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Nouria Newman, kayakiste extrême et aventurière | Femme sportive, Sport féminin, Kayak féminin, Aventure

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1h00 |07/10/2025
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1h00 |07/10/2025
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Description

Qu’est-ce qui pousse une femme kayakiste à défier les rivières les plus dangereuses du monde ?


Aujourd’hui, je reçois Nouria Newman, kayakiste professionnelle, ancienne membre de l’équipe de France de slalom et première femme à avoir franchi certaines des cascades et rapides les plus extrêmes de la planète. Nouria, c’est une athlète hors norme, mais aussi une aventurière qui questionne sans cesse son rapport au risque, à la peur et à la liberté.


Au programme de cet épisode :

  • Comment Nouria est passée du slalom en équipe de France aux expéditions en kayak extrême ?

  • Ce qu’elle recherche vraiment quand elle se lance dans une rivière sauvage.

  • Les coulisses de la préparation d’une expédition : logistique, choix des rivières, travail d’équipe.

  • Le solo en kayak : introspection ou mise en danger inutile ?

  • Son rapport au risque et à la peur, et ce que son mémoire de master lui a appris sur la construction sociale du risque chez les femmes.

  • Les défis rencontrés en tant que femme dans un milieu très masculin.

  • Ses projets à venir et son conseil aux sportives qui nous écoutent.


Un échange brut, sincère et riche en réflexions, qui donne envie de se jeter à l’eau… mais surtout de suivre ses propres lignes, que ce soit sur une rivière ou dans la vie.


🔗 Liens:

Suivre Nouria: https://www.instagram.com/nourianewman

Crédit photo de couverture ©JulesDomine


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La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


🔑 Mots clés de l’épisode:

kayak extrême, kayak de rivière, eau vive, sport outdoor, kayak féminin, peur, mental, aventure nature, risques, préparation expédition


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Nouria Newman, une kayakiste hors normes. Après une brillante carrière en slalom, elle a choisi la liberté des descentes extrêmes et des expéditions. Elle est d'ailleurs la première femme à avoir réussi à franchir certains rapides et cascades parmi les plus dangereux au monde. Je suis vraiment ravie de la recevoir aujourd'hui. Aussi un peu émue puisque c'est vraiment l'une des personnalités qui m'a le plus marquée ces dernières années, pas seulement justement pour les performances mais pour sa personnalité et son approche de son sport. Bienvenue Nouria !

  • Speaker #1

    Salut, merci !

  • Speaker #0

    Moi je t'ai déjà un petit peu présentée mais j'aime bien que mes invités se présentent aussi soi-même, donc est-ce que tu veux bien aussi te présenter ?

  • Speaker #1

    C'est toujours dur ça. Je m'appelle Nouria Nouria.

  • Speaker #0

    Ça c'est pas simple.

  • Speaker #1

    Je vais avoir 34 ans et je suis kayakiste professionnelle. Donc aujourd'hui, mon métier, c'est de descendre des rivières un peu partout dans le monde. Et ça tombe bien parce que j'adore ça.

  • Speaker #0

    C'est un métier original ça. Est-ce que tu peux nous parler déjà de tes débuts en fait en kayak ? Comment tu en es venue à cette discipline ?

  • Speaker #1

    Et moi, j'ai vraiment commencé le kayak, on va dire, par un parcours ultra classique, c'est-à-dire en rejoignant le club qui était à côté de chez moi. Du coup, en France, on a quand même un milieu associatif qui est vraiment bien pour pouvoir faire des sports qui sont assez onéreux, qui nécessitent beaucoup de matériel. Et du coup, en fait, jeunes, on a la possibilité comme ça, en activité extrascolaire, de prendre une licence dans un club de sport à côté de chez soi et d'essayer au kayak, au ski. Moi, j'habite en Savoie, donc c'est vrai qu'on est vraiment privilégiés. sur le nombre d'infrastructures au niveau sportif et aussi par la nature qui nous entoure. Donc c'est vrai qu'on a accès à beaucoup de sports outdoor et donc j'ai pu commencer comme ça au club de kayak. Donc on te prête du matériel, le bateau, la paillette. On a un entraîneur qui nous apprend à naviguer et après de fil en aiguille, souvent on est orienté assez tôt. sur les disciplines traditionnelles de compétition, qui étaient le slalom et la descente. Et donc, pendant pas mal d'années, j'ai vraiment suivi le parcours classique en slalom, les compétitions nationales, de monter dans la première division, les passages en équipe de France et jusqu'au niveau international, Coupe du Monde, les championnats du monde.

  • Speaker #0

    T'as un palmarès vraiment impressionnant en slalom, et qu'est-ce qui t'a poussé à arrêter ça pour te tourner plutôt vers les expéditions ?

  • Speaker #1

    En slalom, c'était assez mitigé. J'ai toujours eu quelques bons résultats qui suffisaient justement à garder la motivation et l'espoir, mais j'ai eu énormément d'échecs. J'avais du mal à faire mes réglages de distance, il ne faut pas toucher les portes, il ne faut pas les rater non plus. Et j'avais du mal aussi à essayer d'aller moins vite pour assurer. Donc, j'ai vraiment une carrière avec soit des bons résultats, soit des grosses sorties de route. Et donc, beaucoup plus d'échecs que de réussites. Et à un moment donné, j'ai eu quelques années compliquées sur le plan personnel. Et du coup, sportivement, j'ai eu du mal à... à suivre et à ce moment-là, je n'étais pas forcément dans les meilleurs critères de résultats. Du coup, les gens à la fédération, à ce moment-là, ils ont décidé de ne plus croire en moi. Donc, j'ai peu à peu perdu le droit de m'entraîner en structure, mon entraîneur. Et donc, le choix s'est un peu fait aussi pour moi parce que je pense que je n'aurais pas forcément eu le craint de tout quitter. En fait, tu fais ça depuis tellement d'années, tu as une routine qui est déjà bien installée, tu te lèves, tu vas à l'entraînement, tu rentres chez toi, tu fais de l'analyse vidéo, tu repars pour une deuxième, voire une troisième séance, et en fait, du coup, tu es habitué comme ça, et de quitter ça, ça fait peur, puisque du jour au lendemain, tu te lèves, et puis en fait, tu passes la porte avec tes affaires pour aller à l'entraînement, et non, tu n'es plus en Pôle France, tu n'as plus d'entraîneur, et donc tu n'as plus de... créneau d'entraînement, t'as plus de lâcher d'eau sur le bassin et donc ça a été un changement assez radical mais je pense qu'au final, je remercie les gens qui pensaient que j'étais trop lente et trop vieille parce qu'ils m'ont permis de transitionner plus rapidement sur le kayak de rigueur et c'est quelque chose que je faisais déjà en parallèle.

  • Speaker #0

    depuis toute jeune. Parfois, il y a des choses qui ne semblent pas très bien sur le coup et en fait, sur le long terme, c'est plutôt positif. Qu'est-ce que tu as trouvé dans cette nouvelle pratique et aussi dans la pratique de l'enduro, puisque tu es récemment devenue championne du monde, que tu ne trouvais peut-être pas forcément dans le slalom, parce que c'est quand même super différent ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qui me plaît aujourd'hui dans ma pratique... du kayak extrême et donc du kayak en pleine nature. C'est quelque chose que je retrouvais en slalom au début parce qu'on avait beaucoup de courses sur des bassins naturels. Et c'est vrai qu'avec les Jeux Olympiques et les critères du CIO, du coup, la pratique du slalom en eau vive et maintenant du kayak cross, qui sont les deux disciplines olympiques en eau vive, elle s'est artificialisée. presque plus aucune compétition sur bassin naturel ou semi-artificiel. Et donc, c'est vraiment des stades de vives où, en fait, c'est presque comme des piscines fermées avec une fausse rivière. Et l'eau, elle arrive en bas, elle est remontée par des pompes et ça coule continuellement. Et donc, ce n'est pas tout à fait les mêmes sensations. Souvent, les berges, c'est en béton, ce n'est pas du tout ce qu'on trouve sur une rivière. Pas d'arbres, je ne vois pas forcément les montagnes. Et je pense que maintenant, de par ma pratique en milieu naturel, je pense que je retrouve aussi ce pourquoi j'ai commencé Keck. C'était vraiment pour un moyen de transport et de faire une activité aussi en pleine nature. Nous, en Savoie, on a des rivières qui sont magnifiques. L'eau, elle coule. En été, elle est bleue. Quand elle est crue, elle est marron, mais il y a plus de débit. Et du coup, c'est plus amusant. Et donc, de retrouver vraiment un peu la source et l'essence même du kayak en eau vive.

  • Speaker #0

    Ça a l'air effectivement très, très différent. Et quelles émotions, toi, tu recherches quand tu es sur ton kayak, justement, et au milieu d'une rivière naturelle comme ça ?

  • Speaker #1

    Les émotions qu'on veut chercher, je pense que ce qui est assez incroyable, dans cette activité c'est justement de pouvoir vivre plein d'émotions différentes et donc forcément on va chercher des sensations de colis, de passer un bon moment dehors avec des amis et après il y a aussi tout un spectre d'émotions et de sensations qui sont peut-être peut-être moins gratifiantes instantanément. En anglais, ils disent « the type to fun » où tu souffres un peu et après tu en tires de la satisfaction. Je trouve que quand tu es face à une descente qui est longue et éprouvante et que tu es fatigué et qu'au final tu dépasses ça pour y arriver, ou même un rapide qui te fait peur et où tu arrives à trouver les solutions, surmonter un peu tes peurs pour y arriver, c'est aussi très gratifiant. Du coup, je pense qu'il ne faut pas forcément s'attacher à une émotion, mais peut-être valoriser un peu tout et aussi apprendre à apprécier quand il fait froid, quand tout est gelé autour. Parce que c'est sûr que le kayak en plein hiver, mois de décembre, ce n'est pas toujours hyper agréable. Mais en fait, si tout repasse, le fait que tu as super froid aux mains et que tu es enmitouflé et que du coup... tu as du mal à bouger parce que tu as décidé de mettre une doudoune sous ta combinaison étanche. Si tu te rebasses, tu te rends compte que les lumières en plein Niger ne sont pas du tout pareilles que sur le reste de l'année. Souvent, il y a de la brume, tu vas naviguer, puis il va y avoir des stalactites de glace sur les berges. Ce sont des choses aussi qui sont assez appréciables. Mais pour les affrester, il faut aussi passer par le pôle. froid et un peu la galère.

  • Speaker #0

    Ça en fait toute la beauté à l'arrivée. Et comment est-ce que tu trouves l'équilibre dans ta vie entre tes expéditions où j'imagine que c'est quand même assez régulier et tu vas assez loin, et ta vie quotidienne qui est peut-être plus calme. Je ne sais pas si c'est plus calme d'ailleurs, mais peut-être un petit peu quand même.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop si c'est vraiment un équilibre. En fait, c'est juste que quand tu pars Au bout d'un moment, tu es tellement dans l'inconfort et tu continues de pousser que quand tu rentres, tu es content, c'est confortable, tu reprends une routine. Et puis au bout d'un moment, quand tu rentres, tu as envie de repartir parce que... Forcément, en France, on n'a pas toujours les meilleures conditions d'entraînement et de débit. Donc, ça va vraiment être plutôt une alternance entre les deux. Et peut-être finalement, l'équilibre, c'est de passer de l'un à l'autre assez régulièrement.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. Et comment est-ce que tu choisis justement ces destinations ? J'imagine qu'il y a des rivières qui sont plus adaptées à ce que tu veux faire. Mais comment spécifiquement tu vas choisir vraiment les endroits de la rivière où tu veux aller ou les rivières ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a des destinations qui sont déjà très connues et qui font vraiment partie un peu de l'histoire du Québec de rivière. Et donc, forcément, c'est des premières dessins, des choses qui ont été faites peut-être dans les années 90, parfois avant. Et on a envie de s'y confronter ou d'en faire l'expérience. Et donc, il y a des destinations, c'est un peu les... les benchmarks du kayak extrême et on a envie d'y aller. Il y a le Coran Kangen de la Stikine, il y a l'Indus au Pakistan, il y a les descentes très classiques au Népal, Toulibéri, Doudkossi, Oumla Karnali. Et donc il y a des choses comme ça dont on rêve et dont on a entendu parler depuis tout jeune. Et donc ça, on a envie d'y aller. Et après, il y a toute une partie où on a envie d'aller faire quelque chose de nouveau, de découvrir. offrir d'autres choses par nous-mêmes. Et donc là, vraiment, on va choisir peut-être un pays qui nous intéresse, soit par la culture, soit par rapport à des spécificités un peu géographiques et géologiques. Et de là, en fait, on va passer pas mal de temps à geeker sur Google Earth et à regarder des images satellites, à regarder les cartes, les profils de dénivelé. Et puis, des fois, on trouve des rivières qui nous font rêver, puis on a envie d'aller voir si c'est bien. Et ce qui est toujours un peu compliqué avec ça, c'est que des fois, on trouve vraiment une pépite, mais souvent, c'est pourri. Mais il n'y a qu'un seul moyen de savoir si ça vaut le coup ou si c'est pourri, c'est d'aller voir. Et là, c'est un peu comme ce qu'on disait tout à l'heure sur les émotions ou ce que tu apprécies ou pas. C'est qu'en fait, même si la rivière, parfois, tu n'as pas trouvé le... prochain classique ou la prochaine rivière qui sera répétée plein de fois, et bien c'est pas grave il faut apprécier le fait d'être allé voir avec ton équipe et d'avoir essayé de découvrir un endroit nouveau.

  • Speaker #0

    C'est vraiment chouette ça comme approche. Et quelles sont après du coup toutes les étapes de la préparation ? Moi j'ai vu tes films. Et ça m'impressionne à chaque fois de se dire, mais ça doit être tellement d'organisation pour y aller. Du coup, le repérage, t'en parlais, même après la logistique, ça veut dire qu'il faut quand même transporter des kayaks. Est-ce qu'il y a besoin aussi d'autorisation pour aller naviguer sur les rivières ? Comment tu constitues des équipes ? Comment tu prends en compte la météo ? Tout ça, j'imagine que c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Il y a pas mal de recherches à faire en amont. En fait, souvent, ce qu'on voit, c'est vraiment juste la descente de rivières. Mais toute la préparation en amont, des fois, on est bien organisé et on fait les choses un, deux ans, trois ans à l'avance. On commence à prendre des infos. Parfois, c'est un peu plus à l'arrache. Et moi, souvent, j'étais très, très à l'arrache. L'avantage de partir moins bien préparé, c'est que souvent, tu es plus flexible et tu as moins d'attente. Donc, ça peut être... Ça peut être bénéfique. Souvent, ça n'allait pas. Je me rends compte que plus on est préparé, mieux c'est. Parce qu'en fait, on a aussi fait des recherches sur nos plans B. Et du coup, ça, c'est vraiment primordial pour changer de rivière ou pour les accès. Mais souvent, déjà, on repère un endroit. Après, il faut gérer la logistique, le transport. Dans certains endroits, il y a des permis à avoir. Donc, il faut trouver un contact. local pour avoir les permis. Il y a des fois où on a passé des heures et des heures à aller dans les bureaux d'un politique à un autre pour essayer d'avoir une autorisation. Il y a des fois où on essaye d'y aller sans autorisation et du coup on finit par visiter les commissariats. Donc ça c'est des arbitrages aussi à faire et toujours essayer de... de respecter au maximum les règles ou en tout cas si on ne les respecte pas d'assumer mais que ce soit pas au détriment de quelqu'un d'autre donc il faut toujours faire gaffe aussi est ce qu'on a des points de contact sur place des gens qui vont nous aider Que ce soit des pagailleurs locaux qui ont les informations, ou des personnes qui vont nous conduire pour les navettes, ou peut-être juste le fermier du coin, ou les gens qui habitent sur place qui vont nous aider pour les informations, parce qu'au final, c'est eux qui savent le mieux sur les niveaux d'eau, sur est-ce qu'il y a des rapiers, est-ce que c'est engorgé. Il y a beaucoup de fois, en fait... Des fois, notre seule source d'information plus ou moins fiable, c'est un pêcheur qui est allé marcher par là-bas il y a sept ans. C'est incroyable. Cette année, on a dû faire un accès. Et du coup, c'est un indigène qui nous a montré le chemin d'accès. Et en fait, il n'était pas passé par là depuis plus de huit ans. Et il s'en souvenait super bien. Et on était là, t'es sûr, t'es sûr. Il nous a amenés à la rivière par un chemin qui était beaucoup plus efficace et beaucoup plus court que nous, ce qu'on aurait fait via la carte. Donc il faut aussi apprendre à lâcher prise et à vraiment faire confiance aux locaux. Et puis des fois, ça ne marche pas. Des fois, ils peuvent se perdre, il y a toujours plein de choses. Donc ça, ça fait partie un peu des aléas. Mais sur la logistique, tu as toute la préparation en amont. et après sur quoi ? place à aussi accepter l'aide de toutes les personnes qui sont disposées à t'aider.

  • Speaker #0

    Ça fait quand même plein de compétences et plein de choses à gérer. Tu n'as pas uniquement à pagailler et je mets vraiment de gros guillemets parce que vu les conditions dans lesquelles tu le fais, c'est déjà dingue, mais disons qu'il y a vraiment beaucoup de choses autour. Et parfois, tu voyages en solo, parfois en équipe. Est-ce que tu as une préférence pour l'un ou l'autre ? Est-ce que tu aimes bien alterner ?

  • Speaker #1

    Alors le solo c'est toujours très controversé parce que du coup tu as... pas de filet de sécurité. En fait, si tu as un problème, tu es tout seul. Il n'y a personne qui peut te venir en aide. C'est vite compliqué. Sur les prises de décision aussi, souvent, quand on arrive sur un cours rapide, on discute les uns avec les autres. Alors, l'avantage d'être en solo, c'est que tu n'es pas forcément influencé par le regard des autres. Et ça, vraiment, en fonction des équipes, des fois, tu es avec quelqu'un qui est... un peu trop optimiste ou pessimiste qui va vraiment focaliser sur tous les dangers. Et du coup, toi, ça va influencer tes choix et tes prises de décision. Donc là, forcément, t'as pas ça. Mais souvent, en fait, on part avec des gens qu'on connaît bien, en qui on a confiance. Et justement, ce point de vue du copain, il va venir nous aider dans notre analyse et on va discuter de telle ligne, tel mouvement d'eau. Est-ce que tu penses que ça ? Tiens, moi je vois ça, si quelqu'un voit une autre ligne, on va souligner les avantages et les inconvénients de chaque ligne et ça va nous aider à être potentiellement plus précis, nous, et plus juste dans notre lecture de l'eau. Donc on n'a pas ça en solo, on n'a pas justement cette option de se rater. Et ce qui est beau aussi, c'est que du coup on est entièrement responsable. de ses choix, de sa sécurité. Et il faut être juste parce que ça ne pardonne pas toujours. Donc il y a quelque chose qui est assez fou avec le solo, c'est que finalement, c'est presque plus dur et tu vas vraiment devoir être en phase avec tes prises de décision et les prises de risque. Moi, j'aime bien le faire de temps en temps. Ce qui me plaît, c'est que c'est presque aussi une introspection d'une certaine manière. Tu vois vite là où tu en es. Tu ne peux plus te cacher derrière peut-être le copain qui peut te ramasser à la corde en bas du rapide. Et donc, tu vois vite où tu en es sur ton niveau technique, physique, sur est-ce que tu es fort dans ta tête, est-ce que tu as le mental ou pas. après C'est une pratique hyper engagée qui n'est pas recommandable. La règle, c'est de jamais faire du kayak tout seul. Mais en même temps, la meilleure sécurité, c'est de ne pas se rater et de prendre les bonnes décisions pour ne pas avoir besoin de sécurité. Donc, à la limite, ça peut aussi faire partie d'une démarche et d'une progression, même si elle n'est pas... entendue et comprise par tout le monde.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et comment tu fais justement avant, donc tu disais déjà de toute façon que tu repères sur Google Earth vraiment en amont du voyage, mais une fois que tu es sur place, comment tu arrives à lire la rivière, à savoir qu'à tel endroit, il va y avoir assez d'eau pour que tu y ailles ? Donc le courant va être de telle manière, est-ce qu'il y a vraiment des techniques ? J'imagine que tu demandes du coup comme ce que tu disais aussi à des personnes, mais comment tu fais ? J'imagine que c'est quand même compliqué.

  • Speaker #1

    Alors après, vraiment sur les zones, en fait, tu vas arriver à ton départ de rivière. À partir de la carte, à partir de tes recherches sur les périodes, saison des pluies ou fond des neiges au printemps, tu vas avoir une estimation du niveau d'eau. Et en fait, quand tu vas à la première rivière de ta zone géographique, là, ça va te donner une idée. En fait, tu sais à peu près, tu as regardé sur la carte, tu as une idée de la taille du bassin versant, de la taille de la rivière. Et donc, tu vas arriver à cette rivière-là, tu vas voir l'eau qui coule et tu vas aussi voir les lignes de crues, du débit maximum. Et tu vas voir aussi s'il y a trop de cailloux pour qu'un kayak passe. Et après, il faut toujours prendre en compte que des fois, tu peux commencer une rivière, c'est affreux. Il y a plein de cailloux partout et du coup, tu vas gratter, comme on dit dans le jargon, mais tu vas devoir taper un peu tout le temps les cailloux. Mais s'il y a plein d'affluents qui arrivent, en fait, tu peux commencer dans une rivière toute petite et au bout d'une cinquantaine, d'un certain nombre de kilomètres, en fait, avec d'autres affluents. elle peut devenir très grosse, voire très volumineuse. Et donc ça, tu vas aussi le prendre en compte dans ta descente et en regardant les profils de dénivelé de la rivière, on a à peu près l'habitude que si tu n'as pas beaucoup de débit, tu vas avoir 5% de pente. C'est quelque chose qui se fait relativement bien, mais qui va prendre du temps. À partir du moment où tu as du gros débit, là, 5% de pente, tu sais que ça ne passe plus du tout parce qu'en fait... C'est trop raide. Et donc, tu vas estimer un peu tout ça. Mais c'est vrai qu'avant d'être au départ de la rivière, tu ne sais jamais trop. Parfois, tu as des phénomènes de crues où tu embarques sur une rivière, le niveau d'eau est bon, il pleut. Et là, la rivière peut monter d'un mètre, deux mètres et être plus navigable. Donc, il faut aussi, avant d'embarquer sur une rivière, étudier tes possibilités de points de sortie. Tu sais que si tu t'engages trop loin dans un canyon et qu'il n'y a plus de point de sortie, il faut le faire avec peut-être de la nourriture en plus ou prendre des cordes pour avoir une solution ou vraiment aller repérer le canyon avant pour savoir combien de temps tu peux mettre et le faire le plus vite possible. Et donc ça, après, c'est des arbitrages à faire. C'est presque plus stratégique que sportif finalement sur des projets comme ça.

  • Speaker #0

    Il faut que tu aies vraiment tous tes plans abaissés, prêts et que tu saches comment réagir. Et c'est très physique aussi forcément, tout ce genre de passage. Comment est-ce que tu te prépares physiquement ? Est-ce que tu as une préparation physique spécifique en plus du kayak ?

  • Speaker #1

    Alors, moi j'ai fait longtemps du slalom. Donc avec le slalom, tu as vraiment une prépa physique un peu traditionnelle où tu fais kayak, muscu, footing. Et quand j'ai arrêté, moi, j'ai fait une allergie à la salle de sport. Parce qu'aller en salle, c'est quelque chose que je n'aime pas. Mais alors, aller en salle, les salles normales, ça me déprime, en fait. Je n'aime pas trop, mais je m'y remets doucement parce que c'est important aussi de faire du renforcement et de la prévention pour les blessures à l'épaule, notamment. Mais du coup, quand j'ai arrêté, j'ai vraiment réorienté mon entraînement combiné sur d'autres disciplines et aller faire d'autres sports et plutôt des sports outdoor où je suis nulle. Et du coup, c'est trop bien parce que j'arrive à me mettre très mal dans des situations qui ne sont pas dangereuses. Je vais faire de l'escalade, je vais avoir peur, je vais avoir très mal au bras. En fait, il ne peut rien m'arriver. Et du coup, ce qui est bien, c'est que...

  • Speaker #0

    C'est vrai que pour toi, c'est pas mal, ça te fait un bon équilibre.

  • Speaker #1

    Et ouais, tu peux travailler des trucs qui vont te servir pour le kayak. Parce qu'en fait, tu tires sur une crise, c'est autrement plus intéressant que de soulever une barre en muscu. T'as plus d'angle pour les épaules. Il y a des trucs à tenir. En fait, c'est presque plus intéressant pour travailler les muscles profonds et le gainage. Et du coup, en faisant un peu d'escalade, du ski de rando, marcher, courir, un peu toutes les opportunités qui se présentent à moi en dehors. du kayak et beaucoup de kayaks.

  • Speaker #0

    C'est très complet au final. Et au niveau mental, est-ce que tu as des techniques mentales particulières pour vraiment être dans les meilleures dispositions possibles, en tout cas, avant un passage que tu sais qui est vraiment difficile ?

  • Speaker #1

    Au niveau mental, j'ai fait un peu de prépa mental quand je faisais du slalom. Quand j'ai eu des coups durs, j'ai eu un suivi avec que... avec des psychologues. Et du coup, déjà, ces gens-là, ils sont compétents dans leur domaine. Donc, souvent, ils vont t'apporter des outils. Et quand ça ne va pas, ou si je sens que j'ai des besoins, je n'hésiterai pas à retourner consulter et être accompagnée, en tout cas, dans ce domaine-là. Après, c'est dur, en étant athlète professionnelle, de tout faire. Ce qu'on ne voit pas, c'est que c'est sûrement mon métier, c'est de descendre des rivières, mais il faut penser les projets, faire en sorte qu'ils soient faisables, les vendre, donc les pitcher, qu'ils soient acceptés, les monter de A à Z, les réaliser. Et encore toute une partie aussi à gérer sur ce qui est un peu le rendu, en fait. C'est qu'on va être soutenu pour un projet, mais derrière, il faut... Il faut fournir des images, des histoires, des vidéos. Donc, il y a tout un suivi de ça. Et finalement,

  • Speaker #0

    ça prend beaucoup de temps.

  • Speaker #1

    C'est ce que les gens ne voient pas trop. Mais moi aussi, je dois faire ma compta et tous les trucs pénibles. Je suis vraiment nulle à ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, il faut faire des arbitrages. aller chez le bustéo ou avoir un suivi ou monter un projet. Et le temps, c'est vraiment quelque chose qui manque. C'est peut-être ce qui manque le plus. Mais après, sur les techniques, au-dessus d'un gros rapide, il y a beaucoup de visualisation. Et je pense que le slalom, c'est un super outil pour ça. Parce qu'à mémoriser des portes, en fait, après, quand tu dois mémoriser des rapides, des mouvements d'eau, finalement, sur une manche de slalom, tu sais... où tu vas mettre chaque coup de pagaie si tu dois le décomposer. Et donc finalement, en kayak de rivière, c'est la même chose, sauf qu'il n'y a pas de porte, mais il y a des vagues, il y a des rochers, il y a des lignes. Donc beaucoup de visualisation. Et après, quelques exercices de respiration, de la cohérence cardiaque, aussi réussir à faire baisser le rythme. Quand on est stressé, anxieux, au-dessus d'un rapide, souvent on sent que ça tape fort. Et du coup, il y a des fois, au moment où justement je visualise ma ligne et je me prépare, je me mets dans ma bulle, je vais aussi être concentrée sur le fait de faire redescendre ma fréquence cardiaque et d'être calme parce qu'une fois qu'on part, on a des mouvements à faire au bon moment. Et je trouve que quand tu es stressée, tu as tendance à tout faire trop vite. Et en tout cas, moi, j'accélère trop. Et du coup, en faisant tout trop vite, je perds parfois les timings. je fais mes mouvements trop tôt et ça va me faire avoir une mauvaise ligne. Donc vraiment, cette partie-là de prendre ton temps pour faire tes 10 respirations et te poser, c'est quelque chose qui m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Et j'ai quelques questions sur la gestion du risque. Déjà, ce qui est ultra intéressant, c'est que tu as fait ton mémoire de master sur la construction sociale du rapport au risque des femmes. Forcément, c'est un sujet qui me parle pas mal dans ce podcast. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ce mémoire et de ce que tu as découvert ?

