie
tu as vu que tu étais... pas suivi plus plus. Donc là, tu aurais pu penser que l'accouchement, ça allait être... Mais au final, ça s'est bien passé.
- Mélanie
Eh bien, ça a été... Pas de complications ? Si, il y a eu les mêmes complications, mais gérées différemment.
- Alban
Comme quoi ?
- Mélanie
Voilà, gérées différemment.
- Alban
Avec un accompagnement, plus de bienveillance ?
- Mélanie
Oui, le fait d'avoir cette sage-femme qui était là, qui s'occupait bien de nous, qui nous disait, si vous avez la moindre question, le moindre souci... On avait presque l'impression qu'on nous avait mis quelqu'un à disposition gentiment pour nous aider. Alors qu'en fait, c'était le cas pour tout le monde. On avait l'impression qu'on avait une petite faveur, alors qu'en fait, non, pas du tout. C'était comme ça pour tout le monde.
- Thomas Malmonte
Moi, je me souviens, de mon côté, à ce moment-là, je n'ai pas beaucoup bossé, mais le seul truc que je faisais quand on était en France, c'est de faire l'aller-retour entre la salle où il y avait les personnels médicaux, pour leur dire, là, qu'est-ce qui se passe, en fait ? Il y a quelque chose qui se passe. qui ne va pas. Et en Norvège, il y avait quelqu'un qui était tout le temps là, en fait. C'était super rassurant. J'avais vraiment l'impression qu'on était accompagnés.
- Mélanie
Et puis, même après, quand il a fallu... Il y avait quelque chose aussi, c'est que pour Thomas, ce n'était pas très rigolo, parce que ça pouvait être un peu impressionnant aussi, parce que c'était dans une autre langue. Ah oui,
- Lucie
parce que du coup, tu parlais norvégien avec le personnel.
- Mélanie
Eux, ils parlaient en norvégien entre eux.
- Lucie
Ah oui, c'est vrai.
- Mélanie
C'est vrai qu'il y a des moments où... quand t'es dans un état de vulnérabilité tel qu'un accouchement et que le personnel se parle entre eux dans la salle pour se dire des trucs et tu sais quoi, toi tu comprends pas.
- Lucie
C'est vrai.
- Mélanie
C'est super dur. Tu te dis, attends, du coup là, attends... Tu essayes de lire sur les lèvres, tu essayes de lire leurs comportements, leurs visages, leurs expressions. Les Norvégiens, va lire leurs expressions.
- Lucie
On a bien compris que Thomas avait eu du mal.
- Alban
C'est bon, chérie, I got this. Va bien.
- Mélanie
Donc, clairement, ça, c'est aussi un peu challenge. et ça peut être impressionnant et au final, pas du tout ça nous a pas bloqué ils ont communiqué avec nous de façon à ce que Thomas et moi on comprenne tout Est-ce que vous aviez fait un projet de naissance ? Non On a arrêté les projets C'est fini les projets on a compris que c'était pas pour nous It's showtime On a compris qu'on allait faire face à l'imprévu très souvent Ouais ok Et donc, pour le premier, on avait imaginé un projet de naissance. Finalement, ça ne s'est tellement pas du tout comme prévu. Et puis après, on avait un projet pour partir en Norvège. Et puis, ça ne s'est pas passé du tout comme prévu. Ça ne se passe jamais, en fait, comme on a prévu. Donc là, c'est pareil. Donc Mona est arrivée. Ça ne s'est pas passé non plus comme prévu. En fait, je préfère... me laisser aller à l'imprévu, à la découverte et à me dire que ça va se passer comme ça doit se passer et que ça va bien se passer. Voilà. Et qu'il faut jongler pendant les moments où ça se passe pour bien le vivre, en fait, et accueillir ce qui se passe. Donc, du coup, je n'ai pas... Je ne préférais pas avoir de projet. Parce que sinon, en se mettant un projet, j'avais peur de mettre des objectifs et des tableaux dans ma tête. tête de comment ça doit se passer.
- Lucie
Et si ça ne se passe pas comme ça, après on est déçus.
- Mélanie
Voilà, t'es déçue. Donc j'ai préféré que ça se passe comme ça et c'était chouette. Même si c'était compliqué. Mais c'était mieux. Et puis de toute façon, encore une fois, voilà, 2024, projet de mettre mes enfants en barne hagueux et de travailler. Je commence à travailler et deux semaines après, je suis de nouveau enceinte. Donc, euh...
- Alban
Attention, ça peut durer longtemps ! Voilà !
- Mélanie
Donc, franchement, je pense que là, ça fait quoi ? Ça fait 5 ans qu'on fait des projets ?
- Thomas Malmonte
Non mais j'arrête ! On arrête de faire des projets !
- Mélanie
En 2025,
- Thomas Malmonte
ça fait partie de mes bonnes résolutions, des grandes résolutions. J'arrête les projets !
- Mélanie
On arrête les projets !
- Thomas Malmonte
La planification, c'est pas pour nous.
- Lucie
En fait, c'est les projets qui viennent à vous.
- Mélanie
Voilà !
- Alban
Les projets sont en forme d'enfants, ces temps-ci.
