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La Sportive Outdoor - Sport Outdoor au féminin

"K2 mon Amour" avec Liv Sansoz

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53min |03/06/2025
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"K2 mon Amour" avec Liv Sansoz

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Description

Dans cet épisode du podcast de sport La Sportive Outdoor, Laurène Philippot reçoit Liv Sansoz, alpiniste, guide de haute montagne, double championne du monde d’escalade, parapentiste… et femme de défis.


Après avoir notamment gravi les 82 sommets de plus de 4000 m de l’Arc alpin, Liv s’est lancée en 2024 dans une aventure exceptionnelle : l’ascension du K2 sans oxygène, suivie d’une descente en parapente biplace, une première mondiale réalisée avec son compagnon Zeb Roche.


Elle nous raconte la préparation, les moments forts de l’ascension, le décollage vertigineux depuis le sommet… et la naissance du film K2 mon amour, présenté au Chamonix Film Festival.


Un échange inspirant avec une femme libre, engagée et profondément connectée à la montagne.


🔗 𝐒𝐮𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐋𝐢𝐯 𝐞𝐭 𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐟𝐞𝐬𝐭𝐢𝐯𝐚𝐥:


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Liv Sansoz, figure emblématique du monde de la montagne. Double championne du monde d'escalade, alpiniste, parapentiste, guide de haute montagne, son parcours est vraiment impressionnant. En 2024, elle a repoussé une nouvelle fois des limites en atteignant le sommet du K2 sans oxygène avec son compagnon Zeb Roche et en réalisant en prime une première mondiale, une descente en parapente bi-place. De cette aventure est né le film « Cas de mon amour » qui sera présenté au Chamonix Film Festival. Je suis vraiment ravie de recevoir Liv pour qu'elle nous parle aujourd'hui de son parcours, mais aussi de cette aventure. Bienvenue Liv, merci beaucoup d'être là. Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, tu m'as déjà bien présenté, mais effectivement je suis une ancienne championne du monde d'escalade. J'ai gagné plusieurs championnats du monde, plusieurs coupes du monde. Aujourd'hui, je suis guide de haute montagne, je vis à Chamonix. Et je réalise toujours des projets qui me font rêver, des expéditions, des choses comme ça, dont la dernière en date était le K2 au Pakistan.

  • Speaker #0

    On va vraiment revenir dessus. Je vais commencer d'abord vraiment par les débuts de ton parcours, et puis ensuite, on ira progressivement vers ça. Tu as grandi déjà à Bourg-Saint-Maurice, qui est forcément en lien direct avec la montagne. Est-ce que tu penses que le fait d'avoir grandi dans cet environnement, ça a joué dans toute ta construction et tes projets par la suite ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Je suis née en Savoie, dans une petite ville, au pied des stations de ski. J'ai toujours fait du ski depuis toute petite. Et puis, mes parents m'ont initiée à la randonnée. D'abord, on faisait des balades, on allait dans des refuges. Mon papa faisait du ski de randonnée, il m'a emmenée. Et moi, j'ai tout de suite aimé être dans la nature, aimer gravir des montagnes. Et j'ai lu beaucoup de livres depuis l'âge de 10 ans. des livres de montagne... C'est un monde qui m'a toujours attirée et fascinée. Et quand j'ai appris qu'il y avait la création d'un club d'escalade à Bourg-Saint-Maurice, je me suis demandé à mes parents de m'inscrire parce que j'avais envie d'apprendre à faire de l'escalade aussi. Donc, c'est vrai que le lieu géographique a favorisé. Et j'ai baigné dans le milieu de la montagne depuis toute petite, mais sans avoir des parents, ni guide d'autre montagne, ni grand sportif, on va dire. Ils m'ont juste transmis. leur amour pour la montagne, le côté contemplatif, le côté bien-être. En fait, la montagne fait du bien aux gens, elle apporte de la joie. Être dans la nature, ça fait du bien aux gens. Et je pense qu'ils m'ont transmis ça dès mon plus jeune âge.

  • Speaker #0

    Oui, c'est déjà super important. Et tu as gagné ta première Coupe du monde d'escalade super tôt, à l'âge de 18 ans. Qu'est-ce que ça fait à cet âge-là, quand on gagne quelque chose comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que je suis rentrée en équipe de France senior à l'âge de 16 ans. Je n'étais pas du tout dans un grand club d'escalade, j'étais dans une toute petite structure. Mes parents ne connaissaient rien à la compétition, n'étaient pas grimpeurs. C'était tout, c'était un peu nouveau pour moi et pour ma famille aussi qui essayait de m'accompagner le mieux possible, mais ce n'était pas évident. Et gagner ma première Coupe du Monde à 18 ans, c'était une énorme surprise, une énorme satisfaction et quelque chose à... aussi à processer, il fallait le digérer, il fallait le... Oui, je pense qu'il fallait le processer, parce qu'au début, je n'arrivais même pas à en parler, à trouver les mots pour expliquer qu'est-ce que je ressentais, en fait. C'était tellement des émotions fortes, c'était tellement quelque chose au-delà de mon imagination que c'était même difficile des fois de trouver les mots pour dire ce qui m'arrivait et ce que je ressentais. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai que ce n'est pas évident. Et ensuite, en plus, tu as enchaîné quand même beaucoup de victoires. Tu as été double championne du monde, tu as gagné plusieurs Coupes du monde. Avec le recul, comment est-ce que tu vois maintenant cette période-là de ta vie ?

  • Speaker #1

    Comment je vois cette période-là de ma vie ? C'était une période extraordinaire, c'était une période faste, c'était une période intense, c'était une période où j'apprenais énormément de choses parce que la compétition, c'est une excellente école de la vie. On apprend la rigueur, on apprend le dépassement de soi. On apprend à mentalement plein de choses. On apprend à se mettre dans sa bulle de concentration. On apprend à laisser de côté la pression, laisser de côté ses doutes. On apprend à être présente à l'instant T. Au moment où il faut faire le petit geste supplémentaire pour la victoire, on apprend à le faire. Et tout ça, c'est des choses que la compétition m'a apprises, que je n'aurais probablement pas découvertes dans d'autres situations, puisqu'une situation de compétition, c'est une situation poussée à l'extrême. Et quand on se retrouve dans ces situations poussées à l'extrême, c'est là qu'on sort de notre zone de confort et c'est là qu'on apprend énormément de choses. Donc, toutes ces années de compétition m'ont forgé, m'ont appris. sur moi, sur mon mental, après aller chercher des ressources en moi qui étaient insoupçonnées. Et c'est ce qui fait aussi aujourd'hui la personne que je suis.

  • Speaker #0

    Oui, ça construit, j'imagine. Et tu es aussi devenue la deuxième femme à réaliser un 8C+. Alors, moi, je ne fais pas vraiment d'escalade, mais j'ai quand même déjà un peu des notions de l'énorme effort que cela représente. Peut-être que pour nos auditrices, tu peux un peu nous expliquer aussi ce projet et ce que ça représentait ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors en escalade, quand on commence à grimper, on commence dans du 5. Si on grimpe un petit peu une fois par semaine, on peut faire du 6. Si on grimpe plusieurs fois par semaine, deux à trois fois par semaine, on va faire du 7. Donc il y a du 7, 7A, 7B, 7C, il y a des chiffres et des lettres. Et aujourd'hui, on en est la meilleure fin de 9B+. À mon époque, quand je grimpais vraiment à mon meilleur niveau, le maximum attiré, c'était le 8C+, par une Espagnole. Et en fait, il y a des grosses barrières mentales quand on va vers quelque chose qui n'a jamais été fait avant ou qui a été fait une seule fois avant. Tout le monde va peut-être plafonner au 8C, parce que le 8C+, c'est quelque chose de nouveau. Il faut aller le chercher. Ça n'a jamais été fait ou ça a été fait une seule fois. Et voilà. Et en fait, avant moi, d'autres femmes ont cassé la barrière mentale du 8A, puis du 8B, puis du 8C. Et moi, j'ai participé à casser celle du 8C+, qui était le niveau maximum atteint par les femmes à ce moment-là. Et maintenant, d'autres femmes ont franchi la barrière du 9A, du 9B, du 9B+. Et c'est comme ça qu'on tire vers le haut toute une discipline. et que des femmes avant moi ont été là et font que nous sommes arrivées à grimper ce niveau-là de difficulté. Et des femmes dans le futur grimperont des voies encore plus dures parce que d'autres ont cassé des barrières mentales avant.

  • Speaker #0

    Et finalement, tant qu'on ne l'a pas fait, on doit avoir ce sentiment qu'on ne sait pas si c'est possible ou pas possible. Donc l'aspect mental, effectivement, doit être très dur à gérer.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Quand on est dans ces voies dures, où on se dit mais moi j'ai jamais essayé quelque chose d'aussi dur, j'ai jamais réussi à grimper quelque chose d'aussi dur, est-ce que je suis capable ? Est-ce qu'une femme est capable ? Il y a tout un ensemble de choses qui sont là et tant qu'on n'essaye pas, qu'on ne se donne pas les moyens, on n'aura pas la réponse et puis peut-être qu'on va essayer et ne pas y arriver et on va se dire ok, je m'entraîne plus et je reviens, peut-être qu'on va essayer et qu'on va y arriver et on se dit tiens, j'ai réussi ça, je peux peut-être essayer un cran au-dessus maintenant. Et c'est comme ça qu'on avance.

  • Speaker #0

    C'est impressionnant. Il y a vraiment toute une démarche très construite. Et sur un registre moins gai, mais en 2001, tu as été victime d'un accident qui était dû à une erreur d'assurage. Comment est-ce qu'on réussit à se reconstruire après ça ? Parce que du coup, tu as continué à faire des choses extraordinaires. Tu en es la preuve encore aujourd'hui. J'imagine que c'était une période très compliquée.

  • Speaker #1

    Oui, ça a été très dur. Parce que si moi, je fais une erreur en escalade et que je me fais mal, c'est de ma faute. et je l'accepte. Là, c'était l'erreur de quelqu'un d'autre et c'était très difficile à accepter. On est dans un sport où il y a de la verticalité, où il y a de la hauteur et on est dans un sport où il faudrait être tout le monde, tout le temps présent. L'assureur doit être aussi présent que le grimpeur. L'assureur, ce n'est pas quelqu'un qui donne du mou avec la corde et qui discute en même temps à côté avec quelqu'un d'autre. Non, l'assureur, il doit être présent à ce qu'il fait. Et cet accident, ça a été un arrêt net. dans ma carrière, ça a vraiment été je percute un mur et tout s'arrête. Je n'étais pas du tout préparée à ça. Pour moi, dans ma tête, je m'entraînais pour mes 3e championnats du monde, pour les gagner, il n'y avait pas de doute là-dessus. Et d'un coup, il y a un arrêt net sur lequel je ne suis pas du tout préparée, sur lequel personne autour de moi n'est vraiment armé pour m'accompagner non plus là-dessus, pour m'aider à… à franchir le cap. Donc, je suis un peu seule face à cet accident qui m'arrête net. J'ai une blessure qui est assez sérieuse. Pendant plus d'un an, je ne peux pas faire de compétition, mais en fait, c'est allé bien au-delà, puisque pendant plusieurs années, j'ai arrêté de grimper. J'avais comme un traumatisme mental, où j'avais peur, en fait, que la personne qui allait m'assurer allait me lâcher. Et pour moi, c'était devenu très compliqué, mentalement, de grimper, parce que j'avais cette peur, presque panique, au fond de moi. qui disait que si je grimpe, je vais peut-être mourir parce que la personne va me lâcher. Et ça m'a pris quand même un peu du temps de dépasser cet état mental, d'arriver à remodeler un peu mon imagination, remodeler mon conditionnement, de me dire que ce n'est pas parce qu'une fois on t'a lâché qu'on va te lâcher à chaque fois. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une erreur faite une fois que d'autres personnes vont faire des erreurs. Et ça m'a pris du temps de reprendre la confiance en moi. Je crois qu'on parle beaucoup de résilience en ce moment. Les athlètes de haut niveau sont des personnes résilientes. Mon tempérament fait que je suis une personne résiliente. J'ai toujours su rebondir après peut-être une contre-performance en compétition. J'ai su rebondir. Et de la même façon, après cet accident qui était extrêmement traumatisant, j'ai appris aussi à rebondir d'une autre façon, vers chercher d'autres choses que je serais peut-être... pas aller voir si je faisais toujours de la compétition. Et je pense que c'est important au final, toujours transformer quelque chose qui a été négatif et difficile à vivre sur l'instant et peut-être pendant un an, peut-être pendant 18 mois, en quelque chose qui nous sert pour la suite, qui nous sert pour la vie, de le transformer en quelque chose de positif sur lequel on peut s'appuyer et qui nous rend aussi peut-être plus fort ou en tout cas plus outillé mentalement pour d'autres. contre peut-être d'autres difficultés qu'on trouvera plus tard dans sa vie.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et est-ce que ça a contribué au fait que, aussi que tu t'élargisses à d'autres disciplines, tu fais de l'alpinisme, du ski, du parapente, ou est-ce que ça faisait déjà sa partie de ta vie, même quand tu grimpais énormément ?

  • Speaker #1

    Quand j'étais dans le haut niveau, que j'étais en équipe de France, que je faisais les Coupes du Monde, j'avais vraiment beaucoup moins de temps pour faire d'autres sports, comme le ski, la montagne, l'alpinisme. Et en plus, surtout, je ne voulais pas prendre le risque de me blesser. Quand on s'entraîne à 8h, par jour pour une Coupe du Monde, pour un championnat du monde. On ne veut pas que tous ces efforts soient ruinés parce que au ski, je me suis fait mal et je ne peux pas faire mes compétitions. Donc c'est vrai que tant que j'étais en équipe de France, j'avais vraiment diminué mes activités à côté. On va dire que quand on fait du sport de haut niveau, c'est tellement exigeant qu'il faut le faire à 100%. C'est difficile de faire du sport de haut niveau avec d'autres activités à côté qui prennent de l'énergie. et aussi sur lesquels il peut y avoir des risques. Si je faisais de la natation, bon, je n'aurais pas été trop inquiète, mais l'alpinisme ou le ski, il y a quand même toujours une petite probabilité pour qu'on se fasse mal. Donc, je savais que quand j'arrêterais ma carrière de compétitrice, je reviendrais plus à la montagne, plus aux sports qui m'ont toujours animée, que j'ai toujours pratiqué, le ski, le parapente, l'alpinisme. Et là, quand il y a eu cet arrêt de ma carrière de compétitrice, parce que cet accident, finalement, il a mis un point final à ma carrière, alors que je n'étais pas du tout préparée, je me suis dit, je retourne vers les sports qui m'apportent de la joie, les sports qui m'animent, les sports que je ne faisais plus ces dernières années parce que je me consacrais à la compétition. Et je vais voir ce que ça me fait vivre et ce que ça me fait découvrir aussi.

  • Speaker #0

    C'est une bonne philosophie. Un des projets sur lequel je voulais te poser une question, parce que ça m'a un peu fascinée, c'est le moment où tu as gravi les 82 sommets de plus de 4000 mètres de l'arc alpin. Comment est né ce projet et qu'est-ce qui t'a poussé à faire ça ?

  • Speaker #1

    Ce projet est né... J'ai connu une période où je me blessais un peu régulièrement, en allant en montagne. Et j'enchaînais... Parfois, tous les six mois, j'avais un plâtre, une blessure, je me cassais le bras, le pied. J'étais tout le temps baissée et un peu étonnée dans le questionnement. Qu'est-ce que ça va me dire ? Qu'est-ce que c'est que ces blessures un peu récurrentes ? Je me suis dit, trouve-toi un projet qui t'anime, qui soit un challenge, qui ne soit pas un projet fou, mais qui soit un beau challenge. qui te correspondent, qui correspondent à la femme que tu es aujourd'hui, à la personne que tu es, qui a du sens pour toi. Et je me dis, je pars des fois en expédition au Pakistan, je pars en Patagonie, je pars dans les montagnes du Tien Shan pour découvrir des nouveaux endroits, pour gravir des montagnes ou ouvrir des voies d'escalade. Finalement, qu'est-ce que je connais vraiment de nos Alpes ? Peut-être que je n'en connais que 20%, peut-être que je n'en connais que 30%. Et je me suis retrouvée par hasard sur un 4000 mètres de Suisse qui s'appelle Finsterrand. Et autour de moi, j'avais 7 autres 4000 mètres dont je ne connaissais pas les noms. Et je me suis dit, mais en fait, c'est fou. Il y a ces montagnes qui sont magnifiques. Il y a 82 sommets de plus de 4000 mètres dans les Alpes qui sont répartis entre la France, l'Italie et la Suisse. Tu n'en connais peut-être que 30%. L'on soit dans le challenge de toutes les gravires. Tu vas redécouvrir les Alpes. Tu vas apprendre énormément de choses sur... sur les vallées, sur ces montagnes, sur les refuges, sur ces sommets. Tu vas apprendre énormément de choses sur toi. Et c'est comme ça que l'idée est née, en fait. Je pense que la beauté de se retrouver aussi à 4 mm, quand on est au-dessus de toutes les autres montagnes, c'est vraiment quelque chose de fort. La vue, elle est magique. Il n'y a pas d'autres montagnes au-dessus de nous. On a le ciel, on a le niveau du ciel. Et puis, on a les autres montagnes en dessous. Et il y avait un côté beauté, il y avait un côté challenge, il y avait un côté qui faisait sens aussi de montrer qu'on pouvait vivre une aventure incroyable à la maison sans avoir à prendre l'avion. Voilà, je pense que tout était un peu réuni. Et ce projet aussi, je me suis dit, fais-le aussi à la façon des pionniers quand il n'y avait pas les remontées mécaniques qui étaient là. Donc, je suis partie à chaque fois d'en bas des vallées. Pour plein de sommets, ça ne change rien. Mais par exemple, pour des sommets comme à Chamonix, où on prend l'aiguille du midi, ça nous monte à 3 800. On est déjà propulsé au cœur des glaciers, au cœur des montagnes. Donc, quand on est déjà à 3 800, on monte à 4 000, il n'y a plus beaucoup. Et là, à chaque fois, je partais d'en bas des vallées pour arriver au sommet. Et ça, ça nous a permis aussi d'aller découvrir une montagne plus sauvage parce qu'on n'était pas dépendant de la remontée métallique. Et si les remontées mécaniques n'étaient pas ouvertes, il n'y avait personne dans la montagne. Et nous, on montait quand même, puisque de toute façon, on avait décidé de ne pas prendre les remontées mécaniques. Un dernier point que je voulais dire, sur ce projet des 82-4 milles, j'ai été aussi rejointe par 24 compagnes et compagnons de cordée. Je ne l'ai pas fait toute seule, je ne pars jamais sur le glacier toute seule, il y a des risques de chute en crevasse. Donc à chaque fois, on est en cordée sur le glacier. Et pour réaliser ce projet, j'ai eu la chance. d'avoir 24 compagnons et compagnes de cordée qui m'ont rejoint à des moments différents du parcours. On avait établi un parcours précis et il y a eu un roulement de mes amis qui m'ont rejoint pour faire ce projet. Et c'était aussi une très belle aventure humaine qui n'aurait pas existé si ces personnes n'avaient pas été présentes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, une belle aventure vraiment à tout niveau. Et je reviens sur ce que tu évoquais un petit peu. C'est quelqu'un qui accorde une grande importance à l'éthique. dans ta manière de faire de l'alpinisme, à la sensibilisation au changement climatique. Est-ce que c'est quelque chose dont tu peux nous parler un petit peu ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. En étant en montagne peut-être 300 jours dans l'année, je pense qu'on est vraiment les tout premiers témoins des bouleversements climatiques. Quelqu'un qui vit au Groenland est aussi un témoin des bouleversements climatiques. Et nous, en montagne, on voit, ce n'est pas à l'image de 50 ans, c'est à l'image de 5, 7, 10 ans. on voit comment le niveau des glaciers diminue. Donc, par exemple, on avait l'habitude de grimper une voie d'escalade avec un rocher qui touchait le glacier. Enfin, le glacier touchait la paroi rocheuse. Le topo décrit la voie d'escalade. Et en fait, maintenant, on arrive au pied et on est presque 10 mètres en dessous du départ original. Et on lit le topo, on se dit non, mais ça ne ressemble pas du tout à la description du topo. Et après, on comprend, en fait, c'est juste que le glacier a baissé. et que ça modifie les premiers mètres de la voie qu'on est venu chercher. On voit qu'on a des éboulements massifs avant, de parois entières. Le granit, ce sont des feuillets de roche qui sont cimentés par le permafrost. Si on a des épisodes caniculaires de longue durée, le permafrost va dégeler et finalement, les premiers feuillets vont tomber et ça va faire des éboulements de milliers de tonnes. tonnes qui vont tomber comme ça sur le glacier et c'est des voies historiques qui disparaissent. C'est aussi beaucoup plus dangereux pour nous de grimper, de pratiquer l'alpinisme. On voit qu'on a aussi beaucoup de variations de température, on a des hivers plus doux, il peut faire moins 7, le lendemain plus 4, on a des variations très changeantes très rapidement. Tout ça, c'est des phénomènes qu'on ne voyait pas il y a 25 ans. Nous, on est vraiment les premiers témoins de ces bouleversements climatiques. Et par conséquent, on se dit, mais il faut qu'on fasse quelque chose pour notre planète. Moi, je suis impliquée dans deux associations, Protect Our Winters et puis Une Bouteille à la Mer. Et j'essaye aussi dans mon quotidien de faire attention, de réfléchir en fait à ce que je fais et comment je le fais. me dire est-ce que Est-ce que ça a du sens, là, de partir à cet endroit ? L'année dernière, je suis partie au Pakistan, mais je n'étais pas partie avant en avion pendant plusieurs années. Et ça m'allait très bien. Là, j'avais ce gros projet sur un millimètre. Il n'y a pas de millimètre dans les Alpes. Bon, OK, on prend l'avion là pour cette expédition. En 2025, je n'ai pas d'expédition prévue. Peut-être qu'en 2026, je repartirai, peut-être pas. Mais on essaye toujours de faire attention à ce qu'on fait, comment on le fait, et aussi toujours se... poser la question comment est-ce qu'on peut faire mieux pour notre planète. Voilà, c'est pas nous qui décidons les choses, mais on a quand même un moyen, on a des voix, on peut se faire entendre, et on peut... on peut faire changer les choses. Oui,

  • Speaker #0

    effectivement. On va parler maintenant de ton expédition K2. Tu t'es lancée dans ce projet avec ton compagnon et vous avez réalisé l'ascension sans oxygène en portant votre matériel. À nouveau, comment est née cette idée ?

  • Speaker #1

    Le projet du K2 est né en 2020. Ça faisait un petit moment qu'on se disait avec Zèbe que ce serait chouette d'avoir un projet un peu plus ambitieux que ce qu'on fait dans les Alpes. On fait toujours. plein de choses vraiment belles, esthétiques, en combinant l'escalade, l'alpinisme avec le parapente et on avait envie d'un projet en cran au-dessus. Et Zeb avait déjà gravé l'Everest, avait déjà volé du sommet de l'Everest. Alors, il avait gravé l'Everest deux fois. La première fois, en 14, à l'âge de 17 ans. C'était le plus jeune sommeteur et ils avaient essayé de décoller en parapente du pass avec son papa du col sud. Enfin, ils avaient essayé de décoller du sommet. du coup ils avaient décollé du pôle Sud, ce qui était déjà un exploit à l'époque. Il y est retourné en 2001 à l'époque avec son ex-femme, et ils ont pu aussi cette fois-là décoller du sommet, donc ils ont réalisé le premier place. Et puis quand on réfléchit à une idée de projet plus ambitieuse, Zem me dit « moi il y a un sommet que j'aimerais vraiment faire, c'est le K2 » . Et là moi je me dis « le K2, mais le K2 c'est la montagne la plus dangereuse, c'est la montagne un peu la plus dure » . Et moi, je ne suis jamais allée à 8000 mètres. Je n'ai aucune expérience sur un sommet de cette altitude. Mais le cadeau est une montagne qui m'a toujours fascinée. J'avais lu le livre de Wanda Rukevic quand j'étais adolescente, qui est une alpiniste polonaise qui a fait des choses extraordinaires dans les années 80, qui a disparu en montagne. On n'a jamais retrouvé son corps, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Mais c'est une personne qui avait beaucoup marqué mon imaginaire adolescente. Et quand Zem me dit le mot K2, enfin le nom de cette montagne, ce mot résonne vraiment à moi. Je me dis, oui, en fait, s'il y a un seul 8000 à gravir, c'est vraiment le K2 qu'il faut gravir. Donc, je me dis, là, gros challenge, gros challenge, il va falloir se préparer, il va falloir s'en tenir comme un athlète. Parce que quand on tente un 8000 sans oxygène, en fait, je pense que quand les gens ne sont pas du milieu et ne savent pas trop, Ils imaginent que prendre de l'oxygène, ça ne change pas vraiment pour aller sur un 8 000 mètres. Et en fait, ce qu'il faut vraiment dire, c'est que la différence, c'est incomparable. La différence, elle est énorme. On n'est pas là pour juger les gens. Vous faites le sommet avec oxygène, nous, on le fait sans oxygène. On est juste sur deux choses complètement différentes. Et moi, je comprends tout à fait ces personnes qui veulent faire l'Everest aujourd'hui. qui prennent de l'oxygène, elles ont un mois consacré à cette montagne, elles ne peuvent pas s'entraîner à côté comme il faudrait. Gravir un 8000 mètres haut, j'entends un 8000, 8100 sans oxygène, c'est dur, mais ce n'est pas aussi dur qu'un 8400, un 8500, un 8600 ou un l'Everest qui est presque un 8009 au final. Et pour ça, il faut s'entraîner comme un athlète de haut niveau. En fait, on ne peut pas envisager ces montagnes sans un entraînement de haut vol. Parce qu'au-dessus de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Et sans oxygène, il faut essayer d'aller le plus vite possible. Et le plus vite possible, c'est extrêmement lent en fait. Notre corps n'est plus oxygéné. Notre cerveau n'est plus correctement oxygéné. Ce n'est pas qu'il n'est plus oxygéné, mais on a 30 % de l'oxygène qui alimente nos muscles, 30 % de l'oxygène qui alimente notre cerveau. Et c'est pour ça qu'il y a au final très peu de gens qui essayent d'éliminer 1 mètre sans oxygène. Donc nous, on a un défi. On voit sur la montagne, qui est un des 8000 mètres les plus techniques par la voie normale, qu'il y a une renommée qui fait un peu peur, parce que jusqu'à il y a quelques années, un quart des personnes qui gravissaient à le K2 ne redescendait pas vivante. Donc le pourcentage était quand même vraiment dramatique, en fait. C'est en train d'évoluer avec de plus en plus d'expéditions commerciales qui sécurisent plus la montagne. Donc on n'est plus maintenant à 25% des personnes qui grimpent le K2. qui ne redescendent pas vivantes. Mais voilà, la colonne, c'est taura de montagne dangereuse. On part sur un 8000 sans oxygène. On veut porter notre matériel, on veut porter notre bi-place et on veut essayer de faire une première en décollant du sommet du K2. Ça fait beaucoup d'inconnus. Ça fait beaucoup de choses dont on n'a pas les réponses. Comment je vais réagir au-dessus du 1000 mètres ? Est-ce que je suis capable ? Est-ce que la femme d'aujourd'hui que je suis est capable de gravir cette montagne sans oxygène ? Est-ce qu'on est capables de décoller du sommet ensemble ? Beaucoup d'inconnus, mais je crois que c'est aussi ce côté-là qui fait le challenge. Je n'ai pas les réponses. je ne sais pas où on va, et on va l'aborder étape par étape. On va prendre une étape après l'autre, et on va faire le mieux possible pour rester en sécurité. C'est comme ça qu'on fait dans notre métier de guide. Quand on va sur un sommet, on prend étape par étape avec les gens qu'on emmène. On est toujours à l'écoute d'eux, est-ce qu'ils sentent bien ? On n'est pas à l'abri qu'on nous dise « là, j'ai vraiment très mal à la tête » , donc on fait la décision de redescendre. Et on avance étape par étape. Tant que tout va bien, on continue d'avancer. S'il y a un risque ou quelque chose qui nous semble mettre la personne en danger, on étudie la situation très rapidement en se disant « Ok, qu'est-ce que je peux faire pour qu'on ne soit pas en danger ? Comment est la personne que j'emmène ? » Et c'est comme ça qu'on arrive à emmener les personnes au sommet pour réaliser leurs rêves en sécurité et les ramener en bas à leur famille. Et nous, on a procédé pareil sur le cas d'eux.

  • Speaker #0

    Et comment on fait alors pour se préparer ? Parce que là, vous étiez en France. Du coup, pour vous préparer, comment on se prépare à aller à ces altitudes-là et du coup, avoir la préparation physique nécessaire ? Est-ce qu'il y a des choses à faire pour essayer de se préparer au manque d'oxygène quelque part ? Comment est-ce que tu as fait en fait ?