  • Speaker #1

    Alors moi, j'étais assez en retard sur mon sujet de mémoire, mais j'avais pour idée de m'intéresser pas que aux kayaks de rivière, mais aussi pour des raisons de temps et pour mener les interviews de manière plus simple. J'ai fait le choix de me recentrer sur le milieu du kayak de rivière. Et en fait, c'était vraiment ce constat où j'ai eu un entraîneur de club assez jeune qui était incroyable, qui s'appelait Anthony Collin, et qui m'a formée. Et la génération après moi, il y avait énormément de filles aussi. Il y avait presque 50% de garçons et de filles dans ce petit club local, qui était assez étonnant par rapport aux statistiques de la fédération.

  • Speaker #0

    Et en plus, souvent, on venait nous voir et on nous disait « Ah, mais vous, au club, vos filles, elles n'ont pas peur. Comment vous faites pour que vos filles, elles n'aient pas peur ? » Et c'est quelque chose qui est resté. Et je me suis toujours posé la question. Je me disais « Mais il n'y a pas à voir. » Je ne pense pas qu'il y ait de raison biologique sur le fait qu'une petite fille ait plus peur qu'un petit garçon. Ça me semblait absurde puisque les jeunes... de vie de 9-10 ans qui étaient au club quand moi j'étais dans ma vingtaine, elles n'avaient pas peur et du coup je me suis dit que c'était peut-être juste socialement construit et du coup je me suis basée sur la sociologie du genre et les travaux de Christine Ménesson sur le football et la boxe et c'était ma directrice de mémoire du coup. Et après, il y a une sociologue néo-zélandaise, Olly Torck, qui a fait plus de recherches dans le milieu des sports extrêmes. Elle a fait sur le snowboard, le DTT. Et donc, en me basant là-dessus, et après avec les classiques de Bourdieu, la théorie des champs, je me suis dit qu'en fait, en fonction de ta position dans l'espace social, tu n'allais pas forcément avoir le même rapport au risque. Et en fait, je me suis rendu compte que dans les filles qui étaient plus engagées dans leur pratique du kayak de rivière, souvent elles avaient eu des socialisations indifférenciées, donc à soit accompagner leur père, soit suivre les grands frères, soit vraiment des parents qui ne faisaient aucune différence entre les petites filles et leurs frangins. ou les copains. Et l'autre chose que j'ai vraiment pu observer, c'est que les filles qui avaient fait une activité à haut niveau dans un autre sport, quand elles se mettaient au kayak, pareil, elles avaient un niveau d'engagement plus élevé et une meilleure compréhension de l'environnement qui les entourait. Et aussi, plus confiance en elles. Et donc, ça, c'est important. processus de socialisation secondaire en fait par leur pratique du haut niveau mais j'avais une fille qui était championne d'aïdao de rodéo à cheval une autre qui était pom pom girl et qui avait fait pom pom girl en Californie jusque top championnat des lycées et pareil en fait c'était marrant de voir les transferts qui avaient été faits et comment elles avaient vécu les choses et du coup oui le rapport Alors... au risque et je pense enfin je suis sûre mais après ça peut toujours être discutable il y aura toujours d'autres théories et c'est ce qui est beau aussi avec les sciences sociales c'est qu'il y a toujours plusieurs écoles et on voit toujours aussi les choses par rapport à notre propre prisme mais ce que je trouvais assez fou c'est qu'en fait des fois il n'y a pas de raison pour cette peur et je pense que c'est transférable en vélo, en montagne mais c'est vrai que quand on grandit et moi je me souviens m'être explosé la face sur une grosse chute et du coup je me suis cassé le nez mais en prenant la falaise vraiment ça m'avait arraché la peau du visage et à l'école ils me surmenaient Scarface et ma mère elle m'a appelé Croutard mais c'était hyper choquant alors qu'un qu'y a un mec qui se pète le nez et qui... qui se prend une bulle dans la face ou qui a un œil au bernois, ça ne fait jamais le même effet. Et donc, c'est vraiment des choses qui sont omniprésentes dans nos sociétés et auxquelles on ne fait même plus gaffe. C'est presque normal. Mais moi, des fois, quand il y a une petite au kayak qui galère à porter son bateau, je vais être là, t'es sûre, ça va, je te file un coup de main. Et peut-être que je le fais, je pense que je le fais aussi avec les petits garçons. Mais peut-être que inconsciemment, je le fais plus avec les petites filles parce que c'est la société qui veut ça. Et donc, toujours essayer de se poser les questions. Et je pense qu'il y a énormément de barrières. Il y a des différences d'opportunités entre les hommes et les femmes. Je pense qu'il y a des accessions à un certain niveau de pratique qui sont plus difficiles. Et je pense qu'en kayak de rivière, quand tu es une femme et que tu veux faire des rivières très compliquées, il faut quand même plus faire tes preuves que quand tu es un gars. Il y a aussi des facteurs très objectifs là-dessus. C'est qu'il faut prouver aux gars que tu peux tirer sur une corde, que tu peux les sortir, que toi aussi, tu es suffisamment costaud pour les secourir. Et des fois, il y a aussi des facteurs un peu subjectifs où eux, ils ne vont pas te voir comme quelqu'un de fort et du coup, tu vas plus devoir prouver. Mais inversement, moi, cette année, j'ai emmené un gars. Il avait une barbe et tout. C'était censé être un méga aventurier. Et du coup, je me suis dit, c'est bon, on va faire telle section de rivière et ça va aller. Et au final, on a fait la section de rivière et il s'est mis une énorme boîte. Et je m'en voulais parce qu'au début, je lui ai dit, c'est bon, t'es OK. Si jamais tu te renverses, tu fais ça, ça, ça. Surtout, tu lâches le matos et je te ramène au bord. Et en fait, il a paniqué, il n'a rien lâché. Il n'a rien fait de ce que je lui avais dit de faire. Mais sur le coup, il m'a répondu avec une assurance déconcertante. Ouais, t'inquiète. Et en fait, c'est devenu dangereux. Et donc, tu vois, ces représentations un peu mentales, elles vont dans un sens, mais aussi dans l'autre. Et dans les deux cas, en fait, c'est problématique.

  • Speaker #1

    Ouais, totalement. Et est-ce que toi, comment tu gères le côté risque, le côté peur ? Parce que forcément, oui, tu prends des risques. Et forcément, tu as peur vu ce que tu fais. Mais comment tu gères cet aspect-là ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les risques, vraiment, moi, j'essaye d'être la plus objective possible. En fait, on va arriver sur un rapide et je vais vraiment essayer d'identifier les dangers et de dire, OK, là, ça peut me faire avoir une mauvaise ligne, mais je passe à travers et finalement, c'est un peu risqué, mais au pire, je vais taper. Ça, ça va me retenir, c'est foutu, ou si je finis là, c'est un danger de mort. Et après, en fonction de ça, parce que souvent les gens, quand ils pensent au risque, ils pensent juste à la conséquence. Et par exemple, le risque, tu te rates, et tu finis dans tel endroit, tu te noies, t'es mort. Et en fait, ils oublient que le risque, c'est pas juste la conséquence, il y a aussi un facteur statistique, c'est... Ouais, mais est-ce que tu vas finir dans tel endroit où il y a un danger de mort ? Si tu es sûre que tu vas avoir une bonne ligne et que tu vas passer à 15 mètres plus loin que cet endroit-là, normalement, finalement, le risque est assez faible, même si la conséquence, si tu te rates, elle peut être fatale. Et donc, c'est vraiment cet arbitrage-là que j'essaye de faire. C'est d'abord regarder, essayer de bien identifier tous les dangers et après, de savoir si, oui, en effet... je trouve que ce mouvement-là, il est trop aléatoire et que ça ne me plaît pas parce que je ne suis pas certaine d'être en contrôle à ce moment-là pour passer telle vague ou passer du bon côté du caillou, je ne vais pas le faire. Et pour autant, avec une conséquence similaire, si j'estime que là, c'est bon, je suis sûre de moi, je vais passer et ça ne va pas être problématique. Donc, c'est vraiment un peu, c'est un calcul. Et le calcul n'est pas pareil pour tout le monde parce qu'on n'a pas tous, déjà on ne voit pas tous les mêmes dangers. Donc ça c'est aussi pour ça que c'est important d'être en équipe et de se parler et aussi d'apprendre les uns les autres. Et après on n'a pas tous les mêmes points forts. Moi je sais que j'ai des copains, je sais exactement que pour passer des rouleaux, ils sont très très forts et ils passent. tout le temps super bien alors que moi ça va peut-être être un de mes points faibles et du coup c'est pas parce qu'eux ils sont motivés pour faire ce rapide là que moi je dois me sentir obligée de le faire et du coup il y a plein de fois quand t'es avec un groupe qui se connait très bien et qui fonctionne très bien en fait tu vas avoir une personne qui fait un rapide très dur mais le rapide d'après qui est peut-être moins dur il va pas se sentir et c'est peut-être une autre personne qui va le faire et en fait chacun va un peu choisir et les rapides qu'il veut faire ou porter, et les différentes lignes en fonction de ses préférences, des habiletés et aussi de son calcul de risques et de conséquences.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, c'est vraiment individuel et il n'y a pas d'égo qui tienne. Tu fais ton choix en fonction de toi et point.

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours dans le meilleur des mondes parce qu'il y a toujours un peu des fois des dynamiques d'égo où tu as envie de le faire. L'ego souvent on le voit comme quelque chose de négatif, c'est un peu comme la peur, on le voit toujours comme quelque chose de négatif, de paralysant. Et en fait, je pense que l'ego et la peur, ça peut être des choses qui sont moteurs. En fait, la peur, déjà, ça te permet de prendre les bonnes décisions. Si tu n'as peur de rien et que tu penses toujours que tu peux tout faire, il y a un moment donné, tu vas en payer le prix parce que tu n'es pas forcément en phase avec le risque, justement. Et le fait d'avoir peur, ça te permet de bien identifier les dangers. Et l'ego, ça peut aussi être quelque chose de moteur dans le sens où... À un moment donné, si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas un peu d'ego, t'engager dans une pratique un peu plus dure ou même la volonté de progression, c'est quelque chose qui va de pair avec l'ego. Si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas envie de t'améliorer, et ça, ça vient de l'ego, finalement, tu restes dans une pratique où tu vas... progresser soit très doucement, soit stagner. Et donc, on a tous, je pense que tous les sportifs et tous les gens qui pratiquent un peu des sports ou même d'autres choses à un niveau plus intense, il y a de l'ego et c'est ça qui est dur aussi, c'est toujours se poser la question, attends, je le fais parce que j'ai envie de prouver à quelqu'un que je suis capable de le faire ou je le fais vraiment pour moi parce que la ligne, elle me plaît. Ou est-ce que je le fais parce que là, il y a les caméras, c'est mon boulot et puis il faut y aller ? Et en fait, ce serait hypocrite de dire que tu es toujours dans la pratique, la forme la plus pure et que tu fais toujours les choses pour toi et pour les bonnes raisons. Parce que je pense qu'il y a forcément des moments où on fait les choses pour les mauvaises raisons. Des fois, tu veux impressionner tes copains, faire le clown et c'est là où... ou des fois ça se passe pas comme prévu et c'est pas grave en fait de faire des erreurs on est humain, on continue de faire des erreurs des fois tu penses être dans une bonne optique et en fait tu prends une mauvaise décision et c'est qu'après coup tu te rends compte que ouais il y avait des petits indices qui font que t'aurais dû faire les choses différemment mais sur le coup tu... tu ne les as pas pris en compte ou tu ne les as pas forcément identifiés. Et je pense aussi d'essayer d'être honnête avec soi-même et de se poser les bonnes questions et d'admettre que des fois, on n'est pas parfait, on fait des choses, on fait des conneries ou des choses pour les mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Ouais, normal. Heureusement, effectivement, on est humain. Et puis, ça monte l'équilibre au final à trouver. Et qu'est-ce qui t'a donné envie de raconter déjà ton parcours dans le film Wild Waters ? et ensuite ton expédition au Pakistan dans un deuxième film qui est Big Water Theory. Est-ce que tu avais envie de partager ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que sur ces deux projets, on n'était pas partis sur ça au début. Wild Waters, j'avais ce projet de faire une chute de plus de 100 pieds et d'être la première femme à dépasser cette hauteur-là. Et donc, on a fait ça. Et à un moment donné, on s'est posé pour dire, bon, ben voilà, maintenant, il faut qu'on le raconte. Qu'est-ce qu'on raconte ? On s'est dit qu'on trouvait ça chiant de juste dire, voilà, on a trouvé une chute très haute et on est allé la descendre. Et du coup, c'est un peu parti sur l'optique de dire, comment justement est-ce que tu en arrives là ? Et qu'est-ce que ça demande ? Et qu'est-ce que ça prend en compte ? En fait, comment est-ce que tu en arrives là ? à deux secondes de chute libre, mais tout ce qui a été fait en amont pour en arriver là. Et donc, ça a fait un biopic. Ce n'était pas du tout prévu. Moi, j'ai vu le... Parce qu'assez tôt, en fait, à partir du moment où on a eu cette idée-là, on a fait des heures et des heures d'interview. Et puis, moi, on m'a vite évincée du processus de storytelling. D'habitude, je suis un suivi et je vois les brouillons, les versions. Et là, vraiment rien du tout. Et du coup, en ayant fait un peu de socio, j'étais là, oui, normal, je suis trop proche de l'objet étudié. Et forcément, je ne sais pas si on fait un film sur toi ou on montre des images de kayak, tu vas dire, non, mais plutôt ça, que ça, ma ligne, elle est mieux. Ah non, cette photo, elle est vraiment trop moche. Et donc, tu vas peut-être vouloir faire des choix qui ne sont pas optimaux pour l'histoire. mais qui te semble mieux pour toi parce que forcément tu veux pas qu'on met le menton sur telle photo de cet homme, j'en sais rien. Et du coup le film est sorti, j'ai vu le premier brouillon, la seule version que j'ai vue avant, je l'ai vue vraiment trois jours avant la première. Et j'étais ok avec ça, mais c'est sûr que je n'avais pas forcément pensé au fait que quand on fait un biopic sur toi avec ta 31 ans, ce n'est pas hyper facile après. Et je n'avais pas aussi pensé qu'il y allait y avoir plein de gens qui allaient savoir des choses hyper personnelles sur moi. Et je n'y avais pas pensé en fait, parce que le réalisateur qui était aussi en train de cadrer pendant les interviews, c'est quelqu'un que je connais depuis hyper longtemps, c'était un copain. Et du coup, il a super bien fait son boulot parce que j'ai oublié la caméra et moi, je parlais à mon copain qui me posait des questions. Et je pense que c'est ce qui fait aussi que le film marche. Mais c'est sûr qu'à assumer derrière, j'ai eu un peu plus de mal. Et sur Big Water Theory, au début, c'était vraiment de partir sur l'induce entre copains. Et après, Jules avait envie de venir et son frère Emile qui travaille justement dans... dans l'image et qui est super bon en 4 heures et en réalisation. Il a demandé s'il pouvait venir filmer. Et en étant athlète professionnel, c'est sûr que quand tu peux ramener les images, c'est toujours mieux. Et donc au début, il était parti comme ça pour faire 2-3 images de haut rapide. Et puis au final, il a ramené un film assez pédagogique sur l'analyse de ces rapides, vraiment explicatif de comment on choisit le lit. Et donc, il a fait un vrai film. Mais ce qui est assez marrant, c'est que sur les deux projets, ce n'était pas prévu. Mais j'y travaille. J'essaye de mieux prévoir les choses et de m'organiser mieux en amont maintenant.

  • Speaker #1

    C'est l'expérience maintenant. Et quelle a été ta plus grande satisfaction une fois que tu as partagé ces films ? Le premier, tu disais quand même pas évident. Mais est-ce que tu as quand même été contente au final de ce partage ? Et puis le deuxième aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que ce soit les films ou le partage en général en étant athlète, on est obligé d'être sur les réseaux sociaux, d'écrire des articles, ça peut être un peu, c'est assez vaste, ou de partager ça dans des médias plus traditionnels. Moi fondamentalement je fais un truc qui ne sert à rien, parce que mon métier ça consiste à faire des ronds dans l'eau, descendre des figures, je ne suis pas utile à la société. Et c'est vrai qu'il y a des petits moments, des petits fragments comme ça, où tu as des gens qui viennent te voir et qui disent « moi j'ai vu ton premier film et j'ai commencé le kayak » et du coup, déjà ils sont hyper heureux de faire du kayak, ils sont actifs. Tu as des enfants qui se mettent au sport ou qui eux aussi... tu leur donnes des idées de rêves ou de choses qu'eux aussi ils pourraient faire. Et il y a des petits instants comme ça où tu te dis, bon ben, ça ne sert à rien, mais quand même, de temps en temps, tu peux apporter quelque chose à quelqu'un, même si ce n'est pas grand-chose, même si parfois c'est juste une heure de divertissement dans une salle de ciné. Finalement, c'est mieux que rien et ça, c'est hyper gratifiant. Je pense que les enfants qui viennent te voir et causent... poser des questions et qui te racontent eux aussi qu'ils sont un couple de kayak ou qu'ils ont fait une rando avec leurs parents et qu'ils ont un peu des étoiles dans les yeux c'est pour ça aussi que ça vaut la peine d'être partagé et que ça vaut la peine de passer du temps à faire tout ça

  • Speaker #1

    Je pense qu'il ne faut pas négliger le côté utile de l'inspiration aussi parce que certes tu n'étais pas en train de sauver des vies en faisant du kayak, mais s'ils t'inspirent plein de gens, soit à faire du kayak, soit, tu vois, moi, je ne me suis pas mise au kayak suite au film, mais j'avais été marquée, en fait, juste par ton approche du sport et de la vie, on va dire, et c'est des choses, je pense, qui restent et qui peuvent vraiment faire du bien à plein de gens. Donc, tu es utile aussi, il n'y a pas que les chirurgiens qui sont utiles, et le milieu dans lequel tu évolues, il est quand même très masculin aussi, est-ce que, toi, ça t'a... posé problème, t'as rencontré des obstacles ou au contraire, est-ce que t'as eu des soutiens particuliers ? Comment tu l'as vécu et que tu le vis encore maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je pense que j'ai rencontré quelques obstacles. Il y a eu des gens qui ont douté. Je me souviens d'une fois où j'étais avec mon père et on essayait de se greffer sur un groupe parce qu'on n'avait pas de voiture. Et du coup, pour la navette, on avait besoin de se greffer avec quelqu'un. Et le chef de l'autre groupe, il ne m'adressait pas la parole et il ne faisait que demander à mon père si c'est bon que j'avais le niveau. Et ça m'énervait tellement. Et ça, c'est des barrières, c'est des trucs un peu pénibles. Quand tu es à côté et le gars ne te parle pas, il demande à ton père « mais c'est sûr que ça va aller la petite ? » Alors que je navigue vachement mieux que mon père, déjà à l'époque. Et il y avait plus de soucis à se faire pour lui que pour moi. Mais mon père, avec son flègme britannique, il savait bien des liaisons de trucs. Donc ça, c'est toujours des situations un peu inconfortables. Même en Pôle France, sur des entraînements avec les fédéos, « Ah non, mais pas les mousesses, vous allez rattraper, machin » . C'est toujours un peu, tu te prends quand même un peu des doses dans la tête, c'est pas toujours hyper sympa. Et en même temps, je pense qu'assez vite, je pense que j'avais pas mal d'assurance. Et du coup, quand ça m'arrivait, j'avais du répondant et je les envoyais balader. Et tu vois, un entraîneur qui disait « Allez les grottons » , je me mettais au créneau, je fais « Quoi ? C'est nous que tu traites de grottons ? » Et je lui mettais un sachet, je le défonçais jusqu'à ce qu'il s'excuse. Et du coup, ça ne m'est pas arrivé beaucoup. Et donc pendant un temps, je me suis dit « Ouais, ça va quand même, les kayakis, les gars, ils sont bienveillants. » Et je pense que j'avais énormément aussi de... de copains Paguior dans mon entourage, de mon âge et des générations au-dessus qui m'ont beaucoup soutenu, qui m'ont beaucoup aidé, qui m'ont partagé les montants de leur contrat quand ils se sont rendus compte que j'étais moins bien payée, qui m'ont soutenu auprès des sponsors pour dire que ce n'était pas juste. J'ai eu beaucoup de chance, je pense, dans mon entourage et du coup, pendant longtemps, je me suis dit « Non mais là, la situation, ça va, c'est quand même beaucoup mieux qu'avant. » Et en fait, c'est sûr qu'il suffit des fois de te retrouver avec les mauvaises personnes pour te rendre compte qu'il y a encore du boulot. Et je me souviens de quelques voyages où, en fait, tu es peut-être avec des gens plus vieux, moins sensibles, et ils ne se rendent pas compte des comportements qu'ils peuvent avoir, comment ça peut être gênant, comment ce n'est pas toujours adapté. J'essaye de leur dire des fois le plus poliment possible que ce n'est pas très drôle ou que ce n'est pas hyper confortable. Et puis souvent, en fait, quand tu ouvres une discussion et que tu le fais de manière posée et calme, c'est plus efficace. Et puis les gens, ils réfléchissent et ils reviennent et on en parle. Mais après, j'ai des copains, je pense que j'ai vraiment beaucoup de chance. J'ai des copains avec qui je pars, il va faire super chaud et tout, et tu vas voyager dans un bus ou quoi, et c'est trop chaud. Et l'année dernière, j'ai un copain qui me dit « Ah, je suis désolée, j'ai trop chaud et tout, ça ne te dérange pas si j'enlève mon t-shirt ? » Parce que ce n'est pas juste, parce que toi, tu ne vas pas te mettre en brassière, ça ne se fait pas dans le pays où on est. Et moi, c'est sûr que je peux me mettre torse nu, mais si ça te dérange, je ne le fais pas. Et donc, tu vas avoir des gens comme ça qui sont… hyper sensibles et qui font très attention et des fois t'es dans un bus rempli de kayakistes et puis ils sont tous torsenus à prendre beaucoup de place et ils transpirent dessus et ça leur pose aucun problème et là t'es obligé de leur dire non mais remets un t-shirt tu pues et t'es en train de transpirer dessus et c'est juste C'est juste aussi en fonction de l'éducation des générations, il faut prendre les choses en compte et essayer de peut-être sensibiliser. Mais quand c'est possible, après tu vois, tu as des gens, c'est peine perdue. Tu ne les changeras pas et je pense que ça ne vaut pas le coup de se battre parce que de toute façon, ils ne changeront pas, ils sont comme ça. Je pense qu'une fille... Dans le sport, c'est forcément moins performant qu'un garçon, qu'on est moins forte, qu'on est physiquement faible, qu'on va avoir peur, qu'on va être mentalement fragile. Et ils y croient tellement, c'est tellement ancré en eux qu'à la limite, il faut juste les plaindre et en rire et se moquer un peu d'eux.

  • Speaker #1

    Ça ne vaut pas le coup de mettre trop d'énergie, essayer de faire quelque chose. Est-ce que tu vois quand même une évolution de la place des femmes ? Est-ce qu'il y a de plus en plus de femmes, par exemple, qui pratiquent le kayak extrême comme toi ?

  • Speaker #0

    À nous, on a de plus en plus de femmes, je pense. En tout cas, ce n'est plus une mixte. Et donc ça c'est bien, il y a beaucoup de jeunes qui naviguent bien dans la nouvelle génération. Après ce que je trouve un peu compliqué c'est que souvent, t'as les filles elles-mêmes qui revendiquent, ouais mais on est plus, on est plus fort, on fait plus ci. Et quand tu regardes moi la génération au-dessus de moi et les Pagayos que j'ai pris pour exemple, et bah en fait elles étaient quand même beaucoup plus fortes que les jeunes qui arrivent maintenant. Et du coup, je trouve ça un peu triste qu'il n'y ait pas assez de conscience et d'histoire pour qu'elles se rendent compte et qu'elles se disent « Ah ouais, mais elles faisaient déjà ça avec les bateaux de l'époque » et d'avoir cet envie de progression aussi. Donc je pense qu'il manque un peu de culture. Et après, jusqu'à un certain niveau, il y a vraiment beaucoup plus de femmes. Et après, pour vraiment aller chercher des rivières plus compliquées, plus engagées. finalement, on est très peu nombreuses. Et même dans les jeunes pagueurs qui ont un niveau technique hyper élevé, il y en a beaucoup qui ne passent pas ce cap un peu d'engagement. Après, c'est quelque chose qui arrive aussi chez certains garçons. Moi, j'ai des copains, techniquement, c'est des monstres. Et puis, au moment de faire les plus gros rapides, ils ont largement les capacités de le faire. Ça ne les intéresse pas forcément. Et ce n'est pas quelque chose sur lequel ils ont envie d'aller parce que souvent, c'est des profils qui aiment être en contrôle absolu. Et donc, quand on va sur des trucs plus durs, l'eau, elle est constamment en train de bouger. Donc, ça bouge devant nous, les vagues, elles cassent sous nous, derrière nous. Donc, ça implique un autre côté. C'est quelque chose qui ne les attire pas du tout. Et donc, ils décident de ne pas le faire. Et je pense qu'il y a aussi des filles qui sont comme ça. c'est pas leur truc et il y en a d'autres qui sont encore justement qui ont des barrières un peu liées aux représentations mentales où elles se disent non mais moi je suis pas capable de faire ça et donc des fois c'est dur parce que t'aurais envie de les pousser et en même temps c'est super bien parce que le jour où elles décident de faire quelque chose, elles le font avec beaucoup plus de bagages techniques que si elles l'avaient fait trop tôt. Et du coup, souvent, elles ont plus de marge. Et donc, tu sais que tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour elles. Et ce n'est pas des têtes brûlées. Mais après, c'est sûr qu'il y a tout, que ce soit chez les gars, chez les filles. Mais ce serait bien d'avoir un peu plus de filles qui engagent sur du classe 5.

  • Speaker #1

    Alors, ça va peut-être encore évoluer dans les années à venir. C'est déjà intéressant ce que tu dis. Et toi alors, pour la suite, est-ce que tu as des rêves d'expédition, des projets dans les mois qui viennent ou les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    Alors, moi là, j'avais un gros projet qui est un peu tombé à l'eau parce que c'est un projet montagne et kayak. Et que du coup, la clé de voûte de ce projet, c'est blesser. Donc, on va devoir décaler et... et attendre aussi qu'elle se rétablisse pour pouvoir éventuellement repartir là-dessus. Et donc là, je suis en train de tout remanier ma fin de saison pour compléter avec un autre projet. Et a priori, je partirai au Mexique faire des chutes avec une jeune Mexicaine. Donc là, on ferait un projet à filles, ce que je ne fais pas souvent. Mais ça faisait quelques années qu'on voulait faire ça et on n'avait pas les calendriers qui coïncidaient. Et du coup, là, elle est dispo et motivée et moi aussi. Donc, on va essayer de faire ça.

  • Speaker #1

    Trop bien, ça donne envie de suivre ça. Et j'ai une petite question traditionnelle pour la fin du podcast. Est-ce que tu as un conseil que tu aimerais faire passer aux auditrices, en général sportives, qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Un conseil ?

  • Speaker #1

    Ou un message ?

  • Speaker #0

    Alors, si j'avais un conseil, c'est d'essayer de toujours faire les choses pour les bonnes raisons et peut-être de toujours faire les choses parce que ça nous rend heureux et de ne pas se forcer à faire les choses si ce n'est pas vraiment ce qu'on veut faire nous. Je pense que des fois il y a des pressions extérieures qui viennent un peu parasiter tout ça. Et donc c'est important de se recentrer et de se dire est-ce que c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de faire moi ou je suis en train de suivre le groupe ou c'est par rapport aux attentes qu'on a de moi ou pour des questions d'image. Et ouais de faire les choses pour soi, pour les bonnes raisons et avec pour finalité de passer un bon moment et d'être content.

  • Speaker #1

    C'est un très beau message. Grand merci, Nouria, d'avoir pris le temps déjà de faire cette interview et pour tous les éléments que tu nous as apportés. Et plein de bonnes choses pour tous tes projets à venir.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Nouria Newman

    00:03

  • Les débuts de Nouria en kayak et son parcours classique

    00:08

  • Transition du slalom vers le kayak extrême

    02:44

  • Les émotions vécues en pleine nature

    05:07

  • Équilibre entre expéditions et vie quotidienne

    09:21

  • Préparation des expéditions et logistique

    12:38

  • Gestion du risque et prise de décision en kayak

    16:42

  • Étude sur le rapport au risque des femmes dans le sport

    28:50

  • Projets futurs et conseils pour les auditrices

    57:57

Description

Qu’est-ce qui pousse une femme kayakiste à défier les rivières les plus dangereuses du monde ?


