undefined cover
undefined cover
2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes cover
2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes cover
La Sportive Outdoor - Interviews de sportives | Femmes inspirantes, Sport féminin, Sport au féminin, Témoignages sport, Trail, Vélo, Rando

2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes

2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes

44min |21/10/2025
Play
undefined cover
undefined cover
2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes cover
2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes cover
La Sportive Outdoor - Interviews de sportives | Femmes inspirantes, Sport féminin, Sport au féminin, Témoignages sport, Trail, Vélo, Rando

2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes

2 150km sur la Via Alpina à la rencontre de femmes de montagne avec Zoé Lemaitre | Randonnée, Voyage solo, Aventure, Féminisme, Alpes

44min |21/10/2025
Play

Description

Et si marcher seule devenait une manière de tisser du lien ? Pendant quatre mois, Zoé Lemaitre a traversé les Alpes à pied… pour rencontrer les femmes qui y vivent et y travaillent.


Je reçois Zoé Lemaitre, 26 ans, Grenobloise, passionnée de très longue distance. Elle a relié la Slovénie à Monaco en suivant sa propre variante de la Via Alpina : 2 150 km, 120 jours et 135 000 m D+.


Son objectif : réaliser un film documentaire sur les femmes de montagne – guides, bergères, gardiennes, alpinistes – et raconter leur rapport intime à ce territoire souvent idéalisé, parfois rude, toujours inspirant. Au programme de l’épisode:

  • D’où vient l’envie de relier les Alpes… et les femmes qui les habitent ?

  • Comment on prépare (ou pas) quatre mois seule entre neige, crêtes et orages ?

  • Marcher et filmer : les coulisses d’un tournage en pleine nature.

  • Gérer la peur, la fatigue, les imprévus (et quelques tempêtes).

  • Ce que la solitude enseigne sur la confiance et le corps.

  • Les rencontres du film : des parcours forts, souvent invisibles, toujours passionnants.

  • Où voir le documentaire et comment le projet continue aujourd’hui.


Un épisode qui parle d’endurance, de lien et de liberté. Avec Zoé, on découvre une autre manière de vivre la montagne : plus lente, plus juste, plus collective.


🔗 Lien:

Suivre Zoé: https://www.instagram.com/zoe.lmtre

Documentaire: Via Alpina, sur les pas des Pionnières 


Vous voulez soutenir le podcast ?

  • Laissez 5★ sur ta plateforme d’écoute, ça change tout.

  • Abonnez-vous et partagez cet épisode avec une amie qui rêve de s’évader.


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


➡️ Suivez-nous:

Notre magazine: https://www.lasportiveoutdoor.com/fr

Notre newsletter: https://web-escapades.kit.com/lso

Notre chaîne Youtube: https://www.youtube.com/@lasportiveoutdoor

Instagram: https://www.instagram.com/lasportiveoutdoor/

TikTok: https://www.tiktok.com/@lasportiveoutdoor


🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Mots clé: aventure, montagne, voyage solo, féminisme, documentaire, engagement, exploration, nature, Alpes, itinérance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, dans cet épisode je reçois Zoé Lemaitre qui a traversé les Alpes de la Slovénie à Monaco en suivant la Via Alpina. Elle a marché seule durant 4 mois sur 2000 km avec un objectif, rencontrer des femmes professionnelles de la montagne et en faire un documentaire. Elle va nous raconter les coulisses de cette aventure à la fois humaine et sportive. Bienvenue Zoé !

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Zoé, j'ai 26 ans, j'habite à Grenoble et ma passion c'est la montagne, tout ce qui est très longue distance, à vélo ou à pied.

  • Speaker #0

    Et tu t'y es mise il y a longtemps, c'était déjà étant enfant ou c'est venu un peu plus tard ?

  • Speaker #1

    J'étais au lycée de Dix, c'est un lycée sport nature. pour apprendre à être autonome dans les sports de pleine nature. Et mes parents m'ont vraiment transmis cette passion de la montagne. Et donc, j'ai toujours un peu évolué dans ce milieu, mais les choses seules, c'est venu plus tardivement.

  • Speaker #0

    T'as quand même été à bonne école, effectivement, dès le départ. Et comment t'as eu l'idée de cette traversée des Alpes, déjà, et de cette mise en lumière de femmes professionnelles de la montagne ?

  • Speaker #1

    J'ai habité et travaillé à Venise, donc qui est vraiment au bout de l'arc alpin. Et un jour, je me suis dit, j'aimerais bien rentrer à pied chez moi. Donc, c'était au début un peu une blague. Et puis, finalement, c'est devenu un projet qui a été pas très longtemps mûri. Et le but, c'était à la fois de faire une traversée qui se concentre sur mon expérience, donc être complètement immergée, seule dans la nature, et à la fois de rencontrer des personnes. Donc des femmes professionnelles de la montagne pour allier aussi mes valeurs féministes avec la marche. Et donner de la visibilité à ces femmes qui sont souvent soit invisibilisées, soit moins visibles de fait dans les médias. Et donc leur donner la parole, leur donner de la visibilité et montrer des portraits de femmes vraiment inspirantes. Double objectif.

  • Speaker #0

    C'est un beau projet. Et tu avais de l'expérience dans le fait de marcher seule ? Tu disais que tu étais venue un peu plus tard, mais est-ce que tu avais déjà fait des grosses randonnées seule ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. La seule randonnée seule que j'avais faite avant, c'était une mini traversée de Belle Donne. J'avais fait quatre jours toute seule. Après de l'itinérance longue durée, j'avais fait un jour le GR5 en 2020 avec une amie. Donc j'étais un peu habituée des longues distances, mais seule, je n'avais jamais fait plus de 4 jours. Là, on est passé de 4 jours à 4 mois.

  • Speaker #0

    Il y a bon gap.

  • Speaker #1

    Bon gap, oui.

  • Speaker #0

    Et comment tu as fait pour préparer ton itinéraire sur la Via Alpina ? C'est un itinéraire qui est connu, qui existe. Mais est-ce que tu as déjà toujours suivi vraiment la Via Alpina ? Ou est-ce que tu as fait des petits détours ? Comment tu as découpé tes étapes ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    La Via Alpina, c'était un fil rouge. Donc effectivement, c'est un tracé qui existe et qui relie les huit pays de l'arc alpin. Mais après, je me suis permis de faire un tracé qui était le mien, avec un tracé idéal, en fait, qui passait toujours le plus haut possible, parce que j'adore être en hauteur. Et en fait, ce tracé, dès le premier jour, je ne l'ai pas suivi. Et tous les jours d'ensuite, qui m'ont suivi, je ne l'ai pas suivi non plus. Donc c'était vraiment au jour le jour.

  • Speaker #0

    je regardais la carte le matin je savais pas où j'allais dormir le soir et comme ça je me suis en fait j'ai construit mes étapes comme ça au fur et à mesure c'est excellent et pourquoi tu choisissais de dévier de ce que t'avais prévu à la base,

  • Speaker #1

    est-ce que c'est parce que ça te semblait plus sympa ou peut-être aussi parfois des conditions météo qui fait que tu changeais alors il y a eu les deux en premier lieu c'est que je me suis dit d'un... Déjà, je suis arrivée à la gare de Ljubljana le premier jour en bus. Et puis, Ljubljana, c'est une grosse ville. Et comme je n'avais pas d'expérience aussi dans le fait de bivouaquer seule près des villes, je n'ai vraiment pas eu de confiance. Donc, j'ai pris un train pour m'enfoncer plus vers les montagnes. Et de là, j'ai commencé ma vie à Alpina, enfin ma traversée. Et donc, du coup, dès le premier jour, au final, j'ai changé mon point de départ. Donc, j'ai changé mon itinéraire. Et à partir de là, j'ai navigué un peu à vue. Et oui, j'ai eu aussi des détours que j'ai dû faire à cause de la neige. En août, il y a eu des grosses chutes de neige. Donc j'ai dû un peu adapter mon parcours par rapport à ça. Surtout après avoir... J'ai dû renoncer plusieurs fois à l'école. Et voilà. Mais c'est ça aussi l'aventure. J'avais grand plaisir à découvrir d'autres chemins que ceux qui étaient tracés. Et puis souvent, en plus, c'était mon flair qui me disait là, il y a des beaux lacs, j'ai envie d'aller là. Pas du tout envie d'aller sur les sentiers qui sont plus fréquentés. Donc, j'ai pris beaucoup de variantes très alpines et je me suis régalée.

  • Speaker #0

    C'est trop bien. Au moins, tu t'es vraiment fait plaisir à chaque fois en adaptant.

  • Speaker #1

    Oui, carrément.

  • Speaker #0

    c'est comme le but Et tu avais quoi comme matériel avec toi ? Tu disais que tu bivouaquais, tu as bivouaqué tout le temps. Tu avais une tente très chaude, un sac de couchage, etc. Ou est-ce que parfois, tu as fait aussi des étapes en refuge ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    J'étais majoritairement bivouaque. Donc oui, effectivement, comme tu disais, avec la tente, le sac de couchage, etc. Et après, j'ai aussi dormi dans des cabanes, surtout sur la fin de mon itinéraire, parce qu'il commençait à faire vraiment très froid. Et donc, je trouvais des cabanes non gardées et je m'y installais pour la nuit. J'ai dormi quelques fois en camping pour aussi me faire un gros ravitaillement et manger tout ce que je pouvais sur place. Et faire une lessive aussi de temps en temps, avec de la lessive, attention, des choses qui sentent bon.

  • Speaker #0

    Ça aggrave parfois.

  • Speaker #1

    Ça aggrave parfois de faire un reset de tout le linge. Et ensuite, j'ai dormi neuf nuits dans un refuge. Et ça, c'était vraiment un cas impératif quand il y avait un énorme ouvrage ou bien qu'il faisait vraiment trop froid ou alors que j'avais trop faim.

  • Speaker #0

    Et au niveau matériel aussi, je disais, tu as fait un documentaire sur cette aventure. Donc, tu avais aussi de quoi filmer. Tu avais apporté quoi ? Parce que ça pèse vite un peu lourd.

  • Speaker #1

    Exactement. Mon sac, le tiers du poids du sac, c'était du matériel pour filmer. J'avais une caméra hybride, un appareil photo hybride avec laquelle je filmais. Le point le plus important, c'était l'autonomie en termes énergétiques, parce que je voulais pouvoir filmer à n'importe quel moment des rencontres impromptues ou un beau paysage. J'avais deux batteries externes de 10 000 mAh et trois batteries internes d'appareil photo. Je ne sais plus combien elles font, mais voilà. Le panneau solaire. et un 28 watts, le plus puissant des panneaux solaires, les micros, et au début j'avais le trépied, puis je l'ai abandonné parce que 900 grammes, c'était beaucoup trop. Et après, tout le matériel...

  • Speaker #0

    Et t'avais un sac de combien de kilos ?

  • Speaker #1

    Au début 15, à la fin 25. La fin, c'était parce que j'avais les muscles qui me permettaient de le porter aussi, je ne sentais pas du tout le poids du sac. Mais c'est surtout que j'étais obligée par rapport à la nourriture. Parce qu'on était en automne, donc les magasins pour se ravitailler, ils étaient tous fermés. Donc à peine je trouvais une petite supérette, je prenais 10 kilos de nourriture, surtout que j'avais une faim de louve.

  • Speaker #0

    Tu m'étonnes.

  • Speaker #1

    J'avais très très faim.

  • Speaker #0

    Tu marchais combien de kilomètres à peu près par jour ? Et avec combien de dénivelé ?

  • Speaker #1

    Au total, j'ai marché 2150 kilomètres en 120 jours. Avec 135 000 mètres de dénivelé positif. Donc ça fait une moyenne d'un peu plus de 15 par jour, parce que j'ai fait trois jours de pause au total. Et une moyenne à 1 002, je pense, de positif.

  • Speaker #0

    Donc c'est juste énorme, tout ça cumulé.

  • Speaker #1

    Oui, mais physiquement, ce n'est pas du tout insurmontable. Je ne sais pas comment dire, mais au bout de deux semaines, le corps est habitué, il cavale. J'avais l'impression d'être plus un chamois qu'une humaine. Même au niveau des sens.

  • Speaker #0

    C'est de votre choix de ressentir ça.

  • Speaker #1

    C'est enivrant, oui. Parce que les capacités physiques, elles sont décuplées. Et puis aussi au niveau même des sens olfactifs, au niveau de plein de choses, je sentais que j'étais vraiment en train de développer mes sens comme si je redevenais animale. C'était assez fou. Je sentais n'importe quel... C'est incroyable. C'est assez fou.

  • Speaker #0

    Et donc, tu nous as parlé de la gestion ravitaillement. Au départ, en été, ça allait parce que tu arrives à trouver facilement, en automne, moins. Et après, tout ce qui est lessive, tu disais que tu faisais de temps en temps. Mais comment tu faisais, par exemple, pour te laver, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Dans les rivières, je me rinçais aux gants. Mais la même chose pour les lessives, sauf quand j'avais l'opportunité d'aller dans un camping ou dans une ville. J'enlevais tout sauf ma doudoune que je ne pouvais pas laver et je mettais un foulard autour de mes hanches pour même laver la culotte que je portais. Optimisation ! Je mettais tout dans le tampon de la machine à laver et j'attendais comme ça. Des fois, avec la canicule, être en doudoune, ce n'était pas le top, mais ça allait.

  • Speaker #0

    Ça devait être marrant de te voir à ce moment-là en se disant « mais qu'est-ce qu'elle fait ? »

  • Speaker #1

    Oh oui, je pense que bon. Mais bon, ça me glissait un peu dessus. Le regard des autres, quand tu marches pendant quatre mois dans la montagne, ce n'est vraiment plus du tout important.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est bien, c'est que ça te déconnecte de ce genre de préoccupations. Parce qu'en vrai, clairement, on s'en fiche complètement.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et si tu peux nous raconter comment ça s'est passé au global,

  • Speaker #1

    la traversée ? Globalement, je suis partie de Ljubljana, j'ai rejoint Monaco.

  • Speaker #0

    Donc Ljubljana, capitale de Slovénie.

  • Speaker #1

    Exactement. Au début, j'étais dans le Triglav, c'est un massif karstique. C'était vraiment un massif que je n'avais pas du tout l'habitude de voir en termes de relief. C'était vraiment magnifique. Et c'est aussi un paysage très préservé parce que c'est un parc. nationale donc il n'y a pas le droit de dormir en bivouac. Notamment là j'ai dormi en refuge parce que le bivouac était strictement interdit. Bon après j'ai fait quelques petites entorses ailleurs mais bon. Parce qu'en Autriche c'est interdit pareil, Liechtenstein c'est interdit mais je pouvais pas me permettre de dormir en refuge à chaque fois. Donc voilà et puis après j'ai mis le cap sur les Dolomites. En fait j'ai vraiment traversé tous les massifs jusqu'à Monaco. en reliant d'abord l'Est à l'Ouest jusqu'au lac Léman et ensuite une traversée plus perpendiculaire du lac Léman jusqu'à la Méditerranée en ne prenant pas le GR5 que j'avais déjà fait auparavant. Et en termes de sensations, au début j'étais vraiment à ne pas trop faire confiance aux autres parce que partir seule, en tant que femme surtout, ce n'était pas évident, surtout par rapport aux... peur qu'on projetait sur moi par rapport à mon manque d'expérience aussi dans ce domaine-là. Et puis, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que plus je m'ouvrais à la vie, plus je me laissais emporter, je m'abandonnais à vivre, on va dire. Plus je faisais des rencontres qui étaient très constructives et que je voyais aussi que les personnes me tendaient la main. Donc, je pense que j'ai fait de plus en plus confiance aux autres au fur et à mesure de mon voyage. Et sinon, c'était une expérience de ravissement total et puis aussi d'éloignement total des normes. Parce qu'en fait, à vivre dans la montagne, il n'y a aucun code à respecter. Je me suis rendue compte que l'individu social, il est extrêmement construit. Et d'être en montagne, ça permet de complètement s'éloigner de ça et de vivre très librement et sans calendrier et sans regard. reposé sur ton corps, sur tes choix de vie, sur plein de choses. Et ça, c'était extrêmement libérateur et ça m'a beaucoup construite à ce moment-là. Voilà, globalement.

  • Speaker #0

    Super intéressant de vivre ça. Et le fait d'être en solo comme ça, est-ce que tu vois peut-être au départ t'as trouvé ça un peu difficile et ensuite vraiment t'as adoré, ou l'inverse d'ailleurs ? Ou t'as adoré tout le long ?

  • Speaker #1

    La solitude, c'est un grand sujet parce qu'en fait... Je ne supportais pas la solitude avant de partir. Et c'était un peu mon défi, c'était de me dire, maintenant que tu es au pied du mur, tu vas apprendre à vivre seule parce que ce n'est pas possible de vivre aussi mal la solitude, d'être dans des étapes de tristesse pas possibles. Et donc je me suis dit, je vais me concentrer là-dessus et être dans une solitude choisie. Déjà, c'était différent qu'une solitude subie. Et donc au début, j'avais... de l'appréhension. Et puis très rapidement, je me suis rendue compte à quel point c'était grisant de pouvoir faire confiance au chemin, de voir qu'on a les ressources en soi pour avancer. À chaque fois qu'il y a un souci, on trouve des solutions. Et puis, c'est quand même difficile aussi de se rendre compte qu'on ne peut compter que sur soi. Ça, c'était vraiment un peu pas angoissant, mais tu te dis « Ok, là je suis au milieu de la montagne, si j'ai n'importe quel pépin, il faut que je... » je sache gérer moi. Et donc ça, c'était aussi une prise de conscience qui m'a permis de marcher vraiment en pleine conscience de tout, de mes mouvements, de la météo. J'étais très attentive et je n'étais pas concentrée parce qu'il m'arrivait de perdre mon chemin juste parce que j'étais dans mes pensées. Mais en tout cas, c'était très conscient. Quand je m'engageais dans un gros pierrier ou dans un... Des descentes très compliquées où il fallait poser les mains ou ce genre de choses un peu olé olé. Je faisais chaque pas avec avec beaucoup d'attention pour être hyper concentré. Donc ça, la solitude, au fur et à mesure, et la faim, je n'avais pas du tout envie d'arriver. Je n'avais pas du tout envie d'arriver. Et puis, je n'avais pas du tout envie que mes amis me rejoignent. C'était difficile à assumer. Ce n'est pas évident de le dire. C'était super dur. Et puis, j'ai des amis géniaux qui ont compris. Mais en fait, c'est super dur à recevoir aussi. Donc à ce moment-là, j'essayais d'expliquer que j'avais envie de terminer comme j'avais commencé, seule, et de vivre vraiment à fond cette expérience. Et voilà. Et depuis, donc maintenant dans ma vie, je n'ai plus peur de la solitude et je suis tout à fait heureuse, seule et en groupe. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #0

    Ça, c'est parfait. Tu as le meilleur des deux. Tu peux en profiter de chaque situation.

  • Speaker #1

    Ça, c'est sûr, oui.

  • Speaker #0

    Et à quoi ça ressemblait, tu vois, une journée un peu type pour toi ? Est-ce que tu avais toujours plus ou moins le même rythme ? Est-ce que tu as fait des journées de pause aussi en cours de route ? Comment tu as géré, en fait, ce que sur quatre mois, j'imagine qu'on ne gère pas pareil qu'une rando d'une semaine ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de... Je me levais le matin avec le soleil. Je n'ai jamais mis de réveil de toute ma traversée. Après, je faisais petit déjeuner normal. Je mangeais des plats très... de polenta, des choses qui comblent. Après, voilà. Souvent, quand je faisais un bivouac dans un lieu magnifique, je prenais des photos autour avec l'aube, le lever du soleil, les animaux qui sont plus présents à ce moment-là. Vraiment, je prenais le temps de m'émerveiller avant de me mettre en route. Après, en termes de... Je n'avais pas de distance type ou de... Vraiment, ma journée était vraiment déterminée en fonction de l'endroit du bivouac que je visais. Après, il y avait des surprises, évidemment. Ah, il y a un troupeau de vaches là où je pensais mettre ma tente. Bon, on va aller plus loin. Ah, en fait, il y avait plein de surprises au niveau du bivouac. Donc non, c'était vraiment... Je n'avais pas de plan prédéfini. Je mangeais à l'heure que je voulais, en fonction de ma faim. Je n'étais pas du tout à trois repas par journée. J'étais vraiment... Voilà. Le soir, je plantais ma tente assez tard. Bah, surtout... Très tard, dans les pays où c'était interdit, et je me cachais. Ça, c'était vraiment un point difficile de la vie alpina, l'interdiction de mes voies. Et donc, la peur qui était associée à ça, de me faire déloger, voilà.

  • Speaker #0

    Et entre le moment où tu vois t'arrêter de marcher et le moment où tu t'endormais, est-ce que tu lisais ?

  • Speaker #1

    J'écrivais.

  • Speaker #0

    La musique, les podcasts, t'écrivais ?

  • Speaker #1

    Mais je n'avais rien du tout pour lire. Ma grand-mère m'a envoyé un petit peu tous les jours des chapitres du livre qu'elle était en train de lire, pour que je lise en même temps qu'elle. Donc ça, c'était très, très mignon et j'ai beaucoup aimé. Sauf qu'en fait, la majeure partie du temps, je n'avais pas de réseau. Donc je ne pouvais pas lire ce qu'elle m'envoyait. Et non, sinon, j'écrivais beaucoup. J'écris vraiment tous les soirs. Donc j'ai un carnet de bord que j'ai imprimé qui fait un pavé comme ça. et où je m'efforce d'écrire à la fois mes sensations, mes réflexions. J'ai développé un peu une technique de mémorisation de ce que je vivais pour pouvoir être capable de retranscrire ça à l'écrit le soir. Parce que je faisais rarement des pauses pour écrire, paradoxalement. Parce que les journées étaient très remplies. On a beau se dire « ah oui, l'itinérance, etc. » , c'était ultra... Et donc tu me demandais aussi si j'avais fait des pauses. J'ai fait une pause pour attendre une tente. Parce que ma tante, je me suis envolée. Enfin, c'était... Il me fallait une tante plus costaud et plus aubanée. Donc, je me la suis faite envoyer en Autriche. Sauf que le colis a eu du retard. Donc, j'attendais dans une cabane au Liechtenstein pendant ce temps-là. Puis, j'ai fait l'aller-retour ensuite pour la récupérer. Enfin, voilà. J'ai squatté une cabane. Et un autre jour où j'ai fait deux jours de pause consécutifs parce qu'il pleuvait, mais vraiment... pleuvait, pleuvait, pleuvait, pleuvait énormément. Et quand je suis sortie de la tente un matin, en fait, c'était plus de la pluie, c'était de la neige sur les sommets. Et donc là, en plein mois d'août, j'ai marché dans un mètre de neige. C'était incroyable.

  • Speaker #0

    Ça doit faire trop bizarre.

  • Speaker #1

    Ah oui. Là, il n'y avait plus de saison. Je vivais les quatre saisons en une journée.

  • Speaker #0

    Puisque tu parlais de tente, j'en profite quand même, parce que je me dis que ça peut toujours intéresser certaines personnes. Tu as une recommandation du modèle de tente ou des choses auxquelles il faut faire attention ?

  • Speaker #1

    Les haubans, pour moi, c'est très important. Donc, les cordes qui servent à tendre vraiment très fort la tente en cas de vent. pour avoir un ancrage au sol le plus maximisé. Après, en fait, c'est très personnel aussi le sentiment de confort dont on a besoin, parce que je sais qu'il y a des personnes qui traversent les Alpes par les sommets à 3000 avec un tarp et un bout de matelas qui fait la taille du dos. Moi, je n'étais pas dans cette optique-là, parce que c'était un peu ma maison, la tente. Et c'est surtout que j'ai eu une très mauvaise expérience d'un orage où les arceaux ont plié, que je me suis envolée, tout était trempé. Donc là, c'était particulièrement difficile et je me suis dit, j'ai besoin de me sentir en sécurité. Dès que je monte la tente, je suis chez moi et je suis au sec. Et donc, un au vent aussi, potentiellement pour faire la popote quand il pleut ou qu'il neige. Je pense aussi la hauteur sous le toit, c'est important. Se tenir un peu assise, mais ça c'est pareil, il y a des personnes qui vous diront aussi, moi je suis dans une place, je mets mon sac avec moi.