- Mélanie
D'imprévus, enfants, tout. Voilà, on avait... Pas du tout ce projet-là non plus. Voilà, le projet de 2024, c'était que je puisse retravailler et qu'on ait enfin deux salaires norvégiens pour payer les pleins de courses. Norvégiens. Je faisais la blague que tu vides ton compte en banque quand tu t'achètes deux courgettes. C'est presque vrai. Puis même moi, j'étais contente aussi de pouvoir démarrer une activité professionnelle en Norvège, me faire des collègues,
- Lucie
voir des gens. C'est passé ton... post-accouchement par rapport à la France où tu avais été un peu déprimée ?
- Mélanie
Pour le coup, c'était vraiment très doux. La Norvège, c'est fait pour ça. Si tu ne viens pas en Norvège pour faire des enfants, c'est merveilleux. C'était au meilleur endroit du monde.
- Alban
Pas de bras, pas de chocolat. En Norvège, tu n'as pas d'enfants,
- Mélanie
qu'est-ce que tu fais ? Après, nous, c'est notre expérience et on est très heureux d'avoir cette chance-là de... pouvoir le vivre, même si c'est dans des conditions complètement chaotiques. Bon, toi, tu stresses. Tu travailles beaucoup quand même pour subvenir à tout ce bazar. Mais c'est vrai que...
- Lucie
Quelques trucs que tu faisais en Norvège, que tu ne faisais pas à Paris, et qui t'ont permis de profiter.
- Mélanie
Me balader avec ma poussette. Je pouvais même avoir une poussette avec quatre grosses roues.
- Lucie
Sans te dire, ça va être un parcours du combattant. Mais non,
- Mélanie
j'allais prendre le train. Il y a même un monsieur qui m'aidait chaque matin pour poser... pour monter ma poussette dans le train. Non, mais c'est vrai, c'est une folie.
- Alban
Est-ce que tu étais dans un groupe de mamans ?
- Mélanie
J'étais dans un groupe de mamans, les fameux Barcel Group Norvégiens, donc c'est les groupes de mamans dans lesquels on nous inscrit à l'accouchement. Donc, ce qui est rigolo, c'est qu'en plus, après, j'ai recroisé ces mamans-là. Ensuite, on se suit, puisque nos enfants vont dans les mêmes barnhages, les mêmes écoles, jardins d'enfants. et puis moi Une des grandes raisons qui m'a donné envie de venir en Norvège et qui fait qu'aujourd'hui, je ne regrette pas non plus, c'est l'entrée automatique en barne à gueux, donc en petite école, des enfants à partir de un an.
- Alban
Est-ce que vous étiez directement installée à Chi, qui est au sud-est d'Oslo ?
- Mélanie
Oui.
- Alban
Ok, c'était un choix. Alors,
- Mélanie
il y a beaucoup de gens qui nous demandent, mais qu'est-ce qui vous a amené à vous installer là-bas ? Au début, on cherchait dans Oslo, parce qu'on avait peur que ce soit un très gros choc de passer d'une si grande capitale, Paris, dynamique, beaucoup de choses à faire. Et puis, hop, Oslo. On s'est dit, il faut qu'on soit quand même dans le centre d'Oslo pour que ce soit un peu moins dur, la transition, le changement. Et puis finalement, moi, j'ai de la famille qui vit dans ce coin sud d'Oslo. Et qui m'a dit, tu serais beaucoup mieux ici. Et en fait, on a eu aussi un petit coup de pouce. C'est qu'il y avait un propriétaire norvégien, fou de France, qui a une maison en France pour ses vacances. Et qui était très, très, très content de trouver des locataires français en Norvège pour son appartement. Et donc, ça a été un petit coup de pouce pour nous aider aussi à trouver un logement. en urgence, rapidement. Parce que ça, c'est pareil, on n'avait pas de banque history. Je sais que peut-être quand on a un travail en arrivant, on n'a pas besoin de banque history, mais dans notre cas, vu qu'on n'avait pas de travail en arrivant, il nous fallait un banque history qu'on n'avait pas.
- Lucie
Donc le banque history, c'est le...
- Mélanie
Est-ce que tu avais fonds ? C'est quelques années de vie en Norvège avec un... compte en banque ouvert, qui fonctionne et qui est alimenté. Et donc ça, on nous l'a réclamé au moment des recherches de logement. Et on ne l'avait pas, et donc ça bloquait un peu. Et lui, il s'est rassuré parce qu'il connaissait Paris, il connaissait la France, il connaissait les Français, donc il était plus...
- Alban
Ouvert.
- Mélanie
Voilà, plus ouvert. Donc il nous a permis de nous installer dans notre appartement à côté de Chi.
- Alban
Et la vie depuis à Chi, vous convient ? Vous êtes bien ? Ce n'était pas du tout un choc comparé à ce que vous imaginez peut-être d'Oslo, en termes de dynamisme ou quoi ?
- Mélanie
Les premiers mois, quand même, sans travail, avec rien autour, parce que c'est un peu la campagne quand même. En plus,
- Thomas Malmonte
on n'est pas à Chi, on est à Langues-Huss, qui est une station avant Chi, donc c'est vraiment encore plus la Cambrousse.
- Mélanie
Parce que Chi, à la limite, il y a un centre commercial quand même. Le store center de Chi, c'est… C'est fameux.