Aujourd’hui, je reçois Nouria Newman, kayakiste professionnelle, ancienne membre de l’équipe de France de slalom et première femme à avoir franchi certaines des cascades et rapides les plus extrêmes de la planète. Nouria, c’est une athlète hors norme, mais aussi une aventurière qui questionne sans cesse son rapport au risque, à la peur et à la liberté.


Au programme de cet épisode :

  • Comment Nouria est passée du slalom en équipe de France aux expéditions en kayak extrême ?

  • Ce qu’elle recherche vraiment quand elle se lance dans une rivière sauvage.

  • Les coulisses de la préparation d’une expédition : logistique, choix des rivières, travail d’équipe.

  • Le solo en kayak : introspection ou mise en danger inutile ?

  • Son rapport au risque et à la peur, et ce que son mémoire de master lui a appris sur la construction sociale du risque chez les femmes.

  • Les défis rencontrés en tant que femme dans un milieu très masculin.

  • Ses projets à venir et son conseil aux sportives qui nous écoutent.


Un échange brut, sincère et riche en réflexions, qui donne envie de se jeter à l’eau… mais surtout de suivre ses propres lignes, que ce soit sur une rivière ou dans la vie.


🔗 Liens:

Suivre Nouria: https://www.instagram.com/nourianewman

Crédit photo de couverture ©JulesDomine


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La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


🔑 Mots clés de l’épisode:

kayak extrême, kayak de rivière, eau vive, sport outdoor, kayak féminin, peur, mental, aventure nature, risques, préparation expédition


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Nouria Newman, une kayakiste hors normes. Après une brillante carrière en slalom, elle a choisi la liberté des descentes extrêmes et des expéditions. Elle est d'ailleurs la première femme à avoir réussi à franchir certains rapides et cascades parmi les plus dangereux au monde. Je suis vraiment ravie de la recevoir aujourd'hui. Aussi un peu émue puisque c'est vraiment l'une des personnalités qui m'a le plus marquée ces dernières années, pas seulement justement pour les performances mais pour sa personnalité et son approche de son sport. Bienvenue Nouria !

  • Speaker #1

    Salut, merci !

  • Speaker #0

    Moi je t'ai déjà un petit peu présentée mais j'aime bien que mes invités se présentent aussi soi-même, donc est-ce que tu veux bien aussi te présenter ?

  • Speaker #1

    C'est toujours dur ça. Je m'appelle Nouria Nouria.

  • Speaker #0

    Ça c'est pas simple.

  • Speaker #1

    Je vais avoir 34 ans et je suis kayakiste professionnelle. Donc aujourd'hui, mon métier, c'est de descendre des rivières un peu partout dans le monde. Et ça tombe bien parce que j'adore ça.

  • Speaker #0

    C'est un métier original ça. Est-ce que tu peux nous parler déjà de tes débuts en fait en kayak ? Comment tu en es venue à cette discipline ?

  • Speaker #1

    Et moi, j'ai vraiment commencé le kayak, on va dire, par un parcours ultra classique, c'est-à-dire en rejoignant le club qui était à côté de chez moi. Du coup, en France, on a quand même un milieu associatif qui est vraiment bien pour pouvoir faire des sports qui sont assez onéreux, qui nécessitent beaucoup de matériel. Et du coup, en fait, jeunes, on a la possibilité comme ça, en activité extrascolaire, de prendre une licence dans un club de sport à côté de chez soi et d'essayer au kayak, au ski. Moi, j'habite en Savoie, donc c'est vrai qu'on est vraiment privilégiés. sur le nombre d'infrastructures au niveau sportif et aussi par la nature qui nous entoure. Donc c'est vrai qu'on a accès à beaucoup de sports outdoor et donc j'ai pu commencer comme ça au club de kayak. Donc on te prête du matériel, le bateau, la paillette. On a un entraîneur qui nous apprend à naviguer et après de fil en aiguille, souvent on est orienté assez tôt. sur les disciplines traditionnelles de compétition, qui étaient le slalom et la descente. Et donc, pendant pas mal d'années, j'ai vraiment suivi le parcours classique en slalom, les compétitions nationales, de monter dans la première division, les passages en équipe de France et jusqu'au niveau international, Coupe du Monde, les championnats du monde.

  • Speaker #0

    T'as un palmarès vraiment impressionnant en slalom, et qu'est-ce qui t'a poussé à arrêter ça pour te tourner plutôt vers les expéditions ?

  • Speaker #1

    En slalom, c'était assez mitigé. J'ai toujours eu quelques bons résultats qui suffisaient justement à garder la motivation et l'espoir, mais j'ai eu énormément d'échecs. J'avais du mal à faire mes réglages de distance, il ne faut pas toucher les portes, il ne faut pas les rater non plus. Et j'avais du mal aussi à essayer d'aller moins vite pour assurer. Donc, j'ai vraiment une carrière avec soit des bons résultats, soit des grosses sorties de route. Et donc, beaucoup plus d'échecs que de réussites. Et à un moment donné, j'ai eu quelques années compliquées sur le plan personnel. Et du coup, sportivement, j'ai eu du mal à... à suivre et à ce moment-là, je n'étais pas forcément dans les meilleurs critères de résultats. Du coup, les gens à la fédération, à ce moment-là, ils ont décidé de ne plus croire en moi. Donc, j'ai peu à peu perdu le droit de m'entraîner en structure, mon entraîneur. Et donc, le choix s'est un peu fait aussi pour moi parce que je pense que je n'aurais pas forcément eu le craint de tout quitter. En fait, tu fais ça depuis tellement d'années, tu as une routine qui est déjà bien installée, tu te lèves, tu vas à l'entraînement, tu rentres chez toi, tu fais de l'analyse vidéo, tu repars pour une deuxième, voire une troisième séance, et en fait, du coup, tu es habitué comme ça, et de quitter ça, ça fait peur, puisque du jour au lendemain, tu te lèves, et puis en fait, tu passes la porte avec tes affaires pour aller à l'entraînement, et non, tu n'es plus en Pôle France, tu n'as plus d'entraîneur, et donc tu n'as plus de... créneau d'entraînement, t'as plus de lâcher d'eau sur le bassin et donc ça a été un changement assez radical mais je pense qu'au final, je remercie les gens qui pensaient que j'étais trop lente et trop vieille parce qu'ils m'ont permis de transitionner plus rapidement sur le kayak de rigueur et c'est quelque chose que je faisais déjà en parallèle.

  • Speaker #0

    depuis toute jeune. Parfois, il y a des choses qui ne semblent pas très bien sur le coup et en fait, sur le long terme, c'est plutôt positif. Qu'est-ce que tu as trouvé dans cette nouvelle pratique et aussi dans la pratique de l'enduro, puisque tu es récemment devenue championne du monde, que tu ne trouvais peut-être pas forcément dans le slalom, parce que c'est quand même super différent ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qui me plaît aujourd'hui dans ma pratique... du kayak extrême et donc du kayak en pleine nature. C'est quelque chose que je retrouvais en slalom au début parce qu'on avait beaucoup de courses sur des bassins naturels. Et c'est vrai qu'avec les Jeux Olympiques et les critères du CIO, du coup, la pratique du slalom en eau vive et maintenant du kayak cross, qui sont les deux disciplines olympiques en eau vive, elle s'est artificialisée. presque plus aucune compétition sur bassin naturel ou semi-artificiel. Et donc, c'est vraiment des stades de vives où, en fait, c'est presque comme des piscines fermées avec une fausse rivière. Et l'eau, elle arrive en bas, elle est remontée par des pompes et ça coule continuellement. Et donc, ce n'est pas tout à fait les mêmes sensations. Souvent, les berges, c'est en béton, ce n'est pas du tout ce qu'on trouve sur une rivière. Pas d'arbres, je ne vois pas forcément les montagnes. Et je pense que maintenant, de par ma pratique en milieu naturel, je pense que je retrouve aussi ce pourquoi j'ai commencé Keck. C'était vraiment pour un moyen de transport et de faire une activité aussi en pleine nature. Nous, en Savoie, on a des rivières qui sont magnifiques. L'eau, elle coule. En été, elle est bleue. Quand elle est crue, elle est marron, mais il y a plus de débit. Et du coup, c'est plus amusant. Et donc, de retrouver vraiment un peu la source et l'essence même du kayak en eau vive.

  • Speaker #0

    Ça a l'air effectivement très, très différent. Et quelles émotions, toi, tu recherches quand tu es sur ton kayak, justement, et au milieu d'une rivière naturelle comme ça ?

  • Speaker #1

    Les émotions qu'on veut chercher, je pense que ce qui est assez incroyable, dans cette activité c'est justement de pouvoir vivre plein d'émotions différentes et donc forcément on va chercher des sensations de colis, de passer un bon moment dehors avec des amis et après il y a aussi tout un spectre d'émotions et de sensations qui sont peut-être peut-être moins gratifiantes instantanément. En anglais, ils disent « the type to fun » où tu souffres un peu et après tu en tires de la satisfaction. Je trouve que quand tu es face à une descente qui est longue et éprouvante et que tu es fatigué et qu'au final tu dépasses ça pour y arriver, ou même un rapide qui te fait peur et où tu arrives à trouver les solutions, surmonter un peu tes peurs pour y arriver, c'est aussi très gratifiant. Du coup, je pense qu'il ne faut pas forcément s'attacher à une émotion, mais peut-être valoriser un peu tout et aussi apprendre à apprécier quand il fait froid, quand tout est gelé autour. Parce que c'est sûr que le kayak en plein hiver, mois de décembre, ce n'est pas toujours hyper agréable. Mais en fait, si tout repasse, le fait que tu as super froid aux mains et que tu es enmitouflé et que du coup... tu as du mal à bouger parce que tu as décidé de mettre une doudoune sous ta combinaison étanche. Si tu te rebasses, tu te rends compte que les lumières en plein Niger ne sont pas du tout pareilles que sur le reste de l'année. Souvent, il y a de la brume, tu vas naviguer, puis il va y avoir des stalactites de glace sur les berges. Ce sont des choses aussi qui sont assez appréciables. Mais pour les affrester, il faut aussi passer par le pôle. froid et un peu la galère.

  • Speaker #0

    Ça en fait toute la beauté à l'arrivée. Et comment est-ce que tu trouves l'équilibre dans ta vie entre tes expéditions où j'imagine que c'est quand même assez régulier et tu vas assez loin, et ta vie quotidienne qui est peut-être plus calme. Je ne sais pas si c'est plus calme d'ailleurs, mais peut-être un petit peu quand même.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop si c'est vraiment un équilibre. En fait, c'est juste que quand tu pars Au bout d'un moment, tu es tellement dans l'inconfort et tu continues de pousser que quand tu rentres, tu es content, c'est confortable, tu reprends une routine. Et puis au bout d'un moment, quand tu rentres, tu as envie de repartir parce que... Forcément, en France, on n'a pas toujours les meilleures conditions d'entraînement et de débit. Donc, ça va vraiment être plutôt une alternance entre les deux. Et peut-être finalement, l'équilibre, c'est de passer de l'un à l'autre assez régulièrement.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. Et comment est-ce que tu choisis justement ces destinations ? J'imagine qu'il y a des rivières qui sont plus adaptées à ce que tu veux faire. Mais comment spécifiquement tu vas choisir vraiment les endroits de la rivière où tu veux aller ou les rivières ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a des destinations qui sont déjà très connues et qui font vraiment partie un peu de l'histoire du Québec de rivière. Et donc, forcément, c'est des premières dessins, des choses qui ont été faites peut-être dans les années 90, parfois avant. Et on a envie de s'y confronter ou d'en faire l'expérience. Et donc, il y a des destinations, c'est un peu les... les benchmarks du kayak extrême et on a envie d'y aller. Il y a le Coran Kangen de la Stikine, il y a l'Indus au Pakistan, il y a les descentes très classiques au Népal, Toulibéri, Doudkossi, Oumla Karnali. Et donc il y a des choses comme ça dont on rêve et dont on a entendu parler depuis tout jeune. Et donc ça, on a envie d'y aller. Et après, il y a toute une partie où on a envie d'aller faire quelque chose de nouveau, de découvrir. offrir d'autres choses par nous-mêmes. Et donc là, vraiment, on va choisir peut-être un pays qui nous intéresse, soit par la culture, soit par rapport à des spécificités un peu géographiques et géologiques. Et de là, en fait, on va passer pas mal de temps à geeker sur Google Earth et à regarder des images satellites, à regarder les cartes, les profils de dénivelé. Et puis, des fois, on trouve des rivières qui nous font rêver, puis on a envie d'aller voir si c'est bien. Et ce qui est toujours un peu compliqué avec ça, c'est que des fois, on trouve vraiment une pépite, mais souvent, c'est pourri. Mais il n'y a qu'un seul moyen de savoir si ça vaut le coup ou si c'est pourri, c'est d'aller voir. Et là, c'est un peu comme ce qu'on disait tout à l'heure sur les émotions ou ce que tu apprécies ou pas. C'est qu'en fait, même si la rivière, parfois, tu n'as pas trouvé le... prochain classique ou la prochaine rivière qui sera répétée plein de fois, et bien c'est pas grave il faut apprécier le fait d'être allé voir avec ton équipe et d'avoir essayé de découvrir un endroit nouveau.

  • Speaker #0

    C'est vraiment chouette ça comme approche. Et quelles sont après du coup toutes les étapes de la préparation ? Moi j'ai vu tes films. Et ça m'impressionne à chaque fois de se dire, mais ça doit être tellement d'organisation pour y aller. Du coup, le repérage, t'en parlais, même après la logistique, ça veut dire qu'il faut quand même transporter des kayaks. Est-ce qu'il y a besoin aussi d'autorisation pour aller naviguer sur les rivières ? Comment tu constitues des équipes ? Comment tu prends en compte la météo ? Tout ça, j'imagine que c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Il y a pas mal de recherches à faire en amont. En fait, souvent, ce qu'on voit, c'est vraiment juste la descente de rivières. Mais toute la préparation en amont, des fois, on est bien organisé et on fait les choses un, deux ans, trois ans à l'avance. On commence à prendre des infos. Parfois, c'est un peu plus à l'arrache. Et moi, souvent, j'étais très, très à l'arrache. L'avantage de partir moins bien préparé, c'est que souvent, tu es plus flexible et tu as moins d'attente. Donc, ça peut être... Ça peut être bénéfique. Souvent, ça n'allait pas. Je me rends compte que plus on est préparé, mieux c'est. Parce qu'en fait, on a aussi fait des recherches sur nos plans B. Et du coup, ça, c'est vraiment primordial pour changer de rivière ou pour les accès. Mais souvent, déjà, on repère un endroit. Après, il faut gérer la logistique, le transport. Dans certains endroits, il y a des permis à avoir. Donc, il faut trouver un contact. local pour avoir les permis. Il y a des fois où on a passé des heures et des heures à aller dans les bureaux d'un politique à un autre pour essayer d'avoir une autorisation. Il y a des fois où on essaye d'y aller sans autorisation et du coup on finit par visiter les commissariats. Donc ça c'est des arbitrages aussi à faire et toujours essayer de... de respecter au maximum les règles ou en tout cas si on ne les respecte pas d'assumer mais que ce soit pas au détriment de quelqu'un d'autre donc il faut toujours faire gaffe aussi est ce qu'on a des points de contact sur place des gens qui vont nous aider Que ce soit des pagailleurs locaux qui ont les informations, ou des personnes qui vont nous conduire pour les navettes, ou peut-être juste le fermier du coin, ou les gens qui habitent sur place qui vont nous aider pour les informations, parce qu'au final, c'est eux qui savent le mieux sur les niveaux d'eau, sur est-ce qu'il y a des rapiers, est-ce que c'est engorgé. Il y a beaucoup de fois, en fait... Des fois, notre seule source d'information plus ou moins fiable, c'est un pêcheur qui est allé marcher par là-bas il y a sept ans. C'est incroyable. Cette année, on a dû faire un accès. Et du coup, c'est un indigène qui nous a montré le chemin d'accès. Et en fait, il n'était pas passé par là depuis plus de huit ans. Et il s'en souvenait super bien. Et on était là, t'es sûr, t'es sûr. Il nous a amenés à la rivière par un chemin qui était beaucoup plus efficace et beaucoup plus court que nous, ce qu'on aurait fait via la carte. Donc il faut aussi apprendre à lâcher prise et à vraiment faire confiance aux locaux. Et puis des fois, ça ne marche pas. Des fois, ils peuvent se perdre, il y a toujours plein de choses. Donc ça, ça fait partie un peu des aléas. Mais sur la logistique, tu as toute la préparation en amont. et après sur quoi ? place à aussi accepter l'aide de toutes les personnes qui sont disposées à t'aider.

  • Speaker #0

    Ça fait quand même plein de compétences et plein de choses à gérer. Tu n'as pas uniquement à pagailler et je mets vraiment de gros guillemets parce que vu les conditions dans lesquelles tu le fais, c'est déjà dingue, mais disons qu'il y a vraiment beaucoup de choses autour. Et parfois, tu voyages en solo, parfois en équipe. Est-ce que tu as une préférence pour l'un ou l'autre ? Est-ce que tu aimes bien alterner ?

  • Speaker #1

    Alors le solo c'est toujours très controversé parce que du coup tu as... pas de filet de sécurité. En fait, si tu as un problème, tu es tout seul. Il n'y a personne qui peut te venir en aide. C'est vite compliqué. Sur les prises de décision aussi, souvent, quand on arrive sur un cours rapide, on discute les uns avec les autres. Alors, l'avantage d'être en solo, c'est que tu n'es pas forcément influencé par le regard des autres. Et ça, vraiment, en fonction des équipes, des fois, tu es avec quelqu'un qui est... un peu trop optimiste ou pessimiste qui va vraiment focaliser sur tous les dangers. Et du coup, toi, ça va influencer tes choix et tes prises de décision. Donc là, forcément, t'as pas ça. Mais souvent, en fait, on part avec des gens qu'on connaît bien, en qui on a confiance. Et justement, ce point de vue du copain, il va venir nous aider dans notre analyse et on va discuter de telle ligne, tel mouvement d'eau. Est-ce que tu penses que ça ? Tiens, moi je vois ça, si quelqu'un voit une autre ligne, on va souligner les avantages et les inconvénients de chaque ligne et ça va nous aider à être potentiellement plus précis, nous, et plus juste dans notre lecture de l'eau. Donc on n'a pas ça en solo, on n'a pas justement cette option de se rater. Et ce qui est beau aussi, c'est que du coup on est entièrement responsable. de ses choix, de sa sécurité. Et il faut être juste parce que ça ne pardonne pas toujours. Donc il y a quelque chose qui est assez fou avec le solo, c'est que finalement, c'est presque plus dur et tu vas vraiment devoir être en phase avec tes prises de décision et les prises de risque. Moi, j'aime bien le faire de temps en temps. Ce qui me plaît, c'est que c'est presque aussi une introspection d'une certaine manière. Tu vois vite là où tu en es. Tu ne peux plus te cacher derrière peut-être le copain qui peut te ramasser à la corde en bas du rapide. Et donc, tu vois vite où tu en es sur ton niveau technique, physique, sur est-ce que tu es fort dans ta tête, est-ce que tu as le mental ou pas. après C'est une pratique hyper engagée qui n'est pas recommandable. La règle, c'est de jamais faire du kayak tout seul. Mais en même temps, la meilleure sécurité, c'est de ne pas se rater et de prendre les bonnes décisions pour ne pas avoir besoin de sécurité. Donc, à la limite, ça peut aussi faire partie d'une démarche et d'une progression, même si elle n'est pas... entendue et comprise par tout le monde.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et comment tu fais justement avant, donc tu disais déjà de toute façon que tu repères sur Google Earth vraiment en amont du voyage, mais une fois que tu es sur place, comment tu arrives à lire la rivière, à savoir qu'à tel endroit, il va y avoir assez d'eau pour que tu y ailles ? Donc le courant va être de telle manière, est-ce qu'il y a vraiment des techniques ? J'imagine que tu demandes du coup comme ce que tu disais aussi à des personnes, mais comment tu fais ? J'imagine que c'est quand même compliqué.

  • Speaker #1

    Alors après, vraiment sur les zones, en fait, tu vas arriver à ton départ de rivière. À partir de la carte, à partir de tes recherches sur les périodes, saison des pluies ou fond des neiges au printemps, tu vas avoir une estimation du niveau d'eau. Et en fait, quand tu vas à la première rivière de ta zone géographique, là, ça va te donner une idée. En fait, tu sais à peu près, tu as regardé sur la carte, tu as une idée de la taille du bassin versant, de la taille de la rivière. Et donc, tu vas arriver à cette rivière-là, tu vas voir l'eau qui coule et tu vas aussi voir les lignes de crues, du débit maximum. Et tu vas voir aussi s'il y a trop de cailloux pour qu'un kayak passe. Et après, il faut toujours prendre en compte que des fois, tu peux commencer une rivière, c'est affreux. Il y a plein de cailloux partout et du coup, tu vas gratter, comme on dit dans le jargon, mais tu vas devoir taper un peu tout le temps les cailloux. Mais s'il y a plein d'affluents qui arrivent, en fait, tu peux commencer dans une rivière toute petite et au bout d'une cinquantaine, d'un certain nombre de kilomètres, en fait, avec d'autres affluents. elle peut devenir très grosse, voire très volumineuse. Et donc ça, tu vas aussi le prendre en compte dans ta descente et en regardant les profils de dénivelé de la rivière, on a à peu près l'habitude que si tu n'as pas beaucoup de débit, tu vas avoir 5% de pente. C'est quelque chose qui se fait relativement bien, mais qui va prendre du temps. À partir du moment où tu as du gros débit, là, 5% de pente, tu sais que ça ne passe plus du tout parce qu'en fait... C'est trop raide. Et donc, tu vas estimer un peu tout ça. Mais c'est vrai qu'avant d'être au départ de la rivière, tu ne sais jamais trop. Parfois, tu as des phénomènes de crues où tu embarques sur une rivière, le niveau d'eau est bon, il pleut. Et là, la rivière peut monter d'un mètre, deux mètres et être plus navigable. Donc, il faut aussi, avant d'embarquer sur une rivière, étudier tes possibilités de points de sortie. Tu sais que si tu t'engages trop loin dans un canyon et qu'il n'y a plus de point de sortie, il faut le faire avec peut-être de la nourriture en plus ou prendre des cordes pour avoir une solution ou vraiment aller repérer le canyon avant pour savoir combien de temps tu peux mettre et le faire le plus vite possible. Et donc ça, après, c'est des arbitrages à faire. C'est presque plus stratégique que sportif finalement sur des projets comme ça.

  • Speaker #0

    Il faut que tu aies vraiment tous tes plans abaissés, prêts et que tu saches comment réagir. Et c'est très physique aussi forcément, tout ce genre de passage. Comment est-ce que tu te prépares physiquement ? Est-ce que tu as une préparation physique spécifique en plus du kayak ?

  • Speaker #1

    Alors, moi j'ai fait longtemps du slalom. Donc avec le slalom, tu as vraiment une prépa physique un peu traditionnelle où tu fais kayak, muscu, footing. Et quand j'ai arrêté, moi, j'ai fait une allergie à la salle de sport. Parce qu'aller en salle, c'est quelque chose que je n'aime pas. Mais alors, aller en salle, les salles normales, ça me déprime, en fait. Je n'aime pas trop, mais je m'y remets doucement parce que c'est important aussi de faire du renforcement et de la prévention pour les blessures à l'épaule, notamment. Mais du coup, quand j'ai arrêté, j'ai vraiment réorienté mon entraînement combiné sur d'autres disciplines et aller faire d'autres sports et plutôt des sports outdoor où je suis nulle. Et du coup, c'est trop bien parce que j'arrive à me mettre très mal dans des situations qui ne sont pas dangereuses. Je vais faire de l'escalade, je vais avoir peur, je vais avoir très mal au bras. En fait, il ne peut rien m'arriver. Et du coup, ce qui est bien, c'est que...

  • Speaker #0

    C'est vrai que pour toi, c'est pas mal, ça te fait un bon équilibre.

  • Speaker #1

    Et ouais, tu peux travailler des trucs qui vont te servir pour le kayak. Parce qu'en fait, tu tires sur une crise, c'est autrement plus intéressant que de soulever une barre en muscu. T'as plus d'angle pour les épaules. Il y a des trucs à tenir. En fait, c'est presque plus intéressant pour travailler les muscles profonds et le gainage. Et du coup, en faisant un peu d'escalade, du ski de rando, marcher, courir, un peu toutes les opportunités qui se présentent à moi en dehors. du kayak et beaucoup de kayaks.

  • Speaker #0

    C'est très complet au final. Et au niveau mental, est-ce que tu as des techniques mentales particulières pour vraiment être dans les meilleures dispositions possibles, en tout cas, avant un passage que tu sais qui est vraiment difficile ?

  • Speaker #1

    Au niveau mental, j'ai fait un peu de prépa mental quand je faisais du slalom. Quand j'ai eu des coups durs, j'ai eu un suivi avec que... avec des psychologues. Et du coup, déjà, ces gens-là, ils sont compétents dans leur domaine. Donc, souvent, ils vont t'apporter des outils. Et quand ça ne va pas, ou si je sens que j'ai des besoins, je n'hésiterai pas à retourner consulter et être accompagnée, en tout cas, dans ce domaine-là. Après, c'est dur, en étant athlète professionnelle, de tout faire. Ce qu'on ne voit pas, c'est que c'est sûrement mon métier, c'est de descendre des rivières, mais il faut penser les projets, faire en sorte qu'ils soient faisables, les vendre, donc les pitcher, qu'ils soient acceptés, les monter de A à Z, les réaliser. Et encore toute une partie aussi à gérer sur ce qui est un peu le rendu, en fait. C'est qu'on va être soutenu pour un projet, mais derrière, il faut... Il faut fournir des images, des histoires, des vidéos. Donc, il y a tout un suivi de ça. Et finalement,

  • Speaker #0

    ça prend beaucoup de temps.

  • Speaker #1

    C'est ce que les gens ne voient pas trop. Mais moi aussi, je dois faire ma compta et tous les trucs pénibles. Je suis vraiment nulle à ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, il faut faire des arbitrages. aller chez le bustéo ou avoir un suivi ou monter un projet. Et le temps, c'est vraiment quelque chose qui manque. C'est peut-être ce qui manque le plus. Mais après, sur les techniques, au-dessus d'un gros rapide, il y a beaucoup de visualisation. Et je pense que le slalom, c'est un super outil pour ça. Parce qu'à mémoriser des portes, en fait, après, quand tu dois mémoriser des rapides, des mouvements d'eau, finalement, sur une manche de slalom, tu sais... où tu vas mettre chaque coup de pagaie si tu dois le décomposer. Et donc finalement, en kayak de rivière, c'est la même chose, sauf qu'il n'y a pas de porte, mais il y a des vagues, il y a des rochers, il y a des lignes. Donc beaucoup de visualisation. Et après, quelques exercices de respiration, de la cohérence cardiaque, aussi réussir à faire baisser le rythme. Quand on est stressé, anxieux, au-dessus d'un rapide, souvent on sent que ça tape fort. Et du coup, il y a des fois, au moment où justement je visualise ma ligne et je me prépare, je me mets dans ma bulle, je vais aussi être concentrée sur le fait de faire redescendre ma fréquence cardiaque et d'être calme parce qu'une fois qu'on part, on a des mouvements à faire au bon moment. Et je trouve que quand tu es stressée, tu as tendance à tout faire trop vite. Et en tout cas, moi, j'accélère trop. Et du coup, en faisant tout trop vite, je perds parfois les timings. je fais mes mouvements trop tôt et ça va me faire avoir une mauvaise ligne. Donc vraiment, cette partie-là de prendre ton temps pour faire tes 10 respirations et te poser, c'est quelque chose qui m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Et j'ai quelques questions sur la gestion du risque. Déjà, ce qui est ultra intéressant, c'est que tu as fait ton mémoire de master sur la construction sociale du rapport au risque des femmes. Forcément, c'est un sujet qui me parle pas mal dans ce podcast. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ce mémoire et de ce que tu as découvert ?