  • Speaker #1

    Se préparer au manque d'oxygène sur un sommet de 8 mètres, c'est quand même assez compliqué. Mais moi, j'ai pris un coach. J'ai pris un coach sportif. Je me suis dit, bon, je sais m'entraîner dur parce que je l'ai fait quand je fais de la compression de l'escalade. Par contre, je ne sais pas m'entraîner en endurance. Ce n'est pas ma fibre, ce n'est pas mon sport de prédilection. Donc, j'ai pris un coach qui avait l'habitude d'entraîner des personnes qui allaient sur des 8 mm. Et j'ai fait énormément, j'ai construit une grosse, grosse base de volume avec énormément de dénivelé positif, avec des longues journées, des longues sorties de 7 heures, de 10 heures en montagne. Et par-dessus cette grosse base… l'endurance, on a rajouté de la vitesse. J'ai fait des intervalles training. Je pense que je n'avais jamais eu à faire avant dans ma vie. C'est hyper dur, en fait. C'était, voilà, de faire du sprint dans une montée avec des crampons à cracher du sang. Je n'avais jamais vécu ça, en fait, avant. Et c'était vraiment dur. Des fois, les séances, je les redoutais. J'étais là, voilà, demain, j'ai une séance d'intervalle. Ça va être dur. Et j'ai aussi fait beaucoup de montées très raides, des kilomètres verticaux avec l'estée, avec un sac, avec une poche d'eau de 20 litres, donc 20 kilos, plus mon parapente. Et arrivé en haut, je le vidais la poche d'eau et je redescendais en volant. Donc, j'ai vraiment eu un entraînement spécifique. Je m'entraînais six jours sur sept, en fait, pendant de nombreux mois. Mais je savais que je ne pouvais pas réussir ce 8 mètres sans cet entraînement. Sans cet entraînement poussé, c'est impossible. Nos corps sont tellement mis au-delà de 8400, sans oxygène, on touche vraiment les limites de l'humain. Donc, il faut être hyper entraîné pour arriver à continuer à avancer. Et pour te donner un exemple, et pour donner un exemple aux personnes qui nous écoutent, les 150 derniers mètres de dénivelé, ils nous ont pris 3 heures, 3 heures d'ascension pour gravir 150 mètres. On montait à 50 mètres heure, ce qui n'était pas... Moi, je n'avais pas imaginé qu'on pourrait être aussi lent. Et en fait, nos corps sont tellement en hypoxie, les muscles, lever la jambe devient hyper dur, chaque pas devient hyper dur. Je dis ça, je me dis, les gens doivent peut-être se demander « Mais pourquoi vous le faites ? Ça a l'air d'être que de la souffrance. » En fait, ce n'est pas tellement de la souffrance parce qu'il n'y a pas de douleur. C'est juste que c'est... On n'y arrive plus. C'est difficile de mettre un pied devant l'autre. C'est difficile d'avancer. On marche le 10 pas, on s'arrête 5 minutes.

  • Speaker #0

    On remarque, je ne dis pas, on s'arrête 5 minutes. Mais il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de souffrance. C'est juste que c'est dur et que mentalement, il ne faut pas lâcher.

  • Speaker #1

    Ça doit être extrêmement étrange comme sensation. Tu es super ralenti.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. Il n'y a pas de douleur, mais on est ralenti. On ne peut même pas imaginer. On n'avait pas idée quand on préparait ça depuis la maison à Chamonix. On ne pouvait pas imaginer qu'on soit ralenti à ce point-là. Et pour donner un exemple... Concrètement, on monte régulièrement au sommet du Mont Blanc, c'est à 4 800 mètres, presque 5 000 mètres. On décolle régulièrement du sommet. Quand on arrive au sommet, en gros, en 5 minutes, on a enfilé la sellette de parapente, on a étalé la voile. C'est bon, t'es prêt ? Ouais, bon. Et on décolle, ça nous prend 5 à 7 minutes. Au sommet du K2, ça nous a pris 45 minutes parce qu'enfiler une sellette, vérifier qu'on l'a bien mise, parce que là, on vérifie plusieurs fois, on sent qu'on est… conscient mais quand même pas on n'a pas toute notre lucidité donc on vérifie bien les attaches tout ça étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait on continue d'étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait étaler la voile vérifier les suspentes s'accrocher et et décoller ça nous a pris un effort un effort surhumain en fait et on se rend pas compte parce que oui parce qu'il faut presque monter là haut pour le vivre mais on n'est pas dans la douleur, on est juste au ralenti, avec notre cerveau qui fonctionne, mais pas non plus à 100%, et avec notre corps qui est extrêmement lent à se mouvoir.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Effectivement, je pense que c'est très dur à imaginer. Déjà, quand on a été juste un petit peu des altitudes, on n'a pas l'habitude d'aller. Je trouve que juste en y allant, on sent déjà qu'on est un peu mou. Donc j'imagine cet effet-là complètement décuplé, ça doit être incroyable. Et du coup, d'arriver à... quand même être lucide, parce que c'est aussi ça, il faut arriver à vraiment être lucide pour faire toutes les étapes dans l'ordre, c'est un sacré challenge.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, mentalement, on a répété plein de fois ce qui allait se passer au sommet, et on avait imaginé que le vent serait hyper fort, parce que sur ces 8 mètres, il y a souvent beaucoup de vent, on s'était fait des scénarios, ok, on sera assis dans la neige tous les deux, on va gonfler la voile, on va se faire arracher par le vent, et en fait, on arrive ce jour-là. au sommet du K2, il n'y a pas du tout de vent, et on se regarde et on se dit il va falloir courir pour donner de la vitesse à la voile pour qu'elle gonfle, et c'était le dernier des scénarios, on n'avait pas du tout imaginé que ça se passerait comme ça en fait, et c'est ça qui fait toute la beauté de ce qu'on fait c'est que c'est plein d'inconnus c'est un challenge, on a une expérience, on a des compétences et en fait il va falloir ouvrir le bon tiroir pour pouvoir répondre à la situation dans laquelle on est. Et là, on était dans une situation qu'on n'avait pas imaginée une seule seconde, celle où il n'y avait pas du tout de vent. Voilà, l'option Z. On s'était dit, on espère qu'il n'y aura pas trop de vent, qu'on pourra décoller. On s'était dit, ça va être fort, ça va nous arracher. On l'avait répété mentalement. Et en fait, ce n'est pas ce scénario-là qui s'est produit. C'était celui de, on va devoir courir, accrocher les deux avec la fatigue d'une ascension de 14 heures. avec des crampons pieds où il ne faut pas qu'on s'accroche les crampons, avec un précipice de 3000 mètres, il ne faut pas qu'on tombe, il ne faut pas que quelque chose se passe avant qu'on soit sous la voile. Donc, il fallait tout faire juste et être bien présent dans l'action. Effectivement.

  • Speaker #1

    Et l'ascension, est-ce que ça s'est bien passé ? Enfin, ça s'est bien passé puisque vous l'avez faite et que vous êtes redescendue. Mais je veux dire, est-ce que tu l'as bien vécu ? Donc évidemment, avec cet aspect très ralenti et très difficile. Mais est-ce que ça s'est quand même passé, disons, un peu tel que prévu ?

  • Speaker #0

    Alors, notre ascension, elle s'est déroulée sur trois jours. Quand on part sur un 8000 mètres sans oxygène, on part pour à peu près deux mois. Parce qu'il faut faire des rotations d'acclimatation. Il faut habituer progressivement son corps à l'altitude. Quand on est arrivé au camp de base, au bout d'une semaine, le camp de base, il se trouve à 100 kilomètres. du dernier village et c'est 100 km de glacier. Pendant une semaine, on a mis 5 jours, pendant 5 jours, on remonte un glacier sur 100 km et enfin, on arrive au pied de la montagne et on pose notre camp de base. Ce camp de base, il se trouve à 5000 m d'altitude. Donc déjà, on va vivre à 5000 m d'altitude et déjà ça, en fait, le premier jour, c'est dur. Les 2-3 premiers jours, c'est dur parce que tout notre corps doit s'adapter à cette altitude-là. Le système digestif doit s'adapter, le souffle, le sommeil. Voilà, plein de choses qui doivent s'adapter. Et en fait, à partir de 5000 mètres, on va faire des papiers de 500 mètres. Donc on va monter le premier jour à 5000 mètres, on va redescendre. On se repose, on va remonter à 5500, on va dormir à 5500, on va monter à 6000, on va se reposer, enfin on va redescendre, on va se reposer. Et ainsi de suite, on va faire des paliers comme ça, de 500 mètres par 500 mètres, où on va passer des nuits toujours un peu plus haut, pour habituer progressivement notre corps au manque d'oxygène et l'habituer à produire plus de globules rouges et à s'acclimater. Et ça c'est une période... qui va prendre entre 3 et 4 semaines selon la météo. Parce qu'il y a des moments où on ne peut pas aller sur la montagne comme on veut, parce qu'il fait mauvais, parce qu'il a neigé, parce que la montagne est avalancheuse, parce qu'il y a du vent, que c'est la tempête et qu'on ne peut pas aller sur cette montagne. Donc il y a plein de moments pendant qu'on est en expédition où on est aussi cloué au camp de base parce qu'il fait mauvais. Quand on a fini cette période d'acclimatation, on attend ensuite la fenêtre météo. pour pouvoir faire le sommet. Et là, on a cette fenêtre météo de trois jours, avec le dernier jour vraiment une journée annoncée, avec pas beaucoup de vent. Donc on part du camp de base le vendredi, et on monte directement à notre camp 2, où on a déjà monté notre pente, où il y a déjà notre duvet, où il y a déjà notre parapente d'huit places. On a monté tout ce matériel au fur et à mesure des rotations d'acclimatation. Notre camp 2, il est à 6600. Donc on a eu l'habitude... après trois semaines, de partir de 5000 pour monter directement à 7600 parce que notre corps, là, il est acclimaté et qu'on peut le faire. On passe la nuit au camp 2, on n'a pas du tout mal à la tête, on est bien. Le lendemain, on part du camp 2 pour monter au camp 3 à 7360 mètres. Et là, par contre, on n'a pas pu monter avant au camp 3, donc on n'a pas monté notre matériel. Donc on part très chargé depuis 6600 pour monter à 7300. Et en fait, on est tellement chargé avec notre bille-place, notre matelas et notre tente qu'on ne peut pas prendre nos duvets, par exemple. On ne prend pas les salles de couchage. Et on se dit, bon, ce n'est pas grave, on dormira dans nos tenues en duvet qui sont prévues pour du moins 35. Et de toute façon, on ne va pas faire une très grosse nuit puisqu'il faudra qu'on parte à minuit ou une heure du matin. Donc, on monte à 7 360 mètres, presque 7 400. On sent l'altitude, on sent que c'est un peu dur. C'est la première fois qu'on arrive à cette altitude-là. Et là, il faut creuser une plateforme dans la neige pour pouvoir poser sa tente. parce que le camp est en pente, donc il faut creuser une pâte pomme pour avoir la tente à plat. Ça nous prend aussi beaucoup d'énergie. Mais voilà, on pose nos tentes, on se fait nos trous, on fait fondre la neige, on s'hydrate, on mange, on se sent plutôt bien. Pareil, pas du tout mal à la tête, pas besoin d'aspirine, pas besoin de rien du tout. Donc on se dit, c'est bien, on est plutôt en forme. Et le lendemain, vers minuit, on se réveille et on plie la tente, on plie le matériel. Parce qu'on a quand même embauché un porteur d'altitude pour monter. avec nous au camp 3 pour nous redescendre tout ce matériel. Ce matériel, on ne peut pas du tout envisager d'aller au sommet avec. Et on ne veut pas non plus laisser ce matériel sur la montagne parce que ça va participer à cette pollution qu'il y a déjà dans les camps d'altitude. Donc on a Elias, un Pakistanais qui est monté avec nous et qui est censé redescendre notre matériel le lendemain. On lui plie tout, on lui plie la tente, les matelas, le réchaud. Et nous, on part avec un autre petit sac, un petit sac chacun. où on a un bi-place, une paire de moufles de rechange au cas où on en perd une avec le vent, par exemple, on voulait en prendre des images, on perd une moufle. Deux lits de chacun, un piolet et des petites doudounes supplémentaires au cas où il fasse vraiment froid. Et on part dans la nuit à 1h30, 1h40 du matin. Il fait très froid, il doit faire au moins 30. Il y a du vent. Et c'est un peu normal, en fait, quand on part de nuit, quand il y a du vent. à très haute altitude, il fait extrêmement froid. Et on commence à monter tranquillement. Je suis devant Zeb. Au début, ça va bien. Et puis, au fur et à mesure, je vois que Zeb commence un peu à ralentir le pas. Et je me dis, tiens, c'est étonnant. C'est toujours Zeb. Zeb est plus fort que moi physiquement. Dans tout ce qu'on fait, il va être devant moi. S'il y a un sac qui est plus lourd qu'un autre, c'est lui qui l'a. C'est lui qui a le temps de faire plus d'images parce qu'il est plus rapide, donc il a le temps de se placer. pour me faire des images. Et là, je me dis que ça commence à être dur vers 8 000 mètres. Je vois que ça commence à être un peu dur pour Zeb. Et c'est lui qui porte le bi-pass. C'est lui qui a le sac le plus lourd. Et en fait, je lui dis comment tu te sens. Et il me dit, ouais, là, je ne suis pas au meilleur. Ce n'est pas ma meilleure journée. Je trouve que c'est dur. Je lui dis, est-ce que tu te sens de porter le bi-pass jusqu'au bottleneck, jusqu'à 8 100, 8 200 ? Et après, je prends le relais, je le porte jusqu'au sommet. Et il me dit, bah oui, on va essayer comme ça. On arrive sous le bottleneck et là, en fait, on est au soleil, il fait extrêmement chaud, on est déshydraté. Et je vois que c'est vraiment dur. C'est vraiment dur pour moi, c'est vraiment dur pour Zeb. et vraiment on fait un gros point en zibon ça va encore, on n'a pas d'hallucinations, on est encore très lucide, on continue. Elle me dit oui, on continue. Et on se dit, mais si à la moindre signe de fatigue, si le premier cas a une hallucination, on redescend et on décolle d'où on est. Et pour moi, dans ma tête, en fait, j'étais très sereine, parce que déjà d'être là, à cette altitude-là, sans oxygène, sans l'avoir fait avant, je me suis dit, si on doit redescendre là... et qu'on ne va pas semer, ce n'est pas grave parce que je suis déjà hyper satisfaite de là où on est. Je me suis dit qu'on va mettre un pas devant l'autre, on va continuer et on va voir jusqu'où on peut aller. Je prends le bi-place, Zeb prend le sac le plus léger et il se met derrière moi à mon rythme et on avance comme ça. Régulièrement, on échange comment tu te sens, ça va, oui, ça va encore, tu es lucide, oui, je suis lucide. On se parle beaucoup, en fait, toute la montée. pour vérifier qu'il n'y en a pas un qui commence à trop défaillir physiquement ou à perdre un peu le mental. Et on sent qu'on est tous les deux dans le jeu, on est dans le game, on monte très doucement sur la fin. C'est extrêmement exigeant et notamment mentalement c'est dur, il faut aller chercher loin pour s'accrocher, pour aller au sommet. On a une barrière horaire à respecter, on s'est dit si on n'est pas à 17h, quoi qu'il arrive. indépendamment du lieu où on se trouve, il faut absolument redescendre. Donc si on n'est pas au sommet à 17h, on redescend, c'est notre barrière horaire et c'est notre garde-fou pour rester en vie en fait. Parce qu'il y a trop de gens qui sont arrivés au sommet à 20h, exténués et qui n'ont pas pu redescendre et qui sont restés là-haut. Donc nous on se dit, à 17h, c'est notre barrière horaire. Si on n'est pas au sommet, on doit absolument redescendre. Donc on a cette barrière horaire, on avance, on voit qu'on avance doucement, mais on avance, on y croit. Et finalement, on arrive au sommet. Donc, ça a été une montée qui a été quand même pleine de doutes, mais aussi qui a avancé. Encore une fois, on était dans l'action, un pied devant l'autre. On ne se préoccupe pas du reste. On ne s'inquiète pas du reste. Tout ce qu'on a à faire, c'est avancer et essayer de garder le rythme.

  • Speaker #1

    C'est intéressant aussi de voir que vous prenez d'avance des décisions qui du coup sont rationnelles et qui... permettre de vous sauver au cas où finalement, vous n'arrivez pas vraiment à suivre. Mais si vous ne les aviez pas prises en avance, peut-être qu'effectivement certaines personnes se font avoir parce qu'elles se disent encore un petit peu, encore un petit peu. Vous vous décidez en avance. Telle heure, de toute façon, si on n'y est pas, c'est stop. Si on a des hallucinations, c'est stop. C'est intéressant de voir que vous prenez toutes ces dispositions pour survivre, mais qu'elles sont prises en amont au moment où vous êtes lucide.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. tu le résumes très bien en fait si on ne pose pas le cadre si on ne pose pas les bases et si on n'est pas ok avec ce qu'on a décidé en bas au calme au chaud bien nourri et avec toutes nos têtes ça va être extrêmement dur là-haut avec le manque de lucidité de prendre la bonne décision et c'est trop facile pour un alpiniste qui est trop attiré par le sommet de se voiler la face et de se dire non mais je continue Je continue, ça va le faire, je vais pouvoir redescendre. Donc pour nous, c'était très important de se dire et de voir qu'on était tous les deux en phase avec ça. Il faut que ça reste fun, on va le plus haut possible, on ne se met pas en danger. 17h, c'est notre barrière horaire. Et si de toute façon, il y en a un qui commence à physiquement ne pas aller bien ou mentalement avoir des hallucinations ou d'autres problèmes, c'est la redescente, on redescend. Et aussi, ça me fait rebondir un peu sur... pourquoi le choix du biplast ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris chacun un parapente ? Et en fait, le choix du biplast nous permettait de rester tout le temps ensemble. C'était soit on arrive ensemble au sommet et on tente de décoller ensemble, soit on s'arrête ensemble. Si on a un ou deux qui ne va pas bien, les deux s'arrêtent ensemble et on essaye de décoller s'il fait ainsi de près, si ce n'est pas trop raide. On essaie de décoller de là où on est pour entrer au camp de base. On aurait pris chacun une voile individuelle. Peut-être que l'un des deux aurait été tenté de dire, écoute, moi, je ne me sens pas, mais toi, continue. Et là, en fait, la séparation faisait que, sans oxygène, s'il se passe quelque chose, la personne ne va pas être secourue. Il n'y a rien. Elle va rester là-haut. Elle va juste mourir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vraiment beaucoup d'éléments, en fait, qui permettent quand même d'assurer la sécurité. Ce n'est pas si facile à décider. Et cette descente, alors, c'était... Est-ce que tu peux nous raconter ? Ça doit être... incroyable de décoller d'un tel endroit et avec tous les sommets environnants, etc.

  • Speaker #0

    Cette descente, c'est le vol d'une vie en fait. Le K2, c'est une montagne triangulaire comme ça, qui est toute seule. Il n'y a pas d'autres montagnes autour. Et donc, on se retrouve là propulsé quasiment dans la stratosphère. C'était pour nous, on avait l'impression d'être presque sur la Lune en fait. Avec aucune autre montagne autour, on est au-dessus d'énormes glaciers. On met 35 minutes à descendre. Les paysages sont incroyables, la sensation, elle est incroyable. On ne réalise pas encore qu'on l'a fait. Je pense que quand on a posé, on s'est retourné et on s'est dit « Mais on l'a fait, on l'a vraiment fait. On vient de gravir cette montagne derrière nous et on vient d'en décoller. » C'était vraiment des émotions hyper fortes et incroyables, difficiles à réaliser. On n'en revenait pas, on a mis vraiment beaucoup de temps à réaliser. Et le vol, c'est un vol magique. Il faut voir les images. pour se rendre compte de la hauteur, pour se rendre compte d'où on est, de ce qu'on vit. C'est le vol d'une vie, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Ça doit être magique. Justement, on peut voir des images que vous avez réalisées, un film, que vous allez présenter pour la première fois le 14 juin au Chamonix Film Festival. Qu'est-ce que ça représentait pour vous de partager ça avec le grand public ? Parce que du coup, on a partagé votre expérience. On aura la chance de vivre un petit peu. Évidemment, pas vivre, mais... de voir tout l'environnement dans lequel vous avez évolué, votre aventure ?

  • Speaker #0

    Oui, avant de partir, on s'est dit qu'on allait essayer de documenter cette aventure. Qu'on arrive au sommet de la montagne et qu'on réussisse à décoller ou pas, il y a toujours plein de choses à vivre, à partager. Et donc, on avait déjà décidé de s'associer avec un réalisateur, Mathieu Rivoire. qui nous a un peu briefé sur certaines prises de vue, sur certaines choses à ne pas oublier de filmer. Et puis nous, après, sur le terrain, on a filmé le mieux possible à chaque fois qu'on pouvait. On n'avait pas... Des expés sur des mises sont des expés qui coûtent extrêmement cher et on n'avait pas de budget pour avoir un caméraman en plus avec nous. Donc on a fait toutes les images nous-mêmes. C'est vrai que quand on est déjà au-dessus du 1000 mètres, que c'est dur, il faut se dire, allez, il faut sortir la caméra. C'est un petit effort supplémentaire, mais en vrai, on est très fiers d'avoir réussi à le faire. Et on ramène de très belles images, un film de 41 minutes, qui j'espère plaira au public. Je pense que c'est important quand on vit ces moments un peu d'exception, ces moments fous, de pouvoir le partager avec les gens. ça apporte Ça apporte du rêve, ça apporte de la bonne énergie. Ça peut faire des clics chez certaines personnes. Il y a des gens qui m'écrivent, qui me disent « Ah, mais j'ai vu ton film là. » Je pense à mon ancien film « Leave it on the way » . Et je me suis dit « Mais là, il faut que j'ose. Je vais faire ce que j'ai toujours voulu faire dans ma vie, que je n'osais pas faire. » Et quand on reçoit des messages comme ça, où les gens nous disent « Mais vous avez fait des clics. Ça m'a donné envie de franchir le cap. » Je trouve que c'est la plus belle.

  • Speaker #1

    la plus belle des des récompenses presque voilà c'est on fait pas ça pour ça mais c'est tellement pour nous aussi fort d'entendre ça et de se dire bah tiens ce qu'on fait permet à d'autres personnes de se lancer c'est extraordinaire oui c'est clair que c'est merveilleux comme message en retour tu dis que t'as vraiment contribué à plein de choses différentes et comment en fait d'un point de vue très pratique vous aviez quoi genre une petite caméra type gopro ou parce que il y a quand même vous avez déjà plein de trucs à porter ... Donc la contrainte caméra en plus, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Voilà, alors sur toute l'expédition, on avait deux drones, on avait deux Insta360 X4, on avait une GoPro et on avait nos téléphones, des iPhone 15 Pro qui filment super bien. Et juste le jour du sommet, on est parti le plus léger possible. On a fait plein de beaux plans avec le drone à chaque fois qu'on montait sa climatée. Le jour du sommet, on savait qu'on laisserait le drone. On est partis, on avait chacun nos deux iPhones, on avait une Insta360, une batterie et une GoPro. Il fallait qu'on soit le plus léger possible, donc on a vraiment minimalisé le matériel vidéo. Et c'est comme ça qu'on a fonctionné.

  • Speaker #1

    Oui, ça paraît logique. C'est déjà pas mal d'ailleurs d'avoir tout ça. Parce que l'Instagram en plus, je pense, on le sent quand même passer.

  • Speaker #0

    Exactement. il faut vraiment à très haute altitude le prendre Le poids, c'est l'ennemi numéro un. Il faut vraiment tout calculer, tout optimiser pour rester sécu, mais pour être le plus léger possible.

  • Speaker #1

    Et toi, tu étais, en fait, en réalisant cette ascension, tu étais la deuxième Française à réussir à gravir le K2 sans oxygène, si je ne me trompe pas. Qu'est-ce que ça représente pour toi ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'avais pas trop réfléchi à combien de femmes avaient gravi le cas de sans-oxygène, combien de femmes françaises l'avaient gravi. C'est vrai que je savais que Chantal Mauduil avait gravi, je savais que Liliane Barral avait gravi, mais malheureusement, elle était décédée lors de la descente. Alison Hargrave, une Anglaise qui a fait beaucoup d'alpinisme, pareil, qui est décédée lors de la descente. c'est quand on est arrivé en bas où il y a des gens qui nous disent mais tu sais qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui vont gravir sans oxygène et c'est vrai qu'en fait gravir le K2 sans oxygène ça reste quelque chose d'assez exceptionnel puisqu'au jour d'aujourd'hui on n'est pas 10 femmes à l'avoir fait peut-être que là dans l'été 2025 il y aura d'autres femmes qui vont gravir sans oxygène mais je crois que je suis la 8ème ou la 9ème femme à gravir ce sommet sans oxygène pour dire on est vraiment un tout petit nombre de femmes femme à avoir réussi à atteindre ce sommet sans aide d'oxygène supplémentaire.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Ça permet aussi quand même de se rendre compte, quand on est un peu extérieur à ce milieu, de l'ampleur de la performance. C'est quand même vraiment incroyable. Et pour terminer, Liv, quels sont tes prochains projets ? Est-ce que tu as toujours plein de projets ? J'imagine qu'il y en a d'autres à venir.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr que... que réaliser ce qu'il y a d'eux dans ces conditions-là, ça nous a... Moi, j'ai regardé Zep, j'ai dit, mais moi, je veux engravir d'autres. Les émotions, le paysage, la vue, tout ce qu'on a vécu, c'était tellement incroyable, tellement beau. Bien sûr, c'était dur, bien sûr, ça a demandé énormément d'efforts, de préparation, mais finalement, en fait, notre mémoire, elle ne garde que le plus beau et pour moi, c'était tellement... Ouais. Tellement d'émotions positives que je me suis dit, ah moi j'ai envie de repartir sur un autre 8000 pour faire peut-être différemment, pour peut-être skier, pour faire autre chose. En 2025, on ne va pas repartir parce qu'on a d'autres projets personnels, mais on va travailler pour trouver du budget pour pouvoir repartir en 2026. Et je crois que moi et Zeb, on a bien envie de repartir au Pakistan. Deux autres 8000. qu'on va essayer de probablement combiner avec le parapente, essayer de faire les deux 8000 dans la même journée en décollant d'un sommet pour poser sur l'autre. On va voir si tout ça peut se mettre en place. Mais on est encore très motivés pour se préparer, pour se lancer un nouveau défi, un nouveau challenge avec de l'inconnu, tout en restant dans ce qui nous paraît suffisamment sécu.

  • Speaker #1

    Incroyable, ce sera toi à suivre pour nous aussi. J'ai une petite question traditionnelle pour la fin. Est-ce que tu aurais un message à transmettre à des femmes qui rêvent d'aventure et de montagne ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Je pense que toute femme qui rêve d'un projet, qui rêve d'aventure, qui rêve de montagne, il faut oser y aller. Il faut vous préparer. Il faut croire en vous, en fait. Une femme, elle peut tout faire, elle est capable de tout faire, donc elle peut s'autoriser tous les rêves, parce qu'elle est capable de tous les réaliser. Je crois qu'il faut vraiment bien préparer les choses, préparer en amont les choses, être prête, croire en soi et se lancer. Il y aura plein d'inconnus, il y aura plein de difficultés en chemin, il y aura plein de moments incroyables, mais une femme, elle a... toutes les capacités, toutes les compétences pour mener à bien ces projets et il faut vraiment se lancer, il faut vraiment y aller,

  • Speaker #1

    il faut vraiment croire en soi C'est un beau message pour terminer merci beaucoup Liv, franchement ce partage c'était vraiment chouette d'écouter ton récit et j'ai très hâte de voir le film du coup qui sortira donc bientôt à voir au Germany Film Festival, cas de mon amour et un grand merci et plein de bonnes choses pour la suite pour vos prochains projets

  • Speaker #0

    Merci à toi Lorraine A bientôt. A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. A bientôt.

Chapters

  • Introduction et présentation de Liv Sansoz

    00:04

  • Les débuts de Liv et son parcours en montagne

    00:46

  • Les premières victoires en escalade et leurs impacts

    02:47

  • L'exploit du 8C+ et la barrière mentale

    05:16

  • L'accident de 2001 et le processus de reconstruction

    07:53

  • Le projet des 82 sommets de plus de 4000 mètres

    11:16

  • L'expédition au K2 et les défis rencontrés

    20:21

  • La descente en parapente et la réalisation du film

    44:01

  • Message de Liv pour les femmes aventurières

    52:00

Description

Dans cet épisode du podcast de sport La Sportive Outdoor, Laurène Philippot reçoit Liv Sansoz, alpiniste, guide de haute montagne, double championne du monde d’escalade, parapentiste… et femme de défis.