- Alban
Pour tous ceux qui nous écoutent,
- Mélanie
n'hésitez pas à aller faire un tour en un siècle. On a tout ce qu'il faut. Non mais c'est vrai, c'est une grande ville comparée à la Norvège. Non mais toi, tu fais les yeux parce que tu penses à la France. Mais en vrai, en Norvège, c'est une grande ville.
- Alban
Et comme tu dis, il y a tout ce qu'il faut.
- Mélanie
Il y a tout ce qu'il faut. Il y a même une piscine.
- Alban
Attends, Thomas.
- Mélanie
Un stade de foot. Attends, c'est grand pour la Norvège. Donc, c'est une grande ville avec tout ce qu'il faut. Moi,
- Thomas Malmonte
je n'ai pas eu de choc.
- Mélanie
Moi, je me suis... comme j'étais à la maison, enceinte, et que je me disais, là, j'en ai pour encore... Je me visualisais pour la suite en me disant, attends, donc là, ça veut dire que si je ne travaille pas encore pendant plusieurs mois, genre, mais presque au moins plus qu'un an, en fait, puisque c'est à partir d'un an que tu peux laisser ton enfant à garder en Norvège. Donc, ça voulait dire que c'était plus... Presque deux ans, en fait, où j'allais rester à la maison, sans me faire d'amis.
- Lucie
C'était ma question.
- Mélanie
Voilà. Je me suis dit... Et là, il y a quand même une grosse solitude d'un coup qui s'installe, qui m'a un peu frappée. D'ailleurs, j'ai passé pas mal de temps au centre commercial. Voilà, le fameux tour center.
- Thomas Malmonte
Le fameux, the place to be.
- Mélanie
Ah, the place to be. Non, mais parce que j'avais besoin de voir des gens.
- Lucie
Comment s'est passé d'ailleurs votre intégration sociale ? Vous avez déjà de la famille, donc ça peut être un point de départ.
- Thomas Malmonte
Ça aide quand même pas mal. moi en fait c'était... Je pense qu'on a deux expériences assez différentes. Parce que moi, à partir du moment où j'ai commencé à bosser, je voyais des gens, je me suis fait des amis dans le travail. Et puis je vois des gens tous les jours au studio. Je croise des gens tout le temps.
- Alban
Tu ressens moins le besoin d'aller au centre commercial de Chine.
- Thomas Malmonte
Je passe moins de temps au centre commercial de Chine. C'est sûr et certain. Mais pour toi, c'est différent.
- Mélanie
Moi, c'est difficile. Moi, je suis dans les couches depuis qu'on est arrivé.
- Lucie
Est-ce que tu as réussi à te faire des amis dans le Barcel Group ?
- Mélanie
Des amis non mais des connaissances des contacts des petits contacts
- Lucie
Est-ce que tu sentais même en étant franco-norvégienne qu'il y avait une différence avec les mamans norvégiennes ?
- Mélanie
Oui, une grosse différence
- Alban
Je pense que tu peux t'identifier à cette expérience Ah ouais
- Mélanie
Déjà moi je ressens un truc très fort je vais me faire Je ne vais pas dire des trucs très gentils là, mais il y a quelque chose de très fort que j'ai ressenti moi-même depuis toute petite, en fait, quand je venais en vacances. C'est que les Norvégiens, ils grandissent beaucoup au même endroit. avec le même groupe d'amis. Et c'est des groupes d'amis qui sont très très forts, qui sont très très liés, qui ne se quittent pas, qui continuent à se suivre encore après en vieillissant. Ils reviennent, même s'ils voyagent beaucoup, ou qu'ils vont faire des études ailleurs, ils reviennent quasiment systématiquement là où ils ont grandi, parce qu'ils vont retrouver leurs parents, et pouvoir être aidés au niveau justement de la famille, avec les petits-enfants, etc. Moi, je le sais, puisque comme disait Thomas, mon papa, il a 11 frères et sœurs. Donc, je peux observer beaucoup ce schéma-là. Je parle pour ma famille, mais pour tous les gens que je rencontre. Franchement, c'est quelque chose d'assez systématique. Ils retournent beaucoup, beaucoup vivre à l'endroit où ils ont grandi. Ils sont beaucoup en clan familial, en clan d'amis d'enfance. et donc intégrer, arriver à rentrer dans ces... Bulle, c'est très très dur.
- Lucie
Moi, j'ai eu la même expérience. La seule maman avec qui ça a bien matché dans mon Barcell Group, elle est américaine.
- Mélanie
Oui. Nous, à l'école des enfants, je m'entends bien avec tout le monde. Mais les deux seules amies que je me suis faites en deux ans, c'est une chinoise et une polonaise.
- Lucie
Et pourtant, tu parles norvégien. Parce que moi, je me suis toujours dit, je ne parle pas très bien norvégien. Et du coup, je me dis que c'était un peu ma faute aussi. Parce qu'il y avait quand même cette barrière du langage qui faisait que... Ça m'a été un frein, mais comme quoi, pas forcément.
- Mélanie
Non, je pense qu'il y a vraiment... C'est culturel, en fait. C'est vraiment... Il faut avoir grandi ensemble. Ce qui est rigolo,
- Alban
c'est que là, on parle du Barcelgopé, donc du groupe de naissance des mamans. Mais comme tu dis, ça commence là, quoi. Ça commence in utero, le cercle social norvégien. Ce sont les mamans, les enfants qui vont dans la même crèche. Et après, boum, c'est parti sur toute la vie.