  • Speaker #1

    Alors moi, j'étais assez en retard sur mon sujet de mémoire, mais j'avais pour idée de m'intéresser pas que aux kayaks de rivière, mais aussi pour des raisons de temps et pour mener les interviews de manière plus simple. J'ai fait le choix de me recentrer sur le milieu du kayak de rivière. Et en fait, c'était vraiment ce constat où j'ai eu un entraîneur de club assez jeune qui était incroyable, qui s'appelait Anthony Collin, et qui m'a formée. Et la génération après moi, il y avait énormément de filles aussi. Il y avait presque 50% de garçons et de filles dans ce petit club local, qui était assez étonnant par rapport aux statistiques de la fédération.

  • Speaker #0

    Et en plus, souvent, on venait nous voir et on nous disait « Ah, mais vous, au club, vos filles, elles n'ont pas peur. Comment vous faites pour que vos filles, elles n'aient pas peur ? » Et c'est quelque chose qui est resté. Et je me suis toujours posé la question. Je me disais « Mais il n'y a pas à voir. » Je ne pense pas qu'il y ait de raison biologique sur le fait qu'une petite fille ait plus peur qu'un petit garçon. Ça me semblait absurde puisque les jeunes... de vie de 9-10 ans qui étaient au club quand moi j'étais dans ma vingtaine, elles n'avaient pas peur et du coup je me suis dit que c'était peut-être juste socialement construit et du coup je me suis basée sur la sociologie du genre et les travaux de Christine Ménesson sur le football et la boxe et c'était ma directrice de mémoire du coup. Et après, il y a une sociologue néo-zélandaise, Olly Torck, qui a fait plus de recherches dans le milieu des sports extrêmes. Elle a fait sur le snowboard, le DTT. Et donc, en me basant là-dessus, et après avec les classiques de Bourdieu, la théorie des champs, je me suis dit qu'en fait, en fonction de ta position dans l'espace social, tu n'allais pas forcément avoir le même rapport au risque. Et en fait, je me suis rendu compte que dans les filles qui étaient plus engagées dans leur pratique du kayak de rivière, souvent elles avaient eu des socialisations indifférenciées, donc à soit accompagner leur père, soit suivre les grands frères, soit vraiment des parents qui ne faisaient aucune différence entre les petites filles et leurs frangins. ou les copains. Et l'autre chose que j'ai vraiment pu observer, c'est que les filles qui avaient fait une activité à haut niveau dans un autre sport, quand elles se mettaient au kayak, pareil, elles avaient un niveau d'engagement plus élevé et une meilleure compréhension de l'environnement qui les entourait. Et aussi, plus confiance en elles. Et donc, ça, c'est important. processus de socialisation secondaire en fait par leur pratique du haut niveau mais j'avais une fille qui était championne d'aïdao de rodéo à cheval une autre qui était pom pom girl et qui avait fait pom pom girl en Californie jusque top championnat des lycées et pareil en fait c'était marrant de voir les transferts qui avaient été faits et comment elles avaient vécu les choses et du coup oui le rapport Alors... au risque et je pense enfin je suis sûre mais après ça peut toujours être discutable il y aura toujours d'autres théories et c'est ce qui est beau aussi avec les sciences sociales c'est qu'il y a toujours plusieurs écoles et on voit toujours aussi les choses par rapport à notre propre prisme mais ce que je trouvais assez fou c'est qu'en fait des fois il n'y a pas de raison pour cette peur et je pense que c'est transférable en vélo, en montagne mais c'est vrai que quand on grandit et moi je me souviens m'être explosé la face sur une grosse chute et du coup je me suis cassé le nez mais en prenant la falaise vraiment ça m'avait arraché la peau du visage et à l'école ils me surmenaient Scarface et ma mère elle m'a appelé Croutard mais c'était hyper choquant alors qu'un qu'y a un mec qui se pète le nez et qui... qui se prend une bulle dans la face ou qui a un œil au bernois, ça ne fait jamais le même effet. Et donc, c'est vraiment des choses qui sont omniprésentes dans nos sociétés et auxquelles on ne fait même plus gaffe. C'est presque normal. Mais moi, des fois, quand il y a une petite au kayak qui galère à porter son bateau, je vais être là, t'es sûre, ça va, je te file un coup de main. Et peut-être que je le fais, je pense que je le fais aussi avec les petits garçons. Mais peut-être que inconsciemment, je le fais plus avec les petites filles parce que c'est la société qui veut ça. Et donc, toujours essayer de se poser les questions. Et je pense qu'il y a énormément de barrières. Il y a des différences d'opportunités entre les hommes et les femmes. Je pense qu'il y a des accessions à un certain niveau de pratique qui sont plus difficiles. Et je pense qu'en kayak de rivière, quand tu es une femme et que tu veux faire des rivières très compliquées, il faut quand même plus faire tes preuves que quand tu es un gars. Il y a aussi des facteurs très objectifs là-dessus. C'est qu'il faut prouver aux gars que tu peux tirer sur une corde, que tu peux les sortir, que toi aussi, tu es suffisamment costaud pour les secourir. Et des fois, il y a aussi des facteurs un peu subjectifs où eux, ils ne vont pas te voir comme quelqu'un de fort et du coup, tu vas plus devoir prouver. Mais inversement, moi, cette année, j'ai emmené un gars. Il avait une barbe et tout. C'était censé être un méga aventurier. Et du coup, je me suis dit, c'est bon, on va faire telle section de rivière et ça va aller. Et au final, on a fait la section de rivière et il s'est mis une énorme boîte. Et je m'en voulais parce qu'au début, je lui ai dit, c'est bon, t'es OK. Si jamais tu te renverses, tu fais ça, ça, ça. Surtout, tu lâches le matos et je te ramène au bord. Et en fait, il a paniqué, il n'a rien lâché. Il n'a rien fait de ce que je lui avais dit de faire. Mais sur le coup, il m'a répondu avec une assurance déconcertante. Ouais, t'inquiète. Et en fait, c'est devenu dangereux. Et donc, tu vois, ces représentations un peu mentales, elles vont dans un sens, mais aussi dans l'autre. Et dans les deux cas, en fait, c'est problématique.

  • Speaker #1

    Ouais, totalement. Et est-ce que toi, comment tu gères le côté risque, le côté peur ? Parce que forcément, oui, tu prends des risques. Et forcément, tu as peur vu ce que tu fais. Mais comment tu gères cet aspect-là ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les risques, vraiment, moi, j'essaye d'être la plus objective possible. En fait, on va arriver sur un rapide et je vais vraiment essayer d'identifier les dangers et de dire, OK, là, ça peut me faire avoir une mauvaise ligne, mais je passe à travers et finalement, c'est un peu risqué, mais au pire, je vais taper. Ça, ça va me retenir, c'est foutu, ou si je finis là, c'est un danger de mort. Et après, en fonction de ça, parce que souvent les gens, quand ils pensent au risque, ils pensent juste à la conséquence. Et par exemple, le risque, tu te rates, et tu finis dans tel endroit, tu te noies, t'es mort. Et en fait, ils oublient que le risque, c'est pas juste la conséquence, il y a aussi un facteur statistique, c'est... Ouais, mais est-ce que tu vas finir dans tel endroit où il y a un danger de mort ? Si tu es sûre que tu vas avoir une bonne ligne et que tu vas passer à 15 mètres plus loin que cet endroit-là, normalement, finalement, le risque est assez faible, même si la conséquence, si tu te rates, elle peut être fatale. Et donc, c'est vraiment cet arbitrage-là que j'essaye de faire. C'est d'abord regarder, essayer de bien identifier tous les dangers et après, de savoir si, oui, en effet... je trouve que ce mouvement-là, il est trop aléatoire et que ça ne me plaît pas parce que je ne suis pas certaine d'être en contrôle à ce moment-là pour passer telle vague ou passer du bon côté du caillou, je ne vais pas le faire. Et pour autant, avec une conséquence similaire, si j'estime que là, c'est bon, je suis sûre de moi, je vais passer et ça ne va pas être problématique. Donc, c'est vraiment un peu, c'est un calcul. Et le calcul n'est pas pareil pour tout le monde parce qu'on n'a pas tous, déjà on ne voit pas tous les mêmes dangers. Donc ça c'est aussi pour ça que c'est important d'être en équipe et de se parler et aussi d'apprendre les uns les autres. Et après on n'a pas tous les mêmes points forts. Moi je sais que j'ai des copains, je sais exactement que pour passer des rouleaux, ils sont très très forts et ils passent. tout le temps super bien alors que moi ça va peut-être être un de mes points faibles et du coup c'est pas parce qu'eux ils sont motivés pour faire ce rapide là que moi je dois me sentir obligée de le faire et du coup il y a plein de fois quand t'es avec un groupe qui se connait très bien et qui fonctionne très bien en fait tu vas avoir une personne qui fait un rapide très dur mais le rapide d'après qui est peut-être moins dur il va pas se sentir et c'est peut-être une autre personne qui va le faire et en fait chacun va un peu choisir et les rapides qu'il veut faire ou porter, et les différentes lignes en fonction de ses préférences, des habiletés et aussi de son calcul de risques et de conséquences.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, c'est vraiment individuel et il n'y a pas d'égo qui tienne. Tu fais ton choix en fonction de toi et point.

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours dans le meilleur des mondes parce qu'il y a toujours un peu des fois des dynamiques d'égo où tu as envie de le faire. L'ego souvent on le voit comme quelque chose de négatif, c'est un peu comme la peur, on le voit toujours comme quelque chose de négatif, de paralysant. Et en fait, je pense que l'ego et la peur, ça peut être des choses qui sont moteurs. En fait, la peur, déjà, ça te permet de prendre les bonnes décisions. Si tu n'as peur de rien et que tu penses toujours que tu peux tout faire, il y a un moment donné, tu vas en payer le prix parce que tu n'es pas forcément en phase avec le risque, justement. Et le fait d'avoir peur, ça te permet de bien identifier les dangers. Et l'ego, ça peut aussi être quelque chose de moteur dans le sens où... À un moment donné, si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas un peu d'ego, t'engager dans une pratique un peu plus dure ou même la volonté de progression, c'est quelque chose qui va de pair avec l'ego. Si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas envie de t'améliorer, et ça, ça vient de l'ego, finalement, tu restes dans une pratique où tu vas... progresser soit très doucement, soit stagner. Et donc, on a tous, je pense que tous les sportifs et tous les gens qui pratiquent un peu des sports ou même d'autres choses à un niveau plus intense, il y a de l'ego et c'est ça qui est dur aussi, c'est toujours se poser la question, attends, je le fais parce que j'ai envie de prouver à quelqu'un que je suis capable de le faire ou je le fais vraiment pour moi parce que la ligne, elle me plaît. Ou est-ce que je le fais parce que là, il y a les caméras, c'est mon boulot et puis il faut y aller ? Et en fait, ce serait hypocrite de dire que tu es toujours dans la pratique, la forme la plus pure et que tu fais toujours les choses pour toi et pour les bonnes raisons. Parce que je pense qu'il y a forcément des moments où on fait les choses pour les mauvaises raisons. Des fois, tu veux impressionner tes copains, faire le clown et c'est là où... ou des fois ça se passe pas comme prévu et c'est pas grave en fait de faire des erreurs on est humain, on continue de faire des erreurs des fois tu penses être dans une bonne optique et en fait tu prends une mauvaise décision et c'est qu'après coup tu te rends compte que ouais il y avait des petits indices qui font que t'aurais dû faire les choses différemment mais sur le coup tu... tu ne les as pas pris en compte ou tu ne les as pas forcément identifiés. Et je pense aussi d'essayer d'être honnête avec soi-même et de se poser les bonnes questions et d'admettre que des fois, on n'est pas parfait, on fait des choses, on fait des conneries ou des choses pour les mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Ouais, normal. Heureusement, effectivement, on est humain. Et puis, ça monte l'équilibre au final à trouver. Et qu'est-ce qui t'a donné envie de raconter déjà ton parcours dans le film Wild Waters ? et ensuite ton expédition au Pakistan dans un deuxième film qui est Big Water Theory. Est-ce que tu avais envie de partager ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que sur ces deux projets, on n'était pas partis sur ça au début. Wild Waters, j'avais ce projet de faire une chute de plus de 100 pieds et d'être la première femme à dépasser cette hauteur-là. Et donc, on a fait ça. Et à un moment donné, on s'est posé pour dire, bon, ben voilà, maintenant, il faut qu'on le raconte. Qu'est-ce qu'on raconte ? On s'est dit qu'on trouvait ça chiant de juste dire, voilà, on a trouvé une chute très haute et on est allé la descendre. Et du coup, c'est un peu parti sur l'optique de dire, comment justement est-ce que tu en arrives là ? Et qu'est-ce que ça demande ? Et qu'est-ce que ça prend en compte ? En fait, comment est-ce que tu en arrives là ? à deux secondes de chute libre, mais tout ce qui a été fait en amont pour en arriver là. Et donc, ça a fait un biopic. Ce n'était pas du tout prévu. Moi, j'ai vu le... Parce qu'assez tôt, en fait, à partir du moment où on a eu cette idée-là, on a fait des heures et des heures d'interview. Et puis, moi, on m'a vite évincée du processus de storytelling. D'habitude, je suis un suivi et je vois les brouillons, les versions. Et là, vraiment rien du tout. Et du coup, en ayant fait un peu de socio, j'étais là, oui, normal, je suis trop proche de l'objet étudié. Et forcément, je ne sais pas si on fait un film sur toi ou on montre des images de kayak, tu vas dire, non, mais plutôt ça, que ça, ma ligne, elle est mieux. Ah non, cette photo, elle est vraiment trop moche. Et donc, tu vas peut-être vouloir faire des choix qui ne sont pas optimaux pour l'histoire. mais qui te semble mieux pour toi parce que forcément tu veux pas qu'on met le menton sur telle photo de cet homme, j'en sais rien. Et du coup le film est sorti, j'ai vu le premier brouillon, la seule version que j'ai vue avant, je l'ai vue vraiment trois jours avant la première. Et j'étais ok avec ça, mais c'est sûr que je n'avais pas forcément pensé au fait que quand on fait un biopic sur toi avec ta 31 ans, ce n'est pas hyper facile après. Et je n'avais pas aussi pensé qu'il y allait y avoir plein de gens qui allaient savoir des choses hyper personnelles sur moi. Et je n'y avais pas pensé en fait, parce que le réalisateur qui était aussi en train de cadrer pendant les interviews, c'est quelqu'un que je connais depuis hyper longtemps, c'était un copain. Et du coup, il a super bien fait son boulot parce que j'ai oublié la caméra et moi, je parlais à mon copain qui me posait des questions. Et je pense que c'est ce qui fait aussi que le film marche. Mais c'est sûr qu'à assumer derrière, j'ai eu un peu plus de mal. Et sur Big Water Theory, au début, c'était vraiment de partir sur l'induce entre copains. Et après, Jules avait envie de venir et son frère Emile qui travaille justement dans... dans l'image et qui est super bon en 4 heures et en réalisation. Il a demandé s'il pouvait venir filmer. Et en étant athlète professionnel, c'est sûr que quand tu peux ramener les images, c'est toujours mieux. Et donc au début, il était parti comme ça pour faire 2-3 images de haut rapide. Et puis au final, il a ramené un film assez pédagogique sur l'analyse de ces rapides, vraiment explicatif de comment on choisit le lit. Et donc, il a fait un vrai film. Mais ce qui est assez marrant, c'est que sur les deux projets, ce n'était pas prévu. Mais j'y travaille. J'essaye de mieux prévoir les choses et de m'organiser mieux en amont maintenant.

  • Speaker #1

    C'est l'expérience maintenant. Et quelle a été ta plus grande satisfaction une fois que tu as partagé ces films ? Le premier, tu disais quand même pas évident. Mais est-ce que tu as quand même été contente au final de ce partage ? Et puis le deuxième aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que ce soit les films ou le partage en général en étant athlète, on est obligé d'être sur les réseaux sociaux, d'écrire des articles, ça peut être un peu, c'est assez vaste, ou de partager ça dans des médias plus traditionnels. Moi fondamentalement je fais un truc qui ne sert à rien, parce que mon métier ça consiste à faire des ronds dans l'eau, descendre des figures, je ne suis pas utile à la société. Et c'est vrai qu'il y a des petits moments, des petits fragments comme ça, où tu as des gens qui viennent te voir et qui disent « moi j'ai vu ton premier film et j'ai commencé le kayak » et du coup, déjà ils sont hyper heureux de faire du kayak, ils sont actifs. Tu as des enfants qui se mettent au sport ou qui eux aussi... tu leur donnes des idées de rêves ou de choses qu'eux aussi ils pourraient faire. Et il y a des petits instants comme ça où tu te dis, bon ben, ça ne sert à rien, mais quand même, de temps en temps, tu peux apporter quelque chose à quelqu'un, même si ce n'est pas grand-chose, même si parfois c'est juste une heure de divertissement dans une salle de ciné. Finalement, c'est mieux que rien et ça, c'est hyper gratifiant. Je pense que les enfants qui viennent te voir et causent... poser des questions et qui te racontent eux aussi qu'ils sont un couple de kayak ou qu'ils ont fait une rando avec leurs parents et qu'ils ont un peu des étoiles dans les yeux c'est pour ça aussi que ça vaut la peine d'être partagé et que ça vaut la peine de passer du temps à faire tout ça

  • Speaker #1

    Je pense qu'il ne faut pas négliger le côté utile de l'inspiration aussi parce que certes tu n'étais pas en train de sauver des vies en faisant du kayak, mais s'ils t'inspirent plein de gens, soit à faire du kayak, soit, tu vois, moi, je ne me suis pas mise au kayak suite au film, mais j'avais été marquée, en fait, juste par ton approche du sport et de la vie, on va dire, et c'est des choses, je pense, qui restent et qui peuvent vraiment faire du bien à plein de gens. Donc, tu es utile aussi, il n'y a pas que les chirurgiens qui sont utiles, et le milieu dans lequel tu évolues, il est quand même très masculin aussi, est-ce que, toi, ça t'a... posé problème, t'as rencontré des obstacles ou au contraire, est-ce que t'as eu des soutiens particuliers ? Comment tu l'as vécu et que tu le vis encore maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je pense que j'ai rencontré quelques obstacles. Il y a eu des gens qui ont douté. Je me souviens d'une fois où j'étais avec mon père et on essayait de se greffer sur un groupe parce qu'on n'avait pas de voiture. Et du coup, pour la navette, on avait besoin de se greffer avec quelqu'un. Et le chef de l'autre groupe, il ne m'adressait pas la parole et il ne faisait que demander à mon père si c'est bon que j'avais le niveau. Et ça m'énervait tellement. Et ça, c'est des barrières, c'est des trucs un peu pénibles. Quand tu es à côté et le gars ne te parle pas, il demande à ton père « mais c'est sûr que ça va aller la petite ? » Alors que je navigue vachement mieux que mon père, déjà à l'époque. Et il y avait plus de soucis à se faire pour lui que pour moi. Mais mon père, avec son flègme britannique, il savait bien des liaisons de trucs. Donc ça, c'est toujours des situations un peu inconfortables. Même en Pôle France, sur des entraînements avec les fédéos, « Ah non, mais pas les mousesses, vous allez rattraper, machin » . C'est toujours un peu, tu te prends quand même un peu des doses dans la tête, c'est pas toujours hyper sympa. Et en même temps, je pense qu'assez vite, je pense que j'avais pas mal d'assurance. Et du coup, quand ça m'arrivait, j'avais du répondant et je les envoyais balader. Et tu vois, un entraîneur qui disait « Allez les grottons » , je me mettais au créneau, je fais « Quoi ? C'est nous que tu traites de grottons ? » Et je lui mettais un sachet, je le défonçais jusqu'à ce qu'il s'excuse. Et du coup, ça ne m'est pas arrivé beaucoup. Et donc pendant un temps, je me suis dit « Ouais, ça va quand même, les kayakis, les gars, ils sont bienveillants. » Et je pense que j'avais énormément aussi de... de copains Paguior dans mon entourage, de mon âge et des générations au-dessus qui m'ont beaucoup soutenu, qui m'ont beaucoup aidé, qui m'ont partagé les montants de leur contrat quand ils se sont rendus compte que j'étais moins bien payée, qui m'ont soutenu auprès des sponsors pour dire que ce n'était pas juste. J'ai eu beaucoup de chance, je pense, dans mon entourage et du coup, pendant longtemps, je me suis dit « Non mais là, la situation, ça va, c'est quand même beaucoup mieux qu'avant. » Et en fait, c'est sûr qu'il suffit des fois de te retrouver avec les mauvaises personnes pour te rendre compte qu'il y a encore du boulot. Et je me souviens de quelques voyages où, en fait, tu es peut-être avec des gens plus vieux, moins sensibles, et ils ne se rendent pas compte des comportements qu'ils peuvent avoir, comment ça peut être gênant, comment ce n'est pas toujours adapté. J'essaye de leur dire des fois le plus poliment possible que ce n'est pas très drôle ou que ce n'est pas hyper confortable. Et puis souvent, en fait, quand tu ouvres une discussion et que tu le fais de manière posée et calme, c'est plus efficace. Et puis les gens, ils réfléchissent et ils reviennent et on en parle. Mais après, j'ai des copains, je pense que j'ai vraiment beaucoup de chance. J'ai des copains avec qui je pars, il va faire super chaud et tout, et tu vas voyager dans un bus ou quoi, et c'est trop chaud. Et l'année dernière, j'ai un copain qui me dit « Ah, je suis désolée, j'ai trop chaud et tout, ça ne te dérange pas si j'enlève mon t-shirt ? » Parce que ce n'est pas juste, parce que toi, tu ne vas pas te mettre en brassière, ça ne se fait pas dans le pays où on est. Et moi, c'est sûr que je peux me mettre torse nu, mais si ça te dérange, je ne le fais pas. Et donc, tu vas avoir des gens comme ça qui sont… hyper sensibles et qui font très attention et des fois t'es dans un bus rempli de kayakistes et puis ils sont tous torsenus à prendre beaucoup de place et ils transpirent dessus et ça leur pose aucun problème et là t'es obligé de leur dire non mais remets un t-shirt tu pues et t'es en train de transpirer dessus et c'est juste C'est juste aussi en fonction de l'éducation des générations, il faut prendre les choses en compte et essayer de peut-être sensibiliser. Mais quand c'est possible, après tu vois, tu as des gens, c'est peine perdue. Tu ne les changeras pas et je pense que ça ne vaut pas le coup de se battre parce que de toute façon, ils ne changeront pas, ils sont comme ça. Je pense qu'une fille... Dans le sport, c'est forcément moins performant qu'un garçon, qu'on est moins forte, qu'on est physiquement faible, qu'on va avoir peur, qu'on va être mentalement fragile. Et ils y croient tellement, c'est tellement ancré en eux qu'à la limite, il faut juste les plaindre et en rire et se moquer un peu d'eux.

  • Speaker #1

    Ça ne vaut pas le coup de mettre trop d'énergie, essayer de faire quelque chose. Est-ce que tu vois quand même une évolution de la place des femmes ? Est-ce qu'il y a de plus en plus de femmes, par exemple, qui pratiquent le kayak extrême comme toi ?

  • Speaker #0

    À nous, on a de plus en plus de femmes, je pense. En tout cas, ce n'est plus une mixte. Et donc ça c'est bien, il y a beaucoup de jeunes qui naviguent bien dans la nouvelle génération. Après ce que je trouve un peu compliqué c'est que souvent, t'as les filles elles-mêmes qui revendiquent, ouais mais on est plus, on est plus fort, on fait plus ci. Et quand tu regardes moi la génération au-dessus de moi et les Pagayos que j'ai pris pour exemple, et bah en fait elles étaient quand même beaucoup plus fortes que les jeunes qui arrivent maintenant. Et du coup, je trouve ça un peu triste qu'il n'y ait pas assez de conscience et d'histoire pour qu'elles se rendent compte et qu'elles se disent « Ah ouais, mais elles faisaient déjà ça avec les bateaux de l'époque » et d'avoir cet envie de progression aussi. Donc je pense qu'il manque un peu de culture. Et après, jusqu'à un certain niveau, il y a vraiment beaucoup plus de femmes. Et après, pour vraiment aller chercher des rivières plus compliquées, plus engagées. finalement, on est très peu nombreuses. Et même dans les jeunes pagueurs qui ont un niveau technique hyper élevé, il y en a beaucoup qui ne passent pas ce cap un peu d'engagement. Après, c'est quelque chose qui arrive aussi chez certains garçons. Moi, j'ai des copains, techniquement, c'est des monstres. Et puis, au moment de faire les plus gros rapides, ils ont largement les capacités de le faire. Ça ne les intéresse pas forcément. Et ce n'est pas quelque chose sur lequel ils ont envie d'aller parce que souvent, c'est des profils qui aiment être en contrôle absolu. Et donc, quand on va sur des trucs plus durs, l'eau, elle est constamment en train de bouger. Donc, ça bouge devant nous, les vagues, elles cassent sous nous, derrière nous. Donc, ça implique un autre côté. C'est quelque chose qui ne les attire pas du tout. Et donc, ils décident de ne pas le faire. Et je pense qu'il y a aussi des filles qui sont comme ça. c'est pas leur truc et il y en a d'autres qui sont encore justement qui ont des barrières un peu liées aux représentations mentales où elles se disent non mais moi je suis pas capable de faire ça et donc des fois c'est dur parce que t'aurais envie de les pousser et en même temps c'est super bien parce que le jour où elles décident de faire quelque chose, elles le font avec beaucoup plus de bagages techniques que si elles l'avaient fait trop tôt. Et du coup, souvent, elles ont plus de marge. Et donc, tu sais que tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour elles. Et ce n'est pas des têtes brûlées. Mais après, c'est sûr qu'il y a tout, que ce soit chez les gars, chez les filles. Mais ce serait bien d'avoir un peu plus de filles qui engagent sur du classe 5.

  • Speaker #1

    Alors, ça va peut-être encore évoluer dans les années à venir. C'est déjà intéressant ce que tu dis. Et toi alors, pour la suite, est-ce que tu as des rêves d'expédition, des projets dans les mois qui viennent ou les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    Alors, moi là, j'avais un gros projet qui est un peu tombé à l'eau parce que c'est un projet montagne et kayak. Et que du coup, la clé de voûte de ce projet, c'est blesser. Donc, on va devoir décaler et... et attendre aussi qu'elle se rétablisse pour pouvoir éventuellement repartir là-dessus. Et donc là, je suis en train de tout remanier ma fin de saison pour compléter avec un autre projet. Et a priori, je partirai au Mexique faire des chutes avec une jeune Mexicaine. Donc là, on ferait un projet à filles, ce que je ne fais pas souvent. Mais ça faisait quelques années qu'on voulait faire ça et on n'avait pas les calendriers qui coïncidaient. Et du coup, là, elle est dispo et motivée et moi aussi. Donc, on va essayer de faire ça.

  • Speaker #1

    Trop bien, ça donne envie de suivre ça. Et j'ai une petite question traditionnelle pour la fin du podcast. Est-ce que tu as un conseil que tu aimerais faire passer aux auditrices, en général sportives, qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Un conseil ?

  • Speaker #1

    Ou un message ?

  • Speaker #0

    Alors, si j'avais un conseil, c'est d'essayer de toujours faire les choses pour les bonnes raisons et peut-être de toujours faire les choses parce que ça nous rend heureux et de ne pas se forcer à faire les choses si ce n'est pas vraiment ce qu'on veut faire nous. Je pense que des fois il y a des pressions extérieures qui viennent un peu parasiter tout ça. Et donc c'est important de se recentrer et de se dire est-ce que c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de faire moi ou je suis en train de suivre le groupe ou c'est par rapport aux attentes qu'on a de moi ou pour des questions d'image. Et ouais de faire les choses pour soi, pour les bonnes raisons et avec pour finalité de passer un bon moment et d'être content.

  • Speaker #1

    C'est un très beau message. Grand merci, Nouria, d'avoir pris le temps déjà de faire cette interview et pour tous les éléments que tu nous as apportés. Et plein de bonnes choses pour tous tes projets à venir.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Nouria Newman

    00:03

  • Les débuts de Nouria en kayak et son parcours classique

    00:08

  • Transition du slalom vers le kayak extrême

    02:44

  • Les émotions vécues en pleine nature

    05:07

  • Équilibre entre expéditions et vie quotidienne

    09:21

  • Préparation des expéditions et logistique

    12:38

  • Gestion du risque et prise de décision en kayak

    16:42

  • Étude sur le rapport au risque des femmes dans le sport

    28:50

  • Projets futurs et conseils pour les auditrices

    57:57

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Description

Qu’est-ce qui pousse une femme kayakiste à défier les rivières les plus dangereuses du monde ?