Après avoir notamment gravi les 82 sommets de plus de 4000 m de l’Arc alpin, Liv s’est lancée en 2024 dans une aventure exceptionnelle : l’ascension du K2 sans oxygène, suivie d’une descente en parapente biplace, une première mondiale réalisée avec son compagnon Zeb Roche.


Elle nous raconte la préparation, les moments forts de l’ascension, le décollage vertigineux depuis le sommet… et la naissance du film K2 mon amour, présenté au Chamonix Film Festival.


Un échange inspirant avec une femme libre, engagée et profondément connectée à la montagne.


🔗 𝐒𝐮𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐋𝐢𝐯 𝐞𝐭 𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐟𝐞𝐬𝐭𝐢𝐯𝐚𝐥:


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Liv Sansoz, figure emblématique du monde de la montagne. Double championne du monde d'escalade, alpiniste, parapentiste, guide de haute montagne, son parcours est vraiment impressionnant. En 2024, elle a repoussé une nouvelle fois des limites en atteignant le sommet du K2 sans oxygène avec son compagnon Zeb Roche et en réalisant en prime une première mondiale, une descente en parapente bi-place. De cette aventure est né le film « Cas de mon amour » qui sera présenté au Chamonix Film Festival. Je suis vraiment ravie de recevoir Liv pour qu'elle nous parle aujourd'hui de son parcours, mais aussi de cette aventure. Bienvenue Liv, merci beaucoup d'être là. Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, tu m'as déjà bien présenté, mais effectivement je suis une ancienne championne du monde d'escalade. J'ai gagné plusieurs championnats du monde, plusieurs coupes du monde. Aujourd'hui, je suis guide de haute montagne, je vis à Chamonix. Et je réalise toujours des projets qui me font rêver, des expéditions, des choses comme ça, dont la dernière en date était le K2 au Pakistan.

  • Speaker #0

    On va vraiment revenir dessus. Je vais commencer d'abord vraiment par les débuts de ton parcours, et puis ensuite, on ira progressivement vers ça. Tu as grandi déjà à Bourg-Saint-Maurice, qui est forcément en lien direct avec la montagne. Est-ce que tu penses que le fait d'avoir grandi dans cet environnement, ça a joué dans toute ta construction et tes projets par la suite ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Je suis née en Savoie, dans une petite ville, au pied des stations de ski. J'ai toujours fait du ski depuis toute petite. Et puis, mes parents m'ont initiée à la randonnée. D'abord, on faisait des balades, on allait dans des refuges. Mon papa faisait du ski de randonnée, il m'a emmenée. Et moi, j'ai tout de suite aimé être dans la nature, aimer gravir des montagnes. Et j'ai lu beaucoup de livres depuis l'âge de 10 ans. des livres de montagne... C'est un monde qui m'a toujours attirée et fascinée. Et quand j'ai appris qu'il y avait la création d'un club d'escalade à Bourg-Saint-Maurice, je me suis demandé à mes parents de m'inscrire parce que j'avais envie d'apprendre à faire de l'escalade aussi. Donc, c'est vrai que le lieu géographique a favorisé. Et j'ai baigné dans le milieu de la montagne depuis toute petite, mais sans avoir des parents, ni guide d'autre montagne, ni grand sportif, on va dire. Ils m'ont juste transmis. leur amour pour la montagne, le côté contemplatif, le côté bien-être. En fait, la montagne fait du bien aux gens, elle apporte de la joie. Être dans la nature, ça fait du bien aux gens. Et je pense qu'ils m'ont transmis ça dès mon plus jeune âge.

  • Speaker #0

    Oui, c'est déjà super important. Et tu as gagné ta première Coupe du monde d'escalade super tôt, à l'âge de 18 ans. Qu'est-ce que ça fait à cet âge-là, quand on gagne quelque chose comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que je suis rentrée en équipe de France senior à l'âge de 16 ans. Je n'étais pas du tout dans un grand club d'escalade, j'étais dans une toute petite structure. Mes parents ne connaissaient rien à la compétition, n'étaient pas grimpeurs. C'était tout, c'était un peu nouveau pour moi et pour ma famille aussi qui essayait de m'accompagner le mieux possible, mais ce n'était pas évident. Et gagner ma première Coupe du Monde à 18 ans, c'était une énorme surprise, une énorme satisfaction et quelque chose à... aussi à processer, il fallait le digérer, il fallait le... Oui, je pense qu'il fallait le processer, parce qu'au début, je n'arrivais même pas à en parler, à trouver les mots pour expliquer qu'est-ce que je ressentais, en fait. C'était tellement des émotions fortes, c'était tellement quelque chose au-delà de mon imagination que c'était même difficile des fois de trouver les mots pour dire ce qui m'arrivait et ce que je ressentais. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai que ce n'est pas évident. Et ensuite, en plus, tu as enchaîné quand même beaucoup de victoires. Tu as été double championne du monde, tu as gagné plusieurs Coupes du monde. Avec le recul, comment est-ce que tu vois maintenant cette période-là de ta vie ?

  • Speaker #1

    Comment je vois cette période-là de ma vie ? C'était une période extraordinaire, c'était une période faste, c'était une période intense, c'était une période où j'apprenais énormément de choses parce que la compétition, c'est une excellente école de la vie. On apprend la rigueur, on apprend le dépassement de soi. On apprend à mentalement plein de choses. On apprend à se mettre dans sa bulle de concentration. On apprend à laisser de côté la pression, laisser de côté ses doutes. On apprend à être présente à l'instant T. Au moment où il faut faire le petit geste supplémentaire pour la victoire, on apprend à le faire. Et tout ça, c'est des choses que la compétition m'a apprises, que je n'aurais probablement pas découvertes dans d'autres situations, puisqu'une situation de compétition, c'est une situation poussée à l'extrême. Et quand on se retrouve dans ces situations poussées à l'extrême, c'est là qu'on sort de notre zone de confort et c'est là qu'on apprend énormément de choses. Donc, toutes ces années de compétition m'ont forgé, m'ont appris. sur moi, sur mon mental, après aller chercher des ressources en moi qui étaient insoupçonnées. Et c'est ce qui fait aussi aujourd'hui la personne que je suis.

  • Speaker #0

    Oui, ça construit, j'imagine. Et tu es aussi devenue la deuxième femme à réaliser un 8C+. Alors, moi, je ne fais pas vraiment d'escalade, mais j'ai quand même déjà un peu des notions de l'énorme effort que cela représente. Peut-être que pour nos auditrices, tu peux un peu nous expliquer aussi ce projet et ce que ça représentait ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors en escalade, quand on commence à grimper, on commence dans du 5. Si on grimpe un petit peu une fois par semaine, on peut faire du 6. Si on grimpe plusieurs fois par semaine, deux à trois fois par semaine, on va faire du 7. Donc il y a du 7, 7A, 7B, 7C, il y a des chiffres et des lettres. Et aujourd'hui, on en est la meilleure fin de 9B+. À mon époque, quand je grimpais vraiment à mon meilleur niveau, le maximum attiré, c'était le 8C+, par une Espagnole. Et en fait, il y a des grosses barrières mentales quand on va vers quelque chose qui n'a jamais été fait avant ou qui a été fait une seule fois avant. Tout le monde va peut-être plafonner au 8C, parce que le 8C+, c'est quelque chose de nouveau. Il faut aller le chercher. Ça n'a jamais été fait ou ça a été fait une seule fois. Et voilà. Et en fait, avant moi, d'autres femmes ont cassé la barrière mentale du 8A, puis du 8B, puis du 8C. Et moi, j'ai participé à casser celle du 8C+, qui était le niveau maximum atteint par les femmes à ce moment-là. Et maintenant, d'autres femmes ont franchi la barrière du 9A, du 9B, du 9B+. Et c'est comme ça qu'on tire vers le haut toute une discipline. et que des femmes avant moi ont été là et font que nous sommes arrivées à grimper ce niveau-là de difficulté. Et des femmes dans le futur grimperont des voies encore plus dures parce que d'autres ont cassé des barrières mentales avant.

  • Speaker #0

    Et finalement, tant qu'on ne l'a pas fait, on doit avoir ce sentiment qu'on ne sait pas si c'est possible ou pas possible. Donc l'aspect mental, effectivement, doit être très dur à gérer.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Quand on est dans ces voies dures, où on se dit mais moi j'ai jamais essayé quelque chose d'aussi dur, j'ai jamais réussi à grimper quelque chose d'aussi dur, est-ce que je suis capable ? Est-ce qu'une femme est capable ? Il y a tout un ensemble de choses qui sont là et tant qu'on n'essaye pas, qu'on ne se donne pas les moyens, on n'aura pas la réponse et puis peut-être qu'on va essayer et ne pas y arriver et on va se dire ok, je m'entraîne plus et je reviens, peut-être qu'on va essayer et qu'on va y arriver et on se dit tiens, j'ai réussi ça, je peux peut-être essayer un cran au-dessus maintenant. Et c'est comme ça qu'on avance.

  • Speaker #0

    C'est impressionnant. Il y a vraiment toute une démarche très construite. Et sur un registre moins gai, mais en 2001, tu as été victime d'un accident qui était dû à une erreur d'assurage. Comment est-ce qu'on réussit à se reconstruire après ça ? Parce que du coup, tu as continué à faire des choses extraordinaires. Tu en es la preuve encore aujourd'hui. J'imagine que c'était une période très compliquée.

  • Speaker #1

    Oui, ça a été très dur. Parce que si moi, je fais une erreur en escalade et que je me fais mal, c'est de ma faute. et je l'accepte. Là, c'était l'erreur de quelqu'un d'autre et c'était très difficile à accepter. On est dans un sport où il y a de la verticalité, où il y a de la hauteur et on est dans un sport où il faudrait être tout le monde, tout le temps présent. L'assureur doit être aussi présent que le grimpeur. L'assureur, ce n'est pas quelqu'un qui donne du mou avec la corde et qui discute en même temps à côté avec quelqu'un d'autre. Non, l'assureur, il doit être présent à ce qu'il fait. Et cet accident, ça a été un arrêt net. dans ma carrière, ça a vraiment été je percute un mur et tout s'arrête. Je n'étais pas du tout préparée à ça. Pour moi, dans ma tête, je m'entraînais pour mes 3e championnats du monde, pour les gagner, il n'y avait pas de doute là-dessus. Et d'un coup, il y a un arrêt net sur lequel je ne suis pas du tout préparée, sur lequel personne autour de moi n'est vraiment armé pour m'accompagner non plus là-dessus, pour m'aider à… à franchir le cap. Donc, je suis un peu seule face à cet accident qui m'arrête net. J'ai une blessure qui est assez sérieuse. Pendant plus d'un an, je ne peux pas faire de compétition, mais en fait, c'est allé bien au-delà, puisque pendant plusieurs années, j'ai arrêté de grimper. J'avais comme un traumatisme mental, où j'avais peur, en fait, que la personne qui allait m'assurer allait me lâcher. Et pour moi, c'était devenu très compliqué, mentalement, de grimper, parce que j'avais cette peur, presque panique, au fond de moi. qui disait que si je grimpe, je vais peut-être mourir parce que la personne va me lâcher. Et ça m'a pris quand même un peu du temps de dépasser cet état mental, d'arriver à remodeler un peu mon imagination, remodeler mon conditionnement, de me dire que ce n'est pas parce qu'une fois on t'a lâché qu'on va te lâcher à chaque fois. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une erreur faite une fois que d'autres personnes vont faire des erreurs. Et ça m'a pris du temps de reprendre la confiance en moi. Je crois qu'on parle beaucoup de résilience en ce moment. Les athlètes de haut niveau sont des personnes résilientes. Mon tempérament fait que je suis une personne résiliente. J'ai toujours su rebondir après peut-être une contre-performance en compétition. J'ai su rebondir. Et de la même façon, après cet accident qui était extrêmement traumatisant, j'ai appris aussi à rebondir d'une autre façon, vers chercher d'autres choses que je serais peut-être... pas aller voir si je faisais toujours de la compétition. Et je pense que c'est important au final, toujours transformer quelque chose qui a été négatif et difficile à vivre sur l'instant et peut-être pendant un an, peut-être pendant 18 mois, en quelque chose qui nous sert pour la suite, qui nous sert pour la vie, de le transformer en quelque chose de positif sur lequel on peut s'appuyer et qui nous rend aussi peut-être plus fort ou en tout cas plus outillé mentalement pour d'autres. contre peut-être d'autres difficultés qu'on trouvera plus tard dans sa vie.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et est-ce que ça a contribué au fait que, aussi que tu t'élargisses à d'autres disciplines, tu fais de l'alpinisme, du ski, du parapente, ou est-ce que ça faisait déjà sa partie de ta vie, même quand tu grimpais énormément ?

  • Speaker #1

    Quand j'étais dans le haut niveau, que j'étais en équipe de France, que je faisais les Coupes du Monde, j'avais vraiment beaucoup moins de temps pour faire d'autres sports, comme le ski, la montagne, l'alpinisme. Et en plus, surtout, je ne voulais pas prendre le risque de me blesser. Quand on s'entraîne à 8h, par jour pour une Coupe du Monde, pour un championnat du monde. On ne veut pas que tous ces efforts soient ruinés parce que au ski, je me suis fait mal et je ne peux pas faire mes compétitions. Donc c'est vrai que tant que j'étais en équipe de France, j'avais vraiment diminué mes activités à côté. On va dire que quand on fait du sport de haut niveau, c'est tellement exigeant qu'il faut le faire à 100%. C'est difficile de faire du sport de haut niveau avec d'autres activités à côté qui prennent de l'énergie. et aussi sur lesquels il peut y avoir des risques. Si je faisais de la natation, bon, je n'aurais pas été trop inquiète, mais l'alpinisme ou le ski, il y a quand même toujours une petite probabilité pour qu'on se fasse mal. Donc, je savais que quand j'arrêterais ma carrière de compétitrice, je reviendrais plus à la montagne, plus aux sports qui m'ont toujours animée, que j'ai toujours pratiqué, le ski, le parapente, l'alpinisme. Et là, quand il y a eu cet arrêt de ma carrière de compétitrice, parce que cet accident, finalement, il a mis un point final à ma carrière, alors que je n'étais pas du tout préparée, je me suis dit, je retourne vers les sports qui m'apportent de la joie, les sports qui m'animent, les sports que je ne faisais plus ces dernières années parce que je me consacrais à la compétition. Et je vais voir ce que ça me fait vivre et ce que ça me fait découvrir aussi.

  • Speaker #0

    C'est une bonne philosophie. Un des projets sur lequel je voulais te poser une question, parce que ça m'a un peu fascinée, c'est le moment où tu as gravi les 82 sommets de plus de 4000 mètres de l'arc alpin. Comment est né ce projet et qu'est-ce qui t'a poussé à faire ça ?

  • Speaker #1

    Ce projet est né... J'ai connu une période où je me blessais un peu régulièrement, en allant en montagne. Et j'enchaînais... Parfois, tous les six mois, j'avais un plâtre, une blessure, je me cassais le bras, le pied. J'étais tout le temps baissée et un peu étonnée dans le questionnement. Qu'est-ce que ça va me dire ? Qu'est-ce que c'est que ces blessures un peu récurrentes ? Je me suis dit, trouve-toi un projet qui t'anime, qui soit un challenge, qui ne soit pas un projet fou, mais qui soit un beau challenge. qui te correspondent, qui correspondent à la femme que tu es aujourd'hui, à la personne que tu es, qui a du sens pour toi. Et je me dis, je pars des fois en expédition au Pakistan, je pars en Patagonie, je pars dans les montagnes du Tien Shan pour découvrir des nouveaux endroits, pour gravir des montagnes ou ouvrir des voies d'escalade. Finalement, qu'est-ce que je connais vraiment de nos Alpes ? Peut-être que je n'en connais que 20%, peut-être que je n'en connais que 30%. Et je me suis retrouvée par hasard sur un 4000 mètres de Suisse qui s'appelle Finsterrand. Et autour de moi, j'avais 7 autres 4000 mètres dont je ne connaissais pas les noms. Et je me suis dit, mais en fait, c'est fou. Il y a ces montagnes qui sont magnifiques. Il y a 82 sommets de plus de 4000 mètres dans les Alpes qui sont répartis entre la France, l'Italie et la Suisse. Tu n'en connais peut-être que 30%. L'on soit dans le challenge de toutes les gravires. Tu vas redécouvrir les Alpes. Tu vas apprendre énormément de choses sur... sur les vallées, sur ces montagnes, sur les refuges, sur ces sommets. Tu vas apprendre énormément de choses sur toi. Et c'est comme ça que l'idée est née, en fait. Je pense que la beauté de se retrouver aussi à 4 mm, quand on est au-dessus de toutes les autres montagnes, c'est vraiment quelque chose de fort. La vue, elle est magique. Il n'y a pas d'autres montagnes au-dessus de nous. On a le ciel, on a le niveau du ciel. Et puis, on a les autres montagnes en dessous. Et il y avait un côté beauté, il y avait un côté challenge, il y avait un côté qui faisait sens aussi de montrer qu'on pouvait vivre une aventure incroyable à la maison sans avoir à prendre l'avion. Voilà, je pense que tout était un peu réuni. Et ce projet aussi, je me suis dit, fais-le aussi à la façon des pionniers quand il n'y avait pas les remontées mécaniques qui étaient là. Donc, je suis partie à chaque fois d'en bas des vallées. Pour plein de sommets, ça ne change rien. Mais par exemple, pour des sommets comme à Chamonix, où on prend l'aiguille du midi, ça nous monte à 3 800. On est déjà propulsé au cœur des glaciers, au cœur des montagnes. Donc, quand on est déjà à 3 800, on monte à 4 000, il n'y a plus beaucoup. Et là, à chaque fois, je partais d'en bas des vallées pour arriver au sommet. Et ça, ça nous a permis aussi d'aller découvrir une montagne plus sauvage parce qu'on n'était pas dépendant de la remontée métallique. Et si les remontées mécaniques n'étaient pas ouvertes, il n'y avait personne dans la montagne. Et nous, on montait quand même, puisque de toute façon, on avait décidé de ne pas prendre les remontées mécaniques. Un dernier point que je voulais dire, sur ce projet des 82-4 milles, j'ai été aussi rejointe par 24 compagnes et compagnons de cordée. Je ne l'ai pas fait toute seule, je ne pars jamais sur le glacier toute seule, il y a des risques de chute en crevasse. Donc à chaque fois, on est en cordée sur le glacier. Et pour réaliser ce projet, j'ai eu la chance. d'avoir 24 compagnons et compagnes de cordée qui m'ont rejoint à des moments différents du parcours. On avait établi un parcours précis et il y a eu un roulement de mes amis qui m'ont rejoint pour faire ce projet. Et c'était aussi une très belle aventure humaine qui n'aurait pas existé si ces personnes n'avaient pas été présentes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, une belle aventure vraiment à tout niveau. Et je reviens sur ce que tu évoquais un petit peu. C'est quelqu'un qui accorde une grande importance à l'éthique. dans ta manière de faire de l'alpinisme, à la sensibilisation au changement climatique. Est-ce que c'est quelque chose dont tu peux nous parler un petit peu ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. En étant en montagne peut-être 300 jours dans l'année, je pense qu'on est vraiment les tout premiers témoins des bouleversements climatiques. Quelqu'un qui vit au Groenland est aussi un témoin des bouleversements climatiques. Et nous, en montagne, on voit, ce n'est pas à l'image de 50 ans, c'est à l'image de 5, 7, 10 ans. on voit comment le niveau des glaciers diminue. Donc, par exemple, on avait l'habitude de grimper une voie d'escalade avec un rocher qui touchait le glacier. Enfin, le glacier touchait la paroi rocheuse. Le topo décrit la voie d'escalade. Et en fait, maintenant, on arrive au pied et on est presque 10 mètres en dessous du départ original. Et on lit le topo, on se dit non, mais ça ne ressemble pas du tout à la description du topo. Et après, on comprend, en fait, c'est juste que le glacier a baissé. et que ça modifie les premiers mètres de la voie qu'on est venu chercher. On voit qu'on a des éboulements massifs avant, de parois entières. Le granit, ce sont des feuillets de roche qui sont cimentés par le permafrost. Si on a des épisodes caniculaires de longue durée, le permafrost va dégeler et finalement, les premiers feuillets vont tomber et ça va faire des éboulements de milliers de tonnes. tonnes qui vont tomber comme ça sur le glacier et c'est des voies historiques qui disparaissent. C'est aussi beaucoup plus dangereux pour nous de grimper, de pratiquer l'alpinisme. On voit qu'on a aussi beaucoup de variations de température, on a des hivers plus doux, il peut faire moins 7, le lendemain plus 4, on a des variations très changeantes très rapidement. Tout ça, c'est des phénomènes qu'on ne voyait pas il y a 25 ans. Nous, on est vraiment les premiers témoins de ces bouleversements climatiques. Et par conséquent, on se dit, mais il faut qu'on fasse quelque chose pour notre planète. Moi, je suis impliquée dans deux associations, Protect Our Winters et puis Une Bouteille à la Mer. Et j'essaye aussi dans mon quotidien de faire attention, de réfléchir en fait à ce que je fais et comment je le fais. me dire est-ce que Est-ce que ça a du sens, là, de partir à cet endroit ? L'année dernière, je suis partie au Pakistan, mais je n'étais pas partie avant en avion pendant plusieurs années. Et ça m'allait très bien. Là, j'avais ce gros projet sur un millimètre. Il n'y a pas de millimètre dans les Alpes. Bon, OK, on prend l'avion là pour cette expédition. En 2025, je n'ai pas d'expédition prévue. Peut-être qu'en 2026, je repartirai, peut-être pas. Mais on essaye toujours de faire attention à ce qu'on fait, comment on le fait, et aussi toujours se... poser la question comment est-ce qu'on peut faire mieux pour notre planète. Voilà, c'est pas nous qui décidons les choses, mais on a quand même un moyen, on a des voix, on peut se faire entendre, et on peut... on peut faire changer les choses. Oui,

  • Speaker #0

    effectivement. On va parler maintenant de ton expédition K2. Tu t'es lancée dans ce projet avec ton compagnon et vous avez réalisé l'ascension sans oxygène en portant votre matériel. À nouveau, comment est née cette idée ?

  • Speaker #1

    Le projet du K2 est né en 2020. Ça faisait un petit moment qu'on se disait avec Zèbe que ce serait chouette d'avoir un projet un peu plus ambitieux que ce qu'on fait dans les Alpes. On fait toujours. plein de choses vraiment belles, esthétiques, en combinant l'escalade, l'alpinisme avec le parapente et on avait envie d'un projet en cran au-dessus. Et Zeb avait déjà gravé l'Everest, avait déjà volé du sommet de l'Everest. Alors, il avait gravé l'Everest deux fois. La première fois, en 14, à l'âge de 17 ans. C'était le plus jeune sommeteur et ils avaient essayé de décoller en parapente du pass avec son papa du col sud. Enfin, ils avaient essayé de décoller du sommet. du coup ils avaient décollé du pôle Sud, ce qui était déjà un exploit à l'époque. Il y est retourné en 2001 à l'époque avec son ex-femme, et ils ont pu aussi cette fois-là décoller du sommet, donc ils ont réalisé le premier place. Et puis quand on réfléchit à une idée de projet plus ambitieuse, Zem me dit « moi il y a un sommet que j'aimerais vraiment faire, c'est le K2 » . Et là moi je me dis « le K2, mais le K2 c'est la montagne la plus dangereuse, c'est la montagne un peu la plus dure » . Et moi, je ne suis jamais allée à 8000 mètres. Je n'ai aucune expérience sur un sommet de cette altitude. Mais le cadeau est une montagne qui m'a toujours fascinée. J'avais lu le livre de Wanda Rukevic quand j'étais adolescente, qui est une alpiniste polonaise qui a fait des choses extraordinaires dans les années 80, qui a disparu en montagne. On n'a jamais retrouvé son corps, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Mais c'est une personne qui avait beaucoup marqué mon imaginaire adolescente. Et quand Zem me dit le mot K2, enfin le nom de cette montagne, ce mot résonne vraiment à moi. Je me dis, oui, en fait, s'il y a un seul 8000 à gravir, c'est vraiment le K2 qu'il faut gravir. Donc, je me dis, là, gros challenge, gros challenge, il va falloir se préparer, il va falloir s'en tenir comme un athlète. Parce que quand on tente un 8000 sans oxygène, en fait, je pense que quand les gens ne sont pas du milieu et ne savent pas trop, Ils imaginent que prendre de l'oxygène, ça ne change pas vraiment pour aller sur un 8 000 mètres. Et en fait, ce qu'il faut vraiment dire, c'est que la différence, c'est incomparable. La différence, elle est énorme. On n'est pas là pour juger les gens. Vous faites le sommet avec oxygène, nous, on le fait sans oxygène. On est juste sur deux choses complètement différentes. Et moi, je comprends tout à fait ces personnes qui veulent faire l'Everest aujourd'hui. qui prennent de l'oxygène, elles ont un mois consacré à cette montagne, elles ne peuvent pas s'entraîner à côté comme il faudrait. Gravir un 8000 mètres haut, j'entends un 8000, 8100 sans oxygène, c'est dur, mais ce n'est pas aussi dur qu'un 8400, un 8500, un 8600 ou un l'Everest qui est presque un 8009 au final. Et pour ça, il faut s'entraîner comme un athlète de haut niveau. En fait, on ne peut pas envisager ces montagnes sans un entraînement de haut vol. Parce qu'au-dessus de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Et sans oxygène, il faut essayer d'aller le plus vite possible. Et le plus vite possible, c'est extrêmement lent en fait. Notre corps n'est plus oxygéné. Notre cerveau n'est plus correctement oxygéné. Ce n'est pas qu'il n'est plus oxygéné, mais on a 30 % de l'oxygène qui alimente nos muscles, 30 % de l'oxygène qui alimente notre cerveau. Et c'est pour ça qu'il y a au final très peu de gens qui essayent d'éliminer 1 mètre sans oxygène. Donc nous, on a un défi. On voit sur la montagne, qui est un des 8000 mètres les plus techniques par la voie normale, qu'il y a une renommée qui fait un peu peur, parce que jusqu'à il y a quelques années, un quart des personnes qui gravissaient à le K2 ne redescendait pas vivante. Donc le pourcentage était quand même vraiment dramatique, en fait. C'est en train d'évoluer avec de plus en plus d'expéditions commerciales qui sécurisent plus la montagne. Donc on n'est plus maintenant à 25% des personnes qui grimpent le K2. qui ne redescendent pas vivantes. Mais voilà, la colonne, c'est taura de montagne dangereuse. On part sur un 8000 sans oxygène. On veut porter notre matériel, on veut porter notre bi-place et on veut essayer de faire une première en décollant du sommet du K2. Ça fait beaucoup d'inconnus. Ça fait beaucoup de choses dont on n'a pas les réponses. Comment je vais réagir au-dessus du 1000 mètres ? Est-ce que je suis capable ? Est-ce que la femme d'aujourd'hui que je suis est capable de gravir cette montagne sans oxygène ? Est-ce qu'on est capables de décoller du sommet ensemble ? Beaucoup d'inconnus, mais je crois que c'est aussi ce côté-là qui fait le challenge. Je n'ai pas les réponses. je ne sais pas où on va, et on va l'aborder étape par étape. On va prendre une étape après l'autre, et on va faire le mieux possible pour rester en sécurité. C'est comme ça qu'on fait dans notre métier de guide. Quand on va sur un sommet, on prend étape par étape avec les gens qu'on emmène. On est toujours à l'écoute d'eux, est-ce qu'ils sentent bien ? On n'est pas à l'abri qu'on nous dise « là, j'ai vraiment très mal à la tête » , donc on fait la décision de redescendre. Et on avance étape par étape. Tant que tout va bien, on continue d'avancer. S'il y a un risque ou quelque chose qui nous semble mettre la personne en danger, on étudie la situation très rapidement en se disant « Ok, qu'est-ce que je peux faire pour qu'on ne soit pas en danger ? Comment est la personne que j'emmène ? » Et c'est comme ça qu'on arrive à emmener les personnes au sommet pour réaliser leurs rêves en sécurité et les ramener en bas à leur famille. Et nous, on a procédé pareil sur le cas d'eux.

  • Speaker #0

    Et comment on fait alors pour se préparer ? Parce que là, vous étiez en France. Du coup, pour vous préparer, comment on se prépare à aller à ces altitudes-là et du coup, avoir la préparation physique nécessaire ? Est-ce qu'il y a des choses à faire pour essayer de se préparer au manque d'oxygène quelque part ? Comment est-ce que tu as fait en fait ?