  • Speaker #0

    Une place tunnel.

  • Speaker #1

    Une place tunnel, je pense que c'est personnel, mais en tout cas moi j'ai trouvé, du coup j'ai troqué ma Nemo pour une Saliva Light Trek, qui est vraiment connue pour, elle a été conçue pour les gros gros vents, et je dois dire que j'ai jamais... pris l'eau, j'ai jamais pris la... Enfin, le vent ne m'a jamais bougé d'un poil, alors que j'ai eu quand même une alerte rouge. J'étais dans une tempête, une dépression qui s'appelle Aline. Et c'était... Non, franchement, je suis très contente de cette porte.

  • Speaker #0

    Bon, c'est quand même important. C'est vrai, c'est ce que tu dis. Enfin, c'est comme ta maison, en plus, pendant quatre mois, donc... C'est bien de ne pas s'envoler avec,

  • Speaker #1

    quoi. Oui, c'est ça. Puis surtout, j'ai vraiment eu des... conditions, c'était en 2023, mais il y a eu des orages de grêle qui ont couché, qui ont défoncé les voitures, couché les arbres, les arbres qui étaient en travers du chemin, les ruisseaux qui étaient énormes. Je me suis dit, bon, c'est quand même pas une année où il faut rigoler sur le matos.

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #1

    clairement.

  • Speaker #0

    Est-ce que j'allais te demander, tu vois, quelles avaient été tes plus grandes difficultés ? Est-ce que c'est peut-être ces conditions météo ou autre chose ?

  • Speaker #1

    C'est clairement la météo. Clairement la météo sur le début de mon voyage. Et puis sur la fin, oui, j'ai eu la tempête à Lille, du coup, vers Isola 2000. Et là, c'était vraiment un épisode très, très dur à vivre. C'est la première fois que je me voyais hors de mon corps. Je me voyais de l'extérieur. J'étais sortie de ma tête et mon corps était incontrôlable. Je pleurais, j'étais dans un état. Et en même temps, j'avançais parce que j'étais sur une crête, en plein vent, en pleine tempête. Je faisais un pas. En avant, je faisais un pas sur le côté. Le vent, il n'allait pas dans une direction, il allait dans toutes les directions. Et j'ai visé une cabane à ce moment-là pour rejoindre aussi le réseau et être proche d'un accès routier. Parce que là, c'était vraiment la sécurité avant tout. Surtout que mon téléphone avait... Toutes les photos s'étaient mélangées, le Polar Step ne fonctionnait plus. Enfin, plus rien ne fonctionnait. Et je me suis dit, OK, là, situation d'urgence. Donc je me suis mise près d'un col routier et puis... Sur le GR5, avec une amie, on avait rencontré une accompagnatrice de Moyenne-Montagne qui nous avait dit à l'époque, Zoé, Colline, si vous avez besoin d'un endroit ou quoi, si vous avez besoin, sur le GR5, appelez la gendarmerie de Saint-Etienne-de-Tinet parce qu'il y a mon mari qui travaille, il pourra vous aider. Et là, je me suis dit, mais en fait là, j'étais juste à côté de Saint-Etienne-de-Tinet, je me suis dit, là, je vais appeler O'Neill, quoi. Donc j'appelle cette personne. Elle ne m'a répondu pas tout de suite. Et puis après, elle me dit, oui, en fait, Zoé, on est en alerte rouge. Donc, tu vas descendre tout de suite à la station. Et puis, l'office de tourisme va te mettre à disposition un logement parce que là, il y a un couvre-feu. Ah, d'accord.

  • Speaker #0

    Incroyable.

  • Speaker #1

    Du coup, je suis descendue en courant après m'être épuisée dans la cabane. J'avais froid, froid, froid. Vraiment, je n'étais pas bien. Et l'office de tourisme m'a mis un logement à disposition. Et même après coup, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de mieux parce que j'avais checké la météo. J'avais vraiment la cabane, j'ai utilisé la cabane, l'accès routier, le réseau. Et c'est dans ces situations-là qu'on se sent vraiment très vulnérable.

  • Speaker #0

    J'imagine, oui.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Donc ça, ce n'était pas un bon épisode. Donc principalement la météo et l'interdiction de bivouac qui m'a pesée. Mais ça, c'était moins dangereux, entre guillemets. Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Et tu as eu des jours, globalement, tu décris une aventure que tu as super bien vécue, et que tu as vraiment bien convenu, enthousiasmé, etc. Mais est-ce que tu as aussi eu des jours, peut-être cet épisode-là, mais peut-être à d'autres moments aussi, où là tu disais, mais qu'est-ce que je fais là, j'ai envie d'arrêter, c'est trop inconfortable ? Non,

  • Speaker #1

    jamais, jamais. Excellent. En fait, j'étais tellement dans l'instant présent, que s'il y avait une difficulté, je voyais maximum... dans une heure. C'était vraiment à la minute près. Et en fait, il y avait une tempête, je me mettais dans mon duvet, j'avais chaud et là, c'était le bonheur. Le bonheur, il réside dans tellement peu de choses dans l'adversité que vraiment, c'était un petit peu chaud. C'est trop bon.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi le fait que tu te dises, que spontanément tu le fasses, mais que tu regardes vraiment le moment présent. Tu n'es pas en train de te projeter sur les trois mois suivants.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. D'ailleurs, je n'avais aucune conscience du temps. Je suis arrivée en septembre au lac Léman et j'étais là. Mais en fait, on est déjà au lac Léman. On est en septembre. J'ai l'impression que je suis chez moi. Alors que j'ai l'impression que la veille, j'étais encore en Autriche. J'étais encore loin. Et puis vraiment, c'était suspendu.

  • Speaker #0

    Tu es tellement dans une bulle parallèle que tu perds les... C'est sûr que ce n'est pas plus mal. Et à l'inverse, on a parlé de moments le plus difficiles, mais est-ce que tu as les moments qui t'ont le plus marqué à nous raconter ?

  • Speaker #1

    Il y a des moments où je savais que j'étais au bon endroit, au bon moment, que je me sentais complètement alignée avec ce que je vivais. J'étais dans une gratitude infinie. J'avais envie de dire je t'aime à la terre entière. J'étais dans un moment d'extase totale. Souvent, c'était lié à des beaux paysages. et à la solitude qui était vraiment enivrante. Et de me dire que souvent, oui, j'éprouvais beaucoup de gratitude et je me sentais très privilégiée de pouvoir vivre ces moments-là. Et donc oui, notamment, je me rappelle d'un bivouac près d'un lac qui était vraiment sublime, avec les bouctins qui venaient boire juste à côté de ma tente. Un environnement minéral tout en étant un peu vert aussi, des contrastes fous. avec une lumière magnifique, c'était vraiment incroyable. Et puis des beaux moments, aussi les rencontres. Beaucoup de belles rencontres, notamment avec des femmes que j'ai interviewées pour le podcast, pour le podcast, pour le film, qui étaient hyper authentiques parce que j'ai l'impression que la montagne relie vraiment les personnes entre elles dans ce qu'on vit, dans ce qu'on partage, même si on ne se connaît pas. Et quand j'arrivais chez une personne, finalement, c'était ultra authentique et on parlait directement. En fait, on ne connaissait pas nos prénoms, on ne savait pas rien l'une de l'autre. Et il se passait cette chose de partage sur des sujets super profonds, parfois intimes. Et c'était juste magnifique. Et des belles rencontres aussi dans des moments durs. Et ça, c'était vraiment... Incroyable quoi, je ne crois pas en Dieu, mais des fois j'étais là. Quand j'étais en train de descendre, j'avais mal au ventre à cause de mes règles, je n'étais pas bien du tout, le ravitaillement avait été pourri, il a commencé à y avoir un orage, il y a une vache qui m'a foncé dessus en essayant de me charger avec ses cornes. J'étais là, mais il n'y a rien qui va.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Sympa. Je m'arrête à côté d'une ferme qui avait tout l'air d'être abandonnée pour mettre mon cahouet. Je me dis là, il commence à bien peu voir, on va s'abriter. Et là, il y a les rideaux, là, comme ça, en dentelle, qui bougent. Je me dis, il y a quelqu'un. Et une dame qui sort la tête et me dit, « Bon, qu'est-ce que tu fais là ? » Je dis, « Ben, je mets mon cahoué. » Elle me dit, « Non, mais qu'est-ce que tu fais là, là, là, dans la pluie, enfin, sous la tempête ? » « Rentre ! » Je suis rentrée. Et en fait, elle était avec sa famille. On a mangé ensemble. On a joué à y parler allemand. donc je ne comprenais pas tout tout. Mais j'ai appris plein de mots de vocabulaire. Enfin, l'essentiel, quoi. La tanque, l'arbre. Toujours l'essentiel en montagne. Boire, manger. Voilà. Donc, j'avais le vocabulaire de base. Et puis, j'ai dormi près du feu. Et c'était incroyable.

  • Speaker #0

    C'est tellement chouette, ce genre de moment. Justement, tu vas nous parler du film, du co-documentaire que tu as réalisé. Est-ce que tu peux nous expliquer plus en détail le projet et comment ça s'est déroulé ?

  • Speaker #1

    Alors, le projet... je suis partie sans avoir écrit le film. Ça, c'est un gros point. J'avais des trames d'interviews, des sujets qui revenaient. Je voulais absolument parler avec les personnes que j'ai rencontrées. Je voulais vraiment qu'il y ait une diversité de protagonistes, tant géographiquement que dans leur profession. J'ai interviewé une gardienne de refuge slovéne, une bergère suisse. que j'ai rencontré par pur hasard dans son alpage et que j'ai interviewé sur le moment. Et après, je suis retournée la voir un an après pour passer une semaine dans son alpage.

  • Speaker #0

    C'était vraiment des rencontres qui m'ont marquée et qui continuent de perdurer, et qui perdurent plutôt. Et donc voilà, ça sert à Mona. Il y a Marjorie aussi, qui en fait m'a offert une nuit suspendue au-dessus de la falaise de la tête de chien à Monaco. Et ça, c'était grâce à la bourse XP que j'avais gagnée avant de partir, qui en fait a comme sponsor Petzl. et donc elle est sponsorisée par FEDZEL donc ils ont arrangé ça en gros pour m'offrir une dernière nuit en toute beauté et donc j'ai interviewé Marjorie qui était aussi monitrice d'escalade en milieu naturel et enceinte donc j'avais envie aussi de lui parler de discuter avec elle des injonctions faites aux femmes sportives ce genre de sujet il y a Elisabeth Gerritsen qui est championne du monde de ski freeride et qui a fait son coming out lesbien suite à sa victoire. Et donc, je voulais aussi donner de la place aux minorités de genre. Et voilà, c'est problématique dans l'industrie du ski. J'ai interviewé Federica Mingola, qui est une grimpeuse, initialement une grimpeuse et qui est aussi guide de haute montagne, qui est italienne. Et qui a fait un gros, gros projet cet été, qui était l'ascension du K2 avec une équipe italo-pakistanaise 100% féminine. Et j'oublie, j'oublie, qui j'oublie ? J'en suis à 4 ou à 5.

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas dire, mais ça fait des beaux profils.

  • Speaker #0

    Ah bah non, Alice, mais j'ai oublié Alice. Alice Koldefi, qui est formatrice en secourisme de haute montagne. au PGHM. Et donc là, qui est vraiment une profession où il y a extrêmement peu de femmes. On connaît Marion Poitvin du côté militaire, beaucoup, et Alice qui est côté PGHM et qui a une bonne carrière au PGHM et aussi un engagement féministe assez fort, même si elle reste discrète. Et c'est une personne qui était très peu médiatisée et qui a accepté de répondre à mes questions. Et c'était vraiment un gros privilège de ce côté-là aussi.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est génial. Est-ce que tu avais repéré certaines à l'avance ou c'est vraiment des rencontres au fil de l'eau ? Évidemment, hors la personne à Monaco où l'astéryen est organisée.

  • Speaker #0

    Certaines personnes étaient prévues sur mon trajet. Après, ce qui a été difficile, c'est qu'il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire parce que le calendrier faisait qu'Elisabeth m'a répondu une semaine après mon passage vraiment chez elle. Donc, j'ai dit, on s'est loupé à peu de choses près. Et donc j'ai réalisé deux interviews, trois interviews complémentaires à mon retour. Donc il y a Marjorie que je suis retournée voir à vélo en passant le col de la Bonnette sous la neige, c'était incroyable. Il y a Elisabeth que je suis retournée voir au Lac Léman. Et il y a Fédérica que je suis retournée voir à Turin. Et voilà, donc en fait il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire extrêmement dans la fluidité sur le moment. Mais comme c'était déjà prévu, on a juste reporté et puis voilà.

  • Speaker #1

    Donc ça s'est bien géré.

  • Speaker #0

    Ça s'est bien géré.

  • Speaker #1

    Et quelle a été la réaction de ces femmes qui sont à la base pas spécialement médiatisées face à ton projet ? Comment elles l'ont reçu ? Comment t'arrivais aussi à gérer ? Enfin, tu vois, face à la caméra, parfois, c'est pas toujours évident d'interviewer des gens qui n'ont pas forcément l'habitude.

  • Speaker #0

    Justement, face à la caméra, ça, c'était une vraie difficulté que j'ai rencontrée dès le début de mon voyage parce que... En fait, notamment Vania ne se sentait pas légitime de témoigner. Elle se mettait en retrait. Elle disait « je ne suis pas assez bien » . Et donc, il fallait vraiment mettre à l'aise la personne. Et c'était difficile aussi de garder un contact authentique avec la personne quand je suis derrière la caméra. Et que j'ai vraiment envie d'avoir une discussion de personne à personne. Et qu'en même temps, j'ai mon travail. Il y a aussi tous les réglages techniques. il y a Il y avait beaucoup d'enjeux. Et finalement, j'ai trouvé mon équilibre, des fois, en ne mettant juste pas la caméra. En fait, il y a plein de fois où j'ai fait des rencontres et j'ai discuté pendant des heures et des heures avec une personne et je n'ai pas mis ma caméra. Et ça a nourri mon projet autrement, en fait. Mais ça ne l'a pas... Voilà. Des fois, j'ai eu un peu des regrets. parce que forcément tu te dis là il y a une matière incroyable et en même temps je me disais bah oui mais est-ce que cette matière aurait existé derrière une caméra je sais pas donc il faut accepter un peu l'équilibre entre les deux c'est vrai que c'est pas évident c'est pas évident Et voilà, et au contraire, Ramona, qui m'a accueillie dans son alpage, la berrière suisse, c'était ultra fluide, en fait, elle était là. Je suis trop heureuse parce que les médias, ils ne vont jamais nous voir, nous. Enfin, vraiment, ils ne s'occupent pas de nous, on ne voit jamais personne. Je suis trop heureuse, mes enfants vont être trop fiers. Et donc, c'était, en fait, c'était hyper touchant parce qu'elle était tellement authentique. Elle était vraiment, pour le coup, brute de décoffrage. Mais comme j'apprécie aussi rencontrer les personnes, quoi. Sans artifice, du direct. Et c'était incroyable.

  • Speaker #1

    C'est chouette aussi de se dire que tu apportes du coup de la joie aussi à cette personne et qu'elle se sent reconnue. Alors que voilà, globalement, elle se sent pas très reconnue, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est intéressant aussi ce que tu disais sur ce truc de légitimité, qui est un truc que j'ai l'impression d'entendre quand même énormément de la part de femmes. Enfin,

  • Speaker #0

    j'ai le problème de moi-même,

  • Speaker #1

    je ne suis pas une critique, mais c'est vrai que c'est fou comme on a globalement quasi toutes ce truc avec « non, je ne suis pas légitime » .

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr. Après, la légitimité, moi c'est vrai que c'est un sujet qui me tient à cœur, parce que j'ai eu un peu cette prise de conscience quand j'étais à la fac, je me suis dit « mais la légitimité, personne ne me la donnera jamais » . C'est pas quelque chose qu'on va t'apporter sur un plateau en te disant « Tu es légitime, Zoé, tu peux faire ça. » En fait, si tu ne te donnes pas la légitimité toi-même, tu peux ne rien faire, potentiellement. Et donc je me suis dit, j'avais jamais réalisé de film, j'avais jamais tenu une caméra, j'avais jamais réalisé d'interview, quasiment. Et je me suis dit, en fait, c'est ce que j'ai envie de faire, mais ça vient des tripes, c'est vraiment un projet de base qui était personnel. Puis en fait, il a pris une ampleur qui m'a un peu dépassée. Je me suis dit bon, OK, le projet intéresse. Donc, il a une valeur aux yeux des autres et pas que à mes yeux. Donc, je vais lui donner l'ampleur que réclame le peuple.

  • Speaker #1

    C'est trop bien parce qu'au moins, c'est les deux mêlés là pour le coup. Parce que tu ne l'as pas fait pour les autres, tu l'as fait avant tout pour toi. Et en plus, c'est un peu la cerise sur le gâteau. Ça intéresse.

  • Speaker #0

    Carrément, carrément.

  • Speaker #1

    Et si on doit résumer, tu vois, tout ce projet qui est quand même énorme. Du coup, je trouve que moi, ce que j'ai adoré dans ce projet, c'est vraiment le côté sportif, bien sûr, mais voilà, tout le côté humain et évidemment féministe. Et quelles émotions tu vois, tu as traversées au global sur tout ce voyage ?

  • Speaker #0

    Beaucoup de joie, beaucoup de gratitude, de reconnaissance envers les personnes qui me permettent de... de... Parce qu'en fait, je parle de confiance, etc. et de légitimité, mais j'ai aussi tout à fait conscience que j'ai évolué dans un cadre qui me permettait, dès le plus jeune âge, de la sécurité, de l'affection. Et je me dis, en fait, si on n'a pas cette base-là, c'est d'autant plus difficile de sortir de cette zone de confort qui est d'avoir un toit, qui est d'avoir à manger dans le magasin le plus proche, etc. Et donc, oui, je crois que je suis très reconnaissante envers notamment mes parents qui m'ont étudiée. et qui m'ont permis d'avoir ce cadre qui me permet d'avoir envie d'aller voir ailleurs aussi. Et donc, oui, beaucoup de reconnaissance. J'ai eu peur parfois, notamment dans une désescalade d'une falaise en Slovénie. J'ai eu peur avec certains mecs qui n'étaient pas recommandables, mais pas... pas non plus violents ou dangereux de manière frontale. C'est des peurs qui sont ancrées et qui, en tant que femmes, sont difficiles à déconstruire même pendant quatre mois seule dans la montagne. Qu'est-ce que j'ai ressenti d'autre ? C'est déjà pas mal.

  • Speaker #1

    Ça fait jouer un beau panel. C'est chouette. Est-ce que tu penses que c'est un projet qui t'a transformée sur le plan personnel et qui va avoir des conséquences sur ta vie future ?

  • Speaker #0

    En termes de la solitude, c'est une chose que j'appréhende de manière positive. Ensuite, en termes de confiance, pas tellement en confiance en moi parce que je suis quand même partie en me disant que j'avais toutes les ressources en moi pour faire face aux difficultés. Et ça, c'était assez précieux, je pense. Pas en termes de confiance en moi, mais en termes de liberté, de me dire que tout est possible. Et je crois que c'est très, très bateau. Mais je me disais, mais en fait, hors des cadres, quand tu arrives à penser hors des cadres et hors de tous les schémas qu'on t'impose au fur et à mesure dans ta vie, en fait, tu redeviens une enfant qui est capable d'explorer le monde entier juste par curiosité ou par quête de sens ou par... par envie de rencontre et d'épanouissement personnel et de grandissement collectif, de porter ses valeurs au plus haut point, de développer ses idéaux. Et ça, ça m'a donné une grande force, notamment dans l'idée de faire le film, parce que quand je suis revenue, je n'étais même pas sûre de faire le film. Et puis, je me suis dit, en fait, c'est mon rêve, j'ai envie de le faire. Donc, je me suis donné les moyens de le faire, alors que ce n'était pas du tout écrit en termes de trajectoire.

  • Speaker #1

    C'est génial. Et le film, on va pouvoir le voir où alors ?

  • Speaker #0

    Il va passer au mois du documentaire en Isère, donc dans différentes médiathèques en Isère. Donc c'est en novembre. Il y a des dates à Jari, qui est à côté du Gilles, Montrestel, Ile d'Abo, Saint-Antoine-l'Abbaye, Clé, Pont-de-Clay, beaucoup de villes et villages en Isère. Après, j'ai candidaté dans des festivals aussi. Donc il y a une première, on va dire, européenne en Suisse. au Festival des Rencontres de l'Aventure. Et puis, j'en attends de réponse des autres festivals. J'espère Femmes en Montagne. Ce serait top. Et puis, après, il y a plein d'autres festivals. Il y a La Rochelle. En fait, il y en a beaucoup, beaucoup en France. Et ensuite, potentiellement aussi les cinémas, dès que j'aurai demandé le visa d'exploitation pour pouvoir faire une tournée des cinémas.

  • Speaker #1

    Et où est-ce qu'on va pouvoir avoir cette info-là ? Est-ce que c'est sur ton compte Instagram ou il y a un autre endroit ?

  • Speaker #0

    Il y a sur mon compte Instagram, donc c'est zoé.l comme loutre, m comme marmotte, t comme tortue, r comme ragondin et e comme éléphant.

  • Speaker #1

    Je mettrai le lien dans la description si jamais vous n'avez pas saisi cette description animalière. Voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais sinon, je suis en train de travailler sur un projet de site web pour mettre toutes les infos au même endroit. Mais c'est vrai que ça, c'est encore un autre métier et encore une autre corde à mon arc. Et donc, j'y travaille, mais c'est lent. Voilà. Mais il sortira.

  • Speaker #1

    C'est normal, on ne peut pas tout faire à la fois. Trop bien. Et est-ce que tu as encore d'autres projets ? Est-ce que ça t'a donné envie de faire ? un autre projet de ce type en montagne, ou pas en montagne d'ailleurs ? Est-ce que tu as des envies particulières pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas d'idée précise, mais je sais que j'ai envie de continuer à faire un peu des aventures de ce type, plutôt en solitaire, je pense, ou à la rencontre de personnes. Enfin, et c'est encore mieux quand on peut allier les deux. Et voilà. Après, en montagne, ça reste mon terrain privilégié, mais on verra. Déjà je finis le film je me pose un peu parce qu'un film autoproduit c'est pas non plus hyper facile économiquement à assumer derrière et puis donc je vais peut-être aussi me poser un peu, prendre un travail un peu plus stable pour me relancer ensuite dans une aventure un peu moins stable

  • Speaker #1

    C'est bien, c'est un bon équilibre entre les deux Et pour terminer, est-ce que tu as un message que tu as envie de faire passer aux auditrices ?

  • Speaker #0

    Très basique, mais osé. Faites-vous confiance. Pas hésiter aussi à s'entourer des bonnes personnes, de travailler en réseau, parce que finalement, il y a des rencontres qui peuvent changer une vie aussi et donner des trajectoires complètement magnifiques.

  • Speaker #1

    Trop bien. Merci comme message final. C'est parfait. Merci beaucoup Zoé, moi j'ai très hâte de découvrir le film du coup, j'espère réussir à le voir à une occasion ou une autre et puis on va continuer à suivre tes aventures prochaines alors merci beaucoup d'avoir participé à cette interview c'était très chouette

  • Speaker #0

    Merci à toi, toutes ces belles questions et ton accueil

  • Speaker #1

    Avec plaisir,

  • Speaker #0

    à bientôt

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !

Chapters

  • Introduction et présentation de Zoé Lemaitre

    00:08

  • Le projet de traversée des Alpes et ses objectifs

    00:25

  • Préparation de l'itinéraire et gestion des imprévus

    02:25

  • Matériel utilisé et conditions de bivouac

    05:38

  • Distance parcourue et sensations durant l'aventure

    08:14

  • Ravitaillement et hygiène en pleine nature

    09:18

  • Récit de la traversée et rencontres marquantes

    10:36

  • Réflexions sur la solitude et l'autonomie

    13:19

  • Le projet de documentaire et ses enjeux

    29:16

  • Message final et conseils pour les auditrices

    43:16

Description

Et si marcher seule devenait une manière de tisser du lien ? Pendant quatre mois, Zoé Lemaitre a traversé les Alpes à pied… pour rencontrer les femmes qui y vivent et y travaillent.


Je reçois Zoé Lemaitre, 26 ans, Grenobloise, passionnée de très longue distance. Elle a relié la Slovénie à Monaco en suivant sa propre variante de la Via Alpina : 2 150 km, 120 jours et 135 000 m D+.


Son objectif : réaliser un film documentaire sur les femmes de montagne – guides, bergères, gardiennes, alpinistes – et raconter leur rapport intime à ce territoire souvent idéalisé, parfois rude, toujours inspirant. Au programme de l’épisode:

  • D’où vient l’envie de relier les Alpes… et les femmes qui les habitent ?

  • Comment on prépare (ou pas) quatre mois seule entre neige, crêtes et orages ?

  • Marcher et filmer : les coulisses d’un tournage en pleine nature.

  • Gérer la peur, la fatigue, les imprévus (et quelques tempêtes).

  • Ce que la solitude enseigne sur la confiance et le corps.

  • Les rencontres du film : des parcours forts, souvent invisibles, toujours passionnants.

  • Où voir le documentaire et comment le projet continue aujourd’hui.


Un épisode qui parle d’endurance, de lien et de liberté. Avec Zoé, on découvre une autre manière de vivre la montagne : plus lente, plus juste, plus collective.


🔗 Lien:

Suivre Zoé: https://www.instagram.com/zoe.lmtre

Documentaire: Via Alpina, sur les pas des Pionnières 


Vous voulez soutenir le podcast ?

  • Laissez 5★ sur ta plateforme d’écoute, ça change tout.

  • Abonnez-vous et partagez cet épisode avec une amie qui rêve de s’évader.


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


➡️ Suivez-nous:

Notre magazine: https://www.lasportiveoutdoor.com/fr

Notre newsletter: https://web-escapades.kit.com/lso

Notre chaîne Youtube: https://www.youtube.com/@lasportiveoutdoor

Instagram: https://www.instagram.com/lasportiveoutdoor/

TikTok: https://www.tiktok.com/@lasportiveoutdoor


🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Mots clé: aventure, montagne, voyage solo, féminisme, documentaire, engagement, exploration, nature, Alpes, itinérance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, dans cet épisode je reçois Zoé Lemaitre qui a traversé les Alpes de la Slovénie à Monaco en suivant la Via Alpina. Elle a marché seule durant 4 mois sur 2000 km avec un objectif, rencontrer des femmes professionnelles de la montagne et en faire un documentaire. Elle va nous raconter les coulisses de cette aventure à la fois humaine et sportive. Bienvenue Zoé !

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Zoé, j'ai 26 ans, j'habite à Grenoble et ma passion c'est la montagne, tout ce qui est très longue distance, à vélo ou à pied.

  • Speaker #0

    Et tu t'y es mise il y a longtemps, c'était déjà étant enfant ou c'est venu un peu plus tard ?

  • Speaker #1

    J'étais au lycée de Dix, c'est un lycée sport nature. pour apprendre à être autonome dans les sports de pleine nature. Et mes parents m'ont vraiment transmis cette passion de la montagne. Et donc, j'ai toujours un peu évolué dans ce milieu, mais les choses seules, c'est venu plus tardivement.

  • Speaker #0

    T'as quand même été à bonne école, effectivement, dès le départ. Et comment t'as eu l'idée de cette traversée des Alpes, déjà, et de cette mise en lumière de femmes professionnelles de la montagne ?

  • Speaker #1

    J'ai habité et travaillé à Venise, donc qui est vraiment au bout de l'arc alpin. Et un jour, je me suis dit, j'aimerais bien rentrer à pied chez moi. Donc, c'était au début un peu une blague. Et puis, finalement, c'est devenu un projet qui a été pas très longtemps mûri. Et le but, c'était à la fois de faire une traversée qui se concentre sur mon expérience, donc être complètement immergée, seule dans la nature, et à la fois de rencontrer des personnes. Donc des femmes professionnelles de la montagne pour allier aussi mes valeurs féministes avec la marche. Et donner de la visibilité à ces femmes qui sont souvent soit invisibilisées, soit moins visibles de fait dans les médias. Et donc leur donner la parole, leur donner de la visibilité et montrer des portraits de femmes vraiment inspirantes. Double objectif.

  • Speaker #0

    C'est un beau projet. Et tu avais de l'expérience dans le fait de marcher seule ? Tu disais que tu étais venue un peu plus tard, mais est-ce que tu avais déjà fait des grosses randonnées seule ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. La seule randonnée seule que j'avais faite avant, c'était une mini traversée de Belle Donne. J'avais fait quatre jours toute seule. Après de l'itinérance longue durée, j'avais fait un jour le GR5 en 2020 avec une amie. Donc j'étais un peu habituée des longues distances, mais seule, je n'avais jamais fait plus de 4 jours. Là, on est passé de 4 jours à 4 mois.

  • Speaker #0

    Il y a bon gap.

  • Speaker #1

    Bon gap, oui.

  • Speaker #0

    Et comment tu as fait pour préparer ton itinéraire sur la Via Alpina ? C'est un itinéraire qui est connu, qui existe. Mais est-ce que tu as déjà toujours suivi vraiment la Via Alpina ? Ou est-ce que tu as fait des petits détours ? Comment tu as découpé tes étapes ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    La Via Alpina, c'était un fil rouge. Donc effectivement, c'est un tracé qui existe et qui relie les huit pays de l'arc alpin. Mais après, je me suis permis de faire un tracé qui était le mien, avec un tracé idéal, en fait, qui passait toujours le plus haut possible, parce que j'adore être en hauteur. Et en fait, ce tracé, dès le premier jour, je ne l'ai pas suivi. Et tous les jours d'ensuite, qui m'ont suivi, je ne l'ai pas suivi non plus. Donc c'était vraiment au jour le jour.

  • Speaker #0

    je regardais la carte le matin je savais pas où j'allais dormir le soir et comme ça je me suis en fait j'ai construit mes étapes comme ça au fur et à mesure c'est excellent et pourquoi tu choisissais de dévier de ce que t'avais prévu à la base,

  • Speaker #1

    est-ce que c'est parce que ça te semblait plus sympa ou peut-être aussi parfois des conditions météo qui fait que tu changeais alors il y a eu les deux en premier lieu c'est que je me suis dit d'un... Déjà, je suis arrivée à la gare de Ljubljana le premier jour en bus. Et puis, Ljubljana, c'est une grosse ville. Et comme je n'avais pas d'expérience aussi dans le fait de bivouaquer seule près des villes, je n'ai vraiment pas eu de confiance. Donc, j'ai pris un train pour m'enfoncer plus vers les montagnes. Et de là, j'ai commencé ma vie à Alpina, enfin ma traversée. Et donc, du coup, dès le premier jour, au final, j'ai changé mon point de départ. Donc, j'ai changé mon itinéraire. Et à partir de là, j'ai navigué un peu à vue. Et oui, j'ai eu aussi des détours que j'ai dû faire à cause de la neige. En août, il y a eu des grosses chutes de neige. Donc j'ai dû un peu adapter mon parcours par rapport à ça. Surtout après avoir... J'ai dû renoncer plusieurs fois à l'école. Et voilà. Mais c'est ça aussi l'aventure. J'avais grand plaisir à découvrir d'autres chemins que ceux qui étaient tracés. Et puis souvent, en plus, c'était mon flair qui me disait là, il y a des beaux lacs, j'ai envie d'aller là. Pas du tout envie d'aller sur les sentiers qui sont plus fréquentés. Donc, j'ai pris beaucoup de variantes très alpines et je me suis régalée.

  • Speaker #0

    C'est trop bien. Au moins, tu t'es vraiment fait plaisir à chaque fois en adaptant.

  • Speaker #1

    Oui, carrément.

  • Speaker #0

    c'est comme le but Et tu avais quoi comme matériel avec toi ? Tu disais que tu bivouaquais, tu as bivouaqué tout le temps. Tu avais une tente très chaude, un sac de couchage, etc. Ou est-ce que parfois, tu as fait aussi des étapes en refuge ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    J'étais majoritairement bivouaque. Donc oui, effectivement, comme tu disais, avec la tente, le sac de couchage, etc. Et après, j'ai aussi dormi dans des cabanes, surtout sur la fin de mon itinéraire, parce qu'il commençait à faire vraiment très froid. Et donc, je trouvais des cabanes non gardées et je m'y installais pour la nuit. J'ai dormi quelques fois en camping pour aussi me faire un gros ravitaillement et manger tout ce que je pouvais sur place. Et faire une lessive aussi de temps en temps, avec de la lessive, attention, des choses qui sentent bon.

  • Speaker #0

    Ça aggrave parfois.

  • Speaker #1

    Ça aggrave parfois de faire un reset de tout le linge. Et ensuite, j'ai dormi neuf nuits dans un refuge. Et ça, c'était vraiment un cas impératif quand il y avait un énorme ouvrage ou bien qu'il faisait vraiment trop froid ou alors que j'avais trop faim.

  • Speaker #0

    Et au niveau matériel aussi, je disais, tu as fait un documentaire sur cette aventure. Donc, tu avais aussi de quoi filmer. Tu avais apporté quoi ? Parce que ça pèse vite un peu lourd.

  • Speaker #1

    Exactement. Mon sac, le tiers du poids du sac, c'était du matériel pour filmer. J'avais une caméra hybride, un appareil photo hybride avec laquelle je filmais. Le point le plus important, c'était l'autonomie en termes énergétiques, parce que je voulais pouvoir filmer à n'importe quel moment des rencontres impromptues ou un beau paysage. J'avais deux batteries externes de 10 000 mAh et trois batteries internes d'appareil photo. Je ne sais plus combien elles font, mais voilà. Le panneau solaire. et un 28 watts, le plus puissant des panneaux solaires, les micros, et au début j'avais le trépied, puis je l'ai abandonné parce que 900 grammes, c'était beaucoup trop. Et après, tout le matériel...

  • Speaker #0

    Et t'avais un sac de combien de kilos ?

  • Speaker #1

    Au début 15, à la fin 25. La fin, c'était parce que j'avais les muscles qui me permettaient de le porter aussi, je ne sentais pas du tout le poids du sac. Mais c'est surtout que j'étais obligée par rapport à la nourriture. Parce qu'on était en automne, donc les magasins pour se ravitailler, ils étaient tous fermés. Donc à peine je trouvais une petite supérette, je prenais 10 kilos de nourriture, surtout que j'avais une faim de louve.

  • Speaker #0

    Tu m'étonnes.

  • Speaker #1

    J'avais très très faim.

  • Speaker #0

    Tu marchais combien de kilomètres à peu près par jour ? Et avec combien de dénivelé ?

  • Speaker #1

    Au total, j'ai marché 2150 kilomètres en 120 jours. Avec 135 000 mètres de dénivelé positif. Donc ça fait une moyenne d'un peu plus de 15 par jour, parce que j'ai fait trois jours de pause au total. Et une moyenne à 1 002, je pense, de positif.

  • Speaker #0

    Donc c'est juste énorme, tout ça cumulé.

  • Speaker #1

    Oui, mais physiquement, ce n'est pas du tout insurmontable. Je ne sais pas comment dire, mais au bout de deux semaines, le corps est habitué, il cavale. J'avais l'impression d'être plus un chamois qu'une humaine. Même au niveau des sens.

  • Speaker #0

    C'est de votre choix de ressentir ça.

  • Speaker #1

    C'est enivrant, oui. Parce que les capacités physiques, elles sont décuplées. Et puis aussi au niveau même des sens olfactifs, au niveau de plein de choses, je sentais que j'étais vraiment en train de développer mes sens comme si je redevenais animale. C'était assez fou. Je sentais n'importe quel... C'est incroyable. C'est assez fou.

  • Speaker #0

    Et donc, tu nous as parlé de la gestion ravitaillement. Au départ, en été, ça allait parce que tu arrives à trouver facilement, en automne, moins. Et après, tout ce qui est lessive, tu disais que tu faisais de temps en temps. Mais comment tu faisais, par exemple, pour te laver, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Dans les rivières, je me rinçais aux gants. Mais la même chose pour les lessives, sauf quand j'avais l'opportunité d'aller dans un camping ou dans une ville. J'enlevais tout sauf ma doudoune que je ne pouvais pas laver et je mettais un foulard autour de mes hanches pour même laver la culotte que je portais. Optimisation ! Je mettais tout dans le tampon de la machine à laver et j'attendais comme ça. Des fois, avec la canicule, être en doudoune, ce n'était pas le top, mais ça allait.

  • Speaker #0

    Ça devait être marrant de te voir à ce moment-là en se disant « mais qu'est-ce qu'elle fait ? »

  • Speaker #1

    Oh oui, je pense que bon. Mais bon, ça me glissait un peu dessus. Le regard des autres, quand tu marches pendant quatre mois dans la montagne, ce n'est vraiment plus du tout important.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est bien, c'est que ça te déconnecte de ce genre de préoccupations. Parce qu'en vrai, clairement, on s'en fiche complètement.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et si tu peux nous raconter comment ça s'est passé au global,

  • Speaker #1

    la traversée ? Globalement, je suis partie de Ljubljana, j'ai rejoint Monaco.

  • Speaker #0

    Donc Ljubljana, capitale de Slovénie.

  • Speaker #1

    Exactement. Au début, j'étais dans le Triglav, c'est un massif karstique. C'était vraiment un massif que je n'avais pas du tout l'habitude de voir en termes de relief. C'était vraiment magnifique. Et c'est aussi un paysage très préservé parce que c'est un parc. nationale donc il n'y a pas le droit de dormir en bivouac. Notamment là j'ai dormi en refuge parce que le bivouac était strictement interdit. Bon après j'ai fait quelques petites entorses ailleurs mais bon. Parce qu'en Autriche c'est interdit pareil, Liechtenstein c'est interdit mais je pouvais pas me permettre de dormir en refuge à chaque fois. Donc voilà et puis après j'ai mis le cap sur les Dolomites. En fait j'ai vraiment traversé tous les massifs jusqu'à Monaco. en reliant d'abord l'Est à l'Ouest jusqu'au lac Léman et ensuite une traversée plus perpendiculaire du lac Léman jusqu'à la Méditerranée en ne prenant pas le GR5 que j'avais déjà fait auparavant. Et en termes de sensations, au début j'étais vraiment à ne pas trop faire confiance aux autres parce que partir seule, en tant que femme surtout, ce n'était pas évident, surtout par rapport aux... peur qu'on projetait sur moi par rapport à mon manque d'expérience aussi dans ce domaine-là. Et puis, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que plus je m'ouvrais à la vie, plus je me laissais emporter, je m'abandonnais à vivre, on va dire. Plus je faisais des rencontres qui étaient très constructives et que je voyais aussi que les personnes me tendaient la main. Donc, je pense que j'ai fait de plus en plus confiance aux autres au fur et à mesure de mon voyage. Et sinon, c'était une expérience de ravissement total et puis aussi d'éloignement total des normes. Parce qu'en fait, à vivre dans la montagne, il n'y a aucun code à respecter. Je me suis rendue compte que l'individu social, il est extrêmement construit. Et d'être en montagne, ça permet de complètement s'éloigner de ça et de vivre très librement et sans calendrier et sans regard. reposé sur ton corps, sur tes choix de vie, sur plein de choses. Et ça, c'était extrêmement libérateur et ça m'a beaucoup construite à ce moment-là. Voilà, globalement.

  • Speaker #0

    Super intéressant de vivre ça. Et le fait d'être en solo comme ça, est-ce que tu vois peut-être au départ t'as trouvé ça un peu difficile et ensuite vraiment t'as adoré, ou l'inverse d'ailleurs ? Ou t'as adoré tout le long ?

  • Speaker #1

    La solitude, c'est un grand sujet parce qu'en fait... Je ne supportais pas la solitude avant de partir. Et c'était un peu mon défi, c'était de me dire, maintenant que tu es au pied du mur, tu vas apprendre à vivre seule parce que ce n'est pas possible de vivre aussi mal la solitude, d'être dans des étapes de tristesse pas possibles. Et donc je me suis dit, je vais me concentrer là-dessus et être dans une solitude choisie. Déjà, c'était différent qu'une solitude subie. Et donc au début, j'avais... de l'appréhension. Et puis très rapidement, je me suis rendue compte à quel point c'était grisant de pouvoir faire confiance au chemin, de voir qu'on a les ressources en soi pour avancer. À chaque fois qu'il y a un souci, on trouve des solutions. Et puis, c'est quand même difficile aussi de se rendre compte qu'on ne peut compter que sur soi. Ça, c'était vraiment un peu pas angoissant, mais tu te dis « Ok, là je suis au milieu de la montagne, si j'ai n'importe quel pépin, il faut que je... » je sache gérer moi. Et donc ça, c'était aussi une prise de conscience qui m'a permis de marcher vraiment en pleine conscience de tout, de mes mouvements, de la météo. J'étais très attentive et je n'étais pas concentrée parce qu'il m'arrivait de perdre mon chemin juste parce que j'étais dans mes pensées. Mais en tout cas, c'était très conscient. Quand je m'engageais dans un gros pierrier ou dans un... Des descentes très compliquées où il fallait poser les mains ou ce genre de choses un peu olé olé. Je faisais chaque pas avec avec beaucoup d'attention pour être hyper concentré. Donc ça, la solitude, au fur et à mesure, et la faim, je n'avais pas du tout envie d'arriver. Je n'avais pas du tout envie d'arriver. Et puis, je n'avais pas du tout envie que mes amis me rejoignent. C'était difficile à assumer. Ce n'est pas évident de le dire. C'était super dur. Et puis, j'ai des amis géniaux qui ont compris. Mais en fait, c'est super dur à recevoir aussi. Donc à ce moment-là, j'essayais d'expliquer que j'avais envie de terminer comme j'avais commencé, seule, et de vivre vraiment à fond cette expérience. Et voilà. Et depuis, donc maintenant dans ma vie, je n'ai plus peur de la solitude et je suis tout à fait heureuse, seule et en groupe. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #0

    Ça, c'est parfait. Tu as le meilleur des deux. Tu peux en profiter de chaque situation.

  • Speaker #1

    Ça, c'est sûr, oui.

  • Speaker #0

    Et à quoi ça ressemblait, tu vois, une journée un peu type pour toi ? Est-ce que tu avais toujours plus ou moins le même rythme ? Est-ce que tu as fait des journées de pause aussi en cours de route ? Comment tu as géré, en fait, ce que sur quatre mois, j'imagine qu'on ne gère pas pareil qu'une rando d'une semaine ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de... Je me levais le matin avec le soleil. Je n'ai jamais mis de réveil de toute ma traversée. Après, je faisais petit déjeuner normal. Je mangeais des plats très... de polenta, des choses qui comblent. Après, voilà. Souvent, quand je faisais un bivouac dans un lieu magnifique, je prenais des photos autour avec l'aube, le lever du soleil, les animaux qui sont plus présents à ce moment-là. Vraiment, je prenais le temps de m'émerveiller avant de me mettre en route. Après, en termes de... Je n'avais pas de distance type ou de... Vraiment, ma journée était vraiment déterminée en fonction de l'endroit du bivouac que je visais. Après, il y avait des surprises, évidemment. Ah, il y a un troupeau de vaches là où je pensais mettre ma tente. Bon, on va aller plus loin. Ah, en fait, il y avait plein de surprises au niveau du bivouac. Donc non, c'était vraiment... Je n'avais pas de plan prédéfini. Je mangeais à l'heure que je voulais, en fonction de ma faim. Je n'étais pas du tout à trois repas par journée. J'étais vraiment... Voilà. Le soir, je plantais ma tente assez tard. Bah, surtout... Très tard, dans les pays où c'était interdit, et je me cachais. Ça, c'était vraiment un point difficile de la vie alpina, l'interdiction de mes voies. Et donc, la peur qui était associée à ça, de me faire déloger, voilà.

  • Speaker #0

    Et entre le moment où tu vois t'arrêter de marcher et le moment où tu t'endormais, est-ce que tu lisais ?

  • Speaker #1

    J'écrivais.

  • Speaker #0

    La musique, les podcasts, t'écrivais ?

  • Speaker #1

    Mais je n'avais rien du tout pour lire. Ma grand-mère m'a envoyé un petit peu tous les jours des chapitres du livre qu'elle était en train de lire, pour que je lise en même temps qu'elle. Donc ça, c'était très, très mignon et j'ai beaucoup aimé. Sauf qu'en fait, la majeure partie du temps, je n'avais pas de réseau. Donc je ne pouvais pas lire ce qu'elle m'envoyait. Et non, sinon, j'écrivais beaucoup. J'écris vraiment tous les soirs. Donc j'ai un carnet de bord que j'ai imprimé qui fait un pavé comme ça. et où je m'efforce d'écrire à la fois mes sensations, mes réflexions. J'ai développé un peu une technique de mémorisation de ce que je vivais pour pouvoir être capable de retranscrire ça à l'écrit le soir. Parce que je faisais rarement des pauses pour écrire, paradoxalement. Parce que les journées étaient très remplies. On a beau se dire « ah oui, l'itinérance, etc. » , c'était ultra... Et donc tu me demandais aussi si j'avais fait des pauses. J'ai fait une pause pour attendre une tente. Parce que ma tante, je me suis envolée. Enfin, c'était... Il me fallait une tante plus costaud et plus aubanée. Donc, je me la suis faite envoyer en Autriche. Sauf que le colis a eu du retard. Donc, j'attendais dans une cabane au Liechtenstein pendant ce temps-là. Puis, j'ai fait l'aller-retour ensuite pour la récupérer. Enfin, voilà. J'ai squatté une cabane. Et un autre jour où j'ai fait deux jours de pause consécutifs parce qu'il pleuvait, mais vraiment... pleuvait, pleuvait, pleuvait, pleuvait énormément. Et quand je suis sortie de la tente un matin, en fait, c'était plus de la pluie, c'était de la neige sur les sommets. Et donc là, en plein mois d'août, j'ai marché dans un mètre de neige. C'était incroyable.

  • Speaker #0

    Ça doit faire trop bizarre.

  • Speaker #1

    Ah oui. Là, il n'y avait plus de saison. Je vivais les quatre saisons en une journée.

  • Speaker #0

    Puisque tu parlais de tente, j'en profite quand même, parce que je me dis que ça peut toujours intéresser certaines personnes. Tu as une recommandation du modèle de tente ou des choses auxquelles il faut faire attention ?

  • Speaker #1

    Les haubans, pour moi, c'est très important. Donc, les cordes qui servent à tendre vraiment très fort la tente en cas de vent. pour avoir un ancrage au sol le plus maximisé. Après, en fait, c'est très personnel aussi le sentiment de confort dont on a besoin, parce que je sais qu'il y a des personnes qui traversent les Alpes par les sommets à 3000 avec un tarp et un bout de matelas qui fait la taille du dos. Moi, je n'étais pas dans cette optique-là, parce que c'était un peu ma maison, la tente. Et c'est surtout que j'ai eu une très mauvaise expérience d'un orage où les arceaux ont plié, que je me suis envolée, tout était trempé. Donc là, c'était particulièrement difficile et je me suis dit, j'ai besoin de me sentir en sécurité. Dès que je monte la tente, je suis chez moi et je suis au sec. Et donc, un au vent aussi, potentiellement pour faire la popote quand il pleut ou qu'il neige. Je pense aussi la hauteur sous le toit, c'est important. Se tenir un peu assise, mais ça c'est pareil, il y a des personnes qui vous diront aussi, moi je suis dans une place, je mets mon sac avec moi.