Aujourd’hui, je reçois Nouria Newman, kayakiste professionnelle, ancienne membre de l’équipe de France de slalom et première femme à avoir franchi certaines des cascades et rapides les plus extrêmes de la planète. Nouria, c’est une athlète hors norme, mais aussi une aventurière qui questionne sans cesse son rapport au risque, à la peur et à la liberté.


Au programme de cet épisode :

  • Comment Nouria est passée du slalom en équipe de France aux expéditions en kayak extrême ?

  • Ce qu’elle recherche vraiment quand elle se lance dans une rivière sauvage.

  • Les coulisses de la préparation d’une expédition : logistique, choix des rivières, travail d’équipe.

  • Le solo en kayak : introspection ou mise en danger inutile ?

  • Son rapport au risque et à la peur, et ce que son mémoire de master lui a appris sur la construction sociale du risque chez les femmes.

  • Les défis rencontrés en tant que femme dans un milieu très masculin.

  • Ses projets à venir et son conseil aux sportives qui nous écoutent.


Un échange brut, sincère et riche en réflexions, qui donne envie de se jeter à l’eau… mais surtout de suivre ses propres lignes, que ce soit sur une rivière ou dans la vie.


🔗 Liens:

Suivre Nouria: https://www.instagram.com/nourianewman

Crédit photo de couverture ©JulesDomine


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Auteur: Jens East

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Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


🔑 Mots clés de l’épisode:

kayak extrême, kayak de rivière, eau vive, sport outdoor, kayak féminin, peur, mental, aventure nature, risques, préparation expédition


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Nouria Newman, une kayakiste hors normes. Après une brillante carrière en slalom, elle a choisi la liberté des descentes extrêmes et des expéditions. Elle est d'ailleurs la première femme à avoir réussi à franchir certains rapides et cascades parmi les plus dangereux au monde. Je suis vraiment ravie de la recevoir aujourd'hui. Aussi un peu émue puisque c'est vraiment l'une des personnalités qui m'a le plus marquée ces dernières années, pas seulement justement pour les performances mais pour sa personnalité et son approche de son sport. Bienvenue Nouria !

  • Speaker #1

    Salut, merci !

  • Speaker #0

    Moi je t'ai déjà un petit peu présentée mais j'aime bien que mes invités se présentent aussi soi-même, donc est-ce que tu veux bien aussi te présenter ?

  • Speaker #1

    C'est toujours dur ça. Je m'appelle Nouria Nouria.

  • Speaker #0

    Ça c'est pas simple.

  • Speaker #1

    Je vais avoir 34 ans et je suis kayakiste professionnelle. Donc aujourd'hui, mon métier, c'est de descendre des rivières un peu partout dans le monde. Et ça tombe bien parce que j'adore ça.

  • Speaker #0

    C'est un métier original ça. Est-ce que tu peux nous parler déjà de tes débuts en fait en kayak ? Comment tu en es venue à cette discipline ?

  • Speaker #1

    Et moi, j'ai vraiment commencé le kayak, on va dire, par un parcours ultra classique, c'est-à-dire en rejoignant le club qui était à côté de chez moi. Du coup, en France, on a quand même un milieu associatif qui est vraiment bien pour pouvoir faire des sports qui sont assez onéreux, qui nécessitent beaucoup de matériel. Et du coup, en fait, jeunes, on a la possibilité comme ça, en activité extrascolaire, de prendre une licence dans un club de sport à côté de chez soi et d'essayer au kayak, au ski. Moi, j'habite en Savoie, donc c'est vrai qu'on est vraiment privilégiés. sur le nombre d'infrastructures au niveau sportif et aussi par la nature qui nous entoure. Donc c'est vrai qu'on a accès à beaucoup de sports outdoor et donc j'ai pu commencer comme ça au club de kayak. Donc on te prête du matériel, le bateau, la paillette. On a un entraîneur qui nous apprend à naviguer et après de fil en aiguille, souvent on est orienté assez tôt. sur les disciplines traditionnelles de compétition, qui étaient le slalom et la descente. Et donc, pendant pas mal d'années, j'ai vraiment suivi le parcours classique en slalom, les compétitions nationales, de monter dans la première division, les passages en équipe de France et jusqu'au niveau international, Coupe du Monde, les championnats du monde.

  • Speaker #0

    T'as un palmarès vraiment impressionnant en slalom, et qu'est-ce qui t'a poussé à arrêter ça pour te tourner plutôt vers les expéditions ?

  • Speaker #1

    En slalom, c'était assez mitigé. J'ai toujours eu quelques bons résultats qui suffisaient justement à garder la motivation et l'espoir, mais j'ai eu énormément d'échecs. J'avais du mal à faire mes réglages de distance, il ne faut pas toucher les portes, il ne faut pas les rater non plus. Et j'avais du mal aussi à essayer d'aller moins vite pour assurer. Donc, j'ai vraiment une carrière avec soit des bons résultats, soit des grosses sorties de route. Et donc, beaucoup plus d'échecs que de réussites. Et à un moment donné, j'ai eu quelques années compliquées sur le plan personnel. Et du coup, sportivement, j'ai eu du mal à... à suivre et à ce moment-là, je n'étais pas forcément dans les meilleurs critères de résultats. Du coup, les gens à la fédération, à ce moment-là, ils ont décidé de ne plus croire en moi. Donc, j'ai peu à peu perdu le droit de m'entraîner en structure, mon entraîneur. Et donc, le choix s'est un peu fait aussi pour moi parce que je pense que je n'aurais pas forcément eu le craint de tout quitter. En fait, tu fais ça depuis tellement d'années, tu as une routine qui est déjà bien installée, tu te lèves, tu vas à l'entraînement, tu rentres chez toi, tu fais de l'analyse vidéo, tu repars pour une deuxième, voire une troisième séance, et en fait, du coup, tu es habitué comme ça, et de quitter ça, ça fait peur, puisque du jour au lendemain, tu te lèves, et puis en fait, tu passes la porte avec tes affaires pour aller à l'entraînement, et non, tu n'es plus en Pôle France, tu n'as plus d'entraîneur, et donc tu n'as plus de... créneau d'entraînement, t'as plus de lâcher d'eau sur le bassin et donc ça a été un changement assez radical mais je pense qu'au final, je remercie les gens qui pensaient que j'étais trop lente et trop vieille parce qu'ils m'ont permis de transitionner plus rapidement sur le kayak de rigueur et c'est quelque chose que je faisais déjà en parallèle.

  • Speaker #0

    depuis toute jeune. Parfois, il y a des choses qui ne semblent pas très bien sur le coup et en fait, sur le long terme, c'est plutôt positif. Qu'est-ce que tu as trouvé dans cette nouvelle pratique et aussi dans la pratique de l'enduro, puisque tu es récemment devenue championne du monde, que tu ne trouvais peut-être pas forcément dans le slalom, parce que c'est quand même super différent ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qui me plaît aujourd'hui dans ma pratique... du kayak extrême et donc du kayak en pleine nature. C'est quelque chose que je retrouvais en slalom au début parce qu'on avait beaucoup de courses sur des bassins naturels. Et c'est vrai qu'avec les Jeux Olympiques et les critères du CIO, du coup, la pratique du slalom en eau vive et maintenant du kayak cross, qui sont les deux disciplines olympiques en eau vive, elle s'est artificialisée. presque plus aucune compétition sur bassin naturel ou semi-artificiel. Et donc, c'est vraiment des stades de vives où, en fait, c'est presque comme des piscines fermées avec une fausse rivière. Et l'eau, elle arrive en bas, elle est remontée par des pompes et ça coule continuellement. Et donc, ce n'est pas tout à fait les mêmes sensations. Souvent, les berges, c'est en béton, ce n'est pas du tout ce qu'on trouve sur une rivière. Pas d'arbres, je ne vois pas forcément les montagnes. Et je pense que maintenant, de par ma pratique en milieu naturel, je pense que je retrouve aussi ce pourquoi j'ai commencé Keck. C'était vraiment pour un moyen de transport et de faire une activité aussi en pleine nature. Nous, en Savoie, on a des rivières qui sont magnifiques. L'eau, elle coule. En été, elle est bleue. Quand elle est crue, elle est marron, mais il y a plus de débit. Et du coup, c'est plus amusant. Et donc, de retrouver vraiment un peu la source et l'essence même du kayak en eau vive.

  • Speaker #0

    Ça a l'air effectivement très, très différent. Et quelles émotions, toi, tu recherches quand tu es sur ton kayak, justement, et au milieu d'une rivière naturelle comme ça ?

  • Speaker #1

    Les émotions qu'on veut chercher, je pense que ce qui est assez incroyable, dans cette activité c'est justement de pouvoir vivre plein d'émotions différentes et donc forcément on va chercher des sensations de colis, de passer un bon moment dehors avec des amis et après il y a aussi tout un spectre d'émotions et de sensations qui sont peut-être peut-être moins gratifiantes instantanément. En anglais, ils disent « the type to fun » où tu souffres un peu et après tu en tires de la satisfaction. Je trouve que quand tu es face à une descente qui est longue et éprouvante et que tu es fatigué et qu'au final tu dépasses ça pour y arriver, ou même un rapide qui te fait peur et où tu arrives à trouver les solutions, surmonter un peu tes peurs pour y arriver, c'est aussi très gratifiant. Du coup, je pense qu'il ne faut pas forcément s'attacher à une émotion, mais peut-être valoriser un peu tout et aussi apprendre à apprécier quand il fait froid, quand tout est gelé autour. Parce que c'est sûr que le kayak en plein hiver, mois de décembre, ce n'est pas toujours hyper agréable. Mais en fait, si tout repasse, le fait que tu as super froid aux mains et que tu es enmitouflé et que du coup... tu as du mal à bouger parce que tu as décidé de mettre une doudoune sous ta combinaison étanche. Si tu te rebasses, tu te rends compte que les lumières en plein Niger ne sont pas du tout pareilles que sur le reste de l'année. Souvent, il y a de la brume, tu vas naviguer, puis il va y avoir des stalactites de glace sur les berges. Ce sont des choses aussi qui sont assez appréciables. Mais pour les affrester, il faut aussi passer par le pôle. froid et un peu la galère.

  • Speaker #0

    Ça en fait toute la beauté à l'arrivée. Et comment est-ce que tu trouves l'équilibre dans ta vie entre tes expéditions où j'imagine que c'est quand même assez régulier et tu vas assez loin, et ta vie quotidienne qui est peut-être plus calme. Je ne sais pas si c'est plus calme d'ailleurs, mais peut-être un petit peu quand même.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop si c'est vraiment un équilibre. En fait, c'est juste que quand tu pars Au bout d'un moment, tu es tellement dans l'inconfort et tu continues de pousser que quand tu rentres, tu es content, c'est confortable, tu reprends une routine. Et puis au bout d'un moment, quand tu rentres, tu as envie de repartir parce que... Forcément, en France, on n'a pas toujours les meilleures conditions d'entraînement et de débit. Donc, ça va vraiment être plutôt une alternance entre les deux. Et peut-être finalement, l'équilibre, c'est de passer de l'un à l'autre assez régulièrement.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. Et comment est-ce que tu choisis justement ces destinations ? J'imagine qu'il y a des rivières qui sont plus adaptées à ce que tu veux faire. Mais comment spécifiquement tu vas choisir vraiment les endroits de la rivière où tu veux aller ou les rivières ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a des destinations qui sont déjà très connues et qui font vraiment partie un peu de l'histoire du Québec de rivière. Et donc, forcément, c'est des premières dessins, des choses qui ont été faites peut-être dans les années 90, parfois avant. Et on a envie de s'y confronter ou d'en faire l'expérience. Et donc, il y a des destinations, c'est un peu les... les benchmarks du kayak extrême et on a envie d'y aller. Il y a le Coran Kangen de la Stikine, il y a l'Indus au Pakistan, il y a les descentes très classiques au Népal, Toulibéri, Doudkossi, Oumla Karnali. Et donc il y a des choses comme ça dont on rêve et dont on a entendu parler depuis tout jeune. Et donc ça, on a envie d'y aller. Et après, il y a toute une partie où on a envie d'aller faire quelque chose de nouveau, de découvrir. offrir d'autres choses par nous-mêmes. Et donc là, vraiment, on va choisir peut-être un pays qui nous intéresse, soit par la culture, soit par rapport à des spécificités un peu géographiques et géologiques. Et de là, en fait, on va passer pas mal de temps à geeker sur Google Earth et à regarder des images satellites, à regarder les cartes, les profils de dénivelé. Et puis, des fois, on trouve des rivières qui nous font rêver, puis on a envie d'aller voir si c'est bien. Et ce qui est toujours un peu compliqué avec ça, c'est que des fois, on trouve vraiment une pépite, mais souvent, c'est pourri. Mais il n'y a qu'un seul moyen de savoir si ça vaut le coup ou si c'est pourri, c'est d'aller voir. Et là, c'est un peu comme ce qu'on disait tout à l'heure sur les émotions ou ce que tu apprécies ou pas. C'est qu'en fait, même si la rivière, parfois, tu n'as pas trouvé le... prochain classique ou la prochaine rivière qui sera répétée plein de fois, et bien c'est pas grave il faut apprécier le fait d'être allé voir avec ton équipe et d'avoir essayé de découvrir un endroit nouveau.

  • Speaker #0

    C'est vraiment chouette ça comme approche. Et quelles sont après du coup toutes les étapes de la préparation ? Moi j'ai vu tes films. Et ça m'impressionne à chaque fois de se dire, mais ça doit être tellement d'organisation pour y aller. Du coup, le repérage, t'en parlais, même après la logistique, ça veut dire qu'il faut quand même transporter des kayaks. Est-ce qu'il y a besoin aussi d'autorisation pour aller naviguer sur les rivières ? Comment tu constitues des équipes ? Comment tu prends en compte la météo ? Tout ça, j'imagine que c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Il y a pas mal de recherches à faire en amont. En fait, souvent, ce qu'on voit, c'est vraiment juste la descente de rivières. Mais toute la préparation en amont, des fois, on est bien organisé et on fait les choses un, deux ans, trois ans à l'avance. On commence à prendre des infos. Parfois, c'est un peu plus à l'arrache. Et moi, souvent, j'étais très, très à l'arrache. L'avantage de partir moins bien préparé, c'est que souvent, tu es plus flexible et tu as moins d'attente. Donc, ça peut être... Ça peut être bénéfique. Souvent, ça n'allait pas. Je me rends compte que plus on est préparé, mieux c'est. Parce qu'en fait, on a aussi fait des recherches sur nos plans B. Et du coup, ça, c'est vraiment primordial pour changer de rivière ou pour les accès. Mais souvent, déjà, on repère un endroit. Après, il faut gérer la logistique, le transport. Dans certains endroits, il y a des permis à avoir. Donc, il faut trouver un contact. local pour avoir les permis. Il y a des fois où on a passé des heures et des heures à aller dans les bureaux d'un politique à un autre pour essayer d'avoir une autorisation. Il y a des fois où on essaye d'y aller sans autorisation et du coup on finit par visiter les commissariats. Donc ça c'est des arbitrages aussi à faire et toujours essayer de... de respecter au maximum les règles ou en tout cas si on ne les respecte pas d'assumer mais que ce soit pas au détriment de quelqu'un d'autre donc il faut toujours faire gaffe aussi est ce qu'on a des points de contact sur place des gens qui vont nous aider Que ce soit des pagailleurs locaux qui ont les informations, ou des personnes qui vont nous conduire pour les navettes, ou peut-être juste le fermier du coin, ou les gens qui habitent sur place qui vont nous aider pour les informations, parce qu'au final, c'est eux qui savent le mieux sur les niveaux d'eau, sur est-ce qu'il y a des rapiers, est-ce que c'est engorgé. Il y a beaucoup de fois, en fait... Des fois, notre seule source d'information plus ou moins fiable, c'est un pêcheur qui est allé marcher par là-bas il y a sept ans. C'est incroyable. Cette année, on a dû faire un accès. Et du coup, c'est un indigène qui nous a montré le chemin d'accès. Et en fait, il n'était pas passé par là depuis plus de huit ans. Et il s'en souvenait super bien. Et on était là, t'es sûr, t'es sûr. Il nous a amenés à la rivière par un chemin qui était beaucoup plus efficace et beaucoup plus court que nous, ce qu'on aurait fait via la carte. Donc il faut aussi apprendre à lâcher prise et à vraiment faire confiance aux locaux. Et puis des fois, ça ne marche pas. Des fois, ils peuvent se perdre, il y a toujours plein de choses. Donc ça, ça fait partie un peu des aléas. Mais sur la logistique, tu as toute la préparation en amont. et après sur quoi ? place à aussi accepter l'aide de toutes les personnes qui sont disposées à t'aider.

  • Speaker #0

    Ça fait quand même plein de compétences et plein de choses à gérer. Tu n'as pas uniquement à pagailler et je mets vraiment de gros guillemets parce que vu les conditions dans lesquelles tu le fais, c'est déjà dingue, mais disons qu'il y a vraiment beaucoup de choses autour. Et parfois, tu voyages en solo, parfois en équipe. Est-ce que tu as une préférence pour l'un ou l'autre ? Est-ce que tu aimes bien alterner ?

  • Speaker #1

    Alors le solo c'est toujours très controversé parce que du coup tu as... pas de filet de sécurité. En fait, si tu as un problème, tu es tout seul. Il n'y a personne qui peut te venir en aide. C'est vite compliqué. Sur les prises de décision aussi, souvent, quand on arrive sur un cours rapide, on discute les uns avec les autres. Alors, l'avantage d'être en solo, c'est que tu n'es pas forcément influencé par le regard des autres. Et ça, vraiment, en fonction des équipes, des fois, tu es avec quelqu'un qui est... un peu trop optimiste ou pessimiste qui va vraiment focaliser sur tous les dangers. Et du coup, toi, ça va influencer tes choix et tes prises de décision. Donc là, forcément, t'as pas ça. Mais souvent, en fait, on part avec des gens qu'on connaît bien, en qui on a confiance. Et justement, ce point de vue du copain, il va venir nous aider dans notre analyse et on va discuter de telle ligne, tel mouvement d'eau. Est-ce que tu penses que ça ? Tiens, moi je vois ça, si quelqu'un voit une autre ligne, on va souligner les avantages et les inconvénients de chaque ligne et ça va nous aider à être potentiellement plus précis, nous, et plus juste dans notre lecture de l'eau. Donc on n'a pas ça en solo, on n'a pas justement cette option de se rater. Et ce qui est beau aussi, c'est que du coup on est entièrement responsable. de ses choix, de sa sécurité. Et il faut être juste parce que ça ne pardonne pas toujours. Donc il y a quelque chose qui est assez fou avec le solo, c'est que finalement, c'est presque plus dur et tu vas vraiment devoir être en phase avec tes prises de décision et les prises de risque. Moi, j'aime bien le faire de temps en temps. Ce qui me plaît, c'est que c'est presque aussi une introspection d'une certaine manière. Tu vois vite là où tu en es. Tu ne peux plus te cacher derrière peut-être le copain qui peut te ramasser à la corde en bas du rapide. Et donc, tu vois vite où tu en es sur ton niveau technique, physique, sur est-ce que tu es fort dans ta tête, est-ce que tu as le mental ou pas. après C'est une pratique hyper engagée qui n'est pas recommandable. La règle, c'est de jamais faire du kayak tout seul. Mais en même temps, la meilleure sécurité, c'est de ne pas se rater et de prendre les bonnes décisions pour ne pas avoir besoin de sécurité. Donc, à la limite, ça peut aussi faire partie d'une démarche et d'une progression, même si elle n'est pas... entendue et comprise par tout le monde.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et comment tu fais justement avant, donc tu disais déjà de toute façon que tu repères sur Google Earth vraiment en amont du voyage, mais une fois que tu es sur place, comment tu arrives à lire la rivière, à savoir qu'à tel endroit, il va y avoir assez d'eau pour que tu y ailles ? Donc le courant va être de telle manière, est-ce qu'il y a vraiment des techniques ? J'imagine que tu demandes du coup comme ce que tu disais aussi à des personnes, mais comment tu fais ? J'imagine que c'est quand même compliqué.

  • Speaker #1

    Alors après, vraiment sur les zones, en fait, tu vas arriver à ton départ de rivière. À partir de la carte, à partir de tes recherches sur les périodes, saison des pluies ou fond des neiges au printemps, tu vas avoir une estimation du niveau d'eau. Et en fait, quand tu vas à la première rivière de ta zone géographique, là, ça va te donner une idée. En fait, tu sais à peu près, tu as regardé sur la carte, tu as une idée de la taille du bassin versant, de la taille de la rivière. Et donc, tu vas arriver à cette rivière-là, tu vas voir l'eau qui coule et tu vas aussi voir les lignes de crues, du débit maximum. Et tu vas voir aussi s'il y a trop de cailloux pour qu'un kayak passe. Et après, il faut toujours prendre en compte que des fois, tu peux commencer une rivière, c'est affreux. Il y a plein de cailloux partout et du coup, tu vas gratter, comme on dit dans le jargon, mais tu vas devoir taper un peu tout le temps les cailloux. Mais s'il y a plein d'affluents qui arrivent, en fait, tu peux commencer dans une rivière toute petite et au bout d'une cinquantaine, d'un certain nombre de kilomètres, en fait, avec d'autres affluents. elle peut devenir très grosse, voire très volumineuse. Et donc ça, tu vas aussi le prendre en compte dans ta descente et en regardant les profils de dénivelé de la rivière, on a à peu près l'habitude que si tu n'as pas beaucoup de débit, tu vas avoir 5% de pente. C'est quelque chose qui se fait relativement bien, mais qui va prendre du temps. À partir du moment où tu as du gros débit, là, 5% de pente, tu sais que ça ne passe plus du tout parce qu'en fait... C'est trop raide. Et donc, tu vas estimer un peu tout ça. Mais c'est vrai qu'avant d'être au départ de la rivière, tu ne sais jamais trop. Parfois, tu as des phénomènes de crues où tu embarques sur une rivière, le niveau d'eau est bon, il pleut. Et là, la rivière peut monter d'un mètre, deux mètres et être plus navigable. Donc, il faut aussi, avant d'embarquer sur une rivière, étudier tes possibilités de points de sortie. Tu sais que si tu t'engages trop loin dans un canyon et qu'il n'y a plus de point de sortie, il faut le faire avec peut-être de la nourriture en plus ou prendre des cordes pour avoir une solution ou vraiment aller repérer le canyon avant pour savoir combien de temps tu peux mettre et le faire le plus vite possible. Et donc ça, après, c'est des arbitrages à faire. C'est presque plus stratégique que sportif finalement sur des projets comme ça.

  • Speaker #0

    Il faut que tu aies vraiment tous tes plans abaissés, prêts et que tu saches comment réagir. Et c'est très physique aussi forcément, tout ce genre de passage. Comment est-ce que tu te prépares physiquement ? Est-ce que tu as une préparation physique spécifique en plus du kayak ?

  • Speaker #1

    Alors, moi j'ai fait longtemps du slalom. Donc avec le slalom, tu as vraiment une prépa physique un peu traditionnelle où tu fais kayak, muscu, footing. Et quand j'ai arrêté, moi, j'ai fait une allergie à la salle de sport. Parce qu'aller en salle, c'est quelque chose que je n'aime pas. Mais alors, aller en salle, les salles normales, ça me déprime, en fait. Je n'aime pas trop, mais je m'y remets doucement parce que c'est important aussi de faire du renforcement et de la prévention pour les blessures à l'épaule, notamment. Mais du coup, quand j'ai arrêté, j'ai vraiment réorienté mon entraînement combiné sur d'autres disciplines et aller faire d'autres sports et plutôt des sports outdoor où je suis nulle. Et du coup, c'est trop bien parce que j'arrive à me mettre très mal dans des situations qui ne sont pas dangereuses. Je vais faire de l'escalade, je vais avoir peur, je vais avoir très mal au bras. En fait, il ne peut rien m'arriver. Et du coup, ce qui est bien, c'est que...

  • Speaker #0

    C'est vrai que pour toi, c'est pas mal, ça te fait un bon équilibre.

  • Speaker #1

    Et ouais, tu peux travailler des trucs qui vont te servir pour le kayak. Parce qu'en fait, tu tires sur une crise, c'est autrement plus intéressant que de soulever une barre en muscu. T'as plus d'angle pour les épaules. Il y a des trucs à tenir. En fait, c'est presque plus intéressant pour travailler les muscles profonds et le gainage. Et du coup, en faisant un peu d'escalade, du ski de rando, marcher, courir, un peu toutes les opportunités qui se présentent à moi en dehors. du kayak et beaucoup de kayaks.

  • Speaker #0

    C'est très complet au final. Et au niveau mental, est-ce que tu as des techniques mentales particulières pour vraiment être dans les meilleures dispositions possibles, en tout cas, avant un passage que tu sais qui est vraiment difficile ?

  • Speaker #1

    Au niveau mental, j'ai fait un peu de prépa mental quand je faisais du slalom. Quand j'ai eu des coups durs, j'ai eu un suivi avec que... avec des psychologues. Et du coup, déjà, ces gens-là, ils sont compétents dans leur domaine. Donc, souvent, ils vont t'apporter des outils. Et quand ça ne va pas, ou si je sens que j'ai des besoins, je n'hésiterai pas à retourner consulter et être accompagnée, en tout cas, dans ce domaine-là. Après, c'est dur, en étant athlète professionnelle, de tout faire. Ce qu'on ne voit pas, c'est que c'est sûrement mon métier, c'est de descendre des rivières, mais il faut penser les projets, faire en sorte qu'ils soient faisables, les vendre, donc les pitcher, qu'ils soient acceptés, les monter de A à Z, les réaliser. Et encore toute une partie aussi à gérer sur ce qui est un peu le rendu, en fait. C'est qu'on va être soutenu pour un projet, mais derrière, il faut... Il faut fournir des images, des histoires, des vidéos. Donc, il y a tout un suivi de ça. Et finalement,

  • Speaker #0

    ça prend beaucoup de temps.

  • Speaker #1

    C'est ce que les gens ne voient pas trop. Mais moi aussi, je dois faire ma compta et tous les trucs pénibles. Je suis vraiment nulle à ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, il faut faire des arbitrages. aller chez le bustéo ou avoir un suivi ou monter un projet. Et le temps, c'est vraiment quelque chose qui manque. C'est peut-être ce qui manque le plus. Mais après, sur les techniques, au-dessus d'un gros rapide, il y a beaucoup de visualisation. Et je pense que le slalom, c'est un super outil pour ça. Parce qu'à mémoriser des portes, en fait, après, quand tu dois mémoriser des rapides, des mouvements d'eau, finalement, sur une manche de slalom, tu sais... où tu vas mettre chaque coup de pagaie si tu dois le décomposer. Et donc finalement, en kayak de rivière, c'est la même chose, sauf qu'il n'y a pas de porte, mais il y a des vagues, il y a des rochers, il y a des lignes. Donc beaucoup de visualisation. Et après, quelques exercices de respiration, de la cohérence cardiaque, aussi réussir à faire baisser le rythme. Quand on est stressé, anxieux, au-dessus d'un rapide, souvent on sent que ça tape fort. Et du coup, il y a des fois, au moment où justement je visualise ma ligne et je me prépare, je me mets dans ma bulle, je vais aussi être concentrée sur le fait de faire redescendre ma fréquence cardiaque et d'être calme parce qu'une fois qu'on part, on a des mouvements à faire au bon moment. Et je trouve que quand tu es stressée, tu as tendance à tout faire trop vite. Et en tout cas, moi, j'accélère trop. Et du coup, en faisant tout trop vite, je perds parfois les timings. je fais mes mouvements trop tôt et ça va me faire avoir une mauvaise ligne. Donc vraiment, cette partie-là de prendre ton temps pour faire tes 10 respirations et te poser, c'est quelque chose qui m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Et j'ai quelques questions sur la gestion du risque. Déjà, ce qui est ultra intéressant, c'est que tu as fait ton mémoire de master sur la construction sociale du rapport au risque des femmes. Forcément, c'est un sujet qui me parle pas mal dans ce podcast. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ce mémoire et de ce que tu as découvert ?