- Lucie
Est-ce que toi, Thomas, t'as fait un projet paternité ?
- Thomas Malmonte
Non.
- Mélanie
On n'a pas pris.
- Thomas Malmonte
On n'a pas eu parce qu'on est arrivé et pour avoir le congé paternity, il faut avoir travaillé six mois ou en tout cas quelques mois. Il fallait que moi j'aie travaillé. Oui, pour que t'aies ton congé. Donc on n'a eu aucun congé.
- Lucie
Je ne savais pas. Bon ben voilà, comme ça vous êtes au courant pour ceux qui ne savent pas.
- Mélanie
Oui, nous on ne l'a pas eu. Alors je ne sais pas si la règle a changé entre temps parce que depuis tu as regardé sur Nav et il te disait que c'était peut-être possible d'avoir un accès à un congé. De toute façon,
- Thomas Malmonte
on ne pouvait pas. cette année là c'était impossible on avait trop besoin de rentrer des sous donc non moi j'ai pas eu de c'était un des trucs pour lequel j'étais super content de venir en Norvège c'était un de tes arguments je me souviens très bien Mélanie tu m'as bien eu le dessin a fait qu'il y a le 3ème là le 3ème tu vas pouvoir parce que j'ai pas travaillé c'est la maman qui donne accès aussi au papa au congé ça je suis pas sûr non parce que on a... il ne faut pas dire ça à nos auditeurs. Vérifiez vos sources. On vous recoupera. Peut-être que je pourrais y avoir accès. Mais pour ça, il faudrait que quand même on ait... Je ne sais pas. Peut-être que là, je pourrais avoir... Moi aussi, promener ma poussette au parc. Il faut que tu vives cette aventure. Avec les copains-papas.
- Mélanie
Je ne suis pas sûre que ce soit possible. Il me semble qu'il y a une histoire où on s'est fait avoir déjà la première fois.
- Alban
En tout cas, il faut poser la question à NAV. N-A-V. Qui est un peu le pôle emploi, mais pas que. C'est toutes les questions liées au travail, au congé, aux parentaux, à la famille. Ça regroupe plein de choses. Ils sont réactifs. Il ne faut pas se décourager. Pas trop pour tout, non ?
- Mélanie
Il ne faut pas se décourager avec NAV.
- Alban
Moi, c'était plus la France, parce que j'avais eu... Donc, on a fait congé, paternité, maternité. Et puis, on avait fait l'erreur, la grande erreur. d'avoir un enfant en décembre. Donc pas de crèche avant août de l'année d'après. Donc quasiment deux ans sans crèche. Et donc on avait des gardes plus ou moins grâce à la famille, nos congés, on avait essayé de cumuler tout ça. Et il y a une aide financière quand tu n'as pas encore de crèche, en Norvège.
- Mélanie
En Norvège, vous avez une rentrée en janvier.
- Lucie
qu'on n'a jamais vu. En tout cas, on n'y a jamais eu droit. Dans le centre, c'est saturé. Tu sais, les barres négociées pour les tout-petits.
- Mélanie
Alors, il fallait venir à Chi.
- Lucie
Et voilà. Le store center. Ça commence par celle-là.
- Mélanie
Parce qu'à Chi, nous, on a une rentrée en janvier pour les enfants qui sont nés justement en fin d'année.
- Alban
Et si on pond,
- Lucie
on pond, on pond, ça n'a pas de place.
- Alban
À Oslo, tu peux aussi, mais en fait, donc ils te garantissent une place en août donc ne faites pas d'enfants en décembre. On le répète dans ce podcast, si vous êtes à Oslo, à Chy peut-être, mais à Oslo, pas d'enfants en décembre.
- Lucie
Nav, je leur avais fait la demande pour cette aide financière quand tu n'as pas encore de place en crèche, ce qui peut notamment t'aider si tu fais appel à une dagmama, une espèce d'auxiliaire ou une nourrice. Et là, j'ai dû ramer mes côtés français parce qu'ils me demandaient des traces, justement, il fallait au moins cinq ans d'activité professionnelle en Norvège, je ne les avais pas encore complètement, mais j'avais mon activité professionnelle avant qu'il n'y ait en France. Et là, il a fallu avoir des courriers du côté de Lucie, du mien. Et ça a été un peu compliqué. Il y en a eu pour plusieurs mois. Mais j'ai mené cette mission à bien. Et Nave était, pour moi en tout cas, responsive. Moins pour toi apparemment, Mélanie.
- Alban
Bon, ce n'est pas grave. Mélanie, tu vas recommencer à travailler après ce troisième enfant. Et pour le quatrième, Thomas, tu auras ton projet paternité.
- Thomas Malmonte
Notre projet. Le projet.
- Mélanie
Le projet.
- Thomas Malmonte
Soyez en témoin de notre projet pour 2026. Alors là, tout va se passer comme prévu, je pense. C'est sûr.
- Mélanie
Déjà, au bout du deuxième, on s'est dit, là, c'est bon. Maintenant, on fait les choses, on ne va pas se faire avoir. On fait les choses bien cadrées, bien comme il faut. Ping !