  • Speaker #1

    Se préparer au manque d'oxygène sur un sommet de 8 mètres, c'est quand même assez compliqué. Mais moi, j'ai pris un coach. J'ai pris un coach sportif. Je me suis dit, bon, je sais m'entraîner dur parce que je l'ai fait quand je fais de la compression de l'escalade. Par contre, je ne sais pas m'entraîner en endurance. Ce n'est pas ma fibre, ce n'est pas mon sport de prédilection. Donc, j'ai pris un coach qui avait l'habitude d'entraîner des personnes qui allaient sur des 8 mm. Et j'ai fait énormément, j'ai construit une grosse, grosse base de volume avec énormément de dénivelé positif, avec des longues journées, des longues sorties de 7 heures, de 10 heures en montagne. Et par-dessus cette grosse base… l'endurance, on a rajouté de la vitesse. J'ai fait des intervalles training. Je pense que je n'avais jamais eu à faire avant dans ma vie. C'est hyper dur, en fait. C'était, voilà, de faire du sprint dans une montée avec des crampons à cracher du sang. Je n'avais jamais vécu ça, en fait, avant. Et c'était vraiment dur. Des fois, les séances, je les redoutais. J'étais là, voilà, demain, j'ai une séance d'intervalle. Ça va être dur. Et j'ai aussi fait beaucoup de montées très raides, des kilomètres verticaux avec l'estée, avec un sac, avec une poche d'eau de 20 litres, donc 20 kilos, plus mon parapente. Et arrivé en haut, je le vidais la poche d'eau et je redescendais en volant. Donc, j'ai vraiment eu un entraînement spécifique. Je m'entraînais six jours sur sept, en fait, pendant de nombreux mois. Mais je savais que je ne pouvais pas réussir ce 8 mètres sans cet entraînement. Sans cet entraînement poussé, c'est impossible. Nos corps sont tellement mis au-delà de 8400, sans oxygène, on touche vraiment les limites de l'humain. Donc, il faut être hyper entraîné pour arriver à continuer à avancer. Et pour te donner un exemple, et pour donner un exemple aux personnes qui nous écoutent, les 150 derniers mètres de dénivelé, ils nous ont pris 3 heures, 3 heures d'ascension pour gravir 150 mètres. On montait à 50 mètres heure, ce qui n'était pas... Moi, je n'avais pas imaginé qu'on pourrait être aussi lent. Et en fait, nos corps sont tellement en hypoxie, les muscles, lever la jambe devient hyper dur, chaque pas devient hyper dur. Je dis ça, je me dis, les gens doivent peut-être se demander « Mais pourquoi vous le faites ? Ça a l'air d'être que de la souffrance. » En fait, ce n'est pas tellement de la souffrance parce qu'il n'y a pas de douleur. C'est juste que c'est... On n'y arrive plus. C'est difficile de mettre un pied devant l'autre. C'est difficile d'avancer. On marche le 10 pas, on s'arrête 5 minutes.

  • Speaker #0

    On remarque, je ne dis pas, on s'arrête 5 minutes. Mais il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de souffrance. C'est juste que c'est dur et que mentalement, il ne faut pas lâcher.

  • Speaker #1

    Ça doit être extrêmement étrange comme sensation. Tu es super ralenti.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. Il n'y a pas de douleur, mais on est ralenti. On ne peut même pas imaginer. On n'avait pas idée quand on préparait ça depuis la maison à Chamonix. On ne pouvait pas imaginer qu'on soit ralenti à ce point-là. Et pour donner un exemple... Concrètement, on monte régulièrement au sommet du Mont Blanc, c'est à 4 800 mètres, presque 5 000 mètres. On décolle régulièrement du sommet. Quand on arrive au sommet, en gros, en 5 minutes, on a enfilé la sellette de parapente, on a étalé la voile. C'est bon, t'es prêt ? Ouais, bon. Et on décolle, ça nous prend 5 à 7 minutes. Au sommet du K2, ça nous a pris 45 minutes parce qu'enfiler une sellette, vérifier qu'on l'a bien mise, parce que là, on vérifie plusieurs fois, on sent qu'on est… conscient mais quand même pas on n'a pas toute notre lucidité donc on vérifie bien les attaches tout ça étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait on continue d'étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait étaler la voile vérifier les suspentes s'accrocher et et décoller ça nous a pris un effort un effort surhumain en fait et on se rend pas compte parce que oui parce qu'il faut presque monter là haut pour le vivre mais on n'est pas dans la douleur, on est juste au ralenti, avec notre cerveau qui fonctionne, mais pas non plus à 100%, et avec notre corps qui est extrêmement lent à se mouvoir.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Effectivement, je pense que c'est très dur à imaginer. Déjà, quand on a été juste un petit peu des altitudes, on n'a pas l'habitude d'aller. Je trouve que juste en y allant, on sent déjà qu'on est un peu mou. Donc j'imagine cet effet-là complètement décuplé, ça doit être incroyable. Et du coup, d'arriver à... quand même être lucide, parce que c'est aussi ça, il faut arriver à vraiment être lucide pour faire toutes les étapes dans l'ordre, c'est un sacré challenge.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, mentalement, on a répété plein de fois ce qui allait se passer au sommet, et on avait imaginé que le vent serait hyper fort, parce que sur ces 8 mètres, il y a souvent beaucoup de vent, on s'était fait des scénarios, ok, on sera assis dans la neige tous les deux, on va gonfler la voile, on va se faire arracher par le vent, et en fait, on arrive ce jour-là. au sommet du K2, il n'y a pas du tout de vent, et on se regarde et on se dit il va falloir courir pour donner de la vitesse à la voile pour qu'elle gonfle, et c'était le dernier des scénarios, on n'avait pas du tout imaginé que ça se passerait comme ça en fait, et c'est ça qui fait toute la beauté de ce qu'on fait c'est que c'est plein d'inconnus c'est un challenge, on a une expérience, on a des compétences et en fait il va falloir ouvrir le bon tiroir pour pouvoir répondre à la situation dans laquelle on est. Et là, on était dans une situation qu'on n'avait pas imaginée une seule seconde, celle où il n'y avait pas du tout de vent. Voilà, l'option Z. On s'était dit, on espère qu'il n'y aura pas trop de vent, qu'on pourra décoller. On s'était dit, ça va être fort, ça va nous arracher. On l'avait répété mentalement. Et en fait, ce n'est pas ce scénario-là qui s'est produit. C'était celui de, on va devoir courir, accrocher les deux avec la fatigue d'une ascension de 14 heures. avec des crampons pieds où il ne faut pas qu'on s'accroche les crampons, avec un précipice de 3000 mètres, il ne faut pas qu'on tombe, il ne faut pas que quelque chose se passe avant qu'on soit sous la voile. Donc, il fallait tout faire juste et être bien présent dans l'action. Effectivement.

  • Speaker #1

    Et l'ascension, est-ce que ça s'est bien passé ? Enfin, ça s'est bien passé puisque vous l'avez faite et que vous êtes redescendue. Mais je veux dire, est-ce que tu l'as bien vécu ? Donc évidemment, avec cet aspect très ralenti et très difficile. Mais est-ce que ça s'est quand même passé, disons, un peu tel que prévu ?

  • Speaker #0

    Alors, notre ascension, elle s'est déroulée sur trois jours. Quand on part sur un 8000 mètres sans oxygène, on part pour à peu près deux mois. Parce qu'il faut faire des rotations d'acclimatation. Il faut habituer progressivement son corps à l'altitude. Quand on est arrivé au camp de base, au bout d'une semaine, le camp de base, il se trouve à 100 kilomètres. du dernier village et c'est 100 km de glacier. Pendant une semaine, on a mis 5 jours, pendant 5 jours, on remonte un glacier sur 100 km et enfin, on arrive au pied de la montagne et on pose notre camp de base. Ce camp de base, il se trouve à 5000 m d'altitude. Donc déjà, on va vivre à 5000 m d'altitude et déjà ça, en fait, le premier jour, c'est dur. Les 2-3 premiers jours, c'est dur parce que tout notre corps doit s'adapter à cette altitude-là. Le système digestif doit s'adapter, le souffle, le sommeil. Voilà, plein de choses qui doivent s'adapter. Et en fait, à partir de 5000 mètres, on va faire des papiers de 500 mètres. Donc on va monter le premier jour à 5000 mètres, on va redescendre. On se repose, on va remonter à 5500, on va dormir à 5500, on va monter à 6000, on va se reposer, enfin on va redescendre, on va se reposer. Et ainsi de suite, on va faire des paliers comme ça, de 500 mètres par 500 mètres, où on va passer des nuits toujours un peu plus haut, pour habituer progressivement notre corps au manque d'oxygène et l'habituer à produire plus de globules rouges et à s'acclimater. Et ça c'est une période... qui va prendre entre 3 et 4 semaines selon la météo. Parce qu'il y a des moments où on ne peut pas aller sur la montagne comme on veut, parce qu'il fait mauvais, parce qu'il a neigé, parce que la montagne est avalancheuse, parce qu'il y a du vent, que c'est la tempête et qu'on ne peut pas aller sur cette montagne. Donc il y a plein de moments pendant qu'on est en expédition où on est aussi cloué au camp de base parce qu'il fait mauvais. Quand on a fini cette période d'acclimatation, on attend ensuite la fenêtre météo. pour pouvoir faire le sommet. Et là, on a cette fenêtre météo de trois jours, avec le dernier jour vraiment une journée annoncée, avec pas beaucoup de vent. Donc on part du camp de base le vendredi, et on monte directement à notre camp 2, où on a déjà monté notre pente, où il y a déjà notre duvet, où il y a déjà notre parapente d'huit places. On a monté tout ce matériel au fur et à mesure des rotations d'acclimatation. Notre camp 2, il est à 6600. Donc on a eu l'habitude... après trois semaines, de partir de 5000 pour monter directement à 7600 parce que notre corps, là, il est acclimaté et qu'on peut le faire. On passe la nuit au camp 2, on n'a pas du tout mal à la tête, on est bien. Le lendemain, on part du camp 2 pour monter au camp 3 à 7360 mètres. Et là, par contre, on n'a pas pu monter avant au camp 3, donc on n'a pas monté notre matériel. Donc on part très chargé depuis 6600 pour monter à 7300. Et en fait, on est tellement chargé avec notre bille-place, notre matelas et notre tente qu'on ne peut pas prendre nos duvets, par exemple. On ne prend pas les salles de couchage. Et on se dit, bon, ce n'est pas grave, on dormira dans nos tenues en duvet qui sont prévues pour du moins 35. Et de toute façon, on ne va pas faire une très grosse nuit puisqu'il faudra qu'on parte à minuit ou une heure du matin. Donc, on monte à 7 360 mètres, presque 7 400. On sent l'altitude, on sent que c'est un peu dur. C'est la première fois qu'on arrive à cette altitude-là. Et là, il faut creuser une plateforme dans la neige pour pouvoir poser sa tente. parce que le camp est en pente, donc il faut creuser une pâte pomme pour avoir la tente à plat. Ça nous prend aussi beaucoup d'énergie. Mais voilà, on pose nos tentes, on se fait nos trous, on fait fondre la neige, on s'hydrate, on mange, on se sent plutôt bien. Pareil, pas du tout mal à la tête, pas besoin d'aspirine, pas besoin de rien du tout. Donc on se dit, c'est bien, on est plutôt en forme. Et le lendemain, vers minuit, on se réveille et on plie la tente, on plie le matériel. Parce qu'on a quand même embauché un porteur d'altitude pour monter. avec nous au camp 3 pour nous redescendre tout ce matériel. Ce matériel, on ne peut pas du tout envisager d'aller au sommet avec. Et on ne veut pas non plus laisser ce matériel sur la montagne parce que ça va participer à cette pollution qu'il y a déjà dans les camps d'altitude. Donc on a Elias, un Pakistanais qui est monté avec nous et qui est censé redescendre notre matériel le lendemain. On lui plie tout, on lui plie la tente, les matelas, le réchaud. Et nous, on part avec un autre petit sac, un petit sac chacun. où on a un bi-place, une paire de moufles de rechange au cas où on en perd une avec le vent, par exemple, on voulait en prendre des images, on perd une moufle. Deux lits de chacun, un piolet et des petites doudounes supplémentaires au cas où il fasse vraiment froid. Et on part dans la nuit à 1h30, 1h40 du matin. Il fait très froid, il doit faire au moins 30. Il y a du vent. Et c'est un peu normal, en fait, quand on part de nuit, quand il y a du vent. à très haute altitude, il fait extrêmement froid. Et on commence à monter tranquillement. Je suis devant Zeb. Au début, ça va bien. Et puis, au fur et à mesure, je vois que Zeb commence un peu à ralentir le pas. Et je me dis, tiens, c'est étonnant. C'est toujours Zeb. Zeb est plus fort que moi physiquement. Dans tout ce qu'on fait, il va être devant moi. S'il y a un sac qui est plus lourd qu'un autre, c'est lui qui l'a. C'est lui qui a le temps de faire plus d'images parce qu'il est plus rapide, donc il a le temps de se placer. pour me faire des images. Et là, je me dis que ça commence à être dur vers 8 000 mètres. Je vois que ça commence à être un peu dur pour Zeb. Et c'est lui qui porte le bi-pass. C'est lui qui a le sac le plus lourd. Et en fait, je lui dis comment tu te sens. Et il me dit, ouais, là, je ne suis pas au meilleur. Ce n'est pas ma meilleure journée. Je trouve que c'est dur. Je lui dis, est-ce que tu te sens de porter le bi-pass jusqu'au bottleneck, jusqu'à 8 100, 8 200 ? Et après, je prends le relais, je le porte jusqu'au sommet. Et il me dit, bah oui, on va essayer comme ça. On arrive sous le bottleneck et là, en fait, on est au soleil, il fait extrêmement chaud, on est déshydraté. Et je vois que c'est vraiment dur. C'est vraiment dur pour moi, c'est vraiment dur pour Zeb. et vraiment on fait un gros point en zibon ça va encore, on n'a pas d'hallucinations, on est encore très lucide, on continue. Elle me dit oui, on continue. Et on se dit, mais si à la moindre signe de fatigue, si le premier cas a une hallucination, on redescend et on décolle d'où on est. Et pour moi, dans ma tête, en fait, j'étais très sereine, parce que déjà d'être là, à cette altitude-là, sans oxygène, sans l'avoir fait avant, je me suis dit, si on doit redescendre là... et qu'on ne va pas semer, ce n'est pas grave parce que je suis déjà hyper satisfaite de là où on est. Je me suis dit qu'on va mettre un pas devant l'autre, on va continuer et on va voir jusqu'où on peut aller. Je prends le bi-place, Zeb prend le sac le plus léger et il se met derrière moi à mon rythme et on avance comme ça. Régulièrement, on échange comment tu te sens, ça va, oui, ça va encore, tu es lucide, oui, je suis lucide. On se parle beaucoup, en fait, toute la montée. pour vérifier qu'il n'y en a pas un qui commence à trop défaillir physiquement ou à perdre un peu le mental. Et on sent qu'on est tous les deux dans le jeu, on est dans le game, on monte très doucement sur la fin. C'est extrêmement exigeant et notamment mentalement c'est dur, il faut aller chercher loin pour s'accrocher, pour aller au sommet. On a une barrière horaire à respecter, on s'est dit si on n'est pas à 17h, quoi qu'il arrive. indépendamment du lieu où on se trouve, il faut absolument redescendre. Donc si on n'est pas au sommet à 17h, on redescend, c'est notre barrière horaire et c'est notre garde-fou pour rester en vie en fait. Parce qu'il y a trop de gens qui sont arrivés au sommet à 20h, exténués et qui n'ont pas pu redescendre et qui sont restés là-haut. Donc nous on se dit, à 17h, c'est notre barrière horaire. Si on n'est pas au sommet, on doit absolument redescendre. Donc on a cette barrière horaire, on avance, on voit qu'on avance doucement, mais on avance, on y croit. Et finalement, on arrive au sommet. Donc, ça a été une montée qui a été quand même pleine de doutes, mais aussi qui a avancé. Encore une fois, on était dans l'action, un pied devant l'autre. On ne se préoccupe pas du reste. On ne s'inquiète pas du reste. Tout ce qu'on a à faire, c'est avancer et essayer de garder le rythme.

  • Speaker #1

    C'est intéressant aussi de voir que vous prenez d'avance des décisions qui du coup sont rationnelles et qui... permettre de vous sauver au cas où finalement, vous n'arrivez pas vraiment à suivre. Mais si vous ne les aviez pas prises en avance, peut-être qu'effectivement certaines personnes se font avoir parce qu'elles se disent encore un petit peu, encore un petit peu. Vous vous décidez en avance. Telle heure, de toute façon, si on n'y est pas, c'est stop. Si on a des hallucinations, c'est stop. C'est intéressant de voir que vous prenez toutes ces dispositions pour survivre, mais qu'elles sont prises en amont au moment où vous êtes lucide.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. tu le résumes très bien en fait si on ne pose pas le cadre si on ne pose pas les bases et si on n'est pas ok avec ce qu'on a décidé en bas au calme au chaud bien nourri et avec toutes nos têtes ça va être extrêmement dur là-haut avec le manque de lucidité de prendre la bonne décision et c'est trop facile pour un alpiniste qui est trop attiré par le sommet de se voiler la face et de se dire non mais je continue Je continue, ça va le faire, je vais pouvoir redescendre. Donc pour nous, c'était très important de se dire et de voir qu'on était tous les deux en phase avec ça. Il faut que ça reste fun, on va le plus haut possible, on ne se met pas en danger. 17h, c'est notre barrière horaire. Et si de toute façon, il y en a un qui commence à physiquement ne pas aller bien ou mentalement avoir des hallucinations ou d'autres problèmes, c'est la redescente, on redescend. Et aussi, ça me fait rebondir un peu sur... pourquoi le choix du biplast ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris chacun un parapente ? Et en fait, le choix du biplast nous permettait de rester tout le temps ensemble. C'était soit on arrive ensemble au sommet et on tente de décoller ensemble, soit on s'arrête ensemble. Si on a un ou deux qui ne va pas bien, les deux s'arrêtent ensemble et on essaye de décoller s'il fait ainsi de près, si ce n'est pas trop raide. On essaie de décoller de là où on est pour entrer au camp de base. On aurait pris chacun une voile individuelle. Peut-être que l'un des deux aurait été tenté de dire, écoute, moi, je ne me sens pas, mais toi, continue. Et là, en fait, la séparation faisait que, sans oxygène, s'il se passe quelque chose, la personne ne va pas être secourue. Il n'y a rien. Elle va rester là-haut. Elle va juste mourir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vraiment beaucoup d'éléments, en fait, qui permettent quand même d'assurer la sécurité. Ce n'est pas si facile à décider. Et cette descente, alors, c'était... Est-ce que tu peux nous raconter ? Ça doit être... incroyable de décoller d'un tel endroit et avec tous les sommets environnants, etc.

  • Speaker #0

    Cette descente, c'est le vol d'une vie en fait. Le K2, c'est une montagne triangulaire comme ça, qui est toute seule. Il n'y a pas d'autres montagnes autour. Et donc, on se retrouve là propulsé quasiment dans la stratosphère. C'était pour nous, on avait l'impression d'être presque sur la Lune en fait. Avec aucune autre montagne autour, on est au-dessus d'énormes glaciers. On met 35 minutes à descendre. Les paysages sont incroyables, la sensation, elle est incroyable. On ne réalise pas encore qu'on l'a fait. Je pense que quand on a posé, on s'est retourné et on s'est dit « Mais on l'a fait, on l'a vraiment fait. On vient de gravir cette montagne derrière nous et on vient d'en décoller. » C'était vraiment des émotions hyper fortes et incroyables, difficiles à réaliser. On n'en revenait pas, on a mis vraiment beaucoup de temps à réaliser. Et le vol, c'est un vol magique. Il faut voir les images. pour se rendre compte de la hauteur, pour se rendre compte d'où on est, de ce qu'on vit. C'est le vol d'une vie, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Ça doit être magique. Justement, on peut voir des images que vous avez réalisées, un film, que vous allez présenter pour la première fois le 14 juin au Chamonix Film Festival. Qu'est-ce que ça représentait pour vous de partager ça avec le grand public ? Parce que du coup, on a partagé votre expérience. On aura la chance de vivre un petit peu. Évidemment, pas vivre, mais... de voir tout l'environnement dans lequel vous avez évolué, votre aventure ?

  • Speaker #0

    Oui, avant de partir, on s'est dit qu'on allait essayer de documenter cette aventure. Qu'on arrive au sommet de la montagne et qu'on réussisse à décoller ou pas, il y a toujours plein de choses à vivre, à partager. Et donc, on avait déjà décidé de s'associer avec un réalisateur, Mathieu Rivoire. qui nous a un peu briefé sur certaines prises de vue, sur certaines choses à ne pas oublier de filmer. Et puis nous, après, sur le terrain, on a filmé le mieux possible à chaque fois qu'on pouvait. On n'avait pas... Des expés sur des mises sont des expés qui coûtent extrêmement cher et on n'avait pas de budget pour avoir un caméraman en plus avec nous. Donc on a fait toutes les images nous-mêmes. C'est vrai que quand on est déjà au-dessus du 1000 mètres, que c'est dur, il faut se dire, allez, il faut sortir la caméra. C'est un petit effort supplémentaire, mais en vrai, on est très fiers d'avoir réussi à le faire. Et on ramène de très belles images, un film de 41 minutes, qui j'espère plaira au public. Je pense que c'est important quand on vit ces moments un peu d'exception, ces moments fous, de pouvoir le partager avec les gens. ça apporte Ça apporte du rêve, ça apporte de la bonne énergie. Ça peut faire des clics chez certaines personnes. Il y a des gens qui m'écrivent, qui me disent « Ah, mais j'ai vu ton film là. » Je pense à mon ancien film « Leave it on the way » . Et je me suis dit « Mais là, il faut que j'ose. Je vais faire ce que j'ai toujours voulu faire dans ma vie, que je n'osais pas faire. » Et quand on reçoit des messages comme ça, où les gens nous disent « Mais vous avez fait des clics. Ça m'a donné envie de franchir le cap. » Je trouve que c'est la plus belle.

  • Speaker #1

    la plus belle des des récompenses presque voilà c'est on fait pas ça pour ça mais c'est tellement pour nous aussi fort d'entendre ça et de se dire bah tiens ce qu'on fait permet à d'autres personnes de se lancer c'est extraordinaire oui c'est clair que c'est merveilleux comme message en retour tu dis que t'as vraiment contribué à plein de choses différentes et comment en fait d'un point de vue très pratique vous aviez quoi genre une petite caméra type gopro ou parce que il y a quand même vous avez déjà plein de trucs à porter ... Donc la contrainte caméra en plus, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Voilà, alors sur toute l'expédition, on avait deux drones, on avait deux Insta360 X4, on avait une GoPro et on avait nos téléphones, des iPhone 15 Pro qui filment super bien. Et juste le jour du sommet, on est parti le plus léger possible. On a fait plein de beaux plans avec le drone à chaque fois qu'on montait sa climatée. Le jour du sommet, on savait qu'on laisserait le drone. On est partis, on avait chacun nos deux iPhones, on avait une Insta360, une batterie et une GoPro. Il fallait qu'on soit le plus léger possible, donc on a vraiment minimalisé le matériel vidéo. Et c'est comme ça qu'on a fonctionné.

  • Speaker #1

    Oui, ça paraît logique. C'est déjà pas mal d'ailleurs d'avoir tout ça. Parce que l'Instagram en plus, je pense, on le sent quand même passer.

  • Speaker #0

    Exactement. il faut vraiment à très haute altitude le prendre Le poids, c'est l'ennemi numéro un. Il faut vraiment tout calculer, tout optimiser pour rester sécu, mais pour être le plus léger possible.

  • Speaker #1

    Et toi, tu étais, en fait, en réalisant cette ascension, tu étais la deuxième Française à réussir à gravir le K2 sans oxygène, si je ne me trompe pas. Qu'est-ce que ça représente pour toi ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'avais pas trop réfléchi à combien de femmes avaient gravi le cas de sans-oxygène, combien de femmes françaises l'avaient gravi. C'est vrai que je savais que Chantal Mauduil avait gravi, je savais que Liliane Barral avait gravi, mais malheureusement, elle était décédée lors de la descente. Alison Hargrave, une Anglaise qui a fait beaucoup d'alpinisme, pareil, qui est décédée lors de la descente. c'est quand on est arrivé en bas où il y a des gens qui nous disent mais tu sais qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui vont gravir sans oxygène et c'est vrai qu'en fait gravir le K2 sans oxygène ça reste quelque chose d'assez exceptionnel puisqu'au jour d'aujourd'hui on n'est pas 10 femmes à l'avoir fait peut-être que là dans l'été 2025 il y aura d'autres femmes qui vont gravir sans oxygène mais je crois que je suis la 8ème ou la 9ème femme à gravir ce sommet sans oxygène pour dire on est vraiment un tout petit nombre de femmes femme à avoir réussi à atteindre ce sommet sans aide d'oxygène supplémentaire.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Ça permet aussi quand même de se rendre compte, quand on est un peu extérieur à ce milieu, de l'ampleur de la performance. C'est quand même vraiment incroyable. Et pour terminer, Liv, quels sont tes prochains projets ? Est-ce que tu as toujours plein de projets ? J'imagine qu'il y en a d'autres à venir.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr que... que réaliser ce qu'il y a d'eux dans ces conditions-là, ça nous a... Moi, j'ai regardé Zep, j'ai dit, mais moi, je veux engravir d'autres. Les émotions, le paysage, la vue, tout ce qu'on a vécu, c'était tellement incroyable, tellement beau. Bien sûr, c'était dur, bien sûr, ça a demandé énormément d'efforts, de préparation, mais finalement, en fait, notre mémoire, elle ne garde que le plus beau et pour moi, c'était tellement... Ouais. Tellement d'émotions positives que je me suis dit, ah moi j'ai envie de repartir sur un autre 8000 pour faire peut-être différemment, pour peut-être skier, pour faire autre chose. En 2025, on ne va pas repartir parce qu'on a d'autres projets personnels, mais on va travailler pour trouver du budget pour pouvoir repartir en 2026. Et je crois que moi et Zeb, on a bien envie de repartir au Pakistan. Deux autres 8000. qu'on va essayer de probablement combiner avec le parapente, essayer de faire les deux 8000 dans la même journée en décollant d'un sommet pour poser sur l'autre. On va voir si tout ça peut se mettre en place. Mais on est encore très motivés pour se préparer, pour se lancer un nouveau défi, un nouveau challenge avec de l'inconnu, tout en restant dans ce qui nous paraît suffisamment sécu.

  • Speaker #1

    Incroyable, ce sera toi à suivre pour nous aussi. J'ai une petite question traditionnelle pour la fin. Est-ce que tu aurais un message à transmettre à des femmes qui rêvent d'aventure et de montagne ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Je pense que toute femme qui rêve d'un projet, qui rêve d'aventure, qui rêve de montagne, il faut oser y aller. Il faut vous préparer. Il faut croire en vous, en fait. Une femme, elle peut tout faire, elle est capable de tout faire, donc elle peut s'autoriser tous les rêves, parce qu'elle est capable de tous les réaliser. Je crois qu'il faut vraiment bien préparer les choses, préparer en amont les choses, être prête, croire en soi et se lancer. Il y aura plein d'inconnus, il y aura plein de difficultés en chemin, il y aura plein de moments incroyables, mais une femme, elle a... toutes les capacités, toutes les compétences pour mener à bien ces projets et il faut vraiment se lancer, il faut vraiment y aller,

  • Speaker #1

    il faut vraiment croire en soi C'est un beau message pour terminer merci beaucoup Liv, franchement ce partage c'était vraiment chouette d'écouter ton récit et j'ai très hâte de voir le film du coup qui sortira donc bientôt à voir au Germany Film Festival, cas de mon amour et un grand merci et plein de bonnes choses pour la suite pour vos prochains projets

  • Speaker #0

    Merci à toi Lorraine A bientôt. A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. A bientôt.

Chapters

  • Introduction et présentation de Liv Sansoz

    00:04

  • Les débuts de Liv et son parcours en montagne

    00:46

  • Les premières victoires en escalade et leurs impacts

    02:47

  • L'exploit du 8C+ et la barrière mentale

    05:16

  • L'accident de 2001 et le processus de reconstruction

    07:53

  • Le projet des 82 sommets de plus de 4000 mètres

    11:16

  • L'expédition au K2 et les défis rencontrés

    20:21

  • La descente en parapente et la réalisation du film

    44:01

  • Message de Liv pour les femmes aventurières

    52:00

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Description

Dans cet épisode du podcast de sport La Sportive Outdoor, Laurène Philippot reçoit Liv Sansoz, alpiniste, guide de haute montagne, double championne du monde d’escalade, parapentiste… et femme de défis.