  • Speaker #1

    Alors moi, j'étais assez en retard sur mon sujet de mémoire, mais j'avais pour idée de m'intéresser pas que aux kayaks de rivière, mais aussi pour des raisons de temps et pour mener les interviews de manière plus simple. J'ai fait le choix de me recentrer sur le milieu du kayak de rivière. Et en fait, c'était vraiment ce constat où j'ai eu un entraîneur de club assez jeune qui était incroyable, qui s'appelait Anthony Collin, et qui m'a formée. Et la génération après moi, il y avait énormément de filles aussi. Il y avait presque 50% de garçons et de filles dans ce petit club local, qui était assez étonnant par rapport aux statistiques de la fédération.

  • Speaker #0

    Et en plus, souvent, on venait nous voir et on nous disait « Ah, mais vous, au club, vos filles, elles n'ont pas peur. Comment vous faites pour que vos filles, elles n'aient pas peur ? » Et c'est quelque chose qui est resté. Et je me suis toujours posé la question. Je me disais « Mais il n'y a pas à voir. » Je ne pense pas qu'il y ait de raison biologique sur le fait qu'une petite fille ait plus peur qu'un petit garçon. Ça me semblait absurde puisque les jeunes... de vie de 9-10 ans qui étaient au club quand moi j'étais dans ma vingtaine, elles n'avaient pas peur et du coup je me suis dit que c'était peut-être juste socialement construit et du coup je me suis basée sur la sociologie du genre et les travaux de Christine Ménesson sur le football et la boxe et c'était ma directrice de mémoire du coup. Et après, il y a une sociologue néo-zélandaise, Olly Torck, qui a fait plus de recherches dans le milieu des sports extrêmes. Elle a fait sur le snowboard, le DTT. Et donc, en me basant là-dessus, et après avec les classiques de Bourdieu, la théorie des champs, je me suis dit qu'en fait, en fonction de ta position dans l'espace social, tu n'allais pas forcément avoir le même rapport au risque. Et en fait, je me suis rendu compte que dans les filles qui étaient plus engagées dans leur pratique du kayak de rivière, souvent elles avaient eu des socialisations indifférenciées, donc à soit accompagner leur père, soit suivre les grands frères, soit vraiment des parents qui ne faisaient aucune différence entre les petites filles et leurs frangins. ou les copains. Et l'autre chose que j'ai vraiment pu observer, c'est que les filles qui avaient fait une activité à haut niveau dans un autre sport, quand elles se mettaient au kayak, pareil, elles avaient un niveau d'engagement plus élevé et une meilleure compréhension de l'environnement qui les entourait. Et aussi, plus confiance en elles. Et donc, ça, c'est important. processus de socialisation secondaire en fait par leur pratique du haut niveau mais j'avais une fille qui était championne d'aïdao de rodéo à cheval une autre qui était pom pom girl et qui avait fait pom pom girl en Californie jusque top championnat des lycées et pareil en fait c'était marrant de voir les transferts qui avaient été faits et comment elles avaient vécu les choses et du coup oui le rapport Alors... au risque et je pense enfin je suis sûre mais après ça peut toujours être discutable il y aura toujours d'autres théories et c'est ce qui est beau aussi avec les sciences sociales c'est qu'il y a toujours plusieurs écoles et on voit toujours aussi les choses par rapport à notre propre prisme mais ce que je trouvais assez fou c'est qu'en fait des fois il n'y a pas de raison pour cette peur et je pense que c'est transférable en vélo, en montagne mais c'est vrai que quand on grandit et moi je me souviens m'être explosé la face sur une grosse chute et du coup je me suis cassé le nez mais en prenant la falaise vraiment ça m'avait arraché la peau du visage et à l'école ils me surmenaient Scarface et ma mère elle m'a appelé Croutard mais c'était hyper choquant alors qu'un qu'y a un mec qui se pète le nez et qui... qui se prend une bulle dans la face ou qui a un œil au bernois, ça ne fait jamais le même effet. Et donc, c'est vraiment des choses qui sont omniprésentes dans nos sociétés et auxquelles on ne fait même plus gaffe. C'est presque normal. Mais moi, des fois, quand il y a une petite au kayak qui galère à porter son bateau, je vais être là, t'es sûre, ça va, je te file un coup de main. Et peut-être que je le fais, je pense que je le fais aussi avec les petits garçons. Mais peut-être que inconsciemment, je le fais plus avec les petites filles parce que c'est la société qui veut ça. Et donc, toujours essayer de se poser les questions. Et je pense qu'il y a énormément de barrières. Il y a des différences d'opportunités entre les hommes et les femmes. Je pense qu'il y a des accessions à un certain niveau de pratique qui sont plus difficiles. Et je pense qu'en kayak de rivière, quand tu es une femme et que tu veux faire des rivières très compliquées, il faut quand même plus faire tes preuves que quand tu es un gars. Il y a aussi des facteurs très objectifs là-dessus. C'est qu'il faut prouver aux gars que tu peux tirer sur une corde, que tu peux les sortir, que toi aussi, tu es suffisamment costaud pour les secourir. Et des fois, il y a aussi des facteurs un peu subjectifs où eux, ils ne vont pas te voir comme quelqu'un de fort et du coup, tu vas plus devoir prouver. Mais inversement, moi, cette année, j'ai emmené un gars. Il avait une barbe et tout. C'était censé être un méga aventurier. Et du coup, je me suis dit, c'est bon, on va faire telle section de rivière et ça va aller. Et au final, on a fait la section de rivière et il s'est mis une énorme boîte. Et je m'en voulais parce qu'au début, je lui ai dit, c'est bon, t'es OK. Si jamais tu te renverses, tu fais ça, ça, ça. Surtout, tu lâches le matos et je te ramène au bord. Et en fait, il a paniqué, il n'a rien lâché. Il n'a rien fait de ce que je lui avais dit de faire. Mais sur le coup, il m'a répondu avec une assurance déconcertante. Ouais, t'inquiète. Et en fait, c'est devenu dangereux. Et donc, tu vois, ces représentations un peu mentales, elles vont dans un sens, mais aussi dans l'autre. Et dans les deux cas, en fait, c'est problématique.

  • Speaker #1

    Ouais, totalement. Et est-ce que toi, comment tu gères le côté risque, le côté peur ? Parce que forcément, oui, tu prends des risques. Et forcément, tu as peur vu ce que tu fais. Mais comment tu gères cet aspect-là ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les risques, vraiment, moi, j'essaye d'être la plus objective possible. En fait, on va arriver sur un rapide et je vais vraiment essayer d'identifier les dangers et de dire, OK, là, ça peut me faire avoir une mauvaise ligne, mais je passe à travers et finalement, c'est un peu risqué, mais au pire, je vais taper. Ça, ça va me retenir, c'est foutu, ou si je finis là, c'est un danger de mort. Et après, en fonction de ça, parce que souvent les gens, quand ils pensent au risque, ils pensent juste à la conséquence. Et par exemple, le risque, tu te rates, et tu finis dans tel endroit, tu te noies, t'es mort. Et en fait, ils oublient que le risque, c'est pas juste la conséquence, il y a aussi un facteur statistique, c'est... Ouais, mais est-ce que tu vas finir dans tel endroit où il y a un danger de mort ? Si tu es sûre que tu vas avoir une bonne ligne et que tu vas passer à 15 mètres plus loin que cet endroit-là, normalement, finalement, le risque est assez faible, même si la conséquence, si tu te rates, elle peut être fatale. Et donc, c'est vraiment cet arbitrage-là que j'essaye de faire. C'est d'abord regarder, essayer de bien identifier tous les dangers et après, de savoir si, oui, en effet... je trouve que ce mouvement-là, il est trop aléatoire et que ça ne me plaît pas parce que je ne suis pas certaine d'être en contrôle à ce moment-là pour passer telle vague ou passer du bon côté du caillou, je ne vais pas le faire. Et pour autant, avec une conséquence similaire, si j'estime que là, c'est bon, je suis sûre de moi, je vais passer et ça ne va pas être problématique. Donc, c'est vraiment un peu, c'est un calcul. Et le calcul n'est pas pareil pour tout le monde parce qu'on n'a pas tous, déjà on ne voit pas tous les mêmes dangers. Donc ça c'est aussi pour ça que c'est important d'être en équipe et de se parler et aussi d'apprendre les uns les autres. Et après on n'a pas tous les mêmes points forts. Moi je sais que j'ai des copains, je sais exactement que pour passer des rouleaux, ils sont très très forts et ils passent. tout le temps super bien alors que moi ça va peut-être être un de mes points faibles et du coup c'est pas parce qu'eux ils sont motivés pour faire ce rapide là que moi je dois me sentir obligée de le faire et du coup il y a plein de fois quand t'es avec un groupe qui se connait très bien et qui fonctionne très bien en fait tu vas avoir une personne qui fait un rapide très dur mais le rapide d'après qui est peut-être moins dur il va pas se sentir et c'est peut-être une autre personne qui va le faire et en fait chacun va un peu choisir et les rapides qu'il veut faire ou porter, et les différentes lignes en fonction de ses préférences, des habiletés et aussi de son calcul de risques et de conséquences.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, c'est vraiment individuel et il n'y a pas d'égo qui tienne. Tu fais ton choix en fonction de toi et point.

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours dans le meilleur des mondes parce qu'il y a toujours un peu des fois des dynamiques d'égo où tu as envie de le faire. L'ego souvent on le voit comme quelque chose de négatif, c'est un peu comme la peur, on le voit toujours comme quelque chose de négatif, de paralysant. Et en fait, je pense que l'ego et la peur, ça peut être des choses qui sont moteurs. En fait, la peur, déjà, ça te permet de prendre les bonnes décisions. Si tu n'as peur de rien et que tu penses toujours que tu peux tout faire, il y a un moment donné, tu vas en payer le prix parce que tu n'es pas forcément en phase avec le risque, justement. Et le fait d'avoir peur, ça te permet de bien identifier les dangers. Et l'ego, ça peut aussi être quelque chose de moteur dans le sens où... À un moment donné, si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas un peu d'ego, t'engager dans une pratique un peu plus dure ou même la volonté de progression, c'est quelque chose qui va de pair avec l'ego. Si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas envie de t'améliorer, et ça, ça vient de l'ego, finalement, tu restes dans une pratique où tu vas... progresser soit très doucement, soit stagner. Et donc, on a tous, je pense que tous les sportifs et tous les gens qui pratiquent un peu des sports ou même d'autres choses à un niveau plus intense, il y a de l'ego et c'est ça qui est dur aussi, c'est toujours se poser la question, attends, je le fais parce que j'ai envie de prouver à quelqu'un que je suis capable de le faire ou je le fais vraiment pour moi parce que la ligne, elle me plaît. Ou est-ce que je le fais parce que là, il y a les caméras, c'est mon boulot et puis il faut y aller ? Et en fait, ce serait hypocrite de dire que tu es toujours dans la pratique, la forme la plus pure et que tu fais toujours les choses pour toi et pour les bonnes raisons. Parce que je pense qu'il y a forcément des moments où on fait les choses pour les mauvaises raisons. Des fois, tu veux impressionner tes copains, faire le clown et c'est là où... ou des fois ça se passe pas comme prévu et c'est pas grave en fait de faire des erreurs on est humain, on continue de faire des erreurs des fois tu penses être dans une bonne optique et en fait tu prends une mauvaise décision et c'est qu'après coup tu te rends compte que ouais il y avait des petits indices qui font que t'aurais dû faire les choses différemment mais sur le coup tu... tu ne les as pas pris en compte ou tu ne les as pas forcément identifiés. Et je pense aussi d'essayer d'être honnête avec soi-même et de se poser les bonnes questions et d'admettre que des fois, on n'est pas parfait, on fait des choses, on fait des conneries ou des choses pour les mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Ouais, normal. Heureusement, effectivement, on est humain. Et puis, ça monte l'équilibre au final à trouver. Et qu'est-ce qui t'a donné envie de raconter déjà ton parcours dans le film Wild Waters ? et ensuite ton expédition au Pakistan dans un deuxième film qui est Big Water Theory. Est-ce que tu avais envie de partager ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que sur ces deux projets, on n'était pas partis sur ça au début. Wild Waters, j'avais ce projet de faire une chute de plus de 100 pieds et d'être la première femme à dépasser cette hauteur-là. Et donc, on a fait ça. Et à un moment donné, on s'est posé pour dire, bon, ben voilà, maintenant, il faut qu'on le raconte. Qu'est-ce qu'on raconte ? On s'est dit qu'on trouvait ça chiant de juste dire, voilà, on a trouvé une chute très haute et on est allé la descendre. Et du coup, c'est un peu parti sur l'optique de dire, comment justement est-ce que tu en arrives là ? Et qu'est-ce que ça demande ? Et qu'est-ce que ça prend en compte ? En fait, comment est-ce que tu en arrives là ? à deux secondes de chute libre, mais tout ce qui a été fait en amont pour en arriver là. Et donc, ça a fait un biopic. Ce n'était pas du tout prévu. Moi, j'ai vu le... Parce qu'assez tôt, en fait, à partir du moment où on a eu cette idée-là, on a fait des heures et des heures d'interview. Et puis, moi, on m'a vite évincée du processus de storytelling. D'habitude, je suis un suivi et je vois les brouillons, les versions. Et là, vraiment rien du tout. Et du coup, en ayant fait un peu de socio, j'étais là, oui, normal, je suis trop proche de l'objet étudié. Et forcément, je ne sais pas si on fait un film sur toi ou on montre des images de kayak, tu vas dire, non, mais plutôt ça, que ça, ma ligne, elle est mieux. Ah non, cette photo, elle est vraiment trop moche. Et donc, tu vas peut-être vouloir faire des choix qui ne sont pas optimaux pour l'histoire. mais qui te semble mieux pour toi parce que forcément tu veux pas qu'on met le menton sur telle photo de cet homme, j'en sais rien. Et du coup le film est sorti, j'ai vu le premier brouillon, la seule version que j'ai vue avant, je l'ai vue vraiment trois jours avant la première. Et j'étais ok avec ça, mais c'est sûr que je n'avais pas forcément pensé au fait que quand on fait un biopic sur toi avec ta 31 ans, ce n'est pas hyper facile après. Et je n'avais pas aussi pensé qu'il y allait y avoir plein de gens qui allaient savoir des choses hyper personnelles sur moi. Et je n'y avais pas pensé en fait, parce que le réalisateur qui était aussi en train de cadrer pendant les interviews, c'est quelqu'un que je connais depuis hyper longtemps, c'était un copain. Et du coup, il a super bien fait son boulot parce que j'ai oublié la caméra et moi, je parlais à mon copain qui me posait des questions. Et je pense que c'est ce qui fait aussi que le film marche. Mais c'est sûr qu'à assumer derrière, j'ai eu un peu plus de mal. Et sur Big Water Theory, au début, c'était vraiment de partir sur l'induce entre copains. Et après, Jules avait envie de venir et son frère Emile qui travaille justement dans... dans l'image et qui est super bon en 4 heures et en réalisation. Il a demandé s'il pouvait venir filmer. Et en étant athlète professionnel, c'est sûr que quand tu peux ramener les images, c'est toujours mieux. Et donc au début, il était parti comme ça pour faire 2-3 images de haut rapide. Et puis au final, il a ramené un film assez pédagogique sur l'analyse de ces rapides, vraiment explicatif de comment on choisit le lit. Et donc, il a fait un vrai film. Mais ce qui est assez marrant, c'est que sur les deux projets, ce n'était pas prévu. Mais j'y travaille. J'essaye de mieux prévoir les choses et de m'organiser mieux en amont maintenant.

  • Speaker #1

    C'est l'expérience maintenant. Et quelle a été ta plus grande satisfaction une fois que tu as partagé ces films ? Le premier, tu disais quand même pas évident. Mais est-ce que tu as quand même été contente au final de ce partage ? Et puis le deuxième aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que ce soit les films ou le partage en général en étant athlète, on est obligé d'être sur les réseaux sociaux, d'écrire des articles, ça peut être un peu, c'est assez vaste, ou de partager ça dans des médias plus traditionnels. Moi fondamentalement je fais un truc qui ne sert à rien, parce que mon métier ça consiste à faire des ronds dans l'eau, descendre des figures, je ne suis pas utile à la société. Et c'est vrai qu'il y a des petits moments, des petits fragments comme ça, où tu as des gens qui viennent te voir et qui disent « moi j'ai vu ton premier film et j'ai commencé le kayak » et du coup, déjà ils sont hyper heureux de faire du kayak, ils sont actifs. Tu as des enfants qui se mettent au sport ou qui eux aussi... tu leur donnes des idées de rêves ou de choses qu'eux aussi ils pourraient faire. Et il y a des petits instants comme ça où tu te dis, bon ben, ça ne sert à rien, mais quand même, de temps en temps, tu peux apporter quelque chose à quelqu'un, même si ce n'est pas grand-chose, même si parfois c'est juste une heure de divertissement dans une salle de ciné. Finalement, c'est mieux que rien et ça, c'est hyper gratifiant. Je pense que les enfants qui viennent te voir et causent... poser des questions et qui te racontent eux aussi qu'ils sont un couple de kayak ou qu'ils ont fait une rando avec leurs parents et qu'ils ont un peu des étoiles dans les yeux c'est pour ça aussi que ça vaut la peine d'être partagé et que ça vaut la peine de passer du temps à faire tout ça

  • Speaker #1

    Je pense qu'il ne faut pas négliger le côté utile de l'inspiration aussi parce que certes tu n'étais pas en train de sauver des vies en faisant du kayak, mais s'ils t'inspirent plein de gens, soit à faire du kayak, soit, tu vois, moi, je ne me suis pas mise au kayak suite au film, mais j'avais été marquée, en fait, juste par ton approche du sport et de la vie, on va dire, et c'est des choses, je pense, qui restent et qui peuvent vraiment faire du bien à plein de gens. Donc, tu es utile aussi, il n'y a pas que les chirurgiens qui sont utiles, et le milieu dans lequel tu évolues, il est quand même très masculin aussi, est-ce que, toi, ça t'a... posé problème, t'as rencontré des obstacles ou au contraire, est-ce que t'as eu des soutiens particuliers ? Comment tu l'as vécu et que tu le vis encore maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je pense que j'ai rencontré quelques obstacles. Il y a eu des gens qui ont douté. Je me souviens d'une fois où j'étais avec mon père et on essayait de se greffer sur un groupe parce qu'on n'avait pas de voiture. Et du coup, pour la navette, on avait besoin de se greffer avec quelqu'un. Et le chef de l'autre groupe, il ne m'adressait pas la parole et il ne faisait que demander à mon père si c'est bon que j'avais le niveau. Et ça m'énervait tellement. Et ça, c'est des barrières, c'est des trucs un peu pénibles. Quand tu es à côté et le gars ne te parle pas, il demande à ton père « mais c'est sûr que ça va aller la petite ? » Alors que je navigue vachement mieux que mon père, déjà à l'époque. Et il y avait plus de soucis à se faire pour lui que pour moi. Mais mon père, avec son flègme britannique, il savait bien des liaisons de trucs. Donc ça, c'est toujours des situations un peu inconfortables. Même en Pôle France, sur des entraînements avec les fédéos, « Ah non, mais pas les mousesses, vous allez rattraper, machin » . C'est toujours un peu, tu te prends quand même un peu des doses dans la tête, c'est pas toujours hyper sympa. Et en même temps, je pense qu'assez vite, je pense que j'avais pas mal d'assurance. Et du coup, quand ça m'arrivait, j'avais du répondant et je les envoyais balader. Et tu vois, un entraîneur qui disait « Allez les grottons » , je me mettais au créneau, je fais « Quoi ? C'est nous que tu traites de grottons ? » Et je lui mettais un sachet, je le défonçais jusqu'à ce qu'il s'excuse. Et du coup, ça ne m'est pas arrivé beaucoup. Et donc pendant un temps, je me suis dit « Ouais, ça va quand même, les kayakis, les gars, ils sont bienveillants. » Et je pense que j'avais énormément aussi de... de copains Paguior dans mon entourage, de mon âge et des générations au-dessus qui m'ont beaucoup soutenu, qui m'ont beaucoup aidé, qui m'ont partagé les montants de leur contrat quand ils se sont rendus compte que j'étais moins bien payée, qui m'ont soutenu auprès des sponsors pour dire que ce n'était pas juste. J'ai eu beaucoup de chance, je pense, dans mon entourage et du coup, pendant longtemps, je me suis dit « Non mais là, la situation, ça va, c'est quand même beaucoup mieux qu'avant. » Et en fait, c'est sûr qu'il suffit des fois de te retrouver avec les mauvaises personnes pour te rendre compte qu'il y a encore du boulot. Et je me souviens de quelques voyages où, en fait, tu es peut-être avec des gens plus vieux, moins sensibles, et ils ne se rendent pas compte des comportements qu'ils peuvent avoir, comment ça peut être gênant, comment ce n'est pas toujours adapté. J'essaye de leur dire des fois le plus poliment possible que ce n'est pas très drôle ou que ce n'est pas hyper confortable. Et puis souvent, en fait, quand tu ouvres une discussion et que tu le fais de manière posée et calme, c'est plus efficace. Et puis les gens, ils réfléchissent et ils reviennent et on en parle. Mais après, j'ai des copains, je pense que j'ai vraiment beaucoup de chance. J'ai des copains avec qui je pars, il va faire super chaud et tout, et tu vas voyager dans un bus ou quoi, et c'est trop chaud. Et l'année dernière, j'ai un copain qui me dit « Ah, je suis désolée, j'ai trop chaud et tout, ça ne te dérange pas si j'enlève mon t-shirt ? » Parce que ce n'est pas juste, parce que toi, tu ne vas pas te mettre en brassière, ça ne se fait pas dans le pays où on est. Et moi, c'est sûr que je peux me mettre torse nu, mais si ça te dérange, je ne le fais pas. Et donc, tu vas avoir des gens comme ça qui sont… hyper sensibles et qui font très attention et des fois t'es dans un bus rempli de kayakistes et puis ils sont tous torsenus à prendre beaucoup de place et ils transpirent dessus et ça leur pose aucun problème et là t'es obligé de leur dire non mais remets un t-shirt tu pues et t'es en train de transpirer dessus et c'est juste C'est juste aussi en fonction de l'éducation des générations, il faut prendre les choses en compte et essayer de peut-être sensibiliser. Mais quand c'est possible, après tu vois, tu as des gens, c'est peine perdue. Tu ne les changeras pas et je pense que ça ne vaut pas le coup de se battre parce que de toute façon, ils ne changeront pas, ils sont comme ça. Je pense qu'une fille... Dans le sport, c'est forcément moins performant qu'un garçon, qu'on est moins forte, qu'on est physiquement faible, qu'on va avoir peur, qu'on va être mentalement fragile. Et ils y croient tellement, c'est tellement ancré en eux qu'à la limite, il faut juste les plaindre et en rire et se moquer un peu d'eux.

  • Speaker #1

    Ça ne vaut pas le coup de mettre trop d'énergie, essayer de faire quelque chose. Est-ce que tu vois quand même une évolution de la place des femmes ? Est-ce qu'il y a de plus en plus de femmes, par exemple, qui pratiquent le kayak extrême comme toi ?

  • Speaker #0

    À nous, on a de plus en plus de femmes, je pense. En tout cas, ce n'est plus une mixte. Et donc ça c'est bien, il y a beaucoup de jeunes qui naviguent bien dans la nouvelle génération. Après ce que je trouve un peu compliqué c'est que souvent, t'as les filles elles-mêmes qui revendiquent, ouais mais on est plus, on est plus fort, on fait plus ci. Et quand tu regardes moi la génération au-dessus de moi et les Pagayos que j'ai pris pour exemple, et bah en fait elles étaient quand même beaucoup plus fortes que les jeunes qui arrivent maintenant. Et du coup, je trouve ça un peu triste qu'il n'y ait pas assez de conscience et d'histoire pour qu'elles se rendent compte et qu'elles se disent « Ah ouais, mais elles faisaient déjà ça avec les bateaux de l'époque » et d'avoir cet envie de progression aussi. Donc je pense qu'il manque un peu de culture. Et après, jusqu'à un certain niveau, il y a vraiment beaucoup plus de femmes. Et après, pour vraiment aller chercher des rivières plus compliquées, plus engagées. finalement, on est très peu nombreuses. Et même dans les jeunes pagueurs qui ont un niveau technique hyper élevé, il y en a beaucoup qui ne passent pas ce cap un peu d'engagement. Après, c'est quelque chose qui arrive aussi chez certains garçons. Moi, j'ai des copains, techniquement, c'est des monstres. Et puis, au moment de faire les plus gros rapides, ils ont largement les capacités de le faire. Ça ne les intéresse pas forcément. Et ce n'est pas quelque chose sur lequel ils ont envie d'aller parce que souvent, c'est des profils qui aiment être en contrôle absolu. Et donc, quand on va sur des trucs plus durs, l'eau, elle est constamment en train de bouger. Donc, ça bouge devant nous, les vagues, elles cassent sous nous, derrière nous. Donc, ça implique un autre côté. C'est quelque chose qui ne les attire pas du tout. Et donc, ils décident de ne pas le faire. Et je pense qu'il y a aussi des filles qui sont comme ça. c'est pas leur truc et il y en a d'autres qui sont encore justement qui ont des barrières un peu liées aux représentations mentales où elles se disent non mais moi je suis pas capable de faire ça et donc des fois c'est dur parce que t'aurais envie de les pousser et en même temps c'est super bien parce que le jour où elles décident de faire quelque chose, elles le font avec beaucoup plus de bagages techniques que si elles l'avaient fait trop tôt. Et du coup, souvent, elles ont plus de marge. Et donc, tu sais que tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour elles. Et ce n'est pas des têtes brûlées. Mais après, c'est sûr qu'il y a tout, que ce soit chez les gars, chez les filles. Mais ce serait bien d'avoir un peu plus de filles qui engagent sur du classe 5.

  • Speaker #1

    Alors, ça va peut-être encore évoluer dans les années à venir. C'est déjà intéressant ce que tu dis. Et toi alors, pour la suite, est-ce que tu as des rêves d'expédition, des projets dans les mois qui viennent ou les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    Alors, moi là, j'avais un gros projet qui est un peu tombé à l'eau parce que c'est un projet montagne et kayak. Et que du coup, la clé de voûte de ce projet, c'est blesser. Donc, on va devoir décaler et... et attendre aussi qu'elle se rétablisse pour pouvoir éventuellement repartir là-dessus. Et donc là, je suis en train de tout remanier ma fin de saison pour compléter avec un autre projet. Et a priori, je partirai au Mexique faire des chutes avec une jeune Mexicaine. Donc là, on ferait un projet à filles, ce que je ne fais pas souvent. Mais ça faisait quelques années qu'on voulait faire ça et on n'avait pas les calendriers qui coïncidaient. Et du coup, là, elle est dispo et motivée et moi aussi. Donc, on va essayer de faire ça.

  • Speaker #1

    Trop bien, ça donne envie de suivre ça. Et j'ai une petite question traditionnelle pour la fin du podcast. Est-ce que tu as un conseil que tu aimerais faire passer aux auditrices, en général sportives, qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Un conseil ?

  • Speaker #1

    Ou un message ?

  • Speaker #0

    Alors, si j'avais un conseil, c'est d'essayer de toujours faire les choses pour les bonnes raisons et peut-être de toujours faire les choses parce que ça nous rend heureux et de ne pas se forcer à faire les choses si ce n'est pas vraiment ce qu'on veut faire nous. Je pense que des fois il y a des pressions extérieures qui viennent un peu parasiter tout ça. Et donc c'est important de se recentrer et de se dire est-ce que c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de faire moi ou je suis en train de suivre le groupe ou c'est par rapport aux attentes qu'on a de moi ou pour des questions d'image. Et ouais de faire les choses pour soi, pour les bonnes raisons et avec pour finalité de passer un bon moment et d'être content.

  • Speaker #1

    C'est un très beau message. Grand merci, Nouria, d'avoir pris le temps déjà de faire cette interview et pour tous les éléments que tu nous as apportés. Et plein de bonnes choses pour tous tes projets à venir.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Nouria Newman

    00:03

  • Les débuts de Nouria en kayak et son parcours classique

    00:08

  • Transition du slalom vers le kayak extrême

    02:44

  • Les émotions vécues en pleine nature

    05:07

  • Équilibre entre expéditions et vie quotidienne

    09:21

  • Préparation des expéditions et logistique

    12:38

  • Gestion du risque et prise de décision en kayak

    16:42

  • Étude sur le rapport au risque des femmes dans le sport

    28:50

  • Projets futurs et conseils pour les auditrices

    57:57

Description

Qu’est-ce qui pousse une femme kayakiste à défier les rivières les plus dangereuses du monde ?