- Alban
Ah,
- Mélanie
puis j'avais trouvé mon boulot, parce que j'ai commencé, donc je travaille. Je travaille quand même. Ça y est, j'avais repris une activité professionnelle. Donc, je travaille, je suis prof de français au collège. À côté de chez nous. Et donc, tout se passe très, très bien. Mais ce n'était pas prévu. Il y a un troisième qui est arrivé.
- Alban
Et pour revenir, toi, du coup, dans ton domaine, qu'est-ce qui a été pour toi les différences culturelles à adopter pour travailler avec des Norvégiens ?
- Thomas Malmonte
C'est fait en deux étapes. Moi, vraiment, au début, j'ai vraiment adopté une posture de low profile. Quand j'ai vu que c'était super difficile et que j'ai commencé à avoir accès à des piges, à des missions avec ma société, d'abord j'ai fait ça. J'ai fait des piges en freelance avec ma société et puis ensuite j'ai intégré un studio en tant que producteur exécutif. Je m'occupais plus de la supervision des budgets et des plannings. C'était un boulot vraiment très opérationnel.
- Lucie
Est-ce que tu peux expliquer en une petite phrase ou deux le boulot ? selon toi d'un producteur ?
- Thomas Malmonte
Ah oui, ok. Producteur, c'est vraiment celui qui s'occupe de trouver des projets de films ou de séries, trouver les sous pour les financer, parce que c'est jamais les sous du producteur. En tout cas, les bons producteurs n'engagent pas leurs propres sous. Et recruter les équipes. Voilà. Et après, le travail de producteur exécutif, qui est aussi un des métiers que je fais en Norvège, c'est un métier qui est plus opérationnel, c'est-à-dire que c'est vraiment être en charge de faire le budget, Faire le planning et vérifier que tout est livré dans les temps et dans le budget. À la chaîne. À la chaîne. Là, c'est un boulot qui est moins créatif et qui est plus vraiment un boulot opérationnel. Je dirais qu'au début, moi, je me suis vraiment mis dans un coin et j'ai vraiment observé comment ça se passait. Donc, je ne faisais pas de plaisanteries. C'était très, très sérieux. J'essayais d'avoir le moins d'émotions possible sur mon visage. C'était très dur, très difficile.
- Lucie
J'ai mangé beaucoup de tartines.
- Thomas Malmonte
J'ai mangé mes tartines sans broncher. Le caviar, le brunous, tout ça.
- Alban
Essayer de te fondre un peu dans la masse.
- Thomas Malmonte
Voilà, c'est ça, exactement. J'ai vraiment eu une première année où j'ai vraiment fait ça pour essayer de comprendre comment ça se passait et adopter le tempo des Norvégiens dans le travail.
- Alban
Et ce tempo était complètement différent du tempo que tu avais en France ?
- Thomas Malmonte
Super différent, super différent. pas du tout la même attitude par rapport à à la présence au travail. En France, on fait beaucoup de présentéisme. C'est-à-dire que quelquefois, on a fini ce qu'on a à faire dans la journée, mais on reste quand même jusqu'à 18h, parce que sinon, on prend son après-midi. Ici, ce n'est pas du tout pareil. Ici, on est plus sur du résultat. En tout cas, ça, c'est mon expérience. Et moi, vraiment, j'ai fait en sorte d'être super rigoureux sur tout ça. Et j'ai observé pour voir comment ça se passait. Ce qui fait que du coup, j'étais dans une position aussi un peu de... Pas de retrait, mais j'étais à 30% de... au niveau du partage d'émotions et des pauses café. Et ensuite, quand j'ai senti que ça commençait à se stabiliser, que mes missions au sein de ce studio-là étaient reconduites, là, j'ai commencé à voir comment je pouvais être... être à nouveau 60% français.
- Alban
Comment apporter la French touch.
- Thomas Malmonte
Exactement. Et en fait, mais comment aussi ça pouvait apporter quelque chose au quotidien d'un studio d'animation ? Parce que c'est quand même des équipes internationales, ils ne sont pas tous norvégiens. Donc comment ça peut créer de la cohésion d'équipe ? Donc les pauses-déj sont passées de 20 minutes à être un petit peu plus longues parce qu'on s'est mis à tchatcher à table. Mais c'est des moments super importants qui ont un peu inquiété au début les gens du studio qui se sont demandé s'il ne fallait pas... serrer un petit coup la vis pour que les pauses d'âge soient moins longues. Mais en fait, quand les projets sont compliqués, qu'il y a beaucoup de gens qui sont impliqués, c'est important d'avoir ces moments de discussion. Et ça, ça vient vraiment de la France. Moi, je sais que dans les studios dans lesquels j'ai travaillé, les pauses d'âge, les pauses café, les pauses clope...
- Lucie
C'est là que le monde se fait.
- Thomas Malmonte
Non, mais c'est des moments qui sont hyper informels, mais c'est les moments où on peut un peu lâcher la pression.
- Alban
C'est important pour la cohésion.