Après avoir notamment gravi les 82 sommets de plus de 4000 m de l’Arc alpin, Liv s’est lancée en 2024 dans une aventure exceptionnelle : l’ascension du K2 sans oxygène, suivie d’une descente en parapente biplace, une première mondiale réalisée avec son compagnon Zeb Roche.


Elle nous raconte la préparation, les moments forts de l’ascension, le décollage vertigineux depuis le sommet… et la naissance du film K2 mon amour, présenté au Chamonix Film Festival.


Un échange inspirant avec une femme libre, engagée et profondément connectée à la montagne.


🔗 𝐒𝐮𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐋𝐢𝐯 𝐞𝐭 𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐟𝐞𝐬𝐭𝐢𝐯𝐚𝐥:


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Liv Sansoz, figure emblématique du monde de la montagne. Double championne du monde d'escalade, alpiniste, parapentiste, guide de haute montagne, son parcours est vraiment impressionnant. En 2024, elle a repoussé une nouvelle fois des limites en atteignant le sommet du K2 sans oxygène avec son compagnon Zeb Roche et en réalisant en prime une première mondiale, une descente en parapente bi-place. De cette aventure est né le film « Cas de mon amour » qui sera présenté au Chamonix Film Festival. Je suis vraiment ravie de recevoir Liv pour qu'elle nous parle aujourd'hui de son parcours, mais aussi de cette aventure. Bienvenue Liv, merci beaucoup d'être là. Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, tu m'as déjà bien présenté, mais effectivement je suis une ancienne championne du monde d'escalade. J'ai gagné plusieurs championnats du monde, plusieurs coupes du monde. Aujourd'hui, je suis guide de haute montagne, je vis à Chamonix. Et je réalise toujours des projets qui me font rêver, des expéditions, des choses comme ça, dont la dernière en date était le K2 au Pakistan.

  • Speaker #0

    On va vraiment revenir dessus. Je vais commencer d'abord vraiment par les débuts de ton parcours, et puis ensuite, on ira progressivement vers ça. Tu as grandi déjà à Bourg-Saint-Maurice, qui est forcément en lien direct avec la montagne. Est-ce que tu penses que le fait d'avoir grandi dans cet environnement, ça a joué dans toute ta construction et tes projets par la suite ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Je suis née en Savoie, dans une petite ville, au pied des stations de ski. J'ai toujours fait du ski depuis toute petite. Et puis, mes parents m'ont initiée à la randonnée. D'abord, on faisait des balades, on allait dans des refuges. Mon papa faisait du ski de randonnée, il m'a emmenée. Et moi, j'ai tout de suite aimé être dans la nature, aimer gravir des montagnes. Et j'ai lu beaucoup de livres depuis l'âge de 10 ans. des livres de montagne... C'est un monde qui m'a toujours attirée et fascinée. Et quand j'ai appris qu'il y avait la création d'un club d'escalade à Bourg-Saint-Maurice, je me suis demandé à mes parents de m'inscrire parce que j'avais envie d'apprendre à faire de l'escalade aussi. Donc, c'est vrai que le lieu géographique a favorisé. Et j'ai baigné dans le milieu de la montagne depuis toute petite, mais sans avoir des parents, ni guide d'autre montagne, ni grand sportif, on va dire. Ils m'ont juste transmis. leur amour pour la montagne, le côté contemplatif, le côté bien-être. En fait, la montagne fait du bien aux gens, elle apporte de la joie. Être dans la nature, ça fait du bien aux gens. Et je pense qu'ils m'ont transmis ça dès mon plus jeune âge.

  • Speaker #0

    Oui, c'est déjà super important. Et tu as gagné ta première Coupe du monde d'escalade super tôt, à l'âge de 18 ans. Qu'est-ce que ça fait à cet âge-là, quand on gagne quelque chose comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que je suis rentrée en équipe de France senior à l'âge de 16 ans. Je n'étais pas du tout dans un grand club d'escalade, j'étais dans une toute petite structure. Mes parents ne connaissaient rien à la compétition, n'étaient pas grimpeurs. C'était tout, c'était un peu nouveau pour moi et pour ma famille aussi qui essayait de m'accompagner le mieux possible, mais ce n'était pas évident. Et gagner ma première Coupe du Monde à 18 ans, c'était une énorme surprise, une énorme satisfaction et quelque chose à... aussi à processer, il fallait le digérer, il fallait le... Oui, je pense qu'il fallait le processer, parce qu'au début, je n'arrivais même pas à en parler, à trouver les mots pour expliquer qu'est-ce que je ressentais, en fait. C'était tellement des émotions fortes, c'était tellement quelque chose au-delà de mon imagination que c'était même difficile des fois de trouver les mots pour dire ce qui m'arrivait et ce que je ressentais. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai que ce n'est pas évident. Et ensuite, en plus, tu as enchaîné quand même beaucoup de victoires. Tu as été double championne du monde, tu as gagné plusieurs Coupes du monde. Avec le recul, comment est-ce que tu vois maintenant cette période-là de ta vie ?

  • Speaker #1

    Comment je vois cette période-là de ma vie ? C'était une période extraordinaire, c'était une période faste, c'était une période intense, c'était une période où j'apprenais énormément de choses parce que la compétition, c'est une excellente école de la vie. On apprend la rigueur, on apprend le dépassement de soi. On apprend à mentalement plein de choses. On apprend à se mettre dans sa bulle de concentration. On apprend à laisser de côté la pression, laisser de côté ses doutes. On apprend à être présente à l'instant T. Au moment où il faut faire le petit geste supplémentaire pour la victoire, on apprend à le faire. Et tout ça, c'est des choses que la compétition m'a apprises, que je n'aurais probablement pas découvertes dans d'autres situations, puisqu'une situation de compétition, c'est une situation poussée à l'extrême. Et quand on se retrouve dans ces situations poussées à l'extrême, c'est là qu'on sort de notre zone de confort et c'est là qu'on apprend énormément de choses. Donc, toutes ces années de compétition m'ont forgé, m'ont appris. sur moi, sur mon mental, après aller chercher des ressources en moi qui étaient insoupçonnées. Et c'est ce qui fait aussi aujourd'hui la personne que je suis.

  • Speaker #0

    Oui, ça construit, j'imagine. Et tu es aussi devenue la deuxième femme à réaliser un 8C+. Alors, moi, je ne fais pas vraiment d'escalade, mais j'ai quand même déjà un peu des notions de l'énorme effort que cela représente. Peut-être que pour nos auditrices, tu peux un peu nous expliquer aussi ce projet et ce que ça représentait ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors en escalade, quand on commence à grimper, on commence dans du 5. Si on grimpe un petit peu une fois par semaine, on peut faire du 6. Si on grimpe plusieurs fois par semaine, deux à trois fois par semaine, on va faire du 7. Donc il y a du 7, 7A, 7B, 7C, il y a des chiffres et des lettres. Et aujourd'hui, on en est la meilleure fin de 9B+. À mon époque, quand je grimpais vraiment à mon meilleur niveau, le maximum attiré, c'était le 8C+, par une Espagnole. Et en fait, il y a des grosses barrières mentales quand on va vers quelque chose qui n'a jamais été fait avant ou qui a été fait une seule fois avant. Tout le monde va peut-être plafonner au 8C, parce que le 8C+, c'est quelque chose de nouveau. Il faut aller le chercher. Ça n'a jamais été fait ou ça a été fait une seule fois. Et voilà. Et en fait, avant moi, d'autres femmes ont cassé la barrière mentale du 8A, puis du 8B, puis du 8C. Et moi, j'ai participé à casser celle du 8C+, qui était le niveau maximum atteint par les femmes à ce moment-là. Et maintenant, d'autres femmes ont franchi la barrière du 9A, du 9B, du 9B+. Et c'est comme ça qu'on tire vers le haut toute une discipline. et que des femmes avant moi ont été là et font que nous sommes arrivées à grimper ce niveau-là de difficulté. Et des femmes dans le futur grimperont des voies encore plus dures parce que d'autres ont cassé des barrières mentales avant.

  • Speaker #0

    Et finalement, tant qu'on ne l'a pas fait, on doit avoir ce sentiment qu'on ne sait pas si c'est possible ou pas possible. Donc l'aspect mental, effectivement, doit être très dur à gérer.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Quand on est dans ces voies dures, où on se dit mais moi j'ai jamais essayé quelque chose d'aussi dur, j'ai jamais réussi à grimper quelque chose d'aussi dur, est-ce que je suis capable ? Est-ce qu'une femme est capable ? Il y a tout un ensemble de choses qui sont là et tant qu'on n'essaye pas, qu'on ne se donne pas les moyens, on n'aura pas la réponse et puis peut-être qu'on va essayer et ne pas y arriver et on va se dire ok, je m'entraîne plus et je reviens, peut-être qu'on va essayer et qu'on va y arriver et on se dit tiens, j'ai réussi ça, je peux peut-être essayer un cran au-dessus maintenant. Et c'est comme ça qu'on avance.

  • Speaker #0

    C'est impressionnant. Il y a vraiment toute une démarche très construite. Et sur un registre moins gai, mais en 2001, tu as été victime d'un accident qui était dû à une erreur d'assurage. Comment est-ce qu'on réussit à se reconstruire après ça ? Parce que du coup, tu as continué à faire des choses extraordinaires. Tu en es la preuve encore aujourd'hui. J'imagine que c'était une période très compliquée.

  • Speaker #1

    Oui, ça a été très dur. Parce que si moi, je fais une erreur en escalade et que je me fais mal, c'est de ma faute. et je l'accepte. Là, c'était l'erreur de quelqu'un d'autre et c'était très difficile à accepter. On est dans un sport où il y a de la verticalité, où il y a de la hauteur et on est dans un sport où il faudrait être tout le monde, tout le temps présent. L'assureur doit être aussi présent que le grimpeur. L'assureur, ce n'est pas quelqu'un qui donne du mou avec la corde et qui discute en même temps à côté avec quelqu'un d'autre. Non, l'assureur, il doit être présent à ce qu'il fait. Et cet accident, ça a été un arrêt net. dans ma carrière, ça a vraiment été je percute un mur et tout s'arrête. Je n'étais pas du tout préparée à ça. Pour moi, dans ma tête, je m'entraînais pour mes 3e championnats du monde, pour les gagner, il n'y avait pas de doute là-dessus. Et d'un coup, il y a un arrêt net sur lequel je ne suis pas du tout préparée, sur lequel personne autour de moi n'est vraiment armé pour m'accompagner non plus là-dessus, pour m'aider à… à franchir le cap. Donc, je suis un peu seule face à cet accident qui m'arrête net. J'ai une blessure qui est assez sérieuse. Pendant plus d'un an, je ne peux pas faire de compétition, mais en fait, c'est allé bien au-delà, puisque pendant plusieurs années, j'ai arrêté de grimper. J'avais comme un traumatisme mental, où j'avais peur, en fait, que la personne qui allait m'assurer allait me lâcher. Et pour moi, c'était devenu très compliqué, mentalement, de grimper, parce que j'avais cette peur, presque panique, au fond de moi. qui disait que si je grimpe, je vais peut-être mourir parce que la personne va me lâcher. Et ça m'a pris quand même un peu du temps de dépasser cet état mental, d'arriver à remodeler un peu mon imagination, remodeler mon conditionnement, de me dire que ce n'est pas parce qu'une fois on t'a lâché qu'on va te lâcher à chaque fois. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une erreur faite une fois que d'autres personnes vont faire des erreurs. Et ça m'a pris du temps de reprendre la confiance en moi. Je crois qu'on parle beaucoup de résilience en ce moment. Les athlètes de haut niveau sont des personnes résilientes. Mon tempérament fait que je suis une personne résiliente. J'ai toujours su rebondir après peut-être une contre-performance en compétition. J'ai su rebondir. Et de la même façon, après cet accident qui était extrêmement traumatisant, j'ai appris aussi à rebondir d'une autre façon, vers chercher d'autres choses que je serais peut-être... pas aller voir si je faisais toujours de la compétition. Et je pense que c'est important au final, toujours transformer quelque chose qui a été négatif et difficile à vivre sur l'instant et peut-être pendant un an, peut-être pendant 18 mois, en quelque chose qui nous sert pour la suite, qui nous sert pour la vie, de le transformer en quelque chose de positif sur lequel on peut s'appuyer et qui nous rend aussi peut-être plus fort ou en tout cas plus outillé mentalement pour d'autres. contre peut-être d'autres difficultés qu'on trouvera plus tard dans sa vie.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et est-ce que ça a contribué au fait que, aussi que tu t'élargisses à d'autres disciplines, tu fais de l'alpinisme, du ski, du parapente, ou est-ce que ça faisait déjà sa partie de ta vie, même quand tu grimpais énormément ?

  • Speaker #1

    Quand j'étais dans le haut niveau, que j'étais en équipe de France, que je faisais les Coupes du Monde, j'avais vraiment beaucoup moins de temps pour faire d'autres sports, comme le ski, la montagne, l'alpinisme. Et en plus, surtout, je ne voulais pas prendre le risque de me blesser. Quand on s'entraîne à 8h, par jour pour une Coupe du Monde, pour un championnat du monde. On ne veut pas que tous ces efforts soient ruinés parce que au ski, je me suis fait mal et je ne peux pas faire mes compétitions. Donc c'est vrai que tant que j'étais en équipe de France, j'avais vraiment diminué mes activités à côté. On va dire que quand on fait du sport de haut niveau, c'est tellement exigeant qu'il faut le faire à 100%. C'est difficile de faire du sport de haut niveau avec d'autres activités à côté qui prennent de l'énergie. et aussi sur lesquels il peut y avoir des risques. Si je faisais de la natation, bon, je n'aurais pas été trop inquiète, mais l'alpinisme ou le ski, il y a quand même toujours une petite probabilité pour qu'on se fasse mal. Donc, je savais que quand j'arrêterais ma carrière de compétitrice, je reviendrais plus à la montagne, plus aux sports qui m'ont toujours animée, que j'ai toujours pratiqué, le ski, le parapente, l'alpinisme. Et là, quand il y a eu cet arrêt de ma carrière de compétitrice, parce que cet accident, finalement, il a mis un point final à ma carrière, alors que je n'étais pas du tout préparée, je me suis dit, je retourne vers les sports qui m'apportent de la joie, les sports qui m'animent, les sports que je ne faisais plus ces dernières années parce que je me consacrais à la compétition. Et je vais voir ce que ça me fait vivre et ce que ça me fait découvrir aussi.

  • Speaker #0

    C'est une bonne philosophie. Un des projets sur lequel je voulais te poser une question, parce que ça m'a un peu fascinée, c'est le moment où tu as gravi les 82 sommets de plus de 4000 mètres de l'arc alpin. Comment est né ce projet et qu'est-ce qui t'a poussé à faire ça ?

  • Speaker #1

    Ce projet est né... J'ai connu une période où je me blessais un peu régulièrement, en allant en montagne. Et j'enchaînais... Parfois, tous les six mois, j'avais un plâtre, une blessure, je me cassais le bras, le pied. J'étais tout le temps baissée et un peu étonnée dans le questionnement. Qu'est-ce que ça va me dire ? Qu'est-ce que c'est que ces blessures un peu récurrentes ? Je me suis dit, trouve-toi un projet qui t'anime, qui soit un challenge, qui ne soit pas un projet fou, mais qui soit un beau challenge. qui te correspondent, qui correspondent à la femme que tu es aujourd'hui, à la personne que tu es, qui a du sens pour toi. Et je me dis, je pars des fois en expédition au Pakistan, je pars en Patagonie, je pars dans les montagnes du Tien Shan pour découvrir des nouveaux endroits, pour gravir des montagnes ou ouvrir des voies d'escalade. Finalement, qu'est-ce que je connais vraiment de nos Alpes ? Peut-être que je n'en connais que 20%, peut-être que je n'en connais que 30%. Et je me suis retrouvée par hasard sur un 4000 mètres de Suisse qui s'appelle Finsterrand. Et autour de moi, j'avais 7 autres 4000 mètres dont je ne connaissais pas les noms. Et je me suis dit, mais en fait, c'est fou. Il y a ces montagnes qui sont magnifiques. Il y a 82 sommets de plus de 4000 mètres dans les Alpes qui sont répartis entre la France, l'Italie et la Suisse. Tu n'en connais peut-être que 30%. L'on soit dans le challenge de toutes les gravires. Tu vas redécouvrir les Alpes. Tu vas apprendre énormément de choses sur... sur les vallées, sur ces montagnes, sur les refuges, sur ces sommets. Tu vas apprendre énormément de choses sur toi. Et c'est comme ça que l'idée est née, en fait. Je pense que la beauté de se retrouver aussi à 4 mm, quand on est au-dessus de toutes les autres montagnes, c'est vraiment quelque chose de fort. La vue, elle est magique. Il n'y a pas d'autres montagnes au-dessus de nous. On a le ciel, on a le niveau du ciel. Et puis, on a les autres montagnes en dessous. Et il y avait un côté beauté, il y avait un côté challenge, il y avait un côté qui faisait sens aussi de montrer qu'on pouvait vivre une aventure incroyable à la maison sans avoir à prendre l'avion. Voilà, je pense que tout était un peu réuni. Et ce projet aussi, je me suis dit, fais-le aussi à la façon des pionniers quand il n'y avait pas les remontées mécaniques qui étaient là. Donc, je suis partie à chaque fois d'en bas des vallées. Pour plein de sommets, ça ne change rien. Mais par exemple, pour des sommets comme à Chamonix, où on prend l'aiguille du midi, ça nous monte à 3 800. On est déjà propulsé au cœur des glaciers, au cœur des montagnes. Donc, quand on est déjà à 3 800, on monte à 4 000, il n'y a plus beaucoup. Et là, à chaque fois, je partais d'en bas des vallées pour arriver au sommet. Et ça, ça nous a permis aussi d'aller découvrir une montagne plus sauvage parce qu'on n'était pas dépendant de la remontée métallique. Et si les remontées mécaniques n'étaient pas ouvertes, il n'y avait personne dans la montagne. Et nous, on montait quand même, puisque de toute façon, on avait décidé de ne pas prendre les remontées mécaniques. Un dernier point que je voulais dire, sur ce projet des 82-4 milles, j'ai été aussi rejointe par 24 compagnes et compagnons de cordée. Je ne l'ai pas fait toute seule, je ne pars jamais sur le glacier toute seule, il y a des risques de chute en crevasse. Donc à chaque fois, on est en cordée sur le glacier. Et pour réaliser ce projet, j'ai eu la chance. d'avoir 24 compagnons et compagnes de cordée qui m'ont rejoint à des moments différents du parcours. On avait établi un parcours précis et il y a eu un roulement de mes amis qui m'ont rejoint pour faire ce projet. Et c'était aussi une très belle aventure humaine qui n'aurait pas existé si ces personnes n'avaient pas été présentes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, une belle aventure vraiment à tout niveau. Et je reviens sur ce que tu évoquais un petit peu. C'est quelqu'un qui accorde une grande importance à l'éthique. dans ta manière de faire de l'alpinisme, à la sensibilisation au changement climatique. Est-ce que c'est quelque chose dont tu peux nous parler un petit peu ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. En étant en montagne peut-être 300 jours dans l'année, je pense qu'on est vraiment les tout premiers témoins des bouleversements climatiques. Quelqu'un qui vit au Groenland est aussi un témoin des bouleversements climatiques. Et nous, en montagne, on voit, ce n'est pas à l'image de 50 ans, c'est à l'image de 5, 7, 10 ans. on voit comment le niveau des glaciers diminue. Donc, par exemple, on avait l'habitude de grimper une voie d'escalade avec un rocher qui touchait le glacier. Enfin, le glacier touchait la paroi rocheuse. Le topo décrit la voie d'escalade. Et en fait, maintenant, on arrive au pied et on est presque 10 mètres en dessous du départ original. Et on lit le topo, on se dit non, mais ça ne ressemble pas du tout à la description du topo. Et après, on comprend, en fait, c'est juste que le glacier a baissé. et que ça modifie les premiers mètres de la voie qu'on est venu chercher. On voit qu'on a des éboulements massifs avant, de parois entières. Le granit, ce sont des feuillets de roche qui sont cimentés par le permafrost. Si on a des épisodes caniculaires de longue durée, le permafrost va dégeler et finalement, les premiers feuillets vont tomber et ça va faire des éboulements de milliers de tonnes. tonnes qui vont tomber comme ça sur le glacier et c'est des voies historiques qui disparaissent. C'est aussi beaucoup plus dangereux pour nous de grimper, de pratiquer l'alpinisme. On voit qu'on a aussi beaucoup de variations de température, on a des hivers plus doux, il peut faire moins 7, le lendemain plus 4, on a des variations très changeantes très rapidement. Tout ça, c'est des phénomènes qu'on ne voyait pas il y a 25 ans. Nous, on est vraiment les premiers témoins de ces bouleversements climatiques. Et par conséquent, on se dit, mais il faut qu'on fasse quelque chose pour notre planète. Moi, je suis impliquée dans deux associations, Protect Our Winters et puis Une Bouteille à la Mer. Et j'essaye aussi dans mon quotidien de faire attention, de réfléchir en fait à ce que je fais et comment je le fais. me dire est-ce que Est-ce que ça a du sens, là, de partir à cet endroit ? L'année dernière, je suis partie au Pakistan, mais je n'étais pas partie avant en avion pendant plusieurs années. Et ça m'allait très bien. Là, j'avais ce gros projet sur un millimètre. Il n'y a pas de millimètre dans les Alpes. Bon, OK, on prend l'avion là pour cette expédition. En 2025, je n'ai pas d'expédition prévue. Peut-être qu'en 2026, je repartirai, peut-être pas. Mais on essaye toujours de faire attention à ce qu'on fait, comment on le fait, et aussi toujours se... poser la question comment est-ce qu'on peut faire mieux pour notre planète. Voilà, c'est pas nous qui décidons les choses, mais on a quand même un moyen, on a des voix, on peut se faire entendre, et on peut... on peut faire changer les choses. Oui,

  • Speaker #0

    effectivement. On va parler maintenant de ton expédition K2. Tu t'es lancée dans ce projet avec ton compagnon et vous avez réalisé l'ascension sans oxygène en portant votre matériel. À nouveau, comment est née cette idée ?

  • Speaker #1

    Le projet du K2 est né en 2020. Ça faisait un petit moment qu'on se disait avec Zèbe que ce serait chouette d'avoir un projet un peu plus ambitieux que ce qu'on fait dans les Alpes. On fait toujours. plein de choses vraiment belles, esthétiques, en combinant l'escalade, l'alpinisme avec le parapente et on avait envie d'un projet en cran au-dessus. Et Zeb avait déjà gravé l'Everest, avait déjà volé du sommet de l'Everest. Alors, il avait gravé l'Everest deux fois. La première fois, en 14, à l'âge de 17 ans. C'était le plus jeune sommeteur et ils avaient essayé de décoller en parapente du pass avec son papa du col sud. Enfin, ils avaient essayé de décoller du sommet. du coup ils avaient décollé du pôle Sud, ce qui était déjà un exploit à l'époque. Il y est retourné en 2001 à l'époque avec son ex-femme, et ils ont pu aussi cette fois-là décoller du sommet, donc ils ont réalisé le premier place. Et puis quand on réfléchit à une idée de projet plus ambitieuse, Zem me dit « moi il y a un sommet que j'aimerais vraiment faire, c'est le K2 » . Et là moi je me dis « le K2, mais le K2 c'est la montagne la plus dangereuse, c'est la montagne un peu la plus dure » . Et moi, je ne suis jamais allée à 8000 mètres. Je n'ai aucune expérience sur un sommet de cette altitude. Mais le cadeau est une montagne qui m'a toujours fascinée. J'avais lu le livre de Wanda Rukevic quand j'étais adolescente, qui est une alpiniste polonaise qui a fait des choses extraordinaires dans les années 80, qui a disparu en montagne. On n'a jamais retrouvé son corps, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Mais c'est une personne qui avait beaucoup marqué mon imaginaire adolescente. Et quand Zem me dit le mot K2, enfin le nom de cette montagne, ce mot résonne vraiment à moi. Je me dis, oui, en fait, s'il y a un seul 8000 à gravir, c'est vraiment le K2 qu'il faut gravir. Donc, je me dis, là, gros challenge, gros challenge, il va falloir se préparer, il va falloir s'en tenir comme un athlète. Parce que quand on tente un 8000 sans oxygène, en fait, je pense que quand les gens ne sont pas du milieu et ne savent pas trop, Ils imaginent que prendre de l'oxygène, ça ne change pas vraiment pour aller sur un 8 000 mètres. Et en fait, ce qu'il faut vraiment dire, c'est que la différence, c'est incomparable. La différence, elle est énorme. On n'est pas là pour juger les gens. Vous faites le sommet avec oxygène, nous, on le fait sans oxygène. On est juste sur deux choses complètement différentes. Et moi, je comprends tout à fait ces personnes qui veulent faire l'Everest aujourd'hui. qui prennent de l'oxygène, elles ont un mois consacré à cette montagne, elles ne peuvent pas s'entraîner à côté comme il faudrait. Gravir un 8000 mètres haut, j'entends un 8000, 8100 sans oxygène, c'est dur, mais ce n'est pas aussi dur qu'un 8400, un 8500, un 8600 ou un l'Everest qui est presque un 8009 au final. Et pour ça, il faut s'entraîner comme un athlète de haut niveau. En fait, on ne peut pas envisager ces montagnes sans un entraînement de haut vol. Parce qu'au-dessus de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Et sans oxygène, il faut essayer d'aller le plus vite possible. Et le plus vite possible, c'est extrêmement lent en fait. Notre corps n'est plus oxygéné. Notre cerveau n'est plus correctement oxygéné. Ce n'est pas qu'il n'est plus oxygéné, mais on a 30 % de l'oxygène qui alimente nos muscles, 30 % de l'oxygène qui alimente notre cerveau. Et c'est pour ça qu'il y a au final très peu de gens qui essayent d'éliminer 1 mètre sans oxygène. Donc nous, on a un défi. On voit sur la montagne, qui est un des 8000 mètres les plus techniques par la voie normale, qu'il y a une renommée qui fait un peu peur, parce que jusqu'à il y a quelques années, un quart des personnes qui gravissaient à le K2 ne redescendait pas vivante. Donc le pourcentage était quand même vraiment dramatique, en fait. C'est en train d'évoluer avec de plus en plus d'expéditions commerciales qui sécurisent plus la montagne. Donc on n'est plus maintenant à 25% des personnes qui grimpent le K2. qui ne redescendent pas vivantes. Mais voilà, la colonne, c'est taura de montagne dangereuse. On part sur un 8000 sans oxygène. On veut porter notre matériel, on veut porter notre bi-place et on veut essayer de faire une première en décollant du sommet du K2. Ça fait beaucoup d'inconnus. Ça fait beaucoup de choses dont on n'a pas les réponses. Comment je vais réagir au-dessus du 1000 mètres ? Est-ce que je suis capable ? Est-ce que la femme d'aujourd'hui que je suis est capable de gravir cette montagne sans oxygène ? Est-ce qu'on est capables de décoller du sommet ensemble ? Beaucoup d'inconnus, mais je crois que c'est aussi ce côté-là qui fait le challenge. Je n'ai pas les réponses. je ne sais pas où on va, et on va l'aborder étape par étape. On va prendre une étape après l'autre, et on va faire le mieux possible pour rester en sécurité. C'est comme ça qu'on fait dans notre métier de guide. Quand on va sur un sommet, on prend étape par étape avec les gens qu'on emmène. On est toujours à l'écoute d'eux, est-ce qu'ils sentent bien ? On n'est pas à l'abri qu'on nous dise « là, j'ai vraiment très mal à la tête » , donc on fait la décision de redescendre. Et on avance étape par étape. Tant que tout va bien, on continue d'avancer. S'il y a un risque ou quelque chose qui nous semble mettre la personne en danger, on étudie la situation très rapidement en se disant « Ok, qu'est-ce que je peux faire pour qu'on ne soit pas en danger ? Comment est la personne que j'emmène ? » Et c'est comme ça qu'on arrive à emmener les personnes au sommet pour réaliser leurs rêves en sécurité et les ramener en bas à leur famille. Et nous, on a procédé pareil sur le cas d'eux.

  • Speaker #0

    Et comment on fait alors pour se préparer ? Parce que là, vous étiez en France. Du coup, pour vous préparer, comment on se prépare à aller à ces altitudes-là et du coup, avoir la préparation physique nécessaire ? Est-ce qu'il y a des choses à faire pour essayer de se préparer au manque d'oxygène quelque part ? Comment est-ce que tu as fait en fait ?