  • Speaker #0

    Une place tunnel.

  • Speaker #1

    Une place tunnel, je pense que c'est personnel, mais en tout cas moi j'ai trouvé, du coup j'ai troqué ma Nemo pour une Saliva Light Trek, qui est vraiment connue pour, elle a été conçue pour les gros gros vents, et je dois dire que j'ai jamais... pris l'eau, j'ai jamais pris la... Enfin, le vent ne m'a jamais bougé d'un poil, alors que j'ai eu quand même une alerte rouge. J'étais dans une tempête, une dépression qui s'appelle Aline. Et c'était... Non, franchement, je suis très contente de cette porte.

  • Speaker #0

    Bon, c'est quand même important. C'est vrai, c'est ce que tu dis. Enfin, c'est comme ta maison, en plus, pendant quatre mois, donc... C'est bien de ne pas s'envoler avec,

  • Speaker #1

    quoi. Oui, c'est ça. Puis surtout, j'ai vraiment eu des... conditions, c'était en 2023, mais il y a eu des orages de grêle qui ont couché, qui ont défoncé les voitures, couché les arbres, les arbres qui étaient en travers du chemin, les ruisseaux qui étaient énormes. Je me suis dit, bon, c'est quand même pas une année où il faut rigoler sur le matos.

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #1

    clairement.

  • Speaker #0

    Est-ce que j'allais te demander, tu vois, quelles avaient été tes plus grandes difficultés ? Est-ce que c'est peut-être ces conditions météo ou autre chose ?

  • Speaker #1

    C'est clairement la météo. Clairement la météo sur le début de mon voyage. Et puis sur la fin, oui, j'ai eu la tempête à Lille, du coup, vers Isola 2000. Et là, c'était vraiment un épisode très, très dur à vivre. C'est la première fois que je me voyais hors de mon corps. Je me voyais de l'extérieur. J'étais sortie de ma tête et mon corps était incontrôlable. Je pleurais, j'étais dans un état. Et en même temps, j'avançais parce que j'étais sur une crête, en plein vent, en pleine tempête. Je faisais un pas. En avant, je faisais un pas sur le côté. Le vent, il n'allait pas dans une direction, il allait dans toutes les directions. Et j'ai visé une cabane à ce moment-là pour rejoindre aussi le réseau et être proche d'un accès routier. Parce que là, c'était vraiment la sécurité avant tout. Surtout que mon téléphone avait... Toutes les photos s'étaient mélangées, le Polar Step ne fonctionnait plus. Enfin, plus rien ne fonctionnait. Et je me suis dit, OK, là, situation d'urgence. Donc je me suis mise près d'un col routier et puis... Sur le GR5, avec une amie, on avait rencontré une accompagnatrice de Moyenne-Montagne qui nous avait dit à l'époque, Zoé, Colline, si vous avez besoin d'un endroit ou quoi, si vous avez besoin, sur le GR5, appelez la gendarmerie de Saint-Etienne-de-Tinet parce qu'il y a mon mari qui travaille, il pourra vous aider. Et là, je me suis dit, mais en fait là, j'étais juste à côté de Saint-Etienne-de-Tinet, je me suis dit, là, je vais appeler O'Neill, quoi. Donc j'appelle cette personne. Elle ne m'a répondu pas tout de suite. Et puis après, elle me dit, oui, en fait, Zoé, on est en alerte rouge. Donc, tu vas descendre tout de suite à la station. Et puis, l'office de tourisme va te mettre à disposition un logement parce que là, il y a un couvre-feu. Ah, d'accord.

  • Speaker #0

    Incroyable.

  • Speaker #1

    Du coup, je suis descendue en courant après m'être épuisée dans la cabane. J'avais froid, froid, froid. Vraiment, je n'étais pas bien. Et l'office de tourisme m'a mis un logement à disposition. Et même après coup, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de mieux parce que j'avais checké la météo. J'avais vraiment la cabane, j'ai utilisé la cabane, l'accès routier, le réseau. Et c'est dans ces situations-là qu'on se sent vraiment très vulnérable.

  • Speaker #0

    J'imagine, oui.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Donc ça, ce n'était pas un bon épisode. Donc principalement la météo et l'interdiction de bivouac qui m'a pesée. Mais ça, c'était moins dangereux, entre guillemets. Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Et tu as eu des jours, globalement, tu décris une aventure que tu as super bien vécue, et que tu as vraiment bien convenu, enthousiasmé, etc. Mais est-ce que tu as aussi eu des jours, peut-être cet épisode-là, mais peut-être à d'autres moments aussi, où là tu disais, mais qu'est-ce que je fais là, j'ai envie d'arrêter, c'est trop inconfortable ? Non,

  • Speaker #1

    jamais, jamais. Excellent. En fait, j'étais tellement dans l'instant présent, que s'il y avait une difficulté, je voyais maximum... dans une heure. C'était vraiment à la minute près. Et en fait, il y avait une tempête, je me mettais dans mon duvet, j'avais chaud et là, c'était le bonheur. Le bonheur, il réside dans tellement peu de choses dans l'adversité que vraiment, c'était un petit peu chaud. C'est trop bon.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi le fait que tu te dises, que spontanément tu le fasses, mais que tu regardes vraiment le moment présent. Tu n'es pas en train de te projeter sur les trois mois suivants.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. D'ailleurs, je n'avais aucune conscience du temps. Je suis arrivée en septembre au lac Léman et j'étais là. Mais en fait, on est déjà au lac Léman. On est en septembre. J'ai l'impression que je suis chez moi. Alors que j'ai l'impression que la veille, j'étais encore en Autriche. J'étais encore loin. Et puis vraiment, c'était suspendu.

  • Speaker #0

    Tu es tellement dans une bulle parallèle que tu perds les... C'est sûr que ce n'est pas plus mal. Et à l'inverse, on a parlé de moments le plus difficiles, mais est-ce que tu as les moments qui t'ont le plus marqué à nous raconter ?

  • Speaker #1

    Il y a des moments où je savais que j'étais au bon endroit, au bon moment, que je me sentais complètement alignée avec ce que je vivais. J'étais dans une gratitude infinie. J'avais envie de dire je t'aime à la terre entière. J'étais dans un moment d'extase totale. Souvent, c'était lié à des beaux paysages. et à la solitude qui était vraiment enivrante. Et de me dire que souvent, oui, j'éprouvais beaucoup de gratitude et je me sentais très privilégiée de pouvoir vivre ces moments-là. Et donc oui, notamment, je me rappelle d'un bivouac près d'un lac qui était vraiment sublime, avec les bouctins qui venaient boire juste à côté de ma tente. Un environnement minéral tout en étant un peu vert aussi, des contrastes fous. avec une lumière magnifique, c'était vraiment incroyable. Et puis des beaux moments, aussi les rencontres. Beaucoup de belles rencontres, notamment avec des femmes que j'ai interviewées pour le podcast, pour le podcast, pour le film, qui étaient hyper authentiques parce que j'ai l'impression que la montagne relie vraiment les personnes entre elles dans ce qu'on vit, dans ce qu'on partage, même si on ne se connaît pas. Et quand j'arrivais chez une personne, finalement, c'était ultra authentique et on parlait directement. En fait, on ne connaissait pas nos prénoms, on ne savait pas rien l'une de l'autre. Et il se passait cette chose de partage sur des sujets super profonds, parfois intimes. Et c'était juste magnifique. Et des belles rencontres aussi dans des moments durs. Et ça, c'était vraiment... Incroyable quoi, je ne crois pas en Dieu, mais des fois j'étais là. Quand j'étais en train de descendre, j'avais mal au ventre à cause de mes règles, je n'étais pas bien du tout, le ravitaillement avait été pourri, il a commencé à y avoir un orage, il y a une vache qui m'a foncé dessus en essayant de me charger avec ses cornes. J'étais là, mais il n'y a rien qui va.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Sympa. Je m'arrête à côté d'une ferme qui avait tout l'air d'être abandonnée pour mettre mon cahouet. Je me dis là, il commence à bien peu voir, on va s'abriter. Et là, il y a les rideaux, là, comme ça, en dentelle, qui bougent. Je me dis, il y a quelqu'un. Et une dame qui sort la tête et me dit, « Bon, qu'est-ce que tu fais là ? » Je dis, « Ben, je mets mon cahoué. » Elle me dit, « Non, mais qu'est-ce que tu fais là, là, là, dans la pluie, enfin, sous la tempête ? » « Rentre ! » Je suis rentrée. Et en fait, elle était avec sa famille. On a mangé ensemble. On a joué à y parler allemand. donc je ne comprenais pas tout tout. Mais j'ai appris plein de mots de vocabulaire. Enfin, l'essentiel, quoi. La tanque, l'arbre. Toujours l'essentiel en montagne. Boire, manger. Voilà. Donc, j'avais le vocabulaire de base. Et puis, j'ai dormi près du feu. Et c'était incroyable.

  • Speaker #0

    C'est tellement chouette, ce genre de moment. Justement, tu vas nous parler du film, du co-documentaire que tu as réalisé. Est-ce que tu peux nous expliquer plus en détail le projet et comment ça s'est déroulé ?

  • Speaker #1

    Alors, le projet... je suis partie sans avoir écrit le film. Ça, c'est un gros point. J'avais des trames d'interviews, des sujets qui revenaient. Je voulais absolument parler avec les personnes que j'ai rencontrées. Je voulais vraiment qu'il y ait une diversité de protagonistes, tant géographiquement que dans leur profession. J'ai interviewé une gardienne de refuge slovéne, une bergère suisse. que j'ai rencontré par pur hasard dans son alpage et que j'ai interviewé sur le moment. Et après, je suis retournée la voir un an après pour passer une semaine dans son alpage.

  • Speaker #0

    C'était vraiment des rencontres qui m'ont marquée et qui continuent de perdurer, et qui perdurent plutôt. Et donc voilà, ça sert à Mona. Il y a Marjorie aussi, qui en fait m'a offert une nuit suspendue au-dessus de la falaise de la tête de chien à Monaco. Et ça, c'était grâce à la bourse XP que j'avais gagnée avant de partir, qui en fait a comme sponsor Petzl. et donc elle est sponsorisée par FEDZEL donc ils ont arrangé ça en gros pour m'offrir une dernière nuit en toute beauté et donc j'ai interviewé Marjorie qui était aussi monitrice d'escalade en milieu naturel et enceinte donc j'avais envie aussi de lui parler de discuter avec elle des injonctions faites aux femmes sportives ce genre de sujet il y a Elisabeth Gerritsen qui est championne du monde de ski freeride et qui a fait son coming out lesbien suite à sa victoire. Et donc, je voulais aussi donner de la place aux minorités de genre. Et voilà, c'est problématique dans l'industrie du ski. J'ai interviewé Federica Mingola, qui est une grimpeuse, initialement une grimpeuse et qui est aussi guide de haute montagne, qui est italienne. Et qui a fait un gros, gros projet cet été, qui était l'ascension du K2 avec une équipe italo-pakistanaise 100% féminine. Et j'oublie, j'oublie, qui j'oublie ? J'en suis à 4 ou à 5.

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas dire, mais ça fait des beaux profils.

  • Speaker #0

    Ah bah non, Alice, mais j'ai oublié Alice. Alice Koldefi, qui est formatrice en secourisme de haute montagne. au PGHM. Et donc là, qui est vraiment une profession où il y a extrêmement peu de femmes. On connaît Marion Poitvin du côté militaire, beaucoup, et Alice qui est côté PGHM et qui a une bonne carrière au PGHM et aussi un engagement féministe assez fort, même si elle reste discrète. Et c'est une personne qui était très peu médiatisée et qui a accepté de répondre à mes questions. Et c'était vraiment un gros privilège de ce côté-là aussi.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est génial. Est-ce que tu avais repéré certaines à l'avance ou c'est vraiment des rencontres au fil de l'eau ? Évidemment, hors la personne à Monaco où l'astéryen est organisée.

  • Speaker #0

    Certaines personnes étaient prévues sur mon trajet. Après, ce qui a été difficile, c'est qu'il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire parce que le calendrier faisait qu'Elisabeth m'a répondu une semaine après mon passage vraiment chez elle. Donc, j'ai dit, on s'est loupé à peu de choses près. Et donc j'ai réalisé deux interviews, trois interviews complémentaires à mon retour. Donc il y a Marjorie que je suis retournée voir à vélo en passant le col de la Bonnette sous la neige, c'était incroyable. Il y a Elisabeth que je suis retournée voir au Lac Léman. Et il y a Fédérica que je suis retournée voir à Turin. Et voilà, donc en fait il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire extrêmement dans la fluidité sur le moment. Mais comme c'était déjà prévu, on a juste reporté et puis voilà.

  • Speaker #1

    Donc ça s'est bien géré.

  • Speaker #0

    Ça s'est bien géré.

  • Speaker #1

    Et quelle a été la réaction de ces femmes qui sont à la base pas spécialement médiatisées face à ton projet ? Comment elles l'ont reçu ? Comment t'arrivais aussi à gérer ? Enfin, tu vois, face à la caméra, parfois, c'est pas toujours évident d'interviewer des gens qui n'ont pas forcément l'habitude.

  • Speaker #0

    Justement, face à la caméra, ça, c'était une vraie difficulté que j'ai rencontrée dès le début de mon voyage parce que... En fait, notamment Vania ne se sentait pas légitime de témoigner. Elle se mettait en retrait. Elle disait « je ne suis pas assez bien » . Et donc, il fallait vraiment mettre à l'aise la personne. Et c'était difficile aussi de garder un contact authentique avec la personne quand je suis derrière la caméra. Et que j'ai vraiment envie d'avoir une discussion de personne à personne. Et qu'en même temps, j'ai mon travail. Il y a aussi tous les réglages techniques. il y a Il y avait beaucoup d'enjeux. Et finalement, j'ai trouvé mon équilibre, des fois, en ne mettant juste pas la caméra. En fait, il y a plein de fois où j'ai fait des rencontres et j'ai discuté pendant des heures et des heures avec une personne et je n'ai pas mis ma caméra. Et ça a nourri mon projet autrement, en fait. Mais ça ne l'a pas... Voilà. Des fois, j'ai eu un peu des regrets. parce que forcément tu te dis là il y a une matière incroyable et en même temps je me disais bah oui mais est-ce que cette matière aurait existé derrière une caméra je sais pas donc il faut accepter un peu l'équilibre entre les deux c'est vrai que c'est pas évident c'est pas évident Et voilà, et au contraire, Ramona, qui m'a accueillie dans son alpage, la berrière suisse, c'était ultra fluide, en fait, elle était là. Je suis trop heureuse parce que les médias, ils ne vont jamais nous voir, nous. Enfin, vraiment, ils ne s'occupent pas de nous, on ne voit jamais personne. Je suis trop heureuse, mes enfants vont être trop fiers. Et donc, c'était, en fait, c'était hyper touchant parce qu'elle était tellement authentique. Elle était vraiment, pour le coup, brute de décoffrage. Mais comme j'apprécie aussi rencontrer les personnes, quoi. Sans artifice, du direct. Et c'était incroyable.

  • Speaker #1

    C'est chouette aussi de se dire que tu apportes du coup de la joie aussi à cette personne et qu'elle se sent reconnue. Alors que voilà, globalement, elle se sent pas très reconnue, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est intéressant aussi ce que tu disais sur ce truc de légitimité, qui est un truc que j'ai l'impression d'entendre quand même énormément de la part de femmes. Enfin,

  • Speaker #0

    j'ai le problème de moi-même,

  • Speaker #1

    je ne suis pas une critique, mais c'est vrai que c'est fou comme on a globalement quasi toutes ce truc avec « non, je ne suis pas légitime » .

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr. Après, la légitimité, moi c'est vrai que c'est un sujet qui me tient à cœur, parce que j'ai eu un peu cette prise de conscience quand j'étais à la fac, je me suis dit « mais la légitimité, personne ne me la donnera jamais » . C'est pas quelque chose qu'on va t'apporter sur un plateau en te disant « Tu es légitime, Zoé, tu peux faire ça. » En fait, si tu ne te donnes pas la légitimité toi-même, tu peux ne rien faire, potentiellement. Et donc je me suis dit, j'avais jamais réalisé de film, j'avais jamais tenu une caméra, j'avais jamais réalisé d'interview, quasiment. Et je me suis dit, en fait, c'est ce que j'ai envie de faire, mais ça vient des tripes, c'est vraiment un projet de base qui était personnel. Puis en fait, il a pris une ampleur qui m'a un peu dépassée. Je me suis dit bon, OK, le projet intéresse. Donc, il a une valeur aux yeux des autres et pas que à mes yeux. Donc, je vais lui donner l'ampleur que réclame le peuple.

  • Speaker #1

    C'est trop bien parce qu'au moins, c'est les deux mêlés là pour le coup. Parce que tu ne l'as pas fait pour les autres, tu l'as fait avant tout pour toi. Et en plus, c'est un peu la cerise sur le gâteau. Ça intéresse.

  • Speaker #0

    Carrément, carrément.

  • Speaker #1

    Et si on doit résumer, tu vois, tout ce projet qui est quand même énorme. Du coup, je trouve que moi, ce que j'ai adoré dans ce projet, c'est vraiment le côté sportif, bien sûr, mais voilà, tout le côté humain et évidemment féministe. Et quelles émotions tu vois, tu as traversées au global sur tout ce voyage ?

  • Speaker #0

    Beaucoup de joie, beaucoup de gratitude, de reconnaissance envers les personnes qui me permettent de... de... Parce qu'en fait, je parle de confiance, etc. et de légitimité, mais j'ai aussi tout à fait conscience que j'ai évolué dans un cadre qui me permettait, dès le plus jeune âge, de la sécurité, de l'affection. Et je me dis, en fait, si on n'a pas cette base-là, c'est d'autant plus difficile de sortir de cette zone de confort qui est d'avoir un toit, qui est d'avoir à manger dans le magasin le plus proche, etc. Et donc, oui, je crois que je suis très reconnaissante envers notamment mes parents qui m'ont étudiée. et qui m'ont permis d'avoir ce cadre qui me permet d'avoir envie d'aller voir ailleurs aussi. Et donc, oui, beaucoup de reconnaissance. J'ai eu peur parfois, notamment dans une désescalade d'une falaise en Slovénie. J'ai eu peur avec certains mecs qui n'étaient pas recommandables, mais pas... pas non plus violents ou dangereux de manière frontale. C'est des peurs qui sont ancrées et qui, en tant que femmes, sont difficiles à déconstruire même pendant quatre mois seule dans la montagne. Qu'est-ce que j'ai ressenti d'autre ? C'est déjà pas mal.

  • Speaker #1

    Ça fait jouer un beau panel. C'est chouette. Est-ce que tu penses que c'est un projet qui t'a transformée sur le plan personnel et qui va avoir des conséquences sur ta vie future ?

  • Speaker #0

    En termes de la solitude, c'est une chose que j'appréhende de manière positive. Ensuite, en termes de confiance, pas tellement en confiance en moi parce que je suis quand même partie en me disant que j'avais toutes les ressources en moi pour faire face aux difficultés. Et ça, c'était assez précieux, je pense. Pas en termes de confiance en moi, mais en termes de liberté, de me dire que tout est possible. Et je crois que c'est très, très bateau. Mais je me disais, mais en fait, hors des cadres, quand tu arrives à penser hors des cadres et hors de tous les schémas qu'on t'impose au fur et à mesure dans ta vie, en fait, tu redeviens une enfant qui est capable d'explorer le monde entier juste par curiosité ou par quête de sens ou par... par envie de rencontre et d'épanouissement personnel et de grandissement collectif, de porter ses valeurs au plus haut point, de développer ses idéaux. Et ça, ça m'a donné une grande force, notamment dans l'idée de faire le film, parce que quand je suis revenue, je n'étais même pas sûre de faire le film. Et puis, je me suis dit, en fait, c'est mon rêve, j'ai envie de le faire. Donc, je me suis donné les moyens de le faire, alors que ce n'était pas du tout écrit en termes de trajectoire.

  • Speaker #1

    C'est génial. Et le film, on va pouvoir le voir où alors ?

  • Speaker #0

    Il va passer au mois du documentaire en Isère, donc dans différentes médiathèques en Isère. Donc c'est en novembre. Il y a des dates à Jari, qui est à côté du Gilles, Montrestel, Ile d'Abo, Saint-Antoine-l'Abbaye, Clé, Pont-de-Clay, beaucoup de villes et villages en Isère. Après, j'ai candidaté dans des festivals aussi. Donc il y a une première, on va dire, européenne en Suisse. au Festival des Rencontres de l'Aventure. Et puis, j'en attends de réponse des autres festivals. J'espère Femmes en Montagne. Ce serait top. Et puis, après, il y a plein d'autres festivals. Il y a La Rochelle. En fait, il y en a beaucoup, beaucoup en France. Et ensuite, potentiellement aussi les cinémas, dès que j'aurai demandé le visa d'exploitation pour pouvoir faire une tournée des cinémas.

  • Speaker #1

    Et où est-ce qu'on va pouvoir avoir cette info-là ? Est-ce que c'est sur ton compte Instagram ou il y a un autre endroit ?

  • Speaker #0

    Il y a sur mon compte Instagram, donc c'est zoé.l comme loutre, m comme marmotte, t comme tortue, r comme ragondin et e comme éléphant.

  • Speaker #1

    Je mettrai le lien dans la description si jamais vous n'avez pas saisi cette description animalière. Voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais sinon, je suis en train de travailler sur un projet de site web pour mettre toutes les infos au même endroit. Mais c'est vrai que ça, c'est encore un autre métier et encore une autre corde à mon arc. Et donc, j'y travaille, mais c'est lent. Voilà. Mais il sortira.

  • Speaker #1

    C'est normal, on ne peut pas tout faire à la fois. Trop bien. Et est-ce que tu as encore d'autres projets ? Est-ce que ça t'a donné envie de faire ? un autre projet de ce type en montagne, ou pas en montagne d'ailleurs ? Est-ce que tu as des envies particulières pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas d'idée précise, mais je sais que j'ai envie de continuer à faire un peu des aventures de ce type, plutôt en solitaire, je pense, ou à la rencontre de personnes. Enfin, et c'est encore mieux quand on peut allier les deux. Et voilà. Après, en montagne, ça reste mon terrain privilégié, mais on verra. Déjà je finis le film je me pose un peu parce qu'un film autoproduit c'est pas non plus hyper facile économiquement à assumer derrière et puis donc je vais peut-être aussi me poser un peu, prendre un travail un peu plus stable pour me relancer ensuite dans une aventure un peu moins stable

  • Speaker #1

    C'est bien, c'est un bon équilibre entre les deux Et pour terminer, est-ce que tu as un message que tu as envie de faire passer aux auditrices ?

  • Speaker #0

    Très basique, mais osé. Faites-vous confiance. Pas hésiter aussi à s'entourer des bonnes personnes, de travailler en réseau, parce que finalement, il y a des rencontres qui peuvent changer une vie aussi et donner des trajectoires complètement magnifiques.

  • Speaker #1

    Trop bien. Merci comme message final. C'est parfait. Merci beaucoup Zoé, moi j'ai très hâte de découvrir le film du coup, j'espère réussir à le voir à une occasion ou une autre et puis on va continuer à suivre tes aventures prochaines alors merci beaucoup d'avoir participé à cette interview c'était très chouette

  • Speaker #0

    Merci à toi, toutes ces belles questions et ton accueil

  • Speaker #1

    Avec plaisir,

  • Speaker #0

    à bientôt

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !

Chapters

  • Introduction et présentation de Zoé Lemaitre

    00:08

  • Le projet de traversée des Alpes et ses objectifs

    00:25

  • Préparation de l'itinéraire et gestion des imprévus

    02:25

  • Matériel utilisé et conditions de bivouac

    05:38

  • Distance parcourue et sensations durant l'aventure

    08:14

  • Ravitaillement et hygiène en pleine nature

    09:18

  • Récit de la traversée et rencontres marquantes

    10:36

  • Réflexions sur la solitude et l'autonomie

    13:19

  • Le projet de documentaire et ses enjeux

    29:16

  • Message final et conseils pour les auditrices

    43:16

Share

Embed

You may also like

Description

Et si marcher seule devenait une manière de tisser du lien ? Pendant quatre mois, Zoé Lemaitre a traversé les Alpes à pied… pour rencontrer les femmes qui y vivent et y travaillent.