- Thomas Malmonte
Voilà. Et lâcher la pression, c'est pas un truc pour lequel les Norvégiens sont très forts, on va se mentir. Et donc, en tout cas, au niveau de créer ces moments-là, je pense que ça a été un peu la deuxième étape. C'est-à-dire que j'ai vu que là, OK, maintenant, ils ont confiance. On peut redevenir un peu français, entre guillemets. Et instaurer ça. Et aussi, je pense que moi, j'ai quand même pas mal de second degré. C'est-à-dire que je fais mon boulot très sérieusement, mais j'aime bien aussi. Je trouve que c'est important d'avoir des moments de décontraction. Et ça, je pense que dans mon attitude, j'ai pu un peu le... le libérer et je pense que maintenant c'est super vraiment et notamment dans le cadre du festival par exemple où j'ai commencé par animer des tables rondes maintenant je m'occupe d'une journée complète de rendez vous pro et je pense que ce côté plus à l'aise avec la communication la prise de parole le fait de pouvoir plaisanter faire des blagues dans un cadre pro c'est super appréciable et c'est super apprécié
- Alban
Tu sens qu'au final, du côté norvégien, ils apprécient aussi ce petit côté-là maintenant.
- Thomas Malmonte
Vu qu'ils me demandent de reparticiper à ces événements chaque année, c'est que ça doit à peu près marcher. Et un des événements qui m'a fait dire, attention, il faut un peu lire la Read the Room, c'est la première réunion, quand j'ai commencé dans ce studio, ils font beaucoup de, ce qu'ils appellent des Start-up Workshops, c'est-à-dire des ateliers de démarrage de projets. Et c'était un projet international, il y avait des Espagnols, des Italiens, des Norvégiens et des Danois autour de la table. pour démarrer un projet de long métrage d'animation. Et parmi les collaborateurs, il y avait un Italien qui était là. Et lui, en fait, il n'avait pas lu la salle. Et il était Italien, mais je veux dire, c'était super. Moi, j'adore. Mais alors, j'ai vu tous les Nordiques autour de la table qui se sont rédits quand il a pris la parole, qu'il a coupé la parole. Il a parlé fort, il parlait avec les mains, il tapait sur l'épaule, il tapait dans le dos. Et moi, j'ai vu qu'en fait, en 10 minutes, il avait perdu l'intégralité des collaborateurs nordiques. Et là, je me suis dit, ah oui, en fait, ça ne marche pas du tout. On ne peut pas... Il faut faire gaffe. Il y a eu cette anecdote du...
- Lucie
De l'Italien.
- Thomas Malmonte
Le directeur artistique italien. Et il y a eu une autre anecdote qui était sur... Là, c'est un projet qui était strictement norvégien. Donc, c'était que des Norvégiens qui étaient autour de la table. C'était une coproduction entre... un studio et une production norvégienne. Plein de problèmes à tous les niveaux, le projet est un peu maudit. Et donc, à un moment, réunion de crise entre les producteurs pour parler des problèmes. Et donc, on parle du budget, on explique qu'à cause de ce budget, il va y avoir des contraintes artistiques, on ne va pas pouvoir faire exactement un Pixar. Et donc, j'explique ça. Et à un moment, le producteur me coupe la parole. Il me dit, non mais là, Thomas, vraiment sur ce ton-là, pas plus haut, pas plus bas, Thomas, là, écoute, bon. J'aimerais bien qu'on arrête de parler du budget pour parler des contraintes artistiques. Parce que bon, moi j'ai vu des films d'animation qui n'avaient pas beaucoup de budget et qui étaient quand même de très bonne qualité. Donc s'il te plaît, on passe à autre chose. Voilà. Bon, la réunion continue, puis le producteur part. Et là, dans la salle, tout le monde se met en arrière sur la chaise. Oh ok, il faut que je prenne une pause maintenant. Parce que là, c'était beaucoup trop tendu. C'était super tendu. pété un câble et donc moi je t'ai jeté ça qu'est ce qui commence à nommer la tue là c'était là il était très très en colère tu sais là en fait moi pas pour moi pas du tout il est bon voilà on était on passait autre chose voilà et en fait non j'ai compris par la réaction des autres sont vraiment partis fumer une clope sur le alors qu'il fume peut-être pas sur le sur l'otoir vraiment il Il fallait prendre l'air, c'était waouh ! Là, c'était la crise.
- Lucie
Oh punaise.
- Thomas Malmonte
Et là, en fait,
- Lucie
c'est la réunion de fin de journée à 14h, tendue.
- Thomas Malmonte
C'est ça. Et moi, même, je leur ai demandé, attendez, là, attendez, donnez-moi une base, là, sur une échelle de 1 à 10, on était, là, Thomas, on était sur 7,5 sur l'échelle de Richter, là, tu ne te rends pas compte.
- Alban
Ah oui, et alors que c'est trop drôle.
- Thomas Malmonte
Et alors qu'en fait, pour moi, ce niveau-là en France, on se jetait les livres à la tête. J'exagère, mais quand il y a un conflit, on a d'autres anecdotes, mais ce n'est pas pour vous. Mais vraiment, en France, quand il y a un désaccord, quand il y en a un qui a un fumar entre la table, ça ne va pas être à ce niveau-là. Et donc là, j'ai compris aussi que... On n'avait pas exactement le même standard sur l'intensité. Et puis aussi, j'attends plus forcément les mêmes choses. Maintenant, je fais des trucs et en fait, si je vois qu'il n'y a pas d'opposition, qu'il n'y a pas de blocage, bon bah, c'est que ça va. Alors qu'en France, tu as tendance à demander l'approbation. Il y a un truc beaucoup plus hiérarchique, tu attends l'approbation, tu demandes une validation. Ici, il ne faut pas attendre ça. Tu avances. On te prévient quand ça ne va pas.