Aujourd’hui, je reçois Nouria Newman, kayakiste professionnelle, ancienne membre de l’équipe de France de slalom et première femme à avoir franchi certaines des cascades et rapides les plus extrêmes de la planète. Nouria, c’est une athlète hors norme, mais aussi une aventurière qui questionne sans cesse son rapport au risque, à la peur et à la liberté.


Au programme de cet épisode :

  • Comment Nouria est passée du slalom en équipe de France aux expéditions en kayak extrême ?

  • Ce qu’elle recherche vraiment quand elle se lance dans une rivière sauvage.

  • Les coulisses de la préparation d’une expédition : logistique, choix des rivières, travail d’équipe.

  • Le solo en kayak : introspection ou mise en danger inutile ?

  • Son rapport au risque et à la peur, et ce que son mémoire de master lui a appris sur la construction sociale du risque chez les femmes.

  • Les défis rencontrés en tant que femme dans un milieu très masculin.

  • Ses projets à venir et son conseil aux sportives qui nous écoutent.


Un échange brut, sincère et riche en réflexions, qui donne envie de se jeter à l’eau… mais surtout de suivre ses propres lignes, que ce soit sur une rivière ou dans la vie.


🔗 Liens:

Suivre Nouria: https://www.instagram.com/nourianewman

Crédit photo de couverture ©JulesDomine


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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


🔑 Mots clés de l’épisode:

kayak extrême, kayak de rivière, eau vive, sport outdoor, kayak féminin, peur, mental, aventure nature, risques, préparation expédition


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Nouria Newman, une kayakiste hors normes. Après une brillante carrière en slalom, elle a choisi la liberté des descentes extrêmes et des expéditions. Elle est d'ailleurs la première femme à avoir réussi à franchir certains rapides et cascades parmi les plus dangereux au monde. Je suis vraiment ravie de la recevoir aujourd'hui. Aussi un peu émue puisque c'est vraiment l'une des personnalités qui m'a le plus marquée ces dernières années, pas seulement justement pour les performances mais pour sa personnalité et son approche de son sport. Bienvenue Nouria !

  • Speaker #1

    Salut, merci !

  • Speaker #0

    Moi je t'ai déjà un petit peu présentée mais j'aime bien que mes invités se présentent aussi soi-même, donc est-ce que tu veux bien aussi te présenter ?

  • Speaker #1

    C'est toujours dur ça. Je m'appelle Nouria Nouria.

  • Speaker #0

    Ça c'est pas simple.

  • Speaker #1

    Je vais avoir 34 ans et je suis kayakiste professionnelle. Donc aujourd'hui, mon métier, c'est de descendre des rivières un peu partout dans le monde. Et ça tombe bien parce que j'adore ça.

  • Speaker #0

    C'est un métier original ça. Est-ce que tu peux nous parler déjà de tes débuts en fait en kayak ? Comment tu en es venue à cette discipline ?

  • Speaker #1

    Et moi, j'ai vraiment commencé le kayak, on va dire, par un parcours ultra classique, c'est-à-dire en rejoignant le club qui était à côté de chez moi. Du coup, en France, on a quand même un milieu associatif qui est vraiment bien pour pouvoir faire des sports qui sont assez onéreux, qui nécessitent beaucoup de matériel. Et du coup, en fait, jeunes, on a la possibilité comme ça, en activité extrascolaire, de prendre une licence dans un club de sport à côté de chez soi et d'essayer au kayak, au ski. Moi, j'habite en Savoie, donc c'est vrai qu'on est vraiment privilégiés. sur le nombre d'infrastructures au niveau sportif et aussi par la nature qui nous entoure. Donc c'est vrai qu'on a accès à beaucoup de sports outdoor et donc j'ai pu commencer comme ça au club de kayak. Donc on te prête du matériel, le bateau, la paillette. On a un entraîneur qui nous apprend à naviguer et après de fil en aiguille, souvent on est orienté assez tôt. sur les disciplines traditionnelles de compétition, qui étaient le slalom et la descente. Et donc, pendant pas mal d'années, j'ai vraiment suivi le parcours classique en slalom, les compétitions nationales, de monter dans la première division, les passages en équipe de France et jusqu'au niveau international, Coupe du Monde, les championnats du monde.

  • Speaker #0

    T'as un palmarès vraiment impressionnant en slalom, et qu'est-ce qui t'a poussé à arrêter ça pour te tourner plutôt vers les expéditions ?

  • Speaker #1

    En slalom, c'était assez mitigé. J'ai toujours eu quelques bons résultats qui suffisaient justement à garder la motivation et l'espoir, mais j'ai eu énormément d'échecs. J'avais du mal à faire mes réglages de distance, il ne faut pas toucher les portes, il ne faut pas les rater non plus. Et j'avais du mal aussi à essayer d'aller moins vite pour assurer. Donc, j'ai vraiment une carrière avec soit des bons résultats, soit des grosses sorties de route. Et donc, beaucoup plus d'échecs que de réussites. Et à un moment donné, j'ai eu quelques années compliquées sur le plan personnel. Et du coup, sportivement, j'ai eu du mal à... à suivre et à ce moment-là, je n'étais pas forcément dans les meilleurs critères de résultats. Du coup, les gens à la fédération, à ce moment-là, ils ont décidé de ne plus croire en moi. Donc, j'ai peu à peu perdu le droit de m'entraîner en structure, mon entraîneur. Et donc, le choix s'est un peu fait aussi pour moi parce que je pense que je n'aurais pas forcément eu le craint de tout quitter. En fait, tu fais ça depuis tellement d'années, tu as une routine qui est déjà bien installée, tu te lèves, tu vas à l'entraînement, tu rentres chez toi, tu fais de l'analyse vidéo, tu repars pour une deuxième, voire une troisième séance, et en fait, du coup, tu es habitué comme ça, et de quitter ça, ça fait peur, puisque du jour au lendemain, tu te lèves, et puis en fait, tu passes la porte avec tes affaires pour aller à l'entraînement, et non, tu n'es plus en Pôle France, tu n'as plus d'entraîneur, et donc tu n'as plus de... créneau d'entraînement, t'as plus de lâcher d'eau sur le bassin et donc ça a été un changement assez radical mais je pense qu'au final, je remercie les gens qui pensaient que j'étais trop lente et trop vieille parce qu'ils m'ont permis de transitionner plus rapidement sur le kayak de rigueur et c'est quelque chose que je faisais déjà en parallèle.

  • Speaker #0

    depuis toute jeune. Parfois, il y a des choses qui ne semblent pas très bien sur le coup et en fait, sur le long terme, c'est plutôt positif. Qu'est-ce que tu as trouvé dans cette nouvelle pratique et aussi dans la pratique de l'enduro, puisque tu es récemment devenue championne du monde, que tu ne trouvais peut-être pas forcément dans le slalom, parce que c'est quand même super différent ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qui me plaît aujourd'hui dans ma pratique... du kayak extrême et donc du kayak en pleine nature. C'est quelque chose que je retrouvais en slalom au début parce qu'on avait beaucoup de courses sur des bassins naturels. Et c'est vrai qu'avec les Jeux Olympiques et les critères du CIO, du coup, la pratique du slalom en eau vive et maintenant du kayak cross, qui sont les deux disciplines olympiques en eau vive, elle s'est artificialisée. presque plus aucune compétition sur bassin naturel ou semi-artificiel. Et donc, c'est vraiment des stades de vives où, en fait, c'est presque comme des piscines fermées avec une fausse rivière. Et l'eau, elle arrive en bas, elle est remontée par des pompes et ça coule continuellement. Et donc, ce n'est pas tout à fait les mêmes sensations. Souvent, les berges, c'est en béton, ce n'est pas du tout ce qu'on trouve sur une rivière. Pas d'arbres, je ne vois pas forcément les montagnes. Et je pense que maintenant, de par ma pratique en milieu naturel, je pense que je retrouve aussi ce pourquoi j'ai commencé Keck. C'était vraiment pour un moyen de transport et de faire une activité aussi en pleine nature. Nous, en Savoie, on a des rivières qui sont magnifiques. L'eau, elle coule. En été, elle est bleue. Quand elle est crue, elle est marron, mais il y a plus de débit. Et du coup, c'est plus amusant. Et donc, de retrouver vraiment un peu la source et l'essence même du kayak en eau vive.

  • Speaker #0

    Ça a l'air effectivement très, très différent. Et quelles émotions, toi, tu recherches quand tu es sur ton kayak, justement, et au milieu d'une rivière naturelle comme ça ?

  • Speaker #1

    Les émotions qu'on veut chercher, je pense que ce qui est assez incroyable, dans cette activité c'est justement de pouvoir vivre plein d'émotions différentes et donc forcément on va chercher des sensations de colis, de passer un bon moment dehors avec des amis et après il y a aussi tout un spectre d'émotions et de sensations qui sont peut-être peut-être moins gratifiantes instantanément. En anglais, ils disent « the type to fun » où tu souffres un peu et après tu en tires de la satisfaction. Je trouve que quand tu es face à une descente qui est longue et éprouvante et que tu es fatigué et qu'au final tu dépasses ça pour y arriver, ou même un rapide qui te fait peur et où tu arrives à trouver les solutions, surmonter un peu tes peurs pour y arriver, c'est aussi très gratifiant. Du coup, je pense qu'il ne faut pas forcément s'attacher à une émotion, mais peut-être valoriser un peu tout et aussi apprendre à apprécier quand il fait froid, quand tout est gelé autour. Parce que c'est sûr que le kayak en plein hiver, mois de décembre, ce n'est pas toujours hyper agréable. Mais en fait, si tout repasse, le fait que tu as super froid aux mains et que tu es enmitouflé et que du coup... tu as du mal à bouger parce que tu as décidé de mettre une doudoune sous ta combinaison étanche. Si tu te rebasses, tu te rends compte que les lumières en plein Niger ne sont pas du tout pareilles que sur le reste de l'année. Souvent, il y a de la brume, tu vas naviguer, puis il va y avoir des stalactites de glace sur les berges. Ce sont des choses aussi qui sont assez appréciables. Mais pour les affrester, il faut aussi passer par le pôle. froid et un peu la galère.

  • Speaker #0

    Ça en fait toute la beauté à l'arrivée. Et comment est-ce que tu trouves l'équilibre dans ta vie entre tes expéditions où j'imagine que c'est quand même assez régulier et tu vas assez loin, et ta vie quotidienne qui est peut-être plus calme. Je ne sais pas si c'est plus calme d'ailleurs, mais peut-être un petit peu quand même.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop si c'est vraiment un équilibre. En fait, c'est juste que quand tu pars Au bout d'un moment, tu es tellement dans l'inconfort et tu continues de pousser que quand tu rentres, tu es content, c'est confortable, tu reprends une routine. Et puis au bout d'un moment, quand tu rentres, tu as envie de repartir parce que... Forcément, en France, on n'a pas toujours les meilleures conditions d'entraînement et de débit. Donc, ça va vraiment être plutôt une alternance entre les deux. Et peut-être finalement, l'équilibre, c'est de passer de l'un à l'autre assez régulièrement.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. Et comment est-ce que tu choisis justement ces destinations ? J'imagine qu'il y a des rivières qui sont plus adaptées à ce que tu veux faire. Mais comment spécifiquement tu vas choisir vraiment les endroits de la rivière où tu veux aller ou les rivières ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a des destinations qui sont déjà très connues et qui font vraiment partie un peu de l'histoire du Québec de rivière. Et donc, forcément, c'est des premières dessins, des choses qui ont été faites peut-être dans les années 90, parfois avant. Et on a envie de s'y confronter ou d'en faire l'expérience. Et donc, il y a des destinations, c'est un peu les... les benchmarks du kayak extrême et on a envie d'y aller. Il y a le Coran Kangen de la Stikine, il y a l'Indus au Pakistan, il y a les descentes très classiques au Népal, Toulibéri, Doudkossi, Oumla Karnali. Et donc il y a des choses comme ça dont on rêve et dont on a entendu parler depuis tout jeune. Et donc ça, on a envie d'y aller. Et après, il y a toute une partie où on a envie d'aller faire quelque chose de nouveau, de découvrir. offrir d'autres choses par nous-mêmes. Et donc là, vraiment, on va choisir peut-être un pays qui nous intéresse, soit par la culture, soit par rapport à des spécificités un peu géographiques et géologiques. Et de là, en fait, on va passer pas mal de temps à geeker sur Google Earth et à regarder des images satellites, à regarder les cartes, les profils de dénivelé. Et puis, des fois, on trouve des rivières qui nous font rêver, puis on a envie d'aller voir si c'est bien. Et ce qui est toujours un peu compliqué avec ça, c'est que des fois, on trouve vraiment une pépite, mais souvent, c'est pourri. Mais il n'y a qu'un seul moyen de savoir si ça vaut le coup ou si c'est pourri, c'est d'aller voir. Et là, c'est un peu comme ce qu'on disait tout à l'heure sur les émotions ou ce que tu apprécies ou pas. C'est qu'en fait, même si la rivière, parfois, tu n'as pas trouvé le... prochain classique ou la prochaine rivière qui sera répétée plein de fois, et bien c'est pas grave il faut apprécier le fait d'être allé voir avec ton équipe et d'avoir essayé de découvrir un endroit nouveau.

  • Speaker #0

    C'est vraiment chouette ça comme approche. Et quelles sont après du coup toutes les étapes de la préparation ? Moi j'ai vu tes films. Et ça m'impressionne à chaque fois de se dire, mais ça doit être tellement d'organisation pour y aller. Du coup, le repérage, t'en parlais, même après la logistique, ça veut dire qu'il faut quand même transporter des kayaks. Est-ce qu'il y a besoin aussi d'autorisation pour aller naviguer sur les rivières ? Comment tu constitues des équipes ? Comment tu prends en compte la météo ? Tout ça, j'imagine que c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Il y a pas mal de recherches à faire en amont. En fait, souvent, ce qu'on voit, c'est vraiment juste la descente de rivières. Mais toute la préparation en amont, des fois, on est bien organisé et on fait les choses un, deux ans, trois ans à l'avance. On commence à prendre des infos. Parfois, c'est un peu plus à l'arrache. Et moi, souvent, j'étais très, très à l'arrache. L'avantage de partir moins bien préparé, c'est que souvent, tu es plus flexible et tu as moins d'attente. Donc, ça peut être... Ça peut être bénéfique. Souvent, ça n'allait pas. Je me rends compte que plus on est préparé, mieux c'est. Parce qu'en fait, on a aussi fait des recherches sur nos plans B. Et du coup, ça, c'est vraiment primordial pour changer de rivière ou pour les accès. Mais souvent, déjà, on repère un endroit. Après, il faut gérer la logistique, le transport. Dans certains endroits, il y a des permis à avoir. Donc, il faut trouver un contact. local pour avoir les permis. Il y a des fois où on a passé des heures et des heures à aller dans les bureaux d'un politique à un autre pour essayer d'avoir une autorisation. Il y a des fois où on essaye d'y aller sans autorisation et du coup on finit par visiter les commissariats. Donc ça c'est des arbitrages aussi à faire et toujours essayer de... de respecter au maximum les règles ou en tout cas si on ne les respecte pas d'assumer mais que ce soit pas au détriment de quelqu'un d'autre donc il faut toujours faire gaffe aussi est ce qu'on a des points de contact sur place des gens qui vont nous aider Que ce soit des pagailleurs locaux qui ont les informations, ou des personnes qui vont nous conduire pour les navettes, ou peut-être juste le fermier du coin, ou les gens qui habitent sur place qui vont nous aider pour les informations, parce qu'au final, c'est eux qui savent le mieux sur les niveaux d'eau, sur est-ce qu'il y a des rapiers, est-ce que c'est engorgé. Il y a beaucoup de fois, en fait... Des fois, notre seule source d'information plus ou moins fiable, c'est un pêcheur qui est allé marcher par là-bas il y a sept ans. C'est incroyable. Cette année, on a dû faire un accès. Et du coup, c'est un indigène qui nous a montré le chemin d'accès. Et en fait, il n'était pas passé par là depuis plus de huit ans. Et il s'en souvenait super bien. Et on était là, t'es sûr, t'es sûr. Il nous a amenés à la rivière par un chemin qui était beaucoup plus efficace et beaucoup plus court que nous, ce qu'on aurait fait via la carte. Donc il faut aussi apprendre à lâcher prise et à vraiment faire confiance aux locaux. Et puis des fois, ça ne marche pas. Des fois, ils peuvent se perdre, il y a toujours plein de choses. Donc ça, ça fait partie un peu des aléas. Mais sur la logistique, tu as toute la préparation en amont. et après sur quoi ? place à aussi accepter l'aide de toutes les personnes qui sont disposées à t'aider.

  • Speaker #0

    Ça fait quand même plein de compétences et plein de choses à gérer. Tu n'as pas uniquement à pagailler et je mets vraiment de gros guillemets parce que vu les conditions dans lesquelles tu le fais, c'est déjà dingue, mais disons qu'il y a vraiment beaucoup de choses autour. Et parfois, tu voyages en solo, parfois en équipe. Est-ce que tu as une préférence pour l'un ou l'autre ? Est-ce que tu aimes bien alterner ?

  • Speaker #1

    Alors le solo c'est toujours très controversé parce que du coup tu as... pas de filet de sécurité. En fait, si tu as un problème, tu es tout seul. Il n'y a personne qui peut te venir en aide. C'est vite compliqué. Sur les prises de décision aussi, souvent, quand on arrive sur un cours rapide, on discute les uns avec les autres. Alors, l'avantage d'être en solo, c'est que tu n'es pas forcément influencé par le regard des autres. Et ça, vraiment, en fonction des équipes, des fois, tu es avec quelqu'un qui est... un peu trop optimiste ou pessimiste qui va vraiment focaliser sur tous les dangers. Et du coup, toi, ça va influencer tes choix et tes prises de décision. Donc là, forcément, t'as pas ça. Mais souvent, en fait, on part avec des gens qu'on connaît bien, en qui on a confiance. Et justement, ce point de vue du copain, il va venir nous aider dans notre analyse et on va discuter de telle ligne, tel mouvement d'eau. Est-ce que tu penses que ça ? Tiens, moi je vois ça, si quelqu'un voit une autre ligne, on va souligner les avantages et les inconvénients de chaque ligne et ça va nous aider à être potentiellement plus précis, nous, et plus juste dans notre lecture de l'eau. Donc on n'a pas ça en solo, on n'a pas justement cette option de se rater. Et ce qui est beau aussi, c'est que du coup on est entièrement responsable. de ses choix, de sa sécurité. Et il faut être juste parce que ça ne pardonne pas toujours. Donc il y a quelque chose qui est assez fou avec le solo, c'est que finalement, c'est presque plus dur et tu vas vraiment devoir être en phase avec tes prises de décision et les prises de risque. Moi, j'aime bien le faire de temps en temps. Ce qui me plaît, c'est que c'est presque aussi une introspection d'une certaine manière. Tu vois vite là où tu en es. Tu ne peux plus te cacher derrière peut-être le copain qui peut te ramasser à la corde en bas du rapide. Et donc, tu vois vite où tu en es sur ton niveau technique, physique, sur est-ce que tu es fort dans ta tête, est-ce que tu as le mental ou pas. après C'est une pratique hyper engagée qui n'est pas recommandable. La règle, c'est de jamais faire du kayak tout seul. Mais en même temps, la meilleure sécurité, c'est de ne pas se rater et de prendre les bonnes décisions pour ne pas avoir besoin de sécurité. Donc, à la limite, ça peut aussi faire partie d'une démarche et d'une progression, même si elle n'est pas... entendue et comprise par tout le monde.

  • Speaker #0

    Je comprends. Et comment tu fais justement avant, donc tu disais déjà de toute façon que tu repères sur Google Earth vraiment en amont du voyage, mais une fois que tu es sur place, comment tu arrives à lire la rivière, à savoir qu'à tel endroit, il va y avoir assez d'eau pour que tu y ailles ? Donc le courant va être de telle manière, est-ce qu'il y a vraiment des techniques ? J'imagine que tu demandes du coup comme ce que tu disais aussi à des personnes, mais comment tu fais ? J'imagine que c'est quand même compliqué.

  • Speaker #1

    Alors après, vraiment sur les zones, en fait, tu vas arriver à ton départ de rivière. À partir de la carte, à partir de tes recherches sur les périodes, saison des pluies ou fond des neiges au printemps, tu vas avoir une estimation du niveau d'eau. Et en fait, quand tu vas à la première rivière de ta zone géographique, là, ça va te donner une idée. En fait, tu sais à peu près, tu as regardé sur la carte, tu as une idée de la taille du bassin versant, de la taille de la rivière. Et donc, tu vas arriver à cette rivière-là, tu vas voir l'eau qui coule et tu vas aussi voir les lignes de crues, du débit maximum. Et tu vas voir aussi s'il y a trop de cailloux pour qu'un kayak passe. Et après, il faut toujours prendre en compte que des fois, tu peux commencer une rivière, c'est affreux. Il y a plein de cailloux partout et du coup, tu vas gratter, comme on dit dans le jargon, mais tu vas devoir taper un peu tout le temps les cailloux. Mais s'il y a plein d'affluents qui arrivent, en fait, tu peux commencer dans une rivière toute petite et au bout d'une cinquantaine, d'un certain nombre de kilomètres, en fait, avec d'autres affluents. elle peut devenir très grosse, voire très volumineuse. Et donc ça, tu vas aussi le prendre en compte dans ta descente et en regardant les profils de dénivelé de la rivière, on a à peu près l'habitude que si tu n'as pas beaucoup de débit, tu vas avoir 5% de pente. C'est quelque chose qui se fait relativement bien, mais qui va prendre du temps. À partir du moment où tu as du gros débit, là, 5% de pente, tu sais que ça ne passe plus du tout parce qu'en fait... C'est trop raide. Et donc, tu vas estimer un peu tout ça. Mais c'est vrai qu'avant d'être au départ de la rivière, tu ne sais jamais trop. Parfois, tu as des phénomènes de crues où tu embarques sur une rivière, le niveau d'eau est bon, il pleut. Et là, la rivière peut monter d'un mètre, deux mètres et être plus navigable. Donc, il faut aussi, avant d'embarquer sur une rivière, étudier tes possibilités de points de sortie. Tu sais que si tu t'engages trop loin dans un canyon et qu'il n'y a plus de point de sortie, il faut le faire avec peut-être de la nourriture en plus ou prendre des cordes pour avoir une solution ou vraiment aller repérer le canyon avant pour savoir combien de temps tu peux mettre et le faire le plus vite possible. Et donc ça, après, c'est des arbitrages à faire. C'est presque plus stratégique que sportif finalement sur des projets comme ça.

  • Speaker #0

    Il faut que tu aies vraiment tous tes plans abaissés, prêts et que tu saches comment réagir. Et c'est très physique aussi forcément, tout ce genre de passage. Comment est-ce que tu te prépares physiquement ? Est-ce que tu as une préparation physique spécifique en plus du kayak ?

  • Speaker #1

    Alors, moi j'ai fait longtemps du slalom. Donc avec le slalom, tu as vraiment une prépa physique un peu traditionnelle où tu fais kayak, muscu, footing. Et quand j'ai arrêté, moi, j'ai fait une allergie à la salle de sport. Parce qu'aller en salle, c'est quelque chose que je n'aime pas. Mais alors, aller en salle, les salles normales, ça me déprime, en fait. Je n'aime pas trop, mais je m'y remets doucement parce que c'est important aussi de faire du renforcement et de la prévention pour les blessures à l'épaule, notamment. Mais du coup, quand j'ai arrêté, j'ai vraiment réorienté mon entraînement combiné sur d'autres disciplines et aller faire d'autres sports et plutôt des sports outdoor où je suis nulle. Et du coup, c'est trop bien parce que j'arrive à me mettre très mal dans des situations qui ne sont pas dangereuses. Je vais faire de l'escalade, je vais avoir peur, je vais avoir très mal au bras. En fait, il ne peut rien m'arriver. Et du coup, ce qui est bien, c'est que...

  • Speaker #0

    C'est vrai que pour toi, c'est pas mal, ça te fait un bon équilibre.

  • Speaker #1

    Et ouais, tu peux travailler des trucs qui vont te servir pour le kayak. Parce qu'en fait, tu tires sur une crise, c'est autrement plus intéressant que de soulever une barre en muscu. T'as plus d'angle pour les épaules. Il y a des trucs à tenir. En fait, c'est presque plus intéressant pour travailler les muscles profonds et le gainage. Et du coup, en faisant un peu d'escalade, du ski de rando, marcher, courir, un peu toutes les opportunités qui se présentent à moi en dehors. du kayak et beaucoup de kayaks.

  • Speaker #0

    C'est très complet au final. Et au niveau mental, est-ce que tu as des techniques mentales particulières pour vraiment être dans les meilleures dispositions possibles, en tout cas, avant un passage que tu sais qui est vraiment difficile ?

  • Speaker #1

    Au niveau mental, j'ai fait un peu de prépa mental quand je faisais du slalom. Quand j'ai eu des coups durs, j'ai eu un suivi avec que... avec des psychologues. Et du coup, déjà, ces gens-là, ils sont compétents dans leur domaine. Donc, souvent, ils vont t'apporter des outils. Et quand ça ne va pas, ou si je sens que j'ai des besoins, je n'hésiterai pas à retourner consulter et être accompagnée, en tout cas, dans ce domaine-là. Après, c'est dur, en étant athlète professionnelle, de tout faire. Ce qu'on ne voit pas, c'est que c'est sûrement mon métier, c'est de descendre des rivières, mais il faut penser les projets, faire en sorte qu'ils soient faisables, les vendre, donc les pitcher, qu'ils soient acceptés, les monter de A à Z, les réaliser. Et encore toute une partie aussi à gérer sur ce qui est un peu le rendu, en fait. C'est qu'on va être soutenu pour un projet, mais derrière, il faut... Il faut fournir des images, des histoires, des vidéos. Donc, il y a tout un suivi de ça. Et finalement,

  • Speaker #0

    ça prend beaucoup de temps.

  • Speaker #1

    C'est ce que les gens ne voient pas trop. Mais moi aussi, je dois faire ma compta et tous les trucs pénibles. Je suis vraiment nulle à ça. Et du coup, c'est vrai que des fois, il faut faire des arbitrages. aller chez le bustéo ou avoir un suivi ou monter un projet. Et le temps, c'est vraiment quelque chose qui manque. C'est peut-être ce qui manque le plus. Mais après, sur les techniques, au-dessus d'un gros rapide, il y a beaucoup de visualisation. Et je pense que le slalom, c'est un super outil pour ça. Parce qu'à mémoriser des portes, en fait, après, quand tu dois mémoriser des rapides, des mouvements d'eau, finalement, sur une manche de slalom, tu sais... où tu vas mettre chaque coup de pagaie si tu dois le décomposer. Et donc finalement, en kayak de rivière, c'est la même chose, sauf qu'il n'y a pas de porte, mais il y a des vagues, il y a des rochers, il y a des lignes. Donc beaucoup de visualisation. Et après, quelques exercices de respiration, de la cohérence cardiaque, aussi réussir à faire baisser le rythme. Quand on est stressé, anxieux, au-dessus d'un rapide, souvent on sent que ça tape fort. Et du coup, il y a des fois, au moment où justement je visualise ma ligne et je me prépare, je me mets dans ma bulle, je vais aussi être concentrée sur le fait de faire redescendre ma fréquence cardiaque et d'être calme parce qu'une fois qu'on part, on a des mouvements à faire au bon moment. Et je trouve que quand tu es stressée, tu as tendance à tout faire trop vite. Et en tout cas, moi, j'accélère trop. Et du coup, en faisant tout trop vite, je perds parfois les timings. je fais mes mouvements trop tôt et ça va me faire avoir une mauvaise ligne. Donc vraiment, cette partie-là de prendre ton temps pour faire tes 10 respirations et te poser, c'est quelque chose qui m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Et j'ai quelques questions sur la gestion du risque. Déjà, ce qui est ultra intéressant, c'est que tu as fait ton mémoire de master sur la construction sociale du rapport au risque des femmes. Forcément, c'est un sujet qui me parle pas mal dans ce podcast. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ce mémoire et de ce que tu as découvert ?