  • Speaker #1

    Se préparer au manque d'oxygène sur un sommet de 8 mètres, c'est quand même assez compliqué. Mais moi, j'ai pris un coach. J'ai pris un coach sportif. Je me suis dit, bon, je sais m'entraîner dur parce que je l'ai fait quand je fais de la compression de l'escalade. Par contre, je ne sais pas m'entraîner en endurance. Ce n'est pas ma fibre, ce n'est pas mon sport de prédilection. Donc, j'ai pris un coach qui avait l'habitude d'entraîner des personnes qui allaient sur des 8 mm. Et j'ai fait énormément, j'ai construit une grosse, grosse base de volume avec énormément de dénivelé positif, avec des longues journées, des longues sorties de 7 heures, de 10 heures en montagne. Et par-dessus cette grosse base… l'endurance, on a rajouté de la vitesse. J'ai fait des intervalles training. Je pense que je n'avais jamais eu à faire avant dans ma vie. C'est hyper dur, en fait. C'était, voilà, de faire du sprint dans une montée avec des crampons à cracher du sang. Je n'avais jamais vécu ça, en fait, avant. Et c'était vraiment dur. Des fois, les séances, je les redoutais. J'étais là, voilà, demain, j'ai une séance d'intervalle. Ça va être dur. Et j'ai aussi fait beaucoup de montées très raides, des kilomètres verticaux avec l'estée, avec un sac, avec une poche d'eau de 20 litres, donc 20 kilos, plus mon parapente. Et arrivé en haut, je le vidais la poche d'eau et je redescendais en volant. Donc, j'ai vraiment eu un entraînement spécifique. Je m'entraînais six jours sur sept, en fait, pendant de nombreux mois. Mais je savais que je ne pouvais pas réussir ce 8 mètres sans cet entraînement. Sans cet entraînement poussé, c'est impossible. Nos corps sont tellement mis au-delà de 8400, sans oxygène, on touche vraiment les limites de l'humain. Donc, il faut être hyper entraîné pour arriver à continuer à avancer. Et pour te donner un exemple, et pour donner un exemple aux personnes qui nous écoutent, les 150 derniers mètres de dénivelé, ils nous ont pris 3 heures, 3 heures d'ascension pour gravir 150 mètres. On montait à 50 mètres heure, ce qui n'était pas... Moi, je n'avais pas imaginé qu'on pourrait être aussi lent. Et en fait, nos corps sont tellement en hypoxie, les muscles, lever la jambe devient hyper dur, chaque pas devient hyper dur. Je dis ça, je me dis, les gens doivent peut-être se demander « Mais pourquoi vous le faites ? Ça a l'air d'être que de la souffrance. » En fait, ce n'est pas tellement de la souffrance parce qu'il n'y a pas de douleur. C'est juste que c'est... On n'y arrive plus. C'est difficile de mettre un pied devant l'autre. C'est difficile d'avancer. On marche le 10 pas, on s'arrête 5 minutes.

  • Speaker #0

    On remarque, je ne dis pas, on s'arrête 5 minutes. Mais il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de souffrance. C'est juste que c'est dur et que mentalement, il ne faut pas lâcher.

  • Speaker #1

    Ça doit être extrêmement étrange comme sensation. Tu es super ralenti.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. Il n'y a pas de douleur, mais on est ralenti. On ne peut même pas imaginer. On n'avait pas idée quand on préparait ça depuis la maison à Chamonix. On ne pouvait pas imaginer qu'on soit ralenti à ce point-là. Et pour donner un exemple... Concrètement, on monte régulièrement au sommet du Mont Blanc, c'est à 4 800 mètres, presque 5 000 mètres. On décolle régulièrement du sommet. Quand on arrive au sommet, en gros, en 5 minutes, on a enfilé la sellette de parapente, on a étalé la voile. C'est bon, t'es prêt ? Ouais, bon. Et on décolle, ça nous prend 5 à 7 minutes. Au sommet du K2, ça nous a pris 45 minutes parce qu'enfiler une sellette, vérifier qu'on l'a bien mise, parce que là, on vérifie plusieurs fois, on sent qu'on est… conscient mais quand même pas on n'a pas toute notre lucidité donc on vérifie bien les attaches tout ça étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait on continue d'étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait étaler la voile vérifier les suspentes s'accrocher et et décoller ça nous a pris un effort un effort surhumain en fait et on se rend pas compte parce que oui parce qu'il faut presque monter là haut pour le vivre mais on n'est pas dans la douleur, on est juste au ralenti, avec notre cerveau qui fonctionne, mais pas non plus à 100%, et avec notre corps qui est extrêmement lent à se mouvoir.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Effectivement, je pense que c'est très dur à imaginer. Déjà, quand on a été juste un petit peu des altitudes, on n'a pas l'habitude d'aller. Je trouve que juste en y allant, on sent déjà qu'on est un peu mou. Donc j'imagine cet effet-là complètement décuplé, ça doit être incroyable. Et du coup, d'arriver à... quand même être lucide, parce que c'est aussi ça, il faut arriver à vraiment être lucide pour faire toutes les étapes dans l'ordre, c'est un sacré challenge.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, mentalement, on a répété plein de fois ce qui allait se passer au sommet, et on avait imaginé que le vent serait hyper fort, parce que sur ces 8 mètres, il y a souvent beaucoup de vent, on s'était fait des scénarios, ok, on sera assis dans la neige tous les deux, on va gonfler la voile, on va se faire arracher par le vent, et en fait, on arrive ce jour-là. au sommet du K2, il n'y a pas du tout de vent, et on se regarde et on se dit il va falloir courir pour donner de la vitesse à la voile pour qu'elle gonfle, et c'était le dernier des scénarios, on n'avait pas du tout imaginé que ça se passerait comme ça en fait, et c'est ça qui fait toute la beauté de ce qu'on fait c'est que c'est plein d'inconnus c'est un challenge, on a une expérience, on a des compétences et en fait il va falloir ouvrir le bon tiroir pour pouvoir répondre à la situation dans laquelle on est. Et là, on était dans une situation qu'on n'avait pas imaginée une seule seconde, celle où il n'y avait pas du tout de vent. Voilà, l'option Z. On s'était dit, on espère qu'il n'y aura pas trop de vent, qu'on pourra décoller. On s'était dit, ça va être fort, ça va nous arracher. On l'avait répété mentalement. Et en fait, ce n'est pas ce scénario-là qui s'est produit. C'était celui de, on va devoir courir, accrocher les deux avec la fatigue d'une ascension de 14 heures. avec des crampons pieds où il ne faut pas qu'on s'accroche les crampons, avec un précipice de 3000 mètres, il ne faut pas qu'on tombe, il ne faut pas que quelque chose se passe avant qu'on soit sous la voile. Donc, il fallait tout faire juste et être bien présent dans l'action. Effectivement.

  • Speaker #1

    Et l'ascension, est-ce que ça s'est bien passé ? Enfin, ça s'est bien passé puisque vous l'avez faite et que vous êtes redescendue. Mais je veux dire, est-ce que tu l'as bien vécu ? Donc évidemment, avec cet aspect très ralenti et très difficile. Mais est-ce que ça s'est quand même passé, disons, un peu tel que prévu ?

  • Speaker #0

    Alors, notre ascension, elle s'est déroulée sur trois jours. Quand on part sur un 8000 mètres sans oxygène, on part pour à peu près deux mois. Parce qu'il faut faire des rotations d'acclimatation. Il faut habituer progressivement son corps à l'altitude. Quand on est arrivé au camp de base, au bout d'une semaine, le camp de base, il se trouve à 100 kilomètres. du dernier village et c'est 100 km de glacier. Pendant une semaine, on a mis 5 jours, pendant 5 jours, on remonte un glacier sur 100 km et enfin, on arrive au pied de la montagne et on pose notre camp de base. Ce camp de base, il se trouve à 5000 m d'altitude. Donc déjà, on va vivre à 5000 m d'altitude et déjà ça, en fait, le premier jour, c'est dur. Les 2-3 premiers jours, c'est dur parce que tout notre corps doit s'adapter à cette altitude-là. Le système digestif doit s'adapter, le souffle, le sommeil. Voilà, plein de choses qui doivent s'adapter. Et en fait, à partir de 5000 mètres, on va faire des papiers de 500 mètres. Donc on va monter le premier jour à 5000 mètres, on va redescendre. On se repose, on va remonter à 5500, on va dormir à 5500, on va monter à 6000, on va se reposer, enfin on va redescendre, on va se reposer. Et ainsi de suite, on va faire des paliers comme ça, de 500 mètres par 500 mètres, où on va passer des nuits toujours un peu plus haut, pour habituer progressivement notre corps au manque d'oxygène et l'habituer à produire plus de globules rouges et à s'acclimater. Et ça c'est une période... qui va prendre entre 3 et 4 semaines selon la météo. Parce qu'il y a des moments où on ne peut pas aller sur la montagne comme on veut, parce qu'il fait mauvais, parce qu'il a neigé, parce que la montagne est avalancheuse, parce qu'il y a du vent, que c'est la tempête et qu'on ne peut pas aller sur cette montagne. Donc il y a plein de moments pendant qu'on est en expédition où on est aussi cloué au camp de base parce qu'il fait mauvais. Quand on a fini cette période d'acclimatation, on attend ensuite la fenêtre météo. pour pouvoir faire le sommet. Et là, on a cette fenêtre météo de trois jours, avec le dernier jour vraiment une journée annoncée, avec pas beaucoup de vent. Donc on part du camp de base le vendredi, et on monte directement à notre camp 2, où on a déjà monté notre pente, où il y a déjà notre duvet, où il y a déjà notre parapente d'huit places. On a monté tout ce matériel au fur et à mesure des rotations d'acclimatation. Notre camp 2, il est à 6600. Donc on a eu l'habitude... après trois semaines, de partir de 5000 pour monter directement à 7600 parce que notre corps, là, il est acclimaté et qu'on peut le faire. On passe la nuit au camp 2, on n'a pas du tout mal à la tête, on est bien. Le lendemain, on part du camp 2 pour monter au camp 3 à 7360 mètres. Et là, par contre, on n'a pas pu monter avant au camp 3, donc on n'a pas monté notre matériel. Donc on part très chargé depuis 6600 pour monter à 7300. Et en fait, on est tellement chargé avec notre bille-place, notre matelas et notre tente qu'on ne peut pas prendre nos duvets, par exemple. On ne prend pas les salles de couchage. Et on se dit, bon, ce n'est pas grave, on dormira dans nos tenues en duvet qui sont prévues pour du moins 35. Et de toute façon, on ne va pas faire une très grosse nuit puisqu'il faudra qu'on parte à minuit ou une heure du matin. Donc, on monte à 7 360 mètres, presque 7 400. On sent l'altitude, on sent que c'est un peu dur. C'est la première fois qu'on arrive à cette altitude-là. Et là, il faut creuser une plateforme dans la neige pour pouvoir poser sa tente. parce que le camp est en pente, donc il faut creuser une pâte pomme pour avoir la tente à plat. Ça nous prend aussi beaucoup d'énergie. Mais voilà, on pose nos tentes, on se fait nos trous, on fait fondre la neige, on s'hydrate, on mange, on se sent plutôt bien. Pareil, pas du tout mal à la tête, pas besoin d'aspirine, pas besoin de rien du tout. Donc on se dit, c'est bien, on est plutôt en forme. Et le lendemain, vers minuit, on se réveille et on plie la tente, on plie le matériel. Parce qu'on a quand même embauché un porteur d'altitude pour monter. avec nous au camp 3 pour nous redescendre tout ce matériel. Ce matériel, on ne peut pas du tout envisager d'aller au sommet avec. Et on ne veut pas non plus laisser ce matériel sur la montagne parce que ça va participer à cette pollution qu'il y a déjà dans les camps d'altitude. Donc on a Elias, un Pakistanais qui est monté avec nous et qui est censé redescendre notre matériel le lendemain. On lui plie tout, on lui plie la tente, les matelas, le réchaud. Et nous, on part avec un autre petit sac, un petit sac chacun. où on a un bi-place, une paire de moufles de rechange au cas où on en perd une avec le vent, par exemple, on voulait en prendre des images, on perd une moufle. Deux lits de chacun, un piolet et des petites doudounes supplémentaires au cas où il fasse vraiment froid. Et on part dans la nuit à 1h30, 1h40 du matin. Il fait très froid, il doit faire au moins 30. Il y a du vent. Et c'est un peu normal, en fait, quand on part de nuit, quand il y a du vent. à très haute altitude, il fait extrêmement froid. Et on commence à monter tranquillement. Je suis devant Zeb. Au début, ça va bien. Et puis, au fur et à mesure, je vois que Zeb commence un peu à ralentir le pas. Et je me dis, tiens, c'est étonnant. C'est toujours Zeb. Zeb est plus fort que moi physiquement. Dans tout ce qu'on fait, il va être devant moi. S'il y a un sac qui est plus lourd qu'un autre, c'est lui qui l'a. C'est lui qui a le temps de faire plus d'images parce qu'il est plus rapide, donc il a le temps de se placer. pour me faire des images. Et là, je me dis que ça commence à être dur vers 8 000 mètres. Je vois que ça commence à être un peu dur pour Zeb. Et c'est lui qui porte le bi-pass. C'est lui qui a le sac le plus lourd. Et en fait, je lui dis comment tu te sens. Et il me dit, ouais, là, je ne suis pas au meilleur. Ce n'est pas ma meilleure journée. Je trouve que c'est dur. Je lui dis, est-ce que tu te sens de porter le bi-pass jusqu'au bottleneck, jusqu'à 8 100, 8 200 ? Et après, je prends le relais, je le porte jusqu'au sommet. Et il me dit, bah oui, on va essayer comme ça. On arrive sous le bottleneck et là, en fait, on est au soleil, il fait extrêmement chaud, on est déshydraté. Et je vois que c'est vraiment dur. C'est vraiment dur pour moi, c'est vraiment dur pour Zeb. et vraiment on fait un gros point en zibon ça va encore, on n'a pas d'hallucinations, on est encore très lucide, on continue. Elle me dit oui, on continue. Et on se dit, mais si à la moindre signe de fatigue, si le premier cas a une hallucination, on redescend et on décolle d'où on est. Et pour moi, dans ma tête, en fait, j'étais très sereine, parce que déjà d'être là, à cette altitude-là, sans oxygène, sans l'avoir fait avant, je me suis dit, si on doit redescendre là... et qu'on ne va pas semer, ce n'est pas grave parce que je suis déjà hyper satisfaite de là où on est. Je me suis dit qu'on va mettre un pas devant l'autre, on va continuer et on va voir jusqu'où on peut aller. Je prends le bi-place, Zeb prend le sac le plus léger et il se met derrière moi à mon rythme et on avance comme ça. Régulièrement, on échange comment tu te sens, ça va, oui, ça va encore, tu es lucide, oui, je suis lucide. On se parle beaucoup, en fait, toute la montée. pour vérifier qu'il n'y en a pas un qui commence à trop défaillir physiquement ou à perdre un peu le mental. Et on sent qu'on est tous les deux dans le jeu, on est dans le game, on monte très doucement sur la fin. C'est extrêmement exigeant et notamment mentalement c'est dur, il faut aller chercher loin pour s'accrocher, pour aller au sommet. On a une barrière horaire à respecter, on s'est dit si on n'est pas à 17h, quoi qu'il arrive. indépendamment du lieu où on se trouve, il faut absolument redescendre. Donc si on n'est pas au sommet à 17h, on redescend, c'est notre barrière horaire et c'est notre garde-fou pour rester en vie en fait. Parce qu'il y a trop de gens qui sont arrivés au sommet à 20h, exténués et qui n'ont pas pu redescendre et qui sont restés là-haut. Donc nous on se dit, à 17h, c'est notre barrière horaire. Si on n'est pas au sommet, on doit absolument redescendre. Donc on a cette barrière horaire, on avance, on voit qu'on avance doucement, mais on avance, on y croit. Et finalement, on arrive au sommet. Donc, ça a été une montée qui a été quand même pleine de doutes, mais aussi qui a avancé. Encore une fois, on était dans l'action, un pied devant l'autre. On ne se préoccupe pas du reste. On ne s'inquiète pas du reste. Tout ce qu'on a à faire, c'est avancer et essayer de garder le rythme.

  • Speaker #1

    C'est intéressant aussi de voir que vous prenez d'avance des décisions qui du coup sont rationnelles et qui... permettre de vous sauver au cas où finalement, vous n'arrivez pas vraiment à suivre. Mais si vous ne les aviez pas prises en avance, peut-être qu'effectivement certaines personnes se font avoir parce qu'elles se disent encore un petit peu, encore un petit peu. Vous vous décidez en avance. Telle heure, de toute façon, si on n'y est pas, c'est stop. Si on a des hallucinations, c'est stop. C'est intéressant de voir que vous prenez toutes ces dispositions pour survivre, mais qu'elles sont prises en amont au moment où vous êtes lucide.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. tu le résumes très bien en fait si on ne pose pas le cadre si on ne pose pas les bases et si on n'est pas ok avec ce qu'on a décidé en bas au calme au chaud bien nourri et avec toutes nos têtes ça va être extrêmement dur là-haut avec le manque de lucidité de prendre la bonne décision et c'est trop facile pour un alpiniste qui est trop attiré par le sommet de se voiler la face et de se dire non mais je continue Je continue, ça va le faire, je vais pouvoir redescendre. Donc pour nous, c'était très important de se dire et de voir qu'on était tous les deux en phase avec ça. Il faut que ça reste fun, on va le plus haut possible, on ne se met pas en danger. 17h, c'est notre barrière horaire. Et si de toute façon, il y en a un qui commence à physiquement ne pas aller bien ou mentalement avoir des hallucinations ou d'autres problèmes, c'est la redescente, on redescend. Et aussi, ça me fait rebondir un peu sur... pourquoi le choix du biplast ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris chacun un parapente ? Et en fait, le choix du biplast nous permettait de rester tout le temps ensemble. C'était soit on arrive ensemble au sommet et on tente de décoller ensemble, soit on s'arrête ensemble. Si on a un ou deux qui ne va pas bien, les deux s'arrêtent ensemble et on essaye de décoller s'il fait ainsi de près, si ce n'est pas trop raide. On essaie de décoller de là où on est pour entrer au camp de base. On aurait pris chacun une voile individuelle. Peut-être que l'un des deux aurait été tenté de dire, écoute, moi, je ne me sens pas, mais toi, continue. Et là, en fait, la séparation faisait que, sans oxygène, s'il se passe quelque chose, la personne ne va pas être secourue. Il n'y a rien. Elle va rester là-haut. Elle va juste mourir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vraiment beaucoup d'éléments, en fait, qui permettent quand même d'assurer la sécurité. Ce n'est pas si facile à décider. Et cette descente, alors, c'était... Est-ce que tu peux nous raconter ? Ça doit être... incroyable de décoller d'un tel endroit et avec tous les sommets environnants, etc.

  • Speaker #0

    Cette descente, c'est le vol d'une vie en fait. Le K2, c'est une montagne triangulaire comme ça, qui est toute seule. Il n'y a pas d'autres montagnes autour. Et donc, on se retrouve là propulsé quasiment dans la stratosphère. C'était pour nous, on avait l'impression d'être presque sur la Lune en fait. Avec aucune autre montagne autour, on est au-dessus d'énormes glaciers. On met 35 minutes à descendre. Les paysages sont incroyables, la sensation, elle est incroyable. On ne réalise pas encore qu'on l'a fait. Je pense que quand on a posé, on s'est retourné et on s'est dit « Mais on l'a fait, on l'a vraiment fait. On vient de gravir cette montagne derrière nous et on vient d'en décoller. » C'était vraiment des émotions hyper fortes et incroyables, difficiles à réaliser. On n'en revenait pas, on a mis vraiment beaucoup de temps à réaliser. Et le vol, c'est un vol magique. Il faut voir les images. pour se rendre compte de la hauteur, pour se rendre compte d'où on est, de ce qu'on vit. C'est le vol d'une vie, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Ça doit être magique. Justement, on peut voir des images que vous avez réalisées, un film, que vous allez présenter pour la première fois le 14 juin au Chamonix Film Festival. Qu'est-ce que ça représentait pour vous de partager ça avec le grand public ? Parce que du coup, on a partagé votre expérience. On aura la chance de vivre un petit peu. Évidemment, pas vivre, mais... de voir tout l'environnement dans lequel vous avez évolué, votre aventure ?

  • Speaker #0

    Oui, avant de partir, on s'est dit qu'on allait essayer de documenter cette aventure. Qu'on arrive au sommet de la montagne et qu'on réussisse à décoller ou pas, il y a toujours plein de choses à vivre, à partager. Et donc, on avait déjà décidé de s'associer avec un réalisateur, Mathieu Rivoire. qui nous a un peu briefé sur certaines prises de vue, sur certaines choses à ne pas oublier de filmer. Et puis nous, après, sur le terrain, on a filmé le mieux possible à chaque fois qu'on pouvait. On n'avait pas... Des expés sur des mises sont des expés qui coûtent extrêmement cher et on n'avait pas de budget pour avoir un caméraman en plus avec nous. Donc on a fait toutes les images nous-mêmes. C'est vrai que quand on est déjà au-dessus du 1000 mètres, que c'est dur, il faut se dire, allez, il faut sortir la caméra. C'est un petit effort supplémentaire, mais en vrai, on est très fiers d'avoir réussi à le faire. Et on ramène de très belles images, un film de 41 minutes, qui j'espère plaira au public. Je pense que c'est important quand on vit ces moments un peu d'exception, ces moments fous, de pouvoir le partager avec les gens. ça apporte Ça apporte du rêve, ça apporte de la bonne énergie. Ça peut faire des clics chez certaines personnes. Il y a des gens qui m'écrivent, qui me disent « Ah, mais j'ai vu ton film là. » Je pense à mon ancien film « Leave it on the way » . Et je me suis dit « Mais là, il faut que j'ose. Je vais faire ce que j'ai toujours voulu faire dans ma vie, que je n'osais pas faire. » Et quand on reçoit des messages comme ça, où les gens nous disent « Mais vous avez fait des clics. Ça m'a donné envie de franchir le cap. » Je trouve que c'est la plus belle.

  • Speaker #1

    la plus belle des des récompenses presque voilà c'est on fait pas ça pour ça mais c'est tellement pour nous aussi fort d'entendre ça et de se dire bah tiens ce qu'on fait permet à d'autres personnes de se lancer c'est extraordinaire oui c'est clair que c'est merveilleux comme message en retour tu dis que t'as vraiment contribué à plein de choses différentes et comment en fait d'un point de vue très pratique vous aviez quoi genre une petite caméra type gopro ou parce que il y a quand même vous avez déjà plein de trucs à porter ... Donc la contrainte caméra en plus, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Voilà, alors sur toute l'expédition, on avait deux drones, on avait deux Insta360 X4, on avait une GoPro et on avait nos téléphones, des iPhone 15 Pro qui filment super bien. Et juste le jour du sommet, on est parti le plus léger possible. On a fait plein de beaux plans avec le drone à chaque fois qu'on montait sa climatée. Le jour du sommet, on savait qu'on laisserait le drone. On est partis, on avait chacun nos deux iPhones, on avait une Insta360, une batterie et une GoPro. Il fallait qu'on soit le plus léger possible, donc on a vraiment minimalisé le matériel vidéo. Et c'est comme ça qu'on a fonctionné.

  • Speaker #1

    Oui, ça paraît logique. C'est déjà pas mal d'ailleurs d'avoir tout ça. Parce que l'Instagram en plus, je pense, on le sent quand même passer.

  • Speaker #0

    Exactement. il faut vraiment à très haute altitude le prendre Le poids, c'est l'ennemi numéro un. Il faut vraiment tout calculer, tout optimiser pour rester sécu, mais pour être le plus léger possible.

  • Speaker #1

    Et toi, tu étais, en fait, en réalisant cette ascension, tu étais la deuxième Française à réussir à gravir le K2 sans oxygène, si je ne me trompe pas. Qu'est-ce que ça représente pour toi ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'avais pas trop réfléchi à combien de femmes avaient gravi le cas de sans-oxygène, combien de femmes françaises l'avaient gravi. C'est vrai que je savais que Chantal Mauduil avait gravi, je savais que Liliane Barral avait gravi, mais malheureusement, elle était décédée lors de la descente. Alison Hargrave, une Anglaise qui a fait beaucoup d'alpinisme, pareil, qui est décédée lors de la descente. c'est quand on est arrivé en bas où il y a des gens qui nous disent mais tu sais qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui vont gravir sans oxygène et c'est vrai qu'en fait gravir le K2 sans oxygène ça reste quelque chose d'assez exceptionnel puisqu'au jour d'aujourd'hui on n'est pas 10 femmes à l'avoir fait peut-être que là dans l'été 2025 il y aura d'autres femmes qui vont gravir sans oxygène mais je crois que je suis la 8ème ou la 9ème femme à gravir ce sommet sans oxygène pour dire on est vraiment un tout petit nombre de femmes femme à avoir réussi à atteindre ce sommet sans aide d'oxygène supplémentaire.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Ça permet aussi quand même de se rendre compte, quand on est un peu extérieur à ce milieu, de l'ampleur de la performance. C'est quand même vraiment incroyable. Et pour terminer, Liv, quels sont tes prochains projets ? Est-ce que tu as toujours plein de projets ? J'imagine qu'il y en a d'autres à venir.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr que... que réaliser ce qu'il y a d'eux dans ces conditions-là, ça nous a... Moi, j'ai regardé Zep, j'ai dit, mais moi, je veux engravir d'autres. Les émotions, le paysage, la vue, tout ce qu'on a vécu, c'était tellement incroyable, tellement beau. Bien sûr, c'était dur, bien sûr, ça a demandé énormément d'efforts, de préparation, mais finalement, en fait, notre mémoire, elle ne garde que le plus beau et pour moi, c'était tellement... Ouais. Tellement d'émotions positives que je me suis dit, ah moi j'ai envie de repartir sur un autre 8000 pour faire peut-être différemment, pour peut-être skier, pour faire autre chose. En 2025, on ne va pas repartir parce qu'on a d'autres projets personnels, mais on va travailler pour trouver du budget pour pouvoir repartir en 2026. Et je crois que moi et Zeb, on a bien envie de repartir au Pakistan. Deux autres 8000. qu'on va essayer de probablement combiner avec le parapente, essayer de faire les deux 8000 dans la même journée en décollant d'un sommet pour poser sur l'autre. On va voir si tout ça peut se mettre en place. Mais on est encore très motivés pour se préparer, pour se lancer un nouveau défi, un nouveau challenge avec de l'inconnu, tout en restant dans ce qui nous paraît suffisamment sécu.

  • Speaker #1

    Incroyable, ce sera toi à suivre pour nous aussi. J'ai une petite question traditionnelle pour la fin. Est-ce que tu aurais un message à transmettre à des femmes qui rêvent d'aventure et de montagne ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Je pense que toute femme qui rêve d'un projet, qui rêve d'aventure, qui rêve de montagne, il faut oser y aller. Il faut vous préparer. Il faut croire en vous, en fait. Une femme, elle peut tout faire, elle est capable de tout faire, donc elle peut s'autoriser tous les rêves, parce qu'elle est capable de tous les réaliser. Je crois qu'il faut vraiment bien préparer les choses, préparer en amont les choses, être prête, croire en soi et se lancer. Il y aura plein d'inconnus, il y aura plein de difficultés en chemin, il y aura plein de moments incroyables, mais une femme, elle a... toutes les capacités, toutes les compétences pour mener à bien ces projets et il faut vraiment se lancer, il faut vraiment y aller,

  • Speaker #1

    il faut vraiment croire en soi C'est un beau message pour terminer merci beaucoup Liv, franchement ce partage c'était vraiment chouette d'écouter ton récit et j'ai très hâte de voir le film du coup qui sortira donc bientôt à voir au Germany Film Festival, cas de mon amour et un grand merci et plein de bonnes choses pour la suite pour vos prochains projets

  • Speaker #0

    Merci à toi Lorraine A bientôt. A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. A bientôt.

Chapters

  • Introduction et présentation de Liv Sansoz

    00:04

  • Les débuts de Liv et son parcours en montagne

    00:46

  • Les premières victoires en escalade et leurs impacts

    02:47

  • L'exploit du 8C+ et la barrière mentale

    05:16

  • L'accident de 2001 et le processus de reconstruction

    07:53

  • Le projet des 82 sommets de plus de 4000 mètres

    11:16

  • L'expédition au K2 et les défis rencontrés

    20:21

  • La descente en parapente et la réalisation du film

    44:01

  • Message de Liv pour les femmes aventurières

    52:00

Description

Dans cet épisode du podcast de sport La Sportive Outdoor, Laurène Philippot reçoit Liv Sansoz, alpiniste, guide de haute montagne, double championne du monde d’escalade, parapentiste… et femme de défis.


Après avoir notamment gravi les 82 sommets de plus de 4000 m de l’Arc alpin, Liv s’est lancée en 2024 dans une aventure exceptionnelle : l’ascension du K2 sans oxygène, suivie d’une descente en parapente biplace, une première mondiale réalisée avec son compagnon Zeb Roche.