- Mélanie
C'est comme pour la grossesse.
- Alban
Exactement.
- Mélanie
Non, mais c'est toute la vie. Je pensais,
- Alban
ouais.
- Lucie
Il me semble que dans ta présentation de cette fameuse soirée de l'Institut français, tu disais qu'il y avait une grosse partie de ton boulot que tu passais à être un peu ce lien entre les interlocuteurs norvégiens et les autres cultures.
- Thomas Malmonte
Oui, ça c'est dans mes activités de freelance, je bosse beaucoup sur la coopération entre la France et la Norvège dans l'audiovisuel. C'est-à-dire que j'aide à monter des coproductions, c'est-à-dire sur un projet de long métrage qui est initié par des Norvégiens. Je les aide à trouver un partenaire en France. qui va les aider à fabriquer et à financer leurs projets. La France, c'est un pays qui est très fort sur l'animation, c'est une très grosse industrie, qui est très bien structurée, à la fois en formation, en financement, et on a beaucoup de talent. Et donc, moi, j'ai travaillé sur plusieurs projets, sur lesquels, maintenant, sont impliqués des Norvégiens et des Français, sur des longs-métrages, donc ils collaborent ensemble. Ça nécessite beaucoup de suivi au départ, parce que je dis souvent, en fait, je suis une sorte de Tinder, mais professionnel, c'est-à-dire que je... Je fais du matchmaking entre les sociétés parce qu'il faut que ça prenne. Les gens s'entendent bien. Et au départ, ce n'est pas évident parce que c'est deux cultures super différentes. Les Français, ils ne sont plus cash. Ils ont plus une fibre commerçante. Donc, quand ils viennent présenter leur studio, ils ont tendance à être vraiment… Ils peuvent vendre ça comme ils vendraient des aspirateurs, certains. Et pourquoi pas ? Mais pour des Norvégiens, ça, ça ne marche pas du tout, par exemple. Donc il faut trouver une espèce d'équilibre entre ces partenaires-là.
- Alban
Tu donnes quoi comme conseil aux Français quand ils doivent dialoguer avec les Norvégiens ?
- Thomas Malmonte
Totale transparence, vraiment. Il faut être super transparent. Les Norvégiens ne supportent pas qu'il y ait des zones obscures, qu'il y ait des choses qui ne soient pas comprises. Il faut que ce soit très, très clair. Et il faut être très pédagogue. Parce que sur les financements français, on est très structuré, mais il y a beaucoup de financements complexes. Et les Norvégiens, ils veulent comprendre. S'il y a un truc qu'ils ne comprennent pas, ils vont penser que c'est peut-être une entourloupe ou qu'il y a un truc qui n'est pas clair. Donc, il faut être très transparent et très pédagogue et bien expliquer et répéter pour établir la confluence et que cette confluence-là, elle reste.
- Lucie
Ce sont des bons conseils pour la gestion des finances dans le couple aussi.
- Thomas Malmonte
Et après, je dirais que dans un deuxième temps, une fois que le projet est en route, c'est quand même bien de rester là parce que s'il y a des difficultés, les projets audiovisuels, c'est compliqué à monter. Quelquefois, ça va vite. Quelquefois, ça prend plus de temps à être développé. Si ça prend plus de temps, l'éco-production, c'est un peu comme les mariages. C'était une assez bonne analogie. Si ça se passe mal, ça se tend très vite. Là, typiquement, je suis sur un projet où je remonte un peu en charge sur le projet pour le suivi parce que je sens qu'il y a sur la communication, il y a des choses qui sont un peu distendues, le planning s'est un peu étiré. Je remonte à bord pour aider à la cohésion.
- Alban
Qu'est-ce que les Norvégiens apprécient de travailler avec des Français ?
- Thomas Malmonte
Venant du secteur de l'animation en France, j'apporte une très grosse valeur qui est que l'animation française est un vrai secteur d'excellence. On est très fort, on produit beaucoup de choses de très bonne qualité, on a beaucoup de talent parce qu'on a des écoles qui sont très prestigieuses et on a aussi des financements qui sont très bien structurés. Ce qui fait que c'est super attractif pour des Norvégiens. « Hum, là, il y a quand même un gâteau qui a l'air sympa, j'aimerais bien en avoir une part. » Il y a du financement, et il y a beaucoup de talents au pluriel. C'est-à-dire qu'il y a des studios qui sont très forts, et il y a des artistes qui sont très bien formés. Donc, pour la Norvège, qui est un petit marché, l'animation norvégienne, c'est un petit marché, il y a des talents, il y a des écoles, mais beaucoup moins qu'en France, donc ça leur donne accès à ça. Donc, quand tu arrives avec ce réseau et cette connaissance, le secteur, pour eux, c'est... C'est très intéressant.
- Lucie
Le podcast va bientôt toucher à sa fin parce que, comme beaucoup de nous invités, il y a des enfants à aller chercher. Et maximum à 16h. C'est le gong, il ne faut pas une minute plus tard, à la norvégienne. Quels sont vos projets dans les cinq prochaines années ? Qu'est-ce que vous faites ? Combien d'enfants ? Qui travaille dans quoi ? Comment vous projetez ?