Je reçois Zoé Lemaitre, 26 ans, Grenobloise, passionnée de très longue distance. Elle a relié la Slovénie à Monaco en suivant sa propre variante de la Via Alpina : 2 150 km, 120 jours et 135 000 m D+.


Son objectif : réaliser un film documentaire sur les femmes de montagne – guides, bergères, gardiennes, alpinistes – et raconter leur rapport intime à ce territoire souvent idéalisé, parfois rude, toujours inspirant. Au programme de l’épisode:

  • D’où vient l’envie de relier les Alpes… et les femmes qui les habitent ?

  • Comment on prépare (ou pas) quatre mois seule entre neige, crêtes et orages ?

  • Marcher et filmer : les coulisses d’un tournage en pleine nature.

  • Gérer la peur, la fatigue, les imprévus (et quelques tempêtes).

  • Ce que la solitude enseigne sur la confiance et le corps.

  • Les rencontres du film : des parcours forts, souvent invisibles, toujours passionnants.

  • Où voir le documentaire et comment le projet continue aujourd’hui.


Un épisode qui parle d’endurance, de lien et de liberté. Avec Zoé, on découvre une autre manière de vivre la montagne : plus lente, plus juste, plus collective.


🔗 Lien:

Suivre Zoé: https://www.instagram.com/zoe.lmtre

Documentaire: Via Alpina, sur les pas des Pionnières 


Vous voulez soutenir le podcast ?

  • Laissez 5★ sur ta plateforme d’écoute, ça change tout.

  • Abonnez-vous et partagez cet épisode avec une amie qui rêve de s’évader.


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


➡️ Suivez-nous:

Notre magazine: https://www.lasportiveoutdoor.com/fr

Notre newsletter: https://web-escapades.kit.com/lso

Notre chaîne Youtube: https://www.youtube.com/@lasportiveoutdoor

Instagram: https://www.instagram.com/lasportiveoutdoor/

TikTok: https://www.tiktok.com/@lasportiveoutdoor


🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Mots clé: aventure, montagne, voyage solo, féminisme, documentaire, engagement, exploration, nature, Alpes, itinérance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, dans cet épisode je reçois Zoé Lemaitre qui a traversé les Alpes de la Slovénie à Monaco en suivant la Via Alpina. Elle a marché seule durant 4 mois sur 2000 km avec un objectif, rencontrer des femmes professionnelles de la montagne et en faire un documentaire. Elle va nous raconter les coulisses de cette aventure à la fois humaine et sportive. Bienvenue Zoé !

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Zoé, j'ai 26 ans, j'habite à Grenoble et ma passion c'est la montagne, tout ce qui est très longue distance, à vélo ou à pied.

  • Speaker #0

    Et tu t'y es mise il y a longtemps, c'était déjà étant enfant ou c'est venu un peu plus tard ?

  • Speaker #1

    J'étais au lycée de Dix, c'est un lycée sport nature. pour apprendre à être autonome dans les sports de pleine nature. Et mes parents m'ont vraiment transmis cette passion de la montagne. Et donc, j'ai toujours un peu évolué dans ce milieu, mais les choses seules, c'est venu plus tardivement.

  • Speaker #0

    T'as quand même été à bonne école, effectivement, dès le départ. Et comment t'as eu l'idée de cette traversée des Alpes, déjà, et de cette mise en lumière de femmes professionnelles de la montagne ?

  • Speaker #1

    J'ai habité et travaillé à Venise, donc qui est vraiment au bout de l'arc alpin. Et un jour, je me suis dit, j'aimerais bien rentrer à pied chez moi. Donc, c'était au début un peu une blague. Et puis, finalement, c'est devenu un projet qui a été pas très longtemps mûri. Et le but, c'était à la fois de faire une traversée qui se concentre sur mon expérience, donc être complètement immergée, seule dans la nature, et à la fois de rencontrer des personnes. Donc des femmes professionnelles de la montagne pour allier aussi mes valeurs féministes avec la marche. Et donner de la visibilité à ces femmes qui sont souvent soit invisibilisées, soit moins visibles de fait dans les médias. Et donc leur donner la parole, leur donner de la visibilité et montrer des portraits de femmes vraiment inspirantes. Double objectif.

  • Speaker #0

    C'est un beau projet. Et tu avais de l'expérience dans le fait de marcher seule ? Tu disais que tu étais venue un peu plus tard, mais est-ce que tu avais déjà fait des grosses randonnées seule ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. La seule randonnée seule que j'avais faite avant, c'était une mini traversée de Belle Donne. J'avais fait quatre jours toute seule. Après de l'itinérance longue durée, j'avais fait un jour le GR5 en 2020 avec une amie. Donc j'étais un peu habituée des longues distances, mais seule, je n'avais jamais fait plus de 4 jours. Là, on est passé de 4 jours à 4 mois.

  • Speaker #0

    Il y a bon gap.

  • Speaker #1

    Bon gap, oui.

  • Speaker #0

    Et comment tu as fait pour préparer ton itinéraire sur la Via Alpina ? C'est un itinéraire qui est connu, qui existe. Mais est-ce que tu as déjà toujours suivi vraiment la Via Alpina ? Ou est-ce que tu as fait des petits détours ? Comment tu as découpé tes étapes ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    La Via Alpina, c'était un fil rouge. Donc effectivement, c'est un tracé qui existe et qui relie les huit pays de l'arc alpin. Mais après, je me suis permis de faire un tracé qui était le mien, avec un tracé idéal, en fait, qui passait toujours le plus haut possible, parce que j'adore être en hauteur. Et en fait, ce tracé, dès le premier jour, je ne l'ai pas suivi. Et tous les jours d'ensuite, qui m'ont suivi, je ne l'ai pas suivi non plus. Donc c'était vraiment au jour le jour.

  • Speaker #0

    je regardais la carte le matin je savais pas où j'allais dormir le soir et comme ça je me suis en fait j'ai construit mes étapes comme ça au fur et à mesure c'est excellent et pourquoi tu choisissais de dévier de ce que t'avais prévu à la base,

  • Speaker #1

    est-ce que c'est parce que ça te semblait plus sympa ou peut-être aussi parfois des conditions météo qui fait que tu changeais alors il y a eu les deux en premier lieu c'est que je me suis dit d'un... Déjà, je suis arrivée à la gare de Ljubljana le premier jour en bus. Et puis, Ljubljana, c'est une grosse ville. Et comme je n'avais pas d'expérience aussi dans le fait de bivouaquer seule près des villes, je n'ai vraiment pas eu de confiance. Donc, j'ai pris un train pour m'enfoncer plus vers les montagnes. Et de là, j'ai commencé ma vie à Alpina, enfin ma traversée. Et donc, du coup, dès le premier jour, au final, j'ai changé mon point de départ. Donc, j'ai changé mon itinéraire. Et à partir de là, j'ai navigué un peu à vue. Et oui, j'ai eu aussi des détours que j'ai dû faire à cause de la neige. En août, il y a eu des grosses chutes de neige. Donc j'ai dû un peu adapter mon parcours par rapport à ça. Surtout après avoir... J'ai dû renoncer plusieurs fois à l'école. Et voilà. Mais c'est ça aussi l'aventure. J'avais grand plaisir à découvrir d'autres chemins que ceux qui étaient tracés. Et puis souvent, en plus, c'était mon flair qui me disait là, il y a des beaux lacs, j'ai envie d'aller là. Pas du tout envie d'aller sur les sentiers qui sont plus fréquentés. Donc, j'ai pris beaucoup de variantes très alpines et je me suis régalée.

  • Speaker #0

    C'est trop bien. Au moins, tu t'es vraiment fait plaisir à chaque fois en adaptant.

  • Speaker #1

    Oui, carrément.

  • Speaker #0

    c'est comme le but Et tu avais quoi comme matériel avec toi ? Tu disais que tu bivouaquais, tu as bivouaqué tout le temps. Tu avais une tente très chaude, un sac de couchage, etc. Ou est-ce que parfois, tu as fait aussi des étapes en refuge ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    J'étais majoritairement bivouaque. Donc oui, effectivement, comme tu disais, avec la tente, le sac de couchage, etc. Et après, j'ai aussi dormi dans des cabanes, surtout sur la fin de mon itinéraire, parce qu'il commençait à faire vraiment très froid. Et donc, je trouvais des cabanes non gardées et je m'y installais pour la nuit. J'ai dormi quelques fois en camping pour aussi me faire un gros ravitaillement et manger tout ce que je pouvais sur place. Et faire une lessive aussi de temps en temps, avec de la lessive, attention, des choses qui sentent bon.

  • Speaker #0

    Ça aggrave parfois.

  • Speaker #1

    Ça aggrave parfois de faire un reset de tout le linge. Et ensuite, j'ai dormi neuf nuits dans un refuge. Et ça, c'était vraiment un cas impératif quand il y avait un énorme ouvrage ou bien qu'il faisait vraiment trop froid ou alors que j'avais trop faim.

  • Speaker #0

    Et au niveau matériel aussi, je disais, tu as fait un documentaire sur cette aventure. Donc, tu avais aussi de quoi filmer. Tu avais apporté quoi ? Parce que ça pèse vite un peu lourd.

  • Speaker #1

    Exactement. Mon sac, le tiers du poids du sac, c'était du matériel pour filmer. J'avais une caméra hybride, un appareil photo hybride avec laquelle je filmais. Le point le plus important, c'était l'autonomie en termes énergétiques, parce que je voulais pouvoir filmer à n'importe quel moment des rencontres impromptues ou un beau paysage. J'avais deux batteries externes de 10 000 mAh et trois batteries internes d'appareil photo. Je ne sais plus combien elles font, mais voilà. Le panneau solaire. et un 28 watts, le plus puissant des panneaux solaires, les micros, et au début j'avais le trépied, puis je l'ai abandonné parce que 900 grammes, c'était beaucoup trop. Et après, tout le matériel...

  • Speaker #0

    Et t'avais un sac de combien de kilos ?

  • Speaker #1

    Au début 15, à la fin 25. La fin, c'était parce que j'avais les muscles qui me permettaient de le porter aussi, je ne sentais pas du tout le poids du sac. Mais c'est surtout que j'étais obligée par rapport à la nourriture. Parce qu'on était en automne, donc les magasins pour se ravitailler, ils étaient tous fermés. Donc à peine je trouvais une petite supérette, je prenais 10 kilos de nourriture, surtout que j'avais une faim de louve.

  • Speaker #0

    Tu m'étonnes.

  • Speaker #1

    J'avais très très faim.

  • Speaker #0

    Tu marchais combien de kilomètres à peu près par jour ? Et avec combien de dénivelé ?

  • Speaker #1

    Au total, j'ai marché 2150 kilomètres en 120 jours. Avec 135 000 mètres de dénivelé positif. Donc ça fait une moyenne d'un peu plus de 15 par jour, parce que j'ai fait trois jours de pause au total. Et une moyenne à 1 002, je pense, de positif.

  • Speaker #0

    Donc c'est juste énorme, tout ça cumulé.

  • Speaker #1

    Oui, mais physiquement, ce n'est pas du tout insurmontable. Je ne sais pas comment dire, mais au bout de deux semaines, le corps est habitué, il cavale. J'avais l'impression d'être plus un chamois qu'une humaine. Même au niveau des sens.

  • Speaker #0

    C'est de votre choix de ressentir ça.

  • Speaker #1

    C'est enivrant, oui. Parce que les capacités physiques, elles sont décuplées. Et puis aussi au niveau même des sens olfactifs, au niveau de plein de choses, je sentais que j'étais vraiment en train de développer mes sens comme si je redevenais animale. C'était assez fou. Je sentais n'importe quel... C'est incroyable. C'est assez fou.

  • Speaker #0

    Et donc, tu nous as parlé de la gestion ravitaillement. Au départ, en été, ça allait parce que tu arrives à trouver facilement, en automne, moins. Et après, tout ce qui est lessive, tu disais que tu faisais de temps en temps. Mais comment tu faisais, par exemple, pour te laver, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Dans les rivières, je me rinçais aux gants. Mais la même chose pour les lessives, sauf quand j'avais l'opportunité d'aller dans un camping ou dans une ville. J'enlevais tout sauf ma doudoune que je ne pouvais pas laver et je mettais un foulard autour de mes hanches pour même laver la culotte que je portais. Optimisation ! Je mettais tout dans le tampon de la machine à laver et j'attendais comme ça. Des fois, avec la canicule, être en doudoune, ce n'était pas le top, mais ça allait.

  • Speaker #0

    Ça devait être marrant de te voir à ce moment-là en se disant « mais qu'est-ce qu'elle fait ? »

  • Speaker #1

    Oh oui, je pense que bon. Mais bon, ça me glissait un peu dessus. Le regard des autres, quand tu marches pendant quatre mois dans la montagne, ce n'est vraiment plus du tout important.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est bien, c'est que ça te déconnecte de ce genre de préoccupations. Parce qu'en vrai, clairement, on s'en fiche complètement.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et si tu peux nous raconter comment ça s'est passé au global,

  • Speaker #1

    la traversée ? Globalement, je suis partie de Ljubljana, j'ai rejoint Monaco.

  • Speaker #0

    Donc Ljubljana, capitale de Slovénie.

  • Speaker #1

    Exactement. Au début, j'étais dans le Triglav, c'est un massif karstique. C'était vraiment un massif que je n'avais pas du tout l'habitude de voir en termes de relief. C'était vraiment magnifique. Et c'est aussi un paysage très préservé parce que c'est un parc. nationale donc il n'y a pas le droit de dormir en bivouac. Notamment là j'ai dormi en refuge parce que le bivouac était strictement interdit. Bon après j'ai fait quelques petites entorses ailleurs mais bon. Parce qu'en Autriche c'est interdit pareil, Liechtenstein c'est interdit mais je pouvais pas me permettre de dormir en refuge à chaque fois. Donc voilà et puis après j'ai mis le cap sur les Dolomites. En fait j'ai vraiment traversé tous les massifs jusqu'à Monaco. en reliant d'abord l'Est à l'Ouest jusqu'au lac Léman et ensuite une traversée plus perpendiculaire du lac Léman jusqu'à la Méditerranée en ne prenant pas le GR5 que j'avais déjà fait auparavant. Et en termes de sensations, au début j'étais vraiment à ne pas trop faire confiance aux autres parce que partir seule, en tant que femme surtout, ce n'était pas évident, surtout par rapport aux... peur qu'on projetait sur moi par rapport à mon manque d'expérience aussi dans ce domaine-là. Et puis, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que plus je m'ouvrais à la vie, plus je me laissais emporter, je m'abandonnais à vivre, on va dire. Plus je faisais des rencontres qui étaient très constructives et que je voyais aussi que les personnes me tendaient la main. Donc, je pense que j'ai fait de plus en plus confiance aux autres au fur et à mesure de mon voyage. Et sinon, c'était une expérience de ravissement total et puis aussi d'éloignement total des normes. Parce qu'en fait, à vivre dans la montagne, il n'y a aucun code à respecter. Je me suis rendue compte que l'individu social, il est extrêmement construit. Et d'être en montagne, ça permet de complètement s'éloigner de ça et de vivre très librement et sans calendrier et sans regard. reposé sur ton corps, sur tes choix de vie, sur plein de choses. Et ça, c'était extrêmement libérateur et ça m'a beaucoup construite à ce moment-là. Voilà, globalement.

  • Speaker #0

    Super intéressant de vivre ça. Et le fait d'être en solo comme ça, est-ce que tu vois peut-être au départ t'as trouvé ça un peu difficile et ensuite vraiment t'as adoré, ou l'inverse d'ailleurs ? Ou t'as adoré tout le long ?

  • Speaker #1

    La solitude, c'est un grand sujet parce qu'en fait... Je ne supportais pas la solitude avant de partir. Et c'était un peu mon défi, c'était de me dire, maintenant que tu es au pied du mur, tu vas apprendre à vivre seule parce que ce n'est pas possible de vivre aussi mal la solitude, d'être dans des étapes de tristesse pas possibles. Et donc je me suis dit, je vais me concentrer là-dessus et être dans une solitude choisie. Déjà, c'était différent qu'une solitude subie. Et donc au début, j'avais... de l'appréhension. Et puis très rapidement, je me suis rendue compte à quel point c'était grisant de pouvoir faire confiance au chemin, de voir qu'on a les ressources en soi pour avancer. À chaque fois qu'il y a un souci, on trouve des solutions. Et puis, c'est quand même difficile aussi de se rendre compte qu'on ne peut compter que sur soi. Ça, c'était vraiment un peu pas angoissant, mais tu te dis « Ok, là je suis au milieu de la montagne, si j'ai n'importe quel pépin, il faut que je... » je sache gérer moi. Et donc ça, c'était aussi une prise de conscience qui m'a permis de marcher vraiment en pleine conscience de tout, de mes mouvements, de la météo. J'étais très attentive et je n'étais pas concentrée parce qu'il m'arrivait de perdre mon chemin juste parce que j'étais dans mes pensées. Mais en tout cas, c'était très conscient. Quand je m'engageais dans un gros pierrier ou dans un... Des descentes très compliquées où il fallait poser les mains ou ce genre de choses un peu olé olé. Je faisais chaque pas avec avec beaucoup d'attention pour être hyper concentré. Donc ça, la solitude, au fur et à mesure, et la faim, je n'avais pas du tout envie d'arriver. Je n'avais pas du tout envie d'arriver. Et puis, je n'avais pas du tout envie que mes amis me rejoignent. C'était difficile à assumer. Ce n'est pas évident de le dire. C'était super dur. Et puis, j'ai des amis géniaux qui ont compris. Mais en fait, c'est super dur à recevoir aussi. Donc à ce moment-là, j'essayais d'expliquer que j'avais envie de terminer comme j'avais commencé, seule, et de vivre vraiment à fond cette expérience. Et voilà. Et depuis, donc maintenant dans ma vie, je n'ai plus peur de la solitude et je suis tout à fait heureuse, seule et en groupe. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #0

    Ça, c'est parfait. Tu as le meilleur des deux. Tu peux en profiter de chaque situation.

  • Speaker #1

    Ça, c'est sûr, oui.

  • Speaker #0

    Et à quoi ça ressemblait, tu vois, une journée un peu type pour toi ? Est-ce que tu avais toujours plus ou moins le même rythme ? Est-ce que tu as fait des journées de pause aussi en cours de route ? Comment tu as géré, en fait, ce que sur quatre mois, j'imagine qu'on ne gère pas pareil qu'une rando d'une semaine ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de... Je me levais le matin avec le soleil. Je n'ai jamais mis de réveil de toute ma traversée. Après, je faisais petit déjeuner normal. Je mangeais des plats très... de polenta, des choses qui comblent. Après, voilà. Souvent, quand je faisais un bivouac dans un lieu magnifique, je prenais des photos autour avec l'aube, le lever du soleil, les animaux qui sont plus présents à ce moment-là. Vraiment, je prenais le temps de m'émerveiller avant de me mettre en route. Après, en termes de... Je n'avais pas de distance type ou de... Vraiment, ma journée était vraiment déterminée en fonction de l'endroit du bivouac que je visais. Après, il y avait des surprises, évidemment. Ah, il y a un troupeau de vaches là où je pensais mettre ma tente. Bon, on va aller plus loin. Ah, en fait, il y avait plein de surprises au niveau du bivouac. Donc non, c'était vraiment... Je n'avais pas de plan prédéfini. Je mangeais à l'heure que je voulais, en fonction de ma faim. Je n'étais pas du tout à trois repas par journée. J'étais vraiment... Voilà. Le soir, je plantais ma tente assez tard. Bah, surtout... Très tard, dans les pays où c'était interdit, et je me cachais. Ça, c'était vraiment un point difficile de la vie alpina, l'interdiction de mes voies. Et donc, la peur qui était associée à ça, de me faire déloger, voilà.

  • Speaker #0

    Et entre le moment où tu vois t'arrêter de marcher et le moment où tu t'endormais, est-ce que tu lisais ?

  • Speaker #1

    J'écrivais.

  • Speaker #0

    La musique, les podcasts, t'écrivais ?

  • Speaker #1

    Mais je n'avais rien du tout pour lire. Ma grand-mère m'a envoyé un petit peu tous les jours des chapitres du livre qu'elle était en train de lire, pour que je lise en même temps qu'elle. Donc ça, c'était très, très mignon et j'ai beaucoup aimé. Sauf qu'en fait, la majeure partie du temps, je n'avais pas de réseau. Donc je ne pouvais pas lire ce qu'elle m'envoyait. Et non, sinon, j'écrivais beaucoup. J'écris vraiment tous les soirs. Donc j'ai un carnet de bord que j'ai imprimé qui fait un pavé comme ça. et où je m'efforce d'écrire à la fois mes sensations, mes réflexions. J'ai développé un peu une technique de mémorisation de ce que je vivais pour pouvoir être capable de retranscrire ça à l'écrit le soir. Parce que je faisais rarement des pauses pour écrire, paradoxalement. Parce que les journées étaient très remplies. On a beau se dire « ah oui, l'itinérance, etc. » , c'était ultra... Et donc tu me demandais aussi si j'avais fait des pauses. J'ai fait une pause pour attendre une tente. Parce que ma tante, je me suis envolée. Enfin, c'était... Il me fallait une tante plus costaud et plus aubanée. Donc, je me la suis faite envoyer en Autriche. Sauf que le colis a eu du retard. Donc, j'attendais dans une cabane au Liechtenstein pendant ce temps-là. Puis, j'ai fait l'aller-retour ensuite pour la récupérer. Enfin, voilà. J'ai squatté une cabane. Et un autre jour où j'ai fait deux jours de pause consécutifs parce qu'il pleuvait, mais vraiment... pleuvait, pleuvait, pleuvait, pleuvait énormément. Et quand je suis sortie de la tente un matin, en fait, c'était plus de la pluie, c'était de la neige sur les sommets. Et donc là, en plein mois d'août, j'ai marché dans un mètre de neige. C'était incroyable.

  • Speaker #0

    Ça doit faire trop bizarre.

  • Speaker #1

    Ah oui. Là, il n'y avait plus de saison. Je vivais les quatre saisons en une journée.

  • Speaker #0

    Puisque tu parlais de tente, j'en profite quand même, parce que je me dis que ça peut toujours intéresser certaines personnes. Tu as une recommandation du modèle de tente ou des choses auxquelles il faut faire attention ?

  • Speaker #1

    Les haubans, pour moi, c'est très important. Donc, les cordes qui servent à tendre vraiment très fort la tente en cas de vent. pour avoir un ancrage au sol le plus maximisé. Après, en fait, c'est très personnel aussi le sentiment de confort dont on a besoin, parce que je sais qu'il y a des personnes qui traversent les Alpes par les sommets à 3000 avec un tarp et un bout de matelas qui fait la taille du dos. Moi, je n'étais pas dans cette optique-là, parce que c'était un peu ma maison, la tente. Et c'est surtout que j'ai eu une très mauvaise expérience d'un orage où les arceaux ont plié, que je me suis envolée, tout était trempé. Donc là, c'était particulièrement difficile et je me suis dit, j'ai besoin de me sentir en sécurité. Dès que je monte la tente, je suis chez moi et je suis au sec. Et donc, un au vent aussi, potentiellement pour faire la popote quand il pleut ou qu'il neige. Je pense aussi la hauteur sous le toit, c'est important. Se tenir un peu assise, mais ça c'est pareil, il y a des personnes qui vous diront aussi, moi je suis dans une place, je mets mon sac avec moi.

  • Speaker #0

    Une place tunnel.