Elle nous raconte la préparation, les moments forts de l’ascension, le décollage vertigineux depuis le sommet… et la naissance du film K2 mon amour, présenté au Chamonix Film Festival.


Un échange inspirant avec une femme libre, engagée et profondément connectée à la montagne.


🔗 𝐒𝐮𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐋𝐢𝐯 𝐞𝐭 𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐟𝐞𝐬𝐭𝐢𝐯𝐚𝐥:


🙋‍♀️ 𝐐𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐦𝐦𝐞𝐬-𝐧𝐨𝐮𝐬?

La Sportive Outdoor est un média dédié aux sports outdoor au féminin. Le magazine a pour but de mettre en avant les femmes sportives de tous niveaux, de leur fournir des conseils adaptés et de les aider à mieux se connaître pour apprendre à oser! Les maître-mots? Plaisir, bien-être et audace!


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🎵 Musique du générique:

Titre: Running (ft Elske)

Auteur: Jens East

Source: https://soundcloud.com/jenseast

Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Liv Sansoz, figure emblématique du monde de la montagne. Double championne du monde d'escalade, alpiniste, parapentiste, guide de haute montagne, son parcours est vraiment impressionnant. En 2024, elle a repoussé une nouvelle fois des limites en atteignant le sommet du K2 sans oxygène avec son compagnon Zeb Roche et en réalisant en prime une première mondiale, une descente en parapente bi-place. De cette aventure est né le film « Cas de mon amour » qui sera présenté au Chamonix Film Festival. Je suis vraiment ravie de recevoir Liv pour qu'elle nous parle aujourd'hui de son parcours, mais aussi de cette aventure. Bienvenue Liv, merci beaucoup d'être là. Est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Merci Lorraine, tu m'as déjà bien présenté, mais effectivement je suis une ancienne championne du monde d'escalade. J'ai gagné plusieurs championnats du monde, plusieurs coupes du monde. Aujourd'hui, je suis guide de haute montagne, je vis à Chamonix. Et je réalise toujours des projets qui me font rêver, des expéditions, des choses comme ça, dont la dernière en date était le K2 au Pakistan.

  • Speaker #0

    On va vraiment revenir dessus. Je vais commencer d'abord vraiment par les débuts de ton parcours, et puis ensuite, on ira progressivement vers ça. Tu as grandi déjà à Bourg-Saint-Maurice, qui est forcément en lien direct avec la montagne. Est-ce que tu penses que le fait d'avoir grandi dans cet environnement, ça a joué dans toute ta construction et tes projets par la suite ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Je suis née en Savoie, dans une petite ville, au pied des stations de ski. J'ai toujours fait du ski depuis toute petite. Et puis, mes parents m'ont initiée à la randonnée. D'abord, on faisait des balades, on allait dans des refuges. Mon papa faisait du ski de randonnée, il m'a emmenée. Et moi, j'ai tout de suite aimé être dans la nature, aimer gravir des montagnes. Et j'ai lu beaucoup de livres depuis l'âge de 10 ans. des livres de montagne... C'est un monde qui m'a toujours attirée et fascinée. Et quand j'ai appris qu'il y avait la création d'un club d'escalade à Bourg-Saint-Maurice, je me suis demandé à mes parents de m'inscrire parce que j'avais envie d'apprendre à faire de l'escalade aussi. Donc, c'est vrai que le lieu géographique a favorisé. Et j'ai baigné dans le milieu de la montagne depuis toute petite, mais sans avoir des parents, ni guide d'autre montagne, ni grand sportif, on va dire. Ils m'ont juste transmis. leur amour pour la montagne, le côté contemplatif, le côté bien-être. En fait, la montagne fait du bien aux gens, elle apporte de la joie. Être dans la nature, ça fait du bien aux gens. Et je pense qu'ils m'ont transmis ça dès mon plus jeune âge.

  • Speaker #0

    Oui, c'est déjà super important. Et tu as gagné ta première Coupe du monde d'escalade super tôt, à l'âge de 18 ans. Qu'est-ce que ça fait à cet âge-là, quand on gagne quelque chose comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que je suis rentrée en équipe de France senior à l'âge de 16 ans. Je n'étais pas du tout dans un grand club d'escalade, j'étais dans une toute petite structure. Mes parents ne connaissaient rien à la compétition, n'étaient pas grimpeurs. C'était tout, c'était un peu nouveau pour moi et pour ma famille aussi qui essayait de m'accompagner le mieux possible, mais ce n'était pas évident. Et gagner ma première Coupe du Monde à 18 ans, c'était une énorme surprise, une énorme satisfaction et quelque chose à... aussi à processer, il fallait le digérer, il fallait le... Oui, je pense qu'il fallait le processer, parce qu'au début, je n'arrivais même pas à en parler, à trouver les mots pour expliquer qu'est-ce que je ressentais, en fait. C'était tellement des émotions fortes, c'était tellement quelque chose au-delà de mon imagination que c'était même difficile des fois de trouver les mots pour dire ce qui m'arrivait et ce que je ressentais. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai que ce n'est pas évident. Et ensuite, en plus, tu as enchaîné quand même beaucoup de victoires. Tu as été double championne du monde, tu as gagné plusieurs Coupes du monde. Avec le recul, comment est-ce que tu vois maintenant cette période-là de ta vie ?

  • Speaker #1

    Comment je vois cette période-là de ma vie ? C'était une période extraordinaire, c'était une période faste, c'était une période intense, c'était une période où j'apprenais énormément de choses parce que la compétition, c'est une excellente école de la vie. On apprend la rigueur, on apprend le dépassement de soi. On apprend à mentalement plein de choses. On apprend à se mettre dans sa bulle de concentration. On apprend à laisser de côté la pression, laisser de côté ses doutes. On apprend à être présente à l'instant T. Au moment où il faut faire le petit geste supplémentaire pour la victoire, on apprend à le faire. Et tout ça, c'est des choses que la compétition m'a apprises, que je n'aurais probablement pas découvertes dans d'autres situations, puisqu'une situation de compétition, c'est une situation poussée à l'extrême. Et quand on se retrouve dans ces situations poussées à l'extrême, c'est là qu'on sort de notre zone de confort et c'est là qu'on apprend énormément de choses. Donc, toutes ces années de compétition m'ont forgé, m'ont appris. sur moi, sur mon mental, après aller chercher des ressources en moi qui étaient insoupçonnées. Et c'est ce qui fait aussi aujourd'hui la personne que je suis.

  • Speaker #0

    Oui, ça construit, j'imagine. Et tu es aussi devenue la deuxième femme à réaliser un 8C+. Alors, moi, je ne fais pas vraiment d'escalade, mais j'ai quand même déjà un peu des notions de l'énorme effort que cela représente. Peut-être que pour nos auditrices, tu peux un peu nous expliquer aussi ce projet et ce que ça représentait ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors en escalade, quand on commence à grimper, on commence dans du 5. Si on grimpe un petit peu une fois par semaine, on peut faire du 6. Si on grimpe plusieurs fois par semaine, deux à trois fois par semaine, on va faire du 7. Donc il y a du 7, 7A, 7B, 7C, il y a des chiffres et des lettres. Et aujourd'hui, on en est la meilleure fin de 9B+. À mon époque, quand je grimpais vraiment à mon meilleur niveau, le maximum attiré, c'était le 8C+, par une Espagnole. Et en fait, il y a des grosses barrières mentales quand on va vers quelque chose qui n'a jamais été fait avant ou qui a été fait une seule fois avant. Tout le monde va peut-être plafonner au 8C, parce que le 8C+, c'est quelque chose de nouveau. Il faut aller le chercher. Ça n'a jamais été fait ou ça a été fait une seule fois. Et voilà. Et en fait, avant moi, d'autres femmes ont cassé la barrière mentale du 8A, puis du 8B, puis du 8C. Et moi, j'ai participé à casser celle du 8C+, qui était le niveau maximum atteint par les femmes à ce moment-là. Et maintenant, d'autres femmes ont franchi la barrière du 9A, du 9B, du 9B+. Et c'est comme ça qu'on tire vers le haut toute une discipline. et que des femmes avant moi ont été là et font que nous sommes arrivées à grimper ce niveau-là de difficulté. Et des femmes dans le futur grimperont des voies encore plus dures parce que d'autres ont cassé des barrières mentales avant.

  • Speaker #0

    Et finalement, tant qu'on ne l'a pas fait, on doit avoir ce sentiment qu'on ne sait pas si c'est possible ou pas possible. Donc l'aspect mental, effectivement, doit être très dur à gérer.

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. Quand on est dans ces voies dures, où on se dit mais moi j'ai jamais essayé quelque chose d'aussi dur, j'ai jamais réussi à grimper quelque chose d'aussi dur, est-ce que je suis capable ? Est-ce qu'une femme est capable ? Il y a tout un ensemble de choses qui sont là et tant qu'on n'essaye pas, qu'on ne se donne pas les moyens, on n'aura pas la réponse et puis peut-être qu'on va essayer et ne pas y arriver et on va se dire ok, je m'entraîne plus et je reviens, peut-être qu'on va essayer et qu'on va y arriver et on se dit tiens, j'ai réussi ça, je peux peut-être essayer un cran au-dessus maintenant. Et c'est comme ça qu'on avance.

  • Speaker #0

    C'est impressionnant. Il y a vraiment toute une démarche très construite. Et sur un registre moins gai, mais en 2001, tu as été victime d'un accident qui était dû à une erreur d'assurage. Comment est-ce qu'on réussit à se reconstruire après ça ? Parce que du coup, tu as continué à faire des choses extraordinaires. Tu en es la preuve encore aujourd'hui. J'imagine que c'était une période très compliquée.

  • Speaker #1

    Oui, ça a été très dur. Parce que si moi, je fais une erreur en escalade et que je me fais mal, c'est de ma faute. et je l'accepte. Là, c'était l'erreur de quelqu'un d'autre et c'était très difficile à accepter. On est dans un sport où il y a de la verticalité, où il y a de la hauteur et on est dans un sport où il faudrait être tout le monde, tout le temps présent. L'assureur doit être aussi présent que le grimpeur. L'assureur, ce n'est pas quelqu'un qui donne du mou avec la corde et qui discute en même temps à côté avec quelqu'un d'autre. Non, l'assureur, il doit être présent à ce qu'il fait. Et cet accident, ça a été un arrêt net. dans ma carrière, ça a vraiment été je percute un mur et tout s'arrête. Je n'étais pas du tout préparée à ça. Pour moi, dans ma tête, je m'entraînais pour mes 3e championnats du monde, pour les gagner, il n'y avait pas de doute là-dessus. Et d'un coup, il y a un arrêt net sur lequel je ne suis pas du tout préparée, sur lequel personne autour de moi n'est vraiment armé pour m'accompagner non plus là-dessus, pour m'aider à… à franchir le cap. Donc, je suis un peu seule face à cet accident qui m'arrête net. J'ai une blessure qui est assez sérieuse. Pendant plus d'un an, je ne peux pas faire de compétition, mais en fait, c'est allé bien au-delà, puisque pendant plusieurs années, j'ai arrêté de grimper. J'avais comme un traumatisme mental, où j'avais peur, en fait, que la personne qui allait m'assurer allait me lâcher. Et pour moi, c'était devenu très compliqué, mentalement, de grimper, parce que j'avais cette peur, presque panique, au fond de moi. qui disait que si je grimpe, je vais peut-être mourir parce que la personne va me lâcher. Et ça m'a pris quand même un peu du temps de dépasser cet état mental, d'arriver à remodeler un peu mon imagination, remodeler mon conditionnement, de me dire que ce n'est pas parce qu'une fois on t'a lâché qu'on va te lâcher à chaque fois. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une erreur faite une fois que d'autres personnes vont faire des erreurs. Et ça m'a pris du temps de reprendre la confiance en moi. Je crois qu'on parle beaucoup de résilience en ce moment. Les athlètes de haut niveau sont des personnes résilientes. Mon tempérament fait que je suis une personne résiliente. J'ai toujours su rebondir après peut-être une contre-performance en compétition. J'ai su rebondir. Et de la même façon, après cet accident qui était extrêmement traumatisant, j'ai appris aussi à rebondir d'une autre façon, vers chercher d'autres choses que je serais peut-être... pas aller voir si je faisais toujours de la compétition. Et je pense que c'est important au final, toujours transformer quelque chose qui a été négatif et difficile à vivre sur l'instant et peut-être pendant un an, peut-être pendant 18 mois, en quelque chose qui nous sert pour la suite, qui nous sert pour la vie, de le transformer en quelque chose de positif sur lequel on peut s'appuyer et qui nous rend aussi peut-être plus fort ou en tout cas plus outillé mentalement pour d'autres. contre peut-être d'autres difficultés qu'on trouvera plus tard dans sa vie.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et est-ce que ça a contribué au fait que, aussi que tu t'élargisses à d'autres disciplines, tu fais de l'alpinisme, du ski, du parapente, ou est-ce que ça faisait déjà sa partie de ta vie, même quand tu grimpais énormément ?

  • Speaker #1

    Quand j'étais dans le haut niveau, que j'étais en équipe de France, que je faisais les Coupes du Monde, j'avais vraiment beaucoup moins de temps pour faire d'autres sports, comme le ski, la montagne, l'alpinisme. Et en plus, surtout, je ne voulais pas prendre le risque de me blesser. Quand on s'entraîne à 8h, par jour pour une Coupe du Monde, pour un championnat du monde. On ne veut pas que tous ces efforts soient ruinés parce que au ski, je me suis fait mal et je ne peux pas faire mes compétitions. Donc c'est vrai que tant que j'étais en équipe de France, j'avais vraiment diminué mes activités à côté. On va dire que quand on fait du sport de haut niveau, c'est tellement exigeant qu'il faut le faire à 100%. C'est difficile de faire du sport de haut niveau avec d'autres activités à côté qui prennent de l'énergie. et aussi sur lesquels il peut y avoir des risques. Si je faisais de la natation, bon, je n'aurais pas été trop inquiète, mais l'alpinisme ou le ski, il y a quand même toujours une petite probabilité pour qu'on se fasse mal. Donc, je savais que quand j'arrêterais ma carrière de compétitrice, je reviendrais plus à la montagne, plus aux sports qui m'ont toujours animée, que j'ai toujours pratiqué, le ski, le parapente, l'alpinisme. Et là, quand il y a eu cet arrêt de ma carrière de compétitrice, parce que cet accident, finalement, il a mis un point final à ma carrière, alors que je n'étais pas du tout préparée, je me suis dit, je retourne vers les sports qui m'apportent de la joie, les sports qui m'animent, les sports que je ne faisais plus ces dernières années parce que je me consacrais à la compétition. Et je vais voir ce que ça me fait vivre et ce que ça me fait découvrir aussi.

  • Speaker #0

    C'est une bonne philosophie. Un des projets sur lequel je voulais te poser une question, parce que ça m'a un peu fascinée, c'est le moment où tu as gravi les 82 sommets de plus de 4000 mètres de l'arc alpin. Comment est né ce projet et qu'est-ce qui t'a poussé à faire ça ?

  • Speaker #1

    Ce projet est né... J'ai connu une période où je me blessais un peu régulièrement, en allant en montagne. Et j'enchaînais... Parfois, tous les six mois, j'avais un plâtre, une blessure, je me cassais le bras, le pied. J'étais tout le temps baissée et un peu étonnée dans le questionnement. Qu'est-ce que ça va me dire ? Qu'est-ce que c'est que ces blessures un peu récurrentes ? Je me suis dit, trouve-toi un projet qui t'anime, qui soit un challenge, qui ne soit pas un projet fou, mais qui soit un beau challenge. qui te correspondent, qui correspondent à la femme que tu es aujourd'hui, à la personne que tu es, qui a du sens pour toi. Et je me dis, je pars des fois en expédition au Pakistan, je pars en Patagonie, je pars dans les montagnes du Tien Shan pour découvrir des nouveaux endroits, pour gravir des montagnes ou ouvrir des voies d'escalade. Finalement, qu'est-ce que je connais vraiment de nos Alpes ? Peut-être que je n'en connais que 20%, peut-être que je n'en connais que 30%. Et je me suis retrouvée par hasard sur un 4000 mètres de Suisse qui s'appelle Finsterrand. Et autour de moi, j'avais 7 autres 4000 mètres dont je ne connaissais pas les noms. Et je me suis dit, mais en fait, c'est fou. Il y a ces montagnes qui sont magnifiques. Il y a 82 sommets de plus de 4000 mètres dans les Alpes qui sont répartis entre la France, l'Italie et la Suisse. Tu n'en connais peut-être que 30%. L'on soit dans le challenge de toutes les gravires. Tu vas redécouvrir les Alpes. Tu vas apprendre énormément de choses sur... sur les vallées, sur ces montagnes, sur les refuges, sur ces sommets. Tu vas apprendre énormément de choses sur toi. Et c'est comme ça que l'idée est née, en fait. Je pense que la beauté de se retrouver aussi à 4 mm, quand on est au-dessus de toutes les autres montagnes, c'est vraiment quelque chose de fort. La vue, elle est magique. Il n'y a pas d'autres montagnes au-dessus de nous. On a le ciel, on a le niveau du ciel. Et puis, on a les autres montagnes en dessous. Et il y avait un côté beauté, il y avait un côté challenge, il y avait un côté qui faisait sens aussi de montrer qu'on pouvait vivre une aventure incroyable à la maison sans avoir à prendre l'avion. Voilà, je pense que tout était un peu réuni. Et ce projet aussi, je me suis dit, fais-le aussi à la façon des pionniers quand il n'y avait pas les remontées mécaniques qui étaient là. Donc, je suis partie à chaque fois d'en bas des vallées. Pour plein de sommets, ça ne change rien. Mais par exemple, pour des sommets comme à Chamonix, où on prend l'aiguille du midi, ça nous monte à 3 800. On est déjà propulsé au cœur des glaciers, au cœur des montagnes. Donc, quand on est déjà à 3 800, on monte à 4 000, il n'y a plus beaucoup. Et là, à chaque fois, je partais d'en bas des vallées pour arriver au sommet. Et ça, ça nous a permis aussi d'aller découvrir une montagne plus sauvage parce qu'on n'était pas dépendant de la remontée métallique. Et si les remontées mécaniques n'étaient pas ouvertes, il n'y avait personne dans la montagne. Et nous, on montait quand même, puisque de toute façon, on avait décidé de ne pas prendre les remontées mécaniques. Un dernier point que je voulais dire, sur ce projet des 82-4 milles, j'ai été aussi rejointe par 24 compagnes et compagnons de cordée. Je ne l'ai pas fait toute seule, je ne pars jamais sur le glacier toute seule, il y a des risques de chute en crevasse. Donc à chaque fois, on est en cordée sur le glacier. Et pour réaliser ce projet, j'ai eu la chance. d'avoir 24 compagnons et compagnes de cordée qui m'ont rejoint à des moments différents du parcours. On avait établi un parcours précis et il y a eu un roulement de mes amis qui m'ont rejoint pour faire ce projet. Et c'était aussi une très belle aventure humaine qui n'aurait pas existé si ces personnes n'avaient pas été présentes.

  • Speaker #0

    Bien sûr, une belle aventure vraiment à tout niveau. Et je reviens sur ce que tu évoquais un petit peu. C'est quelqu'un qui accorde une grande importance à l'éthique. dans ta manière de faire de l'alpinisme, à la sensibilisation au changement climatique. Est-ce que c'est quelque chose dont tu peux nous parler un petit peu ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. En étant en montagne peut-être 300 jours dans l'année, je pense qu'on est vraiment les tout premiers témoins des bouleversements climatiques. Quelqu'un qui vit au Groenland est aussi un témoin des bouleversements climatiques. Et nous, en montagne, on voit, ce n'est pas à l'image de 50 ans, c'est à l'image de 5, 7, 10 ans. on voit comment le niveau des glaciers diminue. Donc, par exemple, on avait l'habitude de grimper une voie d'escalade avec un rocher qui touchait le glacier. Enfin, le glacier touchait la paroi rocheuse. Le topo décrit la voie d'escalade. Et en fait, maintenant, on arrive au pied et on est presque 10 mètres en dessous du départ original. Et on lit le topo, on se dit non, mais ça ne ressemble pas du tout à la description du topo. Et après, on comprend, en fait, c'est juste que le glacier a baissé. et que ça modifie les premiers mètres de la voie qu'on est venu chercher. On voit qu'on a des éboulements massifs avant, de parois entières. Le granit, ce sont des feuillets de roche qui sont cimentés par le permafrost. Si on a des épisodes caniculaires de longue durée, le permafrost va dégeler et finalement, les premiers feuillets vont tomber et ça va faire des éboulements de milliers de tonnes. tonnes qui vont tomber comme ça sur le glacier et c'est des voies historiques qui disparaissent. C'est aussi beaucoup plus dangereux pour nous de grimper, de pratiquer l'alpinisme. On voit qu'on a aussi beaucoup de variations de température, on a des hivers plus doux, il peut faire moins 7, le lendemain plus 4, on a des variations très changeantes très rapidement. Tout ça, c'est des phénomènes qu'on ne voyait pas il y a 25 ans. Nous, on est vraiment les premiers témoins de ces bouleversements climatiques. Et par conséquent, on se dit, mais il faut qu'on fasse quelque chose pour notre planète. Moi, je suis impliquée dans deux associations, Protect Our Winters et puis Une Bouteille à la Mer. Et j'essaye aussi dans mon quotidien de faire attention, de réfléchir en fait à ce que je fais et comment je le fais. me dire est-ce que Est-ce que ça a du sens, là, de partir à cet endroit ? L'année dernière, je suis partie au Pakistan, mais je n'étais pas partie avant en avion pendant plusieurs années. Et ça m'allait très bien. Là, j'avais ce gros projet sur un millimètre. Il n'y a pas de millimètre dans les Alpes. Bon, OK, on prend l'avion là pour cette expédition. En 2025, je n'ai pas d'expédition prévue. Peut-être qu'en 2026, je repartirai, peut-être pas. Mais on essaye toujours de faire attention à ce qu'on fait, comment on le fait, et aussi toujours se... poser la question comment est-ce qu'on peut faire mieux pour notre planète. Voilà, c'est pas nous qui décidons les choses, mais on a quand même un moyen, on a des voix, on peut se faire entendre, et on peut... on peut faire changer les choses. Oui,

  • Speaker #0

    effectivement. On va parler maintenant de ton expédition K2. Tu t'es lancée dans ce projet avec ton compagnon et vous avez réalisé l'ascension sans oxygène en portant votre matériel. À nouveau, comment est née cette idée ?

  • Speaker #1

    Le projet du K2 est né en 2020. Ça faisait un petit moment qu'on se disait avec Zèbe que ce serait chouette d'avoir un projet un peu plus ambitieux que ce qu'on fait dans les Alpes. On fait toujours. plein de choses vraiment belles, esthétiques, en combinant l'escalade, l'alpinisme avec le parapente et on avait envie d'un projet en cran au-dessus. Et Zeb avait déjà gravé l'Everest, avait déjà volé du sommet de l'Everest. Alors, il avait gravé l'Everest deux fois. La première fois, en 14, à l'âge de 17 ans. C'était le plus jeune sommeteur et ils avaient essayé de décoller en parapente du pass avec son papa du col sud. Enfin, ils avaient essayé de décoller du sommet. du coup ils avaient décollé du pôle Sud, ce qui était déjà un exploit à l'époque. Il y est retourné en 2001 à l'époque avec son ex-femme, et ils ont pu aussi cette fois-là décoller du sommet, donc ils ont réalisé le premier place. Et puis quand on réfléchit à une idée de projet plus ambitieuse, Zem me dit « moi il y a un sommet que j'aimerais vraiment faire, c'est le K2 » . Et là moi je me dis « le K2, mais le K2 c'est la montagne la plus dangereuse, c'est la montagne un peu la plus dure » . Et moi, je ne suis jamais allée à 8000 mètres. Je n'ai aucune expérience sur un sommet de cette altitude. Mais le cadeau est une montagne qui m'a toujours fascinée. J'avais lu le livre de Wanda Rukevic quand j'étais adolescente, qui est une alpiniste polonaise qui a fait des choses extraordinaires dans les années 80, qui a disparu en montagne. On n'a jamais retrouvé son corps, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Mais c'est une personne qui avait beaucoup marqué mon imaginaire adolescente. Et quand Zem me dit le mot K2, enfin le nom de cette montagne, ce mot résonne vraiment à moi. Je me dis, oui, en fait, s'il y a un seul 8000 à gravir, c'est vraiment le K2 qu'il faut gravir. Donc, je me dis, là, gros challenge, gros challenge, il va falloir se préparer, il va falloir s'en tenir comme un athlète. Parce que quand on tente un 8000 sans oxygène, en fait, je pense que quand les gens ne sont pas du milieu et ne savent pas trop, Ils imaginent que prendre de l'oxygène, ça ne change pas vraiment pour aller sur un 8 000 mètres. Et en fait, ce qu'il faut vraiment dire, c'est que la différence, c'est incomparable. La différence, elle est énorme. On n'est pas là pour juger les gens. Vous faites le sommet avec oxygène, nous, on le fait sans oxygène. On est juste sur deux choses complètement différentes. Et moi, je comprends tout à fait ces personnes qui veulent faire l'Everest aujourd'hui. qui prennent de l'oxygène, elles ont un mois consacré à cette montagne, elles ne peuvent pas s'entraîner à côté comme il faudrait. Gravir un 8000 mètres haut, j'entends un 8000, 8100 sans oxygène, c'est dur, mais ce n'est pas aussi dur qu'un 8400, un 8500, un 8600 ou un l'Everest qui est presque un 8009 au final. Et pour ça, il faut s'entraîner comme un athlète de haut niveau. En fait, on ne peut pas envisager ces montagnes sans un entraînement de haut vol. Parce qu'au-dessus de 8 000 mètres, on est dans la zone de la mort. Et sans oxygène, il faut essayer d'aller le plus vite possible. Et le plus vite possible, c'est extrêmement lent en fait. Notre corps n'est plus oxygéné. Notre cerveau n'est plus correctement oxygéné. Ce n'est pas qu'il n'est plus oxygéné, mais on a 30 % de l'oxygène qui alimente nos muscles, 30 % de l'oxygène qui alimente notre cerveau. Et c'est pour ça qu'il y a au final très peu de gens qui essayent d'éliminer 1 mètre sans oxygène. Donc nous, on a un défi. On voit sur la montagne, qui est un des 8000 mètres les plus techniques par la voie normale, qu'il y a une renommée qui fait un peu peur, parce que jusqu'à il y a quelques années, un quart des personnes qui gravissaient à le K2 ne redescendait pas vivante. Donc le pourcentage était quand même vraiment dramatique, en fait. C'est en train d'évoluer avec de plus en plus d'expéditions commerciales qui sécurisent plus la montagne. Donc on n'est plus maintenant à 25% des personnes qui grimpent le K2. qui ne redescendent pas vivantes. Mais voilà, la colonne, c'est taura de montagne dangereuse. On part sur un 8000 sans oxygène. On veut porter notre matériel, on veut porter notre bi-place et on veut essayer de faire une première en décollant du sommet du K2. Ça fait beaucoup d'inconnus. Ça fait beaucoup de choses dont on n'a pas les réponses. Comment je vais réagir au-dessus du 1000 mètres ? Est-ce que je suis capable ? Est-ce que la femme d'aujourd'hui que je suis est capable de gravir cette montagne sans oxygène ? Est-ce qu'on est capables de décoller du sommet ensemble ? Beaucoup d'inconnus, mais je crois que c'est aussi ce côté-là qui fait le challenge. Je n'ai pas les réponses. je ne sais pas où on va, et on va l'aborder étape par étape. On va prendre une étape après l'autre, et on va faire le mieux possible pour rester en sécurité. C'est comme ça qu'on fait dans notre métier de guide. Quand on va sur un sommet, on prend étape par étape avec les gens qu'on emmène. On est toujours à l'écoute d'eux, est-ce qu'ils sentent bien ? On n'est pas à l'abri qu'on nous dise « là, j'ai vraiment très mal à la tête » , donc on fait la décision de redescendre. Et on avance étape par étape. Tant que tout va bien, on continue d'avancer. S'il y a un risque ou quelque chose qui nous semble mettre la personne en danger, on étudie la situation très rapidement en se disant « Ok, qu'est-ce que je peux faire pour qu'on ne soit pas en danger ? Comment est la personne que j'emmène ? » Et c'est comme ça qu'on arrive à emmener les personnes au sommet pour réaliser leurs rêves en sécurité et les ramener en bas à leur famille. Et nous, on a procédé pareil sur le cas d'eux.

  • Speaker #0

    Et comment on fait alors pour se préparer ? Parce que là, vous étiez en France. Du coup, pour vous préparer, comment on se prépare à aller à ces altitudes-là et du coup, avoir la préparation physique nécessaire ? Est-ce qu'il y a des choses à faire pour essayer de se préparer au manque d'oxygène quelque part ? Comment est-ce que tu as fait en fait ?