- Mélanie
On aimerait bien pouvoir répondre à cette question et que ça se suive. Mais on n'y croit plus du tout.
- Lucie
Toi, peut-être professionnellement,
- Mélanie
qu'est-ce que ça va devenir ? Déjà, là, je vais me concentrer sur l'arrivée de mon troisième. Parce qu'on est en Norvège et que c'est le meilleur endroit pour en profiter. Autant le vivre à fond. Et puis, après ça, par contre, j'aimerais vraiment retrouver justement un... une vie professionnelle et des collègues. Alors, la chance que j'ai, c'est que là, je peux travailler en tant que prof jusqu'à la fin de ma grossesse. Et puis ensuite, je vais pouvoir vivre le congé maternité norvégien d'un an. Mais après, ce sera un challenge, en fait.
- Lucie
Et tu penses que tu vas revenir dans ton secteur d'activité initiale ?
- Mélanie
Eh bien, très honnêtement, je n'en ai aucune idée. Je pense que pour n'importe quelle personne, que ce soit en Norvège ou en France, N'importe quelle maman qui a son troisième enfant se pose la question de savoir si elle va revenir dans son secteur d'activité initiale. Donc, ce n'est même pas une question France ou Norvège. C'est plus une question de situation après troisième enfant. Qu'est-ce que je fais ? Comment je gère ? La chance qu'on a ici, c'est cet équilibre vie pro-vie perso qu'on aimerait justement pouvoir trouver et qu'on vise au maximum. Avec nos petits, ce serait chouette. Et en fait, c'est plutôt ça le projet. C'est plutôt de se dire, je ne sais pas dans quoi je vais travailler. Je ne sais pas si je vais revenir à un travail dans la communication ou dans le marketing. J'aimerais bien, parce que j'adore ça, j'adorerais. Si ce n'est pas ça, ce sera autre chose. De toute façon, il y a eu tellement d'imprévus ces dernières années que j'avais tendance à être dans le contrôle. Je suis dans le lâcher prise. Voilà. Puis au moins, là,
- Alban
tu vises plutôt un mode de vie. Oui, exactement.
- Mélanie
Et ça peut ouvrir plein de portes. Plus que le projet de retrouver un travail dans tel ou tel secteur, c'est plus le projet de dire, on va essayer de créer un équilibre très harmonieux pour la famille ici.
- Alban
Donc, vous voyez, rester ici.
- Mélanie
Ah oui.
- Alban
Ça y est, toi, Thomas, tu sens que tu t'épanouis dans ton travail en Norvège ?
- Thomas Malmonte
Moi, j'attends que Mélanie prenne un travail pour tout arrêter.
- Alban
mais oui
- Mélanie
pour enfin pouvoir arrêter de travailler parce que c'était le seul projet le projet était que je travaille pour qu'il puisse faire une petite pause de quelques mois là les cinq prochaines années c'est une pause de cinq ans pour moi c'est un projet sabbatique toi tu vas pouvoir enfin t'arrêter de travailler pour apprendre à parler norvégien au bout de cinq ans ça fait partie des je n'ose plus parler de projet mais ça fait partie des objectifs qu'on s'était fixé de prendre un peu de temps pour apprendre le norvégien de prendre un peu de temps toi que tu puisses faire une petite pause aussi pour passer des moments avec les enfants et que moi je puisse me réépanouir professionnellement de mon côté aussi.
- Lucie
Retrouver après peut-être un équilibre, oui.
- Mélanie
Oui, parce qu'on n'avait pas du tout prévu dans notre parcours que j'allais passer autant de temps hors...
- Lucie
Oui, au final, ça a été extrême toi, t'étais redevenue à fond dans le boulot et toi à fond dans la parentalité. Exactement.
- Mélanie
En fait, on était partis pour l'inverse. Et en fait, on s'est retrouvés de nouveau dans cette situation-là où toi, tu bossais comme un fou et où moi, j'étais à la maison, enceinte ou en porte-bébé.
- Thomas Malmonte
Après, même si je bosse énormément depuis qu'on est arrivé, je vois quand même beaucoup plus les enfants. C'est déjà un vrai principe. Beaucoup plus. J'ai quand même un... L'équilibre est quand même... Je bosse beaucoup, mais vraiment, les enfants, je les vois mille fois plus que je voyais Carl quand on était à Paris.
- Mélanie
Oui. C'est d'ailleurs ce qu'on s'est dit il y a peu de temps, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on rentrerait en France dans les prochaines années ? On va retrouver les mêmes problèmes en fait, qui nous ont fait partir.
- Alban
On vous souhaite tout ça, de trouver cette sérénité, et puis merci beaucoup de nous avoir partagé votre expérience. Et de nous avoir fait confiance. Vous nous avez donné plein de petits conseils. C'était super de vous avoir et d'entendre vos expériences. On vous dit à très bientôt chez nous.
- Lucie
Sous les aurores.
- Mélanie
Si cet épisode vous a plu, pensez à nous laisser une note et un avis sur votre application d'écoute préférée.
- Lucie
Ou un commentaire sur YouTube. Ça nous aide énormément à faire grandir le podcast.
- Mélanie
Merci et à très vite pour le prochain épisode.