  • Speaker #1

    Une place tunnel, je pense que c'est personnel, mais en tout cas moi j'ai trouvé, du coup j'ai troqué ma Nemo pour une Saliva Light Trek, qui est vraiment connue pour, elle a été conçue pour les gros gros vents, et je dois dire que j'ai jamais... pris l'eau, j'ai jamais pris la... Enfin, le vent ne m'a jamais bougé d'un poil, alors que j'ai eu quand même une alerte rouge. J'étais dans une tempête, une dépression qui s'appelle Aline. Et c'était... Non, franchement, je suis très contente de cette porte.

  • Speaker #0

    Bon, c'est quand même important. C'est vrai, c'est ce que tu dis. Enfin, c'est comme ta maison, en plus, pendant quatre mois, donc... C'est bien de ne pas s'envoler avec,

  • Speaker #1

    quoi. Oui, c'est ça. Puis surtout, j'ai vraiment eu des... conditions, c'était en 2023, mais il y a eu des orages de grêle qui ont couché, qui ont défoncé les voitures, couché les arbres, les arbres qui étaient en travers du chemin, les ruisseaux qui étaient énormes. Je me suis dit, bon, c'est quand même pas une année où il faut rigoler sur le matos.

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #1

    clairement.

  • Speaker #0

    Est-ce que j'allais te demander, tu vois, quelles avaient été tes plus grandes difficultés ? Est-ce que c'est peut-être ces conditions météo ou autre chose ?

  • Speaker #1

    C'est clairement la météo. Clairement la météo sur le début de mon voyage. Et puis sur la fin, oui, j'ai eu la tempête à Lille, du coup, vers Isola 2000. Et là, c'était vraiment un épisode très, très dur à vivre. C'est la première fois que je me voyais hors de mon corps. Je me voyais de l'extérieur. J'étais sortie de ma tête et mon corps était incontrôlable. Je pleurais, j'étais dans un état. Et en même temps, j'avançais parce que j'étais sur une crête, en plein vent, en pleine tempête. Je faisais un pas. En avant, je faisais un pas sur le côté. Le vent, il n'allait pas dans une direction, il allait dans toutes les directions. Et j'ai visé une cabane à ce moment-là pour rejoindre aussi le réseau et être proche d'un accès routier. Parce que là, c'était vraiment la sécurité avant tout. Surtout que mon téléphone avait... Toutes les photos s'étaient mélangées, le Polar Step ne fonctionnait plus. Enfin, plus rien ne fonctionnait. Et je me suis dit, OK, là, situation d'urgence. Donc je me suis mise près d'un col routier et puis... Sur le GR5, avec une amie, on avait rencontré une accompagnatrice de Moyenne-Montagne qui nous avait dit à l'époque, Zoé, Colline, si vous avez besoin d'un endroit ou quoi, si vous avez besoin, sur le GR5, appelez la gendarmerie de Saint-Etienne-de-Tinet parce qu'il y a mon mari qui travaille, il pourra vous aider. Et là, je me suis dit, mais en fait là, j'étais juste à côté de Saint-Etienne-de-Tinet, je me suis dit, là, je vais appeler O'Neill, quoi. Donc j'appelle cette personne. Elle ne m'a répondu pas tout de suite. Et puis après, elle me dit, oui, en fait, Zoé, on est en alerte rouge. Donc, tu vas descendre tout de suite à la station. Et puis, l'office de tourisme va te mettre à disposition un logement parce que là, il y a un couvre-feu. Ah, d'accord.

  • Speaker #0

    Incroyable.

  • Speaker #1

    Du coup, je suis descendue en courant après m'être épuisée dans la cabane. J'avais froid, froid, froid. Vraiment, je n'étais pas bien. Et l'office de tourisme m'a mis un logement à disposition. Et même après coup, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de mieux parce que j'avais checké la météo. J'avais vraiment la cabane, j'ai utilisé la cabane, l'accès routier, le réseau. Et c'est dans ces situations-là qu'on se sent vraiment très vulnérable.

  • Speaker #0

    J'imagine, oui.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Donc ça, ce n'était pas un bon épisode. Donc principalement la météo et l'interdiction de bivouac qui m'a pesée. Mais ça, c'était moins dangereux, entre guillemets. Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Et tu as eu des jours, globalement, tu décris une aventure que tu as super bien vécue, et que tu as vraiment bien convenu, enthousiasmé, etc. Mais est-ce que tu as aussi eu des jours, peut-être cet épisode-là, mais peut-être à d'autres moments aussi, où là tu disais, mais qu'est-ce que je fais là, j'ai envie d'arrêter, c'est trop inconfortable ? Non,

  • Speaker #1

    jamais, jamais. Excellent. En fait, j'étais tellement dans l'instant présent, que s'il y avait une difficulté, je voyais maximum... dans une heure. C'était vraiment à la minute près. Et en fait, il y avait une tempête, je me mettais dans mon duvet, j'avais chaud et là, c'était le bonheur. Le bonheur, il réside dans tellement peu de choses dans l'adversité que vraiment, c'était un petit peu chaud. C'est trop bon.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi le fait que tu te dises, que spontanément tu le fasses, mais que tu regardes vraiment le moment présent. Tu n'es pas en train de te projeter sur les trois mois suivants.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. D'ailleurs, je n'avais aucune conscience du temps. Je suis arrivée en septembre au lac Léman et j'étais là. Mais en fait, on est déjà au lac Léman. On est en septembre. J'ai l'impression que je suis chez moi. Alors que j'ai l'impression que la veille, j'étais encore en Autriche. J'étais encore loin. Et puis vraiment, c'était suspendu.

  • Speaker #0

    Tu es tellement dans une bulle parallèle que tu perds les... C'est sûr que ce n'est pas plus mal. Et à l'inverse, on a parlé de moments le plus difficiles, mais est-ce que tu as les moments qui t'ont le plus marqué à nous raconter ?

  • Speaker #1

    Il y a des moments où je savais que j'étais au bon endroit, au bon moment, que je me sentais complètement alignée avec ce que je vivais. J'étais dans une gratitude infinie. J'avais envie de dire je t'aime à la terre entière. J'étais dans un moment d'extase totale. Souvent, c'était lié à des beaux paysages. et à la solitude qui était vraiment enivrante. Et de me dire que souvent, oui, j'éprouvais beaucoup de gratitude et je me sentais très privilégiée de pouvoir vivre ces moments-là. Et donc oui, notamment, je me rappelle d'un bivouac près d'un lac qui était vraiment sublime, avec les bouctins qui venaient boire juste à côté de ma tente. Un environnement minéral tout en étant un peu vert aussi, des contrastes fous. avec une lumière magnifique, c'était vraiment incroyable. Et puis des beaux moments, aussi les rencontres. Beaucoup de belles rencontres, notamment avec des femmes que j'ai interviewées pour le podcast, pour le podcast, pour le film, qui étaient hyper authentiques parce que j'ai l'impression que la montagne relie vraiment les personnes entre elles dans ce qu'on vit, dans ce qu'on partage, même si on ne se connaît pas. Et quand j'arrivais chez une personne, finalement, c'était ultra authentique et on parlait directement. En fait, on ne connaissait pas nos prénoms, on ne savait pas rien l'une de l'autre. Et il se passait cette chose de partage sur des sujets super profonds, parfois intimes. Et c'était juste magnifique. Et des belles rencontres aussi dans des moments durs. Et ça, c'était vraiment... Incroyable quoi, je ne crois pas en Dieu, mais des fois j'étais là. Quand j'étais en train de descendre, j'avais mal au ventre à cause de mes règles, je n'étais pas bien du tout, le ravitaillement avait été pourri, il a commencé à y avoir un orage, il y a une vache qui m'a foncé dessus en essayant de me charger avec ses cornes. J'étais là, mais il n'y a rien qui va.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Sympa. Je m'arrête à côté d'une ferme qui avait tout l'air d'être abandonnée pour mettre mon cahouet. Je me dis là, il commence à bien peu voir, on va s'abriter. Et là, il y a les rideaux, là, comme ça, en dentelle, qui bougent. Je me dis, il y a quelqu'un. Et une dame qui sort la tête et me dit, « Bon, qu'est-ce que tu fais là ? » Je dis, « Ben, je mets mon cahoué. » Elle me dit, « Non, mais qu'est-ce que tu fais là, là, là, dans la pluie, enfin, sous la tempête ? » « Rentre ! » Je suis rentrée. Et en fait, elle était avec sa famille. On a mangé ensemble. On a joué à y parler allemand. donc je ne comprenais pas tout tout. Mais j'ai appris plein de mots de vocabulaire. Enfin, l'essentiel, quoi. La tanque, l'arbre. Toujours l'essentiel en montagne. Boire, manger. Voilà. Donc, j'avais le vocabulaire de base. Et puis, j'ai dormi près du feu. Et c'était incroyable.

  • Speaker #0

    C'est tellement chouette, ce genre de moment. Justement, tu vas nous parler du film, du co-documentaire que tu as réalisé. Est-ce que tu peux nous expliquer plus en détail le projet et comment ça s'est déroulé ?

  • Speaker #1

    Alors, le projet... je suis partie sans avoir écrit le film. Ça, c'est un gros point. J'avais des trames d'interviews, des sujets qui revenaient. Je voulais absolument parler avec les personnes que j'ai rencontrées. Je voulais vraiment qu'il y ait une diversité de protagonistes, tant géographiquement que dans leur profession. J'ai interviewé une gardienne de refuge slovéne, une bergère suisse. que j'ai rencontré par pur hasard dans son alpage et que j'ai interviewé sur le moment. Et après, je suis retournée la voir un an après pour passer une semaine dans son alpage.

  • Speaker #0

    C'était vraiment des rencontres qui m'ont marquée et qui continuent de perdurer, et qui perdurent plutôt. Et donc voilà, ça sert à Mona. Il y a Marjorie aussi, qui en fait m'a offert une nuit suspendue au-dessus de la falaise de la tête de chien à Monaco. Et ça, c'était grâce à la bourse XP que j'avais gagnée avant de partir, qui en fait a comme sponsor Petzl. et donc elle est sponsorisée par FEDZEL donc ils ont arrangé ça en gros pour m'offrir une dernière nuit en toute beauté et donc j'ai interviewé Marjorie qui était aussi monitrice d'escalade en milieu naturel et enceinte donc j'avais envie aussi de lui parler de discuter avec elle des injonctions faites aux femmes sportives ce genre de sujet il y a Elisabeth Gerritsen qui est championne du monde de ski freeride et qui a fait son coming out lesbien suite à sa victoire. Et donc, je voulais aussi donner de la place aux minorités de genre. Et voilà, c'est problématique dans l'industrie du ski. J'ai interviewé Federica Mingola, qui est une grimpeuse, initialement une grimpeuse et qui est aussi guide de haute montagne, qui est italienne. Et qui a fait un gros, gros projet cet été, qui était l'ascension du K2 avec une équipe italo-pakistanaise 100% féminine. Et j'oublie, j'oublie, qui j'oublie ? J'en suis à 4 ou à 5.

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas dire, mais ça fait des beaux profils.

  • Speaker #0

    Ah bah non, Alice, mais j'ai oublié Alice. Alice Koldefi, qui est formatrice en secourisme de haute montagne. au PGHM. Et donc là, qui est vraiment une profession où il y a extrêmement peu de femmes. On connaît Marion Poitvin du côté militaire, beaucoup, et Alice qui est côté PGHM et qui a une bonne carrière au PGHM et aussi un engagement féministe assez fort, même si elle reste discrète. Et c'est une personne qui était très peu médiatisée et qui a accepté de répondre à mes questions. Et c'était vraiment un gros privilège de ce côté-là aussi.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est génial. Est-ce que tu avais repéré certaines à l'avance ou c'est vraiment des rencontres au fil de l'eau ? Évidemment, hors la personne à Monaco où l'astéryen est organisée.

  • Speaker #0

    Certaines personnes étaient prévues sur mon trajet. Après, ce qui a été difficile, c'est qu'il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire parce que le calendrier faisait qu'Elisabeth m'a répondu une semaine après mon passage vraiment chez elle. Donc, j'ai dit, on s'est loupé à peu de choses près. Et donc j'ai réalisé deux interviews, trois interviews complémentaires à mon retour. Donc il y a Marjorie que je suis retournée voir à vélo en passant le col de la Bonnette sous la neige, c'était incroyable. Il y a Elisabeth que je suis retournée voir au Lac Léman. Et il y a Fédérica que je suis retournée voir à Turin. Et voilà, donc en fait il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire extrêmement dans la fluidité sur le moment. Mais comme c'était déjà prévu, on a juste reporté et puis voilà.

  • Speaker #1

    Donc ça s'est bien géré.

  • Speaker #0

    Ça s'est bien géré.

  • Speaker #1

    Et quelle a été la réaction de ces femmes qui sont à la base pas spécialement médiatisées face à ton projet ? Comment elles l'ont reçu ? Comment t'arrivais aussi à gérer ? Enfin, tu vois, face à la caméra, parfois, c'est pas toujours évident d'interviewer des gens qui n'ont pas forcément l'habitude.

  • Speaker #0

    Justement, face à la caméra, ça, c'était une vraie difficulté que j'ai rencontrée dès le début de mon voyage parce que... En fait, notamment Vania ne se sentait pas légitime de témoigner. Elle se mettait en retrait. Elle disait « je ne suis pas assez bien » . Et donc, il fallait vraiment mettre à l'aise la personne. Et c'était difficile aussi de garder un contact authentique avec la personne quand je suis derrière la caméra. Et que j'ai vraiment envie d'avoir une discussion de personne à personne. Et qu'en même temps, j'ai mon travail. Il y a aussi tous les réglages techniques. il y a Il y avait beaucoup d'enjeux. Et finalement, j'ai trouvé mon équilibre, des fois, en ne mettant juste pas la caméra. En fait, il y a plein de fois où j'ai fait des rencontres et j'ai discuté pendant des heures et des heures avec une personne et je n'ai pas mis ma caméra. Et ça a nourri mon projet autrement, en fait. Mais ça ne l'a pas... Voilà. Des fois, j'ai eu un peu des regrets. parce que forcément tu te dis là il y a une matière incroyable et en même temps je me disais bah oui mais est-ce que cette matière aurait existé derrière une caméra je sais pas donc il faut accepter un peu l'équilibre entre les deux c'est vrai que c'est pas évident c'est pas évident Et voilà, et au contraire, Ramona, qui m'a accueillie dans son alpage, la berrière suisse, c'était ultra fluide, en fait, elle était là. Je suis trop heureuse parce que les médias, ils ne vont jamais nous voir, nous. Enfin, vraiment, ils ne s'occupent pas de nous, on ne voit jamais personne. Je suis trop heureuse, mes enfants vont être trop fiers. Et donc, c'était, en fait, c'était hyper touchant parce qu'elle était tellement authentique. Elle était vraiment, pour le coup, brute de décoffrage. Mais comme j'apprécie aussi rencontrer les personnes, quoi. Sans artifice, du direct. Et c'était incroyable.

  • Speaker #1

    C'est chouette aussi de se dire que tu apportes du coup de la joie aussi à cette personne et qu'elle se sent reconnue. Alors que voilà, globalement, elle se sent pas très reconnue, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est intéressant aussi ce que tu disais sur ce truc de légitimité, qui est un truc que j'ai l'impression d'entendre quand même énormément de la part de femmes. Enfin,

  • Speaker #0

    j'ai le problème de moi-même,

  • Speaker #1

    je ne suis pas une critique, mais c'est vrai que c'est fou comme on a globalement quasi toutes ce truc avec « non, je ne suis pas légitime » .

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr. Après, la légitimité, moi c'est vrai que c'est un sujet qui me tient à cœur, parce que j'ai eu un peu cette prise de conscience quand j'étais à la fac, je me suis dit « mais la légitimité, personne ne me la donnera jamais » . C'est pas quelque chose qu'on va t'apporter sur un plateau en te disant « Tu es légitime, Zoé, tu peux faire ça. » En fait, si tu ne te donnes pas la légitimité toi-même, tu peux ne rien faire, potentiellement. Et donc je me suis dit, j'avais jamais réalisé de film, j'avais jamais tenu une caméra, j'avais jamais réalisé d'interview, quasiment. Et je me suis dit, en fait, c'est ce que j'ai envie de faire, mais ça vient des tripes, c'est vraiment un projet de base qui était personnel. Puis en fait, il a pris une ampleur qui m'a un peu dépassée. Je me suis dit bon, OK, le projet intéresse. Donc, il a une valeur aux yeux des autres et pas que à mes yeux. Donc, je vais lui donner l'ampleur que réclame le peuple.

  • Speaker #1

    C'est trop bien parce qu'au moins, c'est les deux mêlés là pour le coup. Parce que tu ne l'as pas fait pour les autres, tu l'as fait avant tout pour toi. Et en plus, c'est un peu la cerise sur le gâteau. Ça intéresse.

  • Speaker #0

    Carrément, carrément.

  • Speaker #1

    Et si on doit résumer, tu vois, tout ce projet qui est quand même énorme. Du coup, je trouve que moi, ce que j'ai adoré dans ce projet, c'est vraiment le côté sportif, bien sûr, mais voilà, tout le côté humain et évidemment féministe. Et quelles émotions tu vois, tu as traversées au global sur tout ce voyage ?

  • Speaker #0

    Beaucoup de joie, beaucoup de gratitude, de reconnaissance envers les personnes qui me permettent de... de... Parce qu'en fait, je parle de confiance, etc. et de légitimité, mais j'ai aussi tout à fait conscience que j'ai évolué dans un cadre qui me permettait, dès le plus jeune âge, de la sécurité, de l'affection. Et je me dis, en fait, si on n'a pas cette base-là, c'est d'autant plus difficile de sortir de cette zone de confort qui est d'avoir un toit, qui est d'avoir à manger dans le magasin le plus proche, etc. Et donc, oui, je crois que je suis très reconnaissante envers notamment mes parents qui m'ont étudiée. et qui m'ont permis d'avoir ce cadre qui me permet d'avoir envie d'aller voir ailleurs aussi. Et donc, oui, beaucoup de reconnaissance. J'ai eu peur parfois, notamment dans une désescalade d'une falaise en Slovénie. J'ai eu peur avec certains mecs qui n'étaient pas recommandables, mais pas... pas non plus violents ou dangereux de manière frontale. C'est des peurs qui sont ancrées et qui, en tant que femmes, sont difficiles à déconstruire même pendant quatre mois seule dans la montagne. Qu'est-ce que j'ai ressenti d'autre ? C'est déjà pas mal.

  • Speaker #1

    Ça fait jouer un beau panel. C'est chouette. Est-ce que tu penses que c'est un projet qui t'a transformée sur le plan personnel et qui va avoir des conséquences sur ta vie future ?

  • Speaker #0

    En termes de la solitude, c'est une chose que j'appréhende de manière positive. Ensuite, en termes de confiance, pas tellement en confiance en moi parce que je suis quand même partie en me disant que j'avais toutes les ressources en moi pour faire face aux difficultés. Et ça, c'était assez précieux, je pense. Pas en termes de confiance en moi, mais en termes de liberté, de me dire que tout est possible. Et je crois que c'est très, très bateau. Mais je me disais, mais en fait, hors des cadres, quand tu arrives à penser hors des cadres et hors de tous les schémas qu'on t'impose au fur et à mesure dans ta vie, en fait, tu redeviens une enfant qui est capable d'explorer le monde entier juste par curiosité ou par quête de sens ou par... par envie de rencontre et d'épanouissement personnel et de grandissement collectif, de porter ses valeurs au plus haut point, de développer ses idéaux. Et ça, ça m'a donné une grande force, notamment dans l'idée de faire le film, parce que quand je suis revenue, je n'étais même pas sûre de faire le film. Et puis, je me suis dit, en fait, c'est mon rêve, j'ai envie de le faire. Donc, je me suis donné les moyens de le faire, alors que ce n'était pas du tout écrit en termes de trajectoire.

  • Speaker #1

    C'est génial. Et le film, on va pouvoir le voir où alors ?

  • Speaker #0

    Il va passer au mois du documentaire en Isère, donc dans différentes médiathèques en Isère. Donc c'est en novembre. Il y a des dates à Jari, qui est à côté du Gilles, Montrestel, Ile d'Abo, Saint-Antoine-l'Abbaye, Clé, Pont-de-Clay, beaucoup de villes et villages en Isère. Après, j'ai candidaté dans des festivals aussi. Donc il y a une première, on va dire, européenne en Suisse. au Festival des Rencontres de l'Aventure. Et puis, j'en attends de réponse des autres festivals. J'espère Femmes en Montagne. Ce serait top. Et puis, après, il y a plein d'autres festivals. Il y a La Rochelle. En fait, il y en a beaucoup, beaucoup en France. Et ensuite, potentiellement aussi les cinémas, dès que j'aurai demandé le visa d'exploitation pour pouvoir faire une tournée des cinémas.

  • Speaker #1

    Et où est-ce qu'on va pouvoir avoir cette info-là ? Est-ce que c'est sur ton compte Instagram ou il y a un autre endroit ?

  • Speaker #0

    Il y a sur mon compte Instagram, donc c'est zoé.l comme loutre, m comme marmotte, t comme tortue, r comme ragondin et e comme éléphant.

  • Speaker #1

    Je mettrai le lien dans la description si jamais vous n'avez pas saisi cette description animalière. Voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais sinon, je suis en train de travailler sur un projet de site web pour mettre toutes les infos au même endroit. Mais c'est vrai que ça, c'est encore un autre métier et encore une autre corde à mon arc. Et donc, j'y travaille, mais c'est lent. Voilà. Mais il sortira.

  • Speaker #1

    C'est normal, on ne peut pas tout faire à la fois. Trop bien. Et est-ce que tu as encore d'autres projets ? Est-ce que ça t'a donné envie de faire ? un autre projet de ce type en montagne, ou pas en montagne d'ailleurs ? Est-ce que tu as des envies particulières pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas d'idée précise, mais je sais que j'ai envie de continuer à faire un peu des aventures de ce type, plutôt en solitaire, je pense, ou à la rencontre de personnes. Enfin, et c'est encore mieux quand on peut allier les deux. Et voilà. Après, en montagne, ça reste mon terrain privilégié, mais on verra. Déjà je finis le film je me pose un peu parce qu'un film autoproduit c'est pas non plus hyper facile économiquement à assumer derrière et puis donc je vais peut-être aussi me poser un peu, prendre un travail un peu plus stable pour me relancer ensuite dans une aventure un peu moins stable

  • Speaker #1

    C'est bien, c'est un bon équilibre entre les deux Et pour terminer, est-ce que tu as un message que tu as envie de faire passer aux auditrices ?

  • Speaker #0

    Très basique, mais osé. Faites-vous confiance. Pas hésiter aussi à s'entourer des bonnes personnes, de travailler en réseau, parce que finalement, il y a des rencontres qui peuvent changer une vie aussi et donner des trajectoires complètement magnifiques.

  • Speaker #1

    Trop bien. Merci comme message final. C'est parfait. Merci beaucoup Zoé, moi j'ai très hâte de découvrir le film du coup, j'espère réussir à le voir à une occasion ou une autre et puis on va continuer à suivre tes aventures prochaines alors merci beaucoup d'avoir participé à cette interview c'était très chouette

  • Speaker #0

    Merci à toi, toutes ces belles questions et ton accueil

  • Speaker #1

    Avec plaisir,

  • Speaker #0

    à bientôt

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !

Chapters

  • Introduction et présentation de Zoé Lemaitre

    00:08

  • Le projet de traversée des Alpes et ses objectifs

    00:25

  • Préparation de l'itinéraire et gestion des imprévus

    02:25

  • Matériel utilisé et conditions de bivouac

    05:38

  • Distance parcourue et sensations durant l'aventure

    08:14

  • Ravitaillement et hygiène en pleine nature

    09:18

  • Récit de la traversée et rencontres marquantes

    10:36

  • Réflexions sur la solitude et l'autonomie

    13:19

  • Le projet de documentaire et ses enjeux

    29:16

  • Message final et conseils pour les auditrices

    43:16

Description

Et si marcher seule devenait une manière de tisser du lien ? Pendant quatre mois, Zoé Lemaitre a traversé les Alpes à pied… pour rencontrer les femmes qui y vivent et y travaillent.