  • Speaker #1

    Alors moi, j'étais assez en retard sur mon sujet de mémoire, mais j'avais pour idée de m'intéresser pas que aux kayaks de rivière, mais aussi pour des raisons de temps et pour mener les interviews de manière plus simple. J'ai fait le choix de me recentrer sur le milieu du kayak de rivière. Et en fait, c'était vraiment ce constat où j'ai eu un entraîneur de club assez jeune qui était incroyable, qui s'appelait Anthony Collin, et qui m'a formée. Et la génération après moi, il y avait énormément de filles aussi. Il y avait presque 50% de garçons et de filles dans ce petit club local, qui était assez étonnant par rapport aux statistiques de la fédération.

  • Speaker #0

    Et en plus, souvent, on venait nous voir et on nous disait « Ah, mais vous, au club, vos filles, elles n'ont pas peur. Comment vous faites pour que vos filles, elles n'aient pas peur ? » Et c'est quelque chose qui est resté. Et je me suis toujours posé la question. Je me disais « Mais il n'y a pas à voir. » Je ne pense pas qu'il y ait de raison biologique sur le fait qu'une petite fille ait plus peur qu'un petit garçon. Ça me semblait absurde puisque les jeunes... de vie de 9-10 ans qui étaient au club quand moi j'étais dans ma vingtaine, elles n'avaient pas peur et du coup je me suis dit que c'était peut-être juste socialement construit et du coup je me suis basée sur la sociologie du genre et les travaux de Christine Ménesson sur le football et la boxe et c'était ma directrice de mémoire du coup. Et après, il y a une sociologue néo-zélandaise, Olly Torck, qui a fait plus de recherches dans le milieu des sports extrêmes. Elle a fait sur le snowboard, le DTT. Et donc, en me basant là-dessus, et après avec les classiques de Bourdieu, la théorie des champs, je me suis dit qu'en fait, en fonction de ta position dans l'espace social, tu n'allais pas forcément avoir le même rapport au risque. Et en fait, je me suis rendu compte que dans les filles qui étaient plus engagées dans leur pratique du kayak de rivière, souvent elles avaient eu des socialisations indifférenciées, donc à soit accompagner leur père, soit suivre les grands frères, soit vraiment des parents qui ne faisaient aucune différence entre les petites filles et leurs frangins. ou les copains. Et l'autre chose que j'ai vraiment pu observer, c'est que les filles qui avaient fait une activité à haut niveau dans un autre sport, quand elles se mettaient au kayak, pareil, elles avaient un niveau d'engagement plus élevé et une meilleure compréhension de l'environnement qui les entourait. Et aussi, plus confiance en elles. Et donc, ça, c'est important. processus de socialisation secondaire en fait par leur pratique du haut niveau mais j'avais une fille qui était championne d'aïdao de rodéo à cheval une autre qui était pom pom girl et qui avait fait pom pom girl en Californie jusque top championnat des lycées et pareil en fait c'était marrant de voir les transferts qui avaient été faits et comment elles avaient vécu les choses et du coup oui le rapport Alors... au risque et je pense enfin je suis sûre mais après ça peut toujours être discutable il y aura toujours d'autres théories et c'est ce qui est beau aussi avec les sciences sociales c'est qu'il y a toujours plusieurs écoles et on voit toujours aussi les choses par rapport à notre propre prisme mais ce que je trouvais assez fou c'est qu'en fait des fois il n'y a pas de raison pour cette peur et je pense que c'est transférable en vélo, en montagne mais c'est vrai que quand on grandit et moi je me souviens m'être explosé la face sur une grosse chute et du coup je me suis cassé le nez mais en prenant la falaise vraiment ça m'avait arraché la peau du visage et à l'école ils me surmenaient Scarface et ma mère elle m'a appelé Croutard mais c'était hyper choquant alors qu'un qu'y a un mec qui se pète le nez et qui... qui se prend une bulle dans la face ou qui a un œil au bernois, ça ne fait jamais le même effet. Et donc, c'est vraiment des choses qui sont omniprésentes dans nos sociétés et auxquelles on ne fait même plus gaffe. C'est presque normal. Mais moi, des fois, quand il y a une petite au kayak qui galère à porter son bateau, je vais être là, t'es sûre, ça va, je te file un coup de main. Et peut-être que je le fais, je pense que je le fais aussi avec les petits garçons. Mais peut-être que inconsciemment, je le fais plus avec les petites filles parce que c'est la société qui veut ça. Et donc, toujours essayer de se poser les questions. Et je pense qu'il y a énormément de barrières. Il y a des différences d'opportunités entre les hommes et les femmes. Je pense qu'il y a des accessions à un certain niveau de pratique qui sont plus difficiles. Et je pense qu'en kayak de rivière, quand tu es une femme et que tu veux faire des rivières très compliquées, il faut quand même plus faire tes preuves que quand tu es un gars. Il y a aussi des facteurs très objectifs là-dessus. C'est qu'il faut prouver aux gars que tu peux tirer sur une corde, que tu peux les sortir, que toi aussi, tu es suffisamment costaud pour les secourir. Et des fois, il y a aussi des facteurs un peu subjectifs où eux, ils ne vont pas te voir comme quelqu'un de fort et du coup, tu vas plus devoir prouver. Mais inversement, moi, cette année, j'ai emmené un gars. Il avait une barbe et tout. C'était censé être un méga aventurier. Et du coup, je me suis dit, c'est bon, on va faire telle section de rivière et ça va aller. Et au final, on a fait la section de rivière et il s'est mis une énorme boîte. Et je m'en voulais parce qu'au début, je lui ai dit, c'est bon, t'es OK. Si jamais tu te renverses, tu fais ça, ça, ça. Surtout, tu lâches le matos et je te ramène au bord. Et en fait, il a paniqué, il n'a rien lâché. Il n'a rien fait de ce que je lui avais dit de faire. Mais sur le coup, il m'a répondu avec une assurance déconcertante. Ouais, t'inquiète. Et en fait, c'est devenu dangereux. Et donc, tu vois, ces représentations un peu mentales, elles vont dans un sens, mais aussi dans l'autre. Et dans les deux cas, en fait, c'est problématique.

  • Speaker #1

    Ouais, totalement. Et est-ce que toi, comment tu gères le côté risque, le côté peur ? Parce que forcément, oui, tu prends des risques. Et forcément, tu as peur vu ce que tu fais. Mais comment tu gères cet aspect-là ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les risques, vraiment, moi, j'essaye d'être la plus objective possible. En fait, on va arriver sur un rapide et je vais vraiment essayer d'identifier les dangers et de dire, OK, là, ça peut me faire avoir une mauvaise ligne, mais je passe à travers et finalement, c'est un peu risqué, mais au pire, je vais taper. Ça, ça va me retenir, c'est foutu, ou si je finis là, c'est un danger de mort. Et après, en fonction de ça, parce que souvent les gens, quand ils pensent au risque, ils pensent juste à la conséquence. Et par exemple, le risque, tu te rates, et tu finis dans tel endroit, tu te noies, t'es mort. Et en fait, ils oublient que le risque, c'est pas juste la conséquence, il y a aussi un facteur statistique, c'est... Ouais, mais est-ce que tu vas finir dans tel endroit où il y a un danger de mort ? Si tu es sûre que tu vas avoir une bonne ligne et que tu vas passer à 15 mètres plus loin que cet endroit-là, normalement, finalement, le risque est assez faible, même si la conséquence, si tu te rates, elle peut être fatale. Et donc, c'est vraiment cet arbitrage-là que j'essaye de faire. C'est d'abord regarder, essayer de bien identifier tous les dangers et après, de savoir si, oui, en effet... je trouve que ce mouvement-là, il est trop aléatoire et que ça ne me plaît pas parce que je ne suis pas certaine d'être en contrôle à ce moment-là pour passer telle vague ou passer du bon côté du caillou, je ne vais pas le faire. Et pour autant, avec une conséquence similaire, si j'estime que là, c'est bon, je suis sûre de moi, je vais passer et ça ne va pas être problématique. Donc, c'est vraiment un peu, c'est un calcul. Et le calcul n'est pas pareil pour tout le monde parce qu'on n'a pas tous, déjà on ne voit pas tous les mêmes dangers. Donc ça c'est aussi pour ça que c'est important d'être en équipe et de se parler et aussi d'apprendre les uns les autres. Et après on n'a pas tous les mêmes points forts. Moi je sais que j'ai des copains, je sais exactement que pour passer des rouleaux, ils sont très très forts et ils passent. tout le temps super bien alors que moi ça va peut-être être un de mes points faibles et du coup c'est pas parce qu'eux ils sont motivés pour faire ce rapide là que moi je dois me sentir obligée de le faire et du coup il y a plein de fois quand t'es avec un groupe qui se connait très bien et qui fonctionne très bien en fait tu vas avoir une personne qui fait un rapide très dur mais le rapide d'après qui est peut-être moins dur il va pas se sentir et c'est peut-être une autre personne qui va le faire et en fait chacun va un peu choisir et les rapides qu'il veut faire ou porter, et les différentes lignes en fonction de ses préférences, des habiletés et aussi de son calcul de risques et de conséquences.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, c'est vraiment individuel et il n'y a pas d'égo qui tienne. Tu fais ton choix en fonction de toi et point.

  • Speaker #0

    Ça, c'est toujours dans le meilleur des mondes parce qu'il y a toujours un peu des fois des dynamiques d'égo où tu as envie de le faire. L'ego souvent on le voit comme quelque chose de négatif, c'est un peu comme la peur, on le voit toujours comme quelque chose de négatif, de paralysant. Et en fait, je pense que l'ego et la peur, ça peut être des choses qui sont moteurs. En fait, la peur, déjà, ça te permet de prendre les bonnes décisions. Si tu n'as peur de rien et que tu penses toujours que tu peux tout faire, il y a un moment donné, tu vas en payer le prix parce que tu n'es pas forcément en phase avec le risque, justement. Et le fait d'avoir peur, ça te permet de bien identifier les dangers. Et l'ego, ça peut aussi être quelque chose de moteur dans le sens où... À un moment donné, si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas un peu d'ego, t'engager dans une pratique un peu plus dure ou même la volonté de progression, c'est quelque chose qui va de pair avec l'ego. Si tu n'as pas confiance en toi, si tu n'as pas envie de t'améliorer, et ça, ça vient de l'ego, finalement, tu restes dans une pratique où tu vas... progresser soit très doucement, soit stagner. Et donc, on a tous, je pense que tous les sportifs et tous les gens qui pratiquent un peu des sports ou même d'autres choses à un niveau plus intense, il y a de l'ego et c'est ça qui est dur aussi, c'est toujours se poser la question, attends, je le fais parce que j'ai envie de prouver à quelqu'un que je suis capable de le faire ou je le fais vraiment pour moi parce que la ligne, elle me plaît. Ou est-ce que je le fais parce que là, il y a les caméras, c'est mon boulot et puis il faut y aller ? Et en fait, ce serait hypocrite de dire que tu es toujours dans la pratique, la forme la plus pure et que tu fais toujours les choses pour toi et pour les bonnes raisons. Parce que je pense qu'il y a forcément des moments où on fait les choses pour les mauvaises raisons. Des fois, tu veux impressionner tes copains, faire le clown et c'est là où... ou des fois ça se passe pas comme prévu et c'est pas grave en fait de faire des erreurs on est humain, on continue de faire des erreurs des fois tu penses être dans une bonne optique et en fait tu prends une mauvaise décision et c'est qu'après coup tu te rends compte que ouais il y avait des petits indices qui font que t'aurais dû faire les choses différemment mais sur le coup tu... tu ne les as pas pris en compte ou tu ne les as pas forcément identifiés. Et je pense aussi d'essayer d'être honnête avec soi-même et de se poser les bonnes questions et d'admettre que des fois, on n'est pas parfait, on fait des choses, on fait des conneries ou des choses pour les mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Ouais, normal. Heureusement, effectivement, on est humain. Et puis, ça monte l'équilibre au final à trouver. Et qu'est-ce qui t'a donné envie de raconter déjà ton parcours dans le film Wild Waters ? et ensuite ton expédition au Pakistan dans un deuxième film qui est Big Water Theory. Est-ce que tu avais envie de partager ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que sur ces deux projets, on n'était pas partis sur ça au début. Wild Waters, j'avais ce projet de faire une chute de plus de 100 pieds et d'être la première femme à dépasser cette hauteur-là. Et donc, on a fait ça. Et à un moment donné, on s'est posé pour dire, bon, ben voilà, maintenant, il faut qu'on le raconte. Qu'est-ce qu'on raconte ? On s'est dit qu'on trouvait ça chiant de juste dire, voilà, on a trouvé une chute très haute et on est allé la descendre. Et du coup, c'est un peu parti sur l'optique de dire, comment justement est-ce que tu en arrives là ? Et qu'est-ce que ça demande ? Et qu'est-ce que ça prend en compte ? En fait, comment est-ce que tu en arrives là ? à deux secondes de chute libre, mais tout ce qui a été fait en amont pour en arriver là. Et donc, ça a fait un biopic. Ce n'était pas du tout prévu. Moi, j'ai vu le... Parce qu'assez tôt, en fait, à partir du moment où on a eu cette idée-là, on a fait des heures et des heures d'interview. Et puis, moi, on m'a vite évincée du processus de storytelling. D'habitude, je suis un suivi et je vois les brouillons, les versions. Et là, vraiment rien du tout. Et du coup, en ayant fait un peu de socio, j'étais là, oui, normal, je suis trop proche de l'objet étudié. Et forcément, je ne sais pas si on fait un film sur toi ou on montre des images de kayak, tu vas dire, non, mais plutôt ça, que ça, ma ligne, elle est mieux. Ah non, cette photo, elle est vraiment trop moche. Et donc, tu vas peut-être vouloir faire des choix qui ne sont pas optimaux pour l'histoire. mais qui te semble mieux pour toi parce que forcément tu veux pas qu'on met le menton sur telle photo de cet homme, j'en sais rien. Et du coup le film est sorti, j'ai vu le premier brouillon, la seule version que j'ai vue avant, je l'ai vue vraiment trois jours avant la première. Et j'étais ok avec ça, mais c'est sûr que je n'avais pas forcément pensé au fait que quand on fait un biopic sur toi avec ta 31 ans, ce n'est pas hyper facile après. Et je n'avais pas aussi pensé qu'il y allait y avoir plein de gens qui allaient savoir des choses hyper personnelles sur moi. Et je n'y avais pas pensé en fait, parce que le réalisateur qui était aussi en train de cadrer pendant les interviews, c'est quelqu'un que je connais depuis hyper longtemps, c'était un copain. Et du coup, il a super bien fait son boulot parce que j'ai oublié la caméra et moi, je parlais à mon copain qui me posait des questions. Et je pense que c'est ce qui fait aussi que le film marche. Mais c'est sûr qu'à assumer derrière, j'ai eu un peu plus de mal. Et sur Big Water Theory, au début, c'était vraiment de partir sur l'induce entre copains. Et après, Jules avait envie de venir et son frère Emile qui travaille justement dans... dans l'image et qui est super bon en 4 heures et en réalisation. Il a demandé s'il pouvait venir filmer. Et en étant athlète professionnel, c'est sûr que quand tu peux ramener les images, c'est toujours mieux. Et donc au début, il était parti comme ça pour faire 2-3 images de haut rapide. Et puis au final, il a ramené un film assez pédagogique sur l'analyse de ces rapides, vraiment explicatif de comment on choisit le lit. Et donc, il a fait un vrai film. Mais ce qui est assez marrant, c'est que sur les deux projets, ce n'était pas prévu. Mais j'y travaille. J'essaye de mieux prévoir les choses et de m'organiser mieux en amont maintenant.

  • Speaker #1

    C'est l'expérience maintenant. Et quelle a été ta plus grande satisfaction une fois que tu as partagé ces films ? Le premier, tu disais quand même pas évident. Mais est-ce que tu as quand même été contente au final de ce partage ? Et puis le deuxième aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que ce soit les films ou le partage en général en étant athlète, on est obligé d'être sur les réseaux sociaux, d'écrire des articles, ça peut être un peu, c'est assez vaste, ou de partager ça dans des médias plus traditionnels. Moi fondamentalement je fais un truc qui ne sert à rien, parce que mon métier ça consiste à faire des ronds dans l'eau, descendre des figures, je ne suis pas utile à la société. Et c'est vrai qu'il y a des petits moments, des petits fragments comme ça, où tu as des gens qui viennent te voir et qui disent « moi j'ai vu ton premier film et j'ai commencé le kayak » et du coup, déjà ils sont hyper heureux de faire du kayak, ils sont actifs. Tu as des enfants qui se mettent au sport ou qui eux aussi... tu leur donnes des idées de rêves ou de choses qu'eux aussi ils pourraient faire. Et il y a des petits instants comme ça où tu te dis, bon ben, ça ne sert à rien, mais quand même, de temps en temps, tu peux apporter quelque chose à quelqu'un, même si ce n'est pas grand-chose, même si parfois c'est juste une heure de divertissement dans une salle de ciné. Finalement, c'est mieux que rien et ça, c'est hyper gratifiant. Je pense que les enfants qui viennent te voir et causent... poser des questions et qui te racontent eux aussi qu'ils sont un couple de kayak ou qu'ils ont fait une rando avec leurs parents et qu'ils ont un peu des étoiles dans les yeux c'est pour ça aussi que ça vaut la peine d'être partagé et que ça vaut la peine de passer du temps à faire tout ça

  • Speaker #1

    Je pense qu'il ne faut pas négliger le côté utile de l'inspiration aussi parce que certes tu n'étais pas en train de sauver des vies en faisant du kayak, mais s'ils t'inspirent plein de gens, soit à faire du kayak, soit, tu vois, moi, je ne me suis pas mise au kayak suite au film, mais j'avais été marquée, en fait, juste par ton approche du sport et de la vie, on va dire, et c'est des choses, je pense, qui restent et qui peuvent vraiment faire du bien à plein de gens. Donc, tu es utile aussi, il n'y a pas que les chirurgiens qui sont utiles, et le milieu dans lequel tu évolues, il est quand même très masculin aussi, est-ce que, toi, ça t'a... posé problème, t'as rencontré des obstacles ou au contraire, est-ce que t'as eu des soutiens particuliers ? Comment tu l'as vécu et que tu le vis encore maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je pense que j'ai rencontré quelques obstacles. Il y a eu des gens qui ont douté. Je me souviens d'une fois où j'étais avec mon père et on essayait de se greffer sur un groupe parce qu'on n'avait pas de voiture. Et du coup, pour la navette, on avait besoin de se greffer avec quelqu'un. Et le chef de l'autre groupe, il ne m'adressait pas la parole et il ne faisait que demander à mon père si c'est bon que j'avais le niveau. Et ça m'énervait tellement. Et ça, c'est des barrières, c'est des trucs un peu pénibles. Quand tu es à côté et le gars ne te parle pas, il demande à ton père « mais c'est sûr que ça va aller la petite ? » Alors que je navigue vachement mieux que mon père, déjà à l'époque. Et il y avait plus de soucis à se faire pour lui que pour moi. Mais mon père, avec son flègme britannique, il savait bien des liaisons de trucs. Donc ça, c'est toujours des situations un peu inconfortables. Même en Pôle France, sur des entraînements avec les fédéos, « Ah non, mais pas les mousesses, vous allez rattraper, machin » . C'est toujours un peu, tu te prends quand même un peu des doses dans la tête, c'est pas toujours hyper sympa. Et en même temps, je pense qu'assez vite, je pense que j'avais pas mal d'assurance. Et du coup, quand ça m'arrivait, j'avais du répondant et je les envoyais balader. Et tu vois, un entraîneur qui disait « Allez les grottons » , je me mettais au créneau, je fais « Quoi ? C'est nous que tu traites de grottons ? » Et je lui mettais un sachet, je le défonçais jusqu'à ce qu'il s'excuse. Et du coup, ça ne m'est pas arrivé beaucoup. Et donc pendant un temps, je me suis dit « Ouais, ça va quand même, les kayakis, les gars, ils sont bienveillants. » Et je pense que j'avais énormément aussi de... de copains Paguior dans mon entourage, de mon âge et des générations au-dessus qui m'ont beaucoup soutenu, qui m'ont beaucoup aidé, qui m'ont partagé les montants de leur contrat quand ils se sont rendus compte que j'étais moins bien payée, qui m'ont soutenu auprès des sponsors pour dire que ce n'était pas juste. J'ai eu beaucoup de chance, je pense, dans mon entourage et du coup, pendant longtemps, je me suis dit « Non mais là, la situation, ça va, c'est quand même beaucoup mieux qu'avant. » Et en fait, c'est sûr qu'il suffit des fois de te retrouver avec les mauvaises personnes pour te rendre compte qu'il y a encore du boulot. Et je me souviens de quelques voyages où, en fait, tu es peut-être avec des gens plus vieux, moins sensibles, et ils ne se rendent pas compte des comportements qu'ils peuvent avoir, comment ça peut être gênant, comment ce n'est pas toujours adapté. J'essaye de leur dire des fois le plus poliment possible que ce n'est pas très drôle ou que ce n'est pas hyper confortable. Et puis souvent, en fait, quand tu ouvres une discussion et que tu le fais de manière posée et calme, c'est plus efficace. Et puis les gens, ils réfléchissent et ils reviennent et on en parle. Mais après, j'ai des copains, je pense que j'ai vraiment beaucoup de chance. J'ai des copains avec qui je pars, il va faire super chaud et tout, et tu vas voyager dans un bus ou quoi, et c'est trop chaud. Et l'année dernière, j'ai un copain qui me dit « Ah, je suis désolée, j'ai trop chaud et tout, ça ne te dérange pas si j'enlève mon t-shirt ? » Parce que ce n'est pas juste, parce que toi, tu ne vas pas te mettre en brassière, ça ne se fait pas dans le pays où on est. Et moi, c'est sûr que je peux me mettre torse nu, mais si ça te dérange, je ne le fais pas. Et donc, tu vas avoir des gens comme ça qui sont… hyper sensibles et qui font très attention et des fois t'es dans un bus rempli de kayakistes et puis ils sont tous torsenus à prendre beaucoup de place et ils transpirent dessus et ça leur pose aucun problème et là t'es obligé de leur dire non mais remets un t-shirt tu pues et t'es en train de transpirer dessus et c'est juste C'est juste aussi en fonction de l'éducation des générations, il faut prendre les choses en compte et essayer de peut-être sensibiliser. Mais quand c'est possible, après tu vois, tu as des gens, c'est peine perdue. Tu ne les changeras pas et je pense que ça ne vaut pas le coup de se battre parce que de toute façon, ils ne changeront pas, ils sont comme ça. Je pense qu'une fille... Dans le sport, c'est forcément moins performant qu'un garçon, qu'on est moins forte, qu'on est physiquement faible, qu'on va avoir peur, qu'on va être mentalement fragile. Et ils y croient tellement, c'est tellement ancré en eux qu'à la limite, il faut juste les plaindre et en rire et se moquer un peu d'eux.

  • Speaker #1

    Ça ne vaut pas le coup de mettre trop d'énergie, essayer de faire quelque chose. Est-ce que tu vois quand même une évolution de la place des femmes ? Est-ce qu'il y a de plus en plus de femmes, par exemple, qui pratiquent le kayak extrême comme toi ?

  • Speaker #0

    À nous, on a de plus en plus de femmes, je pense. En tout cas, ce n'est plus une mixte. Et donc ça c'est bien, il y a beaucoup de jeunes qui naviguent bien dans la nouvelle génération. Après ce que je trouve un peu compliqué c'est que souvent, t'as les filles elles-mêmes qui revendiquent, ouais mais on est plus, on est plus fort, on fait plus ci. Et quand tu regardes moi la génération au-dessus de moi et les Pagayos que j'ai pris pour exemple, et bah en fait elles étaient quand même beaucoup plus fortes que les jeunes qui arrivent maintenant. Et du coup, je trouve ça un peu triste qu'il n'y ait pas assez de conscience et d'histoire pour qu'elles se rendent compte et qu'elles se disent « Ah ouais, mais elles faisaient déjà ça avec les bateaux de l'époque » et d'avoir cet envie de progression aussi. Donc je pense qu'il manque un peu de culture. Et après, jusqu'à un certain niveau, il y a vraiment beaucoup plus de femmes. Et après, pour vraiment aller chercher des rivières plus compliquées, plus engagées. finalement, on est très peu nombreuses. Et même dans les jeunes pagueurs qui ont un niveau technique hyper élevé, il y en a beaucoup qui ne passent pas ce cap un peu d'engagement. Après, c'est quelque chose qui arrive aussi chez certains garçons. Moi, j'ai des copains, techniquement, c'est des monstres. Et puis, au moment de faire les plus gros rapides, ils ont largement les capacités de le faire. Ça ne les intéresse pas forcément. Et ce n'est pas quelque chose sur lequel ils ont envie d'aller parce que souvent, c'est des profils qui aiment être en contrôle absolu. Et donc, quand on va sur des trucs plus durs, l'eau, elle est constamment en train de bouger. Donc, ça bouge devant nous, les vagues, elles cassent sous nous, derrière nous. Donc, ça implique un autre côté. C'est quelque chose qui ne les attire pas du tout. Et donc, ils décident de ne pas le faire. Et je pense qu'il y a aussi des filles qui sont comme ça. c'est pas leur truc et il y en a d'autres qui sont encore justement qui ont des barrières un peu liées aux représentations mentales où elles se disent non mais moi je suis pas capable de faire ça et donc des fois c'est dur parce que t'aurais envie de les pousser et en même temps c'est super bien parce que le jour où elles décident de faire quelque chose, elles le font avec beaucoup plus de bagages techniques que si elles l'avaient fait trop tôt. Et du coup, souvent, elles ont plus de marge. Et donc, tu sais que tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour elles. Et ce n'est pas des têtes brûlées. Mais après, c'est sûr qu'il y a tout, que ce soit chez les gars, chez les filles. Mais ce serait bien d'avoir un peu plus de filles qui engagent sur du classe 5.

  • Speaker #1

    Alors, ça va peut-être encore évoluer dans les années à venir. C'est déjà intéressant ce que tu dis. Et toi alors, pour la suite, est-ce que tu as des rêves d'expédition, des projets dans les mois qui viennent ou les années qui viennent ?

  • Speaker #0

    Alors, moi là, j'avais un gros projet qui est un peu tombé à l'eau parce que c'est un projet montagne et kayak. Et que du coup, la clé de voûte de ce projet, c'est blesser. Donc, on va devoir décaler et... et attendre aussi qu'elle se rétablisse pour pouvoir éventuellement repartir là-dessus. Et donc là, je suis en train de tout remanier ma fin de saison pour compléter avec un autre projet. Et a priori, je partirai au Mexique faire des chutes avec une jeune Mexicaine. Donc là, on ferait un projet à filles, ce que je ne fais pas souvent. Mais ça faisait quelques années qu'on voulait faire ça et on n'avait pas les calendriers qui coïncidaient. Et du coup, là, elle est dispo et motivée et moi aussi. Donc, on va essayer de faire ça.

  • Speaker #1

    Trop bien, ça donne envie de suivre ça. Et j'ai une petite question traditionnelle pour la fin du podcast. Est-ce que tu as un conseil que tu aimerais faire passer aux auditrices, en général sportives, qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Un conseil ?

  • Speaker #1

    Ou un message ?

  • Speaker #0

    Alors, si j'avais un conseil, c'est d'essayer de toujours faire les choses pour les bonnes raisons et peut-être de toujours faire les choses parce que ça nous rend heureux et de ne pas se forcer à faire les choses si ce n'est pas vraiment ce qu'on veut faire nous. Je pense que des fois il y a des pressions extérieures qui viennent un peu parasiter tout ça. Et donc c'est important de se recentrer et de se dire est-ce que c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de faire moi ou je suis en train de suivre le groupe ou c'est par rapport aux attentes qu'on a de moi ou pour des questions d'image. Et ouais de faire les choses pour soi, pour les bonnes raisons et avec pour finalité de passer un bon moment et d'être content.

  • Speaker #1

    C'est un très beau message. Grand merci, Nouria, d'avoir pris le temps déjà de faire cette interview et pour tous les éléments que tu nous as apportés. Et plein de bonnes choses pour tous tes projets à venir.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Nouria Newman

    00:03

  • Les débuts de Nouria en kayak et son parcours classique

    00:08

  • Transition du slalom vers le kayak extrême

    02:44

  • Les émotions vécues en pleine nature

    05:07

  • Équilibre entre expéditions et vie quotidienne

    09:21

  • Préparation des expéditions et logistique

    12:38

  • Gestion du risque et prise de décision en kayak

    16:42

  • Étude sur le rapport au risque des femmes dans le sport

    28:50

  • Projets futurs et conseils pour les auditrices

    57:57

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