  • Speaker #1

    Se préparer au manque d'oxygène sur un sommet de 8 mètres, c'est quand même assez compliqué. Mais moi, j'ai pris un coach. J'ai pris un coach sportif. Je me suis dit, bon, je sais m'entraîner dur parce que je l'ai fait quand je fais de la compression de l'escalade. Par contre, je ne sais pas m'entraîner en endurance. Ce n'est pas ma fibre, ce n'est pas mon sport de prédilection. Donc, j'ai pris un coach qui avait l'habitude d'entraîner des personnes qui allaient sur des 8 mm. Et j'ai fait énormément, j'ai construit une grosse, grosse base de volume avec énormément de dénivelé positif, avec des longues journées, des longues sorties de 7 heures, de 10 heures en montagne. Et par-dessus cette grosse base… l'endurance, on a rajouté de la vitesse. J'ai fait des intervalles training. Je pense que je n'avais jamais eu à faire avant dans ma vie. C'est hyper dur, en fait. C'était, voilà, de faire du sprint dans une montée avec des crampons à cracher du sang. Je n'avais jamais vécu ça, en fait, avant. Et c'était vraiment dur. Des fois, les séances, je les redoutais. J'étais là, voilà, demain, j'ai une séance d'intervalle. Ça va être dur. Et j'ai aussi fait beaucoup de montées très raides, des kilomètres verticaux avec l'estée, avec un sac, avec une poche d'eau de 20 litres, donc 20 kilos, plus mon parapente. Et arrivé en haut, je le vidais la poche d'eau et je redescendais en volant. Donc, j'ai vraiment eu un entraînement spécifique. Je m'entraînais six jours sur sept, en fait, pendant de nombreux mois. Mais je savais que je ne pouvais pas réussir ce 8 mètres sans cet entraînement. Sans cet entraînement poussé, c'est impossible. Nos corps sont tellement mis au-delà de 8400, sans oxygène, on touche vraiment les limites de l'humain. Donc, il faut être hyper entraîné pour arriver à continuer à avancer. Et pour te donner un exemple, et pour donner un exemple aux personnes qui nous écoutent, les 150 derniers mètres de dénivelé, ils nous ont pris 3 heures, 3 heures d'ascension pour gravir 150 mètres. On montait à 50 mètres heure, ce qui n'était pas... Moi, je n'avais pas imaginé qu'on pourrait être aussi lent. Et en fait, nos corps sont tellement en hypoxie, les muscles, lever la jambe devient hyper dur, chaque pas devient hyper dur. Je dis ça, je me dis, les gens doivent peut-être se demander « Mais pourquoi vous le faites ? Ça a l'air d'être que de la souffrance. » En fait, ce n'est pas tellement de la souffrance parce qu'il n'y a pas de douleur. C'est juste que c'est... On n'y arrive plus. C'est difficile de mettre un pied devant l'autre. C'est difficile d'avancer. On marche le 10 pas, on s'arrête 5 minutes.

  • Speaker #0

    On remarque, je ne dis pas, on s'arrête 5 minutes. Mais il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de souffrance. C'est juste que c'est dur et que mentalement, il ne faut pas lâcher.

  • Speaker #1

    Ça doit être extrêmement étrange comme sensation. Tu es super ralenti.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. Il n'y a pas de douleur, mais on est ralenti. On ne peut même pas imaginer. On n'avait pas idée quand on préparait ça depuis la maison à Chamonix. On ne pouvait pas imaginer qu'on soit ralenti à ce point-là. Et pour donner un exemple... Concrètement, on monte régulièrement au sommet du Mont Blanc, c'est à 4 800 mètres, presque 5 000 mètres. On décolle régulièrement du sommet. Quand on arrive au sommet, en gros, en 5 minutes, on a enfilé la sellette de parapente, on a étalé la voile. C'est bon, t'es prêt ? Ouais, bon. Et on décolle, ça nous prend 5 à 7 minutes. Au sommet du K2, ça nous a pris 45 minutes parce qu'enfiler une sellette, vérifier qu'on l'a bien mise, parce que là, on vérifie plusieurs fois, on sent qu'on est… conscient mais quand même pas on n'a pas toute notre lucidité donc on vérifie bien les attaches tout ça étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait on continue d'étaler la voile on faisait trois pas on s'arrêtait étaler la voile vérifier les suspentes s'accrocher et et décoller ça nous a pris un effort un effort surhumain en fait et on se rend pas compte parce que oui parce qu'il faut presque monter là haut pour le vivre mais on n'est pas dans la douleur, on est juste au ralenti, avec notre cerveau qui fonctionne, mais pas non plus à 100%, et avec notre corps qui est extrêmement lent à se mouvoir.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Effectivement, je pense que c'est très dur à imaginer. Déjà, quand on a été juste un petit peu des altitudes, on n'a pas l'habitude d'aller. Je trouve que juste en y allant, on sent déjà qu'on est un peu mou. Donc j'imagine cet effet-là complètement décuplé, ça doit être incroyable. Et du coup, d'arriver à... quand même être lucide, parce que c'est aussi ça, il faut arriver à vraiment être lucide pour faire toutes les étapes dans l'ordre, c'est un sacré challenge.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, mentalement, on a répété plein de fois ce qui allait se passer au sommet, et on avait imaginé que le vent serait hyper fort, parce que sur ces 8 mètres, il y a souvent beaucoup de vent, on s'était fait des scénarios, ok, on sera assis dans la neige tous les deux, on va gonfler la voile, on va se faire arracher par le vent, et en fait, on arrive ce jour-là. au sommet du K2, il n'y a pas du tout de vent, et on se regarde et on se dit il va falloir courir pour donner de la vitesse à la voile pour qu'elle gonfle, et c'était le dernier des scénarios, on n'avait pas du tout imaginé que ça se passerait comme ça en fait, et c'est ça qui fait toute la beauté de ce qu'on fait c'est que c'est plein d'inconnus c'est un challenge, on a une expérience, on a des compétences et en fait il va falloir ouvrir le bon tiroir pour pouvoir répondre à la situation dans laquelle on est. Et là, on était dans une situation qu'on n'avait pas imaginée une seule seconde, celle où il n'y avait pas du tout de vent. Voilà, l'option Z. On s'était dit, on espère qu'il n'y aura pas trop de vent, qu'on pourra décoller. On s'était dit, ça va être fort, ça va nous arracher. On l'avait répété mentalement. Et en fait, ce n'est pas ce scénario-là qui s'est produit. C'était celui de, on va devoir courir, accrocher les deux avec la fatigue d'une ascension de 14 heures. avec des crampons pieds où il ne faut pas qu'on s'accroche les crampons, avec un précipice de 3000 mètres, il ne faut pas qu'on tombe, il ne faut pas que quelque chose se passe avant qu'on soit sous la voile. Donc, il fallait tout faire juste et être bien présent dans l'action. Effectivement.

  • Speaker #1

    Et l'ascension, est-ce que ça s'est bien passé ? Enfin, ça s'est bien passé puisque vous l'avez faite et que vous êtes redescendue. Mais je veux dire, est-ce que tu l'as bien vécu ? Donc évidemment, avec cet aspect très ralenti et très difficile. Mais est-ce que ça s'est quand même passé, disons, un peu tel que prévu ?

  • Speaker #0

    Alors, notre ascension, elle s'est déroulée sur trois jours. Quand on part sur un 8000 mètres sans oxygène, on part pour à peu près deux mois. Parce qu'il faut faire des rotations d'acclimatation. Il faut habituer progressivement son corps à l'altitude. Quand on est arrivé au camp de base, au bout d'une semaine, le camp de base, il se trouve à 100 kilomètres. du dernier village et c'est 100 km de glacier. Pendant une semaine, on a mis 5 jours, pendant 5 jours, on remonte un glacier sur 100 km et enfin, on arrive au pied de la montagne et on pose notre camp de base. Ce camp de base, il se trouve à 5000 m d'altitude. Donc déjà, on va vivre à 5000 m d'altitude et déjà ça, en fait, le premier jour, c'est dur. Les 2-3 premiers jours, c'est dur parce que tout notre corps doit s'adapter à cette altitude-là. Le système digestif doit s'adapter, le souffle, le sommeil. Voilà, plein de choses qui doivent s'adapter. Et en fait, à partir de 5000 mètres, on va faire des papiers de 500 mètres. Donc on va monter le premier jour à 5000 mètres, on va redescendre. On se repose, on va remonter à 5500, on va dormir à 5500, on va monter à 6000, on va se reposer, enfin on va redescendre, on va se reposer. Et ainsi de suite, on va faire des paliers comme ça, de 500 mètres par 500 mètres, où on va passer des nuits toujours un peu plus haut, pour habituer progressivement notre corps au manque d'oxygène et l'habituer à produire plus de globules rouges et à s'acclimater. Et ça c'est une période... qui va prendre entre 3 et 4 semaines selon la météo. Parce qu'il y a des moments où on ne peut pas aller sur la montagne comme on veut, parce qu'il fait mauvais, parce qu'il a neigé, parce que la montagne est avalancheuse, parce qu'il y a du vent, que c'est la tempête et qu'on ne peut pas aller sur cette montagne. Donc il y a plein de moments pendant qu'on est en expédition où on est aussi cloué au camp de base parce qu'il fait mauvais. Quand on a fini cette période d'acclimatation, on attend ensuite la fenêtre météo. pour pouvoir faire le sommet. Et là, on a cette fenêtre météo de trois jours, avec le dernier jour vraiment une journée annoncée, avec pas beaucoup de vent. Donc on part du camp de base le vendredi, et on monte directement à notre camp 2, où on a déjà monté notre pente, où il y a déjà notre duvet, où il y a déjà notre parapente d'huit places. On a monté tout ce matériel au fur et à mesure des rotations d'acclimatation. Notre camp 2, il est à 6600. Donc on a eu l'habitude... après trois semaines, de partir de 5000 pour monter directement à 7600 parce que notre corps, là, il est acclimaté et qu'on peut le faire. On passe la nuit au camp 2, on n'a pas du tout mal à la tête, on est bien. Le lendemain, on part du camp 2 pour monter au camp 3 à 7360 mètres. Et là, par contre, on n'a pas pu monter avant au camp 3, donc on n'a pas monté notre matériel. Donc on part très chargé depuis 6600 pour monter à 7300. Et en fait, on est tellement chargé avec notre bille-place, notre matelas et notre tente qu'on ne peut pas prendre nos duvets, par exemple. On ne prend pas les salles de couchage. Et on se dit, bon, ce n'est pas grave, on dormira dans nos tenues en duvet qui sont prévues pour du moins 35. Et de toute façon, on ne va pas faire une très grosse nuit puisqu'il faudra qu'on parte à minuit ou une heure du matin. Donc, on monte à 7 360 mètres, presque 7 400. On sent l'altitude, on sent que c'est un peu dur. C'est la première fois qu'on arrive à cette altitude-là. Et là, il faut creuser une plateforme dans la neige pour pouvoir poser sa tente. parce que le camp est en pente, donc il faut creuser une pâte pomme pour avoir la tente à plat. Ça nous prend aussi beaucoup d'énergie. Mais voilà, on pose nos tentes, on se fait nos trous, on fait fondre la neige, on s'hydrate, on mange, on se sent plutôt bien. Pareil, pas du tout mal à la tête, pas besoin d'aspirine, pas besoin de rien du tout. Donc on se dit, c'est bien, on est plutôt en forme. Et le lendemain, vers minuit, on se réveille et on plie la tente, on plie le matériel. Parce qu'on a quand même embauché un porteur d'altitude pour monter. avec nous au camp 3 pour nous redescendre tout ce matériel. Ce matériel, on ne peut pas du tout envisager d'aller au sommet avec. Et on ne veut pas non plus laisser ce matériel sur la montagne parce que ça va participer à cette pollution qu'il y a déjà dans les camps d'altitude. Donc on a Elias, un Pakistanais qui est monté avec nous et qui est censé redescendre notre matériel le lendemain. On lui plie tout, on lui plie la tente, les matelas, le réchaud. Et nous, on part avec un autre petit sac, un petit sac chacun. où on a un bi-place, une paire de moufles de rechange au cas où on en perd une avec le vent, par exemple, on voulait en prendre des images, on perd une moufle. Deux lits de chacun, un piolet et des petites doudounes supplémentaires au cas où il fasse vraiment froid. Et on part dans la nuit à 1h30, 1h40 du matin. Il fait très froid, il doit faire au moins 30. Il y a du vent. Et c'est un peu normal, en fait, quand on part de nuit, quand il y a du vent. à très haute altitude, il fait extrêmement froid. Et on commence à monter tranquillement. Je suis devant Zeb. Au début, ça va bien. Et puis, au fur et à mesure, je vois que Zeb commence un peu à ralentir le pas. Et je me dis, tiens, c'est étonnant. C'est toujours Zeb. Zeb est plus fort que moi physiquement. Dans tout ce qu'on fait, il va être devant moi. S'il y a un sac qui est plus lourd qu'un autre, c'est lui qui l'a. C'est lui qui a le temps de faire plus d'images parce qu'il est plus rapide, donc il a le temps de se placer. pour me faire des images. Et là, je me dis que ça commence à être dur vers 8 000 mètres. Je vois que ça commence à être un peu dur pour Zeb. Et c'est lui qui porte le bi-pass. C'est lui qui a le sac le plus lourd. Et en fait, je lui dis comment tu te sens. Et il me dit, ouais, là, je ne suis pas au meilleur. Ce n'est pas ma meilleure journée. Je trouve que c'est dur. Je lui dis, est-ce que tu te sens de porter le bi-pass jusqu'au bottleneck, jusqu'à 8 100, 8 200 ? Et après, je prends le relais, je le porte jusqu'au sommet. Et il me dit, bah oui, on va essayer comme ça. On arrive sous le bottleneck et là, en fait, on est au soleil, il fait extrêmement chaud, on est déshydraté. Et je vois que c'est vraiment dur. C'est vraiment dur pour moi, c'est vraiment dur pour Zeb. et vraiment on fait un gros point en zibon ça va encore, on n'a pas d'hallucinations, on est encore très lucide, on continue. Elle me dit oui, on continue. Et on se dit, mais si à la moindre signe de fatigue, si le premier cas a une hallucination, on redescend et on décolle d'où on est. Et pour moi, dans ma tête, en fait, j'étais très sereine, parce que déjà d'être là, à cette altitude-là, sans oxygène, sans l'avoir fait avant, je me suis dit, si on doit redescendre là... et qu'on ne va pas semer, ce n'est pas grave parce que je suis déjà hyper satisfaite de là où on est. Je me suis dit qu'on va mettre un pas devant l'autre, on va continuer et on va voir jusqu'où on peut aller. Je prends le bi-place, Zeb prend le sac le plus léger et il se met derrière moi à mon rythme et on avance comme ça. Régulièrement, on échange comment tu te sens, ça va, oui, ça va encore, tu es lucide, oui, je suis lucide. On se parle beaucoup, en fait, toute la montée. pour vérifier qu'il n'y en a pas un qui commence à trop défaillir physiquement ou à perdre un peu le mental. Et on sent qu'on est tous les deux dans le jeu, on est dans le game, on monte très doucement sur la fin. C'est extrêmement exigeant et notamment mentalement c'est dur, il faut aller chercher loin pour s'accrocher, pour aller au sommet. On a une barrière horaire à respecter, on s'est dit si on n'est pas à 17h, quoi qu'il arrive. indépendamment du lieu où on se trouve, il faut absolument redescendre. Donc si on n'est pas au sommet à 17h, on redescend, c'est notre barrière horaire et c'est notre garde-fou pour rester en vie en fait. Parce qu'il y a trop de gens qui sont arrivés au sommet à 20h, exténués et qui n'ont pas pu redescendre et qui sont restés là-haut. Donc nous on se dit, à 17h, c'est notre barrière horaire. Si on n'est pas au sommet, on doit absolument redescendre. Donc on a cette barrière horaire, on avance, on voit qu'on avance doucement, mais on avance, on y croit. Et finalement, on arrive au sommet. Donc, ça a été une montée qui a été quand même pleine de doutes, mais aussi qui a avancé. Encore une fois, on était dans l'action, un pied devant l'autre. On ne se préoccupe pas du reste. On ne s'inquiète pas du reste. Tout ce qu'on a à faire, c'est avancer et essayer de garder le rythme.

  • Speaker #1

    C'est intéressant aussi de voir que vous prenez d'avance des décisions qui du coup sont rationnelles et qui... permettre de vous sauver au cas où finalement, vous n'arrivez pas vraiment à suivre. Mais si vous ne les aviez pas prises en avance, peut-être qu'effectivement certaines personnes se font avoir parce qu'elles se disent encore un petit peu, encore un petit peu. Vous vous décidez en avance. Telle heure, de toute façon, si on n'y est pas, c'est stop. Si on a des hallucinations, c'est stop. C'est intéressant de voir que vous prenez toutes ces dispositions pour survivre, mais qu'elles sont prises en amont au moment où vous êtes lucide.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. tu le résumes très bien en fait si on ne pose pas le cadre si on ne pose pas les bases et si on n'est pas ok avec ce qu'on a décidé en bas au calme au chaud bien nourri et avec toutes nos têtes ça va être extrêmement dur là-haut avec le manque de lucidité de prendre la bonne décision et c'est trop facile pour un alpiniste qui est trop attiré par le sommet de se voiler la face et de se dire non mais je continue Je continue, ça va le faire, je vais pouvoir redescendre. Donc pour nous, c'était très important de se dire et de voir qu'on était tous les deux en phase avec ça. Il faut que ça reste fun, on va le plus haut possible, on ne se met pas en danger. 17h, c'est notre barrière horaire. Et si de toute façon, il y en a un qui commence à physiquement ne pas aller bien ou mentalement avoir des hallucinations ou d'autres problèmes, c'est la redescente, on redescend. Et aussi, ça me fait rebondir un peu sur... pourquoi le choix du biplast ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris chacun un parapente ? Et en fait, le choix du biplast nous permettait de rester tout le temps ensemble. C'était soit on arrive ensemble au sommet et on tente de décoller ensemble, soit on s'arrête ensemble. Si on a un ou deux qui ne va pas bien, les deux s'arrêtent ensemble et on essaye de décoller s'il fait ainsi de près, si ce n'est pas trop raide. On essaie de décoller de là où on est pour entrer au camp de base. On aurait pris chacun une voile individuelle. Peut-être que l'un des deux aurait été tenté de dire, écoute, moi, je ne me sens pas, mais toi, continue. Et là, en fait, la séparation faisait que, sans oxygène, s'il se passe quelque chose, la personne ne va pas être secourue. Il n'y a rien. Elle va rester là-haut. Elle va juste mourir.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vraiment beaucoup d'éléments, en fait, qui permettent quand même d'assurer la sécurité. Ce n'est pas si facile à décider. Et cette descente, alors, c'était... Est-ce que tu peux nous raconter ? Ça doit être... incroyable de décoller d'un tel endroit et avec tous les sommets environnants, etc.

  • Speaker #0

    Cette descente, c'est le vol d'une vie en fait. Le K2, c'est une montagne triangulaire comme ça, qui est toute seule. Il n'y a pas d'autres montagnes autour. Et donc, on se retrouve là propulsé quasiment dans la stratosphère. C'était pour nous, on avait l'impression d'être presque sur la Lune en fait. Avec aucune autre montagne autour, on est au-dessus d'énormes glaciers. On met 35 minutes à descendre. Les paysages sont incroyables, la sensation, elle est incroyable. On ne réalise pas encore qu'on l'a fait. Je pense que quand on a posé, on s'est retourné et on s'est dit « Mais on l'a fait, on l'a vraiment fait. On vient de gravir cette montagne derrière nous et on vient d'en décoller. » C'était vraiment des émotions hyper fortes et incroyables, difficiles à réaliser. On n'en revenait pas, on a mis vraiment beaucoup de temps à réaliser. Et le vol, c'est un vol magique. Il faut voir les images. pour se rendre compte de la hauteur, pour se rendre compte d'où on est, de ce qu'on vit. C'est le vol d'une vie, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Ça doit être magique. Justement, on peut voir des images que vous avez réalisées, un film, que vous allez présenter pour la première fois le 14 juin au Chamonix Film Festival. Qu'est-ce que ça représentait pour vous de partager ça avec le grand public ? Parce que du coup, on a partagé votre expérience. On aura la chance de vivre un petit peu. Évidemment, pas vivre, mais... de voir tout l'environnement dans lequel vous avez évolué, votre aventure ?

  • Speaker #0

    Oui, avant de partir, on s'est dit qu'on allait essayer de documenter cette aventure. Qu'on arrive au sommet de la montagne et qu'on réussisse à décoller ou pas, il y a toujours plein de choses à vivre, à partager. Et donc, on avait déjà décidé de s'associer avec un réalisateur, Mathieu Rivoire. qui nous a un peu briefé sur certaines prises de vue, sur certaines choses à ne pas oublier de filmer. Et puis nous, après, sur le terrain, on a filmé le mieux possible à chaque fois qu'on pouvait. On n'avait pas... Des expés sur des mises sont des expés qui coûtent extrêmement cher et on n'avait pas de budget pour avoir un caméraman en plus avec nous. Donc on a fait toutes les images nous-mêmes. C'est vrai que quand on est déjà au-dessus du 1000 mètres, que c'est dur, il faut se dire, allez, il faut sortir la caméra. C'est un petit effort supplémentaire, mais en vrai, on est très fiers d'avoir réussi à le faire. Et on ramène de très belles images, un film de 41 minutes, qui j'espère plaira au public. Je pense que c'est important quand on vit ces moments un peu d'exception, ces moments fous, de pouvoir le partager avec les gens. ça apporte Ça apporte du rêve, ça apporte de la bonne énergie. Ça peut faire des clics chez certaines personnes. Il y a des gens qui m'écrivent, qui me disent « Ah, mais j'ai vu ton film là. » Je pense à mon ancien film « Leave it on the way » . Et je me suis dit « Mais là, il faut que j'ose. Je vais faire ce que j'ai toujours voulu faire dans ma vie, que je n'osais pas faire. » Et quand on reçoit des messages comme ça, où les gens nous disent « Mais vous avez fait des clics. Ça m'a donné envie de franchir le cap. » Je trouve que c'est la plus belle.

  • Speaker #1

    la plus belle des des récompenses presque voilà c'est on fait pas ça pour ça mais c'est tellement pour nous aussi fort d'entendre ça et de se dire bah tiens ce qu'on fait permet à d'autres personnes de se lancer c'est extraordinaire oui c'est clair que c'est merveilleux comme message en retour tu dis que t'as vraiment contribué à plein de choses différentes et comment en fait d'un point de vue très pratique vous aviez quoi genre une petite caméra type gopro ou parce que il y a quand même vous avez déjà plein de trucs à porter ... Donc la contrainte caméra en plus, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Voilà, alors sur toute l'expédition, on avait deux drones, on avait deux Insta360 X4, on avait une GoPro et on avait nos téléphones, des iPhone 15 Pro qui filment super bien. Et juste le jour du sommet, on est parti le plus léger possible. On a fait plein de beaux plans avec le drone à chaque fois qu'on montait sa climatée. Le jour du sommet, on savait qu'on laisserait le drone. On est partis, on avait chacun nos deux iPhones, on avait une Insta360, une batterie et une GoPro. Il fallait qu'on soit le plus léger possible, donc on a vraiment minimalisé le matériel vidéo. Et c'est comme ça qu'on a fonctionné.

  • Speaker #1

    Oui, ça paraît logique. C'est déjà pas mal d'ailleurs d'avoir tout ça. Parce que l'Instagram en plus, je pense, on le sent quand même passer.

  • Speaker #0

    Exactement. il faut vraiment à très haute altitude le prendre Le poids, c'est l'ennemi numéro un. Il faut vraiment tout calculer, tout optimiser pour rester sécu, mais pour être le plus léger possible.

  • Speaker #1

    Et toi, tu étais, en fait, en réalisant cette ascension, tu étais la deuxième Française à réussir à gravir le K2 sans oxygène, si je ne me trompe pas. Qu'est-ce que ça représente pour toi ?

  • Speaker #0

    En fait, je n'avais pas trop réfléchi à combien de femmes avaient gravi le cas de sans-oxygène, combien de femmes françaises l'avaient gravi. C'est vrai que je savais que Chantal Mauduil avait gravi, je savais que Liliane Barral avait gravi, mais malheureusement, elle était décédée lors de la descente. Alison Hargrave, une Anglaise qui a fait beaucoup d'alpinisme, pareil, qui est décédée lors de la descente. c'est quand on est arrivé en bas où il y a des gens qui nous disent mais tu sais qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui vont gravir sans oxygène et c'est vrai qu'en fait gravir le K2 sans oxygène ça reste quelque chose d'assez exceptionnel puisqu'au jour d'aujourd'hui on n'est pas 10 femmes à l'avoir fait peut-être que là dans l'été 2025 il y aura d'autres femmes qui vont gravir sans oxygène mais je crois que je suis la 8ème ou la 9ème femme à gravir ce sommet sans oxygène pour dire on est vraiment un tout petit nombre de femmes femme à avoir réussi à atteindre ce sommet sans aide d'oxygène supplémentaire.

  • Speaker #1

    C'est vraiment impressionnant. Ça permet aussi quand même de se rendre compte, quand on est un peu extérieur à ce milieu, de l'ampleur de la performance. C'est quand même vraiment incroyable. Et pour terminer, Liv, quels sont tes prochains projets ? Est-ce que tu as toujours plein de projets ? J'imagine qu'il y en a d'autres à venir.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr que... que réaliser ce qu'il y a d'eux dans ces conditions-là, ça nous a... Moi, j'ai regardé Zep, j'ai dit, mais moi, je veux engravir d'autres. Les émotions, le paysage, la vue, tout ce qu'on a vécu, c'était tellement incroyable, tellement beau. Bien sûr, c'était dur, bien sûr, ça a demandé énormément d'efforts, de préparation, mais finalement, en fait, notre mémoire, elle ne garde que le plus beau et pour moi, c'était tellement... Ouais. Tellement d'émotions positives que je me suis dit, ah moi j'ai envie de repartir sur un autre 8000 pour faire peut-être différemment, pour peut-être skier, pour faire autre chose. En 2025, on ne va pas repartir parce qu'on a d'autres projets personnels, mais on va travailler pour trouver du budget pour pouvoir repartir en 2026. Et je crois que moi et Zeb, on a bien envie de repartir au Pakistan. Deux autres 8000. qu'on va essayer de probablement combiner avec le parapente, essayer de faire les deux 8000 dans la même journée en décollant d'un sommet pour poser sur l'autre. On va voir si tout ça peut se mettre en place. Mais on est encore très motivés pour se préparer, pour se lancer un nouveau défi, un nouveau challenge avec de l'inconnu, tout en restant dans ce qui nous paraît suffisamment sécu.

  • Speaker #1

    Incroyable, ce sera toi à suivre pour nous aussi. J'ai une petite question traditionnelle pour la fin. Est-ce que tu aurais un message à transmettre à des femmes qui rêvent d'aventure et de montagne ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Je pense que toute femme qui rêve d'un projet, qui rêve d'aventure, qui rêve de montagne, il faut oser y aller. Il faut vous préparer. Il faut croire en vous, en fait. Une femme, elle peut tout faire, elle est capable de tout faire, donc elle peut s'autoriser tous les rêves, parce qu'elle est capable de tous les réaliser. Je crois qu'il faut vraiment bien préparer les choses, préparer en amont les choses, être prête, croire en soi et se lancer. Il y aura plein d'inconnus, il y aura plein de difficultés en chemin, il y aura plein de moments incroyables, mais une femme, elle a... toutes les capacités, toutes les compétences pour mener à bien ces projets et il faut vraiment se lancer, il faut vraiment y aller,

  • Speaker #1

    il faut vraiment croire en soi C'est un beau message pour terminer merci beaucoup Liv, franchement ce partage c'était vraiment chouette d'écouter ton récit et j'ai très hâte de voir le film du coup qui sortira donc bientôt à voir au Germany Film Festival, cas de mon amour et un grand merci et plein de bonnes choses pour la suite pour vos prochains projets

  • Speaker #0

    Merci à toi Lorraine A bientôt. A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. A bientôt.

Chapters

  • Introduction et présentation de Liv Sansoz

    00:04

  • Les débuts de Liv et son parcours en montagne

    00:46

  • Les premières victoires en escalade et leurs impacts

    02:47

  • L'exploit du 8C+ et la barrière mentale

    05:16

  • L'accident de 2001 et le processus de reconstruction

    07:53

  • Le projet des 82 sommets de plus de 4000 mètres

    11:16

  • L'expédition au K2 et les défis rencontrés

    20:21

  • La descente en parapente et la réalisation du film

    44:01

  • Message de Liv pour les femmes aventurières

    52:00

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