Je reçois Zoé Lemaitre, 26 ans, Grenobloise, passionnée de très longue distance. Elle a relié la Slovénie à Monaco en suivant sa propre variante de la Via Alpina : 2 150 km, 120 jours et 135 000 m D+.


Son objectif : réaliser un film documentaire sur les femmes de montagne – guides, bergères, gardiennes, alpinistes – et raconter leur rapport intime à ce territoire souvent idéalisé, parfois rude, toujours inspirant. Au programme de l’épisode:

  • D’où vient l’envie de relier les Alpes… et les femmes qui les habitent ?

  • Comment on prépare (ou pas) quatre mois seule entre neige, crêtes et orages ?

  • Marcher et filmer : les coulisses d’un tournage en pleine nature.

  • Gérer la peur, la fatigue, les imprévus (et quelques tempêtes).

  • Ce que la solitude enseigne sur la confiance et le corps.

  • Les rencontres du film : des parcours forts, souvent invisibles, toujours passionnants.

  • Où voir le documentaire et comment le projet continue aujourd’hui.


Un épisode qui parle d’endurance, de lien et de liberté. Avec Zoé, on découvre une autre manière de vivre la montagne : plus lente, plus juste, plus collective.


🔗 Lien:

Suivre Zoé: https://www.instagram.com/zoe.lmtre

Documentaire: Via Alpina, sur les pas des Pionnières 


Vous voulez soutenir le podcast ?

  • Laissez 5★ sur ta plateforme d’écoute, ça change tout.

  • Abonnez-vous et partagez cet épisode avec une amie qui rêve de s’évader.


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


➡️ Suivez-nous:

Notre magazine: https://www.lasportiveoutdoor.com/fr

Notre newsletter: https://web-escapades.kit.com/lso

Notre chaîne Youtube: https://www.youtube.com/@lasportiveoutdoor

Instagram: https://www.instagram.com/lasportiveoutdoor/

TikTok: https://www.tiktok.com/@lasportiveoutdoor


🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Mots clé: aventure, montagne, voyage solo, féminisme, documentaire, engagement, exploration, nature, Alpes, itinérance


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, dans cet épisode je reçois Zoé Lemaitre qui a traversé les Alpes de la Slovénie à Monaco en suivant la Via Alpina. Elle a marché seule durant 4 mois sur 2000 km avec un objectif, rencontrer des femmes professionnelles de la montagne et en faire un documentaire. Elle va nous raconter les coulisses de cette aventure à la fois humaine et sportive. Bienvenue Zoé !

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, merci pour ton accueil.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Zoé, j'ai 26 ans, j'habite à Grenoble et ma passion c'est la montagne, tout ce qui est très longue distance, à vélo ou à pied.

  • Speaker #0

    Et tu t'y es mise il y a longtemps, c'était déjà étant enfant ou c'est venu un peu plus tard ?

  • Speaker #1

    J'étais au lycée de Dix, c'est un lycée sport nature. pour apprendre à être autonome dans les sports de pleine nature. Et mes parents m'ont vraiment transmis cette passion de la montagne. Et donc, j'ai toujours un peu évolué dans ce milieu, mais les choses seules, c'est venu plus tardivement.

  • Speaker #0

    T'as quand même été à bonne école, effectivement, dès le départ. Et comment t'as eu l'idée de cette traversée des Alpes, déjà, et de cette mise en lumière de femmes professionnelles de la montagne ?

  • Speaker #1

    J'ai habité et travaillé à Venise, donc qui est vraiment au bout de l'arc alpin. Et un jour, je me suis dit, j'aimerais bien rentrer à pied chez moi. Donc, c'était au début un peu une blague. Et puis, finalement, c'est devenu un projet qui a été pas très longtemps mûri. Et le but, c'était à la fois de faire une traversée qui se concentre sur mon expérience, donc être complètement immergée, seule dans la nature, et à la fois de rencontrer des personnes. Donc des femmes professionnelles de la montagne pour allier aussi mes valeurs féministes avec la marche. Et donner de la visibilité à ces femmes qui sont souvent soit invisibilisées, soit moins visibles de fait dans les médias. Et donc leur donner la parole, leur donner de la visibilité et montrer des portraits de femmes vraiment inspirantes. Double objectif.

  • Speaker #0

    C'est un beau projet. Et tu avais de l'expérience dans le fait de marcher seule ? Tu disais que tu étais venue un peu plus tard, mais est-ce que tu avais déjà fait des grosses randonnées seule ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. La seule randonnée seule que j'avais faite avant, c'était une mini traversée de Belle Donne. J'avais fait quatre jours toute seule. Après de l'itinérance longue durée, j'avais fait un jour le GR5 en 2020 avec une amie. Donc j'étais un peu habituée des longues distances, mais seule, je n'avais jamais fait plus de 4 jours. Là, on est passé de 4 jours à 4 mois.

  • Speaker #0

    Il y a bon gap.

  • Speaker #1

    Bon gap, oui.

  • Speaker #0

    Et comment tu as fait pour préparer ton itinéraire sur la Via Alpina ? C'est un itinéraire qui est connu, qui existe. Mais est-ce que tu as déjà toujours suivi vraiment la Via Alpina ? Ou est-ce que tu as fait des petits détours ? Comment tu as découpé tes étapes ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    La Via Alpina, c'était un fil rouge. Donc effectivement, c'est un tracé qui existe et qui relie les huit pays de l'arc alpin. Mais après, je me suis permis de faire un tracé qui était le mien, avec un tracé idéal, en fait, qui passait toujours le plus haut possible, parce que j'adore être en hauteur. Et en fait, ce tracé, dès le premier jour, je ne l'ai pas suivi. Et tous les jours d'ensuite, qui m'ont suivi, je ne l'ai pas suivi non plus. Donc c'était vraiment au jour le jour.

  • Speaker #0

    je regardais la carte le matin je savais pas où j'allais dormir le soir et comme ça je me suis en fait j'ai construit mes étapes comme ça au fur et à mesure c'est excellent et pourquoi tu choisissais de dévier de ce que t'avais prévu à la base,

  • Speaker #1

    est-ce que c'est parce que ça te semblait plus sympa ou peut-être aussi parfois des conditions météo qui fait que tu changeais alors il y a eu les deux en premier lieu c'est que je me suis dit d'un... Déjà, je suis arrivée à la gare de Ljubljana le premier jour en bus. Et puis, Ljubljana, c'est une grosse ville. Et comme je n'avais pas d'expérience aussi dans le fait de bivouaquer seule près des villes, je n'ai vraiment pas eu de confiance. Donc, j'ai pris un train pour m'enfoncer plus vers les montagnes. Et de là, j'ai commencé ma vie à Alpina, enfin ma traversée. Et donc, du coup, dès le premier jour, au final, j'ai changé mon point de départ. Donc, j'ai changé mon itinéraire. Et à partir de là, j'ai navigué un peu à vue. Et oui, j'ai eu aussi des détours que j'ai dû faire à cause de la neige. En août, il y a eu des grosses chutes de neige. Donc j'ai dû un peu adapter mon parcours par rapport à ça. Surtout après avoir... J'ai dû renoncer plusieurs fois à l'école. Et voilà. Mais c'est ça aussi l'aventure. J'avais grand plaisir à découvrir d'autres chemins que ceux qui étaient tracés. Et puis souvent, en plus, c'était mon flair qui me disait là, il y a des beaux lacs, j'ai envie d'aller là. Pas du tout envie d'aller sur les sentiers qui sont plus fréquentés. Donc, j'ai pris beaucoup de variantes très alpines et je me suis régalée.

  • Speaker #0

    C'est trop bien. Au moins, tu t'es vraiment fait plaisir à chaque fois en adaptant.

  • Speaker #1

    Oui, carrément.

  • Speaker #0

    c'est comme le but Et tu avais quoi comme matériel avec toi ? Tu disais que tu bivouaquais, tu as bivouaqué tout le temps. Tu avais une tente très chaude, un sac de couchage, etc. Ou est-ce que parfois, tu as fait aussi des étapes en refuge ? Comment tu as géré ça ?

  • Speaker #1

    J'étais majoritairement bivouaque. Donc oui, effectivement, comme tu disais, avec la tente, le sac de couchage, etc. Et après, j'ai aussi dormi dans des cabanes, surtout sur la fin de mon itinéraire, parce qu'il commençait à faire vraiment très froid. Et donc, je trouvais des cabanes non gardées et je m'y installais pour la nuit. J'ai dormi quelques fois en camping pour aussi me faire un gros ravitaillement et manger tout ce que je pouvais sur place. Et faire une lessive aussi de temps en temps, avec de la lessive, attention, des choses qui sentent bon.

  • Speaker #0

    Ça aggrave parfois.

  • Speaker #1

    Ça aggrave parfois de faire un reset de tout le linge. Et ensuite, j'ai dormi neuf nuits dans un refuge. Et ça, c'était vraiment un cas impératif quand il y avait un énorme ouvrage ou bien qu'il faisait vraiment trop froid ou alors que j'avais trop faim.

  • Speaker #0

    Et au niveau matériel aussi, je disais, tu as fait un documentaire sur cette aventure. Donc, tu avais aussi de quoi filmer. Tu avais apporté quoi ? Parce que ça pèse vite un peu lourd.

  • Speaker #1

    Exactement. Mon sac, le tiers du poids du sac, c'était du matériel pour filmer. J'avais une caméra hybride, un appareil photo hybride avec laquelle je filmais. Le point le plus important, c'était l'autonomie en termes énergétiques, parce que je voulais pouvoir filmer à n'importe quel moment des rencontres impromptues ou un beau paysage. J'avais deux batteries externes de 10 000 mAh et trois batteries internes d'appareil photo. Je ne sais plus combien elles font, mais voilà. Le panneau solaire. et un 28 watts, le plus puissant des panneaux solaires, les micros, et au début j'avais le trépied, puis je l'ai abandonné parce que 900 grammes, c'était beaucoup trop. Et après, tout le matériel...

  • Speaker #0

    Et t'avais un sac de combien de kilos ?

  • Speaker #1

    Au début 15, à la fin 25. La fin, c'était parce que j'avais les muscles qui me permettaient de le porter aussi, je ne sentais pas du tout le poids du sac. Mais c'est surtout que j'étais obligée par rapport à la nourriture. Parce qu'on était en automne, donc les magasins pour se ravitailler, ils étaient tous fermés. Donc à peine je trouvais une petite supérette, je prenais 10 kilos de nourriture, surtout que j'avais une faim de louve.

  • Speaker #0

    Tu m'étonnes.

  • Speaker #1

    J'avais très très faim.

  • Speaker #0

    Tu marchais combien de kilomètres à peu près par jour ? Et avec combien de dénivelé ?

  • Speaker #1

    Au total, j'ai marché 2150 kilomètres en 120 jours. Avec 135 000 mètres de dénivelé positif. Donc ça fait une moyenne d'un peu plus de 15 par jour, parce que j'ai fait trois jours de pause au total. Et une moyenne à 1 002, je pense, de positif.

  • Speaker #0

    Donc c'est juste énorme, tout ça cumulé.

  • Speaker #1

    Oui, mais physiquement, ce n'est pas du tout insurmontable. Je ne sais pas comment dire, mais au bout de deux semaines, le corps est habitué, il cavale. J'avais l'impression d'être plus un chamois qu'une humaine. Même au niveau des sens.

  • Speaker #0

    C'est de votre choix de ressentir ça.

  • Speaker #1

    C'est enivrant, oui. Parce que les capacités physiques, elles sont décuplées. Et puis aussi au niveau même des sens olfactifs, au niveau de plein de choses, je sentais que j'étais vraiment en train de développer mes sens comme si je redevenais animale. C'était assez fou. Je sentais n'importe quel... C'est incroyable. C'est assez fou.

  • Speaker #0

    Et donc, tu nous as parlé de la gestion ravitaillement. Au départ, en été, ça allait parce que tu arrives à trouver facilement, en automne, moins. Et après, tout ce qui est lessive, tu disais que tu faisais de temps en temps. Mais comment tu faisais, par exemple, pour te laver, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Dans les rivières, je me rinçais aux gants. Mais la même chose pour les lessives, sauf quand j'avais l'opportunité d'aller dans un camping ou dans une ville. J'enlevais tout sauf ma doudoune que je ne pouvais pas laver et je mettais un foulard autour de mes hanches pour même laver la culotte que je portais. Optimisation ! Je mettais tout dans le tampon de la machine à laver et j'attendais comme ça. Des fois, avec la canicule, être en doudoune, ce n'était pas le top, mais ça allait.

  • Speaker #0

    Ça devait être marrant de te voir à ce moment-là en se disant « mais qu'est-ce qu'elle fait ? »

  • Speaker #1

    Oh oui, je pense que bon. Mais bon, ça me glissait un peu dessus. Le regard des autres, quand tu marches pendant quatre mois dans la montagne, ce n'est vraiment plus du tout important.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est bien, c'est que ça te déconnecte de ce genre de préoccupations. Parce qu'en vrai, clairement, on s'en fiche complètement.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et si tu peux nous raconter comment ça s'est passé au global,

  • Speaker #1

    la traversée ? Globalement, je suis partie de Ljubljana, j'ai rejoint Monaco.

  • Speaker #0

    Donc Ljubljana, capitale de Slovénie.

  • Speaker #1

    Exactement. Au début, j'étais dans le Triglav, c'est un massif karstique. C'était vraiment un massif que je n'avais pas du tout l'habitude de voir en termes de relief. C'était vraiment magnifique. Et c'est aussi un paysage très préservé parce que c'est un parc. nationale donc il n'y a pas le droit de dormir en bivouac. Notamment là j'ai dormi en refuge parce que le bivouac était strictement interdit. Bon après j'ai fait quelques petites entorses ailleurs mais bon. Parce qu'en Autriche c'est interdit pareil, Liechtenstein c'est interdit mais je pouvais pas me permettre de dormir en refuge à chaque fois. Donc voilà et puis après j'ai mis le cap sur les Dolomites. En fait j'ai vraiment traversé tous les massifs jusqu'à Monaco. en reliant d'abord l'Est à l'Ouest jusqu'au lac Léman et ensuite une traversée plus perpendiculaire du lac Léman jusqu'à la Méditerranée en ne prenant pas le GR5 que j'avais déjà fait auparavant. Et en termes de sensations, au début j'étais vraiment à ne pas trop faire confiance aux autres parce que partir seule, en tant que femme surtout, ce n'était pas évident, surtout par rapport aux... peur qu'on projetait sur moi par rapport à mon manque d'expérience aussi dans ce domaine-là. Et puis, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que plus je m'ouvrais à la vie, plus je me laissais emporter, je m'abandonnais à vivre, on va dire. Plus je faisais des rencontres qui étaient très constructives et que je voyais aussi que les personnes me tendaient la main. Donc, je pense que j'ai fait de plus en plus confiance aux autres au fur et à mesure de mon voyage. Et sinon, c'était une expérience de ravissement total et puis aussi d'éloignement total des normes. Parce qu'en fait, à vivre dans la montagne, il n'y a aucun code à respecter. Je me suis rendue compte que l'individu social, il est extrêmement construit. Et d'être en montagne, ça permet de complètement s'éloigner de ça et de vivre très librement et sans calendrier et sans regard. reposé sur ton corps, sur tes choix de vie, sur plein de choses. Et ça, c'était extrêmement libérateur et ça m'a beaucoup construite à ce moment-là. Voilà, globalement.

  • Speaker #0

    Super intéressant de vivre ça. Et le fait d'être en solo comme ça, est-ce que tu vois peut-être au départ t'as trouvé ça un peu difficile et ensuite vraiment t'as adoré, ou l'inverse d'ailleurs ? Ou t'as adoré tout le long ?

  • Speaker #1

    La solitude, c'est un grand sujet parce qu'en fait... Je ne supportais pas la solitude avant de partir. Et c'était un peu mon défi, c'était de me dire, maintenant que tu es au pied du mur, tu vas apprendre à vivre seule parce que ce n'est pas possible de vivre aussi mal la solitude, d'être dans des étapes de tristesse pas possibles. Et donc je me suis dit, je vais me concentrer là-dessus et être dans une solitude choisie. Déjà, c'était différent qu'une solitude subie. Et donc au début, j'avais... de l'appréhension. Et puis très rapidement, je me suis rendue compte à quel point c'était grisant de pouvoir faire confiance au chemin, de voir qu'on a les ressources en soi pour avancer. À chaque fois qu'il y a un souci, on trouve des solutions. Et puis, c'est quand même difficile aussi de se rendre compte qu'on ne peut compter que sur soi. Ça, c'était vraiment un peu pas angoissant, mais tu te dis « Ok, là je suis au milieu de la montagne, si j'ai n'importe quel pépin, il faut que je... » je sache gérer moi. Et donc ça, c'était aussi une prise de conscience qui m'a permis de marcher vraiment en pleine conscience de tout, de mes mouvements, de la météo. J'étais très attentive et je n'étais pas concentrée parce qu'il m'arrivait de perdre mon chemin juste parce que j'étais dans mes pensées. Mais en tout cas, c'était très conscient. Quand je m'engageais dans un gros pierrier ou dans un... Des descentes très compliquées où il fallait poser les mains ou ce genre de choses un peu olé olé. Je faisais chaque pas avec avec beaucoup d'attention pour être hyper concentré. Donc ça, la solitude, au fur et à mesure, et la faim, je n'avais pas du tout envie d'arriver. Je n'avais pas du tout envie d'arriver. Et puis, je n'avais pas du tout envie que mes amis me rejoignent. C'était difficile à assumer. Ce n'est pas évident de le dire. C'était super dur. Et puis, j'ai des amis géniaux qui ont compris. Mais en fait, c'est super dur à recevoir aussi. Donc à ce moment-là, j'essayais d'expliquer que j'avais envie de terminer comme j'avais commencé, seule, et de vivre vraiment à fond cette expérience. Et voilà. Et depuis, donc maintenant dans ma vie, je n'ai plus peur de la solitude et je suis tout à fait heureuse, seule et en groupe. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #0

    Ça, c'est parfait. Tu as le meilleur des deux. Tu peux en profiter de chaque situation.

  • Speaker #1

    Ça, c'est sûr, oui.

  • Speaker #0

    Et à quoi ça ressemblait, tu vois, une journée un peu type pour toi ? Est-ce que tu avais toujours plus ou moins le même rythme ? Est-ce que tu as fait des journées de pause aussi en cours de route ? Comment tu as géré, en fait, ce que sur quatre mois, j'imagine qu'on ne gère pas pareil qu'une rando d'une semaine ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de... Je me levais le matin avec le soleil. Je n'ai jamais mis de réveil de toute ma traversée. Après, je faisais petit déjeuner normal. Je mangeais des plats très... de polenta, des choses qui comblent. Après, voilà. Souvent, quand je faisais un bivouac dans un lieu magnifique, je prenais des photos autour avec l'aube, le lever du soleil, les animaux qui sont plus présents à ce moment-là. Vraiment, je prenais le temps de m'émerveiller avant de me mettre en route. Après, en termes de... Je n'avais pas de distance type ou de... Vraiment, ma journée était vraiment déterminée en fonction de l'endroit du bivouac que je visais. Après, il y avait des surprises, évidemment. Ah, il y a un troupeau de vaches là où je pensais mettre ma tente. Bon, on va aller plus loin. Ah, en fait, il y avait plein de surprises au niveau du bivouac. Donc non, c'était vraiment... Je n'avais pas de plan prédéfini. Je mangeais à l'heure que je voulais, en fonction de ma faim. Je n'étais pas du tout à trois repas par journée. J'étais vraiment... Voilà. Le soir, je plantais ma tente assez tard. Bah, surtout... Très tard, dans les pays où c'était interdit, et je me cachais. Ça, c'était vraiment un point difficile de la vie alpina, l'interdiction de mes voies. Et donc, la peur qui était associée à ça, de me faire déloger, voilà.

  • Speaker #0

    Et entre le moment où tu vois t'arrêter de marcher et le moment où tu t'endormais, est-ce que tu lisais ?

  • Speaker #1

    J'écrivais.

  • Speaker #0

    La musique, les podcasts, t'écrivais ?

  • Speaker #1

    Mais je n'avais rien du tout pour lire. Ma grand-mère m'a envoyé un petit peu tous les jours des chapitres du livre qu'elle était en train de lire, pour que je lise en même temps qu'elle. Donc ça, c'était très, très mignon et j'ai beaucoup aimé. Sauf qu'en fait, la majeure partie du temps, je n'avais pas de réseau. Donc je ne pouvais pas lire ce qu'elle m'envoyait. Et non, sinon, j'écrivais beaucoup. J'écris vraiment tous les soirs. Donc j'ai un carnet de bord que j'ai imprimé qui fait un pavé comme ça. et où je m'efforce d'écrire à la fois mes sensations, mes réflexions. J'ai développé un peu une technique de mémorisation de ce que je vivais pour pouvoir être capable de retranscrire ça à l'écrit le soir. Parce que je faisais rarement des pauses pour écrire, paradoxalement. Parce que les journées étaient très remplies. On a beau se dire « ah oui, l'itinérance, etc. » , c'était ultra... Et donc tu me demandais aussi si j'avais fait des pauses. J'ai fait une pause pour attendre une tente. Parce que ma tante, je me suis envolée. Enfin, c'était... Il me fallait une tante plus costaud et plus aubanée. Donc, je me la suis faite envoyer en Autriche. Sauf que le colis a eu du retard. Donc, j'attendais dans une cabane au Liechtenstein pendant ce temps-là. Puis, j'ai fait l'aller-retour ensuite pour la récupérer. Enfin, voilà. J'ai squatté une cabane. Et un autre jour où j'ai fait deux jours de pause consécutifs parce qu'il pleuvait, mais vraiment... pleuvait, pleuvait, pleuvait, pleuvait énormément. Et quand je suis sortie de la tente un matin, en fait, c'était plus de la pluie, c'était de la neige sur les sommets. Et donc là, en plein mois d'août, j'ai marché dans un mètre de neige. C'était incroyable.

  • Speaker #0

    Ça doit faire trop bizarre.

  • Speaker #1

    Ah oui. Là, il n'y avait plus de saison. Je vivais les quatre saisons en une journée.

  • Speaker #0

    Puisque tu parlais de tente, j'en profite quand même, parce que je me dis que ça peut toujours intéresser certaines personnes. Tu as une recommandation du modèle de tente ou des choses auxquelles il faut faire attention ?

  • Speaker #1

    Les haubans, pour moi, c'est très important. Donc, les cordes qui servent à tendre vraiment très fort la tente en cas de vent. pour avoir un ancrage au sol le plus maximisé. Après, en fait, c'est très personnel aussi le sentiment de confort dont on a besoin, parce que je sais qu'il y a des personnes qui traversent les Alpes par les sommets à 3000 avec un tarp et un bout de matelas qui fait la taille du dos. Moi, je n'étais pas dans cette optique-là, parce que c'était un peu ma maison, la tente. Et c'est surtout que j'ai eu une très mauvaise expérience d'un orage où les arceaux ont plié, que je me suis envolée, tout était trempé. Donc là, c'était particulièrement difficile et je me suis dit, j'ai besoin de me sentir en sécurité. Dès que je monte la tente, je suis chez moi et je suis au sec. Et donc, un au vent aussi, potentiellement pour faire la popote quand il pleut ou qu'il neige. Je pense aussi la hauteur sous le toit, c'est important. Se tenir un peu assise, mais ça c'est pareil, il y a des personnes qui vous diront aussi, moi je suis dans une place, je mets mon sac avec moi.

  • Speaker #0

    Une place tunnel.

  • Speaker #1

    Une place tunnel, je pense que c'est personnel, mais en tout cas moi j'ai trouvé, du coup j'ai troqué ma Nemo pour une Saliva Light Trek, qui est vraiment connue pour, elle a été conçue pour les gros gros vents, et je dois dire que j'ai jamais... pris l'eau, j'ai jamais pris la... Enfin, le vent ne m'a jamais bougé d'un poil, alors que j'ai eu quand même une alerte rouge. J'étais dans une tempête, une dépression qui s'appelle Aline. Et c'était... Non, franchement, je suis très contente de cette porte.

  • Speaker #0

    Bon, c'est quand même important. C'est vrai, c'est ce que tu dis. Enfin, c'est comme ta maison, en plus, pendant quatre mois, donc... C'est bien de ne pas s'envoler avec,

  • Speaker #1

    quoi. Oui, c'est ça. Puis surtout, j'ai vraiment eu des... conditions, c'était en 2023, mais il y a eu des orages de grêle qui ont couché, qui ont défoncé les voitures, couché les arbres, les arbres qui étaient en travers du chemin, les ruisseaux qui étaient énormes. Je me suis dit, bon, c'est quand même pas une année où il faut rigoler sur le matos.

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #1

    clairement.

  • Speaker #0

    Est-ce que j'allais te demander, tu vois, quelles avaient été tes plus grandes difficultés ? Est-ce que c'est peut-être ces conditions météo ou autre chose ?

  • Speaker #1

    C'est clairement la météo. Clairement la météo sur le début de mon voyage. Et puis sur la fin, oui, j'ai eu la tempête à Lille, du coup, vers Isola 2000. Et là, c'était vraiment un épisode très, très dur à vivre. C'est la première fois que je me voyais hors de mon corps. Je me voyais de l'extérieur. J'étais sortie de ma tête et mon corps était incontrôlable. Je pleurais, j'étais dans un état. Et en même temps, j'avançais parce que j'étais sur une crête, en plein vent, en pleine tempête. Je faisais un pas. En avant, je faisais un pas sur le côté. Le vent, il n'allait pas dans une direction, il allait dans toutes les directions. Et j'ai visé une cabane à ce moment-là pour rejoindre aussi le réseau et être proche d'un accès routier. Parce que là, c'était vraiment la sécurité avant tout. Surtout que mon téléphone avait... Toutes les photos s'étaient mélangées, le Polar Step ne fonctionnait plus. Enfin, plus rien ne fonctionnait. Et je me suis dit, OK, là, situation d'urgence. Donc je me suis mise près d'un col routier et puis... Sur le GR5, avec une amie, on avait rencontré une accompagnatrice de Moyenne-Montagne qui nous avait dit à l'époque, Zoé, Colline, si vous avez besoin d'un endroit ou quoi, si vous avez besoin, sur le GR5, appelez la gendarmerie de Saint-Etienne-de-Tinet parce qu'il y a mon mari qui travaille, il pourra vous aider. Et là, je me suis dit, mais en fait là, j'étais juste à côté de Saint-Etienne-de-Tinet, je me suis dit, là, je vais appeler O'Neill, quoi. Donc j'appelle cette personne. Elle ne m'a répondu pas tout de suite. Et puis après, elle me dit, oui, en fait, Zoé, on est en alerte rouge. Donc, tu vas descendre tout de suite à la station. Et puis, l'office de tourisme va te mettre à disposition un logement parce que là, il y a un couvre-feu. Ah, d'accord.

  • Speaker #0

    Incroyable.

  • Speaker #1

    Du coup, je suis descendue en courant après m'être épuisée dans la cabane. J'avais froid, froid, froid. Vraiment, je n'étais pas bien. Et l'office de tourisme m'a mis un logement à disposition. Et même après coup, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de mieux parce que j'avais checké la météo. J'avais vraiment la cabane, j'ai utilisé la cabane, l'accès routier, le réseau. Et c'est dans ces situations-là qu'on se sent vraiment très vulnérable.

  • Speaker #0

    J'imagine, oui.

  • Speaker #1

    Mais voilà. Donc ça, ce n'était pas un bon épisode. Donc principalement la météo et l'interdiction de bivouac qui m'a pesée. Mais ça, c'était moins dangereux, entre guillemets. Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. Et tu as eu des jours, globalement, tu décris une aventure que tu as super bien vécue, et que tu as vraiment bien convenu, enthousiasmé, etc. Mais est-ce que tu as aussi eu des jours, peut-être cet épisode-là, mais peut-être à d'autres moments aussi, où là tu disais, mais qu'est-ce que je fais là, j'ai envie d'arrêter, c'est trop inconfortable ? Non,

  • Speaker #1

    jamais, jamais. Excellent. En fait, j'étais tellement dans l'instant présent, que s'il y avait une difficulté, je voyais maximum... dans une heure. C'était vraiment à la minute près. Et en fait, il y avait une tempête, je me mettais dans mon duvet, j'avais chaud et là, c'était le bonheur. Le bonheur, il réside dans tellement peu de choses dans l'adversité que vraiment, c'était un petit peu chaud. C'est trop bon.

  • Speaker #0

    C'est intéressant aussi le fait que tu te dises, que spontanément tu le fasses, mais que tu regardes vraiment le moment présent. Tu n'es pas en train de te projeter sur les trois mois suivants.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. D'ailleurs, je n'avais aucune conscience du temps. Je suis arrivée en septembre au lac Léman et j'étais là. Mais en fait, on est déjà au lac Léman. On est en septembre. J'ai l'impression que je suis chez moi. Alors que j'ai l'impression que la veille, j'étais encore en Autriche. J'étais encore loin. Et puis vraiment, c'était suspendu.

  • Speaker #0

    Tu es tellement dans une bulle parallèle que tu perds les... C'est sûr que ce n'est pas plus mal. Et à l'inverse, on a parlé de moments le plus difficiles, mais est-ce que tu as les moments qui t'ont le plus marqué à nous raconter ?

  • Speaker #1

    Il y a des moments où je savais que j'étais au bon endroit, au bon moment, que je me sentais complètement alignée avec ce que je vivais. J'étais dans une gratitude infinie. J'avais envie de dire je t'aime à la terre entière. J'étais dans un moment d'extase totale. Souvent, c'était lié à des beaux paysages. et à la solitude qui était vraiment enivrante. Et de me dire que souvent, oui, j'éprouvais beaucoup de gratitude et je me sentais très privilégiée de pouvoir vivre ces moments-là. Et donc oui, notamment, je me rappelle d'un bivouac près d'un lac qui était vraiment sublime, avec les bouctins qui venaient boire juste à côté de ma tente. Un environnement minéral tout en étant un peu vert aussi, des contrastes fous. avec une lumière magnifique, c'était vraiment incroyable. Et puis des beaux moments, aussi les rencontres. Beaucoup de belles rencontres, notamment avec des femmes que j'ai interviewées pour le podcast, pour le podcast, pour le film, qui étaient hyper authentiques parce que j'ai l'impression que la montagne relie vraiment les personnes entre elles dans ce qu'on vit, dans ce qu'on partage, même si on ne se connaît pas. Et quand j'arrivais chez une personne, finalement, c'était ultra authentique et on parlait directement. En fait, on ne connaissait pas nos prénoms, on ne savait pas rien l'une de l'autre. Et il se passait cette chose de partage sur des sujets super profonds, parfois intimes. Et c'était juste magnifique. Et des belles rencontres aussi dans des moments durs. Et ça, c'était vraiment... Incroyable quoi, je ne crois pas en Dieu, mais des fois j'étais là. Quand j'étais en train de descendre, j'avais mal au ventre à cause de mes règles, je n'étais pas bien du tout, le ravitaillement avait été pourri, il a commencé à y avoir un orage, il y a une vache qui m'a foncé dessus en essayant de me charger avec ses cornes. J'étais là, mais il n'y a rien qui va.

  • Speaker #0

    Sympa.

  • Speaker #1

    Sympa. Je m'arrête à côté d'une ferme qui avait tout l'air d'être abandonnée pour mettre mon cahouet. Je me dis là, il commence à bien peu voir, on va s'abriter. Et là, il y a les rideaux, là, comme ça, en dentelle, qui bougent. Je me dis, il y a quelqu'un. Et une dame qui sort la tête et me dit, « Bon, qu'est-ce que tu fais là ? » Je dis, « Ben, je mets mon cahoué. » Elle me dit, « Non, mais qu'est-ce que tu fais là, là, là, dans la pluie, enfin, sous la tempête ? » « Rentre ! » Je suis rentrée. Et en fait, elle était avec sa famille. On a mangé ensemble. On a joué à y parler allemand. donc je ne comprenais pas tout tout. Mais j'ai appris plein de mots de vocabulaire. Enfin, l'essentiel, quoi. La tanque, l'arbre. Toujours l'essentiel en montagne. Boire, manger. Voilà. Donc, j'avais le vocabulaire de base. Et puis, j'ai dormi près du feu. Et c'était incroyable.

  • Speaker #0

    C'est tellement chouette, ce genre de moment. Justement, tu vas nous parler du film, du co-documentaire que tu as réalisé. Est-ce que tu peux nous expliquer plus en détail le projet et comment ça s'est déroulé ?

  • Speaker #1

    Alors, le projet... je suis partie sans avoir écrit le film. Ça, c'est un gros point. J'avais des trames d'interviews, des sujets qui revenaient. Je voulais absolument parler avec les personnes que j'ai rencontrées. Je voulais vraiment qu'il y ait une diversité de protagonistes, tant géographiquement que dans leur profession. J'ai interviewé une gardienne de refuge slovéne, une bergère suisse. que j'ai rencontré par pur hasard dans son alpage et que j'ai interviewé sur le moment. Et après, je suis retournée la voir un an après pour passer une semaine dans son alpage.

  • Speaker #0

    C'était vraiment des rencontres qui m'ont marquée et qui continuent de perdurer, et qui perdurent plutôt. Et donc voilà, ça sert à Mona. Il y a Marjorie aussi, qui en fait m'a offert une nuit suspendue au-dessus de la falaise de la tête de chien à Monaco. Et ça, c'était grâce à la bourse XP que j'avais gagnée avant de partir, qui en fait a comme sponsor Petzl. et donc elle est sponsorisée par FEDZEL donc ils ont arrangé ça en gros pour m'offrir une dernière nuit en toute beauté et donc j'ai interviewé Marjorie qui était aussi monitrice d'escalade en milieu naturel et enceinte donc j'avais envie aussi de lui parler de discuter avec elle des injonctions faites aux femmes sportives ce genre de sujet il y a Elisabeth Gerritsen qui est championne du monde de ski freeride et qui a fait son coming out lesbien suite à sa victoire. Et donc, je voulais aussi donner de la place aux minorités de genre. Et voilà, c'est problématique dans l'industrie du ski. J'ai interviewé Federica Mingola, qui est une grimpeuse, initialement une grimpeuse et qui est aussi guide de haute montagne, qui est italienne. Et qui a fait un gros, gros projet cet été, qui était l'ascension du K2 avec une équipe italo-pakistanaise 100% féminine. Et j'oublie, j'oublie, qui j'oublie ? J'en suis à 4 ou à 5.

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas dire, mais ça fait des beaux profils.

  • Speaker #0

    Ah bah non, Alice, mais j'ai oublié Alice. Alice Koldefi, qui est formatrice en secourisme de haute montagne. au PGHM. Et donc là, qui est vraiment une profession où il y a extrêmement peu de femmes. On connaît Marion Poitvin du côté militaire, beaucoup, et Alice qui est côté PGHM et qui a une bonne carrière au PGHM et aussi un engagement féministe assez fort, même si elle reste discrète. Et c'est une personne qui était très peu médiatisée et qui a accepté de répondre à mes questions. Et c'était vraiment un gros privilège de ce côté-là aussi.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est génial. Est-ce que tu avais repéré certaines à l'avance ou c'est vraiment des rencontres au fil de l'eau ? Évidemment, hors la personne à Monaco où l'astéryen est organisée.

  • Speaker #0

    Certaines personnes étaient prévues sur mon trajet. Après, ce qui a été difficile, c'est qu'il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire parce que le calendrier faisait qu'Elisabeth m'a répondu une semaine après mon passage vraiment chez elle. Donc, j'ai dit, on s'est loupé à peu de choses près. Et donc j'ai réalisé deux interviews, trois interviews complémentaires à mon retour. Donc il y a Marjorie que je suis retournée voir à vélo en passant le col de la Bonnette sous la neige, c'était incroyable. Il y a Elisabeth que je suis retournée voir au Lac Léman. Et il y a Fédérica que je suis retournée voir à Turin. Et voilà, donc en fait il y a des interviews qui n'ont pas pu se faire extrêmement dans la fluidité sur le moment. Mais comme c'était déjà prévu, on a juste reporté et puis voilà.

  • Speaker #1

    Donc ça s'est bien géré.

  • Speaker #0

    Ça s'est bien géré.

  • Speaker #1

    Et quelle a été la réaction de ces femmes qui sont à la base pas spécialement médiatisées face à ton projet ? Comment elles l'ont reçu ? Comment t'arrivais aussi à gérer ? Enfin, tu vois, face à la caméra, parfois, c'est pas toujours évident d'interviewer des gens qui n'ont pas forcément l'habitude.

  • Speaker #0

    Justement, face à la caméra, ça, c'était une vraie difficulté que j'ai rencontrée dès le début de mon voyage parce que... En fait, notamment Vania ne se sentait pas légitime de témoigner. Elle se mettait en retrait. Elle disait « je ne suis pas assez bien » . Et donc, il fallait vraiment mettre à l'aise la personne. Et c'était difficile aussi de garder un contact authentique avec la personne quand je suis derrière la caméra. Et que j'ai vraiment envie d'avoir une discussion de personne à personne. Et qu'en même temps, j'ai mon travail. Il y a aussi tous les réglages techniques. il y a Il y avait beaucoup d'enjeux. Et finalement, j'ai trouvé mon équilibre, des fois, en ne mettant juste pas la caméra. En fait, il y a plein de fois où j'ai fait des rencontres et j'ai discuté pendant des heures et des heures avec une personne et je n'ai pas mis ma caméra. Et ça a nourri mon projet autrement, en fait. Mais ça ne l'a pas... Voilà. Des fois, j'ai eu un peu des regrets. parce que forcément tu te dis là il y a une matière incroyable et en même temps je me disais bah oui mais est-ce que cette matière aurait existé derrière une caméra je sais pas donc il faut accepter un peu l'équilibre entre les deux c'est vrai que c'est pas évident c'est pas évident Et voilà, et au contraire, Ramona, qui m'a accueillie dans son alpage, la berrière suisse, c'était ultra fluide, en fait, elle était là. Je suis trop heureuse parce que les médias, ils ne vont jamais nous voir, nous. Enfin, vraiment, ils ne s'occupent pas de nous, on ne voit jamais personne. Je suis trop heureuse, mes enfants vont être trop fiers. Et donc, c'était, en fait, c'était hyper touchant parce qu'elle était tellement authentique. Elle était vraiment, pour le coup, brute de décoffrage. Mais comme j'apprécie aussi rencontrer les personnes, quoi. Sans artifice, du direct. Et c'était incroyable.

  • Speaker #1

    C'est chouette aussi de se dire que tu apportes du coup de la joie aussi à cette personne et qu'elle se sent reconnue. Alors que voilà, globalement, elle se sent pas très reconnue, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et c'est intéressant aussi ce que tu disais sur ce truc de légitimité, qui est un truc que j'ai l'impression d'entendre quand même énormément de la part de femmes. Enfin,

  • Speaker #0

    j'ai le problème de moi-même,

  • Speaker #1

    je ne suis pas une critique, mais c'est vrai que c'est fou comme on a globalement quasi toutes ce truc avec « non, je ne suis pas légitime » .

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr. Après, la légitimité, moi c'est vrai que c'est un sujet qui me tient à cœur, parce que j'ai eu un peu cette prise de conscience quand j'étais à la fac, je me suis dit « mais la légitimité, personne ne me la donnera jamais » . C'est pas quelque chose qu'on va t'apporter sur un plateau en te disant « Tu es légitime, Zoé, tu peux faire ça. » En fait, si tu ne te donnes pas la légitimité toi-même, tu peux ne rien faire, potentiellement. Et donc je me suis dit, j'avais jamais réalisé de film, j'avais jamais tenu une caméra, j'avais jamais réalisé d'interview, quasiment. Et je me suis dit, en fait, c'est ce que j'ai envie de faire, mais ça vient des tripes, c'est vraiment un projet de base qui était personnel. Puis en fait, il a pris une ampleur qui m'a un peu dépassée. Je me suis dit bon, OK, le projet intéresse. Donc, il a une valeur aux yeux des autres et pas que à mes yeux. Donc, je vais lui donner l'ampleur que réclame le peuple.

  • Speaker #1

    C'est trop bien parce qu'au moins, c'est les deux mêlés là pour le coup. Parce que tu ne l'as pas fait pour les autres, tu l'as fait avant tout pour toi. Et en plus, c'est un peu la cerise sur le gâteau. Ça intéresse.

  • Speaker #0

    Carrément, carrément.

  • Speaker #1

    Et si on doit résumer, tu vois, tout ce projet qui est quand même énorme. Du coup, je trouve que moi, ce que j'ai adoré dans ce projet, c'est vraiment le côté sportif, bien sûr, mais voilà, tout le côté humain et évidemment féministe. Et quelles émotions tu vois, tu as traversées au global sur tout ce voyage ?

  • Speaker #0

    Beaucoup de joie, beaucoup de gratitude, de reconnaissance envers les personnes qui me permettent de... de... Parce qu'en fait, je parle de confiance, etc. et de légitimité, mais j'ai aussi tout à fait conscience que j'ai évolué dans un cadre qui me permettait, dès le plus jeune âge, de la sécurité, de l'affection. Et je me dis, en fait, si on n'a pas cette base-là, c'est d'autant plus difficile de sortir de cette zone de confort qui est d'avoir un toit, qui est d'avoir à manger dans le magasin le plus proche, etc. Et donc, oui, je crois que je suis très reconnaissante envers notamment mes parents qui m'ont étudiée. et qui m'ont permis d'avoir ce cadre qui me permet d'avoir envie d'aller voir ailleurs aussi. Et donc, oui, beaucoup de reconnaissance. J'ai eu peur parfois, notamment dans une désescalade d'une falaise en Slovénie. J'ai eu peur avec certains mecs qui n'étaient pas recommandables, mais pas... pas non plus violents ou dangereux de manière frontale. C'est des peurs qui sont ancrées et qui, en tant que femmes, sont difficiles à déconstruire même pendant quatre mois seule dans la montagne. Qu'est-ce que j'ai ressenti d'autre ? C'est déjà pas mal.

  • Speaker #1

    Ça fait jouer un beau panel. C'est chouette. Est-ce que tu penses que c'est un projet qui t'a transformée sur le plan personnel et qui va avoir des conséquences sur ta vie future ?

  • Speaker #0

    En termes de la solitude, c'est une chose que j'appréhende de manière positive. Ensuite, en termes de confiance, pas tellement en confiance en moi parce que je suis quand même partie en me disant que j'avais toutes les ressources en moi pour faire face aux difficultés. Et ça, c'était assez précieux, je pense. Pas en termes de confiance en moi, mais en termes de liberté, de me dire que tout est possible. Et je crois que c'est très, très bateau. Mais je me disais, mais en fait, hors des cadres, quand tu arrives à penser hors des cadres et hors de tous les schémas qu'on t'impose au fur et à mesure dans ta vie, en fait, tu redeviens une enfant qui est capable d'explorer le monde entier juste par curiosité ou par quête de sens ou par... par envie de rencontre et d'épanouissement personnel et de grandissement collectif, de porter ses valeurs au plus haut point, de développer ses idéaux. Et ça, ça m'a donné une grande force, notamment dans l'idée de faire le film, parce que quand je suis revenue, je n'étais même pas sûre de faire le film. Et puis, je me suis dit, en fait, c'est mon rêve, j'ai envie de le faire. Donc, je me suis donné les moyens de le faire, alors que ce n'était pas du tout écrit en termes de trajectoire.

  • Speaker #1

    C'est génial. Et le film, on va pouvoir le voir où alors ?

  • Speaker #0

    Il va passer au mois du documentaire en Isère, donc dans différentes médiathèques en Isère. Donc c'est en novembre. Il y a des dates à Jari, qui est à côté du Gilles, Montrestel, Ile d'Abo, Saint-Antoine-l'Abbaye, Clé, Pont-de-Clay, beaucoup de villes et villages en Isère. Après, j'ai candidaté dans des festivals aussi. Donc il y a une première, on va dire, européenne en Suisse. au Festival des Rencontres de l'Aventure. Et puis, j'en attends de réponse des autres festivals. J'espère Femmes en Montagne. Ce serait top. Et puis, après, il y a plein d'autres festivals. Il y a La Rochelle. En fait, il y en a beaucoup, beaucoup en France. Et ensuite, potentiellement aussi les cinémas, dès que j'aurai demandé le visa d'exploitation pour pouvoir faire une tournée des cinémas.

  • Speaker #1

    Et où est-ce qu'on va pouvoir avoir cette info-là ? Est-ce que c'est sur ton compte Instagram ou il y a un autre endroit ?

  • Speaker #0

    Il y a sur mon compte Instagram, donc c'est zoé.l comme loutre, m comme marmotte, t comme tortue, r comme ragondin et e comme éléphant.

  • Speaker #1

    Je mettrai le lien dans la description si jamais vous n'avez pas saisi cette description animalière. Voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais sinon, je suis en train de travailler sur un projet de site web pour mettre toutes les infos au même endroit. Mais c'est vrai que ça, c'est encore un autre métier et encore une autre corde à mon arc. Et donc, j'y travaille, mais c'est lent. Voilà. Mais il sortira.

  • Speaker #1

    C'est normal, on ne peut pas tout faire à la fois. Trop bien. Et est-ce que tu as encore d'autres projets ? Est-ce que ça t'a donné envie de faire ? un autre projet de ce type en montagne, ou pas en montagne d'ailleurs ? Est-ce que tu as des envies particulières pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas d'idée précise, mais je sais que j'ai envie de continuer à faire un peu des aventures de ce type, plutôt en solitaire, je pense, ou à la rencontre de personnes. Enfin, et c'est encore mieux quand on peut allier les deux. Et voilà. Après, en montagne, ça reste mon terrain privilégié, mais on verra. Déjà je finis le film je me pose un peu parce qu'un film autoproduit c'est pas non plus hyper facile économiquement à assumer derrière et puis donc je vais peut-être aussi me poser un peu, prendre un travail un peu plus stable pour me relancer ensuite dans une aventure un peu moins stable

  • Speaker #1

    C'est bien, c'est un bon équilibre entre les deux Et pour terminer, est-ce que tu as un message que tu as envie de faire passer aux auditrices ?

  • Speaker #0

    Très basique, mais osé. Faites-vous confiance. Pas hésiter aussi à s'entourer des bonnes personnes, de travailler en réseau, parce que finalement, il y a des rencontres qui peuvent changer une vie aussi et donner des trajectoires complètement magnifiques.

  • Speaker #1

    Trop bien. Merci comme message final. C'est parfait. Merci beaucoup Zoé, moi j'ai très hâte de découvrir le film du coup, j'espère réussir à le voir à une occasion ou une autre et puis on va continuer à suivre tes aventures prochaines alors merci beaucoup d'avoir participé à cette interview c'était très chouette

  • Speaker #0

    Merci à toi, toutes ces belles questions et ton accueil

  • Speaker #1

    Avec plaisir,

  • Speaker #0

    à bientôt

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !

Chapters

  • Introduction et présentation de Zoé Lemaitre

    00:08

  • Le projet de traversée des Alpes et ses objectifs

    00:25

  • Préparation de l'itinéraire et gestion des imprévus

    02:25

  • Matériel utilisé et conditions de bivouac

    05:38

  • Distance parcourue et sensations durant l'aventure

    08:14

  • Ravitaillement et hygiène en pleine nature

    09:18

  • Récit de la traversée et rencontres marquantes

    10:36

  • Réflexions sur la solitude et l'autonomie

    13:19

  • Le projet de documentaire et ses enjeux

    29:16

  • Message final et conseils pour les auditrices

    43:16

Share

Embed

You may also like